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Modèles fondamentaux :

1 Modèle de l’acteur unique :


1.1 Caractéristiques :
L’organisation se confond avec un acteur unique, homogène, rationnel, conscient de lui-même
et de son environnement, et doté d’objectifs et/ou de préférences relativement stables. Parler
de modèle de l’acteur unique ou de modèle mono-rationnel, alors que l’expression modèle
rationnel est plus souvent utilisée, se justifie pour deux raisons. D’une part, il faut éviter de
suggérer que les autres modèles supposent des acteurs irrationnels, ce serait une erreur ;
d’autre part, il convient de mettre l’accent sur le fait qu’une seule logique d’action est à
l’œuvre. La décision est assimilée au raisonnement d’un acteur unique, individuel ou collectif,
réel ou fictif, dont la conduite est rationnelle en ce sens qu’il cherche à maximiser la
réalisation de certaines fins, en utilisant les moyens dont il dispose.

Le degré de pureté ou de sophistication de cette rationalité peut être très variable selon les
acteurs et les situations, mais il s’agit d’une mono rationalité qui exclut tout conflit sur les
objectifs et sur la façon de décider. L’action se déduit des objectifs et/ou des préférences
(confrontés à une situation donnée). Les objectifs sont clairement et précisément définis, et
l’organisation les sert comme un seul homme. Les préférences sont stables (dans le temps),
mutuellement exclusives, pertinentes (elles s’appliquent sans difficulté aux situations
concrètes), exhaustives (il n’y a pas de situation à laquelle elles ne puissent s’appliquer) et
exogènes (le cours de l’action ne les modifie pas).

Le processus de décision se résume à une succession d’étapes logiquement enchaînées :

• formulation du problème ;

• repérage et explicitation de toutes les actions possibles ;

• évaluation de chaque action par des critères dérivés des objectifs ou des préférences ;

• choix de la solution optimale.

1.2 Exemples de modèles de l’acteur unique :


1.2.1 Le choix des investissements :

Le modèle monorationnel est à la base de la théorie et du calcul économiques ; il inspire une


grande partie des techniques de gestion. Ainsi, la procédure de choix des investissements,
telle qu’elle est formulée par les spécialistes de gestion financière, se découpe en quatre
phases :

• Détermination des objectifs prioritaires de la politique d’investissement, en fonction de la


stratégie de l’entreprise ;

• Génération des propositions d’investissements, chaque projet est caractérisé par :


l’investissement initial, les flux financiers générés, la durée de vie et la valeur résiduelle ;
• Evaluation des projets : à partir des caractéristiques précédentes, les projets sont évalués en
fonction de critères financiers homogènes, par exemple le taux de rentabilité interne (TRI) ou
la période de remboursement ;

• Sélection des projets : les projets qui dépassent le seuil fixé pour les critères (par exemple,
un TRI supérieur à 12 %) sont adoptés ; si l’on doit sélectionner un seul projet, on choisit
celui qui présente la meilleure performance.

Cette démarche, présentée ici de manière simplifiée, peut montrer une grande sophistication
technique, notamment dans la prise en compte du risque, mais la logique reste la même.

1.2.2 La stratégie selon le modèle de Harvard :

Ce modèle, connu sous le sigle LCAG du nom de ses auteurs ( Learned, Christensen,
Andrews et Guth (19690)) représente toujours un point de référence important car il
constituait le premier modèle d’aide à la formulation stratégique. Il est basé sur deux concepts
clés qui sont l’idée de « compétence distinctive », développée par Selznick en 1957, et le
concept de « stratégie de secteur d’activité », développé par Chandler en 1972 dans un
ouvrage de référence, Stratégies et structures de l’entreprise. Le modèle LCAG offre un
raisonnement logique en cinq phases :

1. Évaluation externe :
•identification des menaces et des opportunités dans l’environnement ;
• identification des facteurs clés de succès.

2. Évaluation interne :
• identification des forces et faiblesses de l’entreprise par rapport à la concurrence et par
rapport au temps ;
• identification des compétences distinctives par rapport à la concurrence.

3. Création et évaluation de toutes les possibilités d’action (= stratégies).

4. Éclaircissement des valeurs de l’environnement (responsabilité sociale de l’entreprise) et


des valeurs managériales (dirigeants).

5. Choix des manœuvres stratégiques en fonction des ressources et mise en œuvre des
stratégies.

Figure 2. Le modèle LCAG.


Les éléments de ce modèle constituent les racines de la démarche stratégique. L’analyse
externe conduit à l’identification des opportunités et des menaces. Les auteurs ne précisent
pas le processus par lequel le stratège va identifier ces éléments mais insistent sur le fait que
la dimension externe de l’entreprise va contribuer à identifier un ensemble d’actions en
adéquation avec l’environnement dans lequel évolue l’entreprise. Les valeurs de
l’environnement seront par la suite intégrées dans la formulation de la stratégie. L’analyse
interne permet de réaliser un diagnostic de l’entreprise qui fait état de ses principales forces et
faiblesses. Ce diagnostic permet l’identification d’une compétence distinctive qui peut se
résumer par la maxime suivante : « Être bon n’a pas de sens si les concurrents sont meilleurs.
» L’analyse interne sera complétée par l’intégration dans la formulation de la stratégie des
valeurs des dirigeants, à savoir leurs volontés, leurs buts et objectifs généraux qui orientent de
manière déterminante la stratégie mise en œuvre

Les possibilités d’action émergent de la confrontation de ces deux analyses : potentialités de


l’environnement et capacité de l’entreprise. Chaque orientation sera analysée en termes
d’avantages et d’inconvénients, de risques et de résultats attendus, et de compatibilité avec les
stratégies en cours. La formulation de la stratégie permet de définir les activités dans
lesquelles l’entreprise va se développer, ainsi que les objectifs et les moyens d’action qui
constitueront la mise en œuvre de la stratégie.

Ce modèle, bien que simple dans sa présentation, représente un processus d’analyse


stratégique riche et complexe. Il propose une méthode progressive qui doit conduire à des
conclusions réfléchies. La frontière trop nette entre analyse externe et analyse interne a été
contestée à plusieurs reprises par d’autres auteurs plus contemporains. En effet, certaines
recherches ont montré que les stratèges ne distinguent pas réellement analyse interne et
analyse externe dans la formulation de leurs choix stratégiques. Mintzberg (1999) reprochent
au modèle LCAG de nier certains aspects fondamentaux de la stratégie, notamment la
stratégie émergente, c’est-à-dire le développement « incrémental » de l’entreprise, l’influence
de la structure existante sur la stratégie, et la participation d’acteurs autres que le PDG dans
l’élaboration des stratégies.
1.2.3 Le modèle de l’acteur unique cognitif :

Le modèle de l’acteur unique a récemment été revitalisé par l’apport d’une perspective
cognitive. Il a été admis que les raisonnements des décideurs n’avaient pas la rigueur qu’on
leur avait supposée. La psychologie cognitive expérimentale a en effet identifié de nombreux
biais cognitifs, qui représentent des écarts de la pensée humaine « naturelle » par rapport au
calcul rationnel. La figure 20.1 en présente les principaux

s à un événement extérieur. De plus, le modèle monorationnel suppose que les changements


observés sont les résultats des choix volontaires et libres de ce décideur individuel ou
collectif. Il nie l’existence des conflits et des stratégies des individus et des groupes. Enfin, ce
modèle suppose qu’il y a une relation directe entre l’importance donnée à une décision quand
elle est prise et l’importance de ses résultats. Ce principe, selon lequel les grands effets sont
produits par de grandes causes, est, malheureusement pour le modèle mono-rationnel, souvent
infirmé par l’expérience.

1.3 Portée et limites du modèle de l’acteur unique :

Le modèle de l’acteur unique se présente sous de multiples habillages. Il est le seul modèle utilisé
dans l’enseignement des sciences de l’ingénieur et des sciences économiques, et de très loin le modèle
dominant dans celui des sciences de gestion. Quelles qu’en soient les versions, il revient à considérer
la décision comme le travail intellectuel d’un acteur unique.

Les critiques adressées au modèle mono-rationnel sont nombreuses. Une première remarque consiste à
observer que les théories de l’acteur unique sont le plus souvent du type normatif et non explicatif.
Elles répondent à la question comment faire ? plutôt qu’aux questions comment ce choix at-il été
fait ? ou pourquoi cela s’est-il passé ainsi ?

En second lieu, on peut retenir les critiques très synthétiques faites par l’un des pères de l’analyse
scientifique des processus de décision, J.G. March, qui met en évidence les hypothèses sous-jacentes
à ce modèle. Le modèle mono-rationnel suppose que la décision est l’adaptation logique d’un acteur
unique doté de préférences cohérentes et stables à un événement extérieur. De plus, le modèle mono-
rationnel suppose que les changements observés sont les résultats des choix volontaires et libres de ce
décideur individuel ou collectif. Il nie l’existence des conflits et des stratégies des individus et des
groupes.

Enfin, ce modèle suppose qu’il y a une relation directe entre l’importance donnée à une décision
quand elle est prise et l’importance de ses résultats. Ce principe, selon lequel les grands effets sont
produits par de grandes causes, est, malheureusement pour le modèle mono-rationnel, souvent infirmé
par l’expérience.

2 Le modèle politique :
2.1 Biographie de Charles Lindblom :

Charles Lindblom ou Charles Edward Lindblom, né le 21 Mars 1917 et mort le 30 janvier


2018 , est un universitaire américain qui travailla principalement à la croisée des sciences
politiques et de l'économie . Il est connu pour ses théories de l'incrémentalisme ( ou
gradualisme) .
Il naît dans une petite ville de Californie, dans une famille modeste d'origine suédoise. Il
étudie à Stanford à partir de 1933 puis étudie l’économie à l'université de Chicago à partir de
1936 .
Il se dirige ensuite vers le champ naissant de la science politique. Il enseigna en particulier à
la fois les sciences politiques et économiques à l'Université de Yale, où il finit professeur
émérite. Il fut également président de l'American Political Science Association entre 1980 et
1981 , et de l'Association for Comparative Economic Studies.
[1]

Charles Lindblom est l'un des premiers développeurs et défenseurs de la théorie de


l'incrémentalisme (ou gradualisme) dans la prise de décision politique. Ce point de vue
consiste à procéder par étapes de modifications légères dans l'approche de processus
décisionnels. Dans ce contexte, la plupart des changements politiques sont évolutifs plutôt que
révolutionnaires. Charles Lindblom a particulièrement appliqué son point de vue dans ses
études approfondies des politiques sociales et syndicales du monde industrialisé.
Le gradualisme selon Charles Lindblom est une approche de la prise de décision politique qui
favorise l'incrémentation progressive des politiques publiques. Il considère que des petits
ajustements réguliers sont plus efficaces que des réformes radicales. Lindblom insiste sur
l'importance de l'apprentissage par l'expérimentation pour résoudre les problèmes sociaux. Il
met en avant la nécessité de prendre en compte les intérêts et les opinions divergentes des
acteurs politiques. Selon lui, le gradualisme permet de minimiser les risques liés à l'incertitude
inhérente à la prise de décision politique.

Les nombreuses autres œuvres de Lindblom incluent « The Intelligence of Democracy », «


The Policy-making Process » et « The Market System: What It Is, How It works, and What
To Make of It ».

Dans le modèle politique, l’organisation est vue comme un ensemble de joueurs – individus
ou groupes – placés dans des situations particulières au sein d’une structure plus ou moins
précise (ligne hiérarchique, processus budgétaire, division du travail). Les joueurs sont dotés
d’intérêts et d’objectifs propres, et contrôlent différentes ressources (autorité, statut, argent,
temps, hommes, idées, informations). L’organisation n’a pas d’objectifs clairs a priori. Ses
objectifs sont discutés et redéfinis à partir de l’interprétation qu’en font les acteurs compte
tenu de leur situation de pouvoir. Les objectifs peuvent rester vagues, ambigus, et leur
stabilité n’est pas garantie. Les individus ou entités mènent des stratégies particulières à partir
de leur situation propre. La confrontation des stratégies particulières est en partie régulée par
la structure de l’organisation et s’exprime au travers des jeux de pouvoir, dans lesquels les
acteurs utilisent avec plus ou moins d’habileté les ressources dont ils disposent. Influence,
coalition, conflit, ruse, sont des éléments normaux du processus politique. Le changement est
possible, mais sa maîtrise difficile. La probabilité du changement dépend de la structure des
jeux de pouvoir, des stratégies particulières des acteurs, de l’environnement. À une extrémité,
le processus politique donne un changement lent et progressif, par petits coups qui n’ébranlent
pas l’édifice des rapports entre joueurs ; à l’autre extrémité, se trouve la révolution, le
bouleversement complet des règles du jeu, de la distribution des ressources et de la liste des
joueurs.

2.2 Exemples de modèles politiques :


2.2.1 L’incrémentalisme « disjoint »:
Le politologue C. Lindblom décrit un mode de décision qui, selon lui, est bien plus employé, du
moins par les hommes politiques, que la méthode-rationnelle. S’il est plus employé, c’est qu’il est plus
réaliste et plus efficace que le modèle rationnel dans les situations complexes. Le modèle dit de
l’incrémentalisme disjoint a des caractéristiques qui l’éloignent radicalement du modèle mono-
rationnel : le choix d’une action se fait sur pièce, sans spécifier ou clarifier préalablement les objectifs
poursuivis ou les valeurs évoquées car, de manière générale, les acteurs et parties prenantes sont en
désaccord sur ceux-ci.

On discute directement des actions concrètes, et chacun attribue aux actions les fins et valeurs qu’il
perçoit ou qu’il désire. Ainsi, une mesure concrète d’aide fiscale à l’investissement pourra recevoir
l’approbation des patrons (parce qu’elle améliore la rentabilité de l’investissement) et des syndicats
(parce qu’elle favorise l’emploi), sans nécessiter pour autant un accord entre eux sur la politique
générale du gouvernement. Le critère de choix d’une action n’est pas sa contribution à la satisfaction
d’objectifs préexistants, mais le degré d’accord qu’elle suscite.

Dans l’analyse et la recherche d’actions, le décideur se limite à ce qu’il perçoit et conçoit facilement ;
il néglige certains aspects du problème, il n’envisage qu’un petit nombre d’actions parmi celles qui
sont possibles, il n’en étudie pas toutes les conséquences. On retrouve ici le principe de rationalité
limitée. Les décideurs font des choix entre des actions qui ne diffèrent que marginalement les unes des
autres : ils procèdent par comparaison successives et limitées à des points précis, sans recourir à des
évaluations globales, qui sont souvent impossibles, faute d’un savoir théorique suffisant.

L’application de cette méthode produit une succession d’ajustements marginaux, un grignotage


continu que C. Lindblom oppose aux vastes coups de dents de la méthode rationnelle. C’est une
politique des petits pas, un tâtonnement systématique, par lequel les décideurs recherchent un résultat
satisfaisant plutôt qu’optimal ; préfèrent le sûr au meilleur ; se réservent des possibilités de retour en
arrière et de réorientation ; cherchent à améliorer les situations existantes plus qu’à atteindre des
situations idéales ; corrigent sans cesse leurs actions ; cherchent à éviter les problèmes majeurs, les
changements radicaux, et se soucient peu des détails. Les décisions se succèdent ainsi sans cohérence
véritable (elles sont donc « disjointes »). Mais leur faible ampleur limite les effets contradictoires.

2.2.2 Les jeux politiques internes :

Les décisions stratégiques sont à la fois l’occasion et l’objet de luttes internes dans l’entreprise. À
travers les problèmes stratégiques, les acteurs poursuivent des stratégies de construction de leur
autonomie et de leur influence. H. Mintzberg propose une liste des principaux jeux politiques qu’on
peut rencontrer dans une organisation. En voici quelques-uns :

• les jeux de construction d’empires, très prisés parmi les cadres supérieurs, consistent à établir et
augmenter sa base de pouvoir à travers l’augmentation de la taille du service que l’on dirige, la
maximisation de son budget de fonctionnement et d’investissement, l’attribution de missions et de
compétences réservées. Ces jeux nécessitent souvent des alliances avec les pairs et, pour les moins
puissants, le parrainage de supérieurs ou d’aînés ;

• les jeux de l’insoumission, pratiqués par des acteurs a priori peu puissants, visent à contester une
décision ou plus globalement l’autorité en place. Ils se nourrissent des accès privilégiés aux savoirs et
aux informations pratiques dont bénéficient ces acteurs. Parfois, ils débouchent sur un coup de sifflet,
c’est-à-dire une dénonciation de comportements jugés illégitimes, auprès de la direction ou même à
l’extérieur de l’organisation (presse, consommateurs, pouvoirs publics) ;

• les jeux du changement au sommet cherchent à modifier les équilibres de pouvoir dans l’entreprise.
Un moyen privilégié est de se porter candidat à des postes stratégiques avec, si possible, le soutien de
pairs ou de supérieurs. Parfois un groupe soudé de « jeunes Turcs » se forme avec pour but de forcer
l’accès au pouvoir en se plaçant à des postes clés. Ces jeux politiques ont bien souvent leurs règles
implicites, propres à l’identité de l’organisation. Toutefois, ces règles peuvent être transgressées par
des acteurs qui souhaitent un changement radical. L’entreprise peut alors se transformer en arène
politique, situation d’affrontement généralisé qui constitue une crise grave pour l’organisation.

2.3 Portées et limites du modèle politique :

Le modèle politique est hérité principalement de la science politique. Il a été développé à partir de
l’observation des organisations ou des institutions publiques. Son apport essentiel est d’attirer
l’attention sur les interactions des stratégies particulières au sein des organisations et, finalement, sur
les jeux de pouvoir que cachent les discours rationnels et les organigrammes bien dessinés. Son
utilisation est cependant complexe, car il requiert beaucoup d’informations. On peut lui faire deux
critiques principales. D’une part, en insistant sur les stratégies particulières, ce modèle tend à masquer
le fait que les règles et les structures, dans le cadre desquelles ces stratégies s’exercent, sont aussi des
instruments de pouvoir. Ainsi, une large partie des ressources dont disposent les acteurs pour
influencer les décisions (autorité, budget, personnel d’étude) dépend de décisions d’organisation qui
ne sont pas traitées dans les modèles élémentaires. Le modèle politique néglige également l’existence
d’éléments qui transcendent les stratégies particulières : valeurs communes, projets, identité. Tous ces
éléments peuvent orienter l’action plus sûrement que tout processus de négociation, car ils peuvent
exister en dehors de toute discussion.

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