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Amorce : Spinoza : « Je ne fais pas consister la liberté dans un libre décret mais dans une libre

nécessité. »

Problématique : D’où pour nous la nécessité de se poser la question suivante : puisque, la liberté
n’est pas un état, mais un agir permanent, les hommes sont-ils aptes à l’assumer et à l’accepter comme
engagement et comme responsabilité ? Veulent-ils vraiment être libres ou sont-ils enclins à préférer la
soumission rassurante et passive à la liberté exigeante et active ?

I/ La liberté est une valeur, une vertu désirable parce qu’elle dote l’homme de l’excellence et de
puissance d’agir, de vouloir

1) La liberté est une faculté qui actualise le pouvoir pour l’homme d’agir et de vouloir sans
contraintes et sans limitations. En tant que telle, elle est pour l’homme une puissance d’agir, de
vouloir et d’être par le pouvoir qu’elle donne de s’accomplir et de s’affirmer à partir de soi. C’est
cette liberté que célèbre Sartre quand il écrit « Au-delà de ce que je suis de par l'hérédité et de
ce qu'on a fait de moi par le milieu et l'éducation, il y a ce que je fais avec ce que je suis et ce
qu'on a fait de moi. ». Par conséquent la liberté équivaut à la capacité actualisée et accomplie de
l’individu qui jouit du statut de sujet de vouloir de faire et d’agir.
2) Quatre formes de capacités existent et équivalent à quatre libertés. Il y a d’abord la liberté de
l’action qui suppose que l’homme a en lui-même la capacité d’être le sujet souverain et
autonome de tout ce qu’il entreprend et qu’il est la cause à la fois nécessaire et suffisante de
penser et de réaliser ses actes. Pour s’accomplir, cette première forme de liberté a besoin de
reposer sur la seconde : la liberté de la volonté qui suppose à son tour que l‘agent possède la
puissance de désirer ce qu’il compte entreprendre sans qu’il soit déterminé par autre chose que
lui-même, c’est celle qui selon Pic de la Mirandole explique notre pouvoir de faire de nous-
mêmes ce que nous voulons quand « une sorte d’ambition sacrée envahisse notre esprit et fasse
qu’insatisfaits de la médiocrité, nous aspirions aux sommets et travaillions de toutes nos forces à
les atteindre (puisque nous le pouvons, si nous le voulons). ». Ensuite, il faut mention er la
troisième frome de la liberté que la philosophie nomme la liberté métaphysique qui renvoie à la
notion du libre-arbitre entendu dans le sens d’un pouvoir total et inconditionnel de se
déterminer soi-même sans être déterminé par rien. Elle suppose que ce que l’individu fait de sa
vie et de ses actes n’est pas déterminé par ce qu’il est , c’est-à-dire par son essence ou son être
mais au contraire le crée, l’invente et le choisit spontanément : « Il n'y a, écrit Descartes, que la
seule volonté, que j'expérimente en moi être si grande que je ne conçois point l'idée d'aucune autre
plus ample et plus étendue ; en sorte que c'est elle principalement qui me fait connaître que je
porte l'image et la ressemblance de Dieu ».
3) La liberté exprime l’idéal de l’homme sujet, puissant, maître de lui-même et souverain du
monde : L’idéal de la liberté métaphysique présuppose que l’homme agissant est causa sui
( cause de lui-même) et qu’il possède le pouvoir indéterminé de se déterminer soi-même : c’est
à cette liberté que pense Sartre quand il dit :« Quand une fois la liberté a explosé dans une âme
d'homme, les Dieux ne peuvent plus rien contre cet homme-là. » car « l’homme n'est rien d'autre
que son projet. Il n'existe que dans la mesure où il se réalise, il n'est donc rien d'autres que
l'ensemble de ses actes, rien d'autres que sa vie.(…) Un homme s'engage dans sa vie, dessine sa
figure, et en dehors de cette figure, il n'y a rien. ». Enfin reste la liberté de penser ou liberté de
l’esprit : c’est la liberté qui nous est offerte par l’objectivité universelle de la raison, rien ne
détermine cette forme de la liberté car elle est certaine et exacte, et parce qu’elle elle ne se
soumet qu’au vrai et ne dépend pas de notre désir ou de notre égo : « Il n'y a rien, déclare Alain,
qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées ».
En somme, La liberté est une valeur.que telle elle est Elle relève de la philosophie morale et
fait sens vers l’excellence humaine. Elle incarne ce faisant une vertu, c'est-à-dire un idéal qui
représente u horizon et non un terme. La liberté est un processus et non un état et en tant que
telle inaccessible (Alain) Et toute valeur ne vaut que proportionnellement à l’amour que
l’individu lui porte.

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II/ L’homme ne peut pas se dire libre car il est déterminé par la nécessité ; il se croit libre parce qu’il
ignore les causes nécessaires et extérieures qui le déterminent à agir:
1) Mais étant fini et limité, l’homme ne peut pas, logiquement et ontologiquement, être considéré
comme sujet ni comme cause de lui-même, or si les fondements de la liberté sont faux, la liberté
elle-même semble être une illusion, une opinion ou une erreur du jugement et de l’entendement.
L’homme n’est pas libre parce qu’il est un étant et un existant qui fait partie du monde et est
déterminé de ce fait à subir les lois de la nécessité. En effet, Pour l’homme, qui est une étendue finie
englobée par le monde, « Exister, c'est dépendre » déclare Alain pour montrer que l’homme est
déterminé dans tout ce qu’il entreprend e qu’il subit la loi de la nécessité qu’elle soit physique,
biologique, sociale, économique ou culturelle.
2) Il s’ensuit de ce premier constat que l’homme n’est pas la cause adéquate de ses actes. Il faut
rappeler avec Spinoza qu’en tant qu’hommes déterminés par la nécessité « Nous sommes agités de
bien des façons par les causes extérieures, et pareils aux flots de la mer agités par des vents contraires,
nous flottons, inconscients de notre sort et de notre destin. ». En somme, Spinoza pense que l’homme
n’est pas libre parce qu’il n’est pas la cause inadéquate de ses actes ; il fait reposer cette assertion sur
le fait que l’homme n’est pas la cause adéquate ou véritable de ses actes. En effet l’homme est pour
Spinoza un agent causé et affecté par des causes externes et non un acteur causant ses actes, ses
pensées et ses états d’âme, « L’homme, écrit-il, n’est pas un empire dans un empire : partie infime de
la Nature totale, il dépend des autres parties. ».
3) Il s’ensuit que l’homme se dit libre par ignorance des véritables causes qui le font agir et qui
expliquent ce qu’il vit, ressent, pense ou fait « Dans son ignorance, écrit Spinoza, des causes
véritables, il se croit libre. Il est pourtant rarement la cause adéquate de ses actes et dans la mesure où
il n’en est que la cause inadéquate, dans la mesure où le monde l’envahit et le rend comme étranger à
lui-même, à sa nature véritable, il est passif, c’est-à-dire encore passionné. ». Donc, étant donné que
l’homme est une cause inadéquate et passive, il ne peut pas se dire libre puisqu’en principe un être ne
peut être considéré comme libre que s’il agit à partir de lui-même et sans aucune forme de contrainte
qui l‘influence.
En somme, c’est parce que les hommes sont ignorants des lois de la causalité et du
déterminisme qu’ils croient qu’ils sont libres : « Les hommes, écrit Spinoza, se trompent quand ils se
croient libres ; cette opinion consiste en cela seul qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants
des causes par lesquelles ils sont déterminés ». Spinoza démontre ainsi que tout acte libre suppose
de l’incertitude ou implique nécessairement la nécessité du choix qui suppose à son tour la réussite
ou l’échec.

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III/ La liberté est un effort qui a un prix c’est pour cela que les hommes lui préfèrent la servitude
volontaire :
1) La liberté est la puissance d’affirmer ou de nier qui accroit la puissance et augmente le conatus
« Notre liberté ne consiste ni en une quelconque contingence, ni en une quelconque indifférence,
mais en un mode d’affirmer ou de nier. De sorte que moins nous sommes indifférents à affirmer
ou à nier une chose, plus nous sommes libres », plus « la liberté n'est qu'à celui qui de son entier
consentement vit sous la seule conduite de la Raison. » la raison comme puissance d’autonomie
et de libération. A entendre dans le sens suivant : « La puissance humaine est très limitée, et
infiniment surpassée par la puissance des causes extérieures. Et par conséquent nous n'avons
pas le pouvoir absolu d'adapter à notre usage les choses extérieures. Cependant les choses qui
nous arrivent et sont contraires à ce que demande la raison de notre utilité, nous les
supporterons d'une âme égale si nous prenons conscience que nous avons rempli notre fonction,
que la puissance que nous possédions ne pouvait pas s'étendre assez loin pour les éviter, et que
nous sommes une partie de la Nature totale, dont nous suivons l'ordre. ». Donc être libre c’est
consentir à soi et consentir au monde et à la nécessité dans les deux cas. « Chaque chose écrit à
ce propos Spinoza, selon sa puissance d'être, s'efforce de persévérer dans son être », la liberté
est donc un effort de cet ordre et cet effort est continu et permanent.
2) Qu’elle soit consentement à la nécessité chez Spinoza ou liberté totale et absolue chez Sartre, la
liberté, comme pouvoir d’agir, de vouloir ou de penser, est un agir qui exige un effort, une mise à
l’épreuve, elle enclenche une série de risques et affronte une pluralité d’aléas qui génèrent du
souci et de l’inquiétude chez l’individu. En tant que telle elle constitue un fardeau et une
pesanteur non une grâce ou une sinécure. La liberté est donc fondamentalement action voire œuvre
et création. Elle suppose le souci et de l’angoisse que le temps impose à l’homme : il faut lutter
pour construire la liberté et maintenir l’effort de la lutte pour la préserver, la protéger et la faire
durer. Donc chaque instant de l’expérience de la liberté et chaque liberté acquise par l’homme est
cause de souci. Il s’ensuit qu’il fat repenser le terme même de liberté et le remplacer par celui
d’autonomie ou de libération. En effet cela se justifie par le fait que la liberté comme autonomie
n’est jamais à vrai dire définitivement acquise à tel point qu’il n’est pas possible qu’un homme
puisse dire je suis libre et puisqu’il est nécessairement embarqué dans une action inachevée et
inaccomplie qui se poursuit dans le temps comme une lutte ininterrompue contre tout ce qui peut
la limiter ou la contraindre. Partant, il faudrait repenser la liberté comme une pratique
d’autonomisation et de libération parce que ces deux vocables ont l’avantage de renvoyer à une
action qui perdure. Ainsi, non seulement les hommes s‘illusionnent et se trompent sur la liberté,
mais souvent ils lui préfèrent la soumission et la servitude plus rassurantes et moins exigeantes. En
effet, à la liberté les hommes préfèrent la servitude protectrice et réconfortante. Etienne de La
Boétie a forgé le concept politique de La servitude volontaire pou rendre compte de ce paradoxe
« C’est le peuple qui s’asservit, écrit-il, et qui se coupe la gorge ». Du fait de cette servitude
désirée et admise, l’homme, souligne La Boétie, oublie l’existence, la possibilité et la valeur de la
liberté : « il n'est pas croyable comme le peuple, dès lors qu'il est assujetti, tombe si soudain en
un tel et si profond oubli de la franchise, qu'il n'est pas possible qu'il se réveille pour la ravoir,
servant si franchement et tant volontiers qu'on dirait, à le voir, qu'il a non pas perdu sa liberté,
mais gagné sa servitude.». « J'admets qu'il aime mieux je ne sais quelle assurance de vivre
misérablement qu'un espoir douteux de vivre comme il l'entend. ».
3) Il s’ensuit que les hommes désirent la sécurité et non la liberté. Or la condition première de la
sécurité est la soumission voire la servitude volontaire, c’est-à- dire le renoncement même à la
liberté. C’est pour cela que La multitude veut le confort de ne pas être responsable car elle
préfère la sécurité. En effet pour Etienne de la Béotie : la multitude ne veut pas liberté et ne peut
même pas concevoir sa valeur ou son utilité. Elle est donc incapable de liberté et désire la
servitude volontaire. La liberté est un effort de libération et d’autonomisation par rapport à ce
qui détermine l’homme : « J'appelle libre, écrit Spinoza, quant à moi, une chose qui est et agit
par la seule nécessité de sa nature ; contrainte, celle qui est déterminée par une autre à exister
et à agir d'une certaine façon déterminée.
Pour rendre cela clair et intelligible, concevons une chose très simple: une pierre par exemple
reçoit d'une cause extérieure qui la pousse, une certaine quantité de mouvement et, l'impulsion
de la cause extérieure venant à cesser, elle continuera à se mouvoir nécessairement. Cette
persistance de la pierre dans le mouvement est une contrainte, non parce qu'elle est nécessaire,
mais parce qu'elle doit être définie par l'impulsion d'une cause extérieure. Et ce qui est vrai de la
pierre il faut l'entendre de toute chose singulière, quelle que soit la complexité qu'il vous plaise
de lui attribuer, si nombreuses que puissent être ses aptitudes, parce que toute chose singulière
est nécessairement déterminée par une cause extérieure à exister et à agir d'une certaine
manière ».

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