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Initiation à la recherche

Semestre 4 1
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU

Chap. III- La linguistique de terrain


1- Objet de recherche, terrain, contexte et corpus
a) L’objet de recherche et ancrage disciplinaire
Tout objet d’étude doit s’inscrire dans un domaine de recherche quand bien même
l’approche serait interdisciplinaire. Autrement dit, une recherche en sociolinguistique par
exemple pourra s’ouvrir sur l’anthropologie, la didactique, la sociologie, la gestion, la
communication, etc. mais elle relève foncièrement de la sociolinguistique par son fond
scientifique. La pluridisciplinarité elle aussi ne nie pas l’ancrage disciplinaire. Un objet d’étude
pourra être traité de différents points de vue.
Le chercheur devra en effet définir la disciplinaire qui héberge son objet d’étude. Une
recherche s’inscrit dans un domaine et est reliée à un concept:
 les inégalités, la domination, le partage, la reproduction, .... relèvent du domaine de
la sociologie ;
 l’alternance des langues, le bilinguisme, le parler citadin et urbain, la diglossie, ...
de la sociolinguistique...

b) Terrain, contexte et corpus


Il est judicieux d’analyser les aspects distinctifs de trois concepts essentiels dans toute
recherche en sciences du langage et d’en tracer les contours : le terrain par rapport au contexte
et le corpus par rapport au terrain.
Commençant par le terrain. P. Blanchet précise que :

« La question du terrain de recherche ne se réduit pas à la définition d’un espace


géographique. Si ce critère constitue bien souvent une variable déterminante, il
faut envisager au moins trois autres critères : un terrain est également un espace
temporel, social et situationnel (au sens d’une micro-situation d’interactions). Il
est nécessaire de prendre explicitement en compte le fait que le terrain n’est pas
un « objet » dissocié du chercheur mais que le terrain est un réseau d’interactions
humaines et sociales, fréquenté et transformé par le chercheur, qui en fait partie
de façon récursive » (2011 : 17, 18)
Le seul critère spatial ne saurait rendre compte de l’étendu de cette notion dans une
recherche. Les critères : temporel, social, situationnel et relationnel font aussi partie des traits
définitoires de la notion de terrain. Par ailleurs, c’est le contact avec le chercheur qui définit le
terrain. En d’autres termes, est terrain de recherche tout élément social et situationnel fréquenté

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par le chercheur et porteur de données durant la période de sa recherche. Ainsi, il « n’est pas
un objet dissocié du chercheur » : quand ce dernier entreprend sa quête, il porte son terrain là
où il a le statut de chercheur : dans les unités de l’étude, les interactions et les inter-influences.
Dans ce sens, M. Agier estime que « le terrain n’est pas une chose, ce n’est pas un lieu, ni une
catégorie sociale, un groupe ethnique ou une institution (…) c’est d’abord un ensemble de
relations personnelles où ‘on apprend des choses’. ‘Faire du terrain’, c’est établir des relations
personnelles avec des gens. » (2004 : 35).
Nous relevons un autre élément distinctif du terrain : la transformation. Il est transformé
par le chercheur qui se voit lui-même transformé par le terrain. Un rapport fondé sur
l’interaction et l’évolution dans un mouvement récursif.
Le terrain se définit par rapport au chercheur tandis que le contexte se définit par rapport à
l’objet d’étude. Le contexte couvre le terrain et tous les éléments qui s’interfèrent avec l’objet
d’étude quelle que soit leur nature. Quant au corpus, il occupe une place principale et sensible
dans une recherche en sciences du langage. C’est un ensemble des données du terrain collectées
ou produites et organisées en vue d’une analyse et une inférence. Le chercheur creuse dans son
terrain pour prélever ce qui est représentatif et significatif par rapport à sa problématique de
recherche. De ce fait, le corpus est identifié, sélectionné ou produit sur le terrain en cohérence
avec la problématique, la question de recherche et l’objet d’étude et selon des techniques
méthodologiques conçues pour ce fait. Le corpus se constitue par rapport aux phénomènes
observés.
2- L’enquête de terrain
2.1 Modalités d’approche du terrain
La production de connaissances (c’est-à-dire une recherche) pourrait émaner de différentes modalités
d’approches de l’objet d’étude qui correspondent à des stratégies de recherche manifestement différentes.
Je présente quatre stratégies ou plutôt quatre voies:
1. Un chercheur pourrait mener une étude pour examiner les tenants et les aboutissants d’une théorie.
Il vérifie sa véracité sur terrain. La théorie de la reproduction par exemple. Le chercheur a l’objectif
de répondre par des résultats empiriques aux postulats d’une théorie.
2- Le chercheur pourrait se lancer dans l’étude qui examine une situation sociale bien concrète. Il
étudie les causes ou les retombés d’un fait. Donnons l’exemple des effets de l’enseignement à
distance sur l’égalité des chances, ou l’impact de la fracture linguistique ou la fracture numérique
sur la réussite scolaire et universitaire. Et donc au départ de sa recherche, la situation est déterminée,
les objectifs aussi.
3- Par contre, un chercheur pourrait ne pas prédéfinir d’objectifs, ni partir d’une idée préconçue et
aller explorer une situation sociale, sociolinguistique ou socioculturelle. Son objectif est de

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comprendre et non pas expliquer comme dans le cas précédent. Par exemple, il pourrait se lancer
dans une recherche observation interprétation pour comprendre la nature des rapports qui existent
entre le milieu familial et la maîtrise des langues dans différentes régions et localités d’un territoire.
4- Un chercheur pourrait se contenter d’observer, noter ses observations en diversifiant les angles
de vue. Tenir un cahier de bord et noter ses observations et les classer en vue d’une éventuelle
exploitation empirique ou intellectuelle, et là on pourrait citer les romanciers naturalistes qui
exploitaient leurs regards de chercheurs dans la confection d’œuvre de fictions.

2.2 Les approches quantitatives et les approches qualitatives


Pour faire l’exploration empirique, deux approches sont à distinguer et qui se présentent comme
opposées ou paradigmatiques :
◦ L’approche hypothético-déductive relevant du paradigme quantitatif (le chercheur construit des
données chiffrées)
L’approche empirico-inductive relevant du paradigme qualitatif (le chercheur interprète ce qu’il observe
et les propos des informateurs)
Ces deux paradigmes reposent sur deux visions opposées du monde. Le choix de telle ou telle approche
dépend de la nature de l’objet d’étude et des convictions personnelles du chercheur.

L’approche quantitative: Production de données chiffrées par le recours surtout au


questionnaire comme procédés de recherche.

La démarche hypothético-déductive relevant du paradigme quantitatif est une approche qui part de
l’hypothèse pour déduire le résultat. Une hypothèse constitue le point de départ de la recherche. Les
données recueillies sont structurées et organisées afin de confirmer ou infirmer les postulats construits
théoriquement. On est dans l’étude statistique par échantillonnage (un sous ensemble de la population
ciblée). L’échantillon doit être représentatif sinon il biaise les résultats.
Le questionnaire est l’outil préféré de l’approche quantitative. Il structure un enchaînement de questions
qui traduisent les indicateurs. Donc il faudrait savoir formuler les questions en cohérence avec les
objectifs ciblés. Par ailleurs, le questionnaire présente l’inconvénient d’être fragile aux biais (des données
qui faussent les résultats).
La démarche quantitative pourrait présenter généralement l’inconvénient d’induire le chercheur
inconsciemment à valoriser les données qui confirment son hypothèse, de négliger les variables
contextuelles ou de couper ou étirer les données qui ne s’accordent pas à son lit d’hypothèses (Cf. Lit de
Procuste).

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L’approche quantitative émane d’une pensée positiviste ( fondée par Auguste Comte) qui domine dans
les recherches en sciences dures. Le positivisme est un courant de pensée qui prétend pouvoir explorer le
réel pour trouver la vérité en expliquant les phénomènes grâce à une méthode scientifique rigoureuse
fondée sur l’expérimentation. Le positivisme part de l’idée que l’homme est déterminé par son
environnement externe. L’exploration de la réalité part du principe que la réalité est dotée d’une essence
propre et qu’elle est soumise à des lois universelles. Ainsi, la recherche positiviste valorise la déduction
comme raisonnement et fait l’éloge de l’objectivité.

Les démarches qualitatives: la production de connaissances par le recours à l’observation


et à l’entretien semi-directif.
Les approches empirico-inductives s’inscrivent dans le paradigme de recherche cherchant la
compréhension de phénomènes humains : le paradigme qualitatif. Ladite compréhension est
immanquablement subjective dans la mesure où le sujet chercheur est impliqué dans sa propre démarche
de recherche. Cette subjectivité, qui paraît inéluctable, naît des interactions mutuelles entre le chercheur
et les autres éléments objet de son observation. Toutefois, la subjectivité est à entendre dans le sens que
le chercheur ne peut pas se détacher de lui-même pour comprendre et interpréter et non pas dans le sens
de rejeter le regard et le propos de l’autre.
Dans cette forme de recherche, le nombre d’enquêtés est limité et l’analyse est approfondie. L’échantillon
n’est pas représentatif mais qualitatif.
Cette approche repose sur une étude, souvent longitudinale, d’un corpus émanant d’un terrain et d’un
contexte, et rattache les résultats à ce contexte. Le chercheur impliqué dans son terrain est lui-même
gouverné par la nature des interactions qu’il développe ou subit. Il reconnaît et accepte l’immesurable et
l’immaîtrisable. C’est en effet une perspective complexe d’un monde incohérent et hétérogène qui préside
à cette conception empirique de la recherche.
Dans la démarche empirico-inductive, le chercheur est intégré dans son contexte et pris comme faisant
partie du fait qu’il observe. Il part de données recueillies de son terrain pour tenter une compréhension
fondée sur les significations qui jaillissent à son regard. Cette intégration de l’observateur dans le fait
étudié est assumée par une conscience des impacts qu’il produit sur ses informateurs. Dans ce sens, L.
Messaoudi précise que « Le chercheur est invité à faire son « auto-analyse », à prendre conscience de
ses préjugés en les verbalisant et à préciser ses motivations vis-à-vis de tel ou tel terrain, de telle ou telle
thématique. » (2003 :39).

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Cette démarche qualitative relève du paradigme constructiviste (Jean Piaget et Le Moigne) et


socioconstructiviste (Lev Vygotsky). Le principe fédérateur est que la recherche n’est pas un objet mais
un projet où la connaissance à produire est construite grâce à une interaction entre le sujet chercheur et
l’objet de sa recherche. Le chercheur est une intelligence, une conscience qui interprète le réel et que ce
réel ne peut exister en dehors de ce sujet pensant. Donc c’est l’être humain qui construit son réel. Cette
construction est dans ce sens ne peut être que subjective.
Or, les approches qualitatives peuvent être accusées de manque de rigueur surtout que la part de
subjectivité accordée réduit la distance entre le sujet chercheur et l’objet de sa recherche. C’est pour cela
que certains chercheurs optent pour une complémentarité entre la démarche empirico-inductive et celle
hypothético-déductive. Ainsi Philippe Blanchet (2012) propose une hybridation appelée méthode en
«sablier» conciliant les deux démarches.
2.3 Une approche hybride: La démarche en sablier
Une méthodologie de recherche n’est jamais infaillible ni exhaustive.
Les approches quantitatives partent d’hypothèses qui risquent de biaiser le regard du chercheur et de
négliger la complexité des variables du contexte. Les approches purement qualitatives n’échappent que
miraculeusement ou prétentieusement aux hypothèses du chercheur, ne peuvent qu’être micro-
sociolinguistique, microsociologique, micro-didactique. La conciliation des deux approches s’offre
comme une façon de dépasser les limites et les carences de chacune.
La démarche hybride est motivée par la complexité des situations et des contextes. Elle cherche à réduire
le problème de subjectivité dans l’interprétation empirico-inductive. La rigueur scientifique des méthodes
quantitatives de type hypothético-déductif permettront d’expliciter des données chiffrées plus
analytiques.
Une méthode mixte agence une approche statistique sur un échantillon (du quantitatif) et une approche
interprétative sur observation participante (du qualitatif) et ce pour étudier le même cas. Encore faut-il
savoir comment allier les outils de l’enquête.
P. Blanchet propose une alliance méthodologique qu’il nomme « de sablier ». Elle « va du global
(prise d’indices multiples en contexte complexe par observation participante) à l’analytique (via enquêtes
semi-directives et directives, traitement des données, catégorisations, croisements, validation) pour
revenir à une synthèse interprétative. » La démarche en sablier débouche sur une synthèse interprétative
fondée sur les connaissances produites par observation participante. Cette dernière demeure la phase de
voute dans la recherche. Les résultats interprétatifs permettront par la suite de mettre en place quelques
perspectives et conclusions. Le recours à l’analyse chiffrée est motivé par la nécessité de vérifier les

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interprétations avancées. Donc, cette approche hybride fait usage des outils de l’enquête quantitative pour
cadrer et vérifier les données produites et traitées qualitativement.

3- Les dispositifs de l’enquête : questionnaire, observation,


entretien,
3.1- Le questionnaire
Le questionnaire est un document d’enquête qui traduit les objectifs de la recherche en
questions destinées à obtenir des informations auprès des informateurs.
Dans une approche quantitative, le questionnaire reste l’outil de recueil de données le
plus utilisé. Dans une approche qualitative, l’observation participante et l’entretien, directif ou
semi directif restent les socles des dispositifs. Le questionnaire permettra d’étendre l’enquête
sur un large public, et de la faire doter d’une rigueur statistique mesurable surtout dans la
collecte de données contextualisantes : sexe, âge, langues parlées, données
socioprofessionnelles, etc. A ce propos, J.-C. Combessie (2001 : 33) précise que
« L’observation, l’entretien favorisent une approche intensive,
approfondissant un nombre limité de cas. Le questionnaire a pour
fonction principale de donner à l’enquête une extension plus grande et
de vérifier statistiquement jusqu’à quel point sont généralisables les
informations et hypothèses préalablement constituées. »
Ahmed Boukous attribue au questionnaire une position de choix parmi les instruments
dont dispose le sociolinguiste. « Il permet d’obtenir des données recueillies de façon
systématique et se prêtant à une analyse quantitative ». (1999 :14)
Pour établir un questionnaire, il faudrait :
1) Lister les informations requises pour sa recherche en définissant les aspects visés
dans le phénomène étudié.
2) Traduire ce contenu en des questions claires et adaptées aux répondants. Les
questions doivent être complètes et neutres, pertinentes et non provocantes.
3) Structurer les questions en des rubriques thématiques.
4) Pré-test du questionnaire : passer le questionnaire à quelques informateurs pour tester
le questionnaire et le modifier si nécessaire. Le pré-test permet de repérer les questions mal
rédigées et les questions inadaptées.

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Ne pas oublier d’introduire le questionnaire par une présentation de l’enquête et de le


conclure par des remerciements.

Modèle de questionnaire
• Questionnaire généralisé pour les élèves du BIOF

Nous menons une étude pour le développement de la qualité de l’enseignement dans les sections internationales du
baccalauréat marocain. Nous vous demandons de répondre à ce questionnaire avec beaucoup de justesse. Il ne vous
est pas demandé d’indiquer votre nom. Nous vous remercions.

I- Identification sociolinguistique
1- Vous êtes ? garçon Fille
2- Etablissement : privé public
3- Lieu d’origine : Urbain Rural
4- Parlez-vous le français en dehors de l’école ?
Très souvent (tous les jours ou Souvent De temps en temps Rarement Jamais
presque) (au moins une fois par (environ une fois par mois)
semaine)

II- Représentations Sur les langues


5- Pensez-vous qu’il y a des langues supérieures à d’autres ? oui non
6- Que pensez-vous de la langue française ?
Intéressante attirante normale facile difficile
Autre : ………………………………………………………………………………………………
7- Pensez-vous que la langue française diffuse les sciences mieux que la langue arabe ?
Oui Non C’est pareil
8- Trouvez-vous le français scientifique différent du français général ?
Pas de différences Légère différence Différence Grande différence Enorme différence
0 1 2 3 4

3.2- L’observation participante


L’observation participante, fortement adoptée dans les sciences sociales (l’ethnologie,
la sociologie, l’anthropologie) et les méthodes dites de terrain, a longtemps été accusée de
subjectivité falsifiant la réalité. Les recherches issues du positivisme régnaient et rejetaient tout
procédé impliquant le sujet humain et toute approche n’aboutissant pas à connaître une théorie
générale. Or, avec Bronislaw Malinowski et ses travaux d’anthropologie de terrain (1930),
l’observation participante connaît un grand essor. Les méthodes de l’observation se font une
place importante parmi les démarches de recherche et surtout dans le domaine de

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l’ethnographie. L’implication du chercheur dans son terrain de recherche n’est plus perçue
comme une falsification des réalités par la subjectivité de l’observateur. Au contraire,
l’insertion dans le terrain devient une justification des faits relatés et des interprétations qui en
sont faites.
Henri Peretz (2004) relève quatre usages différents du terme « observation » :
- Une méthode d’analyse de ce qui se passe dans la contemporanéité, d’où par exemple
« observatoire national du changement social » ;
- Un compte rendu d’une visite d’un milieu d’étude. Une sorte de préenquête sans que le
chercheur participe à la vie du milieu social étudié. Les observations sont rapportées sous forme
d’anecdotes ou d’épisodes ;
- C’est un « travail de terrain ». Le chercheur séjourne sur les lieux de son enquête. Il recueille
les données de diverses manières. Il donne lieu à des monographies ;
- Une observation ponctuelle conduisant à se mêler à une situation, à interagir sans rien modifier
ou provoquer. Elle n’obéit pas à un calendrier. Elle n’est pas systématique.
Deux types de l’observation participante sont à distinguer selon le degré de l’implication
participante dans le terrain, à savoir la participation observante et l’observation directe.
- Participation observante : l’expression de « participation observante » est souvent employée
pour désigner cette configuration de l’observation où le chercheur est intensément engagé dans
son terrain. Il est membre de la communauté observée et assiste à l’action. Le chercheur est
dans l’implication interactionnelle et intersubjective par des relations de proximité. Dans cette
configuration, la participation active du chercheur est considérée comme un outil de
construction de la connaissance.
- Observation directe : elle consiste à observer les acteurs in situ. le chercheur est physiquement
présent sur le lieu qu’il observe mais ne participe pas. Il recueille les données directement et
instantanément. Il négocie l’entrée et annonce la sortie. Le chercheur emploie une grille
d’observation préalablement préparée pour focaliser sur des éléments particuliers de la vie du
groupe social observé. Son objectif est de comprendre un fragment de la réalité, le saisir dans
l’état vif de sa production, l’intégrer dans l’analyse en vue d’aboutir, en le croisant avec les
résultats des autres dispositifs de l’enquête, à une transférabilité des interprétations.
L’observation implique un séjour sur les lieux de l’observation ou des visites répétées
afin d’apporter un témoignage et d’explorer l’objet de l’étude tout en étant dedans. Il s’agit de

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participer à la vie des observés de manière intégrée. Le chercheur est sensible aux situations
auxquelles il participe, mais il peut également en provoquer d’autres pour relever un sens. Le
chercheur recueille des données en participant lui-même aux situations. Il devient un pseudo
membre de la communauté observée.
Cette méthode, de par son immersion, semble plus profonde que celles ponctuelles du
questionnaire ou de l’entretien. Le chercheur est maître de son terrain par un contact quotidien
au cours duquel il essaie de vivre avec ses informateurs les situations de leur vie et participe
pratiquement aux activités ordinaires de chaque jour. Il est au milieu des échanges et des
conversations qui se donnent à son regard loin de tout académisme ou patronage.
Ceci dit, le chercheur-observateur se trouve dans l’obligation de se construire un mode
de comportement approprié aux situations qu’il observe afin de ne pas altérer la spontanéité des
observés et de ne pas provoquer une modification par son implication ostentatoire. La nécessité
de construire une familiarité avec le milieu de son observation permet de ne pas enfreindre les
règles de fonctionnement du groupe. Dans l’investigation sur les usages des langues, quand le
chercheur appartient à la communauté linguistique de son groupe observé, l’observation
participante semble fonctionner avec moins de difficultés et permettre à l’enquêteur de joindre
l’analyse des pratiques au discours qui s’en fait. Et quand il fait pratiquement partie de son
groupe, cela lui permet d’éviter les inconvénients de l’observation explicite dont le regard
perturbe l’observé. Cela suppose de la part de l’observateur une connaissance parfaite du groupe
observé et suppose également avoir les possibilités d’y accéder tout naturellement. Cette
posture autorise à l’observateur de réaliser son enquête de l’intérieur et de recueillir les données
telles qu’elles se produisent à l’état spontané et habituel.
Certes, bien que les paramètres du terrain ne soient pas modifiés par l’enquête de
l’intérieur, l’implication du chercheur pourrait néanmoins exciter sa subjectivité d’où le risque
d’envelopper les faits de visions trop particulières. Il s’en rajoute le problème de manque
d’exhaustivité et de représentativité dû au recours exclusif aux méthodes de l’observation.
Toutefois, il serait dérisoire de croire que l’observateur ne modifie pas son objet d’observation.
L’implication subjective du chercheur dans la vie de ses enquêtés conduit immanquablement à
la création de nouvelles situations auxquelles il participe, d’où l’inévitable résultat de
transformation.

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Trois aspects constituent la faiblesse de l’observation participante, la première est


constituée par l’impact de l’observation sur la production des faits ; la deuxième se rattache à
la prédisposition de l’observateur à teinter les faits de son parti pris des choses ; la troisième
concerne le caractère non exhaustif et non structuré des données recueillies par cette
méthodologie d’où la difficulté de soumettre tout le corpus à une analyse systématique.
Finalement, il importe de signaler que les données issues de l’observation ne sont pas des
« morceaux de réels » (J. P. Olivier de Sardan, 1995 : 4), mais des constructions de sens suivant
la posture subjective de l’observateur qu’il essaie d’objectiver par son langage, ses
interprétations et ces moments de recule et de réflexion distante.

3.3- L’entretien
Les sociologues accordent une importance particulière à l’entretien comme méthode
d’investigation, et surtout à l’entretien semi-directif. Il s’agit d’une entrevue avec les observés
qui sont appelés à répondre aux questions du chercheur. Pour ce faire, ce dernier doit préparer
au préalable le déroulement de l’entretien en préparant son guide. Il s’agit d’une liste de thèmes
et d’aspects qui feront l’objet de l’entretien permettant de ne pas perdre de vue les points
essentiels de l’enquête.
Toutefois, dans une option semi-directive, l’entretien ne doit pas être planifié selon une
dynamique préconçue. L’enquêteur reste mou quant aux fluctuations de l’enquêté de sorte à ne
pas interrompre le cours de son témoignage. C’est un discours co-construit avec les acteurs (A.
Blanchet et A. Gotman, 1992 : 40). Ainsi, le guide précise les thèmes et les questions
essentielles sans les aligner sur un enchaînement précis. Il se peut que l’entretien ne puisse
aborder l’ensemble des aspects souhaités, bien qu’il en ait révélé d’autres non prévus,
l’enquêteur devrait recourir à une autre entrevue afin de compléter sa recherche et de vérifier
les faits déjà relevés. Durant l’entretien, l’enquêteur enregistre et prend notes des articulations
essentielles de la discussion. L’enregistrement pourrait être transcrit par la suite afin de garantir
à l’analyse plus d’efficacité.
L’enquête semi-directive a l’avantage de ne pas contrarier la personne enquêtée par
l’aspect ostentatoire de l’enquête. Elle n’est pas définitivement orientée et tolère par ce fait le
style propre du chercheur qui modèle son travail selon ses compétences et son expérience.

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Références
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Sa pertinence dans le domaine de la formation et de l'éducation », document électronique
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- BLANCHET Alain, alii, 1985, L’entretien dans les sciences sociales, Paris, Bordas.
- BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, 1992, L’enquête et ses méthodes : l’entretien,
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- CALVET Louis-Jean et DUMONT Pierre, 1999, L’enquête sociolinguistique, Paris, L’Harmattan, 190
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