Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Semestre 4 1
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
1
Initiation à la recherche
Semestre 4 2
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
par le chercheur et porteur de données durant la période de sa recherche. Ainsi, il « n’est pas
un objet dissocié du chercheur » : quand ce dernier entreprend sa quête, il porte son terrain là
où il a le statut de chercheur : dans les unités de l’étude, les interactions et les inter-influences.
Dans ce sens, M. Agier estime que « le terrain n’est pas une chose, ce n’est pas un lieu, ni une
catégorie sociale, un groupe ethnique ou une institution (…) c’est d’abord un ensemble de
relations personnelles où ‘on apprend des choses’. ‘Faire du terrain’, c’est établir des relations
personnelles avec des gens. » (2004 : 35).
Nous relevons un autre élément distinctif du terrain : la transformation. Il est transformé
par le chercheur qui se voit lui-même transformé par le terrain. Un rapport fondé sur
l’interaction et l’évolution dans un mouvement récursif.
Le terrain se définit par rapport au chercheur tandis que le contexte se définit par rapport à
l’objet d’étude. Le contexte couvre le terrain et tous les éléments qui s’interfèrent avec l’objet
d’étude quelle que soit leur nature. Quant au corpus, il occupe une place principale et sensible
dans une recherche en sciences du langage. C’est un ensemble des données du terrain collectées
ou produites et organisées en vue d’une analyse et une inférence. Le chercheur creuse dans son
terrain pour prélever ce qui est représentatif et significatif par rapport à sa problématique de
recherche. De ce fait, le corpus est identifié, sélectionné ou produit sur le terrain en cohérence
avec la problématique, la question de recherche et l’objet d’étude et selon des techniques
méthodologiques conçues pour ce fait. Le corpus se constitue par rapport aux phénomènes
observés.
2- L’enquête de terrain
2.1 Modalités d’approche du terrain
La production de connaissances (c’est-à-dire une recherche) pourrait émaner de différentes modalités
d’approches de l’objet d’étude qui correspondent à des stratégies de recherche manifestement différentes.
Je présente quatre stratégies ou plutôt quatre voies:
1. Un chercheur pourrait mener une étude pour examiner les tenants et les aboutissants d’une théorie.
Il vérifie sa véracité sur terrain. La théorie de la reproduction par exemple. Le chercheur a l’objectif
de répondre par des résultats empiriques aux postulats d’une théorie.
2- Le chercheur pourrait se lancer dans l’étude qui examine une situation sociale bien concrète. Il
étudie les causes ou les retombés d’un fait. Donnons l’exemple des effets de l’enseignement à
distance sur l’égalité des chances, ou l’impact de la fracture linguistique ou la fracture numérique
sur la réussite scolaire et universitaire. Et donc au départ de sa recherche, la situation est déterminée,
les objectifs aussi.
3- Par contre, un chercheur pourrait ne pas prédéfinir d’objectifs, ni partir d’une idée préconçue et
aller explorer une situation sociale, sociolinguistique ou socioculturelle. Son objectif est de
2
Initiation à la recherche
Semestre 4 3
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
comprendre et non pas expliquer comme dans le cas précédent. Par exemple, il pourrait se lancer
dans une recherche observation interprétation pour comprendre la nature des rapports qui existent
entre le milieu familial et la maîtrise des langues dans différentes régions et localités d’un territoire.
4- Un chercheur pourrait se contenter d’observer, noter ses observations en diversifiant les angles
de vue. Tenir un cahier de bord et noter ses observations et les classer en vue d’une éventuelle
exploitation empirique ou intellectuelle, et là on pourrait citer les romanciers naturalistes qui
exploitaient leurs regards de chercheurs dans la confection d’œuvre de fictions.
La démarche hypothético-déductive relevant du paradigme quantitatif est une approche qui part de
l’hypothèse pour déduire le résultat. Une hypothèse constitue le point de départ de la recherche. Les
données recueillies sont structurées et organisées afin de confirmer ou infirmer les postulats construits
théoriquement. On est dans l’étude statistique par échantillonnage (un sous ensemble de la population
ciblée). L’échantillon doit être représentatif sinon il biaise les résultats.
Le questionnaire est l’outil préféré de l’approche quantitative. Il structure un enchaînement de questions
qui traduisent les indicateurs. Donc il faudrait savoir formuler les questions en cohérence avec les
objectifs ciblés. Par ailleurs, le questionnaire présente l’inconvénient d’être fragile aux biais (des données
qui faussent les résultats).
La démarche quantitative pourrait présenter généralement l’inconvénient d’induire le chercheur
inconsciemment à valoriser les données qui confirment son hypothèse, de négliger les variables
contextuelles ou de couper ou étirer les données qui ne s’accordent pas à son lit d’hypothèses (Cf. Lit de
Procuste).
3
Initiation à la recherche
Semestre 4 4
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
L’approche quantitative émane d’une pensée positiviste ( fondée par Auguste Comte) qui domine dans
les recherches en sciences dures. Le positivisme est un courant de pensée qui prétend pouvoir explorer le
réel pour trouver la vérité en expliquant les phénomènes grâce à une méthode scientifique rigoureuse
fondée sur l’expérimentation. Le positivisme part de l’idée que l’homme est déterminé par son
environnement externe. L’exploration de la réalité part du principe que la réalité est dotée d’une essence
propre et qu’elle est soumise à des lois universelles. Ainsi, la recherche positiviste valorise la déduction
comme raisonnement et fait l’éloge de l’objectivité.
4
Initiation à la recherche
Semestre 4 5
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
5
Initiation à la recherche
Semestre 4 6
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
interprétations avancées. Donc, cette approche hybride fait usage des outils de l’enquête quantitative pour
cadrer et vérifier les données produites et traitées qualitativement.
6
Initiation à la recherche
Semestre 4 7
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
Modèle de questionnaire
• Questionnaire généralisé pour les élèves du BIOF
Nous menons une étude pour le développement de la qualité de l’enseignement dans les sections internationales du
baccalauréat marocain. Nous vous demandons de répondre à ce questionnaire avec beaucoup de justesse. Il ne vous
est pas demandé d’indiquer votre nom. Nous vous remercions.
I- Identification sociolinguistique
1- Vous êtes ? garçon Fille
2- Etablissement : privé public
3- Lieu d’origine : Urbain Rural
4- Parlez-vous le français en dehors de l’école ?
Très souvent (tous les jours ou Souvent De temps en temps Rarement Jamais
presque) (au moins une fois par (environ une fois par mois)
semaine)
7
Initiation à la recherche
Semestre 4 8
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
l’ethnographie. L’implication du chercheur dans son terrain de recherche n’est plus perçue
comme une falsification des réalités par la subjectivité de l’observateur. Au contraire,
l’insertion dans le terrain devient une justification des faits relatés et des interprétations qui en
sont faites.
Henri Peretz (2004) relève quatre usages différents du terme « observation » :
- Une méthode d’analyse de ce qui se passe dans la contemporanéité, d’où par exemple
« observatoire national du changement social » ;
- Un compte rendu d’une visite d’un milieu d’étude. Une sorte de préenquête sans que le
chercheur participe à la vie du milieu social étudié. Les observations sont rapportées sous forme
d’anecdotes ou d’épisodes ;
- C’est un « travail de terrain ». Le chercheur séjourne sur les lieux de son enquête. Il recueille
les données de diverses manières. Il donne lieu à des monographies ;
- Une observation ponctuelle conduisant à se mêler à une situation, à interagir sans rien modifier
ou provoquer. Elle n’obéit pas à un calendrier. Elle n’est pas systématique.
Deux types de l’observation participante sont à distinguer selon le degré de l’implication
participante dans le terrain, à savoir la participation observante et l’observation directe.
- Participation observante : l’expression de « participation observante » est souvent employée
pour désigner cette configuration de l’observation où le chercheur est intensément engagé dans
son terrain. Il est membre de la communauté observée et assiste à l’action. Le chercheur est
dans l’implication interactionnelle et intersubjective par des relations de proximité. Dans cette
configuration, la participation active du chercheur est considérée comme un outil de
construction de la connaissance.
- Observation directe : elle consiste à observer les acteurs in situ. le chercheur est physiquement
présent sur le lieu qu’il observe mais ne participe pas. Il recueille les données directement et
instantanément. Il négocie l’entrée et annonce la sortie. Le chercheur emploie une grille
d’observation préalablement préparée pour focaliser sur des éléments particuliers de la vie du
groupe social observé. Son objectif est de comprendre un fragment de la réalité, le saisir dans
l’état vif de sa production, l’intégrer dans l’analyse en vue d’aboutir, en le croisant avec les
résultats des autres dispositifs de l’enquête, à une transférabilité des interprétations.
L’observation implique un séjour sur les lieux de l’observation ou des visites répétées
afin d’apporter un témoignage et d’explorer l’objet de l’étude tout en étant dedans. Il s’agit de
8
Initiation à la recherche
Semestre 4 9
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
participer à la vie des observés de manière intégrée. Le chercheur est sensible aux situations
auxquelles il participe, mais il peut également en provoquer d’autres pour relever un sens. Le
chercheur recueille des données en participant lui-même aux situations. Il devient un pseudo
membre de la communauté observée.
Cette méthode, de par son immersion, semble plus profonde que celles ponctuelles du
questionnaire ou de l’entretien. Le chercheur est maître de son terrain par un contact quotidien
au cours duquel il essaie de vivre avec ses informateurs les situations de leur vie et participe
pratiquement aux activités ordinaires de chaque jour. Il est au milieu des échanges et des
conversations qui se donnent à son regard loin de tout académisme ou patronage.
Ceci dit, le chercheur-observateur se trouve dans l’obligation de se construire un mode
de comportement approprié aux situations qu’il observe afin de ne pas altérer la spontanéité des
observés et de ne pas provoquer une modification par son implication ostentatoire. La nécessité
de construire une familiarité avec le milieu de son observation permet de ne pas enfreindre les
règles de fonctionnement du groupe. Dans l’investigation sur les usages des langues, quand le
chercheur appartient à la communauté linguistique de son groupe observé, l’observation
participante semble fonctionner avec moins de difficultés et permettre à l’enquêteur de joindre
l’analyse des pratiques au discours qui s’en fait. Et quand il fait pratiquement partie de son
groupe, cela lui permet d’éviter les inconvénients de l’observation explicite dont le regard
perturbe l’observé. Cela suppose de la part de l’observateur une connaissance parfaite du groupe
observé et suppose également avoir les possibilités d’y accéder tout naturellement. Cette
posture autorise à l’observateur de réaliser son enquête de l’intérieur et de recueillir les données
telles qu’elles se produisent à l’état spontané et habituel.
Certes, bien que les paramètres du terrain ne soient pas modifiés par l’enquête de
l’intérieur, l’implication du chercheur pourrait néanmoins exciter sa subjectivité d’où le risque
d’envelopper les faits de visions trop particulières. Il s’en rajoute le problème de manque
d’exhaustivité et de représentativité dû au recours exclusif aux méthodes de l’observation.
Toutefois, il serait dérisoire de croire que l’observateur ne modifie pas son objet d’observation.
L’implication subjective du chercheur dans la vie de ses enquêtés conduit immanquablement à
la création de nouvelles situations auxquelles il participe, d’où l’inévitable résultat de
transformation.
9
Initiation à la recherche
Semestre 4 10
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
3.3- L’entretien
Les sociologues accordent une importance particulière à l’entretien comme méthode
d’investigation, et surtout à l’entretien semi-directif. Il s’agit d’une entrevue avec les observés
qui sont appelés à répondre aux questions du chercheur. Pour ce faire, ce dernier doit préparer
au préalable le déroulement de l’entretien en préparant son guide. Il s’agit d’une liste de thèmes
et d’aspects qui feront l’objet de l’entretien permettant de ne pas perdre de vue les points
essentiels de l’enquête.
Toutefois, dans une option semi-directive, l’entretien ne doit pas être planifié selon une
dynamique préconçue. L’enquêteur reste mou quant aux fluctuations de l’enquêté de sorte à ne
pas interrompre le cours de son témoignage. C’est un discours co-construit avec les acteurs (A.
Blanchet et A. Gotman, 1992 : 40). Ainsi, le guide précise les thèmes et les questions
essentielles sans les aligner sur un enchaînement précis. Il se peut que l’entretien ne puisse
aborder l’ensemble des aspects souhaités, bien qu’il en ait révélé d’autres non prévus,
l’enquêteur devrait recourir à une autre entrevue afin de compléter sa recherche et de vérifier
les faits déjà relevés. Durant l’entretien, l’enquêteur enregistre et prend notes des articulations
essentielles de la discussion. L’enregistrement pourrait être transcrit par la suite afin de garantir
à l’analyse plus d’efficacité.
L’enquête semi-directive a l’avantage de ne pas contrarier la personne enquêtée par
l’aspect ostentatoire de l’enquête. Elle n’est pas définitivement orientée et tolère par ce fait le
style propre du chercheur qui modèle son travail selon ses compétences et son expérience.
10
Initiation à la recherche
Semestre 4 11
FLSH de Marrakech
Université Cadi Ayyad
Professeur : Mohammed LAHLOU
Références
- AGIER, M., 2004, La sagesse de l’ethnologue, Paris, L’œil neuf, 106 pages.
- BERTHON Jean-François, 2000, « Mode et méthode spécifique de la recherche en sciences humaines :
Sa pertinence dans le domaine de la formation et de l'éducation », document électronique
- BLANCHET Philippe, 2012, La linguistique de terrain Méthode et théorie. Une approche ethno-
sociolinguistique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 193 pages.
- BLANCHET Alain, alii, 1985, L’entretien dans les sciences sociales, Paris, Bordas.
- BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, 1992, L’enquête et ses méthodes : l’entretien,
- Nathan, Paris, 126 pages.
- BOUDON Raymond, 1969, Les méthodes en sociologie, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 128 pages.
- BOUKOUS Ahmed, 1999, « Le questionnaire », dans Calvet Jean-Louis et P. Dumont, L’enquête
sociolinguistique, Paris, L’Harmattan, pp. 15-24
- CALVET Louis-Jean et DUMONT Pierre, 1999, L’enquête sociolinguistique, Paris, L’Harmattan, 190
pages.
- COMBESSIE Jean-Claude, 2001, La méthode en sociologie, Paris, Editions La Découverte,
- 124 pages.
- COPANS Jean, 2011, L’enquête et ses méthodes, L’enquête ethnologique de terrain, Armand Colin,
Paris, 128 pages.
- DE SINGLY François, 2012, L’enquête et ses méthodes, Le questionnaire, Armand Colin, Paris, 128
pages
- Le Moigne, J.-L. (1995). Le constructivisme : Les fondements, Les épistémologies: Communication et
Complexité. ESF, Paris.
- MUCHIELLI Alex, PAILLE Pierre, 2003, L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales,
Armand Colin, Paris, 211 pages.
- PAILLÉ Pierre, 2004, « Recherche qualitative », dans Alex Mucchielli (Dir.), Dictionnaire des méthodes
qualitatives en sciences humaines, Armand Colin, Paris, 300 pages, pp. 226-227.
- RISPAIL Marielle, 2012, « Interroger la sociodidactique : faux semblants, résistances et orientations »
dans Revue Socles, Reconfigurations des concepts, pour une réflexion épistémologique et méthodologique
en sociolinguistique et en sociodidactique, ENS de Bouzaréah, Alger, pp. 61-81.
- RUMELHARD Guy, 2005, « Problématique et concept de paradigme approche épistémologique,
psychologique, sociologique, Revue ASTER, N° 40, Lyon.
11