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Yves Jégourel

Les produits
financiers
dérivés
ISBN 2-7071-4486-X

Le logo qui figure au dos de la couverture de ce livre mérite une explication. Son
objet est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout
particulièrement dans le domaine des sciences humaines et sociales, le développement
massif du photocopillage.
Le code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressé-
ment la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or cette
pratique s’est généralisée dans les établissements d’enseignement supérieur, provo-
quant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les
auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui
menacée.
Nous rappelons donc qu’en application des articles L. 122-10 à L. 122-12 du Code
de la propriété intellectuelle, toute reproduction à usage collectif par photocopie, inté-
gralement ou partiellement, du présent ouvrage est interdite sans autorisation du
Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins,
75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intégrale ou partielle, est également
interdite sans autorisation de l’éditeur.

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© Éditions La Découverte, Paris, 2005.


Dépôt légal : juillet 2005
Introduction

Le risque est omniprésent dans la vie de chaque agent écono-


mique. Différent de l’incertitude depuis les travaux précurseurs
de Knight [1921], celui-ci peut se définir comme la possibilité
probabilisable d’occurrence d’un événement défavorable
[Machina et Rothschild, 1987 ; Moureau et Rivaud-Danset,
2004]. Risque de chômage pour un particulier, de faillite pour
une entreprise, d’illiquidité ou d’insolvabilité pour une banque :
les aléas qu’impose la vie économique sont pléthoriques. Pour
s’en protéger, nombre d’assurances existent. Elles fonctionnent
principalement sur le mécanisme de la mutualisation et de la
redistribution. L’assurance sociale comme les mutuelles en sont
les exemples les plus connus.
Souvent perçus comme une institution permettant aux entre-
prises de lever des fonds, aux épargnants de rémunérer leur
capital ainsi qu’à certaines institutions de spéculer, les marchés
financiers peuvent eux aussi offrir à leurs intervenants des méca-
nismes de protection contre le risque. Les produits dérivés sont,
d’un point de vue microéconomique, les outils grâce auxquels
ces stratégies d’assurance, nommées « stratégies de couverture »
dans le monde de la finance, peuvent être mises en place. En
offrant cette protection contre les risques, les produits dérivés
peuvent de la même façon être bénéfiques d’un point de vue
macroéconomique. Ils permettent en effet, comme le rappel-
lent Brender et Pisani [2001], de faciliter la « redistribution des
risques financiers vers ceux qui acceptent de les prendre. Les
4 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

possibilités de financer des investissements s’en trouvent élargies


et, avec elles, les perspectives de croissance ».
Si les produits dérivés sont encore peu accessibles aux particu-
liers compte tenu de leur coût et de leur technicité, ils s’impo-
sent de plus en plus comme un moyen, pour les entreprises et
pour les institutions bancaires et financières, de gérer les risques
financiers. Le succès de ces instruments provient :
— de leur sophistication croissante offrant des opportunités
de couverture les plus variées ;
— de la diversité des risques qu’ils permettent de couvrir. De
l’évolution défavorable d’un cours de change, du prix d’une
action ou de matières premières, d’un taux d’intérêt jusqu’aux
variations climatiques, rares sont les risques touchant une entre-
prise qui ne peuvent être aujourd’hui couverts par les produits
dérivés ;
— et, pour certains instruments notamment, de leur fort
degré de flexibilité (par opposition aux techniques de couverture
dites « figées », moins chères mais plus contraignantes) et de la
grande liquidité des marchés sur lesquels ils sont négociés.
Une première approche des produits dérivés impose de les
traiter sous l’angle de la gestion des risques financiers puisqu’il
s’agit de ce pour quoi ils ont été créés. Il serait cependant trom-
peur de ne voir que cet aspect. Ces instruments sont aussi, pour
nombre de spéculateurs, des outils particulièrement redou-
tables pour mettre en place des stratégies souvent déstabili-
santes. Les produits dérivés sont en effet rarement étrangers aux
attaques spéculatives menées contre un régime de changes fixes
et expliquent parfois la chute de certaines banques ou institu-
tions financières. La banqueroute de la banque Barings à la suite
des stratégies pour le moins risquées et délictueuses du trader
Nick Leeson ou celle du fonds spéculatif Long Term Capital
Management (LTCM) en sont des exemples frappants.
Instruments de couverture des risques ou outils déstabilisants
aux mains des spéculateurs, les produits dérivés représentent un
champ d’étude obligé pour quiconque s’intéresse au monde de la
finance. L’objectif de cet ouvrage est donc d’offrir au lecteur une
vision à la fois simple et quasi exhaustive de ces instruments :
que sont-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Le premier chapitre
aura pour ambition de présenter les différents produits dérivés
INTRODUCTION 5

dans un contexte général ainsi que les marchés sur lesquels ils
sont négociés. Nous nous attacherons dans les chapitres suivants
à préciser leur utilisation.
Le deuxième chapitre sera consacré à la forme la plus
répandue des produits dérivés : les contrats d’échange ou swaps.
Ces contrats sont massivement utilisés sur le marché des changes
ainsi que pour gérer le risque de taux. La dernière section de ce
chapitre sera l’occasion d’analyser une forme récente de ce type
d’instruments : les swaps de défaut permettant de gérer le risque
de crédit.
Le troisième chapitre traitera de la forme la plus ancienne des
produits dérivés : les contrats à terme. Souvent utilisés pour gérer
le risque sur matières premières, ces instruments demeurent
polyvalents. Ils ont en outre donné naissance à de nouveaux
instruments permettant de gérer les risques climatiques.
Le quatrième chapitre de cet ouvrage traitera du produit dérivé
le plus sophistiqué : les options. Nous distinguerons les options
les plus simples dites « de première génération », qu’elles soient
de change, de taux, sur actions ou sur indices boursiers, des
options dites « exotiques », souvent plus sophistiquées. Nous
montrerons dans la dernière partie de ce chapitre en quoi la
combinaison de plusieurs options peut être, pour quiconque
souhaite se prémunir contre les risques couverts par ces instru-
ments, une stratégie pertinente.
La couverture des risques ne constitue cependant pas le seul
usage qui peut être fait des produits dérivés. Ils peuvent en effet
devenir des instruments de spéculation particulièrement dange-
reux. Nous ne pourrions conclure cet ouvrage sans que les stra-
tégies spéculatives qu’autorisent les produits dérivés et
l’incidence déstabilisante de ce type d’instruments sur les équi-
libres financiers et macroéconomiques ne soient évoquées. Ce
sera l’objet du dernier chapitre.
I / Les produits dérivés et leurs marchés

L e monde des marchés dérivés semble en perpétuelle mutation.


Offrant les produits les plus simples comme les plus sophis-
tiqués, il connaît, depuis une dizaine d’années, une progression
fulgurante tant au niveau de son volume de transactions que
de la nature des risques qu’il permet de couvrir. Pour mieux le
comprendre, nous présenterons dans une première partie le prin-
cipe de la gestion du risque par la fixation d’un prix à terme,
ferme ou optionnel, sur lequel se fondent les trois types de
produits dérivés existants : contrats d’échange ou swaps, contrats
à terme ou futures, et options. Nous montrerons en quoi ceux-ci
permettent à tout opérateur des marchés financiers de mettre
en œuvre des stratégies de gestion des risques auxquels il est
soumis.
Après avoir présenté les produits, nous nous attacherons dans
une deuxième partie à décrire les marchés sur lesquels ces instru-
ments sont négociés : qu’est-ce qu’un marché de gré à gré ou
OTC (over-the-counter) ? En quoi est-il fondamentalement diffé-
rent d’un marché organisé ? Les produits négociés sur un marché
organisé sont-ils strictement identiques à ceux échangés sur un
marché OTC ? Quel est, au sein de ces différents marchés, le plus
actif ou le plus prometteur ? Quelles sont, enfin, les places finan-
cières les plus dynamiques au regard de leurs activités sur les
produits dérivés ?
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 7

Des produits dérivés aux multiples facettes

Un produit dérivé financier (il ne s’agit pas de traiter ici des


produits dérivés commerciaux) peut se définir de façon très
générale comme un contrat financier négociable portant droit
sur un autre actif. Le Conseil national de l’information statis-
tique (CNIS) définit en effet les produits dérivés comme des
« contrats dont la valeur dépend (ou dérive) de celle d’un actif ou
d’un indice sous-jacent » [Haas, 1987].
Il existe fondamentalement trois types de produits dérivés : les
options, les contrats à terme ou futures, et les contrats d’échange
ou swaps. Les opérations à terme (ou forward) sont parfois consi-
dérées comme des produits dérivés (à l’instar de la Banque des
règlements internationaux qui inclut les opérations à terme dans
ses statistiques sur les produits dérivés [voir BRI, 2003, 2004]),
mais cette définition est toutefois extensive car ces opérations ne
portent pas sur l’échange d’un contrat portant sur un autre actif
mais bien sur l’actif lui-même.

Des produits dérivés : pour quoi faire ?

La vocation principale des produits dérivés est la gestion du


risque économique ou financier. Comme en témoigne le tableau
ci-contre, les risques affectant un agent économique peuvent
être de nature très variée.

Quelle attitude adopter face au risque ? — Il apparaît, au regard


des définitions précédentes, que l’existence du risque demeure
le plus souvent liée à la variation d’un prix, que ce soit celui
d’une monnaie contre une autre (le cours de change), d’une
action ou d’un indice boursier, d’un taux d’intérêt ou, depuis
peu, d’un indice climatique.
Aucun agent économique ne peut réellement s’y soustraire
(particulier, entreprise, banque, collectivités locales ou État).
Ainsi, dans le seul domaine économique et financier, un parti-
culier risquera de voir le cours des actions sur lesquelles son
épargne est investie s’effondrer à la suite de l’éclatement d’une
bulle spéculative ; un agriculteur de subir une baisse des cours du
blé ou du maïs ; une entreprise de voir s’envoler les cours du
8 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Les risques économiques et financiers couverts


par les produits dérivés

Nature du risque Définition

Risque de taux Risque d’une évolution défavorable du taux d’intérêt


lorsqu’un agent économique est engagé dans une opéra-
tion financière à taux variable : celui d’une hausse pour un
emprunteur ; celui d’une baisse pour un créancier.
Risque de change Risque d’une modification de la contre-valeur en monnaie
nationale d’un flux de devises à payer ou à recevoir. Une
dépréciation de la monnaie nationale pénalisera l’agent
économique qui doit honorer une dette libellée en
monnaie étrangère tandis qu’une dépréciation de la
monnaie étrangère pénalisera un agent devant recevoir une
créance libellée dans cette même monnaie.
Autres risques — Sur actions ou sur indice boursier : risque d’une modifi-
de prix cation de la valeur d’un portefeuille à la suite d’une baisse
du cours des actions ou de tout titre indexé sur un indice
boursier (trackers) ou d’une hausse des cours lorsqu’un
agent économique cherche à se porter acquéreur de ces
titres.
— Sur matières premières : risque lié, comme son nom
l’indique, à la variation du prix des matières premières. Ce
risque est important et impose des techniques de couver-
ture spécifiques.
Risque de crédit Risque pour un créancier que l’un ou plusieurs de ses débi-
teurs soient dans l’incapacité de rembourser tout ou partie
de la dette qu’ils ont contractée.
Risque climatique Risque d’une variation de l’activité économique d’une
entreprise et donc d’une variation de son chiffre d’affaires à
la suite d’une variation des températures.

cuivre dont elle se sert abondamment pour produire des appa-


reils électroniques ; une banque de voir son risque de crédit
s’envoler consécutivement à la faillite d’entreprises clientes ;
l’État, enfin, de voir augmenter la prime de risque imposée par
les marchés financiers pour toute nouvelle émission obligataire.
Quels qu’ils soient, ces risques sont liés à la nécessité pour un
agent de réaliser une opération commerciale ou financière dans
le futur à un prix ou, d’une façon plus générale, à des conditions
qu’il ne maîtrise pas.
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 9

Il y a, face à ces risques, trois attitudes possibles [Bourguinat,


1999 ; Stephens, 2001] : tenter de les éluder, les ignorer, ou bien
mettre en place un mécanisme d’assurance. Une autre stratégie
est techniquement possible : la diversification des risques. Bien
connue des gestionnaires de portefeuille, cette stratégie n’est pas
facilement applicable à tous les risques financiers. La première
solution est évidemment la meilleure : quoi de mieux pour éviter
un accident de voiture que de ne pas prendre son véhicule ! Elle
est cependant rarement possible. Une entreprise pourra tenter
de facturer les produits qu’elle exporte en monnaie nationale
pour éviter de subir une dépréciation de la monnaie étrangère,
ou rationaliser ses flux de devises par le recours à des tech-
niques de gestion interne du risque de change (techniques de
netting consistant à compenser, pour une entreprise multinatio-
nale, les créances et les engagements de même montant et de
même échéance afin de limiter l’exposition au risque de change ;
voir Plihon [2001]) ou à des centres de refacturation, mais que
pourra-t-elle faire face à un risque qu’elle ne sait contrôler ? En
principe, l’ignorer ou tenter d’agir, non pas sur le risque lui-
même, mais sur ses effets induits. Certaines institutions offrent
des polices d’assurance permettant de couvrir certains de ces
risques. C’est notamment le cas de la COFACE en France qui
accompagne les entreprises principalement dans la gestion des
risques liés aux activités d’exportation.
Les polices d’assurance traditionnelles ont le plus souvent
pour inconvénient de ne pas être renégociables, ce qui peut être
un handicap lorsque l’exposition au risque de l’agent considéré
varie amplement. Les marchés financiers offrent, de la même
façon, des mécanismes assurantiels et ce, à tout agent écono-
mique et pour tout type de risque, mais dont la particularité est
de pouvoir être rachetés ou revendus à tout moment lorsqu’ils
sont échangés sur un marché organisé.
Par quel mécanisme les produits dérivés permettent-ils de
gérer le risque économique et financier ? Pour répondre à cette
question, il convient de préciser au préalable la notion de
« position ».

Gestion du risque et position sur actifs réels et financiers. — Les


notions de risque et de couverture sont indissociables du
10 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

fabrication et de non-remboursement
Les polices d’assurance de créances ». L’assurance-investisse-
de la Compagnie française ment protège les entreprises et leurs
pour le commerce extérieur banques partenaires contre les risques
(COFACE) de nature politique sur des projets
d’investissement supérieur à
La COFACE a été créée en 1946 et
15 millions d’euros et d’une échéance
acquiert un statut de société privée à
allant de cinq à quinze ans.
partir de 1994. Son capital social est,
La COFACE offre enfin des polices
depuis 2004, détenu à 100 % par le
groupe Natexis Banques Populaires. d’assurance pour couvrir le risque de
Sa mission principale est d’offrir à des change sur un courant d’affaires à
entreprises qui prospectent les l’exportation. La souscription de cette
marchés à l’exportation et commer- police impose le versement d’une
cialisent des produits et services, et prime qui sera fonction de la durée de
dont l’origine est majoritairement la garantie offerte, de la devise
française, des assurances contre les couverte ainsi que de la nature précise
risques non assurables par le marché de la garantie (avec ou sans intéresse-
privé. À l’origine spécialisée dans ment). Une entreprise peut en effet se
l’assurance-crédit à l’exportation, protéger contre une dépréciation
cette institution s’est, depuis, large- d’une devise et choisir de profiter de
ment diversifiée et offre quatre
son appréciation. Dans ce dernier cas,
produits d’assurance : une assurance-
la prime sera plus élevée que dans le
prospection, une assurance-crédit-
cas de l’assurance change négocia-
export, une assurance-investissement
tion sans intéressement. Celui-ci joue
et une assurance-change.
L’assurance-prospection offre aux comme un cours à terme mais permet
PME une protection contre le risque aussi à l’entreprise de bénéficier d’un
d’échec commercial lorsque celles-ci intéressement lorsque la devise étran-
tentent de pénétrer un marché gère s’apprécie.
étranger, tandis que l’assurance-crédit- Pour plus de détails, voir le site de
export couvre les risques dits « de la COFACE : www.coface.fr

concept de position. La position d’un agent sur un actif


monétaire réel ou financier se définit comme « la quantité de cet
actif qu’il possède, augmentée de celle qu’il a à vendre ou à rece-
voir et diminuée de celle qu’il a à acheter ou à livrer » [Banque
de France, 1987]. Un agent sera dit « en position ouverte » sur cet
actif si le résultat obtenu par cette opération est non nul. Cette
position ouverte peut être qualifiée de longue pour toute valeur
positive et courte dans le cas contraire.
Un agent en position longue sur un actif craindra par nature le
risque d’une diminution du prix de l’actif qu’il détient ou qu’il
aura à une date ultérieure alors qu’un agent en position courte
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 11

appréhendera de devoir subir une augmentation du prix de


l’actif qu’il doit acheter. Se protéger contre ce risque (se couvrir
selon la terminologie utilisée en finance ou, par anglicisme, faire
du hedging) impose soit de fermer une position ouverte pour que
l’agent ne soit plus soumis au risque de prix (il s’agira d’une stra-
tégie de couverture au comptant ou de couverture à terme), soit
d’acheter un mécanisme assurantiel : il s’agira alors d’une
couverture optionnelle.

La gestion du risque par une couverture au comptant et à terme.


— Tout particulier a l’habitude de payer comptant les produits
qu’il achète. Il acceptera, lorsqu’il fait son marché par exemple,
de payer comptant un certain prix pour des fruits ou du poisson
et de courir le risque, la semaine suivante, d’une augmentation
de leurs tarifs due à des conditions météorologiques défavo-
rables. Les marchés financiers, à la différence des marchés « ordi-
naires », offrent fondamentalement deux modes de transaction :
au comptant (ou spot selon la terminologie anglaise) et à terme.
Une transaction est dite « au comptant » lorsque le délai de
livraison de l’actif considéré est inférieur à deux jours ouvrés.
Elle sera dite « à terme » lorsqu’un agent fixe à l’instant t le prix
des actifs réels ou financiers qu’il achètera ou vendra à l’instant
t + n. Ce prix sera appelé « prix à terme ». Tout intervenant sur
un marché financier peut constamment arbitrer entre ces deux
types d’échanges, en fonction notamment de la nature de ses
anticipations sur l’évolution du cours du sous-jacent contre
laquelle il désire se protéger et de son degré d’aversion au risque.
Imaginons l’exemple d’un importateur européen devant, au
1er avril 2005, payer le 1er juillet 2005 une facture libellée en
dollars. Celui-ci court donc le risque d’une appréciation du
dollar durant les trois mois qui le séparent de la date de paie-
ment de cette facture. Pour s’en protéger, l’importateur pourra
soit payer immédiatement son créancier en utilisant le taux de
change spot (il fermera alors sa position en devises par une
couverture au comptant), soit définir à la date du 1er avril 2005 le
prix des dollars qu’il devra acheter le 1er juillet 2005 : l’importa-
teur effectuera alors une couverture de son risque par une opéra-
tion à terme en devises.
12 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

La gestion du risque par une couverture optionnelle. — Il se


peut néanmoins que le prix à terme négocié par l’agent en situa-
tion de hedging soit a posteriori moins intéressant que le prix au
comptant qui prévaudra à l’échéance : dans l’exemple précédent
de l’importateur européen, le prix négocié le 1er avril 2005 pour
l’achat de dollars à la date du 1er juillet peut finalement s’avérer
moins intéressant que le prix spot des dollars le 1er juillet 2005.
Ceci ne remet cependant pas en cause la stratégie de couverture
à terme : l’importateur connaît dès le 1er avril 2005 la contre-
valeur en euros de cette facture à payer en dollars au 1er juillet
2005 ; il jouit alors d’une sérénité que n’aura pas l’agent atten-
dant l’échéance du 1er juillet 2005 pour acheter les dollars.
Les produits dérivés peuvent offrir une opportunité supplé-
mentaire : définir un prix maximal d’achat pour un acheteur si le
prix de l’actif considéré augmente tout en lui laissant l’opportu-
nité de profiter d’une baisse du prix de cet actif si celle-ci se
réalise ou définir un prix minimal de vente pour un vendeur
avec l’opportunité de profiter d’une hausse du prix de l’actif en
question si celle-ci survient.
Le graphique ci-contre illustre les différentes stratégies de fixa-
tion d’un prix à terme en fonction de la position courte ou
longue de l’agent sur l’actif sous-jacent au produit dérivé
considéré.
L’utilisation des produits dérivés par un agent économique
n’est pas systématique mais tient au degré de probabilité que
celui-ci accorde à la concrétisation de ces différents risques ainsi
que du rapport coût/bénéfice de cette stratégie de couverture. En
d’autres termes, le recours à ces produits repose sur le pari impli-
cite que l’événement défavorable que redoute l’agent en ques-
tion a de grandes chances de se réaliser. Si tel n’est pas le cas,
l’opération de couverture n’est pas profitable.
En résumé, un produit dérivé, dans son acception générale,
n’est donc ni plus ni moins qu’une police d’assurance reposant
sur le principe de la fixation d’un prix à terme, fixe ou optionnel,
et dont la particularité est d’être négocié (et, pour certains, rené-
gociable) sur un marché financier. Cette définition, nous le
verrons dans le chapitre V, doit néanmoins être appréhendée
avec prudence car les produits dérivés ne sont pas que des instru-
ments de couverture : les options, les swaps ou les contrats à
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 13

Risque et stratégies de couverture. Position et gestion du risque

spot

Couvre sa
ferme
position en
courte achetant des
produits
dérivés
Position Ne fait rien option-
de l'agent (spécule) nels

spot
longue

Couvre sa
ferme
position en
vendant
des
produits
dérivés
option-
nels

terme sont aussi, pour certains opérateurs des marchés finan-


ciers, un moyen particulièrement efficace de spéculer.

Les contrats à terme

Définitions. — Une couverture à terme, telle que nous l’avons


évoquée précédemment, peut se faire de deux façons : par une
opération à terme dite « traditionnelle » (appelée aussi opération
forward par anglicisme) ou par l’achat ou la vente d’un contrat
à terme. Une opération forward est en tout point identique à
l’opération décrite précédemment, à savoir la fixation à
l’instant t du prix d’un actif pour une livraison en t + n. Un
contrat à terme ou future se définit en revanche comme un
contrat standardisé par lequel deux contreparties fixent à
l’instant t le prix du sous-jacent pour une livraison théorique
de celui-ci à l’échéance du contrat. L’acheteur du contrat à terme
aura en théorie pour objectif d’acheter à terme l’actif sur lequel
porte ce contrat tandis que le vendeur cherchera à vendre ce
14 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

même actif. Un contrat à terme peut sembler très proche, dans


son fonctionnement, d’une opération à terme traditionnelle. Il
existe cependant des différences sensibles entre ces deux
opérations.
Une opération à terme traditionnelle est en premier lieu dite
« de gré à gré » ou OTC (over-the-counter), car elle se fait directe-
ment entre intervenants. Une opération sur contrats à terme, à
l’inverse, se réalise sans qu’il y ait de confrontation entre ache-
teur et vendeur : elle se fera comme une opération boursière par
la transmission d’ordres d’achat ou de vente à une chambre de
compensation. L’existence de cette chambre de compensation,
nous le verrons dans la section suivante et le chapitre III, fait
du marché des futures un marché fondamentalement différent
du marché des forward au regard des modes opératoires de
gestion des risques.
Dans une opération forward, le montant de la transaction ainsi
que l’échéance de l’opération sont, en outre, à la différence d’un
future, librement choisis par les deux contreparties impliquées
dans cet échange. Un contrat à terme est en effet un produit
standardisé dans le sens où le montant du contrat, son échéance,
ainsi que le degré de variation minimale de son prix (que l’on
appelle le tick) ne peuvent être librement déterminés par les
opérateurs de ce marché. Le future est en conséquence plus
liquide qu’une opération forward. La liquidité d’un titre peut se
définir comme la facilité qu’ont ses détenteurs de le revendre
sans que cette opération entraîne une modification substantielle
de son prix. Il ne peut donc y avoir de spécificité intrinsèque
au contrat rendant toute opération en sens inverse de l’opéra-
tion initiale difficile à réaliser. Il s’agit là d’une dernière diffé-
rence essentielle entre une opération forward et une opération
sur futures qui influence grandement les techniques de couver-
ture du risque utilisant les futures. Une technique traditionnelle
de gestion des risques par ce type d’instrument impose en effet
de ne pas conserver ces contrats jusqu’à leur échéance, mais de
les revendre au préalable afin de tirer profit de différentiels de
prix sur le marché spot et le marché des futures (cf. infra).

La cotation d’un contrat à terme. — Un contrat à terme se


définit selon plusieurs paramètres. L’actif, ou la variable
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 15

sous-jacente, sur lequel porte ce contrat est bien sûr le premier de


ces paramètres. Il existe des futures sur une multitude d’actifs :
sur devises, sur obligations, sur matières premières ou sur
indices, qu’ils soient boursiers ou climatiques. Les dérivés dits
« climatiques » font partie des dernières innovations offertes par
l’ingénierie financière sur le segment des contrats à terme.
Certaines tentatives en revanche ne furent pas couronnées de
succès. En dépit de plusieurs tentatives, les contrats à terme sur
le vin, par exemple, ne se sont pas développés.

La diversité des contrats à terme

L’unité de compte utilisée ainsi que la taille du contrat seront


également spécifiées. Le contrat à terme sur euro coté sur le
Chicago Mercantile Exchange porte ainsi sur 125 000 euros
tandis que celui négocié sur le NYBOT (New York Board of
Trade) porte sur 200 000 euros. De façon surprenante en appa-
rence, le prix d’un future ne correspond pas à la valeur globale du
contrat à terme mais bien au prix à terme d’une unité de sous-
jacent à ce contrat. Le prix du contrat future sur euro négocié
sur le NYBOT était ainsi de 1,3047 dollars par euro au 2 février
2005, soit une valeur nominale du contrat de 260 940 dollars
pour 200 000 euros.
Il est important de remarquer que l’unité de compte pour un
même actif peut varier d’un future à l’autre. Le cacao peut ainsi
être coté en dollar par tonne à New York alors qu’il sera évalué
16 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

en livre sterling par tonne métrique à Londres. Le lieu de négo-


ciation du contrat est également spécifié. Le lieu de livraison du
sous-jacent négocié ne sera en revanche pas spécifié dans une
cotation traditionnelle. Quand plusieurs lieux de livraison sont
possibles, des compensations financières peuvent être accordées
à l’acheteur du contrat. La qualité du sous-jacent, en cas d’hété-
rogénéité du produit (notamment dans le cas des matières
premières), pourra de la même façon être précisée. Cette spécifi-
cation n’impose pas nécessairement une livraison du sous-
jacent à cette qualité mais permet, comme dans le cas du lieu de
livraison, d’instaurer des modifications de prix, en fonction de
critères préétablis.
De manière générale, les institutions tutélaires de ces marchés
organisés mettent à la disposition de tous (sur leur site Internet)
l’intégralité des informations propres à tout contrat : taille,
nature précise du sous-jacent (et, dans le cas des produits agri-
coles, des produits pouvant être livrés en substitution du sous-
jacent), unité de cotation et variation minimale de prix, dernier
jour de négociation et de livraison du sous-jacent, variation de
prix maximale quotidienne ainsi que le code de négociation à la
criée ou de manière électronique.
Le tableau suivant établit des cotations pour un contrat future
sur l’euro pour un montant unitaire de 125 000 euros telles
qu’elles sont données dans les quotidiens financiers
internationaux

Euro/US Dollar (CME) – e 125,000 $ par e

Lifetime OP
(durée de vie)

Open High Low Settle CHG High Low INT


(ouverture) (haut) (bas) (clôture) (variation) (haut) (bas) (intérêt
ouvert)

Sept. 1,2099 1,2191 1,2015 1,2187 ,0080 1,2800 1,0500 141 311
Déc. 1,2096 1,2184 1,2017 1,2179 ,0080 1,2781 1,0735 26 937

Source : The Wall Street Journal Europe, 9 septembre 2004.


LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 17

L’unité de cotation est le dollar américain et le lieu de négo-


ciation est le Chicago Mercantile Exchange (CME). La cotation
d’un contrat future, quel qu’il soit, se fera sur une unité du sous-
jacent négocié. La valeur totale du contrat sera égale au prix à
terme spécifié multiplié par le nombre d’unités du sous-jacent
définies dans ce contrat.
La première colonne de ce tableau correspond à l’échéance du
contrat : septembre 2004 et décembre 2004 ; les deuxième, troi-
sième, quatrième et cinquième colonnes correspondent respecti-
vement au prix d’ouverture, au cours le plus haut, au cours le
plus bas ainsi qu’au cours de clôture du contrat enregistrés la
veille. Ce prix unitaire (au cours de clôture) de 1,2187 USD par
euro implique que la valeur de ce contrat est d’environ
152 337 USD. La sixième colonne retrace le pourcentage de
variation de la valeur du contrat entre l’avant-veille et la veille.
Les deux colonnes suivantes donnent la valeur la plus basse et la
plus haute du contrat depuis sa création, tandis que la dernière
colonne précise l’open interest du contrat, à savoir le nombre de
contrats achetés et non échus ou revendus.

Les options

Définition. — Une option se définit comme le droit et non l’obli-


gation d’acheter ou de vendre une certaine quantité d’actifs
financiers ou réels sous-jacents à un prix fixé à l’avance, que l’on
appelle le prix d’exercice ou le strike, moyennant une prime qui
se définit en pourcentage de cette quantité d’actifs. Cette défini-
tion reste néanmoins générale car certaines options, à l’instar
des options de taux d’intérêt, n’ont pas pour sous-jacent un actif,
mais des conditions d’emprunt ou de placement. Une option
permettant d’acheter cette quantité d’actifs sera appelée une
« option d’achat » ou call, alors qu’une option permettant de
vendre cette même quantité sera qualifiée d’« option de vente »
ou put.
Il existe quatre opérations élémentaires concernant les
options : l’achat d’une option d’achat, la vente d’une option
d’achat, l’achat d’une option de vente et la vente d’une option
de vente. L’acheteur d’un call cherchera a priori à se protéger,
18 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

dans une logique de couverture, contre une augmentation de la


valeur du sous-jacent tandis que l’acheteur d’un put cherchera à
se prémunir contre une baisse. Les vendeurs d’options tireront
quant à eux profit d’une non-réalisation du risque contre lequel
l’acheteur de l’option s’est prémuni.

Terminologie. — Le recours aux instruments optionnels de


couverture impose de définir un certain nombre de notions. Si
l’acheteur d’une option utilise son droit à acheter ou à vendre le
sous-jacent, on dira qu’il exerce son option. Il l’abandonne dans
le cas contraire. Le prix effectif d’achat ou de vente d’une option
sera appelé le « point mort » de l’option. Le point mort d’un call
est égal au prix d’exercice de l’option auquel on ajoute la prime.
Le point mort d’un put se définit comme le prix d’exercice moins
la prime.
Une option d’achat sera dite « hors la monnaie » à l’instant t
si le cours de l’actif sous-jacent est inférieur au prix d’exercice.
Elle sera « dans la monnaie » dans le cas contraire. Une option
de vente, à l’inverse, sera dite « hors la monnaie » si le cours de
l’actif sous-jacent est supérieur au prix d’exercice. Lorsque le prix
d’exercice est égal au cours du sous-jacent, l’option est dite « à la
monnaie ».
À la différence d’un contrat à terme, par nature négocié sur
un marché organisé, une option pourra être échangée sur un
marché OTC ou organisé. Il existe une multitude d’options, en
fonction du risque qu’elles couvrent mais aussi de leurs caracté-
ristiques techniques. Comme l’atteste le schéma ci-contre, les
options permettent en effet de couvrir une large gamme de
risques, de taux, de change ou de prix.
L’innovation financière est telle qu’une option peut aussi
avoir pour sous-jacent un autre produit dérivé. C’est ainsi qu’il
existe des options sur swap de taux (swaption), des options sur
futures, mais aussi des options sur option. Compte tenu de cette
diversité de support, l’exercice de l’option ne donne pas néces-
sairement lieu à la livraison du sous-jacent (règlement physique)
comme pour les options sur actions ou sur devises. L’exercice
peut en effet donner lieu au versement d’un équivalent moné-
taire au sous-jacent de l’option (règlement en numéraire ou cash
settlement) : c’est notamment le cas pour les options sur indices.
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 19

La diversité des sous-jacents de contrats optionnels

Nous préciserons le fonctionnement de ces différents instru-


ments dans le chapitre IV.
La diversité des produits optionnels se remarque aussi par la
variété des mécanismes sur lesquels une option peut reposer. On
distingue à cet égard les options de première génération des
options dites « de seconde génération », ou « exotiques ». Les
options plain vanilla ou de première génération peuvent être
qualifiées d’« européennes » ou d’« américaines ». L’acheteur
d’une option européenne ne peut exercer celle-ci qu’à l’échéance
du contrat alors que l’acheteur d’une option américaine peut
l’utiliser à n’importe quel moment entre sa souscription et son
échéance. Les options de seconde génération sont des options
plus sophistiquées qui se différencient des autres options non
pas par la nature des sous-jacents qu’elles permettent de couvrir
mais par le mécanisme définissant les conditions d’exercice ou
d’abandon.
Les options ne sont pas les seuls instruments offrant à leurs
détenteurs le droit de prendre une position sur un actif. Les
warrants, les stock-options et les obligations convertibles bénéfi-
cient de ce mécanisme optionnel, mais leurs conditions d’exer-
cice apparaissent plus restrictives. Les warrants sont en
particulier des instruments très proches d’une option : il s’agit en
effet de titres financiers permettant d’acheter ou de vendre un
20 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

actif à un prix et une date déterminés au préalable, émis par


une autre entité que l’émetteur du sous-jacent, mais ne pouvant
donner lieu à une vente à découvert de ce sous-jacent. Les stock-
options sont elles aussi des options d’achat à long terme d’actions
d’une entreprise mais qui, à la différence des produits optionnels
traditionnels, ne sont destinées qu’aux cadres ou dirigeants de
cette même entreprise et ne peuvent être négociables. Les obli-
gations convertibles, enfin, sont des titres obligataires assortis
d’un bon de souscription d’actions de l’entreprise émettrice.

L’intérêt d’une option. — La couverture du risque de prix peut


devenir pénalisante lorsque l’agent économique engagé dans
cette stratégie est contractuellement obligé de réaliser l’opéra-
tion de couverture même si : 1) le risque auquel il était soumis
a disparu ; 2) ses anticipations sur le risque à couvrir ont évolué,
ou 3) l’opération s’avère in fine défavorable financièrement. Ceci
est vrai pour les opérations forward évoquées précédemment.
Ainsi, un exportateur ayant réalisé une opération de vente à
l’étranger libellée en monnaie étrangère couverte par une vente
à terme de ces devises mais dont il ne percevra pas la contre-
partie financière, parce que l’entreprise étrangère a fait faillite,
demeurera obligé de vendre ses devises à la date et au prix
spécifiés dans l’opération forward. Une option, par nature, ne
présente pas pour celui qui l’achète ce désavantage majeur.
Celui-ci achète en effet le droit de prendre une position (ache-
teur ou vendeur) sur un actif sous-jacent, mais il n’est en aucun
cas obligé de le faire : si le prix garanti offert par l’option ne
lui semble pas intéressant, pour quelque raison que ce soit, il
n’utilisera pas son option et n’aura perdu que la prime de
l’option. L’acheteur de l’option n’aura fait que payer pour un
droit qu’il n’utilisera pas. Comme le rappelle Plihon [2001], « à
la différence des autres modalités de couverture, l’option donne
le droit à l’erreur et peut rapporter » ; elle est donc bien adaptée
à l’incertitude. Nous retrouvons ici le mécanisme assurantiel
décrit précédemment.

La cotation d’une option. — Celle-ci sera par nature fonction


du sous-jacent utilisé, mais des principes généraux de cotation
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 21

peuvent être mis en évidence. Le tableau suivant présente la


cotation d’options d’achat et de vente d’actions Air Liquide.

Intitulé Plus haut Plus bas Clôture Compensation

Air Liquide 131,4 130,4 130,5


C 15 Avr 135 2,02 2,02 2,02 2,57
P 15 Avr 130 2,74
C 17 Jun 140 1,54 1,48 4,48 1,9
P 17 Jun 130 5,75 5,75 5,75 5,87

Source : Les Échos, 31 janvier 2005.

En dessous de la ligne précisant l’entreprise émettrice de


l’action sur laquelle porte l’option, sont proposés, dans la
colonne « Intitulé », des calls et des puts pour des échéances et
des strikes définis : C pour call, P pour put. Les colonnes suivantes
précisent la valeur la plus haute observée sur l’option consi-
dérée, la valeur la plus basse, la valeur de clôture et celle de
compensation (à savoir le cours d’ouverture du jour de liquida-
tion du contrat).
Le tableau ci-dessous retrace les prix d’options sur devises,
euro contre dollar US, cotées au Chicago Mercantile Exchange
(CME). Ceci n’influence pas réellement la lecture de la cota-
tion. Les options sur devises sur marchés organisés et les options
sur futures de devises, elles aussi cotées sur un marché organisé,
n’offrent que peu de différences.

USD/e options (CME)

Strike price Calls Puts

Nov. 15 Déc. Mars Juin Déc. Mars Juin


12 800 2,03 3,90 5,05 0,46 1,99 3,00
12 900 1,46 3,33 – 0,81 2,44 –
13 000 1,09 2,66 4,02 1,24 3,00 –
13 100 0,54 2,39 3,57 – 3,46 –

Source : The Financial Times, 16 novembre 2004.

La première colonne de cette table représente les différents


prix d’exercice proposés pour chaque option (exprimés en cents
22 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

US) et pour des échéances prédéfinies. Une option permettant


d’acheter par exemple de l’euro au prix de 1,28 dollar pour une
échéance décembre 2004 coûtera ainsi 2,03 cents par euro
négocié. Une option permettant de vendre de l’euro au prix de
1,31 dollar à l’échéance mars 2005 coûtera à celui qui s’en porte
acquéreur 3,46 cents.

Les swaps

Définitions. — To swap signifie en anglais « échanger ». Un swap


est donc un contrat d’échange entre deux contreparties portant
sur un actif (asset swap) ou des éléments constitutifs d’un passif
(liability swap), de façon temporaire. Les flux échangés dans un
swap sont appelés les jambes.
Il existe différents types de swaps : de change, de taux et, plus
récemment, de crédit ; les marchés de swaps offrent, à l’instar
des autres marchés dérivés, une grande diversité de produits
variant en fonction du sous-jacent couvert (swaps sur actions, sur
matières premières, sur indice, etc.) et en fonction du méca-
nisme qui les caractérise. On notera en particulier l’existence du
swap dit « de base » (basis swap), qualifiant un swap de devises
ou un swap de taux dont les clauses contractuelles permettent
d’échanger un taux variable contre un autre taux variable.
Un swap cambiste (ou forex swap) se définit comme une
cession de devises contre une autre sur une période de temps
donnée. Il s’agit le plus souvent d’un instrument de court terme.
Deux prix seront définis dans ce type de swaps : la valeur initiale
d’échange des deux devises en question ainsi que leur valeur de
rétrocession à l’échéance du contrat.
Un swap de devises (ou currency swap) est différent d’un swap
cambiste : il s’agit en effet d’un échange de dettes libellées dans
des monnaies différentes. Le principal des emprunts ainsi que
les flux d’intérêt sont donc, à la différence d’un swap de change,
inclus dans cet échange. Un swap de devises est, de plus, un
instrument de long terme qui peut être combiné avec un swap de
taux.
Un swap de taux (ou IRS, interest rate swap), sous sa forme la
plus simple, est un échange des charges d’intérêt associées à des
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 23

emprunts de même ampleur, libellées dans une même devise et


d’égale échéance mais dont les structures de taux sont diffé-
rentes : l’un sera à taux fixe, l’autre à taux variable. En flux nets
ne seront donc échangées, dans un swap de taux, que les condi-
tions d’emprunt.
Un swap de taux permet à un agent économique (une entre-
prise) de modifier ses conditions d’emprunt en fonction de ses
anticipations sur la valeur future du taux d’intérêt : elle pourra
ainsi « swaper » un emprunt à taux fixe contre un emprunt à
taux variable si elle anticipe une baisse des taux, ou « swaper »
un emprunt à taux variable contre un emprunt à taux fixe dans
le cas contraire. L’agent qui, dans un swap, cherchera à
emprunter à taux fixe (et donc à prêter à taux variable) sera
considéré comme acheteur (ou receveur) du swap. L’agent
emprunteur à taux variable (prêteur à taux fixe) sera défini
comme vendeur (ou payeur) du swap de taux.
Les swaps de crédit, enfin, sont des contrats permettant de
« transférer le risque et le rendement d’un actif à une contre-
partie sans pour autant céder la propriété de l’actif sous-
jacent » [Kiff et Morrow, 2000]. Deux types de swaps sont
traditionnellement évoqués : les swaps sur défaillance (appelés
aussi swaps sur défaut de paiement) et les swaps sur rendement
total. Ces derniers permettent de transférer à une contrepartie le
risque et le rendement sur un actif tandis qu’un swap sur défail-
lance offre à celui qui l’achète une protection contre le risque de
défaut d’un agent tiers sur lequel il détient une créance. L’ache-
teur paiera, en contrepartie, au vendeur du swap, des commis-
sions périodiques proportionnelles au nominal à couvrir.
Des swaps ayant d’autres sous-jacents qu’une devise, un taux
d’intérêt ou une dette existent : les swaps sur indices et les swaps
sur matières premières. Un swap sur indice est un contrat en
vertu duquel deux agents s’accordent pour échanger les intérêts
d’un emprunt contre le rendement d’un indice boursier. Un
swap sur matières premières se définit enfin comme un accord en
vertu duquel un agent convient d’acheter à date fixe et à un
prix prédéterminé une certaine quantité de matières premières et
reçoit en contrepartie le produit monétaire de la vente aux prix
variables observés régulièrement sur le marché, de cette même
quantité [Chazot et Claude, 1995].
24 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

À l’origine des swaps : les prêts parallèles. — La naissance des


contrats d’échange n’est pas liée à la volonté de développer un
outil de couverture des risques, mais de contourner la législation
alors en vigueur. Dans les années 1970, en effet, une entreprise
française voulant s’endetter en yens, par exemple, ne pouvait
le faire à cause du contrôle des changes. Une entreprise japo-
naise pouvait en retour se voir privée du droit d’acheter du franc
français. Il y avait donc à l’époque une incitation pour ces deux
entreprises à contourner ces aspects réglementaires en emprun-
tant chacune dans leur propre monnaie et en échangeant, sous
l’hypothèse d’un nominal identique une fois converti dans la
même monnaie, le produit de leurs emprunts. Cette opération
n’était cependant pas sans contraintes : elle était en premier lieu
inscrite au passif du bilan de l’entreprise, ce qui limitait la capa-
cité à effectuer d’autres opérations d’emprunt dans sa monnaie.
En cas de défaut d’une des contreparties, la seconde restante se
devait de rembourser le principal et les intérêts de son emprunt
mais aussi ceux associé à l’emprunt de l’entreprise défaillante.
Les swaps furent conçus pour garantir les avantages des opéra-
tions de prêts parallèles sans pour autant en porter les inconvé-
nients : un contrat d’échange est en premier lieu inscrit en hors
bilan, ce qui laisse « intacte » la capacité d’une entreprise à
emprunter dans sa propre monnaie. La défaillance d’une des
deux contreparties impliquées dans ce swap libère en outre auto-
matiquement la contrepartie restante de ses obligations.

La couverture des risques par un contrat d’échange. — Un swap


est, sur ce point, différent d’un contrat à terme ou d’une option
dont le principe fondamental repose, nous l’avons vu, sur la fixa-
tion d’un prix à terme. Il s’agit en réalité, soit de céder de façon
temporaire l’actif ou les éléments d’une dette ou d’une créance,
et ainsi de transférer les risques financiers qui leur sont associés,
soit de modifier des conditions d’emprunt ou de placement. Le
risque en cela est géré puisqu’il est cédé, comme tout produit
dérivé, à un autre agent économique désireux de supporter ce
risque contre rémunération ou ayant une conception différente
de ce risque.
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 25

La cotation des contrats d’échange. — Les swaps sont majoritai-


rement des produits de gré à gré ne nécessitant pas, par défini-
tion, de cotations officielles. Les quotidiens financiers font
néanmoins apparaître une cotation pour les swaps de taux.
Celle-ci ne pourra, par nature, préciser la valeur du taux variable
retenu pour l’opération puisque celui-ci ne sera connu qu’à
l’échéance. Une cotation de swap de taux ne fera apparaître que
les taux fixes emprunteurs et prêteurs (respectivement le taux bid
et ask selon la terminologie anglo-saxonne souvent privilégiée
sur les marchés financiers), par devise et par échéance (de un
an à trente ans) qui pourront être échangés contre des taux
variables. La nature de ces derniers sera en revanche précisée en
dessous de la table de cotation.

Interest rate swaps (swaps de taux d’intérêt)

Euro-e £ Stlg Swfr US $

Bid (taux Ask (taux Bid Ask Bid Ask Bid Ask
emprun- prêteur)
teur)

1 year 2,33 2,36 4,93 4,96 1,00 1,06 2,78 2,81


2 years 2,54 2,56 4,84 4,88 1,22 1,29 3,20 3,23
5 years 3,18 3,21 4,90 4,95 1,81 1,89 3,91 9,94
10 years 3,87 3,90 4,93 4,98 2,52 2,60 4,59 4,62
20 years 4,39 4,42 4,79 4,92 2,98 3,08 5,16 5,19
30 years 4,51 4,54 4,66 4,79 3,11 3,21 5,25

Source : The Financial Times, 16 novembre 2004.

En vertu de ce tableau, un opérateur souhaitant échanger un


taux fixe contre un taux variable sur un nominal libellé en dollar
sur un horizon de deux ans devra par exemple prêter au taux
annuel de 3,23 % et emprunter au taux variable Libor (London
Interbank Offered Rate) à trois mois.
Des cotations pour les swaps cambistes peuvent aussi être
définies. Celles-ci se feront principalement en points de terme.
Les points, au regard des taux de change, correspondent à la troi-
sième et la quatrième décimale de la cotation (la première et la
deuxième étant appelées la figure). Ils sont principalement
utilisés pour qualifier un écart entre deux taux de change,
26 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

acheteur et vendeur, spot et à terme ou forward. Le tableau


suivant donne un exemple de cotations spot et forward sur
lesquelles se base la construction d’un swap cambiste.

EUR/USD Spot un mois trois mois six mois

Bid Ask Bid Ask Bid Ask Bid Ask

1,3039 1,3040 3 6 15 23 41 58

L’écart entre le cours de marché USD/EUR acheteur (1,3039)


et vendeur (1,3040) observé est ainsi d’un point. Le cours de
change à terme sera obtenu en additionnant les points de terme
acheteur (respectivement vendeur) au taux de change au comp-
tant acheteur (vendeur) : le cours de change acheteur à terme
un mois sera ainsi de 1,3042 dollar. En conséquence, un swap
cambiste emprunteur d’euros à trois mois sera constitué d’un
achat spot d’euros (taux 1,3039 dollar par euro acheté) et d’une
vente à terme de ces mêmes euros au taux de 1,3063 dollar par
euro vendu.

Des marchés dérivés en pleine expansion

Comment a évolué au cours des dernières années le marché


des produits dérivés dans son ensemble ? Quel risque financier
est le plus couvert par les agents économiques utilisant ces
produits ? Quel instrument a les faveurs des opérateurs ? C’est
à ces questions que nous tenterons de répondre dans cette
section. Pour cela, nous distinguerons les marchés dérivés de
produits financiers des marchés dérivés sur matières premières.
Une telle distinction s’impose car il n’existe pas de données
agrégées sur l’ensemble des marchés de produits dérivés.

Marché de gré à gré et marché organisé

Les produits dérivés évoqués précédemment peuvent être


échangés selon deux modalités principales : sur un marché de
gré à gré (nommé également marché OTC pour over-the-counter,
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 27

littéralement « au-dessus du comptoir ») ou sur un marché


organisé.

Le marché de gré à gré. — Un marché est dit « de gré à gré »


lorsque les opérations qu’il autorise se font directement entre
intervenants, le plus souvent par téléphone ou par réseaux infor-
matiques, sur des montants, des échéances et des prix qui ne
sont pas standardisés. Un marché, quel qu’il soit, n’a en effet
pas nécessairement besoin d’une réalité physique pour exister
car il n’est que l’agrégation d’opérations d’achat et de vente.
Ainsi pourra-t-on définir le « marché des berlines de luxe » sans
qu’il existe de lieu précis où ces voitures sont achetées et
vendues. Tel est le cas des marchés OTC de produits dérivés. Une
entreprise cherchant à couvrir son risque de change sur des
recettes d’exportation fera une opération de gré à gré avec sa
banque si les conditions de sa couverture (montant des devises à
couvrir, taux de change garanti et horizon de la couverture) sont
spécifiquement définies en fonction des besoins de celle-ci.
Si les marchés de gré à gré sont par nature déréglementés, ceci
ne signifie pas qu’ils sont totalement dénués de codes et de stan-
dards. Ainsi, sur le marché des swaps, par nature de gré à gré,
l’Isda (International Swap Dealers Association), association créée
en 1985 et regroupant environ six cents institutions interve-
nant sur les marchés de dérivés OTC, vise, par ses actions, à
promouvoir des codes de bonne conduite dans la définition, la
négociation et la gestion des produits dérivés. En dépit de la
nature bilatérale d’une relation OTC, l’Isda encourage en parti-
culier toute contrepartie agissant sur le marché des swaps et des
options OTC à adopter des standards (Isda Master Agreement
notamment), améliorant la transparence de l’opération en défi-
nissant les responsabilités propres des deux contreparties à
l’échange.

Les marchés organisés. — Un marché sera dit « organisé » par


opposition à un marché de gré à gré. Les produits négociés sont,
comme nous l’avons vu pour les contrats à terme qui ne peuvent
être échangés que sur ce type de marchés, standardisés en termes
de montant, de variation minimale des prix et d’échéance de
livraison. Si ces échéances, au nombre de quatre (le plus souvent
28 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

mars, juin, septembre et décembre) pour la plupart des contrats,


ou de cinq pour certains contrats à terme agricoles (les futures
sur produits agricoles du Chicago Board of Trade, CBOT, ou du
London Financial Futures Exchange, LIFFE, ont cinq échéances :
mars, mai, juillet, septembre et décembre), sont communes à
l’ensemble des marchés organisés, le montant minimal des
contrats et leurs variations minimales de prix sont spécifiques
aux sous-jacents sur lesquels ils portent. Ainsi, tout intervenant
sur le marché organisé du CBOT ne pourra négocier qu’un
multiple de la valeur unitaire du contrat à terme sur le blé, soit
5 000 boisseaux, tandis qu’un opérateur sur le contrat à terme
de cacao, à Londres, ne pourra intervenir sur ce marché pour
un montant à couvrir inférieur à la taille minimale du contrat,
soit dix tonnes. Cette négociation des contrats pourra, sur ces
marchés, se fonder sur le système traditionnel de la criée ou
fonctionner sur le principe d’une Bourse électronique.
Un marché organisé fera en outre, par nature, intervenir une
chambre de compensation comme intermédiaire obligé entre
l’acheteur et le vendeur du produit dérivé négocié. Le rôle de
la chambre de compensation est d’assurer le bon fonctionne-
ment du marché. Elle veille pour cela au respect des termes du
contrat à terme et à l’enregistrement et à la gestion des transac-
tions. La chambre de compensation organise en outre le marché
par la mise en place d’un dépôt initial et la procédure des appels
de marge. Pour intervenir sur un marché organisé de produits
dérivés, seule une fraction (entre 2 % et 5 %) des sommes négo-
ciées doit être offerte en garantie. Ainsi, un acheteur d’un
contrat à terme sur euro (cf. supra) ne devra verser sur un compte
géré par la chambre de compensation que 2 000 dollars par
contrat. Celle-ci liquidera ensuite chaque jour de manière fictive
la position de l’acheteur, afin de s’assurer de sa solidité finan-
cière : elle créditera le dépôt de l’acheteur du montant des plus-
values latentes si le contrat future en question voit son prix
augmenter et le débitera dans le cas contraire.
Force est de constater, en dépit de l’exposé précédent, que les
différences fortes existant entre marché organisé et marché de
gré à gré tendent à s’estomper. Il est en effet possible qu’un
marché OTC se dote d’une chambre de compensation et
recherche une standardisation des produits négociés. La
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 29

différence fondamentale subsistant entre ces deux types de


marchés serait alors définie par l’existence ou l’absence d’un
règlement général de marché.

Des marchés anciens. — Comme le rappelle notamment Stein-


herr [1998], c’est au philosophe, mathématicien et marchand
grec Thalès de Milet que l’on attribue traditionnellement, dès
l’an 600 avant notre ère, l’invention du mécanisme de l’option
sur actif (ce point historique demeure cependant contesté,
notamment par Crouhy [2000]). Observant que la récolte
d’olives allait être particulièrement bonne, Thalès acheta le droit
de louer au moment de la récolte les presses à olive au taux
usuellement pratiqué. Six mois plus tard, alors que ses prévi-
sions s’avérèrent exactes, le besoin de presses à olive fut tel que
le philosophe Thalès put engranger de substantiels bénéfices en
les relouant à un taux bien supérieur à celui qu’il avait lui-même
négocié.
La diffusion du principe de couverture à terme et la standar-
disation des contrats sont en revanche plus récentes. Le Chicago
Board of Trade, le premier des marchés organisés, ne fut créé
qu’en 1848. C’est sur ce marché que le premier contrat à terme
standardisé vit le jour en 1865. Le Chicago Mercantile Exchange
(CME) fut quant à lui ouvert en 1919 et offrait à cette époque des
contrats à terme sur l’œuf et le beurre.
Si l’existence des marchés à terme sur actifs réels est ancienne,
l’apparition des marchés organisés de produits dérivés sur actifs
financiers est en revanche un phénomène bien plus récent. C’est
en effet en 1973 que les premières options d’achat sur actions
américaines naissent sur le marché du Chicago Board Option
Exchange. À partir de cette date, les innovations financières se
développent et la nature des sous-jacents de ces contrats se diver-
sifie considérablement : l’année 1977 voit l’apparition sur le
CBOT du premier véritable future sur actif financier (sur obliga-
tions du Trésor américain). Sur le CME, les indices boursiers
servent de support aux contrats à terme à partir de 1982 (l’indice
SP 500) tandis que le CBOT innove en lançant les premières
options sur obligations du Trésor. Ce n’est que 20 avril 1986 que
la France se dote d’un marché organisé permettant de traiter des
contrats à terme sur emprunts d’État (le Matif : marché à terme
30 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

d’instruments financiers, puis marché à terme international de


France en 1988, après la création de contrats à terme sur
marchandises). Le Monep (Marché des options négociables de
Paris) est créé un an plus tard, le 10 septembre 1987, pour la
négociation de dérivés sur actions. Ces deux marchés fonction-
nent aujourd’hui sous l’égide de la Bourse paneuropéenne
Euronext-liffe.

La structure des marchés de produits dérivés

Les marchés OTC sur actifs financiers. — Les marchés de produits


dérivés négociés de gré à gré sur ce type de sous-jacent représen-
taient en décembre 2003 plus de 78 % des échanges (mesurés
en valeur notionnelle) sur les marchés de produits dérivés, soit
195 761 millions de dollars.
Ce chiffre traduit une hausse de plus de 145 % du volume de
transactions observé sur les marchés de gré à gré sur seulement
cinq ans. Ce chiffre surestime néanmoins la valeur des échanges
de produits dérivés au sens strict dans la mesure où les opéra-
tions à terme sur devises ou sur taux d’intérêt (les Forward Rate
Agreement) sont comptabilisées.
Cette progression s’observe sur tous les marchés de gré à gré
même si des divergences doivent être signalées : alors que les
marchés ayant pour sous-jacent les actions et les taux voient leur
activité augmenter respectivement de 183 % et de 154 % sur
cette même période, celui des dérivés de change ne progresse
que de 35 %. La disparition depuis 1999 des monnaies des douze
pays composant aujourd’hui la zone euro ainsi que la vague des
opérations de fusions-acquisitions dans le monde bancaire expli-
quent en partie cette situation.
Comme en témoigne le tableau ci-contre, les produits dérivés
permettant de couvrir le risque de taux représentent l’essentiel
des encours sur les marchés de gré à gré sur produits dérivés
(valeur décembre 2003).
Une étude réalisée par Fitch [Les Échos, 2005] auprès de
cinquante-sept grandes entreprises confirme pour partie cette
analyse en montrant que les dérivés de taux représentent plus de
43 % (en valeur notionnelle) des produits dérivés détenus par
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 31

La taille des marchés de produits dérivés de gré à gré sur actifs


financiers

Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc.


1998 1999 2000 2001 2002 2003

A. Dérivés
de change 18 011 14 344 15 666 16 748 18 448 24 475
Contrats à terme
sec et swaps
cambistes 12 063 9 593 10 134 10 336 10 719 12 387
Swaps de devises 2 253 2 444 3 194 3 942 4 503 6 371
Options 3 695 2 307 2 338 2 470 3 238 5 726
B. Dérivés
de taux 50 015 60 091 64 668 77 568 101 658 141 991
FRA 5 756 6 775 6 423 7 737 8 792 10 769
Swaps 36 262 43 936 48 768 58 897 79 120 111 209
1
Options 7 997 9 380 9 476 10 879 13 746 20 012
C. Dérivés actions 1 488 1 809 1 891 1 881 2 309 3 787
Swaps
et Forwards 146 283 335 320 364 601
Options 1 342 1 527 1 555 1 561 1 944 3 186
E. Autres 10 389 11 408 12 313 14 384 18 328 25 508
F. Total 79 720 87 425 94 276 110 580 140 639 195 761

1. Comme le précisent Fontaine et Gresse [2003], un FRA permet de garantir de façon


ferme le coût ou le rendement d’une opération de trésorerie future. Un acheteur de FRA
cherchera à définir un taux futur d’emprunt tandis qu’un vendeur de FRA cherchera à
définir un taux futur de placement.
Source : Banque des règlements internationaux [2004].

celles-ci. Les dérivés de matières premières, avoisinant 25 % de ces


produits, font en revanche jeu égal avec les dérivés de change en
raison d’un besoin accru des industriels de couverture liés à
l’envolée du prix des matières premières, notamment énergétiques.
Si la couverture du risque de taux est la motivation princi-
pale de l’utilisation des marchés de gré à gré, quel est l’instru-
ment, tous sous-jacents confondus, le plus utilisé sur ces
marchés ? La réponse à cette question ne peut être ambiguë :
les contrats d’échange sont assurément les instruments les plus
utilisés dans les échanges de gré à gré. Ils représentent plus de
32 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

La nature des sous-jacents couverts sur les marchés


de produits dérivés de gré à gré

Source : Banque des règlements internationaux [2004].

78 % des instruments dérivés de taux et s’imposent comme un


outil incontournable de la gestion du risque de change : selon
la dernière enquête trisannuelle de la Banque des règlements
internationaux, les swaps cambistes dominent depuis 1995 le
marché des changes dit « traditionnel ». Les seuls swaps
cambistes représentaient en moyenne journalière 944 milliards
de dollars en 2004, soit plus de 50 % du volume total des trans-
actions contre seulement 32 % en 1989. Leur utilisation demeure
néanmoins marginale vis-à-vis des dérivés sur actions.

Les marchés organisés sur actifs financiers. — À l’instar des


marchés de gré à gré, les marchés organisés connaissent eux aussi
une progression importante de leurs volumes. L’activité sur les
contrats futures représentait 19 744 milliards de dollars en juin
2004 contre seulement 9 669 milliards en décembre 2001, soit
une progression de plus de 100 % en moins de trois ans, tandis
que le marché organisé des options progressait de plus de 134 %
sur cette même période. Ils ne représentent cependant que 21 %
des échanges de produits dérivés sur actifs financiers.
LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 33

Si les options ont une place marginale sur les marchés de gré
à gré, elles représentent, selon la BRI, 62,6 % des transactions
sur les marchés organisés. Futures et options paraissent être sur
ces marchés quasi exclusivement utilisés pour gérer le risque de
taux : 97 % des contrats à terme et plus de 91 % des options sont
consacrés à la couverture de ce risque.
Les places financières américaines, pour des raisons notam-
ment historiques, occupent une place importante sur ces
marchés avec 61 % du total de l’activité sur les contrats à terme
et 57 % du total de l’activité sur options.

La localisation des marchés organisés de dérivés sur actifs financiers

Source : Banque des règlements internationaux [2004].

Les places financières les plus dynamiques sont celles de


Chicago, de New York puis de Philadelphie aux États-Unis,
tandis qu’en Europe, Londres et Paris (au sein d’Euronext-liffe)
ainsi que Francfort et Zurich (au sein d’Eurex) dominent les
marchés organisés de produits dérivés.

Les marchés de produits dérivés sur matières premières. — Les


marchés de dérivés sur matières premières sont les plus anciens
des marchés organisés de ce type de produits. Le paradoxe de ces
34 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

marchés, et notamment de celui des contrats futures, est qu’en


dépit du sous-jacent physique de ces contrats, ils donnent rare-
ment lieu à une livraison effective des produits pour le prix
desquels l’acheteur ou le vendeur du contrat cherche à s’assurer.
Cette ancienneté n’est cependant pas synonyme d’immobi-
lisme. Chaque année, des marchés à terme sur commodités
voient le jour. C’est ainsi qu’un marché à terme de l’huile d’olive
à Valence (Espagne) et un marché permettant de traiter notam-
ment le riz et le caoutchouc à Bangkok, se sont créés en 2003.
D’autres, à l’instar du contrat à terme sur le porc négocié sur la
place d’Euronext à Amsterdam ou sur l’orange à Valence, ont à
l’inverse été fermés.
Si la quasi-totalité des produits agricoles servent de support à
des contrats à terme, ce sont les matières premières « indus-
trielles » qui dominent le marché.
Ainsi, comme l’atteste le graphique ci-dessous, les matières
premières énergétiques (et notamment le pétrole) ainsi que les
métaux précieux et non ferreux font l’objet des plus gros
contrats à terme. Les plus gros contrats agricoles sont ceux
portant sur le maïs et la graine de soja (tous deux échangés sur
le CBOT).

Les principaux contrats futures sur commodités

Source : rapport Cyclope 2004.


LES PRODUITS DÉRIVÉS ET LEURS MARCHÉS 35

Il est important de noter que l’importance d’une place finan-


cière ne se mesure pas seulement à l’ampleur des contrats à
terme négociés mais aussi à la nature stratégique ou non du sous-
jacent de ces contrats. Ainsi, l’Asie semble occuper une part rela-
tivement faible des échanges de produits dérivés, mais son rôle
ne doit pas être sous-estimé. Le Tokyo Commodity Exchange
(Tocom), par exemple, demeure la première place mondiale du
négoce de métaux précieux avec 26,6 millions de contrats à
terme échangés sur l’or en 2003 et 14,2 millions de contrats pour
le platine. L’insertion sans cesse croissante de la Chine dans le
commerce mondial devrait de la même façon renforcer la place
de l’Asie sur le marché des produits dérivés.

Les principales places financières de produits dérivés


sur matières premières

Source : rapport Cyclope 2004.

Une analyse plus poussée de la localisation des marchés orga-


nisés montre que les places européennes Eurex et Euronext-liffe
sont les leaders mondiaux des produits dérivés standardisés (tous
supports confondus), mais que les États-Unis représentent à eux
seuls six des dix plus grands marchés organisés.
36 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Ce chapitre fut l’occasion de faire un tour d’horizon des


produits dérivés et des marchés, organisés ou de gré à gré, sur
lesquels ils sont échangés. Nous avons notamment pu voir que,
en dépit du principe commun de gestion des risques qui les sous-
tend, les produits dérivés peuvent être de nature très variée. Une
analyse plus approfondie de ces instruments s’impose donc.
II / Les swaps

L es swaps sont les produits dérivés les plus répandus sur les
marchés et peut-être les instruments les plus prometteurs,
comme en témoignent l’explosion des swaps cambistes sur le
marché des changes depuis 1995 ou l’engouement récent pour
les swaps de crédit. Si ces instruments se ressemblent par leurs
formes, ils se distinguent néanmoins fondamentalement dans
les fonctionnalités. Pour le comprendre, nous détaillerons
successivement les trois grandes familles de swaps : de change, de
taux et de crédit.

Les swaps de change

Le volume des transactions sur le marché des changes a littéra-


lement explosé : de 590 milliards de dollars en 1989, le volume
quotidien des échanges sur ce marché est passé à 1 880 milliards
en 2004. Les swaps de change occupent une large part dans cette
expansion.
Il existe deux types de swaps de change : les swaps cambistes
et les swaps de devises. La forme que prennent ces deux instru-
ments est la même : une institution emprunte dans sa propre
monnaie pour ensuite échanger avec une institution étrangère
la somme obtenue contre une somme équivalente mais libellée
en monnaie étrangère. Des différences majeures entre le swap
cambiste et le swap de devises subsistent néanmoins.
38 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Le swap cambiste

Le swap cambiste (forex swap) ou de trésorerie est avant tout


un instrument de court terme. On distingue le swap cambiste
« comptant contre terme », qui combine une opération spot avec
une opération forward en sens inverse, du swap « terme contre
terme » couplant deux opérations à terme de sens opposé et
d’échéance différente.

Le fonctionnement d’un swap comptant contre terme. —


Prenons l’exemple d’un swap cambiste comptant contre terme
couplant une vente spot d’euros contre dollars américains par
l’agent A associée à un achat à terme de ces mêmes euros.
L’agent B, contrepartie de A dans ce swap, achètera spot ces euros
(il vendra spot des dollars pour cet achat) et les revendra à terme
à l’agent A (il rachètera donc à terme les dollars vendus à
l’agent A). Un swap cambiste n’est donc ni plus ni moins qu’un
prêt dans une devise et un emprunt dans une autre. Dans notre
exemple, l’agent A prête in fine des euros à l’agent B et emprunte
à ce même agent une somme correspondante mais libellée en
dollars. Le graphique ci-dessous décrit ce mécanisme pour un
swap euro contre dollar sur un nominal de 100 000 EUR, un taux
de change spot EUR/USD de 1,20 et un forward EUR/USD égal
à 1,21.

Le fonctionnement d’un swap cambiste comptant contre terme


LES SWAPS 39

Le swap cambiste est un instrument très largement utilisé sur


le marché des changes. Il représentait en 2004, selon la dernière
enquête trisannuelle de la BRI, 53 % des échanges avec un
volume journalier d’opérations de 944 milliards de dollars
(contre seulement 456 milliards soit 48 % en 1995). Il s’agit d’un
dérivé négocié principalement sur le marché interbancaire
(seulement 9 % des échanges de swaps cambistes font intervenir
une contrepartie non bancaire ou financière) dont l’échéance
n’excède que très rarement un an. Seulement 1 % des swaps
dépassent cette échéance tandis que 73 % des swaps ont une
durée inférieure à une semaine.

La raison d’un succès. — L’usage massif du swap cambiste sur


le marché interbancaire s’explique principalement par la supé-
riorité de cet instrument sur une opération à terme tradition-
nelle (forward). Le premier chapitre fut l’occasion de définir ce
qu’était une transaction à terme dans l’optique d’un agent cher-
chant à couvrir son risque de change : l’obtention en t0 auprès
d’une banque d’un cours d’achat (ou de vente) de flux de devises
à livrer (à recevoir) à une date ultérieure. La définition d’un taux
de change à terme est donc in fine synonyme d’un transfert de
risque de l’agent vers la banque. La banque devra donc elle aussi
couvrir ce risque. Dans le cas d’achat à terme de devises négocié
par un client (imposant donc une livraison à terme de ces devises
pour la banque), elle achètera spot ces devises pour ne pas risquer
de les acheter ensuite plus chères. Pour ce faire, elle emprun-
tera la contre-valeur en euros, achètera les devises qu’elle placera
immédiatement au taux d’intérêt étranger en vigueur et fixera le
taux de change à terme proposé à son client en fonction du diffé-
rentiel d’intérêt entre le pays domestique et le pays étranger.
Définir un prix à terme impose donc à la banque une double
opération d’emprunt et de placement qui peut être pénalisante
pour trois raisons fondamentales :
— cette opération est inscrite au bilan de la banque, ce qui,
compte tenu de la réglementation prudentielle en vigueur, peut
grever sa capacité future à emprunter. Ce point doit être néan-
moins relativisé, compte tenu de l’émergence des nouvelles
normes IFRS ;
40 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

— elle impose la recherche de deux contreparties (pour


l’emprunt et pour le prêt), ce qui peut être une procédure
longue ;
— l’opération d’emprunt ou de placement en devises (en
fonction de l’opération à terme) peut ne pas être à l’avantage des
banques de taille moyenne et faible dont la reconnaissance sur
le marché des dépôts étranger n’est pas assurée.
Un swap cambiste permet à la banque de contourner ces
obstacles tout en offrant les mêmes avantages qu’une opération
forward traditionnelle. Il est en premier lieu inscrit sur la position
hors bilan de la banque et n’obère pas sa capacité d’emprunt.
Il lie en second lieu l’opération spot et l’opération forward et
diminue de ce fait pour tout agent impliqué dans cette opération
le risque de défaut de sa contrepartie.

Le swap terme contre terme. — Cet instrument fonctionne sur le


même principe qu’un swap cambiste traditionnel et couple deux
opérations sur devises en sens opposé. Ces deux opérations se
feront en revanche à terme, l’une ayant un horizon plus court
que l’autre. Un achat de devises à terme de trois mois pourra par
exemple être couplé à une vente à terme de ces mêmes devises à
six mois.
Un swap cambiste de cette nature permet de fermer une posi-
tion à terme lorsque celle-ci ne se justifie plus et d’en ouvrir une
seconde pour un terme plus éloigné. Le graphique suivant
permet d’illustrer ce point. Il traduit la situation d’un exporta-
teur européen ayant réalisé une vente pour un montant de
100 000 USD payables au 1er avril 2005. Craignant une déprécia-
tion de cette devise, l’exportateur s’engage auprès de sa banque
dans une vente à terme de ces devises. Le taux forward retenu
est 0,82 euro par dollar vendu. Le risque de change est en cela
géré puisqu’il connaît avec exactitude la contre-valeur en euros
des recettes d’exportation qu’il percevra. Le 1er février, il est
informé que l’entreprise ne pourra honorer sa créance qu’au
1 er juin 2005. L’exportateur n’est donc plus en position de
change fermée : la couverture à terme établie le 1er janvier 2005
lui impose en effet de vendre 100 000 dollars indépendam-
ment du non-paiement de la créance qu’il détient sur l’entre-
prise étrangère. L’exportateur se retrouve alors dans une
LES SWAPS 41

situation de vente à découvert (il vend à terme des devises qu’il


ne possède pas) éminemment spéculative.

Un exemple de swap cambiste terme contre terme

L’exportateur pourra alors négocier auprès de sa banque un


swap cambiste terme contre terme lui permettant d’acheter des
dollars à terme à deux mois (au 1er février 2005) et les revendre
à terme à cinq mois (au 1er juin 2005). Il ferme alors sa posi-
tion de change à deux mois (la vente à terme initiale est en effet
compensée par la composante « achat à terme » du swap pour
un coût égal à la différence des taux forward multipliée par le
nominal à couvrir, soit 1 000 euros) et gère son risque de change
à cinq mois puisque les devises qu’il recevra au 1er juin 2005
auront leur contre-valeur en euros fixée par la composante
« vente à terme » de ce même swap.
Un tel instrument peut être particulièrement intéressant
lorsqu’un agent économique désire moduler l’échéance d’une
opération de couverture à terme. L’utilisation des swaps terme
contre terme demeure toutefois marginale sur le marché des
changes.
42 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Le swap de devises

Un swap de devises est, à la différence d’un swap de tréso-


rerie, une opération de long terme permettant à deux institu-
tions d’emprunter dans leur monnaie puis d’échanger les
nominaux et les conditions d’emprunt ainsi obtenues. Un swap
de devises a pour donc vocation essentielle de faciliter l’endette-
ment d’entreprises dans des monnaies étrangères et ce, au meil-
leur taux d’intérêt possible, sans que le risque de change de cette
opération disparaisse réellement. Il s’agit aujourd’hui d’un
instrument marginal sur le marché des changes ne représen-
tant (selon la BRI) en valeur notionnelle que 8 000 milliards de
dollars (valeur juin 2004), soit environ 3 % de l’activité sur les
marchés dérivés OTC.
Le schéma suivant donne l’exemple d’une entreprise euro-
péenne cherchant à s’endetter en yens et d’une entreprise japo-
naise désireuse de s’endetter dans la monnaie européenne pour
un nominal identique (une fois converti au taux de change spot
en vigueur à la date de l’accord).
L’entreprise européenne, dans le cadre du swap de devises,
s’endettera en monnaie européenne pour un montant de
1 million d’euros sur dix ans pour un taux d’intérêt de 4,5 %
annuel. L’entreprise japonaise empruntera la contre-valeur en
yens de ces euros soit 124 millions de yens pour une même
échéance et un taux d’intérêt de 3 %. Les deux entreprises procé-
deront alors à l’échange des sommes empruntées et s’accorde-
ront sur les flux d’intérêt à verser à chaque contrepartie ainsi que
sur l’horizon du swap et des conditions en matière de change
sur le remboursement de la somme empruntée. Dans notre
exemple, l’entreprise européenne versera annuellement
3,72 millions de yens d’intérêt à l’entreprise japonaise et recevra
annuellement 45 000 euros d’intérêt de celle-ci. À l’échéance du
swap, les deux entreprises procéderont au remboursement du
dernier flux d’intérêt et des principaux au taux de change spot en
vigueur à l’échéance (EUR/JPY (100) = 122 dans notre exemple).
LES SWAPS 43

Le fonctionnement d’un swap de devises


44 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Les swaps de taux

Un swap de taux consiste en un échange entre deux contre-


parties de taux d’intérêt, l’un fixe, l’autre variable. Dans cette
opération, un payeur de swap définit l’individu facturant le taux
fixe et empruntant au taux variable. Il sera aussi qualifié de
« vendeur de swap ». Par opposition, le receveur (l’acheteur) d’un
swap de taux empruntera à taux fixe et prêtera à taux variable.

Les enjeux d’un swap de taux traditionnel

La mise en place d’un swap de taux traditionnel impose de


définir un certain nombre de paramètres : 1) la devise dans
laquelle se fera l’opération ; 2) le montant monétaire sur lequel
portera l’échange ; 3) l’horizon du swap ; 4) la valeur du taux fixe
pour l’horizon retenu, le taux variable de référence ; 5) la pério-
dicité du paiement des intérêts fixe et variable ainsi que leurs
modes de calcul. La nature de ces paramètres définira in fine la
nature du swap de taux échangé.
L’utilisation d’un swap de taux répond traditionnellement à
deux objectifs : tirer profit du concept d’avantage comparatif et
modifier son exposition au risque de taux à la suite d’une antici-
pation de baisse ou de hausse des taux.

Un financement au meilleur coût. — La théorie des avantages


comparatifs, à l’origine définie par Ricardo dans le cadre des
théories traditionnelles du commerce international [sur ce sujet,
voir Rainelli, 2003], met en évidence que dans un environne-
ment à deux pays et deux biens, un pays doit se spécialiser dans
la production du bien pour lequel il dispose d’un avantage
comparatif par rapport à l’autre pays même s’il dispose d’un
avantage absolu dans la production des deux biens. Ce principe
a été transposé à l’analyse d’un swap de taux. Une banque ou
entreprise A bénéficiant d’un meilleur rating que la banque ou
entreprise B devra s’endetter à des conditions (emprunt fixe ou
flexible) pour lesquelles elle dispose d’un avantage comparatif, à
savoir le plus grand avantage absolu ou le plus petit désavan-
tage absolu, même si ces conditions ne sont pas celles qu’elle
souhaite initialement.
LES SWAPS 45

Considérons deux entreprises nationales, A et B : la première


désire emprunter à taux variable, la seconde à taux fixe. Elles ont
accès au marché de l’emprunt aux conditions suivantes :

Entreprise A Entreprise B Avantage absolu

Emprunt à taux variable Euribor + 1/4 Euribor + 3/4 50 points


Emprunt à taux fixe 3,5 % 4,5 % 100 points

L’entreprise A dispose d’un avantage absolu sur les deux


compartiments du marché puisqu’elle bénéficie d’un taux
d’intérêt inférieur de 100 points de base sur le taux fixe et de
50 points de base sur le taux variable. Son avantage comparatif
(c’est-à-dire son plus grand avantage absolu) se trouve néan-
moins sur l’emprunt à taux fixe tandis que, réciproquement,
celui de l’entreprise B se situe sur le taux variable. L’entreprise A
va donc emprunter à taux fixe (en dépit de sa volonté initiale
d’emprunter à taux variable), puis prêter la somme empruntée
à l’entreprise B. L’entreprise B en échange empruntera à taux
variable et prêtera la somme ainsi empruntée à l’entreprise A.
L’entreprise A sera donc in fine endettée à taux variable et l’entre-
prise B à taux fixe.
L’intérêt de ce swap réside dans les conditions d’emprunt
résultantes dont pourront bénéficier les deux entreprises. Le gain
maximal collectif lié à cette opération ne peut être que de
50 points : si l’on considère que l’entreprise A emprunte à 3,5 %
et prête à l’entreprise B à 4,5 %, elle gagne in fine 100 points
de base dans cette opération de prêt. L’entreprise B, dans la
seconde partie du swap, ne pourra prêter à l’entreprise A qu’aux
conditions où elle-même emprunte, c’est-à-dire euribor + 3/4
soit 50 points de base au-dessus des conditions d’emprunt de A.
Le gain net « collectif » de ce swap sera bien de 50 points de base
(100 - 50) totalement accaparés par A. Si, à l’inverse, l’entre-
prise A emprunte et prête à B au taux de 3,5 %, l’entreprise B
n’a d’autre choix que de prêter à A à un taux inférieur à celui
auquel elle emprunte soit euribor + 1/4 % : il est théoriquement
possible d’imaginer que A ne gagne rien à ce swap (à l’inverse
de l’exemple précédent où B ne gagnait rien), mais pas qu’elle
perde (elle ne s’engagerait pas dans ce swap si tel était le cas). En
46 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

pratique, les deux entreprises vont partager le gain maximal à


l’échange, soit 50 points de base. Ce partage ne sera pas forcé-
ment à parité et dépendra de la place relative de chaque institu-
tion sur le marché. Imaginons néanmoins que les deux
entreprises décident d’un partage équitable, soit un gain de
25 points de base chacune. L’entreprise A emprunte à 3,5 % et
prête à B au taux de 4,25 % tandis que l’entreprise B emprunte
et prête à euribor + 3/4 %.

Le principe de l’avantage comparatif dans un swap de taux

A va, au final emprunter, au taux proposé par B, soit euribor


+ 3/4 % (soit une perte par rapport à ses propres conditions
d’emprunt de 50 points de base), mais gagne 75 points de base
sur son opération de prêt à B. Son gain net dans ce swap de taux
sera donc de 25 points de base. L’entreprise B, en empruntant in
fine à 4,25 % au lieu de 4,50 %, gagnera elle aussi 25 points de
base. Le swap de taux entre ces deux entreprises leur aura donc
permis d’emprunter à taux variable pour l’une et à taux fixe pour
LES SWAPS 47

l’autre mais à des conditions de taux plus intéressantes que par


un recours direct au marché du crédit.

Une protection contre le risque de taux. — Le deuxième intérêt


d’un swap de taux est de permettre à une institution (banque,
entreprise, collectivité territoriale) déjà endettée de modifier ses
conditions initiales d’emprunt si celle-ci perçoit un accroisse-
ment du risque de taux auquel elle est assujettie. L’institution
acheteuse du swap (c’est-à-dire acheteuse du taux fixe) sera soit
endettée à taux variable, soit créancière à taux fixe, et antici-
pera une hausse, tandis que sa contrepartie sera endettée à taux
fixe ou créancière à taux variable, mais anticipera une baisse des
taux. L’opération est identique à celle envisagée dans le point
précédent à l’exception du fait que l’opération initiale
d’emprunt ici n’est pas effectuée simultanément à l’opération de
swap.
Soit une entreprise A endettée au 1 er janvier 2005 à taux
variable euribor 6 mois + 3/4 % sur une période restant à courir
de deux ans, pour un montant de 10 millions d’euros. Elle anti-
cipe une hausse des taux contre laquelle elle se protège par
l’achat d’un swap de taux à cette date libellé en euro et pour
un montant lui aussi égal à 10 millions d’euros. Le prix de ce
swap est de 3 % payable annuellement en échange d’intérêts au
taux euribor 6 mois payables chaque semestre. Endettée à taux
variable euribor + 3/4 % mais receveuse d’euribor dans le cadre
du swap de taux, A ferme sa position à taux variable mais l’ouvre
à taux fixe. Son taux d’emprunt effectif sera égal à 3 % auquel
s’ajoutera la différence entre le taux variable honoré et celui
perçu grâce au swap soit 3 + 3/4 %.

La diversité des swaps de taux

Les swaps de taux ne sont pas exclusivement des échanges de


taux fixes contre des taux variables, mais peuvent prendre des
formes variées, à l’instar de tous les autres produits dérivés, qu’il
est difficile d’identifier de manière exhaustive.
Le swap de base (basis swap) : celui-ci se définit comme un
contrat en vertu duquel deux contreparties échangent deux taux
variables différents dans une ou deux monnaies différentes. Il
48 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

s’agit donc d’un swap de taux ou de devises dont la particularité


est l’échange de deux taux variables.
Le swap quanto : le terme quanto désigne tout dérivé « dont
le résultat dépend d’un sous-jacent différent du sous-jacent
responsable de l’exposition au risque » [Ruttiens, 1997]. Un swap
quanto de taux (appelé aussi « swap différentiel » ou diff swap)
peut en conséquence être défini comme une forme particulière
de swap de base pour lequel les flux monétaires des deux jambes
sont libellés dans une même monnaie alors que les références
de taux sont basées sur des monnaies différentes. Le swap quanto
pourra en conséquence être de taux ou de devises.
Les swaps de taux à nominal variable : ce type de swap permet
de moduler le pourcentage du nominal swappé de façon déter-
ministe ou non. Un swap de taux amortissable est un contrat
d’échange dont le principal décroît, de façon linéaire ou non,
dans le temps [Quittard-Pinon et Rolando, 2000]. Les swaps dont
le nominal est une fonction croissante du temps seront qualifiés,
à l’inverse, de step-up [Hull, 2004]. D’autres swaps permettent de
moduler la proportion du nominal échangé en fonction de
l’écart entre le taux d’intérêt de référence et deux bornes prédé-
finies. Un acheteur de ce type de swap pourra être un agent
endetté à taux variable cherchant à se protéger contre une
hausse des taux d’intérêt mais recherchant néanmoins à profiter
d’une baisse de ceux-ci. Un swap de taux standard ne pourra pas
lui permettre de définir une telle stratégie. Un swap à nominal
variable pourra en revanche lui donner l’opportunité de rester
à taux variable (c’est-à-dire de ne pas échanger de principal) si
le taux d’intérêt de référence est inférieur à un taux d’intérêt
plancher prédéterminé, de swapper une partie du principal si ce
même taux d’intérêt de référence est compris entre ce taux plan-
cher et un taux plafond et, enfin, d’opérer en totalité le swap de
taux si le taux de référence est supérieur au taux plafond.
Le swap à départ différé (ou swap forward) : il s’agit d’un swap
de taux standard dont la seule particularité est de permettre
l’échange du notionnel à une date ultérieure à celle de la négo-
ciation du swap. Ce délai peut aller de quelques jours à plusieurs
années.
LES SWAPS 49

Les swaps de crédit

Si le marché des dérivés de crédit se développe rapidement,


c’est avant tout son potentiel de croissance qui suscite l’enthou-
siasme des opérateurs de marché. Kiff et Morrow [2000] rappel-
lent à cet égard que, pour certains observateurs, « les marchés
mondiaux sont exposés à des risques de crédit bien plus grands
que les seuls risques de taux d’intérêt » et que le marché des
dérivés de crédit a en conséquence « un potentiel de croissance
quasi illimité ». Le recours aux dérivés de crédit répond à deux
motivations essentielles : le respect de la réglementation pruden-
tielle limitant légalement l’exposition au risque des banques et la
volonté d’améliorer la performance d’un portefeuille d’actifs par
la diversification des risques et non des actifs qui le composent.
Le risque de crédit que ces outils permettent de couvrir se
définit comme « la perte potentielle supportée par un agent
économique suite à une modification de la qualité de crédit de
l’une de ses contreparties, ou d’un portefeuille de contreparties,
sur un horizon donné » [Marteau et Dehache, 2001]. Ce risque
peut avoir des origines variées, qu’elles soient liées à l’incapacité
individuelle d’un agent économique à faire face à ses engage-
ments commerciaux et financiers ou à l’impossibilité globale de
transférer des fonds d’un pays à un autre sans perte financière.
Il existe fondamentalement deux façons de classer les dérivés
de crédit. Il est en premier lieu possible de distinguer ces outils
en fonction du nombre de sous-jacents pour lesquels le risque
de crédit est couvert. Les dérivés dits single name offrent une
couverture sur le risque d’actifs issus d’un même émetteur, à la
différence des dérivés sur un portefeuille de noms. Les dérivés
de crédit peuvent être en second lieu classés en fonction de la
nature du mécanisme assurantiel qu’ils offrent à leurs acqué-
reurs. Trois outils peuvent alors être distingués : les swaps sur
événement de crédit (credit event swap), les swaps sur rende-
ment total (total return swap) et les options de vente, ou futures
sur écart de crédit (ou sur marge de crédit). Nous ne présenterons
que ces deux premiers produits. Les swaps constituent en effet
l’essentiel (environ 86 % selon la BRI) de l’activité des dérivés
OTC de crédit avec un encours notionnel de 3 846 milliards de
dollars en juin 2004.
50 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Les swaps sur événement de crédit

Il s’agit de la famille des instruments dérivés de crédit la plus


proche d’une assurance traditionnelle. Comme le rappellent Kiff
et Morrow [2000], il s’agit de l’instrument occupant le plus
grand segment du marché des dérivés de crédit. Ces swaps assu-
rent à leurs acquéreurs la différence entre la valeur d’un actif de
référence, avant et après l’occurrence d’un événement de crédit
prédéfini. La nature précise du swap échangé tiendra à la spécifi-
cation dans le contrat de l’événement de crédit, créant le risque
de crédit et donnant droit au versement d’un flux compensa-
toire en cas de diminution dans la valeur de l’actif de référence.
Quatre swaps peuvent alors être identifiés : le swap sur défaut
de paiement, le swap de notation, le swap d’inconvertibilité et le
swap de dévaluation.

Le swap sur défaut de crédit (credit default swap). — Il offre une


protection contre le risque de défaillance de l’émetteur d’un titre
sous-jacent au contrat d’échange tandis que le swap de nota-
tion protège celui qui l’achète contre la diminution de la valeur
d’un actif de référence consécutive à un abaissement du rating
de l’émetteur par une agence de notation. Si l’agent B est ache-
teur de swap sur événement de crédit sur un titre de créance émis
par A, et C le vendeur du swap, le contrat prendra la forme
présentée dans le schéma ci-contre.
Le remboursement de la valeur initiale de l’actif sous-jacent
pourra se faire, soit par le versement d’une somme équivalente à
la différence entre la valeur avant et après l’incident de crédit,
soit par la livraison physique du titre au vendeur du swap contre
paiement de sa valeur initiale.
Certains swaps de défaut dits « réciproques » offriront aux
deux contreparties B et C une protection contre le risque de
défaut des institutions émettrices des actifs respectivement
détenus.

Les swaps de défaut sur panier d’actifs (basket credit default


swap). — À la différence du swap de défaut single name évoqué
précédemment, et protégeant son acquéreur de la défaillance
d’un seul émetteur, ce produit a, comme sa dénomination
LES SWAPS 51

Le fonctionnement d’un swap sur événement de crédit

l’indique, pour fonction de protéger les acquéreurs contre le


risque de crédit d’un portefeuille d’actifs et non d’un seul actif.
Le first to default swap permet à son acquéreur de percevoir le
flux compensatoire dès qu’un des émetteurs des titres détenus
par l’acheteur du swap et inclus dans la définition du panier
d’actifs fait défaut. Le contrat d’échange établi entre l’acheteur
et le vendeur de protection contre le risque de crédit disparaît
alors. D’autres swaps sur panier d’actifs (second to default, third to
default swap) offrent une garantie similaire mais pour un nombre
d’événements de crédit pouvant être égal au nombre de « noms »
(d’émetteurs) compris dans le panier d’actifs détenus par l’ache-
teur de ces swaps.
Un agent détenteur d’un portefeuille d’actifs cherchant à se
protéger en totalité contre le risque de défaut de tous les émet-
teurs de ces actifs pourra en théorie acheter un swap de défaut
single name sur chaque émetteur des titres qui composent son
portefeuille. Cette stratégie sera en revanche coûteuse (le
nombre de swaps achetés sera égal au nombre d’émetteurs) et
pas nécessairement pertinente car la probabilité de défaut de
l’ensemble des émetteurs qui définissent le portefeuille de cet
agent est par nature faible. Les swaps de crédit sur panier d’actifs
52 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

permettront en revanche à leurs acquéreurs de moduler leur


exposition au risque de crédit (et donc le coût de cette couver-
ture) en fonction de leurs anticipations sur le risque de défaut
des émetteurs sur lesquels ils détiennent des créances
négociables.

Les swaps d’inconvertibilité et de dévaluation. — Ces swaps repo-


sent sur le même principe et protégeront leurs acquéreurs de la
perte financière liée à la dévaluation de la monnaie dans laquelle
est libellé l’actif de référence ou à l’incapacité légale de convertir
cet actif dans une monnaie tierce. Si de tels événements survien-
nent, l’acheteur du swap percevra une indemnité financière
libellée dans une monnaie tierce, prédéfinie dans le contrat de
swap, égale à la valeur de l’actif de référence avant l’occurrence
de la dévaluation ou de l’instauration de restrictions sur les
mouvements internationaux de capitaux.

Les swaps sur rendement total

Cet instrument vise à transférer le risque et le rendement d’un


actif de référence sans que la propriété de cet actif soit cédée.
L’acquéreur du swap paie ainsi au vendeur des flux périodiques
prédéterminés en échange du rendement total de l’actif de réfé-
rence, à savoir les intérêts versés par cet actif et sa plus-value
éventuelle à l’échéance du swap. En cas de moins-value à
l’échéance, celle-ci sera due par l’acheteur au vendeur. Si A est
l’acheteur du contrat et B le vendeur, le swap sur rendement total
prendra la forme présentée dans le schéma ci-contre.
La prime versée par l’acheteur du swap ou vendeur à des dates
de constatation prédéfinies sera le plus souvent indexée sur un
taux variable et augmentée d’une marge fixe. Il est de même
possible que l’observation de la plus ou moins-value éventuelle
ne se fasse pas à l’échéance mais aux dates de constatation,
quand la valeur de marché de l’actif est périodiquement calculée.
LES SWAPS 53

Le fonctionnement d’un total return swap


III / Les futures

Les futures, ou contrats à terme, sont des instruments finan-


ciers particulièrement anciens mais dont l’utilisation n’a cessé
de croître. Ils sont le principal support de la gestion des risques
sur matières premières et voient leur rôle se développer grâce à
l’apparition de nouveaux risques, dont le risque climatique.
Le premier chapitre de cet ouvrage fut l’occasion de présenter
succinctement le marché des contrats à terme. À ce titre, nous
avons défini ces produits comme des opérations à terme tradi-
tionnelles de type forward dont la particularité était d’être négo-
ciables sur un marché organisé. Cette différence est loin d’être
mineure et change radicalement le mode opératoire de gestion
des risques. Nous évoquerons donc les spécificités du marché des
futures dans une première partie pour appréhender dans un
second temps les bases de la gestion des risques que permettent
ces outils.

Les spécificités du marché des contrats à terme

Bien que le principe de la fixation d’un prix à terme soit iden-


tique, la standardisation des contrats à terme et la liquidité du
marché sur lequel ces instruments sont négociés éloignent sensi-
blement les techniques de gestion des risques qui leur sont
associés de celles liées aux opérations forward. Nous étudierons
donc dans un premier temps les règles spécifiques de fonction-
nement du marché des contrats à terme. À l’instar de l’ensemble
LES FUTURES 55

des produits dérivés, les futures peuvent avoir pour support une
diversité de sous-jacents. Nous les présenterons succinctement
dans un second temps.

Le fonctionnement particulier du marché des contrats à terme

Nous avons souligné dans le premier chapitre de cet ouvrage


à quel point il était important de comprendre le fonctionne-
ment propre du marché des futures pour appréhender le mode
de gestion des risques qu’ils permettent de définir. Cinq points
doivent en conséquence être étudiés : la notion de position sur
futures, l’organisation de ce marché par l’existence du dépôt de
garantie et des appels de marge, le concept d’effet de levier, le
mode de formation du prix à terme par l’utilisation des futures et
enfin la notion de risque de base.

La notion de position sur future. — Le premier chapitre de cet


ouvrage fut l’occasion de définir la notion de position. Cette
définition était appliquée aux sous-jacents d’un produit dérivé,
mais elle peut être très facilement étendue aux contrats à terme.
Un acheteur de futures est dit « en position longue sur futures »
tandis qu’en vendeur de futures sera dit « en position courte ».
Par anglicisme, ces acheteur et vendeur pourront être dits en
situation de long hedge ou de short hedge.

Le principe du dépôt de garantie et des procédures de marge.


— Prenons l’exemple d’un contrat à terme sur le maïs négocié
sur le CBOT. Tout agent cherchant à intervenir sur ce marché
devra impérativement verser auprès de la chambre de compen-
sation un dépôt de garantie compris entre 338 USD de 439 USD
par contrat négocié. Parce qu’il s’agit d’une garantie contre les
risques imposée par la chambre de compensation, l’ampleur de
ce dépôt dépendra pour partie du risque auquel est soumis
l’agent. Un agent ayant une position sur le sous-jacent des
contrats futures qu’il négocie, cherchant à se couvrir et reconnu
comme tel par la chambre de compensation sera assujetti à un
dépôt de garantie plus faible que celui imposé à un spécula-
teur. Un agent en situation spéculative mais adoptant une stra-
tégie d’écart, définie comme la prise de position simultanée sur
56 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

un même contrat à terme mais dans des sens opposés, pourra


néanmoins bénéficier d’un dépôt de garantie plus faible. Ce
dépôt peut, sous certaines conditions, se faire en titres tels les
bons du Trésor.
Au 25 janvier 2005, ce contrat, portant sur 5 000 boisseaux
de maïs, valait, pour l’échéance mars 2005, 197 cents américains
par boisseau, soit 9 850 USD par contrat. À cette date, un agent
se porte acquéreur de 30 contrats : la chambre de compensa-
tion lui impose pour cela de verser un dépôt de garantie de
439 USD par contrat soit 13 170 USD. Le lendemain, la valeur
du contrat chute à 195 cents américains par boisseau. La
chambre de compensation va alors liquider fictivement la posi-
tion de l’agent et reporter les gains ou les pertes de celui-ci sur la
valeur de son dépôt initial. Cette méthode de suivi quotidien est
appelée « marked to market ». La perte théorique de l’agent sera ici
de 100 USD par contrat, soit 3 000 USD. La valeur de la position
de celui-ci (et donc la valeur de son dépôt) ne sera plus que de
10 170 USD.
La marge dite « de maintenance » (appelée aussi « dépôt
minimal » ou maintenance margin) définie par le CBOT impose
que le dépôt de garantie ne soit pas inférieur, pour ce contrat, à
325 USD par contrat, soit 9 750 dollars. Ainsi, dès lors que le
prix du contrat tombe en dessous de 194,72 cents, la valeur du
dépôt de garantie devient inférieure à la marge de maintenance
et l’opérateur est obligé de reconstituer l’intégralité de son dépôt
initial.

La notion d’effet de levier. — On parle d’effet de levier (dans


le domaine financier) lorsqu’un investisseur a l’opportunité de
prendre position sur un actif sans avoir pour obligation de
disposer des sommes correspondant à la valeur nominale de cet
actif. L’existence du dépôt de garantie sur les marchés de
contrats à terme crée par nature un effet de levier dans le sens
où tout agent habilité peut, en reprenant l’exemple précédent,
acheter un contrat d’une valeur nominale de 9 850 USD moyen-
nant un dépôt de garantie de 439 USD seulement. L’effet de
levier, se définissant comme le rapport entre ces deux valeurs,
sera alors proche de 22. La rentabilité du placement sera ainsi
exacerbée : si le contrat voit sa valeur passer à 205 cents, le gain
LES FUTURES 57

de l’agent en cas de revente des contrats sera de 12 000 USD, soit


une rentabilité nette (rapportée au dépôt de garantie) d’environ
91 %.

La définition du prix à terme par l’utilisation d’un future. — Un


contrat à terme est, à la différence d’une opération à terme de
type forward, un produit négociable sur un marché et dont le
prix, en conséquence, varie en fonction de l’offre et de la
demande. Comment alors un prix à terme peut-il être obtenu
par cet instrument ? Pour répondre à cette question, considérons
dans le tableau suivant la chronique des prix sur le contrat maïs
évoqué ci-dessus.

Le cas du contrat maïs sur le CBOT

Date Valeur du Valeur Gain/perte Gain/perte Dépôt de


contrat totale du par contrat global garantie
(CTS) contrat (USD) (USD) (USD)
(USD)

25/01/05 197 9 850 – – 13 170


26/01/05 195 9 750 – 100 – 3 000 10 170
01/02/05 195,6 9 780 + 30 + 900 11 070
15/02/05 195,2 9 760 – 20 – 600 10 470
01/03/05 200 10 000 240 + 7 200 17 670

Conformément au principe des appels de marge, toute varia-


tion dans la valeur du contrat donnera lieu à une variation
proportionnelle de la valeur de la position de l’agent consi-
déré. À l’échéance que l’on suppose être le 1er mars, l’acheteur
du future obtiendra les 150 000 boisseaux de maïs au prix du
contrat à cette même date, soit 200 cents par boisseau, représen-
tant un coût total d’achat de 300 000 dollars. L’acheteur déduira
de cette somme la plus-value réalisée sur l’achat des trente futures
(cette somme sera à l’inverse augmentée d’une moins-value sur
les futures en cas de diminution de leurs prix). La valeur de son
dépôt de garantie étant de 17 670 dollars au 1er mars 2005 contre
13 170 dollars au 25 janvier 2005, il déduira donc 4 500 dollars
des 300 000 dollars versés. Le coût effectif d’achat du maïs sera
ainsi, au final, de 197 cents par boisseau, soit le prix convenu
58 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

lors de l’achat des futures. Selon le même principe, un acheteur


de ces mêmes futures au 1er février 2005 se verra offrir un cours
effectif d’achat du maïs de 195,6 cents par boisseau.

La notion de base. — La base se définit, au regard des contrats à


terme, comme la différence existant à un instant donné entre la
valeur d’un contrat à terme et la valeur spot de l’actif sous-
jacent correspondant. Celle-ci sera positive ou négative pendant
la durée de vie du contrat futures, mais sera par nature nulle à
l’échéance de ce contrat.

Évolution de la base dans le temps


Date
Échéance
de souscription
du future
Prix spot du future
du sous-jacent
et prix du future
Prix du future

Prix du spot

Temps

Si, à l’échéance, la base n’était pas nulle (supposons un prix


du future supérieur au prix spot), tout agent aurait l’opportunité
d’arbitrer entre ces deux prix, c’est-à-dire de vendre des contrats
futures et d’acheter simultanément sur le marché spot l’actif sous-
jacent. Le prix des futures diminuerait alors tandis que le spot
du sous-jacent augmenterait : la convergence entre ces deux prix
serait au final assurée. Sur le marché des futures de matières
premières, une situation est dite normale (ou cotango) lorsque
le prix future est supérieur au prix spot spot [sur ce thème, voir
Marquet, 1992].
La différence existant entre la valeur du prix spot et celle du
prix future à la même date tient à la notion de coût de portage
LES FUTURES 59

englobant les coûts liés au différentiel d’intérêt et aux coûts de


stockage. La capacité qu’a un agent de prendre une position
longue et de fixer un prix à terme d’un actif sans engager la tota-
lité de la somme afférente, lui permet non seulement de ne pas
payer les intérêts sur l’emprunt qui aurait dû être effectué si cette
somme était exigée, mais aussi de ne pas supporter les coûts de
stockage de ce sous-jacent (s’il s’agit d’une matière première
essentiellement) avant son utilisation, en théorie le jour du
terme. Le prix du future tient compte de cet avantage et sera
donc, a priori, supérieur au prix spot. Pour les futures sur actifs
financiers, la base ne sera pas fonction des coûts de stockage,
nuls par nature, mais dépendra du différentiel d’intérêt (pour les
futures sur devises notamment) ainsi que de l’existence de flux de
revenus intermédiaires.

Le risque de base. — Le risque dit « de base » survient lorsqu’un


opérateur sur future dénoue sa position avant l’échéance des
contrats : un agent ayant acheté des contrats à terme les
revendra ou les rachètera s’il les avait initialement vendus.
Puisque la valeur de la base demeure incertaine, le coût, par
exemple, de la fermeture d’une position longue (revente des
contrats achetés) pourra être supérieur au gain observé sur le
marché spot si la diminution du prix des futures est supérieure
à celle du prix spot en cas de baisse de ces deux prix ou si
l’augmentation du prix des futures est plus faible que celle du
spot en cas de hausse.

Des contrats à terme aux modalités de fonctionnement variées

Si les contrats à terme sur marché organisé offrent tous


l’opportunité de fixer un prix à terme, la diversité des sous-
jacents possibles impose de repréciser le mécanisme de forma-
tion de ce prix. Nous nous intéresserons en particulier aux futures
de taux courts et aux futures sur obligations notionnelles ainsi
qu’aux futures offrant un règlement cash à l’échéance (cash settle-
ment) : les futures sur indices, boursier ou climatique. Les contrats
à terme plus traditionnels, tels les futures sur devises ou sur
matières premières feront l’objet d’une analyse plus détaillée
dans la deuxième partie de ce chapitre.
60 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Les futures de taux d’intérêt. — Ces contrats à terme de taux à


court terme ont pour sous-jacent le montant des intérêts portant
sur la valeur nominale du contrat. La cotation d’un tel contrat
sera définie par la différence entre la valeur 100 et le taux
d’intérêt auquel ce contrat est adossé. Un acheteur de future de
taux courts cherchera à fixer un taux de placement futur dans
l’anticipation d’une baisse des taux courts sur le marché moné-
taire tandis qu’un vendeur cherchera à fixer un taux d’emprunt
afin de se protéger contre une hausse éventuelle des taux.
Prenons l’exemple du future sur euribor 3 mois. Ce contrat valait,
au 2 février 2005 et pour l’échéance septembre 2005, 97,75, soit
un taux d’intérêt annuel garanti de 2,25 % sur un nominal de
1 million d’euros. Si à l’échéance du contrat, le sous-jacent cote
2,15 %, le vendeur du contrat devra à l’acheteur un différentiel
d’intérêt de 0,1 % annuel rapporté sur une base trimestrielle et
ce, sur le nominal du contrat multiplié par le nombre de contrats
négociés. L’acheteur de ce contrat s’est donc bien protégé contre
une baisse des taux.

Les futures sur obligations notionnelles. — Les contrats à terme


évoqués précédemment avaient pour objectif de permettre à
leurs acquéreurs de se protéger contre une variation des taux
courts. Des contrats à terme similaires permettent de se protéger
contre une variation des taux à long terme : ce sont les futures
sur obligations notionnelles. Ces derniers ont pour particula-
rité de dépendre d’un sous-jacent qui n’existe pas. Une obliga-
tion notionnelle est en effet un titre d’État fictif, de valeur
nominale et de taux facial définis servant de sous-jacent à un
contrat à terme. Celui-ci ne sera donc pas livré à l’échéance mais
sera remplacé par un titre obligataire d’État existant, appelé
« synonyme », et issu d’une liste définie par les autorités bour-
sières à chaque nouvelle échéance du contrat et appelée le gise-
ment. Le contrat à terme Long Gilt sera à titre d’exemple un
future sur obligation notionnelle britannique d’une valeur nomi-
nale de 100 000 livres et versant un taux d’intérêt de 6 % tandis
que le future Euro Notionnel est une obligation d’État française
d’une valeur nominale de 100 000 euros offrant un taux
d’intérêt de 3,5 %. Les titres synonymes du gisement propre à ce
contrat sont des obligations d’État des pays membres de l’Union
LES FUTURES 61

économique et monétaire dont l’échéance doit être comprise


entre 5,5 et 10,5 ans. Parce que les taux d’intérêt obligataires
demeurent variables alors que celui des obligations notion-
nelles n’évolue pas ou peu, un facteur de concordance doit être
appliqué aux obligations du gisement pour que la stricte adéqua-
tion avec l’obligation notionnelle se fasse. Les vendeurs des
contrats à terme auront alors l’opportunité de choisir, parmi ce
gisement, l’obligation la moins chère à livrer (cheapest to
delivery).

Les futures sur indices boursiers. — Ces contrats à terme sont


par essence des contrats cash settlement dans la mesure où leurs
sous-jacents (l’indice) ne peuvent être livrés. Ces contrats sont
cotés en points d’indice auxquels une valeur monétaire sera
donnée. Ainsi, si le future CAC40 échéance septembre 2005 cote
3 973,5 points (valeur du 15 février 2005) et que le point d’indice
est valorisé à 10 euros, la valeur nominale de ce contrat sera de
39 735 euros. Les contrats sur indices boursiers permettent aux
détenteurs d’un portefeuille d’actions de se protéger contre la
baisse du cours des actions qu’ils détiennent (position longue
sur le sous-jacent) par une prise de position courte sur les futures.
Considérons qu’un investisseur est en position courte sur des
actions appartenant à l’indice CAC40. Il court le risque d’une
augmentation du prix de ces actions. Pour s’en protéger, cet
investisseur va se placer en position longue sur des contrats
futures CAC40 au prix de 39 735 mentionné ci-dessus. Il sera
donc acheteur de contrats à terme. En cas de hausse de l’indice
CAC40 jusqu’à 4 000 points, le prix du future augmentera en
proportion pour atteindre 40 000 euros. La hausse du prix des
actions, représentant un coût pour l’investisseur, sera pour partie
compensée par le bénéfice réalisé par la revente du contrat CAC,
soit 265 euros par contrat.

Les futures sur indices climatiques. — La création de contrats à


terme sur indices climatiques tient à la reconnaissance du coût
important des variations climatiques sur l’activité économique.
Pour le département d’État américain à l’Énergie, celles-ci affec-
teraient près de 20 % du produit national brut des États-Unis. Le
Chicago Mercantile Exchange cote ainsi des contrats à terme sur
62 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

la température mensuelle moyenne pour nombre de zones


géographiques aux États-Unis, en Europe et en Asie. Deux
indices supports des contrats sont ainsi définis : les indices HDD
(Heating Degree Day, littéralement « degré jour de chauffage ») et
CDD (Cooling Degree Day, littéralement, « degré jour de climati-
sation ») mesurant respectivement la froideur et la chaleur d’un
mois de référence, définies comme la somme durant ce mois des
écarts entre la température moyenne de la journée et la norme
de 65º Fahrenheit. Un indice HDD élevé traduira une faiblesse
des températures tandis qu’une augmentation de l’indice CDD
traduira une élévation des températures. En conséquence, le
contrat sur l’indice HDD aura pour objet de gérer le risque
économique lié à un refroidissement (réchauffement) climatique
en hiver (ce contrat n’est coté que d’octobre à avril) tandis que le
future sur indice CDD permettra de gérer le risque lié à une baisse
des températures durant les mois chauds (de mai à septembre).
Dans le cadre d’une cotation de contrats à terme sur un tel
support, chaque point d’indice ainsi défini aura une valeur de
20 dollars.
Une entreprise dont le résultat dépend positivement de la
baisse des températures en hiver et anticipant un hiver doux
pourra vendre des contrats HDD et les racheter à une date ulté-
rieure. Si son anticipation s’avère juste, la baisse du prix des
contrats rachetés permettra de réaliser une plus-value pouvant
compenser les pertes liées au ralentissement de son activité.

Quelques éléments de gestion des risques par l’utilisation


des futures

L’utilisation des contrats futures pour la gestion des risques


offre à celui qui s’y engage une grande liquidité mais lui impose
en contrepartie des contraintes propres à tout produit standar-
disé : une absence de flexibilité dans la fixation du nominal à
couvrir et de la date d’échéance de l’opération de couverture.
Nous considérerons donc en premier lieu le cas idéal d’un agent
cherchant à se couvrir et pouvant bénéficier d’un contrat future
offrant une date d’échéance équivalente à l’horizon pour lequel
il souhaite se couvrir et une valeur nominale dont le nominal à
LES FUTURES 63

couvrir sera un multiple. Nous verrons dans un deuxième temps


le cas où seuls les horizons de couverture ne coïncident pas.
Nous verrons enfin que le nombre de contrats futures ne doit
pas nécessairement couvrir l’intégralité de la position sur le
sous-jacent.
Parce que les stratégies de couverture utilisant les contrats à
terme dépendent pour partie de la nature du sous-jacent à
couvrir, nous concentrerons notre analyse sur les futures dont
le sous-jacent est livrable en prenant appui sur deux exemples :
celui d’un contrat future sur maïs négocié sur le CBOT et celui
d’un contrat future sur euro. L’analyse présentée ci-après pourra
néanmoins être appliquée pour partie aux contrats à terme sur
indices.

Une situation idéale

Considérons successivement le cas d’un agent en position


courte devant se prémunir contre une augmentation du prix
d’un actif sous-jacent et un agent en position longue cherchant
à se protéger contre la diminution du prix de ce même actif.

L’acheteur de futures (long hedge). — Supposons qu’un groupe


agroalimentaire français souhaite, le 25 janvier, acheter à la date
du 1er mars 2005 150 000 boisseaux de maïs. Trois possibilités
s’offrent à lui :
— il pourrait en premier lieu attendre l’échéance pour effec-
tuer cette opération mais il ne le fera pas. Le trésorier de cette
entreprise considère en effet que le prix du maïs devrait
augmenter à l’échéance du fait d’une faible récolte et d’une
demande provenant des pays industrialisés plus forte ;
— l’alternative consisterait alors à acheter immédiatement les
150 000 boisseaux de maïs afin de se protéger contre cette hausse
supposée des cours. Cette solution, à nouveau, ne retient pas
l’attention de l’entreprise car celle-ci ne dispose pas des condi-
tions de stockage suffisantes ;
— une troisième solution s’impose alors : l’achat à terme du
maïs, c’est-à-dire la négociation et la fixation du prix du maïs le
25 janvier 2005 pour une livraison effective le 1er mars 2005.
64 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Par chance, le marché des futures offre, pour l’échéance mars


2005, un contrat permettant de négocier à terme le maïs. La
valeur au 25 janvier de ce contrat échéance mars 2005 est,
comme précédemment, de 197 cents. L’entreprise estime que ce
prix est raisonnable et se porte acquéreuse de 30 contrats sur le
maïs puisque la valeur unitaire de ce contrat est de 5 000 bois-
seaux. Elle connaît alors précisément le prix qu’elle devra payer
pour obtenir, le 1er mars 2005, 150 000 boisseaux de maïs :
295 500 dollars. Son risque de prix est alors totalement maîtrisé.
Ceci ne signifie pas que cette opération est nécessairement
profitable. Lorsqu’un opérateur s’engage dans une opération à
terme, il espère très naturellement que celle-ci lui assurera
quelques bénéfices. Dans le cas d’un achat de futures, il fait donc
implicitement le pari que le prix à terme que lui offre le marché
est plus intéressant (donc inférieur) que le prix dont il pourrait
bénéficier s’il attendait l’échéance pour obtenir l’actif sous-
jacent. Si tel n’est pas le cas, l’acheteur est perdant.
Le graphique ci-contre illustre ce raisonnement. Celui-ci
permet en effet de représenter la situation financière d’un agent
en fonction de l’écart entre le prix du sous-jacent à terme et ses
différents prix possibles à l’échéance. L’écart observé sur l’axe
des abscisses sera reporté sur celui des ordonnées pour que les
gains et les pertes éventuels liés à cette opération de couverture
apparaissent explicitement. L’intégralité des situations possibles
(en fonction de l’hypothèse faite sur la valeur à l’échéance du
prix du sous-jacent) sera représentée par une droite dont la pente
ne pourra être égale, par construction, qu’à l’unité.
Si, à l’échéance, le maïs vaut 207 cents le boisseau (éventualité
nº 1), l’entreprise aura eu raison de tenter cette opération puisque
l’achat de futures lui permet d’obtenir le maïs à un prix de 20 cents
inférieur à celui en vigueur. À l’inverse, si le maïs voit son prix
baisser à l’échéance pour atteindre par exemple 187 cents le bois-
seau, l’entreprise aura in fine perdu 10 cents par boisseau négocié
(soit 3 000 dollars) en achetant ce produit à terme.

Le vendeur de futures (short hedge). — Un négociant considère, à


l’inverse du groupe agroalimentaire évoqué précédemment, que
le prix du maïs devrait chuter dans les trois mois à venir. Il n’en
disposera qu’au 1 er mars 2005 et ne peut donc les vendre
LES FUTURES 65

Profil gains/pertes d’un acheteur de futures

immédiatement pour se protéger contre cette baisse. Il peut en


revanche vendre 30 futures sur le maïs échéance mars 2005 au
prix de 197 cents le boisseau.

Profil gains/pertes d’un vendeur de futures


Prix à terme du maïs :
Gains 87 cents/boisseau

Éventualité n° 2 : Prix du maïs sur


le maïs vaut 187 cents le marché au comptant
à l'échéance 45 ° le 1er mars 2005
0
Éventualité n° 1 :
le maïs vaut 207 cents
à l'échéance

Pertes

Comme en témoigne le graphique ci-dessus, deux éventualités


sont à nouveau possibles :
— si, contrairement aux anticipations du négociant, le maïs
voit son prix à l’échéance augmenter (éventualité nº 1 : le maïs
vaut au 1er mars 2005 207 cents), l’opération de couverture n’est
66 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

pas rentable puisque le négociant perd 10 cents par boisseau


négocié soit une perte nette de 3 000 dollars ;
— dans le cas où le prix du maïs à l’échéance est inférieur au
prix à terme offert par le contrat futures, l’opération est profitable
puisqu’elle permet au négociant de vendre le boisseau de maïs
10 cents au-dessus du prix sur le marché au comptant.
L’optimalité de cette situation ne signifie paradoxalement pas
que l’actif sous-jacent au contrat à terme sera livré. La livraison
du sous-jacent, notamment dans le cas des matières premières,
peut entraîner des coûts supplémentaires liés par exemple à
l’acheminement des marchandises sur le lieu désiré par l’ache-
teur des futures mais qui n’est pas nécessairement le lieu de
livraison spécifié par le contrat.

Le problème d’échéances différentes

Tout en étant théoriquement possible, la situation idéale


évoquée précédemment est rarement observée. En conséquence,
un agent cherchant à se couvrir par l’achat ou la vente de futures
alors que les échéances offertes par le marché des contrats à
terme ne coïncident pas exactement avec son horizon de couver-
ture, devra adopter la règle suivante : fermer sa position sur les
futures pour compenser la perte (le gain) observée sur le marché
au comptant par le gain (la perte) réalisé sur le marché des
futures. La revente des contrats à terme achetés (ou le rachat des
contrats vendus) sera largement simplifiée par la liquidité de ce
marché liée à la standardisation des produits offerts.

La situation de long hedge. — Soit une entreprise américaine


cherchant, à la date du 2 février 2005, à se protéger contre une
appréciation de l’euro pour une échéance au 25 février de cette
même année et un nominal de 800 000 euros. À la différence
du CME, le New York Board of Trade (NYBOT) offre un future
sur euro d’une valeur unitaire de 200 000 euros. Bien que
l’échéance la plus proche (mars) ne coïncide pas exactement
avec son horizon de couverture, l’entreprise achète immédiate-
ment quatre contrats euro sur ce marché. Le prix de ce contrat
est à cette date du 2 février de 1,3047 dollar par euro, soit une
LES FUTURES 67

valeur globale de 260 940 dollars, tandis que l’euro sur le marché
spot vaut 1,3020 dollar.
L’entreprise ne peut porter à l’échéance ce contrat. Elle
va donc dénouer au 25 février sa position longue en futures et se
porter acquéreuse de 800 000 euros sur le marché spot à
cette même date. Deux situations sont alors possibles :
l’euro s’est soit déprécié, soit apprécié. Supposons en
premier lieu que l’euro vaut 1,2910. En vertu du principe
de convergence du prix d’un contrat à terme et du prix spot du
sous-jacent, le future euro échéance mars vaut à cette date
1,2930 : la base qui était égale à 27 points de base au 2 février
n’est plus que de 20 points au 25 février. L’entreprise va alors
revendre ses contrats futures. Sa perte nette sur les futures sera
alors égale à 2 340 dollars par contrat, soit une perte totale de
9 360 dollars. Elle profite en revanche de la dépréciation de
l’euro sur le marché spot et gagne implicitement l’écart entre la
valeur spot de l’euro au 2 février et celle prévalant le 25 février
multiplié par le nombre d’euros achetés, soit 8 800 dollars. La
perte sur les futures est alors en partie compensée par le gain
réalisé sur le spot. Le coût global d’achat des euros sera égal au
prix spot au 25 février 2005 multiplié par le nombre d’euros à
acheter, auquel il conviendra d’ajouter la perte associée à la
fermeture de la position sur future, soit 1 042 160 dollars. Le
cours effectif d’achat des euros obtenu par cette opération sera
alors égal au prix spot de l’euro au 25 février augmenté de l’écart
sur le prix du future entre le 25 février et le 2 février, soit
1,3027 dollar par euro.
Dans le cas où l’euro s’est apprécié (supposons 1,3121 dollar
par euro), l’inverse se produit : les pertes occasionnées par l’achat
spot d’euros sont compensées par les gains réalisés sur le marché
des futures. En supposant en effet que le contrat future vaille
1,3148, leur revente permet à l’entreprise américaine
d’engranger un bénéfice 1,01 cent par euro, soit un gain de
8 080 dollars pour 800 000 euros négociés. Le dénouement de sa
position longue sur les contrats à terme lui impose en revanche
de se reporter sur le marché spot pour acquérir les euros dont elle
a besoin. L’appréciation de l’euro lui coûte alors 1,01 cent par
euro acheté, soit une perte globale identique au gain réalisé sur
la stratégie future. Le prix effectif d’achat des euros sera alors égal
68 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

à 1,3020 dollar par euro, c’est-à-dire le prix spot des euros au


25 février 2005 (1,3121) diminué du gain unitaire sur le prix
future (0,0101).

Le short hedge. — Le principe de dénouement de la position sur


le future avant échéance évoqué précédemment s’impose à
nouveau. Ainsi, un agent craignant une diminution du prix du
sous-jacent sur lequel il a une position longue prendra une posi-
tion courte (vente) sur les futures et cherchera, à l’instar de
l’acheteur de futures, à compenser les pertes (ou les gains) sur
le marché des futures par un gain sur le marché spot ou récipro-
quement. Parce qu’il doit racheter avant l’échéance les contrats
initialement vendus, l’agent en situation de short hedge gagnera
sur le spot et perdra sur sa position future si le prix du sous-jacent
augmente. Dans le cas où le prix de l’actif diminue, les pertes sur
le spot seront, à l’inverse, compensées par un gain sur la position
futures. Le résultat net de cette opération ne sera pas nécessai-
rement bénéfique et tiendra aux variations relatives du prix spot
et du prix future.

Faut-il couvrir en totalité la position sur le sous-jacent ?

Cette question peut surprendre de prime abord. Nous avons


en effet fait l’hypothèse, jusqu’à présent, que le nombre de
contrats futures devait permettre de couvrir intégralement le
sous-jacent. Dans nos exemples précédents, l’entreprise agroali-
mentaire achetait ainsi 30 contrats sur maïs portant sur
5 000 boisseaux puisque sa position à couvrir sur le sous-jacent
était de 150 000 boisseaux tandis que l’entreprise américaine
cherchant à se prémunir contre l’appréciation de l’euro ache-
tait quatre contrats sur l’euro d’une valeur nominale de
200 000 euros puisque la somme totale à couvrir était de
800 000 euros. En pratique, le nombre de contrats futures à négo-
cier peut être minimisé. Il faut pour cela calculer le ratio de
couverture de variance minimale.

L’incidence du risque de base. — Malgré sa convergence vers la


valeur nulle, l’écart existant entre un prix future et le prix spot
évolue de manière complexe. En d’autres termes, la variation de
LES FUTURES 69

la valeur spot du sous-jacent et celle du prix du future ne sont pas


nécessairement les mêmes. Compte tenu du mode particulier de
gestion du risque par les futures imposant un dénouement de
la position sur les contrats à terme, cette différence de variation
met l’agent cherchant à se couvrir dans une situation risquée.
Nous retrouvons ici la notion de risque de base évoquée précé-
demment. Ainsi, un agent en position longue sur le sous-
jacent prendra une position courte sur les contrats futures (vente)
et courra le risque d’une augmentation du prix de ces futures
qu’il devra racheter d’un niveau plus élevé que celui du prix spot
sur la base duquel il vendra le sous-jacent.
Ainsi, dans l’exemple précédent, l’entreprise américaine
en position courte en euros et se protégeant contre l’appré-
ciation de ceux-ci par une position longue sur les futures euros
n’a pas réalisé une opération profitable parce que la diminu-
tion du prix du spot (de 1,3020 à 1,2910 soit 110 points) était
inférieure à celle du prix future (de 1,3047 à 1,2930 soit
117 points). Une minimisation par la définition du ratio de
couverture de variance minimale de la position initiale sur les
futures aurait ainsi permis de réduire les pertes qui lui sont
associées.

Le ratio de couverture de variance minimale. — Ce ratio vise à


minimiser le risque d’une perte (d’un gain) sur la position future
supérieure (inférieure) aux gains (aux pertes) associé à la posi-
tion sur le sous-jacent. Celui-ci permet donc de définir le
nombre de contrats futures à négocier de telle sorte que la varia-
tion en valeur de la position future soit la plus proche de celle
sur le sous-jacent. Il conviendra pour cela d’étudier sur la base
de données historiques la corrélation entre les variations du prix
spot et celles du prix future. Le ratio de couverture de variance
minimale sera alors la pente de la droite de régression de la varia-
tion du prix spot sur celle du prix future.
Une fois ce ratio calculé, il deviendra possible de déterminer le
nombre de contrats futures à négocier en fonction de celui-ci et
de l’ampleur de la position sur le sous-jacent. Il suffira pour cela
de multiplier l’ampleur de cette position sur le sous-jacent par le
ratio H* et de diviser le résultat obtenu par la valeur notionnelle
du contrat future envisagée. Dans l’exemple précédent, si le ratio
70 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Le calcul du ratio de couverture de variance minimale

Si H est un ratio de couverture se définissant comme le rapport entre le nombre


d’unités de sous-jacents couverts par les futures et la position totale sur le sous-
jacent, S le prix spot du sous-jacent et F le prix future, alors la variation DV de
la position d’un agent sur son portefeuille global (sous-jacent et contrat à terme)
par unité d’actifs sous-jacents entre l’ouverture et la fermeture de la position
future sera donnée par :
DV = DS – H DF si l’agent est en position longue sur le sous-jacent ;
DV = H DF – DS si l’agent est en position courte sur le sous-jacent.

Quelle que soit l’équation retenue, la variance de DV sera définie par :


Var (DV) = s2 (S) + H.2 s2 (F) – 2H. r.s(S) s(F)
où s(S) et s(F) représentent respectivement l’écart-type de la variation de S et
celui de la variation de F et r le coefficient de corrélation entre DS et DF. La pente
de cette droite sera en conséquence représentée par la dérivée première de Var
(DV) par rapport à H soit :
yVar (DV)/yH = 2H. s2 (F) – 2. r.s(S) s(F)

Le ratio de couverture de variance minimale sera la variable H* pour laquelle


l’équation précédente est nulle. H* sera alors égal à :
H*= rs (S)/s(F)

optimal de couverture est égal à 0,75, la valeur du sous-jacent à


couvrir sera de 600 000 euros. Il conviendra donc d’acheter trois
contrats futures sur euros sur le NYBOT. Il est néanmoins impor-
tant de noter que la pertinence de cette méthode, parce qu’elle
se fonde sur l’observation des données passées, tient à la vérifi-
cation de l’hypothèse forte que ce qui se passe dans le passé tend
à se reproduire dans le futur. Si cette hypothèse n’est pas véri-
fiée, la couverture d’une position sur un sous-jacent deviendra
imparfaite.

Les contrats à terme sont des instruments financiers permet-


tant de couvrir une diversité de risques. Fer de lance de la moder-
nisation des marchés financiers dans les années 1970, ils
demeurent, aujourd’hui encore, un support essentiel pour la
gestion de nouveaux risques, tels le risque climatique. La
prévision de Simon [1997] selon laquelle « le concept de
contrats à terme sur indice est une idée très novatrice pouvant
conduire l’industrie des marchés dérivés vers de nouveaux
LES FUTURES 71

développements » s’est, à cet égard, avérée exacte. Considérons


maintenant la dernière grande famille des produits dérivés : celle
des options.
IV / Les options

L es options sont les instruments dérivés les plus sophistiqués.


Elles offrent non seulement une grande flexibilité dans la gestion
des risques mais permettent aussi de construire des stratégies
particulièrement intéressantes. Pour le comprendre, nous
verrons dans un premier temps les caractéristiques des options
les plus simples, dites « européenne » et « américaine ». Parce
qu’elles présentent un certain nombre de différences avec les
options de change ou sur actions, nous présenterons les options
de taux, caps et floors, ainsi que les options sur indice boursier.
Nous verrons dans une troisième section (de façon non
exhaustive, compte tenu de leur diversité) des options plus
sophistiquées offrant des mécanismes de garantie plus
complexes (options à barrière, asiatiques, sur moyenne ou digi-
tales) ou ayant pour sous-jacent d’autres produits dérivés. La
dernière partie de ce chapitre sera l’occasion de présenter cinq
stratégies à base d’options permettant de réduire le coût de la
couverture contre le risque de change ou de taux.

L’utilisation des options de première génération

Quatre stratégies de base peuvent être mises en place grâce aux


options : l’achat d’options d’achat, l’achat d’options de vente, la
vente d’options d’achat et la vente d’options de vente. Nous les
étudierons successivement dans le cas générique d’options dont
LES OPTIONS 73

le sous-jacent peut être livré (actions, devises). Nous préciserons


ensuite les déterminants du prix d’une option.

Les stratégies optionnelles de base

Le risque d’un agent tient par nature au sens de sa position


sur le sous-jacent. En position longue, l’agent craindra une baisse
d’un prix de l’actif sous-jacent et achètera un put ; en position
courte, il achètera un call pour se protéger contre une hausse
éventuelle du prix de l’actif qu’il souhaite acheter. En considé-
rant les stratégies optionnelles de base, nous postulerons que
l’agent représentatif cherchera, par l’utilisation d’une option, à
se couvrir contre ce risque et non à spéculer (ceci sera considéré
dans le dernier chapitre de cet ouvrage).

L’achat d’une option d’achat. — Prenons, pour comprendre


l’utilisation et l’intérêt de cet instrument, l’exemple fictif d’un
individu qui souhaite, le 1 er septembre 2004, détenir, au
1er décembre 2004, 100 actions de la société Z afin de pouvoir
diversifier son portefeuille. La stratégie que l’agent considéré
adoptera à cette fin dépendra à la fois de la nature de ses antici-
pations quant à l’évolution du prix de ses actions mais aussi de
son degré d’aversion au risque. A priori, il achètera immédiate-
ment l’action de cette société s’il considère que le prix de celle-ci
va augmenter d’ici au 1er décembre 2004. Dans le cas contraire, il
préférera attendre cette dernière date pour acquérir ces titres afin
de tirer profit d’une baisse des prix. Ce raisonnement est pour-
tant simpliste car la stratégie que cet agent adoptera sera intrin-
sèquement fonction de son degré d’aversion au risque et du
degré de fiabilité qu’il accorde à ses anticipations. Si l’agent en
question est sûr de ses anticipations, il adoptera l’une ou l’autre
des stratégies précédentes. Si un degré d’incertitude subsiste, il
pourra opter pour une stratégie à base d’options.
Supposons que la valeur de l’action Z est de 100 euros au
1er septembre 2004. L’agent pense que celle-ci devrait valoir
110 euros au 1er décembre 2004, mais il n’en est pas sûr. Il pour-
rait les acheter dès aujourd’hui pour se prémunir contre cette
hausse de la valeur de l’action mais il ne le fait pas afin de garder
la possibilité de profiter d’une baisse éventuelle. Le marché des
74 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

options lui offre une option d’achat sur cette action avec un prix
d’exercice de 105 euros moyennant une prime de 1 euro pour
une échéance au 1er décembre 2004. Le prix effectif d’achat de
l’action sera donc, en cas d’exercice de l’option, de 106 euros.
L’agent acheteur de call exercera son option si le prix de l’action
à l’échéance est supérieur au prix d’exercice de l’option et l’aban-
donnera dans le cas contraire. Le graphique suivant illustre la
situation financière au 1er décembre de l’acheteur de call en fonc-
tion du prix de l’action à cette date.

Profil gains/pertes de l’acheteur d’un call

Ce graphique, comme celui illustrant les stratégies d’achat ou


de vente de futures, a pour objectif de déterminer, au moment
où l’agent considéré souscrit l’option d’achat, si sa stratégie de
couverture sera pertinente à l’échéance. En théorie, celui-ci pour-
rait, en fonction de la stratégie qu’il choisit, bénéficier de deux
prix : la valeur effective de l’action si cet agent n’a pas acheté
l’option, le prix d’exercice de l’option augmenté de la prime si
l’option est exercée. Il faut donc comparer ces deux prix. Or,
au moment où l’option est souscrite, seul le prix « garanti » est
connu. Il convient donc de faire des hypothèses quant à la
valeur — à l’échéance — de l’action Z. Si celle-ci est supérieure au
prix « garanti » par l’option, l’opération de couverture par l’achat
LES OPTIONS 75

d’une option d’achat est bénéfique. Comme dans les graphiques


précédents, l’écart entre ces deux prix, observé sur l’axe des
abscisses, sera reporté sur l’axe des ordonnées afin que les gains
ou les pertes liés à la stratégie d’achat de call soient clairement
exposés. En pratique, trois cas de figure sont envisageables :
— si le prix de l’action est inférieur au prix d’exercice (zone A)
soit, par exemple, 102 euros, l’agent n’a aucun intérêt à exercer
son droit puisque l’exercice de l’option lui offrirait un prix
effectif d’achat bien supérieur (106 euros). Il perdra donc la
prime de l’option (soit 1 euro multiplié par le nombre d’options
achetées) mais il pourra bénéficier de la baisse de la valeur de
l’action. La pente de la droite est donc nulle puisqu’à tout point
de l’axe des abscisses (c’est-à-dire à toute valeur de l’action Z au
1er décembre 2004) correspond un même point sur l’axe des
ordonnées de valeur négative et égale au montant de la prime ;
— si la valeur de l’action est comprise entre le prix d’exer-
cice et le point mort de l’option ; en zone B, l’agent exercera
l’option mais perdra implicitement de l’argent : le gain résultant
de l’utilisation de l’option (prix d’exercice inférieur au cours de
l’action) reste inférieur à la prime ;
— enfin, si la valeur de l’action est supérieure au point mort
de l’option (zone C), l’agent exerce son droit et pourra bénéficier
d’un prix d’exercice avantageux par rapport au prix effectif de
l’action.
La lecture de ce graphique ne doit pas conduire à une
mauvaise interprétation. La situation idéale pour l’acheteur de
call ne peut être la zone C. Celle-ci correspond à la situation
où l’événement contre lequel l’agent cherche à se protéger se
réalise. Un individu victime d’un dégât des eaux ou d’un
incendie dans son habitation sera certes soulagé d’avoir sous-
crit une bonne police d’assurance, mais il aurait bien sûr préféré
qu’un tel sinistre ne survienne pas ! Le même raisonnement
s’applique à l’acheteur d’options.

L’achat d’une option de vente. — Considérons désormais le cas


d’un individu souhaitant le 1 er septembre 2004 vendre au
1er décembre des actions de cette même société et pouvoir, grâce
aux liquidités ainsi dégagées, investir, par exemple, dans l’immo-
bilier. Il pourrait vendre immédiatement ses actions et obtenir
76 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

dès le 1er septembre les ressources dont il a besoin, mais cette


stratégie ne lui semble pas pertinente. Nous supposerons que
l’agent souhaite conserver ses actions jusqu’au 1er décembre
2004 afin, par exemple, de toucher un dividende supplémen-
taire ou d’éviter certaines contraintes fiscales liées à une revente
prématurée. L’idée de conserver ses actions et de les revendre le
1er décembre 2004 au prix alors en vigueur ne lui apparaît pas
non plus intéressante car il anticipe une chute de la Bourse d’ici
à cette date. L’achat d’une option de vente s’impose alors.

Profil gains/pertes de l’acheteur d’un put

Comme dans le cas précédent, trois cas de figure sont


possibles :
— si le prix de l’action à l’échéance est supérieur au prix
d’exercice (zone C), l’acheteur du put n’a aucun intérêt à utiliser
l’option puisque son exercice le conduirait à vendre l’action Z
à un prix inférieur à celui du marché. Il perd donc la prime de
l’option mais il peut bénéficier de la hausse de la valeur du titre
sur le marché au comptant ;
— si le prix de l’action est inférieur à l’échéance au prix
d’exercice, l’acheteur du put exercera son droit de vente afin
d’obtenir le prix garanti par son contrat (zone A) ;
LES OPTIONS 77

— si la valeur de l’action est comprise entre le prix d’exercice


et le point mort de l’option (zone B), l’agent exercera l’option
mais perdra de l’argent.
Il apparaît au regard des deux graphiques précédents qu’un
acheteur d’option, que ce soit un call ou un put, a une espérance
de gains en théorie illimitée tandis que son risque de perte est
limité au paiement de la prime. Un vendeur d’option aura symé-
triquement un potentiel de gain limité mais un risque de perte
illimité. La notion de vendeur d’options qualifie ici un agent
qui accepte d’être vendeur « net » (il fabrique en ce sens une
option pour la vendre) et non un agent revendant une option
préalablement achetée. Ce vendeur net d’options pourra être, sur
le marché des options de gré à gré, une banque offrant à son
client une protection contre un risque donné ou, sur un marché
organisé, tout agent désireux de prendre une position spécula-
tive. L’asymétrie des risques entre l’acheteur et le vendeur de
l’option explique en partie pourquoi cet instrument demeure
particulièrement onéreux. Considérons, pour le comprendre, les
deux stratégies élémentaires restantes : la vente d’une option
d’achat et la vente d’une option de vente.

La vente d’une option d’achat. — La situation financière d’un


vendeur de call est, par nature, opposée à celle de l’acheteur de
call. Deux situations sont en effet possibles : si le cours de
l’action se trouve dans la zone A définie précédemment, l’ache-
teur du call n’exerce pas son droit et offre ainsi l’opportunité
au vendeur de percevoir la prime sans qu’aucune contrepartie
n’y soit associée. Dans le cas où le prix de l’action est supérieur
au strike de l’option (zone B et C), l’acheteur exerce son droit
d’acheter et force de ce fait le vendeur de l’option à lui vendre
l’action à un prix inférieur auquel celui-ci l’achètera, c’est-à-dire
le prix de l’action à l’échéance.
Dès lors que le prix de l’action à l’échéance sera supérieur au
point mort de l’option, le vendeur de celle-ci commencera à
perdre de l’argent. Plus ce prix sera élevé, plus les pertes de cet
agent seront importantes.
78 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Profil gains/pertes d’un vendeur de call

La vente d’une option de vente. — L’asymétrie des risques entre


un acheteur et un vendeur de call est aussi vraie pour un put.
La situation la plus favorable pour le vendeur d’un put survient
lorsque le prix du sous-jacent est supérieur au strike de l’option.
Dans ce cas, l’acheteur de l’option n’a en effet aucun intérêt à
exercer son droit de vente. Le vendeur de l’option perçoit donc
la prime sans pour autant devoir acheter le sous-jacent.

Profil gains/pertes du vendeur d’un put


LES OPTIONS 79

En revanche, dans le cas où l’acheteur de l’option exerce son


droit, le vendeur a l’obligation d’acheter l’actif sous-jacent à un
prix supérieur au prix observé sur le marché au comptant. Plus
cette différence de prix sera importante et plus le vendeur de
l’option perdra de l’argent.

Des précisions indispensables

L’exposé précédent pourrait laisser à penser que les stratégies


de couverture utilisant des options de première génération
répondent à trois principes simples : 1) compte tenu de l’asymé-
trie des risques entre un acheteur et un vendeur d’option,
tout agent cherchant à se couvrir devra nécessairement
privilégier une position d’acheteur d’options ; 2) l’agent cher-
chant à se couvrir ne doit en second lieu acheter une option
européenne que lorsqu’il connaît avec certitude la date à laquelle
il achètera ou vendra l’actif sous-jacent ; 3) enfin, il exercera
nécessairement l’option si celle-ci s’avère être dans la monnaie.
Ces trois affirmations, sans être inexactes, doivent néanmoins
être nuancées.

Pourquoi faut-il privilégier l’achat d’options ? — La stratégie


« acheteur d’options », qu’il s’agisse d’un call ou d’un put, bien
que largement préférable à celle de « vendeur d’options », ne
doit pas être considérée comme une solution unique et opti-
male. Nous savons qu’une stratégie d’« acheteur » d’options est
par nature moins risquée qu’une stratégie de vente, ce qui pour-
rait suffire à justifier sa supériorité.
Cette idée doit être relativisée car il existe deux stratégies de
vente de call : la vente nue et la vente couverte. Une vente de
call nue signifie que l’agent considéré ne possède pas l’actif qu’il
peut potentiellement livrer à l’acheteur du call en cas d’exer-
cice. Une vente sera dite « couverte » dans le cas contraire. Cette
dernière stratégie est de toute évidence moins risquée qu’une
vente nue. Peut-elle être alors équivalente à l’achat d’un put ? Le
graphique ci-dessous nous permet de répondre à cette question
en comparant ces deux stratégies.
80 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

La stratégie « acheteur d’options » comme optimum


de second rang

Les cadrans (a) et (b) représentent la situation d’un agent


économique ayant une position longue sur un actif et cherchant
à se protéger contre une diminution du prix de celui-ci. Deux
stratégies s’offrent à lui : acheter un put (cadran a) ou vendre
un call (cadran b). Les graphiques ici proposés sont différents
de ceux présentés précédemment dans la mesure où la situation
financière nette de l’agent (position longue sur le sous-jacent et
position optionnelle) est représentée. Le tableau ci-dessous
permet de la déterminer. Pour cela, trois prix sont définis : le
prix d’achat du sous-jacent (ou son prix présent), le prix futur
de celui-ci ainsi que le strike. Nous supposerons que le prix
d’exercice de l’option est égal au prix d’achat du sous-jacent
d’une valeur fictive de 100 et que la prime des deux options est
égale à 1.
LES OPTIONS 81

Achat Vente
put call

Zone Valeur Gain Gain/ Situation Gain/ Gain/ Situation


future /Perte Perte nette Perte Perte nette
du sous- sous- option sous- option
jacent jacent jacent

I 96 – 4 3 – 1 – 4 1 –3
97 – 3 2 – 1 – 3 1 –2
98 – 2 1 – 1 – 2 1 –1
II 99 – 1 0 – 1 – 1 1 0
100 0 – 1 – 1 0 1 1
III 101 1 – 1 0 1 0 1
102 2 – 1 1 2 –1 1
103 3 – 1 2 3 –2 1

Il apparaît clairement au regard de ces exemples qu’aucune


des deux stratégies optionnelles n’est véritablement supérieure à
l’autre. En effet, pour un prix inférieur à 99 et supérieur à 102
(les zones I et III sur les graphiques précédents), la meilleure stra-
tégie est l’achat du put alors que la vente d’un call est préférable
dès lors que la valeur du sous-jacent est comprise entre ces deux
prix (zone II). En réalité, comme le montre le cadran (c), la meil-
leure stratégie aurait été (si elle avait été possible, ce qui n’est pas
le cas) d’acheter un put si le prix du sous-jacent avait été dans
la zone I, de vendre un call si le prix du sous-jacent avait été
dans la zone II et de ne rien faire si le prix du sous-jacent avait
été dans la zone III. Cette situation optimale (mais impossible)
est représentée dans le dernier cadran du graphique. Pourquoi
alors privilégier par défaut la stratégie « acheteur d’options » ?
La réponse est simple : il s’agit de la stratégie qui duplique le
mieux la stratégie optimale. Ceci se vérifie sur le dernier cadran
du graphique.

Peut-on revendre une option ? — Faut-il systématiquement


privilégier l’achat d’une option américaine lorsque le flux des
devises à livrer ou à recevoir est incertain et exercer celle-ci si
elle est « à la monnaie » à la date de paiement du sous-jacent ?
Pour répondre à cette question, prenons l’exemple de deux
options d’achat d’euros contre dollars, l’une américaine, l’autre
82 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

européenne. Ces deux options ont le même strike (0,8410 dollar


par euro négocié) et la même échéance (1er mars 2005), mais
l’option américaine a une prime plus élevée (0,4 cent, soit
0,004 dollar) que l’option européenne (0,2 cent), compte tenu
de sa plus grande flexibilité. À la date de leur souscription, le
1er décembre 2004, ces deux options étaient « hors la monnaie »
car le taux de change USD/EUR était de 0,8380.
Pour une raison quelconque, la date d’achat des euros prévue
pour la date d’échéance des options est avancée au 1er février.
À cette date, les deux options sont « dans la monnaie » car l’euro
s’est apprécié pour atteindre la valeur de 0,8460. Puisque celles-ci
sont négociables, leurs primes seront donc plus élevées. En
supposant qu’elles deviennent égales à 0,8 cent pour l’option
américaine et 0,6 cent pour l’option européenne, la revente de
ces options et l’achat des euros sur le marché spot deviennent
une stratégie intéressante. Le prix effectif des euros devient en
effet égal au taux de change spot EUR/USD (0,8460) plus le prix
d’achat de l’option (0,004 ou 0,002 selon l’option considérée)
moins la valeur de revente de l’option (0,008 ou 0,006) soit
0,8420 quelle que soit l’option choisie à l’origine. Il apparaît
alors que cette stratégie de revente de l’option est en premier
lieu préférable à l’exercice de l’option (celle-ci entraînant un prix
effectif d’achat des euros de 0,8450 pour l’option américaine et
0,8430 pour l’européenne) et, en second lieu, supprime les diffé-
rences réelles existant entre les options européenne et améri-
caine puisque celles-ci, in fine, permettent d’obtenir des euros
pour un prix similaire.

Le prix de l’option

Les déterminants du prix de l’option. — Nous avons vu qu’un


vendeur d’options était, à la différence de l’acheteur, dans une
situation où son risque de perte était illimité et son potentiel de
gains limité à la perception de la prime de l’option. Cette asymé-
trie fait de la détermination du prix de cette option (c’est-à-dire
la valeur de la prime) un enjeu fondamental pour le vendeur. Le
calcul du prix d’une option (appelé la valorisation en finance)
repose sur des modèles mathématiques complexes puisant leurs
LES OPTIONS 83

origines dans les travaux de F. Black et M. Scholes [1973] ainsi


que de Merton [1973]. L’importance de ces recherches fut telle
que Scholes et Merton reçurent en 1995 le prix Nobel
d’économie.
Il est important de comprendre, indépendamment de l’appré-
hension du modèle de Black et Scholes [1973], réservé à l’initié,
que la valeur d’une option dépend intrinsèquement, à l’instar
d’une assurance traditionnelle, du degré de garantie qu’elle offre
et donc de la probabilité qu’a un acheteur de l’exercer. Plus
celle-ci est élevée, plus la prime de l’option sera forte. Elle
dépendra donc en premier lieu de la nature même de l’option
(européenne, américaine ou asiatique par exemple), mais aussi
des caractéristiques spécifiques de l’option. En conséquence, une
option américaine susceptible d’être exercée à tout moment
entre la date de son achat et sa date d’expiration sera, toutes
choses égales par ailleurs, plus coûteuse qu’une option euro-
péenne. Six variables influençant le prix de l’option peuvent être
distinguées. Au sein de celles-ci, deux (les taux d’intérêt national
et étranger) peuvent avoir sur la prime de l’option des effets
opposés en fonction de la nature de l’option considérée :
— le prix d’exercice : plus celui-ci est faible (élevé) par rapport
au prix du sous-jacent pour une option d’achat, plus le prix de
cette option sera élevé (faible). À l’inverse, plus le strike d’une
option de vente est faible (élevé), plus le prix de cette option sera
faible (élevé) ;
— le prix du sous-jacent anticipé durant la vie de l’option
(pour une option américaine) ou à l’échéance (option euro-
péenne). Plus celui-ci est élevé pour un call, plus la prime du call
sera forte. L’inverse se vérifiera pour un put ;
— l’horizon de l’option : plus celui-ci est long, plus la garantie
offerte par cet instrument est élevée et plus son prix, à nouveau,
sera important ;
— la volatilité du sous-jacent : plus celle-ci est importante,
plus l’avantage offert par une option est grand puisque l’incerti-
tude sur la valeur future du sous-jacent est grande ;
— le taux d’intérêt national sans risque : une option d’achat
permet (dans le cas d’une option de change notamment) à celui
qui l’achète de ne pas avoir à prendre de position sur le sous-
jacent et donc de ne pas emprunter. Plus le taux d’intérêt sans
84 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

actions suivent un mouvement brow-


Le modèle de Black nien géométrique tel que :
et Scholes [1973] dp
2) = mdt + sdz
p
Le modèle de Black et Scholes permet La variation du prix de l’action sera
de calculer le prix d’une option euro- donc, conformément à cette équation,
péenne (call et put) sur action. Il repré- définie en fonction d’une tendance m
sente une avancée majeure dans la sur une période de temps dt et d’un
théorie économique et est à l’origine de paramètre de variance s. Le prix c de
plusieurs autres modèles dont le l’option sera lui-même fonction du
modèle de Garman et Kolhagen [1983] temps et de la variation du cours de
permettant de valoriser des options de l’action sous-jacente. D’après le lemme
change. d’Itô, dc pourra alors être défini selon
Ce modèle repose sur les hypo- l’équation suivante :
2
thèses suivantes : 1) il existe un taux
d’intérêt sans risque r connu et
(
3) dc = yc mp + yc + 1 y c2 s2 p2 dt
yp yt 2 yp )
constant ; 2) l’action sur laquelle porte + s yc pdz
yp
l’option ne verse pas de dividende
La variation du prix du call sera, à
pendant la durée de vie de l’option ;
l’instar de celle du prix de l’action,
3) les opérations se font sans coût de
définie par une tendance et un para-
transaction et ne sont pas assujetties à
mètre de volatilité. En intégrant dans
un impôt. Imaginons un portefeuille
l’équation (1), les équations (2) et (3), il
financier composé d’actions et immu-
vient :
nisé par la vente d’options d’achat. Soit
yc + rp yc + 1 y2c s2 p2 = rc
p le prix de l’action et c le prix du call. ( yt yp 2 yp2 )
La valeur du portefeuille sera alors égale La résolution [Hull, 2004 ; Jacquillat
à: et Solnik, 2004] d’une telle équation
V = yc p – c aux dérivées partielles (équation dite
yp « de Black, Scholes et Merton ») aux
où yc/yp représente le nombre d’actions conditions aux bornes, fonctions non
présentes dans le portefeuille. La varia- seulement de l’écart entre le prix de
tion dV du portefeuille sera en consé- l’action et le prix d’exercice K de
quence égale à : l’option considérée, mais aussi du
dV = yc dp – dc temps, donne la formule de Black et
yp Scholes :
Un tel portefeuille, par construction, c = p.N (d) – Ke– rT.N (d – s Mt)
est sans risque. Il ne pourra en consé- ln (S/K) + (r + 1/2 s2)t
quence offrir un rendement supérieur à avec d =
s Mt
celui du taux d’intérêt de sorte que :
où N représente la fonction de réparti-
1) dV = yc dp – dc = rVdt tion d’une loi normale centrée réduite.
yp
où rVdt représente la rémunération du
portefeuille V au taux d’intérêt r sur la
période dt. Il convient à présent de
caractériser les processus définissant la
variation du prix des actions et celle du
prix du call. Pour cela, Black et Scholes
supposent que les variations du prix des
LES OPTIONS 85

risque est important, plus cet avantage est conséquent, et plus


la prime du call sera forte. Par symétrie, il existe une corréla-
tion négative entre le taux d’intérêt et la prime d’une option
de vente. L’impact de cette variable sur le prix d’une option sur
action sera en revanche plus ambigu [Hull, 2004] ;
— le taux d’intérêt étranger : cette dernière variable influence
négativement le prix d’un call ; en évitant de prendre position
sur une devise, l’option prive son détenteur du rendement
associé au placement dans cette devise : plus le taux d’intérêt
étranger est élevé, plus ce coût d’opportunité est important et
plus la prime de l’option, toutes choses égales par ailleurs, est
faible. Une augmentation du taux d’intérêt étranger entraînera
en revanche (toutes choses égales par ailleurs) une augmentation
de la prime d’un put.
Il convient de noter que les déterminants évoqués ci-dessus
ont une portée générale et que d’autres variables, spécifiques à
certaines options, peuvent en influencer le prix. C’est ainsi que
l’ampleur du dividende anticipé sur une action influence négati-
vement (positivement) la prime de l’option d’achat (de vente)
dont elle forme le sous-jacent.

Valeur intrinsèque et valeur temps. — La valeur temps d’une


option correspond à la probabilité que celle-ci a d’être exercée,
tandis que la valeur intrinsèque représente sa valeur détermi-
niste, c’est-à-dire le gain lié à son exercice immédiat. Exercer une
option américaine dans la monnaie avant son échéance permet
à celui qui le fait de toucher la valeur intrinsèque de l’option
mais il se prive pour cela de sa valeur temps, c’est-à-dire de
l’opportunité (peut-être plus avantageuse) d’un exercice à une
date ultérieure. La valeur temps est par définition nulle à
l’échéance de l’option. Le graphique ci-contre permet de mettre
en lumière ces différents points.
Ainsi, lorsque le prix du sous-jacent est égal au prix d’exercice
de l’option, la valeur intrinsèque de celle-ci est nulle. La valeur
temps (avant l’échéance de l’option) ne l’est pas car il existe une
probabilité non nulle que la valeur du sous-jacent devienne infé-
rieure (supérieure) au prix d’exercice du put (du call) et donc que
l’exercice de l’option soit profitable dans le futur.
86 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Valeur temps et valeur intrinsèque d’une option

La diversité des produits optionnels

L’examen des stratégies optionnelles a permis de comprendre


comment fonctionnent les options dont le sous-jacent pouvait
être livré, qu’il s’agisse d’une monnaie ou d’une action. Certains
sous-jacents ne peuvent en revanche techniquement être livrés :
les indices boursiers ou climatiques, les taux d’intérêt ou les
écarts de crédit. Comment fonctionnent alors ces options ? Nous
répondrons à cette question en envisageant le cas des options sur
indices, les options de taux (courts et sur obligations) ainsi que
les options sur produits dérivés.

Les options sur produits boursiers

Les options sur indices. — Une option sur indices se définit


comme le droit d’acheter ou de vendre n fois l’indice sous-
jacent à un prix et sur un horizon prédéterminés, or cet indice,
par nature, ne peut être livré. Une contrepartie monétaire sera
donc définie. Prenons pour exemple l’option européenne sur
l’indice boursier CAC40 négociée sur la place Euronext-liffe. Un
point d’indice vaut 1 euro. Si l’indice CAC40 atteint la valeur de
4 000, l’acheteur d’un call dont le strike est de 3 700 recevra ainsi
300 euros par option négociée s’il exerce son droit. L’acheteur
d’un put sur indice CAC40 sera symétriquement bénéficiaire si la
valeur de l’indice est supérieure au strike de cette option.
LES OPTIONS 87

Les options sur trackers. — En dépit de la corrélation forte entre


leurs deux sous-jacents, une option sur trackers ne fonctionnera
pas exactement comme une option sur indice. Un tracker est un
produit financier dont la valeur sera fonction de l’indice boursier
qu’il duplique. Ainsi le cours du tracker « CAC40 Master Unit »
négocié sur la place Euronext-liffe sera défini comme le centième
de l’indice CAC40 où chaque point d’indice équivaut à un euro.
Si le CAC40 atteint 3 870 points, ce tracker vaudra 38,7 euros.
Tous les trackers ne sont pas le centième de l’indice boursier sur
lequel ils sont indexés. Ainsi tandis que le tracker « Street track »
sera défini comme le dixième de l’indice néerlandais AEX, le
tracker « Diamond » libellé en dollar dupliquera à l’unité l’indice
Dow Jones industrial 30. Une option sur tracker (Euronext-liffe
offre deux options américaines de cette nature : l’une portant
sur 100 trackers CAC40 Master Unit, l’autre sur 100 trakers DJ
EuroStoxx50) fonctionnera comme une option sur action
traditionnelle.

Les instruments optionnels de taux d’intérêt

Il existe fondamentalement deux types d’options de taux : les


options d’emprunt et de placement fonctionnant à court terme
ainsi que les caps et les floors fonctionnant à moyen long terme.

Les options de taux courts. — Une option d’emprunt (de prêt)


se définit comme le droit d’emprunter (de placer) à un taux
maximal (minimal) garanti à une date future et sur une période
prédéterminée. Plus le taux implicitement proposé sera faible
(c’est-à-dire plus le prix d’exercice proposé sera élevé), plus
l’option d’emprunt (de placement) sera onéreuse (peu coûteuse)
et inversement. Ces options sont négociées sur le marché
interbancaire.
L’acheteur d’un call euribor exercera son option si le taux
euribor en vigueur à l’échéance de l’option (majoré le plus
souvent d’une marge « commerciale » imposée par le vendeur)
est supérieur au taux fixe garanti, tandis que l’acheteur d’un put
euribor exercera son option si ce taux de marché (minoré d’une
même marge commerciale) est supérieur au prix d’exercice.
Compte tenu de ces spécificités, le profil d’une option de taux
88 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

(d’emprunt ou de prêt) ne présente pas le même profil qu’une


option traditionnelle.

Les options de taux courts

Comme en témoignent ces graphiques, il n’y a, dans les


options de taux courts, aucune notion de perte ou de gains, car
ce sont les conditions d’emprunt ou de placement sur un
nominal défini qui sont garanties. Une option d’emprunt offrira
à son acquéreur de définir un coût maximal de sa dette tandis
qu’une option de prêt donnera à son acquéreur une rentabilité
minimale sur son placement.

Les caps et les floors. — Ces produits ont pour fonction d’offrir à
leurs acheteurs un taux d’emprunt maximal (cap) ou un taux
de rémunération minimal (floor) sur une période de temps
donnée, d’un mois jusqu’à vingt ou trente ans. Ces produits sont
différents d’une option d’emprunt ou de prêt dans le sens où ils
offrent une garantie de taux sur une créance ou une dette déjà
réalisée. Une entreprise endettée à taux variable et craignant une
hausse des taux pourra ainsi acheter, moyennant une prime, un
cap lui donnant droit à percevoir l’écart observé à des dates régu-
lières, s’il est positif, entre un taux de référence et le taux garanti
sur un nominal donné. Symétriquement, un floor offrira à une
institution créancière à taux variable la différence, si elle est posi-
tive entre un taux garanti et un taux de référence sur un nominal
et à des dates de constatation prédéterminés.
LES OPTIONS 89

Les options sur produits dérivés

Il n’y a pas de réelles limites à l’innovation financière au point


que des options sur contrats à terme, sur swaps et même sur
options ont vu le jour.

Les options sur options. — Elles confèrent à leurs acquéreurs le


droit et non l’obligation d’acheter ou de vendre à un prix d’exer-
cice et à un horizon déterminés une autre option (dite « option
fille ») offrant elle aussi le droit d’acheter ou de vendre un actif
sous-jacent à des conditions de prix et de temps elles aussi prédé-
terminées. Par construction, le strike de l’option mère sera déter-
miné en fonction de la prime de l’option fille. L’horizon de
l’option fille devra être par nature supérieur ou égal à celui de
l’option mère.
Si l’option traditionnelle est bien adaptée à l’incertitude, elle
demeure, compte tenu de l’asymétrie des risques pour celui qui
l’achète et celui qui la vend, une méthode de couverture particu-
lièrement onéreuse. Une option sur option permettra de
répondre à cet inconvénient avec pour principal avantage
d’alléger le coût de la couverture lorsque la position sur le sous-
jacent de l’agent considéré est particulièrement incertaine. Elle
est en revanche plus coûteuse qu’une option traditionnelle dès
lors que les deux options (mère et fille) sont exercées.

Les options sur futures. — Une option sur contrats à terme (de
devises, de taux, de marchandises) n’est ni plus ni moins qu’une
option dont le sous-jacent est un future. Ces options sont
fréquemment utilisées comme outil de gestion des risques,
notamment de taux et de change.
Un acheteur d’options sur futures deviendra acheteur de futures
s’il exerce son droit tandis qu’un vendeur d’options sur futures sera
vendeur de futures en cas d’exercice. Les options sur futures sont, le
plus souvent, des options américaines. Une option sur futures est
donc proche d’une option traditionnelle négociée sur un marché
organisé (dite spot). Dans l’absolu, une option spot européenne
doit être identique à une option sur future si l’échéance du contrat
future est la même que celle de l’option spot. Une option améri-
caine sur future n’aura en revanche pas le même intérêt qu’une
90 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

option spot, sur le même actif que le contrat à terme, et de même


horizon, car en cas d’exercice des options avant l’échéance, le prix
spot du sous-jacent ne peut être égal au prix à terme défini par le
future.
Pour comprendre comment ces options fonctionnent,
prenons, en premier lieu, l’exemple d’une option sur future de
taux euribor négociée sur le LIFFE. La valeur unitaire du contrat
est un million de livres.

Euribor options (Euronext-liffe) £ 1m100 — rate

Strike price Calls Puts

Nov. 15 Déc. Mars Juin Déc. Mars Juin

97 625 2,03 3,90 5,05 0,46 1,99 3,00


97 650 1,46 3,33 – 0,81 2,44 –
97 675 1,09 2,66 4,02 1,24 3,00 –
97 700 0,54 2,39 3,57 – 3,46 –

Source : The Financial Times, 16 novembre 2004.

À l’instar de la plupart des produits de taux, la lecture du prix


d’exercice s’avère particulière : les taux d’emprunt ou de place-
ment ne seront pas explicitement définis par un pourcentage
mais devront être déduits par le calcul de la différence entre la
valeur 100 et la valeur du prix d’exercice proposé. Ainsi les prix
d’exercice proposé dans la cotation ci-dessus (première colonne)
seront respectivement égaux à 2,375 %, 2,35 %, 2,325 %, 2,3 %
et 2,275 %.
L’acheteur d’un call sur futures euribor achète in fine le droit
d’acheter un contrat permettant de toucher à l’échéance, au taux
d’intérêt spécifié, les intérêts sur le nominal du contrat tandis
qu’un acheteur d’une option de placement d’horizon identique
bénéficiera des mêmes conditions de placement mais elles ne
seront pas, par nature, fonction de la valeur nominale sur
laquelle porte le contrat à terme. Si le prix d’exercice de l’option
est inférieur à la valeur du contrat, l’acheteur exerce son droit
et bénéficiera d’un taux d’intérêt garanti supérieur à celui en
vigueur sur le marché monétaire.
LES OPTIONS 91

Une option sur futures de devises sera de la même façon


proche d’une option sur devises : pour une même échéance, la
première — si elle est européenne — donnera à son acquéreur
le droit d’acheter — au 1er mars 2005 par exemple — un contrat
d’achat lui permettant d’acheter à son échéance (que l’on
suppose être le 31 mai 2005) des euros contre des dollars pour
une valeur minimale définie de 125 000 euros. La seconde
donnera à celui qui l’achète le droit d’acheter des euros contre
des dollars à un prix d’exercice déterminé au 31 mai 2005 pour
un montant standardisé (mais qui ne sera pas nécessairement
égal à la valeur minimale en euros du contrat future) ou non en
fonction du marché sur lequel elle se négocie.

Les options sur swaps. — Appelées communément swaptions,


elles offrent à leurs acquéreurs le droit de mettre en place un
swap de taux à des conditions déterminées au moment de leur
souscription. Comme toujours, le prix d’exercice de l’option sera
fonction de la valeur du sous-jacent, ici le taux d’intérêt fixe du
swap considéré.

Les options exotiques

Les options de première génération ou plain vanilla sont les


options les plus simples offertes sur les marchés dérivés. En dépit
de cette simplicité, les options de première génération peuvent
s’avérer inadaptées, soit parce qu’elles sont trop chères soit parce
qu’elles ne sont pas suffisamment flexibles. La simplicité d’une
option de première génération n’est pas contradictoire avec un
prix élevé. L’assurance offerte par cet instrument est en effet
globale comme le serait par exemple une assurance multirisque
habitation pour un particulier. Elle ne donne pas à son ache-
teur l’opportunité de préciser l’ampleur de la couverture qu’il
souhaite acquérir. Cette option peut donc être, en moyenne,
plus onéreuse qu’une option exotique.
Les options exotiques ou « de seconde génération » ont été
développées pour répondre aux carences des options américaines
ou européennes. Il existe une multitude d’options exotiques
[Boissonnade, 1997] : nous présenterons ici les plus
représentatives.
92 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Les options lookback. — Elles ont pour particularité de ne pas


avoir de prix d’exercice défini au moment de leur souscription.
Une telle option offre en effet le droit à son acquéreur d’acheter
(ou de vendre) le sous-jacent à son prix le plus bas (le plus haut)
observé durant la vie de l’option. Une option lookback terminera
donc nécessairement « dans la monnaie » et sera en conséquence
toujours exercée. Elle sera dite path dependant dans le sens où
son prix d’exercice sera par construction dépendant de l’évolu-
tion des prix du sous-jacent durant tout ou partie de la vie de
l’option. Il s’agit là d’une des options les plus avantageuses
offertes sur le marché mais elle est, en contrepartie, particuliè-
rement onéreuse. Une deuxième catégorie d’options dite average
lookback offre à son acquéreur la différence positive entre le cours
le plus haut ou le plus bas observé pendant la durée de vie de
l’option.

Les options asiatiques. — L’option dite « asiatique » est, comme


une option lookback, une option dont le prix d’exercice n’est pas
déterminé à l’achat de l’option mais à son échéance dans la
mesure où celui-ci est égal à la moyenne des prix du sous-
jacent sur tout ou partie de la durée de vie de l’option. Si le prix
du sous-jacent à l’échéance est inférieur (supérieur) au prix ainsi
défini, un put (call) asiatique sera exercé. Une option asiatique a
pour avantage d’être moins chère qu’une option traditionnelle
car la volatilité d’une moyenne de prix (de taux de change) est,
par nature, plus faible que la volatilité des prix eux-mêmes.

Les options digitales. — Appelées aussi « options binaires », elles


versent dans leur forme traditionnelle (les options tout ou rien)
à leurs acheteurs n fois le montant de la prime qu’ils ont versée
si le strike de l’option est atteint.

Les options à barrière. — Cette gamme d’options a pour objectif


de réduire le coût de la couverture optionnelle en diminuant
les intervalles dans lesquels la valeur du sous-jacent doit se
trouver pour que l’exercice de l’option soit profitable. On
distingue traditionnellement les options à barrière simple et à
barrière double. Au sein des options simples, quatre options
différentes peuvent être définies : les options à barrière activante
LES OPTIONS 93

à la hausse, activante à la baisse, désactivante à la hausse, désac-


tivante à la baisse.
Un acheteur de call USD/EUR à barrière activante à la hausse
au seuil de 0,8680 ne sera réellement détenteur de son droit
d’acheteur que si le taux de change spot, préalablement infé-
rieur à 0,8680 euro pour un dollar, franchit ce seuil. Un acheteur
de put à barrière désactivante à la hausse sur la même parité et
pour un même seuil, est détenteur de ce droit de vente du dollar
contre euro tant que le taux de change spot est inférieur à 0,8680.
Si le dollar s’apprécie et passe au-dessus de ce seuil, l’acheteur du
put à barrière perd son droit de vente.

Quelques stratégies optionnelles de couverture

Les options, au-delà de leurs caractéristiques intrinsèques, ont


pour avantage de permettre des stratégies élaborées. Nous envi-
sagerons dans cette section cinq exemples de stratégies de
couverture à base d’options : le tunnel à l’importation appelé
aussi « option à prime zéro », le tunnel à l’exportation (option à
prime zéro reverse), le collar, ainsi que le bear put spread et le bull
call spread. Ces cinq stratégies sont appelées « stratégies à base
d’écart ».

Les stratégies de tunnel

Le principal défaut d’une option est son coût particulièrement


élevé. Les stratégies de tunnel ont pour objectif d’en diminuer
l’ampleur, le principe étant de compenser l’achat d’une option
par la vente d’une autre (de sorte que cette stratégie offre in fine
à celui qui la met en place une prime nulle). Ces stratégies sont
utilisées pour la gestion du risque de change (tunnel à l’impor-
tation et tunnel à l’exportation) ainsi que pour la gestion du
risque de taux (achat d’un collar ou tunnel emprunteur, et vente
d’un collar ou tunnel prêteur).

Le tunnel à l’importation. — Plaçons-nous dans la situation d’un


importateur cherchant à se protéger contre le risque d’une dépré-
ciation de sa monnaie. Il pourra acheter très simplement un call
94 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

mais celui-ci lui apparaît trop onéreux. Le tunnel à l’importa-


tion peut alors être une option intéressante. Il va combiner
l’achat d’un call et la vente d’un put. Le prix d’exercice du put
devrait être fixé de telle sorte que la prime de l’option vendue
soit équivalente à la prime du call : la vente du put permet ainsi
de financer l’achat du call. Cette situation pourra bien sûr être
modulée en fonction du degré de couverture que l’agent
souhaite obtenir.
Considérons la situation d’un agent A devant acheter à terme
100 000 dollars et cherchant à se protéger contre une apprécia-
tion de cette monnaie par une stratégie d’option à prime zéro.
Pour cela, l’agent achète un call dont le strike sera supposé égal à
0,8650 dollar par euro acheté pour une prime de 0,4 cent et vend
à l’agent B un put de même échéance dont le strike doit être à
EUR/USD 0,8610 pour qu’une prime identique soit perçue.
Si le taux de change à l’échéance est supérieur à 0,8650,
l’agent A exercera son call tandis que l’agent B, acheteur du put,
n’exercera pas son droit de vente puisque son option est hors la
monnaie. L’agent A obtiendra alors 100 000 dollars au prix de
86 500 euros, c’est-à-dire uniquement le prix d’exercice du call
puisque la prime payée pour l’achat du call est compensée par la
vente du put abandonnée par l’agent B.

Le tunnel à l’importation
LES OPTIONS 95

Si le taux de change à l’échéance est inférieur à 0,8610, soit


le strike de l’option de vente, l’agent A n’aura aucun intérêt à
exercer son call tandis que l’agent B exercera son droit de vente.
L’agent A se doit alors d’acheter du dollar et obtiendra
100 000 dollars au prix de 86 100 euros. Si le taux de change est
compris entre les deux strikes, aucun des deux agents n’exerce
son option et l’achat des dollars se fait sur le marché des changes
au comptant.

Le tunnel à l’exportation. — Ce qui est vrai pour une stratégie


d’achat de devises est bien sûr vrai pour une stratégie de vente.
On parle alors de tunnel à l’exportation ou option à prime zéro
reverse. Il s’agit de combiner l’achat d’un put et la vente d’un call
en fixant le prix d’exercice de celui-ci de telle sorte que la prime
perçue lors de sa vente permette de compenser le coût d’achat de
l’option de vente.

Le tunnel à l’exportation

L’achat d’un collar. — Un collar est, à la gestion du risque de


taux, ce que les tunnels sont à la gestion du risque de change. La
stratégie acheteur de collar consiste à définir un taux plancher et
un taux plafond dans une opération d’emprunt par la combi-
naison d’un achat de cap et de la vente de floor. L’acheteur d’un
collar sera ainsi protégé contre une hausse des taux d’intérêt pour
un coût égal à la différence entre la prime payée sur le cap et celle
96 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

perçue sur le floor mais ne pourra bénéficier d’une baisse des taux
dès lors que ceux-ci deviennent inférieurs à un taux plancher
établi par la vente du floor.

Les stratégies d’écart

Les stratégies d’écart reposent sur le même principe que les


stratégies de tunnel : vendre une option pour financer l’achat
d’une autre option. Dans le cas des stratégies d’écart, il
conviendra d’acheter et de vendre une même option (deux calls
ou deux puts) : l’une, dans la monnaie, pour l’opération de
couverture, l’autre hors la monnaie pour le financement. Par
construction, cette stratégie ne permet pas de supprimer le coût
de la couverture. Elle peut en revanche être une stratégie spécu-
lative intéressante si l’agent ne souhaite pas acquérir le
sous-jacent.

Le bull spread. — Le terme anglais bullish qualifie en finance tout


agent dont les anticipations sur un actif donné sont haussières.
L’adjectif bearish s’impose en cas d’anticipations contraires. Un
bull spread sera donc une stratégie optionnelle mettant en jeu
deux options de même sens mais dont les prix d’exercice sont
différents (d’où la notion de stratégie d’écart) et visant à tirer
profit d’une augmentation du cours de l’actif sous-jacent (action
ou devises). Cette stratégie peut être faite à base de calls (bull call
spread) ou de put (bull put spread).
Un bull call spread combine l’achat (par l’agent A) d’un call
dans la monnaie (le strike de ce call sera noté P1) et avec la vente
(à l’agent B) d’un call hors la monnaie (strike égal à P2). Ainsi, si
le prix du sous-jacent est supérieur à P1 et inférieur à P2, l’agent
ayant défini cette stratégie pourra bénéficier d’un prix d’achat de
l’actif inférieur à celui observé sur le marché spot. Il pourra ainsi
gérer son risque de prix dans une logique de couverture ou, dans
une logique spéculative, revendre l’actif ainsi acheté et gagner
sur la différence de prix entre le strike et le prix spot de l’actif.
Si l’actif voit son prix augmenter au point d’être supérieur à
P2, le call vendu sera exercé par l’agent B, contrepartie à
l’échange. L’agent A ne sera donc plus en position longue mais
LES OPTIONS 97

il bénéficiera de l’écart positif existant entre le prix auquel il


achète l’actif et le prix auquel il le vend.

La stratégie d’écart à la hausse

Les cadrans (c) et (d) montrent qu’un bull spread pourra de la


même façon être obtenu en combinant l’achat d’un put dont le
strike sera plus faible que celui du put qui sera vendu. Si le prix
de l’actif sur le marché spot est supérieur à P2, les agents A et B
abandonnent leurs options : l’agent A profite alors de la diffé-
rence positive de la prime de l’option qu’il a vendue et de celle
qu’il a achetée. Si le prix de l’actif est supérieur à P1 et inférieur
à P2, l’agent B, à la différence de l’agent A, exerce son option : il
« force » alors l’agent A à lui acheter l’actif sous-jacent au prix P2.
L’agent A qui cherche à se protéger contre une baisse du prix
du sous-jacent, bénéficie toujours, en conséquence, d’un prix
élevé de l’actif. Si le prix de l’actif est inférieur à P1, les deux
agents exerceront leurs options de vente. L’agent A ne sera plus
98 LES PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

en position ouverte sur l’actif et perdra de l’argent dans la


mesure où l’agent B le « force » à acheter l’actif à un prix supé-
rieur à celui auquel lui-même le vend.

Le bear spread. — À l’opposé de la stratégie précédente, un bear


spread est une stratégie optionnelle utilisant à nouveau deux
options de même sens mais dont l’ambition est de tirer profit
d’une baisse du cours spot de l’actif sous-jacent. Cette stratégie
pourra à nouveau être obtenue en utilisant des calls (bear call
spread, cadrans a et b) ou des puts (bear put spread, cadrans c et d).
Un bear call spread combinera la vente d’un call dans la
monnaie (pour un prix d’exercice P1) et l’achat d’un call dont le
strike sera élevé. La prime perçue pour la vente du call sera en
conséquence plus élevée que celle payée pour l’achat du call. La
stratégie du bear call spread s’avérera payante si le call vendu n’est
pas exercé, c’est-à-dire si le prix de l’actif sous-jacent est inférieur
à P1 à l’échéance.

La stratégie d’écart à la baisse


LES OPTIONS 99

À l’instar de la stratégie d’écart à la hausse, un bear spread


pourra être obtenu par la combinaison de deux puts : le premier
sera acheté et bénéficiera d’un strike élevé (P2) tandis que le
second, d’un prix d’exercice P1 plus faible, sera vendu. Cette
stratégie sera en revanche coûteuse en cas de forte augmentation
du prix de l’actif (supérieur à P2). La vente du put à l’agent B
viendra pour partie financer l’achat par l’agent A du premier put.

L’option est assurément le produit dérivé offrant le plus de


flexibilité en matière de gestion des risques. Son coût demeure
cependant élevé, ce qui explique la part encore marginale
qu’occupe aujourd’hui cet instrument sur les marchés financiers.
Nous avons, au terme de ce chapitre, présenté les trois grandes
familles de produits dérivés : les swaps, les contrats à terme et
les options. Tentons, dans le chapitre suivant, d’envisager ces
instruments d’un point de vue macroéconomique et de répondre
à une question fondamentale : les produits dérivés sont-ils des
armes spéculatives majeures et, de ce fait, source d’une forte
instabilité sur les marchés financiers ?
V / Les produits dérivés, instrument
de couverture ou vecteur d’instabilité ?

Les chapitres précédents ont eu pour objet de présenter


et d’analyser les produits dérivés sous l’angle de la couverture
des risques. S’il est indéniable que ces instruments offrent, pour
nombre d’opérateurs du commerce international et de la
finance, une police d’assurance particulièrement efficace par des
mécanismes de transfert des risques, ils sont, pour d’autres, un
moyen de mettre en place des stratégies spéculatives qui peuvent
s’avérer particulièrement déstabilisantes. « Bête sauvage de la
finance » pour certains [Steinherr, 1998] ou « arme de destruc-
tion massive » pour d’autres [Buffet, 2003] : les qualificatifs ne
manquent pas pour témoigner de la dangerosité de tels produits.
Outil de gestion des risques ou arme de déstabilisation des
marchés et des économies ? Une réponse exhaustive sur la
nature de la responsabilité des produits dérivés dans le phéno-
mène d’instabilité financière dépasse le cadre de cet ouvrage,
mais certains éléments d’analyse peuvent être avancés. Nous
montrerons en particulier que les produits dérivés sont à l’image
de tous ces outils qui, à tout instant, peuvent être détournés de
leurs usages premiers. Comme le rappelle Simon [1997], « il n’y
a pas de marché dérivé qui puisse se développer s’il n’est d’abord
et avant tout un instrument de couverture ». Les produits sont
en ce sens tout à fait utiles, mais cette affirmation ne doit pas
laisser penser que les produits dérivés sont sans danger. Nous
verrons en effet que ces instruments, non seulement favorisent
l’émergence de stratégies spéculatives particulièrement risquées,
mais peuvent aussi conduire les opérateurs des marchés
LES PRODUITS DÉRIVÉS, INSTRUMENT DE COUVERTURE OU VECTEUR… 101

financiers à sous-estimer les risques auxquels ils s’exposent et


auxquels ils soumettent la sphère économique, créant de ce fait
les conditions d’apparition d’un risque de défaillance généralisée
des systèmes financiers, appelé « risque systémique ».

Un transfert des risques et une diffusion


de l’information renforcés

Les produits dérivés font peur et seraient, selon certains, les


leviers essentiels d’une économie casino aux mains des spécula-
teurs. L’idée peut se comprendre : la croissance vertigineuse des
marchés sur lesquels ces instruments sont échangés, leur fonc-
tionnement opaque ou complexe, les turbulences boursières et
la récurrence des crises financières pour lesquelles les produits
dérivés semblent avoir une responsabilité sont autant de raisons
de s’inquiéter. Il faut cependant se garder d’une lecture trop
simpliste des marchés financiers. Les produits dérivés peuvent
être dangereux, nous le démontrerons dans les sections
suivantes. Les produits dérivés sont cependant utiles car ils
remplissent deux fonctions économiques essentielles : ils parti-
cipent à un meilleur transfert des risques entre agents écono-
miques et augmentent la quantité d’informations présentes sur
les marchés financiers.

Des marchés financiers et de produits dérivés favorables


à l’activité économique

Il est aujourd’hui courant d’évoquer une déconnexion crois-


sante entre l’univers financier et ce qu’il est convenu d’appeler,
par opposition, la sphère réelle. Il est vrai qu’il existe sur les
marchés financiers des mécanismes, des modes de fonctionne-
ment éloignés de toute réalité économique. L’engouement irra-
tionnel pour les valeurs dites « technologiques » du Nasdaq
américain ou du nouveau marché français, l’envolée du cours
d’un titre en période de restructuration économique et de licen-
ciements en sont des exemples. Les économies d’aujourd’hui
devraient-elles alors se passer des marchés financiers ? Assuré-
ment non, et ce, pour deux raisons. Au-delà de ses dérives, le
102 L E S PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

marché des actions, des obligations ou de tout autre titre de


créance ou de dette négociables remplit en premier lieu une
fonction indispensable à la croissance économique : le finance-
ment de l’économie que le secteur bancaire, par sa fonction de
collecte de l’épargne des ménages, ne pourrait assumer seul.
Il y a en second lieu sur les marchés financiers des forces de
rappel provenant de la sphère réelle et qui, à plus ou moins long
terme (pour un coût économique certes conséquent), corrigent
ces excès. Le monde financier ne peut donc être durablement
déconnecté de la sphère réelle.
Nous avons, dans les chapitres précédents, fréquemment pris
l’exemple d’agents économiques (importateur ou exportateur)
utilisant les produits dérivés pour couvrir des risques réels ou
financiers. Nous avons alors pu comprendre toute l’utilité de tels
instruments d’un point de vue microéconomique. Un constat
similaire s’impose lorsque l’analyse s’élève au niveau macroéco-
nomique. Le marché des produits dérivés offre des polices d’assu-
rance contre des risques pour lesquels il n’existe pas de
couverture alternative. Les produits dérivés permettent donc aux
acteurs de la sphère réelle d’entreprendre une activité risquée et
favorisent de ce fait la croissance [Brender et Pisani, 2001].
L’auraient-ils entreprise si ces mécanismes assurantiels n’exis-
taient pas ? Vraisemblablement non.
Les produits dérivés ont donc une fonction tout à fait essen-
tielle dans le système économique et financier actuel : répartir,
de la façon la plus optimale possible, les risques entre agents
économiques. Ce transfert de risques peut se faire deux façons :
soit par la confrontation d’agents économiques cherchant à se
couvrir contre des risques de nature opposée (un importateur
cherchant à se protéger contre une appréciation du dollar améri-
cain et un exportateur cherchant se protéger contre une dépré-
ciation de cette même devise), soit par la confrontation d’agents
désireux de se soustraire aux risques auxquels ils sont soumis
avec des agents dont la fonction économique est de prendre ces
risques en échange d’une rémunération. L’existence de spécula-
teurs sur les marchés de produits dérivés apparaît à cet égard
normale et utile.
LES PRODUITS DÉRIVÉS, INSTRUMENT DE COUVERTURE OU VECTEUR… 103

Des marchés dérivés révélateurs de l’information privée

Les marchés de produits dérivés favorisent également la diffu-


sion de l’information sur les marchés financiers (nous relativi-
serons ce point dans la section suivante). Les prix formés sur
les marchés à terme ou les marchés d’options constituent une
indication sur la valeur future des sous-jacents sur lesquels ils
se fondent. Prenons un exemple simple : nous avons vu qu’un
agent économique achetait un call lorsqu’il cherche à se protéger
contre une augmentation du prix du sous-jacent sur lequel porte
l’option. Une augmentation du prix de cette option lorsqu’elle
est négociée sur un marché organisé traduit le fait, selon la loi
de l’offre et de la demande, que la demande pour cette option
est forte pour un horizon donné. On peut en conséquence
raisonnablement inférer de cette observation que le marché,
considéré dans son intégralité, anticipe pour l’échéance de
l’option une augmentation du prix de ce sous-jacent. L’informa-
tion privée de chaque agent (fondée ou non) est alors révélée
dans le prix de l’option considérée.
Il est en outre possible d’extraire, du prix des options, des
données non pas sur le prix mais sur la volatilité future du sous-
jacent (cette volatilité sera dite « implicite » par opposition à la
volatilité historique représentée par l’écart-type des valeurs
passées de l’actif considéré). Nous avons en effet vu dans le
modèle de Black et Scholes [1973] qu’il fallait connaître quatre
paramètres ou variables observables pour valoriser correctement
une option : le taux d’intérêt sans risque, le prix d’exercice, le
prix du sous-jacent et l’échéance de l’option. Un dernier para-
mètre devra en outre être introduit dans le modèle : la volati-
lité du sous-jacent, qui est subjective et dépend des anticipations
de marché du vendeur de l’option. Ces anticipations ne sont pas
connues des marchés. Cependant, dès lors que la prime de
l’option est connue, il devient possible, en inversant le modèle
de Black et Scholes, de découvrir (en fonction cette fois du taux
d’intérêt sans risque, du prix d’exercice, du prix du sous-jacent,
de l’échéance de l’option et de la prime de l’option) la volatilité
du sous-jacent estimée par le vendeur de l’option. La quantité
d’informations offertes sur le marché augmente alors.
104 L E S PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Des stratégies spéculatives facilitées

Il existe un lien fort entre la spéculation et les produits dérivés.


La spéculation, stabilisante ou non, n’a pas besoin des produits
dérivés pour exister. Mais force est de reconnaître que les
produits dérivés la facilitent.

Produits dérivés et spéculation : un lien fusionnel

L’intemporalité du phénomène spéculatif. — La spéculation se


définit comme une opération d’achat ou de vente d’un actif avec
pour objectif de le revendre (de le racheter) à une date ulté-
rieure afin de tirer profit d’une modification de son prix et non
de son utilisation. Il suffit d’acheter des actions ou tout autre
actif négociable en espérant une plus-value future pour devenir
spéculateur. L’histoire économique et financière est pleine
d’épisodes spéculatifs [Kindleberger, 1994] : de la bulle sur le
Nasdaq ou le nouveau marché observée en 2000 à celle ayant
touché les titres de la Compagnie des mers du Sud en 1720 ou la
« tulipomanie » en 1634, la spéculation touche potentiellement
tous les actifs, réels ou financiers, tous les agents économiques
et, assurément, toutes les époques. Ainsi, comme le rappelle
Eichinger [1996], la spéculation « se nourrit de déséquilibres
économiques, d’insouciance politique […] et ne respecte ni le
temps, ni l’espace, ni les idéologies ».
Peut-être peut-on trouver dans les phénomènes spéculatifs des
racines plus profondes encore, liées aux errements de la nature
humaine. Ils naîtraient d’un excès de confiance souvent défini
comme une « euphorie spéculative » due aux comportements
mimétiques des acteurs de la finance [Kindleberger, 1994] et
aboutiraient tôt ou tard à des phénomènes de panique à l’origine
des krachs boursiers et des crises financières. Il faut pour cela
reconnaître l’existence d’un coût de l’information sur la valeur
objective d’un actif et son corollaire : la présence d’agents
informés et non informés sur tout marché.
LES PRODUITS DÉRIVÉS, INSTRUMENT DE COUVERTURE OU VECTEUR… 105

Spéculation, asymétries d’information et bulles spéculatives. —


L’idée qu’il existe un coût de l’information correspond à la diffi-
culté qu’a chaque agent de déterminer la valeur objective (dite
« fondamentale ») d’un actif, d’un taux de change (ou autre
variable de marché) potentiellement différente de son prix de
marché. Ce coût de l’information ne tient donc pas uniquement
à la difficulté d’obtenir des données sur un actif (les marchés
financiers sont d’ailleurs assez transparents) mais à l’incapacité
de les retraiter correctement. L’incitation à le faire est d’ailleurs
assez faible à court terme puisque la valeur fondamentale d’un
actif n’aura de sens que si la plupart des agents qui composent
le marché sur lequel il est négocié la recherchent. Les agents
pourront alors privilégier à court terme des comportements
imitatifs dont le coût immédiat sera faible, sans véritable crainte
de se tromper dans la mesure où ceux-ci s’avéreront autovali-
dants : dans la mesure où les actifs sont négociés librement sur
un marché, la variation de leurs prix répond aux variations dans
leurs offres et demandes relatives. Peu importe alors de se
tromper ex ante (par exemple acheter un titre objectivement
surévalué) si l’on suit l’opinion dominante du marché (il faut
acheter le titre car son potentiel d’appréciation est important) :
la polarisation des opinions conduira les agents présents sur le
marché à acheter l’actif en question et poussera le prix de celui-ci
à la hausse. Le comportement moutonnier de l’agent considéré
sera alors validé ex post.
L’analyse d’Eichengreen, Tobin et Wyplosz [1995] confirme ce
point : « En l’absence de tout consensus à propos des facteurs
fondamentaux, les marchés sont dominés, comme ceux de l’or
ou des tableaux de maîtres, et bien souvent équilibrés, par des
opérateurs qui tentent de deviner ce que les autres opérateurs
pensent. » Dans la constitution de ces chaînes mimétiques, la
dimension temporelle sera déterminante : le premier arrivé — et
le premier sorti — sera celui qui profitera au mieux de la vague
spéculative qui s’amorce. Il s’ensuit une course contre la montre
tant dans l’achat d’un titre durant le développement de la bulle
spéculative que dans sa revente lors de l’éclatement de celle-ci.
La fébrilité des agents sera d’autant plus forte que la constitu-
tion de la bulle reposera, non sur une amélioration des fonda-
mentaux du titre considéré, mais sur des anticipations
106 L E S PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

autoréalisatrices par nature instables et donc imprévisibles. Pour


Kindleberger [1996], la conséquence semble évidente : « Les
excès spéculatifs dégénèrent, sinon de manière inévitable, du
moins très fréquemment en une crise, un krach ou une
panique. » [Cf. Cartapanis, 2004, pour une analyse exhaustive du
phénomène d’instabilité financière internationale.]

Les produits dérivés, substrats des techniques spéculatives. —


Si l’histoire de la spéculation peut s’affranchir de celle des
produits dérivés, la réciproque ne le peut pas au point qu’il
semble possible d’affirmer que tout nouveau produit dérivé
donne lui-même naissance à de nouvelles ambitions spécula-
tives. Thalès, dont l’histoire est évoquée dans le premier chapitre
de cet ouvrage, n’a-t-il pas créé le premier mécanisme des stra-
tégies optionnelles pour spéculer sur l’ampleur de la récolte
d’olives à venir ? Cette simultanéité entre la création d’un dérivé
et l’usage spéculatif qui en est fait se retrouve plus récemment
dans l’histoire du Chicago Board of Trade où l’utilisation spécu-
lative des contrats à terme est apparue, dès 1877, avec l’appro-
fondissement de la standardisation de ces produits.
Spotton Visano [2004] offre une étude intéressante de la rela-
tion entre spéculation et innovations qui pourrait expliquer les
interactions entre produits dérivés et l’usage spéculatif qui en
est fait. Reprenant l’argument de Schumpeter, il suggère que les
innovations créent un « type particulier d’environnement incer-
tain » vecteur de vagues d’optimisme propices à l’émergence
d’une instabilité financière extrême. La récente bulle spécula-
tive sur les valeurs de haute technologie dans les pays industria-
lisés offre une illustration prégnante à ce raisonnement.
L’argument n’est ici pas spécifique aux innovations financières,
mais le rôle de l’ingénierie financière dans le déclenchement de
vagues spéculatives ne semble pouvoir être exclu du champ de
cette analyse. Boyer, Dehove et Plihon [2004] rappellent à cet
égard que « chaque innovation majeure, en stimulant de
nouvelles stratégies, a débouché sur une crise financière ». Le
développement rapide des dérivés de crédit évoqués dans le
deuxième chapitre est ainsi une source légitime d’interrogations
et d’inquiétudes.
LES PRODUITS DÉRIVÉS, INSTRUMENT DE COUVERTURE OU VECTEUR… 107

Faut-il le condamner ? — Il n’y aurait aucun opprobre particulier


à jeter sur le comportement spéculatif si celui-ci s’apparentait de
façon systématique au comportement d’un joueur de casino. Si
cette comparaison est souvent faite, elle se doit d’être largement
nuancée : un spéculateur n’est en premier lieu pas toujours ce
particulier que l’on serait tenté de qualifier de « naïf » pariant sur
l’évolution du cours des actions en engageant des sommes qui
lui sont propres. À la différence de l’inoffensif joueur de casino,
certains spéculateurs professionnels, grâce aux produits dérivés
négociés sur les marchés organisés, disposent de l’opportunité
de parier sur des sommes qu’ils ne possèdent pas. À la diffé-
rence d’un jeu de hasard enfin, le résultat d’un pari spéculatif
sur les marchés financiers n’est pas strictement indépendant des
stratégies mises en œuvre par le spéculateur. Le mimétisme des
comportements, conjugué aux prises de position amplifiées par
les produits dérivés, peut alors avoir des conséquences d’autant
plus dramatiques qu’elles se répercuteront quasi inévitablement
sur la sphère réelle.

Les origines de ce lien : les produits dérivés comme soutien


aux techniques spéculatives

Les produits dérivés aident les spéculateurs pour deux raisons


fondamentales. Ces outils simplifient en premier lieu la logique
spéculative puisqu’ils n’imposent pas, grâce à l’effet de levier,
de disposer des fonds à hauteur de la somme sur laquelle l’agent
souhaite spéculer. Ils autorisent, en second lieu, la définition de
stratégies agressives amplifiant les gains ou les pertes des posi-
tions spéculatives.

Des paris spéculatifs simplifiés. — Le chapitre précédent fut


l’occasion de montrer le mécanisme par lequel une option
permettait de couvrir un risque, qu’il soit de change, de taux
ou de prix. Nous avons pour cela fait l’hypothèse que
l’agent économique considéré avait une position, courte ou
longue, sur le sous-jacent à couvrir. Il est en revanche possible
pour tout opérateur de réaliser des ventes à découvert hautement
spéculatives. Prenons l’exemple d’un achat de puts : tradition-
nellement associée à un agent en position longue sur l’actif
108 L E S PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

sous-jacent et désireux de se prémunir contre une baisse du


prix de celui-ci à terme, cette stratégie peut devenir un outil
efficace pour parier sur la baisse du prix de l’actif sous-jacent
lorsque l’agent considéré n’a pas de position initiale. Si son pari
s’avère juste, le spéculateur pourra réaliser des profits de deux
façons : il pourra revendre ces options à un prix supérieur à celui
auquel il les a achetées. Une alternative profitable consiste à
exercer les options de vente tout en achetant les actifs à livrer
sur le marché au comptant. Le spéculateur peut alors profiter de
la différence entre le prix d’achat des actifs sous-jacents sur le
marché spot et leur prix de revente plus élevé, défini par le strike
du put.
Les techniques spéculatives ne sont pas propres aux options
et des paris similaires peuvent être faits en utilisant des contrats
futures ou des swaps. L’effet de levier offert par les contrats à
terme permet ainsi de spéculer sur des sommes bien supérieures
à celles investies au titre du dépôt de garantie. Quelles qu’elles
soient, elles reposent sur la possibilité de spéculer sur un actif ou
tout autre sous-jacent sans avoir pour obligation d’être en posi-
tion sur celui-ci.

Des stratégies spéculatives plus agressives. — Il existe de


plus des stratégies optionnelles dont l’objectif n’est pas de
diminuer le coût de la couverture, comme dans le cas
d’une option à prime zéro, mais de parier sur l’accroissement
de la volatilité du prix du sous-jacent sur lequel porte l’option.
La stratégie dite « de straddle » en est la meilleure illustration :
elle consiste à combiner l’achat d’un put et l’achat d’un call de
strike identique. Prenons l’exemple d’un straddle sur dollar améri-
cain où l’option d’achat et de vente ont respectivement pour
primes 1,62 et 1,22 centime d’euro et pour strike 0,8402 euro par
dollar.
Imaginons que le put soit légèrement « dans la monnaie » à
l’échéance : l’acheteur du straddle gagne en exerçant cette option
mais perd la prime du call qu’il n’exerce pas. Si, à l’inverse, le call
est légèrement « dans la monnaie », l’exercice du call est profi-
table (si le cours de change est supérieur au point mort de cette
option), mais la prime du put est perdue puisque celui-ci n’est
pas exercé. En réalité, pour que cette stratégie soit profitable, il
LES PRODUITS DÉRIVÉS, INSTRUMENT DE COUVERTURE OU VECTEUR… 109

Le straddle

convient que la parité USD/EUR soit à l’échéance inférieure au


strike moins les deux primes, soit 0,8118, ou supérieure au strike
plus les deux primes, soit 0,8686. Pour un cours de change égal
à 0,8117 par exemple, l’exercice du put procure un gain de
1,63 centime d’euro auquel il faudra retrancher la prime du call
non exercé, soit un gain net de 0,01 centime par dollar négocié.
Si la parité USD/EUR atteint en revanche la valeur de 0,8687,
l’exercice du call offre pour l’acheteur du straddle un gain de
0,0123 centime tandis que l’abandon du put lui cause une perte
de 0,0122 centime, soit un gain net de 0,01 centime par dollar
négocié. Ainsi, peu importe le sens de la variation du cours de
change : si la volatilité du cours de change est élevée, la stratégie
du straddle s’avérera profitable.
Pour Steinherr [1998], « le straddle est une des techniques les
plus agressives pour parier sur la volatilité d’un actif et expose
celui qui l’utilise à un risque considérable lorsque le marché
évolue de façon soudaine et dans un sens non anticipé ». La
dangerosité d’une telle stratégie fut très largement démontrée
par la faillite de la banque britannique Barings en 1995.
110 L E S PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Un risque individuel mieux géré,


un risque systémique exacerbé

Les produits dérivés contribuent à une meilleure couverture


des risques individuels. Ils peuvent en revanche accroître le
risque d’instabilité financière à l’échelle d’un marché. Trois argu-
ments justifient cette affirmation : ces outils pourraient encou-
rager le mimétisme des intervenants sur les marchés financiers.
Celui-ci serait d’ailleurs stimulé par le renforcement de la liqui-
dité offert par ces mêmes produits. Ils pourraient en second lieu
conduire à un renforcement de l’aléa de moralité dans le sens
où les agents seraient incités à prendre des positions de plus en
plus risquées puisque tout risque est potentiellement assurable.
Ils pourraient enfin, par leur fonction de transfert des risques,
créer in fine une opacité dans le fonctionnement des marchés.
Celle-ci pourrait alors, en période d’instabilité, exacerber le
« stress » des opérateurs financiers.

Un mimétisme des comportements favorisé

Nous avons souligné l’importance du coût de l’information


dans le développement de comportements mimétiques déstabi-
lisants sur les marchés. Quel est alors l’impact des produits
dérivés sur l’efficience informationnelle des marchés ?

Une hypothétique amélioration de la diffusion de l’information.


— L’incidence de la création des marchés dérivés sur l’effi-
cience informationnelle au sein de la sphère financière demeure
controversée. Nous avons vu dans la section précédente en quoi
les produits dérivés permettaient d’accroître la quantité d’infor-
mations offerte sur un marché. Ces arguments ne suffisent pour-
tant pas à conclure à l’incidence positive du développement des
produits dérivés sur l’efficience informationnelle des marchés
financiers. Comme le rappellent Artus, Legros et Sassenou
[1996], la création d’un marché à terme permettrait certes de
diffuser des informations privées dont disposent un petit
nombre d’agents, mais favoriserait de ce fait les comporte-
ments d’imitation des intervenants peu informés. Ce mimé-
tisme est d’ailleurs stimulé par la concentration des opérateurs et
LES PRODUITS DÉRIVÉS, INSTRUMENT DE COUVERTURE OU VECTEUR… 111

le développement considérable de l’industrie de la gestion


d’actifs à laquelle appartiennent les hedge funds (fonds de
couverture).
Le constat établi par Aglietta et De Boissieu [1999] est tout
aussi explicite : « Les marchés dérivés de gré à gré brouillent le
repérage des positions à risque par les superviseurs. Ils rendent
trompeuses les informations sur les mouvements de capitaux
tirées des balances de paiements, donc sur les indices de crise
tirés de ces balances car ces informations proviennent exclusi-
vement de positions de bilan. » Barthalon [1998] souligne à cet
égard toute l’importance que revêtirait une amélioration de
l’information sur la structure par échéance des engagements
hors bilan et plus généralement les positions sur produits dérivés
des intervenants sur les marchés financiers.

Une incidence contestable sur la liquidité d’un marché. — La


liquidité se définit comme la possibilité pour un intervenant
d’acheter ou de revendre un actif sans que cette opération se
traduise par une augmentation (dans le cas d’un achat) ou d’une
diminution de son prix. Naturellement, plus un marché est
étroit dans le sens où le volume de transactions est faible, et
moins celui-ci sera liquide. La liquidité d’un actif ou d’un
marché est, en ce sens, une qualité indispensable puisqu’elle
constitue la garantie implicite que toute opération initiale
pourra être compensée par une opération en sens inverse, sans
que celle-ci n’occasionne des pertes trop importantes.
L’existence de marchés dérivés serait en conséquence extrême-
ment favorable puisqu’ils seraient par nature créateurs de liqui-
dité : en favorisant l’apparition de spéculateurs susceptibles de
se porter plus facilement contrepartie des positions prises par les
agents en couverture lorsque les marchés connaissent des chocs
importants, les marchés dérivés pourraient accroître la liquidité
du marché sous-jacent. Cette affirmation tient à une lecture
particulière du concept de liquidité et néglige le paradoxe
suivant : la liquidité serait à ce point importante qu’elle devien-
drait une préoccupation obsessionnelle pour nombre d’interve-
nants sur les marchés financiers pouvant, en retour, donner
naissance à un risque de système.
112 L E S PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Pour John Maynard Keynes [1936], cette obsession de la liqui-


dité ne peut être que condamnable : « Pour l’investisseur profes-
sionnel, c’est une obligation impérieuse de s’attacher à anticiper
ceux des changements prochains dans l’ambiance et l’informa-
tion que l’expérience fait apparaître comme les plus propres à
influencer la psychologie de masse du marché. Telle est la consé-
quence inévitable de l’existence de marchés financiers conçus en
vue de ce qu’on est convenu d’appeler la liquidité. De toutes
les maximes de la finance orthodoxe, il n’en est aucune, à coup
sûr, de plus antisociale que le fétichisme de la liquidité, cette
doctrine selon laquelle ce serait une vertu positive pour les insti-
tutions de placement de concentrer leurs ressources sur un porte-
feuille de valeurs liquides » [p. 167]. Alors que la liquidité d’un
marché favoriserait sa résilience, l’obsession de liquidité pousse
les agents financiers (y compris les spéculateurs) à ne jamais
prendre de position opposée à celle qui prédomine sur le marché
en cas de choc majeur l’affectant. Celle-ci crée alors les condi-
tions d’un assèchement de cette liquidité tant recherchée, lui-
même moteur de l’émergence d’un risque de système.

Une sous-estimation des risques encourus


ou une prise de risque volontairement accrue ?

L’industrie des produits dérivés est un marché florissant aux


contours sans cesse extensibles, parce que fondé sur l’idée que
tout risque peut être assuré. Quelle que soit leur nature, les
risques (de défaut, de prix, etc.) n’engagent a priori que les
contreparties impliquées dans la négociation du dérivé. Le para-
doxe de cette industrie tient au fait qu’elle est elle-même géné-
ratrice de risques, créant certes les conditions de sa pérennité,
mais aussi une dilution des risques individuels propice à l’émer-
gence, à nouveau, d’un risque de système. Il semble alors légi-
time de s’interroger, à l’instar de Bourguinat [2004], sur
« l’existence d’une contrepartie importante à cette montée en
puissance des procédures nouvelles de transfert de risque » et sur
l’apparition probable d’« un risque de système nouveau, très en
amont de celui que l’on redoute généralement ».
LES PRODUITS DÉRIVÉS, INSTRUMENT DE COUVERTURE OU VECTEUR… 113

Une dilution des risques individuels. — Parce qu’il est négo-


ciable lorsqu’il est échangé sur un marché organisé et à la diffé-
rence d’une assurance traditionnelle, le risque peut être racheté
et revendu en théorie à l’infini, au point qu’il sera difficile de
déterminer dans ce nœud gordien in fine qui sera le porteur de
risque. En période de tensions sur les marchés financiers, les
opérateurs ne pourront en conséquence clairement identifier
dans cet enchevêtrement les responsabilités de chacun. En
période de stress, un manque d’information sur l’exposition au
risque de marché et de crédit d’une institution pourra notam-
ment conduire les créanciers à réduire leurs engagements et favo-
riser les prises de positions défensives (ventes à découvert) de
la part des autres opérateurs des marchés financiers. Le risque
de panique et de contagion à d’autres institutions ne peut dès
lors que s’accroître. Il pourrait alors entraîner à sa suite le risque
d’une défaillance globale d’un marché ou d’un système finan-
cier. La faillite du courtier en énergie Enron en 2001 et du fonds
Long Term Capital Management en 1998 eurent — à titre
d’exemple — un impact considérable sur les marchés, en partie
à cause de leurs expositions notionnelles considérables en
produits dérivés. Mais les opérateurs se protégèrent de la faillite
de ces institutions par l’utilisation massive de dérivés de crédit
tels les swaps de défaut !

L’utilisation des dérivés de crédit : un aléa de moralité accru ?


— Les produits dérivés pourraient enfin augmenter le risque
systémique en renforçant le risque d’aléa de moralité. Ce
dernier se définit [Bourguinat, 1999] comme une situation où
le fait d’être garanti par un tiers de la survenance d’un événe-
ment supposé aléatoire et préjudiciable conduit à accroître la
prise de risque et, par là, à augmenter la probabilité de réalisation
de cet événement. Les dérivés de crédit, dont le développe-
ment récent inquiète certains observateurs du monde finan-
cier, pourraient à cet égard favoriser l’émergence d’un risque de
système en modifiant sensiblement la relation entre prêteurs et
emprunteurs.
L’asymétrie d’information qui est propre à toute relation
prêteur/emprunteur conduit le prêteur (sous des conditions ordi-
naires) à analyser, évaluer et tarifer le risque du projet
114 L E S PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

d’investissement qui lui est soumis. Il s’agit là d’une fonction


importante du secteur bancaire. Par la cession du risque de crédit
associé à un actif, les dérivés de crédit créent en premier lieu
une incitation implicite pour les banques, non seulement à sous-
estimer les risques auxquels elles étaient auparavant soumises,
mais aussi à moins surveiller la solvabilité du client auquel le
prêt a été accordé. Une banque pourrait d’ailleurs « être disposée
à satisfaire toute demande de crédit tant qu’il existe des ache-
teurs prêts à lui acheter son risque de crédit » [Boyer, Dehove
et Plihon, 2004]. Historiquement pourtant, les crises finan-
cières furent souvent précédées par une expansion excessive des
crédits octroyés. Ces instruments pourraient en outre inciter les
banques, non seulement à sous-estimer les risques auxquels elles
sont assujetties, mais à prendre davantage de positions risquées
[Kiff et Morrow, 2000], potentiellement plus rémunératrices. La
garantie offerte par ces produits n’est cependant pas parfaite car
elle tient à la définition et à la reconnaissance d’un événement
de crédit qui peut être source de conflits juridiques si celui-ci
survient. Pour Scott-Quinn et Walmsley [1998], ceci pourrait très
largement compliquer la résolution d’une situation de défaut de
paiement.

Les produits dérivés sont des outils efficaces de gestion des


risques. Sans en être nécessairement la cause, ils développent,
en revanche, lorsqu’ils sont utilisés à mauvais escient, le risque
d’une aggravation des crises de change, boursières et financières
dont le coût exorbitant est inévitablement, pour tout ou partie,
supporté par la sphère réelle.
L’avenir dira si l’effort de re-réglementation aujourd’hui
fourni pourra à terme limiter les dangers liés à l’utilisation
des produits dérivés. Une prudence s’impose néanmoins
car l’ingénierie financière est traditionnellement prompte pour
contourner les obstacles réglementaires les plus contraignants.
Le débat sur l’utilité et la dangerosité des produits dérivés
est loin d’être clos mais le terme que chacun voudra y apporter
ne devra en aucun cas négliger le fait que la sphère financière,
éminemment utile tout en étant parfois très dangereuse, est
d’un fonctionnement complexe. Sa réforme ne pourra être
en conséquence que difficile. Il faudra alors, pour la mener
LES PRODUITS DÉRIVÉS, INSTRUMENT DE COUVERTURE OU VECTEUR… 115

à bien, s’affranchir d’un optimisme béat dans les vertus de


la finance tout en se gardant des analyses rapides stigmatisant
sans discernement les spéculateurs ou condamnant d’emblée
les produits dérivés. Cette réforme en profondeur devrait alors
viser à recentrer, conformément aux thèses keynésiennes, la
finance vers le financement de la croissance, sa vocation
première.
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Table des matières

Introduction 3

I Les produits dérivés et leurs marchés


Des produits dérivés aux multiples facettes 7
Des produits dérivés : pour quoi faire ?, 7
_ Encadré : Les polices d’assurance
de la Compagnie française pour le commerce extérieur
(COFACE), 10
Les contrats à terme, 13
Les options, 17
Les swaps, 22
Des marchés dérivés en pleine expansion 26
Marché de gré à gré et marché organisé, 26
La structure des marchés de produits dérivés, 30

II Les swaps
Les swaps de change 37
Le swap cambiste, 38
Le swap de devises, 42
Les swaps de taux 44
Les enjeux d’un swap de taux traditionnel, 44
La diversité des swaps de taux, 47
Les swaps de crédit 49
Les swaps sur événement de crédit, 50
Les swaps sur rendement total, 52
TABLE DES MATIÈRES 121

III Les futures


Les spécificités du marché des contrats à terme 54
Le fonctionnement particulier du marché
des contrats à terme, 55
Des contrats à terme aux modalités
de fonctionnement variées, 59
Quelques éléments de gestion des risques
par l’utilisation des futures 62
Une situation idéale, 63
Le problème d’échéances différentes, 66
Faut-il couvrir en totalité la position sur le sous-jacent ?, 68
_ Encadré : Le calcul du ratio de couverture
de variance minimale, 70

IV Les options
L’utilisation des options de première génération 72
Les stratégies optionnelles de base, 73
Des précisions indispensables, 79
Le prix de l’option, 82
_ Encadré : Le modèle de Black et Scholes, 84
La diversité des produits optionnels 86
Les options sur produits boursiers, 86
Les instruments optionnels de taux d’intérêt, 87
Les options sur produits dérivés, 89
Les options exotiques, 91
Quelques stratégies optionnelles de couverture 93
Les stratégies de tunnel, 93
Les stratégies d’écart, 96

V Les produits dérivés, instrument


de couverture ou vecteur d’instabilité ?
Un transfert des risques et une diffusion
de l’information renforcés 101
Des marchés financiers et de produits dérivés
favorables à l’activité économique, 101
Des marchés dérivés révélateurs
de l’information privée, 103
Des stratégies spéculatives facilitées 104
Produits dérivés et spéculation : un lien fusionnel, 104
Les origines de ce lien : les produits dérivés
comme soutien aux techniques spéculatives, 107
122 L E S PRODUITS FINANCIERS DÉRIVÉS

Un risque individuel mieux géré,


un risque systémique exacerbé 110
Un mimétisme des comportements favorisé, 110
Une sous-estimation des risques encourus
ou une prise de risque volontairement accrue ?, 112

Repères bibliographiques 116

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