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Droit International de la Pêche M.

Karagiannis Page 1

12/01/07

DROIT INTERNATIONAL DE LA PÊCHE

BIBLIOGRAPHIE

-L. LUCCHINI et M. VOELCKEL, Le droit de la navigation et le droit de la pêche, 1996


-R.-J. DUPUY et D. VIGNES, Le nouveau droit de la mer, Economica, 1985 – Ouvrage
collectif
-J. YTURRIAGA, The international regime of fishing
-O. VICUNA, The changing international law of high sea fishing
-D. VIGNES, G. CATALDI et RAGON, Le droit international de la pêche maritime, 2000 –
Ouvrage incontournable
-Revues de droit international
-Droit maritime : Droit maritime français, Espaces et ressources maritimes (ne parait plus),
Annuaire du Droit de la mer (chaque année)
-Revues anglo-saxonnes sur le droit de la mer : ODILA (Ocean development and international
law), Marine policy, International journal of coastal law
-Revues professionnelles : Le Marin, La Marine marchande…
-Sites de l’ONU, de la FAO
-Convention de Montego Bay, les quatre Conventions de Genève du 19 avril 1958.

La CMB est ratifiée par un peu moins de 150 états et a pris le pas sur les Conventions de
Genève. Certains états refusent pourtant de ratifier la CMB : les USA, certains pays
d’Amérique latine, le Danemark. La CMB ne règle toutefois pas tous les problèmes. Dans les
90’s un traité signé au sein de la FAO et un autre au sein des NU elles-mêmes sont donc
également venus jouer un certain rôle. De même, des déclarations émanant d’organes
internationales, voire des législations nationales, vont aussi intéresser la matière. Idem pour la
jurisprudence et notamment internationale. La CMB institue un véritable système de
règlement des différends, à la partie XV. Plusieurs modes de règlement sont à la disposition
des états parties. Malgré tout, les décisions ne s’imposent pas aux états parties au litige. Ex :
la médiation, les bons offices, la conciliation ou l’enquête internationale ne peuvent pas
produire des solutions tranchant juridiquement le différend. On peut utiliser ces modes mais
ceux-ci ne peuvent définitivement régler quoi que ce soit, à moins que les parties acceptent la
solution. La CMB ne pouvait pas se contenter de tels modes de règlement. Si les états ne se
mettent pas d’accord pour adopter un rapport d’enquêteurs internationaux par exemple,
d’autres modes de règlement des différends peuvent être mis en œuvre :
-La CIJ
-Le TIDM
-Un tribunal arbitral
-Un tribunal arbitral spécial.
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La CIJ ou Cour de la Haye :

Elle a toujours été très active en droit de la mer et droit de la pêche

Le TIDM :

C’est un nouvel acteur. Certains états n’en voulaient pas mais la nécessité d’un nouveau
tribunal s’est fait ressentir ; notamment de par la méfiance des PVD vis-à-vis de la CIJ. Le
tiers monde est beaucoup mieux représenté au TIDM qui siège à Hambourg. Son activité n’est
pas à ce jour particulièrement riche : les états, pour les affaires les plus sérieuses, lui préfèrent
d’autres modes ou d’autres recours, notamment à la CIJ. Le TIDM est donc très largement
sous-utilisé. Pourtant, la quasi-totalité des litiges réglés par le TIDM porte sur le droit de la
pêche. Le TIDM est en pratique le seul organe juridictionnel compétent pour ordonner la
prompte mainlevée de l’immobilisation des navires et la prompte libération de l’équipage de
navire (art 292 CMB). Or la quasi-totalité des demandes concernaient de telles demandes sur
des navires de pêche qui, selon l’autorité les ayant capturées, se livraient à des activités de
pêche illégale. Ce fut le cas en France, pour des chalutiers arborant un pavillon de
complaisance et pêchant dans la ZEE française en océan Indien. Cette zone abrite l’archipel
des Iles Kerguelen, l’un des quatre districts des TAAF – Terres australes et antarctiques
françaises comptant aussi la Terre Adélie, l’archipel des Iles Crozet, et les Iles Saint-Paul et
Amsterdam. Les TAAF sont régies par une loi de 1955 qui les avait régies en collectivités
territoriales. Toutefois personne ne vivant sur place, c’est l’Etat français qui les régit. Le
principal lieu habité de ces TAAF est l’agglomération de Port-aux-Français, à Kerguelen. Le
Gouvernement français, pour faire face à la concurrence soutenue des pavillons de
complaisance, y a institué le pavillon de complaisance français des Iles Kerguelen.
Parallèlement on assiste à une ruée vers les eaux très poissonneuses de cet archipel depuis
quelques années. Lorsque des pêcheurs en fraude sont arrêtés, le navire est immobilisé jusqu’à
paiement de l’armateur d’une demande. Les juridictions françaises sont assez sévères et
imposent des amendes de plus en plus dissuasives. C’est dans ce cas de conflit avec
l’armateur que va jouer l’art 292 CMB. Le pays d’immatriculation du navire immobilisé peut
porter l’affaire devant le TIDM. Saisi d’une telle demande en prompte mainlevée de libération
de l’équipage ou immobilisation le TIDM va pouvoir se prononcer si le caractère raisonnable
ou non de l’amende à payer. Puis l’autorité nationale est obligée de relâcher le navire. Il arrive
que les états côtiers abusent de ces accusations de pêche illégale. Ce fut le cas lors de la
dernière affaire portée devant le TIDM, Juno Trader, arborant le pavillon de Saint-Vincent et
Grenadines, contre Guinée.

Un tribunal arbitral :

Ce n’est pas un tribunal permanent. Il nait seulement pour résoudre une affaire concrète : on
n’en connaît pas les membres avant l’affaire. L’Annexe VII de la CMB porte sur les futurs
tribunaux arbitraux.

Un tribunal arbitral spécial :

Annexe VIII CMB. Le tribunal arbitral spécial n’a pas une compétence générale. Les champs
matériels dans lesquels il peut intervenir sont spéciaux (notamment la pêche). D’autre part le
tribunal arbitral de l’Annexe VII est composé de juristes seulement, alors que celui de
l’Annexe VIII peut aussi être composé de praticiens, de spécialistes…
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Un certain nombre d’arrêts ou sentences arbitrales vont aussi intéresser ce cours. La Cour
Permanente d’Arbitrage a été instituée au début du XXème et a rendu des sentences
nombreuses, mais est tombée en désuétude. C’est son Secrétariat qui sert de secrétariat à un
grand nombre de tribunaux arbitraux. Sur son site Internet figurent certaines sentences
arbitrales donc certains intéressent la pêche maritime.

Plan :

Introduction
Partie I – La Pêche dans les zones relevant de la souveraineté de l’état côtier
Partie II – La Pêche dans les ZEE
Partie III – La Pêche en Haute mer
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INTRODUCTION

Lexicologie

Il n’existe pas de définition scientifique définitive du poisson. Selon la définition courante,


c’est un animal aquatique vertébré, pourvu de nageoires, respirant à l’aide de branchies, dont
le corps est revêtu d’écailles. Il est de température variable. Cette définition empirique n’est
toutefois pas exacte : certains poissons n’utilisent pas seulement des branchies mais des sortes
de poumons pour respirer, comme les mammifères. On connaît encore très mal les êtres
vivant dans la mer.

Pour décrire en général les animaux marins, d’un point de vue juridico-économique, on utilise
l’expression globale de ressource biologique marine, ou plus précisément, de ressource
halieutique. Halia en grec signifie la pêche. Cette expression englobe tout ce qui est relatif à
la pêche. Une autre expression est plus particulièrement relative aux seuls poissons :
ressource ichtyologique.

Les ressources halieutiques sont divisées en deux catégories :

Les ressources pélagiques (du grec pélagos, synonyme de thalassa, la mer) regroupent les
grands migrateurs, c'est-à-dire les animaux marins parcourant de vastes trajets dans l’océan
(poissons comme les thonidés, mammifères comme les cétacés qui ont absolument besoin de
refaire surface de temps à autres, puisqu’ils respirent à l’aide de poumons). Toutefois même
les poissons appartenant à cette catégorie ont besoin de rester relativement près de la surface
car ils ont besoin de la lumière.

Les ressources benthiques regroupent les animaux marins qui vivent dans de grandes
profondeurs et qui parfois sont au contact direct du sol de la mer. Ce sont essentiellement de
ces ressources que l’on connaît peu de choses. Certains ont une grande valeur commerciale
(soles, raies…). On commence à peine à découvrir ce monde, fascinant mais très fragile : on
est parvenu à capturer des animaux pour les étudier mais ceux-ci se sont désagrégés au
contact de la pression atmosphérique terrestre. C’est l’obscurité totale qui prévaut dans ces
zones, et l’on a longtemps pensé qu’aucune espèce ne pouvait se passer de la lumière. Mais
certaines espèces ne possèdent même pas d’yeux. Le froid extraordinaire qui règne dans ces
profondeurs a également posé problème. Mais on a découvert des sources d’eau chaude au
contact desquelles la vie peut grouiller. Enfin, on sait maintenant que certains organismes
peuvent vivre dans des environnements très toxiques (dus aux émanations des volcans sous-
marins). On estime que l’on ne connaît que 5 à 10% des organismes marins vivants. Parfois,
on constate que des animaux que l’on considérait comme éteints continuent d’existent dans de
grandes profondeurs. La profondeur moyenne des mers est de 4000 mètres, même si certaines
mers régionales sont moins profondes (Mer du Nord, Mer Baltique…). Parfois les grands
explorateurs ont transmis des légendes d’êtres fantastiques, aux cris terrifiants ou aux
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longueurs extraordinaires. Mais cela ne provenait pas seulement de leur imagination : de tels
êtres légendaires ont pu vivre et vivent peut-être encore (calamar géant de plus de 15 mètres
au musée de Monaco !). La composition de l’eau varie également : certaines mers sont plus
salées que d’autres, plus chaudes… Les courants d’eau modifient largement le climat (Gulf
Stream).

La situation des états par rapport aux produits de la mer peut varier. Les états enclavés
constituent une première catégorie. On peut aussi relever les états désavantagés : états à
façade maritime étroite (Irak : une trentaine de Km…). Certains états sont riverains de mers
poissonneuses. Certains ont exploité ce caractère depuis très longtemps (pays riverains de la
Mer du Nord). Cette mer est surexploitée, à tel point qu’elle est aujourd’hui considérée
comme une mer pauvre en ressources ichtyologiques, ce qui est un drame pour les états qui
ont traditionnellement bâti leur prospérité sur la pêche. Certains états n’ont jamais été
riverains de mers poissonneuses et se sont livrés à des aventures plus lointains : les états à
pêche hauturière (Asie de l’Est : Chine, Taïwan, Corées, Japon). Certains ne connaissent que
la pêche artisanale (états d’Afrique). Certains ne se livrent qu’à la pêche à pied, dans les eaux
peu profondes. Certains au contraire ne vivent pratiquement que des produits de la pêche :
80% du PIB de l’Islande provient de cette activité ! L’Islande a joué un rôle pionnier en la
matière. Le Pérou et le Chili dépendent aussi très largement de la pêche. Pour certains, le rôle
de la pêche ne joue pas un rôle déterminant (Europe de l’Ouest, USA) et les autorités devront
concilier des intérêts contradictoires entre pêche, armée, marine marchande…

La pêche se manifeste dans trois domaines traditionnels. La pêche fournissait à l’homme de


l’huile pour s’éclairer avant l’électricité (notamment l’huile de baleine). Cela ne joue plus
vraiment aujourd’hui. En revanche, la pêche fournit à l’homme des protéines nombreuses et
de très haute qualité. Enfin, de plus au plus au XXème, on va épuiser les produits de pêche
pour la fabrication de farines utilisées dans l’élevage de mammifères mais aussi de poissons.
D’autres secteurs s’y intéressent également : laboratoires pharmaceutiques…

Les ressources biologiques de la mer en général sont renouvelables. Mais il convient de


distinguer entre ressources ichtyologiques et mammifères marins. Ces derniers nous
ressemblent, ce qui fait que le renouvellement des générations est lent. Ils se reproduisent
difficilement et une chasse systématique et non règlementée risque d’amener l’espèce à sa
distinction (baleines). Ce n’est heureusement plus tout à fait le cas. Les poissons quant à eux
sont renouvelables en très grand nombre, à tel point qu’on a longtemps pensé qu’ils étaient
inépuisables… Malheureusement une surpêche peut faire courir des risques énormes à telle ou
telle espèce de poissons. L’espèce ciblée est aussi associée ou dépendante d’autres espèces, ce
qui risque d’entrainer une chaine de disparitions. Le problème du renouvellement n’est pas
nouveau : les rédacteurs de l’Ordonnance de la Marine (Colbert) s’inquiétaient déjà de la
pollution des mers et de la raréfaction de certaines espèces. A la fin du XIXème cette
raréfaction a pris des proportions inquiétantes, surtout en Mer du Nord, si bien que les états
riverains ont dû passer des accords entre eux. On a des statistiques fiables depuis 1938, où
l’on avait pêché environ 15 millions de tonnes ; 20 ans plus tard on en avait pêché 27
millions. En 1980 le chiffre est de 65 millions, en 1989 de 89 millions, puis au début des 90’s
les statistiques se sont tassées : en 1991 on est repassés à 84 millions. Dans ces années en effet
s’est produit un événement politique majeur : l’effondrement des régimes communistes ; or
l’URSS, la Pologne ou l’Allemagne de l’Est avaient construit des flottes de pêche hauturière
très importantes. Mais de nouvelles puissances de pêche venant du tiers monde ont
rapidement rectifié le tir : en 1994 on est repassé à 92 millions, en 1997 on dépasse les 94
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millions, en 2000 les 95 millions. De nos jours on est toujours supérieur à 90 millions.
Exception : en 1995 le score n’était que de 89 millions, lors du phénomène El Nino.

En 1980 les 5 premiers états étaient le Japon, l’URSS, la Chine, les USA et le Chili. En 1990 :
Chine, URSS, Japon, Pérou, USA. En 2000 : Chine, Pérou, USA, Indonésie, Japon. Les
puissances asiatiques prennent une place considérable, ainsi qu’au moins un pays d’Amérique
Latine et les USA. La Russie ne tient plus le rang et les pays européens sont loin derrière/ En
1981 la France figure à la 21ème position, en 1990 à la 19ème et en 2002 à la 29ème. L’Inde, la
Thaïlande, la Birmanie, le Viêt-Nam, les deux Corées, le Mexique et Cuba sont très bien
placés après les cinq premiers. On trouve aussi dans les 30 premières puissances la France, la
Norvège, l’Islande, le Canada, l’Irlande et parfois le RU. Une place importante est aussi tenue
de nos jours par l’Espagne et le Portugal.

PARTIE I – LA PECHE DANS LES ESPACES RELEVANT DE LA SOUVERAINETE


DE L’ETAT COTIER

Section I – La pêche dans les eaux intérieures et la mer territoriale

Sur les eaux intérieures, elles appartiennent à la souveraineté de l’état côtier qui peut y
réserver l’activité de pêche à ses seuls nationaux. La plupart du temps ce sont des eaux
relativement réduites, mais il existe des systèmes légaux permettant à ces eaux de s’agrandir
considérablement. Le principal système est le tracé des lignes de base droites : la CIJ en a
reconnu la légalité en 1951 dans l’affaire des Pêcheries anglo-norvégiennes.

La mer territoriale subit un tempérament : le droit de passage inoffensif. Or qu’est-ce qu’être


inoffensif ? On entend par là le fait de ne pas agressé en aucune manière ;’état côtier. La
Convention de Genève de 1958 sur la Mer territoriale se contentait de dire qu’il s’agissait de
ne pas porter atteinte à la paix et l’OP, ce qui est assez vague. La CMB a clarifié la situation :
l’art 19§1 répète ce que l’on savait déjà, mais le §2 énumère spécifiquement des situations
présumées ne plus être paisibles, dont la pêche.

Le mot pêche n’est toutefois jamais défini dans la CMB. Faut-il y voir une activité
commerciale, ou capturer un seul poisson constitue-t-il un acte illégal ? Des activités
préparatoires d’une pêche commerciale sont également interdites.
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Section II – La pêche dans les eaux archipélagiques

Il s’agit d’une nouvelle zone maritime, née avec la CMB. Seul un état archipel peut posséder
des eaux archipélagiques. Un état archipel est un état composé uniquement d’îles et
d’archipels. Ainsi, l’archipel des Assors ne peut pas générer des eaux archipélagiques puisque
le Portugal n’est pas un état archipels. Ils ne sont pas très nombreux, il y en aurait 15 à 30.
Les deux principaux sont l’Indonésie et les Philippines, où la pêche constitue la nourriture de
base. Or les eaux archipélagiques sont de vastes portions de haute mer qui ont été englobées
dans les zones sous souveraineté des états en question. Cela a posé beaucoup de problèmes
aux navigations maritime et aérienne. La CMB tend à les faciliter.

Les eaux archipélagiques de l’Indonésie étaient jusque lors partie de la haute mer et tout un
chacun pouvait y pêcher librement. La CMB a reconnu la souveraineté de l’état côtier sur ces
eaux mais a tenu tout de même à amortir le choc causé aux tiers : art 51§1 : les états archipels
respectent les accords existants conclus avec d’autres états et reconnaissent les droits de pêche
traditionnels dans certaines zones faisant partie de leurs eaux archipélagiques. Les droits de
pêche traditionnels sont donc sauvegardés.

La situation est toutefois compliquée par la suite de cet §1, puisque les modalités de
sauvegarde doivent passer par la conclusion d’un accord bilatéral entre l’état archipel et l’état
de pêche traditionnel. Par ailleurs les droits de pêche traditionnels ne peuvent pas être
transférés à un autre état.

PARTIE II – LA PECHE DANS LA ZEE

La notion de ZEE est récente en droit de la mer : partie V de la CMB et d’autres références
dans le corps de la convention. Cependant elle est connue de plusieurs états côtiers depuis les
années 40. En septembre 1945 a lieu la Déclaration TRUMAN sur la revendication
américaine du PC et ses ressources. Le Comité de DI lui accorde une place de choix dans le
projet de convention unitaire sur le droit de la mer. Les quatre conventions de 1958 sont
adoptées. La quasi-totalité des états côtiers ont un PC sur la base des 200 milles. Problème :
certains états côtiers sont dépourvus de PC au sens géologique du terme. Ex : Atlas en
Algérie, Rocher de Monaco, Baie de Villefranche-sur-Mer, côte ouest de l’Amérique latine
avec la Cordillère des Andes qui connaît des eaux particulièrement poissonneuses et des sels
nutritifs avec le Courant de HUMBOLT qui longe la côte à 200 milles. L’Equateur, le Pérou
et le Chili s’intéressent à ces poissons et cherchent à revendiquer la possibilité d’exploiter ces
richesses naturelles. Dès 1949 ils revendiquent un droit d’exploitation exclusive sur les
ressources ichtyologiques dans les 200 milles nautiques. Mais cette revendication est rejetée
par les tenants de la liberté des mers.

Dès la fin des 50’s d’autres états d’Amérique latine leur emboitent la pas par solidarité ou
intérêt commun : ils se dotent de vastes zones de pêche parfois sous la forme de vastes mers
territoriales. En 1960 c’est l’échec sur la fixation des limites de la largeur de la mer
territoriale : l’anarchie commence à prévaloir et les conflits deviennent monnaie courante.

Le Kenya propose le concept de ZEE aux autres états africains et pays asiatiques. Dès le début
de la CNUDM cela apparaît comme un bon compromis et l’article 57 de la CMB est adopté.
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La grande majorité des états côtiers proclament une ZEE même s’ils n’ont pas ratifié la CMB.
Le Canada, le Japon et le RU ne proclament pas de ZEE mais une zone de pêche exclusive.
Certains pays ne proclament rien (états riverains de la Méditerranée dans leur majorité, même
si certains proclament une zone de pêche exclusive : Malte en 1980, Tunisie et Algérie en
2000, Croatie). Les situations commencent à différer de manière inquiétante.

Chaque île peut avoir une ZEE. Exception : art 121§3 sur les rochers inhabitables (sans en
donner toutefois de définition).

La ZEE englobe les ressources halieutiques commercialement intéressantes : c’est un


véritable capital pour l’industrie de la pêche car peu de choses sont exploitables au-delà.

Section I – Régime commun

§1 Principe : la gestion exclusive des pêcheries par l’état côtier

I. Des droits largement discrétionnaires

L’EC y exerce des droits extrêmement importants. La CMB leur donne certaines orientations.

1) Des mesures unilatérales de conservation et de gestion des stocks halieutiques : art 61


et 62

a- La fixation du volume admissible des captures

Art 61§1. Ces opérations ne doivent pas nécessairement être faites sur une base annuelle. Les
états peuvent fixer ce volume par saisons. La proposition de fixation par espèces ou catégories
d’espèces n’a pas été retenue. Ces opérations sont extrêmement compliquées, un grand
nombre de paramètres doivent être pris en compte. Les articles 61§2, 3, 4 les détaillent :
-L’état doit s’appuyer sur des données scientifiques les plus fiables dont il dispose (un risque
existe tout de même, mais proposition de coopération internationale soutenue dans le cadre
des OI compétentes)
-Il prend en compte les facteurs écologiques et économiques pertinents (c’est la 1 ère mention
du critère écologique dans le droit de la mer pour les ressources biologiques)
-Il prend en compte les besoins économiques des collectivités côtières vivant de la pêche
-Il prend en compte les besoins particuliers des états en développement, la chaine alimentaire,
toute norme minimale internationale recommandée.

La fixation des VAC, selon l’art 61§3 doit tendre à ce que l’exploitation puisse assurer un
rendement constamment maximal : à nouveau c’est une approche économique mais atténuée
par des considérations écologiques et la notion de développement durable : c’est la gestion et
la conservation à long terme.

b- La détermination de la capacité d’exploitation des états côtiers

L’EC doit fixer sa capacité d’exploitation des ressources halieutiques ce que représente le 2 ème
chiffre. Les deux chiffres doivent être comparés.
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-Si la capacité d’exploitation est supérieure au VAC certains problèmes vont se poser : l’EC
est en surcapacité d’exploitation et les ressources halieutiques de la ZEE ne sont plus
suffisantes. Si l’augmentation de la capacité de pêche est drastique cela peut donc avoir des
conséquences fâcheuses (c’est l’hypothèse de la plupart des états membres de l’UE).

-Si la capacité d’exploitation est inférieure au VAC le reliquat peut être mis à disposition
d’états-tiers. La ZEE ne se justifie plus dans son intégralité. Cependant la fixation du VAC
doit être scientifique : il est donc difficile de tricher contrairement à la capacité d’exploitation
qui peut être artificiellement gonflée en faisant arborer le pavillon national à des chalutiers
étrangers. L’art 62 mentionne un certain nombre d’états candidats au reliquat. L’EC n’a pas
intérêt à surestimer sa capacité d’exploitation ou sous-estimer son VAC car le reliquat est une
source de revenu. La liste de l’art 62 n’est pas exhaustive, elle ne fait qu’illustrer les propos
des rédacteurs de la CMB. Ex art 62§3 : les états ayant un intérêt économique à l’exploitation
des ressources de la zone ; états en développement de la région ; états dont les ressortissants y
pratiquent habituellement la pêche ; états ayant contribué à la fixation : états visés aux articles
69 et 70 ; le tout sans imposer une quelconque priorité de traitement. Lors des négociations
l’EC se trouverait logiquement en position de force ; or dans cette hypothèse il n’a pas de
capacité d’exploitation : il est donc tributaire de l’argent ainsi que des capacités scientifiques
et techniques des états tiers. L’art 62§4 pose un certain nombre de clauses pouvant être
insérées dans les accords d’accès au reliquat. Ex : l’accès se fait contre rémunération, pour
une certaine durée ; l’EC peut imposer des restrictions par saison ; une obligation de
décharger tout ou parti des captures dans ses propres ports ; un investissement dans la
recherche scientifique marine ; l’embarquement d’inspecteurs de l’EC… L’EC mise sur son
avenir.

2) Le caractère juridique des mesures unilatérales de l’EC

Ce caractère unilatéral justifie le caractère exclusif d la ZEE même si les OI peuvent jouer un
rôle minime. Les art 61 et 62 posent des impératifs et obligations : l’EC n’agit pas seulement
dans le seul intérêt national mais également pour le compte de l’humanité. L’ordre
international a rapidement reconnu la double fonction des articles 61 et 62. Ex : sentence 1986
franco-canadienne « La Bretagne » sur les pouvoirs de gestion de l’EC dans la ZEE : avant
tout l’EC est réputé le plus à même à exercer les fonctions d’administration mais celles-ci
demeurent fonction de l’intérêt général.

II. Obligation internationale à portée restreinte

1) La juridicité limitée du droit de la pêche

La CMB comporte un système sophistiqué de règlement obligatoire des différends. Si un état


refuse de fixer un VAC ou le fixe sans prendre en compte les paramètres de l’art 61, les états
tiers désavantagés peuvent recourir au tribunal arbitral ou la CIJ. Dans les faits, la réalité est
un peu plus triste : l’art 297 CMB montre la frilosité des états et pose une limitation à
l’impératif général de résolution juridique de tous les litiges. L’EC n’est en effet pas tenu
d’accepter de soumettre son différend à un mode de règlement obligatoire lorsque ce litige est
relatif à ses droits souverains sur les ressources biologiques dans sa ZEE, y compris son
pouvoir discrétionnaire de fixation de VAC, de capacité de pêche, de redistribution du
reliquat, de politique de conservation et de gestion.
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Si l’EC refuse la soumission de son différend, les états tiers peuvent provoquer un examen du
litige par une commission de conciliation sans possibilité de refus de l’EC, mais le rapport
final n’est pas opposable aux états qui le refusent. Dans la CMB aucune obligation ne pèse
donc sur l’EC et dans les faits ces obligations sont imparfaites. Les opérations en cause sont
d’une grande complexité : les états pauvres n’ont pas même les moyens de les entamer. Ex :
KIRIBATI (Pacifique) : 700km², quelques centaines d’habitants, ZEE de 3.6millions de km².

2) Le cas des stocks dépassant la ZEE

Logiquement les poissons se déplacent sans faire attention aux limites frontalières : art 63
CMB sur les stocks chevauchants. Dans cette hypothèse les EC concernés s’efforcent de
s’entendre sur les mesures nécessaires. Mais la terminologie est laxiste puisqu’il ne s’agit que
d’une obligation de comportement.

Section II – La pêche de certaines espèces particulières

§1 Les grands migrateurs et les mammifères marins

Le grands migrateurs peuvent être pêchés dans les différentes ZEE et en haute mer. Les
grands thonidés pour plus de 40% sont pêchés en haute mer. Il existe une obligation de
collaboration quant à la conservation et la gestion optimale des grands migrateurs. Cette
situation s’apparente à l’hypothèse des stocks chevauchants de l’art 63. Les thons peuvent
faire plusieurs tours du monde en un an. La coopération se fait par des organisations
internationales ou, le plus souvent, régionales. L’art 64 comporte une liste des grands
migrateurs dont certains ne sont pas des poissons mes des mammifères marins.

L’art 65 sur ces mammifères marins pose une plus grande protection sur ces espèces que le
corps de la CMB ou les OI. La terminologie diffère de celle des autres articles de la
convention : en 1er lieu la tâche principale des états concerne la protection et l’étude des
mammifères marins. Leur reproduction n’est pas aisée. Ex : phoques à fourrure de la Mer de
Behring, conflit entre les autorités américaines et anglo-canadiennes. Le différend a été
soumis à l’arbitrage en 1893 : la sentence a donné raison aux USA et le Canada s’est
conformé aux normes minimales.

Les baleines sont chassées pour la viande mais surtout l’huile. Au XIXème a lieu une large
industrialisation : c’est une hécatombe pour certaines espèces de baleines. La SDN a mis en
place une commission baleinière internationale. En 1946 une nouvelle convention la dote de
nouvelles compétences. Dans les 70’s la chasse aux baleines est interdite sauf pour des
questions scientifiques et les chasseurs indigènes vivant traditionnellement de cette chasse aux
baleines. Mais des failles sont d’ores et déjà décelables puisque la chasse pour raison
scientifiques peut entrainer des abus. De plus tous les états ne sont pas membres de cette
commission baleinière (Norvège) et certains membres comme l’Islande autorise la chasse aux
baleines pour ses nationaux.
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§2 Les espèces pour lesquelles l’EC a une responsabilité spéciale

I. Espèces sédentaires : art 68

Renvoie à l’art 77§4 sur le PC : région identique. Ces espèces sont déjà mentionnées dans la
convention de Genève de 1958 : ce sont des organismes vivants pouvant être pêchés à l’état
immobile sur le fond. L’EC a un droit souverain quant à l’exploration et l’exploitation des
espèces sédentaires. Cette réglementation est reprise par la CMB mais cette définition est de
plus en plus contestée par les scientifiques qui la trouvent fantaisiste puisque certaines espèces
en feraient partiellement partie (corail etc posent davantage de problèmes).

II. Espèces anadromes

« Ana » : sur, au-dessus ; et « drome » : voie, chemin. Il s’agit de poissons naissant dans des
cours d’eau se trouvant sur terre ferme mais passant la majorité de leur vie adulte en mer.
Ponctuellement ils regagnent le rivage pour donner naissance à la génération suivante au
même endroit. Ex : saumon, éperlan, esturgeon. L’état doit s’assurer de la propreté des eaux,
ne doit pas poser d’obstacles entre ces différentes zones. La CMB comporte des dispositions
spéciales sur ces espèces : art 66. Certains états investissent dans la préservation et la
conservation des conditions de reproduction. Des droits spéciaux quant à la capture sont
reconnus et aboutissent lors de la 3ème CNUDM.

L’art 66 détaille les réglementations internationales quant à ce type de pêche. Les espèces
anadromes peuvent seulement être pêchées dans la ZEE. Le principe est l’interdiction de ce
type de pêche en haute mer. Cependant il existe une dérogation lorsque l’application de cette
disposition entrainerait une perturbation économique pour l’état intéressé (dans la version
anglaise, il s’agit du « démantèlement économique » de l’état, formule quelque peu abusive).
Cette situation est toutefois peu probable.

Plusieurs EC peuvent prétendre à la pêcherie d’espèces anadromes issues d’un cours d’eau
d’un seul état. L’EC d’origine selon l’art 66 veille à la conservation du stock par l’adoption de
mesures appropriées concernant la pêche dan toutes les zones. Il peut fixer le TAC après
consultation des autres EC pouvant pêcher ce même stock. Il ne s’agit que d’une consultation
et l’EC d’origine aura le dernier mot.

Attention les VAC sont différents des TAC. Pour les TAC l’EC d’origine pose le pourcentage
du stock pouvant être prélevé. C’est une réglementation pour la répartition des stocks pour
chaque EC (voir Convention 1992 sur la conservation des espèces anadromes du Pacifique
Nord).

III. Les espèces catadromes

« Cata » : en-dessous, vers le bas. Ces espèces naissent en mer et passent leur vie à l’intérieur
des terres ou à proximité immédiat de la terre. Elles regagnent la haute mer pour donner
naissance à la génération suivante. Ex : anguilles. Il s’agit de la même réglementation mais
ces espèces ont une valeur commerciale moindre que les anadromes.

Elles sont régies par l’art 67. L’EC dans les eaux où les espèces catadromes passent la
majeure partie de leur existence en est responsable. Il est totalement interdit de les pêcher en
Droit International de la Pêche M. Karagiannis Page 12

haute mer. La pêche est uniquement possible dans la ZEE de l’EC hébergeur et les autres EC
devront négocier.

PARTIE III – LA PECHE EN HAUTE MER

50% des océans constituent la haute mer. Les PC peuvent dépasser 200 milles : cette partie du
fond de la haute mer sera juridiquement couverte par ce PC. Au-delà on trouve la Zone
internationale des fonds marins : L’art 136 la proclame patrimoine commun de l’humanité,
couvrant toutes ses ressources (à l’exclusion des ressources biologiques ??). La notion de
patrimoine commun de l’humanité couvre les ressources minérales (solides, liquides ou
gazeuses) et les eaux se situant au-dessus des fonds. Lors de la 3 ème CNUDM la proposition
d’extension de cette notion aux ressources biologiques de la haute mer a été rejetée. La Chine
a proposé d’instituer une OI chargée de la préservation des ressources biologiques de la haute
mer, mais cette proposition a aussi été rejetée face à la volonté de conserver une liberté de
pêche en haute mer, et des craintes de voir l’Autorité ou une autre OI s’immiscer dans les
problèmes de navigation en haut mer, notamment pour le pavillon militaire. Pour la plupart de
la délégation il était inutile de conférer à l’Autorité ou une autre OI des compétences en
matière de gestion des ressources halieutiques en haute mer car plus de 80% des pêches ont
lieu en dehors de la haute mer.

Section I – Le principe de liberté de pêche en haut mer

La haute mer se caractérise par un régime de liberté. La convention de 1958 n’en fixe pas
moins certains volets. L’art 2§1 de cette convention sur la haute mer précise qu’elle est
ouverte à toutes les nations, qu’aucun état ne peut en soumettre une partie quelconque à sa
souveraineté. La liberté de la haute mer s’exerce dans les conditions de cette convention et
d’autres règles du DI. Ce principe comporte quatre libertés particulières : navigation, survol,
pose de câbles et pipelines, pêche. L’art 87 CMB reprend cet art 2 de la convention de 1958
pour poser le principe de liberté tout en énumérant certains volets particuliers : les quatre
libertés de 1958, la recherche scientifique marine et la construction d’îles artificielles.

La liberté n’est jamais conçue de manière absolue mais la CMB va plus loin que la
Convention de Genève en matière de liberté de pêche.

Section II – La réglementation progressive de la pêche en haute mer

§1 La convention de Genève sur la pêche et la conservation des ressources biologiques en


haute mer

C’est la 4ème convention de Genève de 1958 mais la moins connue. Elle ne se contente pas de
codifier le droit coutumier mais imagine de nouvelles solutions juridiques. Elle est moins
ratifiée que les 3 autres et est entrée en vigueur en 1996 (les autres l’étaient déjà en 1962).
Cette convention joue un rôle précurseur dans plusieurs domaines intéressant également la
CMB. Il s’agit tout d’abord du développement de techniques modernes en matière
Droit International de la Pêche M. Karagiannis Page 13

d’exploitation des ressources biologiques en mer en augmentant la capacité. Une telle


augmentation expose les ressources à un risque d’exploitation excessive. La convention tente
donc de réglementer les conséquences d’une surpêche mais tous les états signataires d’autres
conventions ne l’ont pas ratifiée. L’attachement au principe de liberté de la haute mer se
situait alors dans un contexte particulier puisqu’à l’époque le début de la haute mer
correspondait à la fin de la mer territoriale : toutes les ressources pêchables se trouvaient donc
en haute mer.

L’EC dans la zone de haute mer adjacente à sa mer territoriale pouvait prendre des mesures en
matière de conservation des ressources biologiques s’y trouvant mais ne pouvaient prétendre
une exploitation exclusive pour les nationaux. Des mesures nationales peuvent-elles concerner
des pêcheurs d’états tiers ? C’est l’une des innovations de cette convention puisque dans une
certaine mesure ce pouvait être le cas. Problème : le refus de ces états. Dans ce cas est prévu
le recours à un tribunal arbitral devant régler ce type de litige entre deux états, mais cela n’a
jamais été mis en place. Concrètement, cette convention a en fait peu servi. La notion de zone
de haute mer adjacente est pour le moins floue…

En 1968 débute le Comité des fonds marins de l’ONU, précurseur de la 3 ème CNUDM. La 4ème
convention de Genève n’a pas eu le temps de déployer ses effets. Elle est toujours en vigueur
pour les états parties n’ayant pas ratifié la CMB.

§2 Réglementation de la pêche en haute mer par la CMB

I. Réglementation de droit commun

La section 2 de la Partie VII porte sur la pêche en haute mer : art 116 à 120. Est réaffirmé le
principe de liberté de la pêche sous réserve d’obligations conventionnelles, droits ou
intentions ( ?) de l’EC. La CMB n’a pas de monopole en la matière. Ces articles incitent les
états à coopérer entre eux sur la gestion et la conservation des ressources halieutiques de la
haute mer, et à faire respecter ces dispositions par leurs ressortissants. Problème : la haut mer
n’a pas d’état côtier : l’art 116 fait référence aux états possédant une ZEE (ex : espèces
catadromes et anadromes).

Ces dispositions peuvent-elles être opposables aux pêcheurs des états tiers ? En 1989 les états
membres du forum du Pacifique Sud signent à Wellington une convention internationale sur
l’interdiction des grands filets maillants dérivants. Comment l’imposer aux autres ? Il n’existe
pas de solution idéale.

II. Les stocks chevauchants : art 63§3

1) La problématique des stocks chevauchants dans la CMB

Ils se déplacent entre ZEE et haute mer : §2 et §3. Deux hypothèses : dans la 1ère un nombre
limité d’états est concerné, dans la 2 ème la totalité des états peuvent se manifester. La solution
est très difficile à trouver et l’EC sera souvent le plus volontariste. L’DC et les états exploitant
ce stock s’efforcent de s’entendre sur les mesures nécessaires de conservation dans la zone
adjacente (terminologie toujours aussi laxiste !).
Droit International de la Pêche M. Karagiannis Page 14

Dans la 1ère hypothèse les états s’efforcent de s’entendre sur la conservation du stock où que
ce soit. Dans la 2ème les mesures portent sur la conservation du stock dans la seule haute mer,
où l’EC aura un droit de regard sur la haute mer mais les autres états n’auront aucun droit de
regard sur la ZEE. C’est une solution intéressante mais ce n’est qu’une obligation de
comportement et non de résultat. En l’absence d’accord l’EC n’a donc pas grande latitude. En
1982 les EC ressentent l’embuscade des pêcheurs tiers (pillage des stocks). Certains
dépendent de plus en plus de l’exploitation des produits en mer. Le Chili est à l’origine d’un
nouveau chapitre en matière de pêcherie.

2) Défis actuels

a- Mer présentielle

Nouvelle zone maritime où le Chili peut exercer certains droits. Le Chili possède quelques
iles dans le Pacifique dont l’Ile de Pacques. Il cherche donc à faire revenir des ressources
présentes entre l’île et le continent. Cela implique la participation de l’état dans les activités
d’autres états où le Chili a intérêt. Ce n’est pas une volonté d’exonération de juridiction ni une
soumission à une souveraineté. La zone concernée reste une partie de la haute mer, mais les
dispositions de l’art 63 sont insuffisantes pour assurer la protection contre le pillage dans la
zone de haute mer proche de la ZEE du Chili. Cette théorie a été reconnue officiellement en
1991. Le concept a ensuite été imité par d’autres pays : Mexique, Amérique Latine, Canada.

Le problème des stocks chevauchants vient au devant de la scène au large de Terre-Neuve.


Dans les 90’s la garde côte canadienne arraisonne des chalutiers espagnols et portugais ne
respectant pas la réglementation canadienne et engage des poursuites pénales. L’Espagne et le
Portugal demandent à l’UE de prendre officiellement position. Paris et Londres sabotent
ouvertement les thèses ibériques et prennent le parti de l’Ottawa. Madrid saisit la CIJ et un
arrêt de 1998 conclut à l’incompétence de la Cour. La communauté internationale va chercher
à prendre position.

b- Accord de 1993 du FAO

Cet accord vise à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures
internationales de conservation et de gestion des ressources biologiques. Il complète l’art 117
CMB. Le concept de base est le principe de responsabilité de l’état du pavillon pour les
navires de pêche arborant son pavillon et opérant en haute mer. L’état du pavillon doit
prendre des mesures pour que le navire respecte les normes internationales de conservation et
gestion en haute mer. La pêche en haute mer ne peut se faire que suite à autorisation explicite
de l’état du pavillon, qui ne doit pas la donner s’il s’estime incapable de contrôler le respect
de ces obligations par le navire. Cela vise le problème plus spécifique du pavillon de
complaisance.

Le changement de pavillon est impossible si le navire est réputé ne pas respecter les mesures
de gestion et de conservation des stocks. Un fichier international de chalutiers indélicats est
mis en place.

c- Accord de 1995 sur les stocks chevauchants et les grands migrateurs

Cet accord au sein de l’ONU est l’aboutissement d’un impératif politique majeur. Il comporte
50 articles et 2 annexes. Son but est d’assurer la conservation à long terme et l’exploitation
Droit International de la Pêche M. Karagiannis Page 15

durable des stocks chevauchants et grands migrateurs. Il prend également en considération des
espèces de même catégorie, en dépendant ou leur étant associées. L’art 15 pose des principes
essentiels, reprenant notamment les thèmes du développement durable, la protection de la
biodiversité, la diminution de la pollution marine, l’encouragement à la recherche scientifique
marine, la mise en commun de données concernant la pêche et la prise en compte
internationale des pêcheurs artisanaux ou de subsistance. Art 5 : volonté d’adopter une
approche de prudence : c’est le principe de précaution.

Sur les pouvoirs de l’EC dans la gestion des stocks chevauchants entre ZEE et haute mer,
l’accord provoque une rupture sur la question des compétences entre état tiers et EC, et se
prononce en faveur de l’EC. Les mesures prises par l’état tiers ne doivent pas nuire à
l’efficacité des mesures prises par l’EC dans des zones relevant de sa juridiction. Ces états
doivent faire tout leur possible pour s’entendre dans un délai raisonnable sur des mesures
compatibles, avec possibilité d’accord provisoire. A défaut s’appliquent les modes
obligatoires de règlement des différends : CIJ, TIDM, tribunal arbitral.

L’état du pavillon conserve les mêmes droits et devoirs. Sont introduites des dispositions de
coopération en matière de police : art 21, 22,23 : tout état partie peut arraisonner ou inspecter
tout navire de pêche en haute mer ne se conformant pas aux obligations découlant de l’accord,
même si l’état du pavillon n’a pas ratifié l’accord. L’état du pavillon doit être informé sans
délai. S’il reste inerte et qu’une infraction grave est soupçonnée des inspecteurs peuvent
conduire le navire dans le port le plus proche (qui n’est pas forcément l’un des leurs).
L’accord précise de façon exhaustive les infractions graves : pêche dans un secteur fermé,
sans licence, falsification du marquage, absence de registre exact sur les données concernant
les captures.

Les réserves sont impossibles mais les déclarations sont possibles. La procédure obligatoire
de règlement des différends est prévue. Pour certains elle prend le contre-pied de la volonté de
la CMB. Pour D. VIGNES : « gomme la différence entre ZEE et haute mer ».

§3 Les commissions internationales de la pêche

Ce sont des OI qui ont la personnalité juridique, un patrimoine et des organes propres. Il en
existe environ 50. La plupart ont été crées par la FAO ou lui sont affiliées (comme le Conseil
Général des pêches pour la Méditerranée, 1949, ayant ensuite noué des liens étroits avec la
FAO). D’autres n’ont aucun rapport : Agence de pêche FPC (1979), très active ; OPANO
(organisation des pêcheries atlantiques nord-ouest, 1978). Elles sont en définitive nombreuses
et sont réparties en plusieurs catégories selon le critère de l’entendue des compétences
géographiques. Rares sont les commissions universelles (comme la CBI) et la vaste majorité
ont un champ d’application territorialement limité (mers régionales, même si elles ne sont pas
toujours définies). Exception : Pacifique central et Océan Atlantique.

Autre base de délimitation : compétences spécifiques. Certaines s’occupent de toutes sortes


d’espèces (OPANO, Conseil général de la pêche pour la Méditerranée) tandis que d’autres ont
un objet beaucoup plus précis (Commission du saumon atlantique Nord 1982). Toutes les
combinaisons sont possibles et il existe une possibilité de conflit de compétence. Plus
récemment des traités ont établi de nouvelles commissions prévoyant leur règlement mais la
question reste préoccupante.
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Ces commissions ont tous les pouvoirs normatifs mais diminués : la plupart ne peuvent
émettre que de simples recommandations quand d’autres ont pu adopter des recommandations
virtuellement contraignantes (qui ont vocation à le devenir). Rares sont celles qui peuvent
adopter des décisions obligatoires à l’égard de tous les états membres, elles restent cantonnées
à des domaines bien définis.

Beaucoup sont récentes (90’s) et d’autres sont beaucoup plus anciennes. Elles sont
responsables de la gestion et de la conservation des ressources en haute mer. Or cette
superficie est diminuée depuis la consécration de la ZEE où la majorité des pêches se fait
désormais. Le problème de la dimension erga omnes se pose également : ces commissions ne
valent qu’à l’égard de leurs états membres. Pour les états tiers il ne peut y avoir aucune
obligation de soumission et la pêche hauturière est monnaie courante.

Leur bilan est assez mitigé et ces commissions doivent être adaptées au droit de la mer.

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