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I – Un roman agencé à la manière d’une tragédie

 Une passion fatale : structure tragique du roman ( la condition des deux amants se
dégrade progressivement au cours du roman jusqu’à la mort de manon)

- Une passion commune,dont on se demande parfois si elle n’est pas à sens unique,
subsiste tout le long du roman,malgré les mésaventures du couple,et ce jusqu’à la
mort de Manon.La dimension tragique vient s’insérer ici plusieurs fois dans le récit à
une échelle plus ou moins marquée,mais elle n’implique pas la disparition de cette
passion fougueuse .Après son discours à la Sorbonne,il retrouve Manon un an après
sa trahison ( ici,c’est cela qui consitue une forme de tragédie ),et suite à une scène
galante entre les deux personnages,on assiste à une victoire de la passion sur la
raison de la part de Des Grieux,qui est pris au piège par la passion amoureuse. Cette
scène de retrouvaille,rejouant la rencontre du coup de foudre sous le mode de la
surenchère, va se réitérer plusieurs fois par la suite.
La vie idyllique dont rêve Des Grieux est sans cesse interrompue par l’apparition d’un
nouveau rival ,aussi lorsqu’ils souhaitent se marier et repartir de zéro,montrant que
la réalité de la société les rattrapent de nouveau pour leurs fautes.

 Des procédés propres à la tragédie : intrigue resserrée autour d’un nombre limité de
personnages,usages de monologues délibératifs

- Cet épisode tragique qui est la mort de Manon est marqué par une utilisation du
discours direct et indirect pour la faire parler.De longs monologues de Des Grieux
souligne la dureté du chatiment reçu ,bien trop élevé selon lui, et vécu comme une
injustice divine, accentuant ainsi le côté tragique et l’impossibilité pour des Grieux
d’atteindre le bonheur par l’amour.
« Mon âme ne suivit pas la sienne.Le Ciel ne me trouva point,sans doute,assez
rigoureusement puni.Il a voulu que j’aie traîné, depuis, une vie languissante et
misérable. » p.279

- La confrontation de Tiberge et Des Grieux met en exergue une certaine forme de


tragédie.Les monologues des deux personnages respectifs mettent en opposition une
religion d’amour et de passion à celle d’une religion régit par la raison et la foi. Elle
renferme une forme de tragédie car on voit bien que Des grieux ne comprend pas
comment le fait de se priver de ses sentiments et premiers désirs permet un
épanouissement spirituel « ce qui tourmente le corps est-il un bonheur pour
l’âme ? » Il définit son bonheur comme celui qui ne peut exister qu’en présence de
Manon, son chemin est déjà tout tracé : « la voie par où je marche est
malheureuse ».

 La fonction carthatique du roman : un « exemple terrible de la force des passions qui


doit servir à l’instruction des mœurs »
- On voit à travers le récit le changement de Des Grieux à travers un comportement se
révoltant contre tout ce qui fait obstacle à ses désirs.Un personnsage se qualifiant de
« timide » au départ,sa passion pour Manon le transcende sur le plan psychologique,
à tel point qu’il ne fait part d’aucune marque de regret durant le passage du meurtre
du gardien.On peut noter qu’il reconnait avoir « honte » d’avoir joué « un
personnage hyprocrite ».Ce passage insiste ainsi sur la lourdeur de sa transformation
avec des termes trop peu réalistes pour le qualifier,au point de ne pas avoir pris
conscience de la gravité de son acte. Ainsi,c’est de cette manière qu’il sert
d’exemple,permettant à tout ceux dont la fougue amoureuse s’est emparée d’eux de
voir le résultat de cet entêtement.Pire encore,il ne regrette pas son meurtre et ne
réalise en rien les conséquences de ces agissements : « Lescaut me demanda s’il
n’avait entendu tirer un pistolet : C’est votre faute,lui dis-je ; pourquoi me
l’apportiez-vous chargé ? Cependant je le remerciai d’avoir eu cette précaution,sans
laquelle j’étais sans doute à Saint-Lazare pour longtemps. » Ce passage montre
explicitement qu’il n’éprouve aucun regret face à cela et qu’il lui est bien plus
préférable d’ôter la vie que de passer davantage de temps en prison.

II – Une tragédie dégradée en comédie

 Des personnages en marge,propres à la comédie : ils sont caricaturaux et incarnent


des types théâtraux : le brigand,le libertin,l’amoureux éconduit

- Manon se distingue au départ par son goût pour le plaisir,qui l’entraine vers un
comportement immoral.Cependant,au court du récit,elle essaie d’intégrer une
société,en explicitant son désir de se marier avec Des Grieux,montrant ainsi son
évolution.
- À l’inverse,Des Grieux se différencie de Manon au début du roman,car il appartient à
une classe sociale noble et respectée,et est pleinement intégrée à la société de
l’époque.La passion amoureuse dans laquelle il sera entraînée,à la fois en raison de
sa volonté,mais aussi de son incapacité à y résister, l’amènera à s’éloigner de la place
qu’il occupait par des actes condamnables invitant le lecteur à y réfléchir sur le plan
moral.

 Une représentation pittoresque de la société du XVIIIème s : le roman donne à voir


les marges de la société (prostitution,jeu,internement) et donne une grande
importance au thème de l’argent

Durant le passage de la troisième trahison de Manon,elle décide de réconforter Des Grieux


par l’envoie d’une jeune fille servant de consolation par le biais de relations charnelles.Ce
passage dépeint une réalité de la société du XVIIIème siècle qui est le libertinage par la
présence abondante de filles de joies, échangeant leur liberté sexuelle contre des profits
matériels ou autre. La facilité avec laquelle il est possible de faire appel à ces personnages
exclues de la société montre la représentation pittoresque qui tend au ridicule.
De plus,le frère de Manon,Lescaut,est présenté comme un picaro,un personnage en marge
prenant la peau d’un brigand du bas fond de la société.
Dans un passage,Lescaut propose d’utiliser Manon afin de se sortir de la pauvreté dans
laquelle ils étaient plongés en la prostituant.Par ailleurs,ce personnage propose
impudemment la même chose à Des Grieux,qui refuse immédiatement.
On voit bien que l’argent est le moteur clé de fonctionnement du couple : des Grieux est
contraint de répondre aux caprices de Manon,sans quoi elle lui échapperait.La recherche
d’argent est présente durant tout le récit,car très courts sont les moments pendant lesquels
leur situation financière est stable,car les goûts du plaisirs et du luxe de Manon oblige Des
Grieux à s’y plier.

 Une structure répétitive,voir comique : des épisodes tous organisés de la même


façon,faisant alterner les moments de fortune et d’infortune

Par épisode et structure répétitives,on sous-entend un cycle,qui se répéte et anime le récit :


chaque cycle commence par des retrouvailles ( ou rencontre ) , d’une période idyllique,de
l’apparition d’un rival et d’une trahison,sauf pour le dernier cycle,dans lequel on retrouve
une dénouement tragique. Chaque fin de cycle s’illustre par l’infidélité de Manon,montrant
la structure répétitive du récit,et poussant le lecteur à réfléchir sur une forme de ridicule.
L’épisode du prince italien est un épisode comique qui s’inscrit dans le 3ème cycle avec
l’apparition d’un nouveau rival qui sera suivit de la troisième trahison de Manon.

III – Une ambivalence à la source du plaisir romanesque

 L’art de la narration : les procédés d’enchâssement et de focalisation troublent la


représentation et occultent les motivations de manon.
La narration particulière durant la rencontre de Des Grieux et Manon insiste sur l’absence
d’explications clairs sur les intentions de Manon.En effet,la narration sous-entend qu’elle se
servirait de des Grieux afin d’échapper « au couvent »,et qu’elle saisirait cette occasion afin
de se sortir de cette situation.Ce procédé d’ench âssement du récit permet à l’auteur de ne
donner qu’une impression subjective des ressentis de Manon durant sa rencontre avec Des
Grieux.En effet,Des Grieux ne semble pas se soucier de la réaction assez silencieuse de
Manon,dont l’opinion n’est pas mentionnée ( si ce n’est le fait qu’elle souhaite être libérée
de l’emprise de ses parents,favorisant l’idée selon laquelle elle se servirait de Des Grieux ).
La narration sous entend les motivations de Manon sans pour autant l’affirmer : elle crée
une ambiguïté interrogeant le lecteur sur le comportement discret de Manon
Le récit enchâssé trouble la représentation de la véracité des évènements,le fait que ce
même récit soit raconté par Des Grieux lui permet d’ajouter des commentaires
rétrospectifs,insistant sur le regret qui l’accable lorsqu’il raconte son récit à
Renoncourt.C’est aussi une manière de se justifier et de ne pas remettre la faute sur lui,et
c’est là où l’on pourrait s’interroger sur l’authenticité de tous les évènements racontés,car
en effet,son récit est subjectif,ainsi )
-
 Une structure romanesque : importance du hasard et de la contingence dans la
succession des épisodes
La présence de Manon durant la prestation orale de Des Grieux résulte d’un hasard assez
improbable,qui est nécessaire à la suite du récit.La contingence de cette épisode ne crée
aucune contradiction logique : en effet,la seule raison responsable de la présence de Manon
durant son exercice oratoire s’explique par la popularité de cet évènement,raisonnant ainsi
jusqu’aux oreilles de Manon. « Je fis prier plusieurs peresonnes de considération de
m’honorer de leur présence.Mon nom fut ainsi répandu dans tous les quartiers de Paris : il
alla jusqu’au oreilles de mon infidèle. »
Ainsi,Manon aurait pu ne pas être au courant de cela,et quand bien même cela a été le
cas,elle aurait pu aussi ne pas s’y rendre : « Elle ne le reconnut pas avec certitude sous le
titre d’abbé,mais un reste de curiosité (…) Elle fut présente à mon exercice » Ce passage
insiste bien sur le caractère fatal de sa présence ; il s’agit ici d’un hasard qui permet au récit
de continuer.

 Des personnages ambivalents : manon et des grieux sont des personnages


complexes,mus par des forces irrationnelles ( « un caractère ambigu ,un mélange de
vertu et de vices » )

Les aventures de Grieux et Manon sont avant tout (selon des grieux) régis par des forces
surnaturelles, qui,malgré le fait qu’il soit doté d’un libre arbitre lui permettant de faire les
bons choix, se voit contraint d’être sous l’emprise de Manon,et de se dresser devant chaque
obstacle qui se dressera devant Manon et lui.Il avoue de lui-même la violence de l’emprise
qu’elle exerce sur lui,lui retirant sa liberté : « Je me sens le cœur emporté par une
délectation victorieuse » p.75

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