HIST 222 - La Traite Negriere

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HISTOIRE II

UE 222 : La traite négrière


Année académique 2019-2020
Dr Bekono Cyrille Aymard

Introduction générale
L’esclavage est le fait de priver quelqu’un de sa liberté en le réduisant à l’état de
marchandise commercialement négociable. L’existence de l’esclavage est avérée depuis
l’Antiquité, certaines cités grecques comme Athènes étant même peuplée majoritairement
d’esclaves. L’Empire Romain a continué dans cette lancée. Au Moyen Age, l’esclavage
connaît un fort repli en Europe du Nord, à la suite de la christianisation progressive de la fin
de l’Empire Romain. Il est remplacé par le servage, système bien distinct qui, s’il prive
toujours les serfs d’une bonne partie de leur liberté, leur accorde toutefois une existence
juridique.
L’esclavage ne disparaît néanmoins pas en Europe, le nombre d’esclaves augmentant même
vers la fin du Moyen Age en Catalogne et en Italie.
Le fait historique marquant du Moyen Age est l’apparition de la traite arabe, qui
durera du VIIIe au XVIIIe siècle. Cette traite a concerné plus de 10 millions d’esclaves, issus
essentiellement d’Afrique mais également d’Europe méditerranéenne.
A partir du XVIIe siècle s’établit la traite atlantique, la plus connue des traites
d’esclaves. Elle s’établit entre l’Afrique et les Amériques, sa forme la plus connue étant le
commerce triangulaire qui impliquait une escale en Europe, où étaient récupérées et
transformées les denrées produites aux Amériques. Cette traite est bien documentée, et a vu
la production de documents juridiques encadrant le statut des esclaves, comme le Code Noir
édicté en 1685 par le roi de France.
Les formes d’esclavage et de traite négrière les plus documentées et analysées
concernent la traite transatlantique. Nombre d’essais, de romans et de films ont permis à un
large public de connaître les pans tragiques de cette histoire. Mais l’Europe n’a pas eu le
monopole de la traite. Il y a eu d’autres traites, au moins et sinon plus importantes, à savoir les
traites orientale et transsaharienne organisées par les Arabes. Ces dernières furent tout aussi
violentes et dévastatrices pour l’Afrique et leurs descendants que la traite transatlantique, et
cautionnées par l’Islam tout comme le Christianisme a pendant longtemps justifié l’esclavage.
Le succès de ce trafic inhumain et odieux fut en partie l’œuvre des Africains eux-
mêmes. Si les Africains n’ont pas été à l’origine de la traite négrière, il est tout de même
important de rappeler que pour que des systèmes d’oppression perdurent, il faut une part de
coopération ou de collaboration d’un certain nombre d’acteurs sociaux des peuplent qui
subissent l’oppression. D’où l’urgence de s’interroger sur la responsabilité effective de
l’Afrique dans l’organisation et le fonctionnement de la traite négrière. Aussi, allons-nous
mettre en évidence les conséquences de cette traite dans les sociétés africaines. Telle sera le
fil conducteur de notre réflexion dans cet enseignement.
PREMIERE PARTIE : QUELLE RESPOSABILITE DE L’ACTEUR AFRICAIN
DANS LA TRAITE NEGRIERE ?

On ne peut nier l’importance sociale considérable de l’esclavage dans l’Afrique


précoloniale. Si l’institution n’avait pas eu des racines déjà profondes dans l’Afrique, jamais
les négriers arabes et européens n’auraient pu y développer la traite à grande échelle en
utilisant comme fournisseurs des intermédiaires africains. D’où il est important de
comprendre la responsabilité africaine dans ce commerce odieux.

A) Le mode de production esclavagiste dans les sociétés africaines précoloniales :


prélude à l’adaptation des Africains aux traites négrières exportatrices

L’esclavage était en usage dans les sociétés africaines antérieures aux traites négrières
exportatrices. Dans la quasi-totalité de ces sociétés, la distinction entre captif et homme libre
apparaît clairement. C’est sous la forme de l’esclavage qu’apparaît pour la première fois
nettement, même dans les sociétés « tribales », la rupture avec l’égalitarisme légendaire des
communautés africaines. Ainsi pouvait-on clairement identifier le « captif de case » et le
« captif de guerre ».
Dans les régions d’Afrique où l’évolution économique était avancée comme autour des
centres urbains de Djenne et Tombouctou, l’esclavage avait pris un caractère d’exploitation
marquée. L’approche occupationnelle peut également fournir des indicateurs précis quant à la
présence des esclaves dans une société. Généralement, occupant le bas de l’échelle de la
stratification sociale, c’est à ces esclaves que revenaient les travaux les plus pénibles ou les
plus vils, indépendamment de leur dimension utilitaire. C’est ainsi que les esclaves étaient
parfois ceux qui creusaient les fosses sceptique, les tombeaux, les puits et les tranchées, qui
construisaient les remparts, les palais et les greniers ou transportaient les charges les plus
lourdes. Toutefois, leur sort n’avait rien de commun à celui des esclaves noirs employés, plus
tard, dans le monde arobo-musulman ou dans les plantations américaines.
En effet, l’esclave était en Afrique très rapidement intégré à la famille. Comme
l’écrivait Monseigneur Cuvelier : « L’institution de l’esclavage comme il existait au Kongo
paraissait tolérable ». Il souligne qu’un esclave honnête et très considéré pouvait assurer
l’intérim d’un chef. Donc, l’esclave avait des droits civiques et plus encore des droits de
propriété, car il y avait de multiples procédures d’affranchissement dont certaines étaient à
l’initiative de l’esclave lui-même.
B) Le rôle des Africains dans le circuit des traites exportatrices
Aussi bien dans la traite négrière arabo-musulmane que celle europeo-américaine, certains
Africains jouèrent un rôle non moins négligeable dans la capture d’esclaves, leur
acheminement dans les centres commerciaux et la vente aux négriers arabes et européens.
C’est avec la traite négrière transatlantique, plus lucrative pour ces acteurs africains, que
la responsabilité de ces derniers fut plus pathétique. Cette responsabilité est si forte que les
Africains doivent demander aux Africains.

En effet, entre les XVe et XVIIIe siècles, les Européens n’avaient pas les moyens
politiques et militaires d’aller chercher les esclaves eux-mêmes à l’intérieur du continent
africain. (...) Ils n’avaient pas les moyens de soigner des maladies particulièrement
meurtrières, comme la maladie du sommeil ou la malaria. Une armée européenne qui se serait
aventurée dans les terres en Afrique aurait été très rapidement décimée. Les Européens
doivent donc rester sur la côte et attendre que des commerçants africains leur amènent les
marchandises dont ils ont besoin. Ces commerçants autochtones servaient d’intermédiaires
avec les compagnies européennes. Ils étaient de connivence avec les États africains, eux-
mêmes souvent très militarisés.

Avec la traite, une autre Afrique se développa sur les côtes atlantiques. Le commerce
négrier intensifié au cours des XVIIe-XVIIIe siècles, donna vie et force à de nouveaux
royaumes qui firent de la guerre leur occupation dominante. Des royaumes comme ceux du
Kongo, du Kamem-Bornou, du Dahomey ou des Ashanti firent du commerce des esclaves
leur principale activité économique.

DEUXIEME PARTIE : LES CONSEQUENCES DE LA TRAITE NEGRIERE


EN AFRIQUE

Les statuts d’acteurs et de victimes de la traite négrière en Afrique laissent entrevoir deux
types de conséquences. D’une part, ceux des Africains qui se livraient à la capture et à la
vente des esclaves noirs en sortirent bénéficiaires. Tandis qu’une bonne partie de la
population africaine subissait les effets néfastes de ce trafic inhumain et odieux.

A) Les bénéfices de la traite négrière pour les acteurs africains


Le commerce négrier donna vie et force aux Africains qui le pratiquaient. Certains
royaumes bâtirent leur puissance sur la traite des esclaves noirs qui devint l’activité
économique dominante. En échange des esclaves, les royaumes négriers recevaient des armes
à feu ou des chevaux en provenance du monde arabo-musulman. Cet arsenal militaire leur
permettaient ainsi d’étendre leur hégémonie sur les peuples voisins qu’ils allaient soumettre.
Ce fut par exemple le cas des royaumes du Kongo, du Dahomey, des Ashanti, du Kanem-
Bornou.
En plus des objets de moindre valeur que l’on qualifie de pacotille, les acteurs
africains de la traite négrière, notamment ceux des régions côtières qui se constituaient en
intermédiaires entre les négriers et les populations de l’hinterland, bénéficiaient le plus des
nouvelles cultures apportées d’Amérique : le maïs, le manioc, le tabac, etc. Une nouvelle
classe ou catégorie sociale malfaisante apparut : celle des courtiers, des gardes-chiourmes
caravaniers, des interprètes intermédiaires, des avitailleurs... les « collabos » de l’époque. Ces
quelques bénéfices de la traite pour ces acteurs africains n’occultent guère l’immensité de ses
effets néfastes.

B) Les effets néfastes de la traite négrière en Afrique subsaharienne

La traite a eu des conséquences considérables sur le continent noir, tant en ce qui concerne sa
démographie que ses structures et son développement économique. Plongeant les populations
dans un état d’insécurité totale et permanente, la traite négrière déstructura le tissu social et
économique des sociétés africaines. Les valeurs sociales africaines telles que la fraternité, la
solidarité et l’hospitalité perdirent leur consistance. Des milliers d’habitants étaient tués ou
capturés et réduits en esclavage. Les vainqueurs s’emparaient de tout : hommes, animaux,
provisions, objets précieux... Des Royaumes et empires étaient disloqués, émiettés en
principautés amenées à se faire la guerre de plus en plus souvent afin d’avoir des prisonniers
qui pourront être échangés, notamment contre des fusils, indispensables pour se défendre et
pour attaquer. Il en résulte des déplacements de populations provoquant de nouveaux heurts,
des regroupements dans des sites refuges, la propagation d’un état de guerre latent jusqu’au
cœur du continent. L’insécurité croissante et généralisée dans la plupart des régions multiplia
les disettes, les maladies locales et plus encore les maladies importées, particulièrement la
variole. Les endémies s’installèrent et les épidémies fleurirent.

Il y a donc lieu d’additionner tous ceux qui sont morts lors des attaques, pendant les
transferts de l’intérieur vers les points de départ et dans les entrepôts ; les suicidés et les
révoltés tués au moment de l’embarquement ; les morts imputables à la multiplication des
razzias et des guerres intestines engendrées par la dislocation des entités politiques, par la
fuite des populations, par la volonté accrue de faire des prisonniers ; les morts de faim
(récoltes et réserves ayant été pillées) et de maladies de toutes sortes ; les morts dus à
l’introduction des armes à feu et des alcools frelatés, à la régression de l’hygiène et des
savoirs acquis..., tous ces morts auxquels s’ajoutent les captifs et captives arrachés au sous-
continent. On voit que ce déficit démographique dépasse largement le nombre des naissances
viables, lui-même forcément en diminution.

Entre le milieu du XVIe siècle et le milieu du XIXe siècle, la population subsaharienne


s’est donc réduite de quelque quatre cents millions. Sur ce total, le pourcentage de ceux qui
ont été déportés, à partir des côtes et du Sahel, est impossible à préciser en raison de
l’importance des fraudes et du nombre très élevé de clandestins, avant et après l’interdiction
de la traite. Diverses sources et recherches conduisent à augmenter de plus de 50 % les
chiffres officiels pour ce qui est de la traite européenne. Les évaluations de la traite arabe sont
aussi aléatoires. Pour donner un ordre de grandeur, disons que le chiffre, pour les deux traites
additionnées, doit se situer entre vingt-cinq et quarante millions. Il reste encore très discuté,
mais il est certain que les faibles évaluations ne tiennent pas compte de l’énormité des
dissimulations. Les neuf dixièmes des pertes totales, au moins, se sont produites en Afrique
même, ce qui s’explique par l’extraordinaire durée d’une grave insécurité permanente et
croissante sur l’ensemble du territoire, du fait du cumul des effets destructeurs, directs et
indirects, des deux traites simultanées de plus en plus intensives.

Conclusion

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