GUIDE DE TALADAS

Accessoire de jeu officiel

LE TEMPS DES DRAGONS

 Accessoire de jeu officiel

GUIDE
DE TALADAS
DAVID « ZEB » COOK

CRÉDITS

Conception : David « Zeb » Cook VERSION FRANÇAISE

Édition : Michael Breault
Illustration de couverture : Robin Wood, Fred Fields Traduction : Llyr
Illustrations intérieures : Stephen Fabian Relecture : Athanasius, BananaManU, Chepa, jeffdewos
Cartographie : Dave Sutherland, Dave LaForce Mise en pages : Maître Poulpe
Typographie : Gaye O’Keefe Graphisme : Dark MJ
Mise en pages originale : Stephanie Tabat

Distribué aux États-Unis dans les librairies par Random House, Inc. et au Canada par Random House of Canada, Ltd. Distribué dans les magasins de loisirs et de jouets par
des distributeurs régionaux. Distribué au Royaume Uni par TSR Ltd.
RÈGLES AVANCÉES DE DONJONS & DRAGONS, AD&D, DRAGONLANCE, PRODUITS DE VOTRE IMAGINATION et le logo TSR sont des marques dépo-
sées appartenant à TSR, Inc.
Le contenu de cet ouvrage est protégé par les lois sur les droits d’auteur en vigueur aux États-Unis d’Amérique. Toute reproduction complète ou partielle est expressément
interdite sauf sur permission écrite de TSR, Inc.
Ce supplément est une traduction non officielle réalisée par les membres du Donjon du Dragon, à but non lucratif : il ne peut en aucun cas être vendu.
Les textes et les illustrations appartiennent à leurs auteurs respectifs et à Wizards of the Coast/Hasbro.
©1989 TSR Inc. Tous droits réservés. Jamais imprimé en France

TSR Inc. TSR UK Ltd.

POB 756 The Mill, Rathmore Road
Lake Geneva, Cambridge CB14AD
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PRODUITS DE VOTRE IMAGINATION™
1050FXXX1501

T ABLE DES M ATIÈRES
Le guide de Taladas.......................................................................... 4
La géographie de Taladas ................................................................ 7
L’Hosk septentrional .....................................................................11
Le Tamire ...........................................................................11
Les Uigans ..........................................................................12
Les Clans des elfes ............................................................18
Les gobelins des Ilquars ...................................................21
Les Alan-atus .....................................................................23
Les Kazar ............................................................................25
Les Pureshk ........................................................................26
Le désert Panak ..............................................................................26
Le Peuple des glaces..........................................................27
Les monts Annelés.........................................................................28
Le premier peuple .............................................................30
Le Saqualaminoi ................................................................32
Les marins du Verre ..........................................................32
Les gnomois des Colonnes .............................................35
Le peuple du Dédain.........................................................37
Le Ressac .........................................................................................40
Rudil ....................................................................................41
L’Hosk méridional .........................................................................43
La Ligue impériale des minotaures .................................44
Les territoires de la ligue...................................................45
Les provinces .....................................................................45
Société et classes sociales .................................................47
Le gouvernement...............................................................49
La justice des minotaures .................................................49
L’armée de la Ligue ...........................................................52
Les marchands de la Ligue ...............................................54
Les religions .......................................................................54
Les cités de la Ligue ..........................................................55
L’Armach.........................................................................................60
Peuple et société ................................................................60
La Confédération...............................................................62
3
GUIDE DE TALADAS
Les édits premiers .............................................................. 63
L'Armach-nesti ................................................................... 63
Religion................................................................................ 64
Le Thénol......................................................................................... 66
Les Thénolites .................................................................... 67
Histoire ................................................................................ 68
Le gouvernement du Thénol............................................ 69
L’armée ................................................................................ 69
Nouvelle-Aurim ................................................................. 72
Le Promontoire du faucon ............................................... 73
Les Marais de Sombres-Eaux........................................................ 74
Les Huldres ......................................................................... 77
Mur-de-Vapeur................................................................... 79
Les hobgobelins ................................................................. 80
Les kenders Maraks ........................................................... 81
Les Fianawar ....................................................................... 82
Les Pêcheries et le Néron .............................................................. 85
Les Payans Mako ............................................................... 85
Les hommes-requins ......................................................... 86
Les elfes sauvages du Néron ........................................... 87
Baltch ................................................................................... 90
Le vieil Aurim et les îles Sous-la-Pluie ......................................... 93
Les hobgobelins ................................................................. 94
Le peuple des îles ............................................................... 96
Hitehkel ............................................................................................ 99
Les gnomes des Flèches............................................................... 100
Gnomoi et minoi ............................................................. 102
Les citadelles ..................................................................... 103
Gouvernement et armée ................................................. 104
Les prêtres des gnomes ................................................... 107
Les inventions gnomes.................................................... 108
Les citadelles célestes ..................................................... 110
La Tour de la Flamme ..................................................... 110
GUIDE DE TALADAS
LE GUIDE DE TALADAS
« ... la Gemme Grise a été relâchée et a dis-
paru dans les terres de l’Ouest, que nous connais-
sons sous le nom d’Ansalonie, où elle a exercé sa
magie sur toutes les races qui s’y trouvaient. On
parle peu de la terre d’origine de la Gemme Grise
dans l’histoire des hommes. Les gnomes du Mont
Pacigrav ont consigné des récits beaucoup plus
détaillés (si leurs gadgets plus récents ne les ont
pas détruits).
C’est au levant que se trouvent les terres de la
Gemme Grise, au-delà des rivages de l’ancienne et
arrogante Istar, si toutefois de telles contrées exis-
tent, car il n’en a été fait nulle mention, même
les siècles précédant le Cataclysme. Elles n’ont été
signalées que durant l’Âge de la Lumière, il est
probable que ce ne soit rien de plus qu’une his-
toire destinée aux enfants pour les endormir.
— Astinus de Palanthas
Il était une fois une planète appelée
Krynn où demeuraient l’homme, l’elfe, le
nain, le gnome, le minotaure et le dragon.
Ils vivaient sur un continent appelé Ansa-
lonie et n’en connaissaient aucun autre.
Krynn était une vaste planète et l’Ansalo-
nie n’était pas unique, mais ses habitants
étaient trop absorbés par leurs propres
affaires, trop préoccupées par les dieux et
les dragons, pour s’enquérir du reste de
leur monde.
Peut-être que maintenant, la Guerre
de la Lance derrière eux, ceux d'Ansalonie
seront-ils gagnés par le désir d’explorer et
de s’étendre. Mais que découvriront ils ?
Qu’existe-t-il d’autre sur la planète
Krynn ?
Le temps des dragons fournit une partie
de cette réponse. Ses pages fournissent
une description détaillée d’un tout nou-
veau continent, Taladas, et de ses habi-
tants. Pour les habitués des peuples et des
mentalités d’Ansalonie, Taladas sera une
terre pleine de surprises. Séparé par une
large étendue océanique, il diffère très
sensiblement de l’Ansalonie. Que savent
ces gens de la guerre Fratricide, de l'arro-
gance des prêtres-rois d’Istar et de la le-
çon d’humilité administrée par les dieux ?
Leurs terres ont-elles été ravagées par les
dragons et leurs enfants tués par des dra-
coniens ?
Taladas est un monde très différent de
l’Ansalonie. Il fut un temps où ils parta-
geaient une histoire commune. Mais après
que l’Âge des Rêves ait pris fin, les liens se
sont lentement relâchés. Bien qu’ils parta-
gent encore aujourd’hui certaines caracté-
ristiques communes, chacun a suivi un
chemin qui lui est propre au travers de l'his-
toire.
Cette boîte présente toutes les infor-
mations essentielles sur le continent de
Taladas, les terres et les peuples qui le
constituent. Le guide de Taladas décrit son
histoire passée, sa géographie, son climat,
ses peuples et ses cultures. Alors que le
Maître du Donjon devra avoir à l’esprit
toutes les informations de ce recueil, c’est
à lui de révéler ce qu’il souhaite à ses
joueurs. Il trouvera certainement beau-
coup d‘éléments qu'il estimera qu’ils de-
vraient savoir, mais la décision lui appar-
tient. Le Livre des règles de Taladas présente
des informations réservées au seul MD.
S’y trouvent les PNJ majeurs et mineurs,
de nouveaux monstres, les règles détaillées
pour les gnomes, de nouveaux peuples à jouer,
gobelins, ogres et minotaures, des tables
de rencontre, des tableaux, des informa-
tions sur les règles BATTLESYSTEM™
et un nouveau contexte concernant les
dieux de Krynn.
La boîte contient également
24 fiches. Ce sont des cartes détaillées de
lieux d'intérêt, des inventions gnomiques
et des illustrations décrivant les vêtements
des habitants de Taladas. De brèves des-
criptions sont fournies sur leur revers. Ce
pour des raisons de commodité, afin la
carte et son descriptif soient facilement
disponibles pendant le jeu.
Enfin, figurent quatre grandes cartes
en couleur. Deux se joignent pour former
une carte de Taladas. Les deux autres sont
une carte détaillée d’une région de Taladas
et une carte de Kristophan, capitale de la
Ligue des Minotaures.
ANSALONIE ET TALADAS
Jusqu’à présent, tout ce qui a été pré-
senté du monde de Krynn l’a été du point
de vue des Ansaloniens. Le monde, ses
dieux, son histoire et les événements ont
tous été racontés en lien avec l’Ansalonie,
le continent où s’est déroulée la Guerre de
la Lance. Pour les narrateurs, elle est le
4
centre du monde et les événements qui s’y
déroulent sont d’une importance capitale
pour Krynn. Il est tout à fait raisonnable
pour eux de penser que les kenders de
Kendermore, les gnomes du mont Paci-
grav et les elfes Qualinesti et Silvanesti
soient les seuls types de kenders, gnomes
et elfes que l’on puisse rencontrer.
Ces historiens et ces bardes ont tout
simplement tort. Si l’histoire de l’Ansalo-
nie est importante, elle n’est pas la seule
de Krynn. Les kenders, les gnomes et les
elfes peuvent prendre d’autres formes que
celles que l’on trouve en Ansalonie. Ce
n’est pas la vanité et de l’arrogance du
Prêtre-roi qui causèrent le départ des
dieux et le Cataclysme chez les autres
peuples. En tant que MD, vous découvri-
rez que les choses sur Taladas ne se pré-
sentent souvent pas telles que vous vous
attendiez sur le monde de Krynn. Certes,
on y trouvent des kenders, des gnomes et
des minotaures, voire des draconiens,
mais ils peuvent être très différents de
ceux de l’Ansalonie. Cela fait partie du
plaisir de découvrir et d’explorer Taladas.
Vous avez maintenant de nouvelles sur-
prises et des rebondissements inattendus à
faire découvrir à vos joueurs.
En même temps, tout n’est pas totale-
ment nouveau. Les deux continents parta-
gent en commun certaines caractéris-
tiques. Les dieux de l’Ansalonie sont éga-
lement ceux de Taladas. Leurs noms di-
vergent tout comme les légendes qui les
entourent, mais ils ont le pouvoir de sur-
monter les simples obstacles de l’espace et
du temps. Leurs guerres et leurs luttes
font partie de l’histoire et du contexte
communs à l’ensemble du monde.
Il est important de se souvenir de ces
différences lorsqu’on interagit sur Taladas.
Les règles et les attitudes que vous et vos
joueurs connaissez peut-être ne s’appli-
quent pas nécessairement ici. En tant que
MD, vous devez en être constamment
conscient afin de pouvoir instruire vos
joueurs d’une manière excitante et diver-
tissante.
HISTOIRE DE TALADAS
Les habitants de Taladas, toutes ses
cultures et tribus, n’ont jamais bénéficié
des services du grand historien Astinus de
Palanthas. Il n’existe pas de grandes ar-

chives historiques comme l’Iconochronos.
En fait, une telle histoire est presque im-
possible, car la plupart des habitants de
Taladas n’ont pas de langage écrit et s’ap-
puient plutôt sur des traditions orales. Les
principales sources écrites se trouvent
chez les gnomes du Hitehkel, chez les
Silvanesti égarés et au sein des villes de la
Ligue. La plupart d’entre elles suivent les
conventions de datation d'Ansalonie (Pri-
Cataclius et Alt-Cataclius) importées par
les minotaures de la Ligue et les Silvanesti.
Les gnomes du Hitehkel, de leur côté,
divisent l’histoire en trois périodes : l’Âge
de la Création depuis le moment où Reorx
les a créés jusqu’à la libération de la
Gemme Grise ; l’Âge Maudit, de la libéra-
tion de la Gemme Grise jusqu’au Cata-
clysme et le Don de Reorx, l’âge actuel.
Pour plus de commodité, la chronolo-
gie ci-dessous utilise la division de l’his-
toire en cinq âges différents par Astinus :
l’Âge des Rêves, l’Âge de la Lumière,
l’Age de la Force l’Âge des Ténèbres et
l’Âge des Dragons. Certains ont une
pleine signification pour le peuple de Ta-
ladas ; d’autres aucune et ne sont fournis
qu’à titre de référence. En outre, la chro-
nologie fournit également les dates de
certains événements survenus en Ansalo-
nie. Ils sont donnés lorsque l’interpréta-
tion d’événements identiques varie consi-
dérablement entre les deux continents ou
pour servir de points de référence pour
comparer les deux histoires.
L’ÂGE DES RÊVES
Cette période de l’histoire de Krynn
demeure la plus mystique et la moins do-
cumentée de toutes. Dans le même temps,
elle présente la plus forte corrélation entre
les histoires de Taladas et d’Ansalonie, car
il s’agit de l’âge des dieux.
L’Éveil des dieux : les dieux émergent
de l’au-delà dans le chaos de l’univers. Le
Haut-père reste en retrait, mais charge ses
enfants de la création de toutes choses. À
cette fin, les dieux proclament l’Équilibre
et ralentissent le Chaos pour faire régner
l’Ordre. Ce faisant, ils se divisent en Bien,
Mal et Neutralité.
Naissance des étoiles : selon les gnomes,
Reorx commence à forger les hommes.
Dans les premières étapes du façonnage,
les étincelles de l’enclume et du marteau
forment les étoiles, tandis que les impure-
tés forment le monde. Les autres dieux se
mettent à façonner les esprits des gnomes
et des hommes. (La tradition ansalonienne
indique pour sa part que Reorx forgea le
monde, pas les hommes).
La guerre des esprits : Reorx achève les
formes mortelles. Avant qu’ils ne puissent
s’ébattre sur le monde, les dieux se querel-
lent. Les bons annoncent que les esprits
doivent dominer le monde. Reorx s’y op-
pose, estimant qu’il n’a pas créé ce monde
pour qu’il soit dominé. Les dieux malé-
fiques saisissent l’occasion et plongent
l’univers naissant dans la guerre des es-
prits, espérant finalement corrompre les
nouvelles formes à leur service.
Fin de la guerre des esprits : Blindel, le
Seigneur des Dauphins (Habbakuk) per-
suade le Seigneur-Gris (Gilean) de se
rendre dans la demeure de Reorx et de lui
chanter une partie du savoir secret connu
de lui seul et montrant la voie des Té-
nèbres. Reorx revient sur son refus d’aider
les dieux du Bien et s’unit à eux. En-
semble, ils forcent les dieux du Mal à
battre en retraite. Craignant la destruction
imminente de la Balance, le Haut-père
depuis l’au-delà décrète la Balance du
Monde. Des dons sont accordés aux es-
prits et Reorx leur permet d’entrer dans
les formes qu’il a créées.
Peuplement de Krynn : les esprits pénè-
trent le monde sous leurs différentes
formes. Il n’existe pas de consensus sur
les premiers nés. Les minotaures préten-
dent que les ogres ont précédé tous les
autres, les elfes se figurent en premier. Les
hommes prétendent que le monde fut
peuplé d’un seul coup. Les gnomes et les
nains de Taladas prétendent chacun être
les premiers enfants de Reorx.
L’ÂGE DE LA LUMIÈRE
Vers 4 000 PC Naissance des Minois : Reorx
tente imprudemment d’enseigner aux
humains l’art de la forge et de l’ingé-
nieurie, après les avoir enseignés aux
gnomois. Ils ne répondent pas à ses
attentes et il les maudit, les transfor-
mant en minoi. (En Ansalonie, les
minois sont les seuls gnomes connus).
Vers 3 500 Fabrication du Grathanich :
Reorx forge le Grathanich sur le som-
met du mont Garath, en s’appuyant
5
GUIDE DE TALADAS
sur la puissance magique de Lunias
(Lunitari). Dans cette gemme, Udras
(Sirrion) l’Alchimiste y mélange une
immense puissance magique. La
gemme est présentée au premier roi ,
le gnomoi Aldinanachru, signe de la
faveur que lui porte Reorx. En Ansa-
lonie, cette gemme est connue sous le
nom de Pierre Grise (ou Gemme
Grise) de Garath. Aldinanachru or-
donne que le Grathanich soit installé
dans la tour de Lunias, au sommet du
mont Garath.
Vers 3 100, Libération de Grathanich : Hiteh
(Hiddukel) trompe le minoî Milgas
Kadwar pour qu’il libère le Gratha-
nich. Il dérive vers l’ouest, ses énergies
magiques provoquant des catas-
trophes. En punition de leur bêtise,
Reorx bannit les Kadwars, le plus
grand des clans minois, et leur or-
donne de poursuivre le Grathanich à
travers Krynn. (Lorsque les Kadwars
arrivent en Ansalonie, ils délaissent le
nom de minoi pour devenir les
gnomes du Mont Pacigrav ).
2 140 Guerre Fratricide (Ansalonie)
2050 à 2030 La Grande Marche (Ansalonie)
1241 Chute d'Ergoth (Ansalonie)
L'ÂGE DES TÉNÈBRES
0 Avènement du Cataclysme : tandis que
l’Ansalonie est la proie d’une dé-
sastreuse vague de météorites, Taladas
est brisée par un seul coup massif. La
plaine centrale est détruite. La Nuit
de Hiteh commence.
1 à 20 Nuit de Hiteh : à la suite du Cata-
clysme, le ciel est assombri par la
cendre, la fumée et le feu. Des mon-
tagnes jaillissent en une seule nuit là
où n’existaient que plaines. Des pluies
torrentielles créent des mers là où
n’existaient autrefois que des déserts.
Le ciel noir est illuminé par la rougeur
des volcans. Les maladies se répan-
dent. Les prêtres de Taladas découvrent
soudain qu’ils ont perdu leurs pouvoirs
et sont incapables de guérir et de soigner.
La maladie et la mort balaient les
terres à une échelle sans précédent. Le
choléra, la peste noire et la grippe ont
un effet dévastateur sur une popula-
tion qui n’a jamais développé une
forte immunité aux maladies.
GUIDE DE TALADAS
21 Retour de Mislaxa : les prêtres de
Mislaxa (Mishakal) retrouvent leurs
pouvoirs sur Taladas. Incapable de
supporter le tourment des innocents
de Taladas qui souffrent pour les pé-
chés ansaloniens, Mislaxa restaure
secrètement leur pouvoir aux prêtres
qui lui sont restés fidèles depuis la Nuit de
Hiteh. Son action défiant les autres
dieux, elle est contrainte de faire agir
ses fidèles dans le plus grand secret.
Ses prêtres entrent dans la clandestini-
té, cachant leur existence à toutes les
autorités. Le culte des mystères de
Mislaxa commence.
210 Retour de Takhisis : après être rentrée
en Ansalonie grâce à la Pierre Fonda-
trice, Takhisis (communément appelée
Erestem) se rend en Taladas pour
libérer les dragons maléfiques. Elle
trouve une ouverture vers leur lieu
d’exil au cœur de la mer Ardente.
Libérés, ils foulent de nouveau le
monde transformé de Krynn et se
propagent lentement dans tout le con-
tinent. Les contacts avec les dragons
sont cependant peu fréquents, car
Takhisis ne tient pas à ce que leur
présence soit révélée pour l’heure.
232 Apparition d’Hiteh sur Taladas : dans le
sillage d’Erestem (Takhisis), Hiteh
(Hiddukel) apparaît et étend son in-
fluence dans le centre de Taladas, rem-
pli de lave. Il œuvre à la libération
d’autres dragons et recrute les étranges
créatures qui vivent dans ce monde
ardent.
243 à 252 La guerre gnomoi : les serviteurs
de Hiteh tentent de s’emparer de la
citadelle d’Aldinanachru, l’avant-poste
le plus avancé des terres des gnomois.
Il s’agit du premier test des armées
draconiennes naissantes et cela
marque le début de la guerre gnomoi
entre, d’un côté, les dragons et les
adeptes des flammes de Hitehkel et,
de l’autre, les gnomois. Pour l’essen-
tiel, la guerre se résume en une série
de petites escarmouches ponctuées
d’intenses sièges. L’ingénieur Ergor-
macdroniskar conçoit le premier des
vaisseaux de feu, des navires gnomois
capables de voguer sur les mers de
lave. La connaissance se diffuse de
citadelle en citadelle alors que les
gnomes entament un important pro-
gramme de construction naval destiné
à mettre fin à la guerre.
255 L’assaut de la Tour de la Flamme : leur
flotte rassemblée, les gnomes recru-
tent des mercenaires humains et met-
tent le cap sur la Tour de la Flamme
au centre de la mer Ardente. Bien
qu’ils ne parviennent pas à s’emparer
6
de l’objectif qui est le cœur des terres
des adeptes des flammes, la tentative
suffit à terrifier l’ennemi. Dans le
même temps, Erestem oblige Hiteh à
retirer les dragons du combat, de peur
qu’il ne gaspille de précieuses res-
sources. Aucune paix formelle n’est
déclarée, mais les adeptes des flammes
mettent un frein à toute expédition
majeure contre les gnomes, bien qu’ils
continuent à mener des raids. Ils se
montrent désormais hostiles aux hu-
mains, se souvenant de leur rôle dans
l’attaque.
296 Le Serment : les dragons mauvais ra-
menés au monde par Erestem provo-
quent un Conseil des Seigneurs des
Animaux, qui convoque les dragons
sur l’île des Dragons. Là, ils font prê-
ter le serment de neutralité aux dra-
gons bons.
315 à 317 L’Usurpation : Erestem, ayant
noté l’activité de Hiteh, décide de
l’utiliser dans ses propres plans pour
dominer Krynn. Ils concluent un ac-
cord par lequel Erestem parle par
l’intermédiaire d’Hiteh le Marchand.
Mais en fin de compte, Erestem
usurpe sa position et assemble sa
propre horde d’adeptes des flammes. Ulcé-
ré, enragé d’avoir été ainsi dupé, Hiteh
se retire dans le vide.

L'ÂGE DES DRAGONS
330 Disparition des dragons de Taladas : en
prévision de l’assaut sur l’Ansalonie,
des dragons maléfiques sont aperçus
quittant Taladas en vols massifs. Ce-
pendant, certains d’entre eux refusent
d’obéir à Erestem, préférant rester
vivre sur place. Ces créatures sont
connues sous le nom d’othlorx (les
Non-impliqués), premiers dragons de
la neutralité. Erestem les maudit.
345 Arrivée des dragons bons : les premiers
dragons bons sont aperçus dans les
cieux de Taladas. Bien que le Serment
ne les autorise pas à participer à la
Guerre de la Lance en Ansalonie, rien
ne les empêche de chercher leurs
œufs. Cette quête les entraîne à travers
tout Taladas.
352 Retrait des dragons bons : la nouvelle du
secret des draconiens est transmise
aux dragons bons qui fouillent Tala-
das. Libérés de leur Serment, la plu-
part s’envolent vers l’ouest pour ven-
ger leurs enfants. Cependant, certains
refusent l’appel, préférant rester sur
Taladas. Ils deviennent neutres et sont
rejetés par les dragons bons qui les
considèrent avec mépris et haine. Ex-
clus par les deux camps, les dragons
du refus se retrouvent identifiés aux
othlorx, bien que les dragons bons les
surnomment les « Serment-liés ».
G ÉOGRAPHIE
DE T ALADAS
La puissance du Cataclysme a rendu le
paysage de Taladas très inhabituel. Aupa-
ravant, Taladas, Ansalonie et Krynn dans
son ensemble étaient des lieux ordinaires,
du moins sur le plan géologique. Les
masses terrestres étaient stables et relati-
vement communes. Tout cela a changé
radicalement du jour au lendemain. Pour
comprendre ce qu’il est devenu, il faut
savoir ce qu’était Taladas autrefois et ce
qu’il lui est arrivé lors du Cataclysme qui a
ravagé Krynn tout entier.
TALADAS PRÉ-CATACLYSME
S’étendant du nord froid aux climats
plus chauds de l’équateur, Taladas était
autrefois un continent unique entouré, en
périphérie, d’anneaux concentriques d’îles.
Bien qu’il s’agissait d’une unique masse
terrestre, le continent était en fait formé
par une série de plaques. Plusieurs chaînes
de montagnes s’élevaient, depuis la région
du centre-ouest puis s’arquant au nord-est
et au sud-est. Au-delà de ces chaînes, plus
loin au nord-ouest, s’étendaient des dé-
serts de glace, une terre froide et rude
séparée des montagnes par une bande de
forêt de pins et de steppe connue sous le
nom de Tamire. Depuis leurs rivages les
voyageurs pouvaient voir de grandes ban-
quises dériver vers le sud.
Un bras de l’océan Urdile fendait bru-
talement la côte orientale de Taladas
créant une grande mer, connue sous le
nom de mer Taladane ou mer d’Indanalis.
Au sud de l’Indanalis, une basse chaîne de
montagnes s’étendait sur toute la longueur
de la côte de la péninsule. Sur son versant
opposé se trouvaient les jungles de Néron.
Les vents qui balayaient l’océan Aus-
tral étaient normalement stoppés par les
montagnes du Néron et déversaient leurs
pluies sur ses pentes sud. Bien que les
tempêtes dépassaient parfois ses sommets
arrondis, la majeure partie du versant nord
restait chaude, accidentée et sèche, bien
qu’elle fut loin d’être un désert. À l’extré-
mité de la péninsule, les montagnes s’es-
tompaient pour laisser place à un delta
marécageux.
Au nord de la mer d’Indanalis se trou-
vaient les riches forêts d’Aurim. La terre
ici était principalement constituée d’ondu-
lantes collines mêlées à des plaines ou-
vertes. Arrosées par les brises chaudes de
la mer, les forêts, principalement de feuil-
lus mais aussi de pins, étaient giboyeuses
Les plaines étaient réputées pour la qualité
de leurs terres agricoles. Et l’océan Urdile,
au large des côtes d’Aurim, était renommé
pour ses eaux poissonneuses. C’est ici,
dans cette terre privilégiée que se formè-
rent les premiers royaumes importants de
Taladas, des tribus nomades se regroupant
pour former des gouvernements solides et
établis. Mais tout cela changea avec la
Nuit de Hiteh.
7
GUIDE DE TALADAS
TALADAS POST-CATACLYSME
Personne ne connaît avec certitude les
détails précis de la nuit du Cataclysme, car ils
demeurent cachés dans les pensées secrètes
des dieux. Peu importe que Krynn ait été
ravagé par un champ d’astéroïdes (comme
le croient les gnomes à l’esprit très carté-
sien), que des étincelles de la forge de
Reorx aient frappé la terre (une croyance
naine) ou que le dieu maléfique Erestem
(Takhisis) ait façonné une grande pierre et
l’ait lancée sur Krynn (comme le soutien-
nent les cavaliers du Tamire). Au cours
de cette nuit, l’Ansalonie a été frappé
par une série de grosses météorites (ou de
montagnes), entraînant une destruction
généralisée qui a donné naissance à l’An-
salonie telle qu’on la connaît aujourd’hui.
Le Cataclysme s’est produit sur Tala-
das avec une différence notable. Au lieu
d’une série de frappes multiples, le
continent a été heurté par un unique coup
massif. Que cela n’ait pas suffi à provo-
quer l’anéantissement de Krynn reste source
de supputations. Il est fort probable que
les dieux ne cherchaient qu’à punir et
non à détruire irrémédiablement.
Et c’est ce qu’ils firent. Le coup heurta
le centre du continent taladan, dans une
région de plaine ouverte juste à l’est des
grandes chaînes de montagnes. L’impact
fut énorme. Le continent se déchira le
long des plaques tectoniques. De nou-
velles failles apparurent, s’étendant à la
fois radialement et de manière concen-
trique à partir du point d’impact. Les
chaînes de montagnes à l’ouest, déjà ins-
tables géologiquement, se déchaînèrent en
une furie volcanique. Des tremblements
de terre et des éruptions ébranlèrent les
terres.
Une faille majeure se fit un chemin à
travers les chaînes montagneuses et attei-
gnit l’océan Occidental. Ses eaux inondè-
rent la brèche jusqu’à la mer d’'Indanalis.
Dans le même temps, la nouvelle activité
sismique fit apparaître des terres invi-
sibles jusqu’alors à l’embouchure de cette
mer, la coupant de l’océan Urdile. L’extré-
mité occidentale de la péninsule du Néron
se brisa également, les océans s’engouf-
frant de même dans la nouvelle mer
d’Indanalis. Taladas disparu presqu’entiè-
rement dans une explosion de vapeur
volcanique.
Avec l’impact, des fissures nouvelle-
ment formées brisèrent la riche terre du
nord-est. Les collines vallonnées se sont
GUIDE DE TALADAS
craquelées et élevées pour former des
montagnes, tandis que les plaques tecto-
niques des plaines s’inclinèrent et s’enfon-
cèrent pour se fondre avec les restes de la
mer d’Indanalis à l’est, pendant que des
nuages de pluie remplis de soufre ba-
layaient vers l’est les vents dominants
pour créer la mer de la Tempête. Plus
loin, les pluies grises ont détrempé les
dernières forêts septentrionales, créant
ainsi les Forêts noires. Les royaumes émer-
gents d’Aurim furent emportés et détruits.
Le Taladas qui a émergé de l’obscurité
de la Nuit de Hiteh est très différent de la
masse unique qu’il était autrefois. Le con-
tinent s’est fragmenté le long de diffé-
rentes lignes de faille, formant plusieurs
régions distinctes.
Sa partie occidentale, bien qu’ayant
échappé à la destruction massive qui a
touché l’est, se trouve séparée par une
faille courant d’est en ouest, divisant la
contrée en deux parties distinctes. Celles-
ci sont désormais connues sous le nom de
Hosk septentrional et méridional. La partie
sud-est de Taladas, bien profondément
changée, est toujours connue sous le nom
du Néron. Le nord-est, autrefois appelé
Aurim, a cédé la place à la mer de la
Tempête et, plus loin, aux îles Sous-la-
Pluie. Certaines parties de la côte ouest de
la mer de la Tempête, toujours habitables,
ont repris l’ancien nom d’Aurim, tandis
que la zone du centre-est est appelée
Forêts noires. Au cœur du continent se
trouve désormais le Hitehkel, la plaie
ouverte de Krynn.
L’Hosk septentrional est la plus
grande zone terrestre du nouveau Taladas.
Il englobe la plupart des terres situées au
nord et au nord-ouest du Hitehkel. Il se
divise en trois régions principales : le
Tamire, le désert de Panak et les monts
Annelés.
Occupant la plaine côtière, le Tamire
est une vaste étendue de steppe ouverte,
ponctuée de rares forêts et de quelques
basses crêtes montagneuses. Ses terres
sont sèches, car les vents d’ouest chassent
rapidement la plupart des nuages chargés
de pluie. La plus grande partie du Tamire
est couverte de hautes herbes sèches. Les
racines de ces dernières forment un tapis
presque imperméable, ce qui rend la terre
uniquement propice au pâturage. Les
chaînes de montagnes basses forcent le
déversement des pluies , ce qui crée des
îlots de forêts vertes au milieu du terrain
découvert.
Le long de sa bordure nord, le Tamire
cède progressivement la place au désert de
Panak. Il s’agit d’un désert de pierres et de
rochers, brisé par des méandres bizarre-
ment érodés et des lavis asséchés. Les
vents arctiques apportent à la plus grande
partie du désert une couche de perma-
frost. Pendant l’hiver, des bourrasques de
neige et de glace cinglantes arrachent les
sols. Seules quelques mousses et plantes
basses parviennent à survivre dans ces
régions au froid glacial et au manque
d’eau. Elles abritent de petits troupeaux
de nasif, un type de caribou dont se nour-
rissent les nomades du désert.
Le long de la bordure intérieure de
l’Hosk septentrional courent les monts
Annelés. Constituée pour partie d’an-
ciennes montagnes et pour partie de rési-
dus du Cataclysme, cette chaîne s’étend
sur toute la longueur de l’Hosk septentrio-
nal. Au sud, les pentes extérieures reçoi-
vent la majeure partie des pluies de
l’océan Occidental. Aussi les vallées mon-
tagneuses sont-elles luxuriantes et tempé-
rées toute l’année. Plus au nord, les terres
deviennent plus sèches et plus froides. La
partie qui borde le désert de Panak est
souvent enneigée pendant des mois. Seuls
les courants d’airs chauds du Hitehkel
empêchent ces pics de subir une glaciation
permanente.
Sur le versant intérieur des montagnes, les
vallées et les neiges cèdent la place aux
Terres brillantes. C’est une région de cou-
lées de lave vitrifiées, polies par les tem-
pêtes cruellement mordantes qui dévalent
des montagnes dans le chaudron bouillant
du Hitehkel.
Le Ressac, la faille ouverte sur la mer
de l’Ouest, sépare l’Hosk septentrional du
méridional. Bien que la majeure partie de
l’affaissement ait été assez faible (sauf là
où les montagnes se sont fendues), ce fut
néanmoins suffisant pour faire descendre
le chenal en dessous du niveau de la mer
dans la plupart des endroits. Les marées
de l’océan Occidental régissent le débit de
la passe. Pendant les marées les plus
hautes, l’eau s’engouffre librement dans la
nouvelle mer d’Indanalis. À marée basse,
le cours d’eau se retire et ses rives se rétré-
cissent. À la trouée des montagnes, le
Ressac se rétracte complètement, laissant
une plaine boueuse que l’on peut tra-
verser.
Au sud du Ressac se trouve l’Hosk
méridional, la deuxième plus grande zone
terrestre de Taladas et la plus peuplée. Le
long de l’arc extérieur des terres se trou-
vent les importants bancs de pêche de
Hoor, juste en dehors de la baie d’Armach.
Armach elle-même se niche à l’extrémité
sud des Neumonts, une série de chaînes
concentriques nées lors de la Nuit de Hiteh.
Ces montagnes sont parsemées de vol-
cans, de sources d’eau chaude et autres
signes d’activité géothermique. Au nord
des Neumonts se trouvent les riches
8
terres agricoles qui font vivre les villes de
la Ligue, tandis qu’au sud se trouvent les
forêts du Thénol. Tempérées dans leur
partie supérieure, ces forêts cèdent pro-
gressivement la place à un climat subtro-
pical près du détroit de Brèche-Tonnerre.
L’arc interne de l’Hosk méridonal se
mue en un bloc imposant de montagnes
accidentées. Surplombant la mer d’Indanalis,
ces montagnes, connues sous le nom de
Mur-de-Vapeur, refoulent la vapeur et les
gaz ascendants de l’Indanalis (ou mer du
Poison) et du Hitehkel, protégeant ainsi
les terres à l’ouest de ces nuages nocifs.
Les vents d’ouest, balayant les som-
mets et la brèche du Ressac, poussent les
nuages chargés de pluie vers l’est, au-
dessus du Néron et de l’Aurim, pour y
déverser leurs pluies toxiques. Les chaînes
de montagnes de Mur-de-Vapeur sont
mortes et stériles, leur sol est coupant et
recouvert de cendres acides et pâteuses.
Seules quelques plantes incroyablement
robustes parviennent à pousser ici.
Le Mur-de-Vapeur se termine au dé-
troit de Brèche-Tonnerre, ouverture sud
de la mer d’Indanalis. Ici, les failles du sol
se sont creusées précipitamment, comme
un barrage massif se rompant pendant les
premières années de la Nuit du Hiteh. Les
maisons et les terres qui n’ont pas été
détruites par l'impact initial et les érup-
tions ultérieures ont été impitoyablement
balayées par l’irruption de l'océan
d’Accalmie. Le point le plus étroit du dé-
troit est toujours le siège d’une activité
volcanique sous-marine.
Dans les eaux du détroit, à l’extérieur
de Brèche-Tonnerre, se trouve une série
d’îles connues sous le nom des Pêcheries.
La plus grande d’entre-elles est Syldar. Les
eaux chaudes de l’océan Austral se combi-
nent avec le plateau peu profond du dé-
troit pour créer une zone riche en planc-
ton. Les coraux abondent, construisant
lentement des récifs et des atolls autour
desquels s’engouffrent d’étranges cou-
rants. D’énormes bancs de poissons tropi-
caux en font un paradis pour les pêcheurs,
à condition qu’ils sachent naviguer dans
ces eaux dangereuses.
Certains des vents qui soufflent à l’est
de la mer d’Indanalis tournent au sud-est
et se mêlent aux tempêtes tropicales qui se
forment au large de la mer d’Accalmie.
Ces pluies méridionales diluent et dissi-
pent les poisons transportés par le Hi-
tehkel, atténuant leur effet mortel sur le
Néron. Les pluies abondantes, les tempé-
ratures chaudes, et peut-être même les

nutriments exotiques des cendres ont
rendu les antiques jungles de Néron en-
core plus sombres et plus épaisses.
D’étranges créatures et des tribus sau-
vages vivent dans ses recoins cachés, et se
livre, dit-on, des guerres perpétuelles.
Au fur et à mesure de l’extension de la
péninsule du Néron, la petite chaîne de
montagnes centrale se rétrécit progressi-
vement, formant d’abord des collines
épaisses et boisées pour finalement dispa-
raître dans une zone de marécages de
basse altitude connue sous le nom du
delta des Roseaux. Alimenté par les fortes
pluies et quelque peu submergé suite au
Cataclysme, le delta des Roseaux est un
mélange de roseaux d’eau douce et de
mangrove d’eau salée. Il s’est progressive-
ment agrandi au fil des ans, déposant len-
tement le limon chargé de cendres charrié
par les montagnes.
Au-delà du delta des Roseaux se
trouve l’île de Baltch. Séparée de la pénin-
sule à l’occasion du Cataclysme, ses habi-
tants se sont retrouvés coupés de tout
contact extérieur. Leur île est peu élevée, à
peine au-dessus du niveau de la mer. Des
digues et des levées protègent les habi-
tants contre les violentes tempêtes qui
menacent d’emporter leurs terres.
L’extrémité nord du Néron est séparée
de l’Aurim par une petite chaîne de mon-
tagnes. Elles formaient autrefois l’épine
dorsale de la péninsule, mais depuis le
Cataclysme, elles ont été repoussées vers
le nord, créant la baie d’Udras. Les mon-
tagnes retiennent la plupart des vents
toxiques du Hitehkel au nord du Néron,
seule une partie d’entre eux parviennent à
s’engouffrer par le détroit de Brèche-
Tonnerre.
Au nord des montagnes se trouve la
terre d’Aurim. Autrefois, c’était une plaine
riche et fertile. Aujourd’hui, il s’agit d’une
terre morte et désolée. Détruite par le
Cataclysme, Aurim se trouve directement
sur la route des gaz mortels et des cendres
étouffantes rejetés par le Hitehkel. La
terre est grise et couverte de poussière.
Les arbres sont desséchés et pétrifiés par
les étranges fumées qui s’élèvent du centre
de la terre. Seules les créatures les plus
robustes, les plus perverses et les plus
immondes vivent parmi les ruines mortes
d’Aurim.
Les vestiges de ce qui fut autrefois la
mer d’Indanalis bordent les rives d’Aurim.
Réputée pour son climat épouvantable et
ses eaux empoisonnées et chargée de pro-
duits chimiques, elle est aujourd’hui con-
nue sous le nom de mer de la Tempête.
Elle est peu fréquentée, car les brusques
changements de temps (un autre cadeau
du Hitehkel) sont jugés trop dangereux
pour s’y risquer, d’autant que l’eau a em-
poisonné toutes les créatures marines,
sauf les plus redoutables.
Une péninsule nouvellement formée,
apparue lorsque les terres situées sous la
mer de la Tempête ont sombré, se dé-
tache d’Aurim. Ici, la terre est suffisam-
ment éloignée du Hitehkel pour supporter
la vie , mais suffisamment proche pour
être torturée et déformée par les gaz
étranges qui soufflent sur le rivage. C’est
ainsi que sont née les Forêts noires , une
étendue déformée et drapée de mousses
gris-vert. Les bois sont pleins de créatures
mystérieuses, depuis longtemps coupées
de toute autre par les terres incultivables
d’Aurim. De temps à autre, ces habitants
descendent la côte jusqu’au Néron, aussi
des créatures similaires peuvent être trou-
vées dans les parties les plus sombres des
deux régions.
Au nord-est du continent principal se
trouvent les derniers vestiges d’Aurim,
aujourd’hui appelés les îles Sous-la-Pluie.
Constituées d’une île principale et de plu-
sieurs îlots, elles tirent leur nom de ses
précipitations quasi perpétuelles et du ciel
gris de cette contrée. Ici, les vents chauds
et humides du Hitehkel rencontrent des
brises de mer plus fraîches, ce qui entraîne
de fréquentes averses sur la terre. Bien
que la plupart des polluants aient disparu
lorsque les vents atteignent les îles, des
pluies noires et goudronneuses tombent
de temps en temps. Bien que chaudes au
départ, ces pluies deviennent rapidement
moites et glaciales, rendant les îles Sous-la
-Pluie grisâtres, humides et froides.
Enfin, au centre de tout cet ensemble
se trouve le Hitehkel. Autrefois, s’y trou-
vait la terre d’Aurim et la mer d’Indanalis,
mais le Cataclysme a tout bouleverser. Il
s’agit maintenant d’une grande plaie en
fusion au centre de Taladas.
Entre le Mur-de-Vapeur et le Hitehkel
proprement dit se trouve la nouvelle mer
d’'Indanalis ou, comme on l’appelle aussi,
la mer du Poison. Coincée entre deux
chaînes de montagnes massives et mainte-
nue en ébullition par des coulées de lave
toujours actives, la mer du Poison est
riche en sels et saumures mortels. Seules
9
GUIDE DE TALADAS
les créatures les plus étranges et les plus
dangereuses peuvent survivre dans ses
eaux troubles.
Les eaux ici effritent rapidement le
bois et corrodent le métal, ce qui rend la
navigation sur cette mer une aventure à
laquelle peu se risquent. Le soleil est mas-
qué par les nuages constants de vapeur
sulfureuse et les bruines sinistres et étouf-
fantes. Tous les objets exposés se cou-
vrent d’une croûte de minéraux étranges
et de moisissures. Les métaux ternissent
en une nuit. Le cuir moisit. Le tissu de-
vient rigide, puis cassant. La nourriture
empeste le soufre.
Juste au-delà de la mer du Poison se
trouvent les Flèches, enveloppées par la
vapeur de la lave bouillante qui dévale
leurs pentes et se jette dans l’océan. Les
Flèches forment les volcans les plus actifs
de tout Taladas, une chaîne entière vomis-
sant des cendres, des fumées, du magma
et des coulées de lave. Pourtant, même ici,
se développe la vie, car les gnomes se sont
trouvés un havre de paix au milieu de tout
ce chaos.
Au cœur même du Hitehkel se trouve
le royaume de Hiteh. C’est le territoire
que les conteurs identifient à l’enfer,
l’Abysse amené sur la terre. Il s’agit de la
blessure béante de Krynn. Son anneau
extérieur est formée d’une croûte de lave
refroidie, épaisse par endroit et fine à
d’autre, mouvante et craquelée, dange-
reuse à traverser. C’est comme une lande,
solide à certains endroits, constituée de
sables mouvants à d’autres, où un faux
pas mène à une terrible catastrophe. L’air
empeste les gaz toxiques et la chaleur est
suffocante.
Bien pire encore est le centre même de
la grande mer Ardente . Ici, la terre saigne
et crache constamment du magma frais
avant même que la surface n’ait le temps
de se refroidir. C’est un océan de roche
fondue, infranchissable sauf par les plus
extraordinaires des moyens. L’atmosphère
ici est un pur poison et la température
suffisamment élevée pour embraser un
homme en quelques minutes. Peu, à l’ex-
ception des gnomes, se sont jamais ris-
qués ici, car c’est comme se tenir au cœur
d’un volcan.

L’HOSK SEPTENTRIONAL
L’Hosk septentrional
La lumière du soleil guide nos pas
Aux tentes de nos mères.
L’herbe verte des prairies guide nos pas
Aux tentes de nos pères.
L’eau qui serpente dans son lit guide nos pas
Aux tentes de nos sœurs.
Le cerf aux bois altiers guide nos pas
Aux tentes de nos frères.
Le sang qui coule dans nos veines guide nos pas
Aux tentes de nos cousins.
Salutations traditionnelles uiganes
L’Hosk septentrional représente la
plus vaste de toutes les contrées de Tala-
das et son deuxième foyer de population
en importance. C’est une terre âpre regor-
geant de merveilles géologiques. Une terre
de légendes peu connue des gens du sud,
patrie d’innombrables tribus nomades qui,
constamment, se mélangent, se divisent,
se conquièrent et se pillent. Ces peuples
ont appris à survivre dans les conditions
les plus difficiles, des steppes poussié-
reuses du sud aux étendues glacées du
grand nord.
L’Hosk septentrional se compose de
trois zones principales. La plus grande et
la plus peuplée est le Tamire, une étendue
de steppes qui s’étend depuis le Ressac
jusqu’au milieu du continent. Cette terre
est réputée pour ses féroces cavaliers hu-
mains et elfes. Le long de sa côte sud, près
de l'embouchure du Ressac, se trouvent
plusieurs villes commerçantes, dépendant
nominalement de la Ligue du Sud.
L’autre région d’importance, le désert
de Panak. Seules quelques tribus vivent
dans ce désert gelé, gardant des troupeaux
de nasif et pêchant dans les eaux glacées
des Guurlamskas, la mer du Nord.
Le Ressac et les monts Annelés isolent
le Tamire du reste de Taladas. La pre-
mière n’est qu’un obstacle mineur, sauf
pour ceux qui sont assez stupides pour ne
pas se soucier du flux et du reflux des
marées. La seconde est beaucoup plus
redoutable et recèle à la fois de richesses
et de dangers. Des tribus de gobelins et
les légendaires Démons hurlants nichent
dans ses flancs et ses crêtes. Au cœur de la
cordillère se trouvent les Terres brillantes,
des étendues de basalte lisse et vitrifiées,
ciselées et polies par les vents de sables
mortels et tranchantes comme des rasoirs.
LE TAMIRE
Le Tamire (qui signifie « Terres
justes » dans la langue uigane) est une
plaine légèrement vallonnée parsemée de
chaînes de montagnes peu élevées et de
zones éparses de fourrés denses. La majo-
rité des terres, cependant, sont couvertes
de prairies d’herbes hautes et de brous-
sailles épineuses.
Bien qu’il englobe une large part de
l’Hosk septentrional, les conditions mé-
téorologiques sont assez homogènes dans
tout le Tamire. Les variations saisonnières
sont extrêmes. La température moyenne
en été s’y situe entre 25 et 30° Celsius,
tandis qu’en hiver elle varie de −15 à −10°
Celsius. Des fourchettes extrêmes de 35 à
−35° Celsius peuvent s’y produire. Plus on
se déplace vers le nord du Tamire, plus la
moyenne des températures est basse. En
outre, dans les régions nordiques, la tem-
pérature chute la nuit et augmente assez
sensiblement le jour, ce qui donne des
journées brûlantes et sèches suivies de
nuits glaciales. Les pluies y sont peu fré-
quentes. La moyenne annuelle des précipi-
tations est d’un peu plus de 30 cm. En
hiver, le sol est normalement recouvert
d’une fine croûte de neige et des blizzards
féroces déferlent parfois sur les plaines
ouvertes.
Le Tamire repose sur un solide bou-
clier granitique qui a été quelque peu rele-
vé lors du Cataclysme. Ainsi, le littoral sur
la plus grande partie de sa longueur est-il
abrupt et déchiqueté, avec peu de bons
ports ou de points de débarquement. Le
rivage s’amenuise vers le sud, laissant
place à de larges plages ouvertes à l’em-
bouchure du Ressac.
Sous la pression, la plaque tectonique
a été déplacée à travers la plaine environ-
nante et a donné naissance au centre du
Tamire à deux chaînes de basses mon-
tagnes. Leur extrémité nord marque la
limite du Tamire proprement dit. Bien
que peu élevées et adoucies, ces deux
chaînes sont parsemées de nombreux
affleurements granitiques, fissurés et fen-
dus par l’âge. Leur hauteur en surplomb
du plateau oblige les pluies à se déverser
davantage sur leurs pentes et sert égale-
ment à briser la fureur des tempêtes hiver-
nales soufflées depuis l’océan.
11
L’HOSK SEPTENTRIONAL
Les chaînes nord et sud sont respecti-
vement appelées en langue uigane, Uesi
Ilquar (Grands Ilquars) et Burya Ilquar
(Petits Ilquars). Entre les deux se trouve
un large territoire appelé Tamogiur (la
Terre de passage). Ce territoire a joué un
rôle de frontière majeure et de lieu de
pourparlers entre les différentes tribus du
Tamire tout au long de l’histoire.
Comme elles reçoivent plus d’eau que
les plaines environnantes, les monts Il-
quars sont couverts d’épaisses forêts de
pins et de feuillus, bien que le cœur des
chaînes s’élève au-dessus de la limite des
arbres . Ces forêts fournissent aux habi-
tants du Tamire la majeure partie de leur
bois pour la sculpture et la construction
de charrettes. Cerfs musqués, renards,
sangliers, martres, ours et zibelines ni-
chent sur ses versants boisés, tout comme
des meutes d’araignées chasseuses et des
tribus de gobelins. Les forêts sont rem-
plies d’oiseaux et de petits mammifères :
souris, musaraignes, écureuils, lapins et
tamias, ce qui en fait un lieu propice pour
la chasse. Elles offrent également un re-
fuge hivernal à de nombreux animaux de
la steppe, en particulier les antilopes, les
chevaux et les rares tigres des steppes, qui
cherchent tous à s’abriter sur les versants
inférieurs boisés.
Dans les steppes évoluent les trou-
peaux d’antilopes, de chevaux sauvages et
(au nord), de chameaux. Tous profitent
des herbes à tige coriace et, l’hiver, des
mousses de la plaine. Ces animaux sont la
proie des ankhegs, des bulettes, des chiens
sauvages et des loups qui suivent les trou-
peaux lors de leur migration à travers les
steppes. Le tigre des steppes, lui, se fait
plus rare. Autrefois, il parcourait en
nombre le Tamire. Aujourd’hui, on ne le
trouve plus que dans les régions des
monts Ilquars. Aux alentours, gîtent aussi
les précieux faucons, prisés les chefs et les
rois. Ces oiseaux s’attaquent aux lapins,
aux souris, aux écureuils terrestres et au
gibier à plumes qui vivent dans les prai-
ries.
Le vieux proverbe uigan qui assure
que « Seul l’archer sans cervelle meurt de
faim », en référence aux richesses de leur
terre, est dans le vrai. Les Uigans ont en
effet prospéré dans un pays que beaucoup
d’autres jugeraient trop rude. Mais ils ne
sont pas les seuls. De nombreuses bandes
nomades et semi-nomades d’humains et
d'elfes font depuis longtemps partie inté-
grante de la vie du Tamire.
L’HOSK SEPTENTRIONAL
Parmi les tribus humaines, les Uigans
forment actuellement la force la plus im-
portante et la plus puissante des steppes.
Les autres sont les Kazars, Pureshks, Pur-
gis et Alan-atus. Il existe également de
nombreux clans plus petits qui n’ont pas
encore accédé au statut de véritable tribu.
Bien qu’elles présentent de nombreuses
similitudes apparentes entre elles, chaque
tribu se considère avec fierté comme très
différente des autres. C’est une grave in-
sulte que de sciemment mal nommer la
tribu d'un homme.
Les Clans des elfes appelés aussi hosk'i
imou merkitsa ou les « déjà Présents [avant
le Cataclysme] » sont numériquement
moins nombreux, mais peut-être plus
étroitement structurés et féroces. Reven-
diquant un droit imprescriptible sur
l’Hosk bien antérieur à celui des humains,
les elfes conservent leur mode de vie bar-
bare depuis des siècles. Bien qu’ils préfè-
rent en général s’attaquer à leurs ennemis
ancestraux, les gobelins, ils n’hésitent pas
à s’en prendre aux tribus humaines voire
aux autres clans elfiques, si l’occasion se
présente.
Bien qu’ils se considèrent tous comme
appartenant à une unique tribu, et font
remonter leurs lignées à des ancêtres com-
muns, les elfes sont en fait divisés en clans
tribaux. Chaque clan possède un totem
spécifique, un quoyai ou esprit protecteur,
auquel il peut être fait appel en cas de
grand danger. Les totems claniques com-
prennent le Tigre, l’Ours, le Renard, le
Cheval, le Serpent et le Faucon. Tous les
Clans des elfes sont exceptionnellement
compétents dans le maniement du cheval,
de l'arc et surpassent même les meilleurs
cavaliers des tribus humaines.
Entre les humains et les elfes se trou-
vent les villages de gobelins. Chassés par
les elfes et persécutés par les humains
depuis toujours, les gobelins ont formé un
ensemble de villages familiaux dans les
monts Ilquars. Situés sur les sommets
surplombant les routes commerciales,
chaque village n’est guère plus qu’une
forteresse de briques crues et de pierres.
Autour d’eux, les gobelins chassent, font
pousser quelques maigres récoltes et se
livrent au pillage aux dépens de leurs voi-
sins humains et elfes. Des siècles de
coexistence leur ont appris à ne pas mo-
lester les caravanes qui empruntent les
routes commerciales voire parfois à se
rallier à la défense d’un marchand apprécié.
Enfin, le long de la côte, près de l’em-
bouchure du Ressac, sont implantées Ru-
dil, Milgath et Baraskt, les nouvelles cités
de la Ligue des Minotaures. Elles sont
relativement nouvelles, Rudil, la plus an-
cienne, n’ayant été fondée qu’il y a 123
ans. Rudil a prospérée mais ne s’est guère
développée, sa taille étant limitée par le
traité négocié avec les Uigans dans les
premières années de sa fondation. Néan-
moins, il s’agit de la plus grande des trois,
les deux autres n’étant guère plus que des
avant-postes commerciaux qui ont vu le
jour pour faire face à l’augmentation
croissante du commerce entre la Ligue et
l’Hosk septentrional.
Actuellement, les Uigans forment la
puissance dominante des steppes. Leur
tribu compte entre 60 000 à 70 000 indivi-
dus, répartis entre 130 clans familiaux
différents. Cependant, le nombre ne suffit
pas à lui seul à expliquer leur puissance.
Leurs effectifs ont été beaucoup plus im-
portants à d’autres moments de l’histoire.
Les Uigans se sont imposés parce qu’ils
ont un chef capable, Yakinf Boyla (Boyla
signifiant chef), qui a su garder les clans
familiaux unis.
Les Uigans dominent les steppes entre
l’océan et les monts Ilquars et patrouillent
le Tamogiur, contrôlant ainsi efficacement
la majorité du commerce dans tout le
Tamire.
Les tribus purgies et pureshkes, les
plus petites des tribus humaines restantes,
sont théoriquement alliées aux Uigans.
Les Kazars vivent à l’extrémité nord du
Tamire, de part et d’autre de l’Uesi Ilquar.
Ils migrent vers l’extrémité sud-ouest du
désert de Panak pendant la courte saison
estivale, puis retournent sur leurs tradi-
tionnelles terres d’hivernage dans le nord
des Ilquars au début de l’automne. Ce
sont de féroces guerriers, qui affrontent
fréquemment les Uigans, les Clans des
elfes et le Peuple des glaces du Panak,
mais leur nombre est réduit. La tribu en-
tière compte peut-être 30 000 âmes.
Les Alan-atus forment un peuple de
montagnards, qui élève des troupeaux
dans les vertes vallées des Ilquars. Ils se
soucient bien plus des villages gobelins et
des raids des cavaliers uigans que des pil-
lards elfes qui se font rares.
Les Clans des elfes dominent les ver-
sants internes des chaînes des Ilquars. Au
total, ils comptent environ 50 000
membres. Cependant, des querelles entre
12
tribus les divisent de longue date, ce qui
les empêche d’agir efficacement contre
leurs voisins. Seule leur fureur sauvage a
empêchés les Uigans et les Kazars d’em-
piéter sur leurs terres.
LES UIGANS
Les Uigans forment un peuple svelte
et de petite taille. La couleur de leur peau
va du brun pâle et buriné au blanc-jaune.
Leur tête est plutôt fine et allongée. Con-
trairement à leurs cousins kazars, les
crânes uigans ne sont pas déformés ni
remodelés pendant l’enfance. Leurs yeux
sont foncés et bridés . Leur nez est
quelque peu aplati et leurs pommettes
sont généralement hautes et proémi-
nentes. Leur menton est bien dessiné et
prononcé. La plupart ont les cheveux
noirs ou roux foncé. Les cheveux brun
clair ou blonds sont pratiquement incon-
nus. Lorsque cela se présente, il s’agit
généralement du résultat de mariages en
dehors du groupe des Uigans/Kazars. Les
hommes ont une pilosité faciale fine ; une
barbe et une moustache soigneusement
entretenues ne sont pas rares.
En dehors de ces caractéristiques bio-
logiques, l’apparence des Uigans est assez
particulière. Un homme, à l’âge adulte,
porte des tatouages bleu-noir sur les pom-
mettes et le front. Leurs motifs varient
selon la famille, leur tailles et leur nombre
donnent une indication générale des
prouesses et du rang de celui qui les porte.
Les guerriers se rasent la tête, à l’ex-
ception d’une unique mèche sur le côté
gauche. Cette mèche est tressée et liée à
l’aide d’un fermoir en argent. Les prêtres
se rasent entièrement le crâne. Les autres
hommes (sorciers et esclaves) portent
leurs cheveux longs. Il est formellement
interdit aux esclaves d’attacher leurs che-
veux d’une quelconque manière, tandis
que les magiciens lient généralement les
leurs en de longues tresses. Les femmes se
laissent pousser les cheveux longs puis les
rabattent sur le dessus de la tête, les fixent
avec des bandes d’or et d’argent et recou-
vrent le dessus avec une petite coiffe.
Avant le mariage, elle est généralement
blanche ce qui est considéré comme une
couleur propice. Après le mariage, elle est
normalement rouge ou bleue, selon la
coutume familiale spécifique. Aucune
disposition particulière n’est prévue pour
distinguer les enfants des deux sexes.

Les vêtements sont généralement con-
fectionnés à partir de cuirs, de feutres de
laine, de poils de cheval ou de chameau.
Les soies, obtenues auprès des commer-
çants de la Ligue, sont portées pour les
grandes occasions. Les couleurs tradition-
nelles portées par les hommes sont le
bleu, le marron et le jaune, tandis que les
femmes privilégient le bleu et le rouge. Le
costume masculin se compose générale-
ment d’un pantalon ample, d’une tunique
de laine qui tombe aux genoux et d’un
gilet. Des bottes en cuir souple et à se-
melle rigide, aux extrémités légèrement
recourbées, sont portées pour se protéger
des hautes herbes coupantes. Par temps
froid, des robes et des mitaines doublées
de fourrure sont ajoutées. Enfin, aucun
cavalier Uigan ne serait complet sans son
chapeau pointu si typique. Celui-ci est
normalement fait de feutre doublé de
fourrure, et se prolonge par une énorme
encolure et des oreillettes. En hiver, une
version lourde en cuir et en fourrure est
portée.
Les femmes uiganes portent les
mêmes bottes et une version plus longue
et plus habillée de la tunique de l’homme.
Au lieu de la coiffe pointue, elles s’enve-
loppent la tête dans de lourdes capuches
de laine, le haut de leurs coiffures dépas-
sant dans le dos. Les enfants portent de
simples robes longues et utilisent une
chausse plus douce pour les pieds. Les
Uigans des deux sexes, du plus jeune au
plus âgé, portent un poignard, appelé cou-
teau-flèche. Renoncer à son couteau-
flèche équivaut à se rendre. En temps de
guerre, chaque guerrier s’équipe du mieux
qu’il peut. La majorité sont des archers
montés légèrement protégés. L’équipe-
ment standard comprend une armure de
cuir matelassée et de tissu rembourrée en
forme de robe, deux arcs courts compo-
sites, 400 flèches, une hachette et deux
lances de cavalier légères.
Les nobles et les plus fortunés for-
ment la cavalerie lourde. Ils sont équipés
d’une armure feuilletée, d’une lance de
cavalier moyenne, d’un arc court compo-
site, de flèches, et d’une épée longue, tan-
dis que le cheval porte une barde feuille-
tée. En outre, chacun dispose normale-
ment d’un certain nombre d’autres armes
personnelles, dagues, masses et haches
d’armes étant les plus courantes.
Il n’y a pas d’uniforme standard, bien
que les membres d’une famille particulière
puissent adopter une pièce d’habillement
qui les identifie. En outre, chaque homme
porte des vêtements et une armure aussi
élégants qu’il puisse se le permettre. Les
peaux de zibeline, de martre et de tigre ou
les panaches de prêle servent à l’ornemen-
tation.
Les Uigans sont nomades et parcou-
rent le Tamire de long en large au cours
d’une année. Ils n’ont pas d’habitation
fixe, mais vivent dans des tentes (appelées
yourtes) faites de feutre épais et de cuir.
La yourte est tendue sur un léger cadre en
osier. Le sol en terre battue est recouvert
d’une épaisse couche de tapis et de cous-
sins. Par beau temps, la cuisine est faite à
l’extérieur, les feux sont apportés à l’inté-
rieur pendant les périodes de pluie ou de
froid extrême.
Les rumeurs assurent qu’un Uigan est
prêt à manger n'importe quoi. On sait
pertinemment qu’ils se nourrissent de la
chair des moutons, des chevaux, des cha-
meaux, des antilopes, des cerfs, des chiens
et même des souris en temps de nécessité.
L’un de leurs mets favori est l’agneau de
lait, considéré comme plus tendre et plus
fortifiant que la viande normale. Leur
principale boisson est le lait de jument,
qui fait partie intégrante de leur alimenta-
tion. Ils le boivent pur, le transforment en
yaourt, le pressent en caillé et le laissent
même fermenter pour en faire une bois-
son forte appelée kumiss. En marche ou
en campagne, ils mangent des lamelles de
viande séchée ramollie sous la selle, du
caillé de lait de jument et une bouillie de
millet, de lait de jument et de sang animal.
Les quelques légumes qu’ils consomment
sont normalement cueillis dans la nature
et ils ne mangent pratiquement pas de
fruits, à l’exception des baies lorsqu’elles
sont de saison.
L’agriculture n’est pas le point fort des
Uigans. Ils dépendent de leurs troupeaux
de chevaux, de moutons et de chameaux
pour la plupart de leurs besoins en nourri-
ture et en vêtements. En outre, ces ani-
maux leur servent de principal monnaie
d’échange avec les marchands de la Ligue.
Les chevaux uigans, comme tous ceux du
Tamire, sont réputés pour leur robustesse
et sont appréciés dans toutes les villes de
la Ligue. En échange de bétail, de cuir et
de feutre, ils reçoivent des produits finis,
tels que de la soie ou des objets en cuivre,
ainsi que du millet et du riz.
Comme d’autres tribus des steppes, les
Uigans sont réputés être des cavaliers et
des archers émérites. Leur vue aiguisée est
légendaire, tout comme leurs techniques
de campagne. Dans tout le Tamire et
même dans les terres situées au-delà, leurs
13
L’HOSK SEPTENTRIONAL
talents de guides et pisteurs sont prisés.
Leur vie nomade leur a permis de déve-
lopper la capacité exceptionnelle de se
souvenir des lieux et des objets. Ils maîtri-
sent même les rudiments de la navigation
stellaire bien que peu, voire aucun, n’ait
d’expérience en mer. Les peaux étant l’une
des rares ressources naturelles dont ils
disposent, ils sont réputés pour leur travail
du cuir.
Société uigane
La tribu uigane se compose d’environ
130 clans familiaux différents. Chacun
compte en moyenne 480 membres et
comprend plusieurs familles distinctes,
toutes liées par les liens du sang ou du
mariage. Chaque famille occupe une tente
ou yourte. En plus des membres de la
famille, elle peut abriter également un
certain nombre de serviteurs ou d’esclaves
qui lui sont associés.
La responsabilité de la tente se divise
entre les activités internes et externes.
La gestion du ménage, y compris l’en-
tretien des troupeaux et la responsabilité
du poulinage, est dirigée par la première
épouse. En règle générale, il s’agit de la
première femme choisie par le chef de
famille. Toutefois, il peut, s’il le souhaite,
allouer ce titre à une autre épouse favorite.
Comme le fils aîné de la première épouse
est automatiquement considéré comme
l’héritier, il existe souvent une rivalité
féroce entre les épouses pour les faveurs
du chef de famille. Les questions exté-
rieures (négociation avec les autres fa-
milles, organisation des mariages, partici-
pation aux conseils de clans) sont traitées
par le chef de famille, qui a le plus haut
statut au sein de la famille. Il s’agit du plus
âgé des hommes de la branche directe
(généralement le père ou le grand-père).
Lorsqu’il décède, le titre revient à son
frère ou à son fils aîné (s’il est majeur).
Le clan familial est dirigé par un tegin
ou prince, issu de la famille fondatrice du
clan. Cette famille constitue la classe
noble du clan. Ainsi, au sein d’un clan
familial, il existe une noblesse qui va du
fondateur du clan jusqu’au fils aîné (ou au
frère lorsqu’il n’y a pas de fils survivants)
et plusieurs branches cadettes (les enfants
des filles, des frères et de quelques fils).
Au fil des ans, certains clans s’éteignent
(faute de descendance masculine), tandis
que d’autres se développent au point de se
diviser pour former deux clans apparen-
tés. On peut affirmer à juste titre que tous
les clans uigans sont liés les uns aux autres
à un degré ou à un autre.
L’HOSK SEPTENTRIONAL
Une fois l’an, les tegins se réunissent
pour élire un boyla (grand prince ou duc).
Lors du conseil, les tegins des quatre fa-
milles boylas (les familles qui revendi-
quent une lignée directe avec la première
famille de la tribu) se proposent ou pro-
posent la candidature d’autres personnes.
Bien que le système soit sans conteste
démocratique, il ne présente aucune des
limites juridiques des gouvernements plus
civilisés. L’influence, les menaces, la cor-
ruption, les duels et même les meurtres
font partie du processus. Bien entendu, la
violence entraînera des querelles et la pos-
sible dissolution de la tribu. Comme le
choix se limite à quelques candidats, les
tegins affichent leur soutien en plaçant
leurs yourtes le plus près possible des
candidats qu’ils favorisent. Souvent, cela
entraîne également la division de la tribu
en factions rivales. Cela a même conduit à
la création de tribus distinctes en conflit
entre elles. En de rares occasions (comme
aujourd’hui sous le règne de Yakinf Boy-
la), la tribu est unifiée derrière un unique
et puissant chef .
La société uigane forme un curieux
mélange d’attitudes patriarcales et matriar-
cales. Les hommes et les femmes sont
considérés comme égaux en droits. L’un
ou l’autre peut divorcer très facilement,
même si un divorce abusif peut apporter
l’opprobre aux deux parties concernées et
même provoquer des querelles. Les biens
sont considérés comme relevant de la
juridiction du mari tant qu’il est en vie,
mais à son décès, sa veuve est autorisée à
réclamer ses cadeaux de mariage avant la
transmission de l’héritage. Le patronyme
n’a pas cours chez les Uigans (chacun
ayant un nom unique), mais les noms de
famille sont tirés du clan de la mère. Ainsi,
le nom complet d’un homme peut être
Mercho du clan Taraqua, Taraqua étant le
nom de la mère de son père.
Il existe deux bénédictions uiganes
prononcées lors des mariages qui décri-
vent parfaitement la vision uigane relative
à cette union. Après que les deux familles
aient négocié secrètement le mariage de
leurs enfants que le marié ait effectué le
yaquadin ou enlèvement rituel de la ma-
riée et que les cadeaux de sang aient été
échangés entre les deux familles, le nou-
veau gendre s’en va vivre chez ses beaux-
parents. Lors de son départ, le père se
lève solennellement (après avoir ingurgité
moults verres de lait de jument fermenté)
et prononce : « Je te chasse. Tu n’es plus
le fils de ton père. Puisses-tu apporter à
ton nouveau père de nombreuses têtes de
ses ennemis. Ses ennemis sont nos enne-
mis. Quand tu viendras à ma porte, ton
arc pourra être tendu ».
À l’arrivée au camp de ses beaux-
parents, le père de la mariée le salue en
disant : « Voici mon fils, acheté avec mon
sang ! Puisses-tu engendrer de nom-
breuses filles pour nous faire honneur
parmi les clans. Puisses-tu engendrer de
nombreux fils pour nous apporter la tête
de nos ennemis. Quand tu dormiras dans
ma tente, ton arc pourra être tendu ». À
partir de ce jour, le beau-père du marié est
considéré comme son père (et il devient
l’héritier de son nouveau père, s’intégrant
dans la hiérarchie familiale en tant que fils
dans la position de naissance qu’occupait
sa femme), tandis que sa mère naturelle
continue d’être légalement considérée
comme sa mère. Ainsi, il a un parent dans
chaque camp.
Au sein de la tribu, il existe plusieurs
classes sociales reconnues. Au niveau le
plus bas, on trouve les serviteurs et les
esclaves. Au-dessus, il y a les gens du
commun. Vient la noblesse du clan, tandis
que les prêtres (et prêtresses) sont généra-
lement considérés comme encore supé-
rieurs. Au sommet de la société, on trouve
les nobles du conseil des boylas et le boyla
lui-même. Hors de la tribu et pourtant en
faisant toujours partie, se trouvent les
magiciens et les mystérieux prêtres de
Mislaxa.
Les serviteurs, des hommes de la tribu
qui travaillent pour rembourser leurs
dettes ou les obligations de leur famille,
figurent au plus bas de l’échelle sociale.
Les esclaves sont normalement des pri-
sonniers raflés lors de razzias. Bien que
tous soient obligés de porter la cangue (un
lourd joug en bois en forme de roue) sauf
lorsqu’ils travaillent, le statut accordé au
prisonnier varie en fonction de son rang.
Ainsi, les membres lambda des tribus ne
bénéficient-ils d’aucune considération
particulière, tandis que ceux de sang noble
sont nettement mieux traités. Les prison-
niers importants sont régulièrement trans-
férés dans des tentes familiales différentes,
à la fois pour répartir la charge de leur
surveillance et afin d’éviter que la loyauté
de ses gardiens ne s’en trouve affectée.
Au sein de la tribu, les gens du com-
mun, qui constituent la majorité de la
population, sont théoriquement tous
égaux en droit. En réalité, l’importance
d’un membre varie en fonction de sa ri-
chesse, de sa personnalité et de son lien
de parenté avec le chef du clan.
14
L’importance d’un tegin au sein de la
tribu peut également varier en fonction
d’un certain nombre de facteurs. Les
tegins les plus importants sont ceux des
familles boylas. En second lieu, les tegins
qui dirigent les familles les plus nom-
breuses, car ils ont l’autorité et la richesse
nécessaires pour faire connaître leurs sou-
haits. Vient ensuite la majorité des tegins,
de richesse modérée ou pauvre, ni puis-
sante ni évincée. Enfin, les tegins les
moins importants, mais les plus dange-
reux, sont ceux qui s’opposent au boyla
actuel. Cette opposition peut être due à
des querelles ancestrales ou à une opposi-
tion obstinée et insensée envers celui-ci
notamment à l’occasion de son élection.
Prêtres uigans
Les prêtres uigans occupent une posi-
tion unique et troublante. Avant l’avène-
ment du Cataclysme, leurs pouvoirs en
faisaient des êtres respectés et importants.
Avec la Désertion des dieux, les prêtres se
sont découverts dépouillés des marques
manifestes de leur autorité. Privés de leurs
sorts et de leurs pouvoirs, ils étaient inca-
pables de soigner les blessés, de guérir les
malades ou d’endiguer les épidémies. Se
sentant trahie par ses prêtres, la tribu lui
refuse désormais grande partie de son
respect.
Le clergé a réagi à ce désastre de deux
manières. Le premier groupe était consti-
tué par les prêtresses de Jijin (Chislev), la
grande déesse du Tamire. Auparavant,
leurs pouvoirs permettaient de protéger
les troupeaux, d’aider à la mise bas et
d’assurer une chasse fructueuse. Lors-
qu’elles ont été privées soudainement de
leurs sorts, les prêtresses furent plongées
dans le chaos.
Bien que beaucoup aient perdu la foi,
celles qui sont restées ont continué à ac-
complir les cérémonies comme avant la
Nuit de Hiteh. Dans la mesure du pos-
sible, elles s’attribuaient le mérite des évé-
nements naturels, citant leurs œuvres
comme un succès pour endiguer la marée
du mal et du désastre. Chaque enfant qui
se remettait de la peste était sauvé par
Jijin. Chaque blessure soignée en secret
par un prêtre mislaxien était une interven-
tion publique de Jijin. Au fil des décen-
nies, de nouveaux rituels ont été créés
jusqu’à ce que la prêtrise de Jijin ait for-
mulé toute une série de rites, d’offrandes,
de cérémonies et de procédures à suivre.

Le cheval est au centre du sacerdoce
de Jijin. Les prêtresses Jijin sont facile-
ment identifiables par leurs robes
blanches et leurs chapeaux ornés de pa-
naches de prêles noirs.
Au début du printemps, une offrande
de crin de cheval brûlé est faite à Jijin. La
nuit qui marque le milieu de l'été, les prê-
tresses se réunissent sur des sites sacrés
(généralement au sommet de collines sté-
riles) et préparent des feux de joie. Les
poulains de l’année sont rassemblés pour
être nommés. Plusieurs adeptes scarifient
chaque animal et lui dessine un motif sur
le flanc qui permet d’identifier son clan
d’appartenance. D’autres oignent l’animal
avec du lait de jument aspergé par une
cravache en crin de cheval. Enfin, la prin-
cipale prêtresse du groupe donne un nom
secret à la monture, en le lui chuchotant à
l’oreille. Aucun homme n’est autorisé à
participer au rite. Les femmes du clan
assistent à la présentation des chevaux.
Pendant la période de poulinage, les
prêtresses assistent à la mise bas. Elles
prennent également les enfants les plus
prometteurs et leur transmettent l’histoire
ancienne et de nombreux arts qui autre-
ment auraient été perdus.
Grâce à sa persévérance, à l’éducation,
aux rituels et à sa malice, le culte de Jijin a
retrouvé une grande partie de son statut
perdu. Les prêtresses servent maintenant
couramment de conseillères à tous les
tegins. De plus, leurs connaissances et leur
formation en ont faites des ambassadrices
utiles et des négociatrices entre les diffé-
rents clans et même auprès d’autres tribus.
Une prêtresse peut être amenée à négocier
un mariage, à fixer le prix du sang pour
mettre un terme à une querelle, ou à por-
ter des messages diplomatiques aux
Kazars. Elles sont indispensables aux
tegins pour traiter avec les marchands de
la Ligue qui ont la réputation de fourberie
et de duperie. Pour toutes ces raisons, les
prêtresses ont normalement un statut égal
ou même supérieur à celui d’un tegin
moyen.
Ces dernières années, un nouvel évé-
nement a bouleversé les rangs de la prê-
trise. Sans trop d’explications, Jijin a ren-
du ses pouvoirs à certaines prêtresses, les
plus fidèles et les plus dévouées. Ce signe
de faveur sans précédent a créé un
schisme au sein de la prêtrise en deux
factions : celle qui a les faveurs de Jijin et
celle qui n’a pas cette chance. Plusieurs
synodes ont été convoqué pour réfléchir
15
L’HOSK SEPTENTRIONAL
aux causes de cet événement, mais actuel-
lement aucune réponse satisfaisante n’a pu
être formulée.
Les hommes de la tribu entretiennent
également une liturgie spéciale consacrée à
Qu’uan le Guerrier (Kiri-Jolith). Les
prêtres et les adeptes sont tous des
hommes. Les prêtres de Qu’uan sont aisé-
ment reconnaissables à leurs robes forte-
ment matelassées, confectionnées à la
manière d’une armure de guerre, et par
leurs coiffes en métal. Ils n’ont pas de
rites réguliers et ne se réunissent et n’utili-
sent leurs pouvoirs que lorsque la situa-
tion l’exige.
Les prêtres de Qu'uan se préoccupent
de la guerre et de la virilité. La cérémonie
la plus importante qu’ils président est
l’anda ou rite de passage à l’âge adulte. Il a
lieu à l’âge de 14 ans et c’est un événe-
ment majeur pour le garçon. Le père in-
vite les autres hommes du campement et
prépare une fête en l’honneur de son fils.
Le nombre et le statut des invités est une
importante occasion de démontrer le sta-
tut social de la famille, aussi normalement
tous les efforts sont-ils faits pour faire de
cet événement une réussite.
Lors de la cérémonie, le garçon est
présenté aux prêtres par son père. Le gar-
çon doit réciter la lignée de sa famille aux
L’HOSK SEPTENTRIONAL
prêtres comme preuve de sa valeur. Les
prêtres lancent alors des os divinatoires en
bronze pour déterminer les présages de
l’avenir du garçon qui sont annoncés aux
invités et peuvent entraîner de grandes
réjouissances ou du désespoir et de la
tristesse pour la famille. Ensuite, les
prêtres emmènent le garçon et enfument
son corps au sein d’un feu sacré de bois
de saule et de crottin. Ils lui appliquent
ensuite un tatouage sur le visage, marque
de sa virilité. Il reçoit alors son nom
d’homme. À compter de cet instant, il est
considéré comme un homme de la tribu et
est invité à la fête en tant qu’invité d’hon-
neur.
L’autre fonction majeure des prêtres
est de bénir les guerriers avant d’aller au
combat. C’est un processus très simple,
mais aucun homme ne se sent en sécurité
sans la parole du prêtre à la veille d’une
bataille. Seuls les chefs téméraires vont à
la guerre sans que leurs étendards n’aient
préalablement été trempés dans un mé-
lange de lait et de sang de jument.
Avant le cataclysme, certains prêtres
de Qu’uan pouvaient accomplir de
grandes merveilles, mais cette époque est
révolue depuis longtemps. Cependant,
contrairement aux prêtresses de Jijin, les
prêtres du Qu’uan ont peu souffert de la
perte de leurs pouvoirs.
Ils ont malgré tout continué comme
avant, s’attribuant le mérite des victoires,
tout en imputant l’échec à acte quel-
conque déplaisant pour Qu’uan.
Les histoires centrées sur des prêtres
d’avant le Cataclysme sont devenues celles
de héros de guerre légendaires. En effet,
les récits ont été exagérés. Au fil des ans,
les prêtres ont développé la pratique con-
sistant à accepter des cadeaux pour ser-
vices rendus, en particulier à l’occasion de
l’anda. Plus les cadeaux offerts sont d’im-
portance, plus la probabilité est grande
d’une lecture heureuse des présages, la
partie la plus importante de ll’anda. Dans
le même temps, les prêtres veillent généra-
lement à ne pas abuser de ce pouvoir.
Plus les lectures qu’ils donnent sont posi-
tives, plus ils auront de travail.
Tout comme les autres dieux, Qu’uan
a rendu son pouvoir à quelques-uns de ses
fidèles. Cela menace de créer un change-
ment de pouvoir majeur au sein des fa-
milles. Subitement, il y a des prêtres de
guerre avec de vrais pouvoirs. Les familles
disposant de ces prêtres ont réussi à aug-
menter leur pouvoir et leur prestige au
détriment de celles servies par des
« charlatans ». Plusieurs de ces prêtres
moins chanceux ont été exécutés par le
chef de leur clan parce qu’ils étaient inca-
pables de rivaliser avec ceux d’autres
clans. Cette situation entraîne une crise de
grande ampleur au sein des clans fami-
liaux.
Les prêtres et prêtresses de Mislaxa se
sont adaptés au nouveau Taladas d’une
manière totalement différente.
Lorsque le désastre du Cataclysme
s’est produit, ceux de Mislaxa qui sont
restés ou ont survécu ont tenté de pour-
suivre leurs efforts de guérison, en s’ap-
puyant sur leurs maigres connaissances
des herbes et de la médecine. Durant les
vingt années où ils ont été abandonnés
par leur déesse, les prêtres ont appris de
nombreux secrets sur la guérison natu-
relle. Même avec la perte de la part la plus
conséquente de leurs pouvoirs, leurs arts
de la guérison leur ont permis de rester
respectés et favorisés. Lorsqu’ils ont re-
trouvé leurs pouvoirs, ils se sont adaptés
en conséquence.
Comme c’est le cas aujourd’hui avec
Jijin, tous les prêtres de Mislaxa n’ont pas
retrouvé leurs capacités, seuls les plus
fidèles et les plus pieux. Beaucoup de ceux
qui n’ont pas réussi cette épreuve ont
quitté le sacerdoce, certains amers et
d’autres soulagés. Néanmoins, certains
sont restés pour poursuivre leurs études
de botanique et aider leurs frères et sœurs
élus. Dans le même temps, les prêtres
furent contraints par Mislaxa de maintenir
leurs nouveaux pouvoirs dans le secret et
le double jeu. Finalement, les prêtres de
Mislaxa ont formé une société secrète et
ont disparu de la vie quotidienne de Tala-
das.
Aujourd’hui, même si les vrais dieux
sont revenus sur Krynn, les prêtres de
Mislaxa continuent d’œuvrer caché. Après
plus de 200 ans, le secret est devenu une
partie intégrante de leur rituel et ne peut
être aisément abandonné. C’est pourquoi
les prêtres et prêtresses de Mislaxa (le
culte ne fait aucune distinction entre les
sexes) ne portent aucun symbole visible
de leur foi hormis un simple manteau
brun, souvent rapiécé et défraîchi. Ils utili-
sent également des signes de mains secrets
pour s’identifier les uns les autres lorsque
cela est nécessaire. Ces signes ne sont
généralement pas connus du commun des
Uigans, bien qu’ils soient parfois révélés à
d’autres.
Les mislaxiens n’ont ni autel, ni église,
ni aucun autre symbole officiel de pou-
voir. Les sites de pouvoir ou sacrés pour
la religion sont dispersés sur tout le terri-
16
toire. Ils sont soit mémorisés, soit mar-
qués par des signes secrets. Tout l’attirail
liturgique de Mislaxa est gardé très secret,
et n’est exhibé que lors de cérémonies
spéciales auxquelles seuls les initiés peu-
vent assister.
Condamnés au secret, tous les prêtres
de Mislaxa sont des vagabonds, plus no-
mades que les nomades de la société où ils
évoluent. Ils voyagent normalement seuls
ou en compagnie d’une ou deux autres
personnes, généralement un aide-
herboriste, un acolyte, ou les deux.
Un prêtre mislaxien renonce à tout
lien avec sa famille et son clan, embras-
sant la religion comme nouveau foyer.
Ainsi, ces prêtres sont des étrangers dans
chaque clan qu’ils visitent. En arrivant
dans un village étranger, un prêtre compte
sur l’hospitalité traditionnelle des Uigans
et sur les coutumes qui sont apparues au
sein du peuple à leur sujet. Un étranger en
robe brune est presque systématiquement
traité avec les plus grands égards par les
membres d’un clan.
Les prêtres de Mislaxa ne prêchent pas
aux masses. En effet, ils recherchent
l’anonymat, ne se dévoilant que le devoir
les y contraint. Ils ne font pratiquement
rien pour répandre les croyances de
Mislaxa par leurs paroles, mais s’appuient,
au contraire, entièrement sur les actes. Ils
ont juré de guérir les malades, de soigner
les blessés et d’alléger la douleur de ceux
qui souffrent. De plus, les impératifs du
secret les empêchent d’offrir leurs services
dès leur arrivée.
Généralement, lorsqu’un prêtre se
présente dans un campement, il est reçu
avec beaucoup de respect par le tegin. Si
quelqu’un dans le camp est malade ou
blessé, le tegin offre au religieux l’hospita-
lité de sa yourte, une invitation que le
prêtre décline comme un trop grand hon-
neur. Normalement, l’invitation lui est
reformulée avec insistance jusqu’à ce qu’il
cède, bien qu’un tegin particulièrement
avare ou mesquin puisse le prendre au
mot. Jusqu’à ce moment-là, aucune men-
tion des capacités du prêtre ni des besoins
du campement n’est formulée.
Après que le prêtre a goûté à l’hospita-
lité de la tente, il peut être approché par
ceux qui requièrent ses services. Les
membres de la tribu se présentent à la
porte de la tente du tegin où ils sont auto-
risés à implorer le religieux pour obtenir
son aide. Sauf raisons exceptionnelles, le
prêtre s’occupe alors des besoins des sup-
pliants, utilisant sorts et herbes pour gué-
rir et soigner. Pendant son séjour, il se

voit normalement gratifié de petites
choses utiles : vêtements, couteaux, nour-
riture, voire un nouveau cheval selon les
capacités du foyer.
Ainsi, grâce à ses services, le prêtre
reçoit les choses qui lui permettront de
poursuivre ses voyages. Son séjour n’a pas
de durée déterminée. En général, il dure le
temps nécessaire pour aider tous ceux qui
ont besoin. Quelle que soit sa durée, il
finit toujours par reprendre la route. Il
peut entendre parler de besoins dans un
autre camp ou décider qu’il n’y a plus rien
à faire pour lui sur place
La fraude est une des problématiques
que rencontre le clergé. Des imposteurs
revêtent parfois des robes brunes et se
font passer pour des prêtres mislaxiens.
Ces escrocs risquent une mort horrible
s’ils sont percés à jour par les membres de
la tribu. Comme les mystères sont gardés
secrets, ils peuvent tromper leur monde
en simulant les gestes de guérison et de
lancement de sorts, mais les esprits suspi-
cieux ne tarderont à poser des questions
gênantes. Pire encore, il est possible de
rencontrer qui n’est pas étranger au culte
mislaxien et qui peut poser les bonnes
questions. La punition pour les impos-
teurs est la mort, normalement par dé-
membrement et écartèlement. Un tel
charlatan ne peut guère s’attendre à beau-
coup de clémence.
Une autre difficulté majeure à laquelle
sont confrontés les prêtres est le refus de
l’hospitalité voire l’agression pure et
simple. À leur manière, les prêtres ont
développé une défense parfaite contre ces
risques. Si l’un de leurs est maltraité par
un tegin ou son peuple, les autres privent
simplement cette famille de toute aide
future. Cette mesure peut être de courte
durée (pour démontrer leur pouvoir) ou
permanente (en cas de cruauté flagrante).
Le tegin qui a offensé le clergé se voit
souvent remplacé de force par un tegin
plus pragmatique.
Comme ils ne prêchent pas et qu’ils
tentent de garder leurs rites secrets, les
prêtres de Mislaxa doivent recourir à des
mesures extraordinaires pour remplir leurs
rangs. Ils sont en permanence attentifs
aux jeunes esprits vifs et brillants qui
pourraient être formés à la prêtrise. Ils
n’hésitent pas à persuader un jeune de fuir
sa famille pendant la nuit ou à accepter un
garçon prometteur qui demande à les
accompagner. Dans certaines familles, les
mislaxiens sont presque autant craints
comme kidnappeurs d’enfants qu’ils sont
respectés comme guérisseurs.
Une fois qu’un acolyte a été accepté, il
voyage avec son maître, s’entraînant au
fur et à mesure. Pendant plus ou moins
un an, il se voit enseigner les mystères
fondamentaux de la foi mislaxienne. Il ne
se voit dispensé aucun enseignement de la
magie ou de l’herboristerie.
Une fois que tous les rituels et les le-
çons ont été appris, l’acolyte est amené à
s’initier aux mystères secrets. Un conclave
de 20 prêtres ou plus se réunit sur l’un des
lieux de pouvoir. Cela ne se produit que
les nuits où Ne’ugiar (Nuitari) se couche
et Toyaqual (Solinari) se lève.
L’acolyte est présenté à Mislaxa, ac-
compagné d’un compte-rendu de ses en-
seignements et de ses actes. Au cours de
la cérémonie, il est exposé au Cœur de
Vérité, un secret jalousement gardé par les
mislaxiens et donc au centre des plus ef-
froyables rumeurs. Si l’acolyte réussit le
test, il reçoit les sorts et les pouvoirs d’un
prêtre mislaxien débutant. Seuls ceux qui
ont réussi le test sont autorisés à porter la
robe brune d’un prêtre.
Magiciens uigans
Les magiciens se trouvent à la marge
de la société Uigan. Presque tous les cam-
pements possèdent une yourte dont les
membres s’adonnent à la magie profane.
Les magiciens de type masculin sont fa-
ciles à repérer, car aucun ne porte les ta-
touages obtenus lors de l’anda communs à
tous les autres hommes uigans. La famille
de magiciens est exclue de la plupart des
activités sociales (comme l’anda pour un
garçon) et pourtant elle est traitée avec
beaucoup de déférence par la tribu. Le
clan ne rejette pas la famille, mais la consi-
dère comme un groupe spécial en dehors
de la vie sociale normale.
Il existe de nombreux tabous qui ré-
gissent les relations avec un magicien. Par
exemple, un Uigan ne mangera ni ne dor-
mira pas dans la même tente, ne lui achè-
tera pas de cheval, ne dansera pas avec lui,
ne portera pas ses vêtements et ne boira
pas dans la coupe du sorcier. C’est surtout
la peur qui aliment ses tabous. Leurs pou-
voirs terrifient le commun. Il s’agit donc
d’éviter toute possibilité d’offenser un
magicien dans la vie de tous les jours. Le
17
L’HOSK SEPTENTRIONAL
raisonnement qui prévaut chez les Uigans
est qu’en les isolant, on se prémunit du
risque de les offenser accidentellement.
Les magiciens eux-mêmes ne trouvent
pas cela nullement offensant, car il en a
toujours été ainsi. La tribu reconnaît et
respecte leur différence. En échange du
respect des tabous, ils ont rarement à se
soucier de leurs propres besoins. Les
membres de la tribu sont censés subvenir
aux besoins du lanceur de sorts et de sa
famille en leur fournissant la nourriture et
les biens nécessaires. En échange, celui-ci
fournit les sorts et les conseils dont le clan
a besoin. Bien que les voyageurs trouvent
cet arrangement curieux, il fonctionne
pour les Uigans depuis des temps immé-
moriaux. En revanche, les Uigans n’hési-
tent pas à s’attaquer aux magiciens non
claniques ou tribaux. La peur de leurs
pouvoirs les encourage à considérer tout
sorcier étranger comme une menace.
Les magiciens uigans sont tous des
renégats, sans exception, qui ne respectent
pas les lois des Ordres des Robes (qui
sont beaucoup moins influents sur Tala-
das, de toute façon). Bien que peu d'entre
eux aient tendance à se spécialiser, ceux
qui le font ont tendance à être des abjura-
teurs et des invocateurs. Ils ne sont pas
assez nombreux pour former de grands
groupes ou jouer un rôle important sur le
champ de bataille, mais plus d’un tegin
rusé a su faire bon usage de leurs pou-
voirs.
Justice uigane
En apparence, la loi uigane est très
simple et directe. Les criminels sont jugés
par le tegin. Lorsque l’affaire concerne
deux familles, il leur faut trouver un troi-
sième tegin prêt à officier en tant que
juge. L’affaire est délicate. Toutes les fa-
milles sont apparentées, aussi le juge ne
doit-il pas être plus proche d’un côté ou
de l'autre.
Le juge ne doit pas avoir de loyauté
ancestrale ou de rancune envers l’une ou
l’autre des parties. Aucune des deux ne
doit pareillement avoir contracté d’obliga-
tions envers ce dernier. Enfin, la condi-
tion peut-être la plus difficile, le juge et
son clan familial ne peuvent en aucun cas
être de moindre importance que les par-
ties. Cela implique parfois la nécessité que
l’affaire soit entendue par le boyla et nul
autre.
Une fois le juge trouvé, l’affaire est
instruite. Si elle est claire, il n’y a pas de
L’HOSK SEPTENTRIONAL
difficulté. Le plus souvent, le tegin doit
prendre une décision fondée sur les re-
vendications et les personnes impliquées.
Les décisions ne sont pas nécessairement
basées sur la vérité, mais sur ce qui est le
plus avantageux pour le clan. Les juge-
ments visent à préserver lson unité et à
renforcer les liens de loyauté entre ses
membres.
Pour les actes criminels, les peines
sont normalement sévères et limitées par
la tradition et le statut social. Par exemple,
si un homme de basse extraction tue un
membre du clan de plus haute condition,
lui et sa tente peuvent être exilés du clan.
Si la situation était inverse, le paiement
d’un prix du sang suffirait. Si un homme
de basse condition tue un homme de con-
dition supérieure d’un autre clan, le crimi-
nel peut être réclamé comme esclave pour
un temps déterminé. Si un homme de
haut rang tue un homme de statut infé-
rieur d’un autre clan, un prix du sang pour
la famille meurtrie et le tegin injurié seront
tous deux exigés.
Si un accord est refusé, la partie lésée
et tout parent qui souhaite s’allier à elle
peut légalement lancer une incursion dans
le camp du criminel. L’ampleur de l’assaut
n’est limité que par la sauvagerie des as-
saillants. Les personnes attaquées peuvent
se défendre mais n’ont aucun droit de
plainte. Ils sont considérés comme ayant
provoqué l’attaque dont ils sont la cible.
Lorsque des biens sont volés, en parti-
culier du bétail, la partie lésée (et tous
ceux qui souhaitent se joindre à elle) peut
récupérer ses biens en traquant et en tuant
le voleur. Si cela se produit avant que le
voleur ne retourne dans son clan, très peu
de réclamations peuvent être faites contre
le traqueur. Cependant, si le voleur par-
vient à retourner dans son clan, une récla-
mation pour les biens volés doit être for-
mulée à son tegin. La plainte est alors
instruite comme évoqué ci-dessus.
Bien entendu, ces procédures judi-
ciaires et ces subtilités ne s’appliquent
qu’au sein de la tribu. Les non-Uigans ne
peuvent s’attendre à un traitement clé-
ment ou nécessairement juste s’ils sont
accusés d’un crime. Leur meilleur recours
est la menace de représailles redoutables
(une menace à laquelle les Clans des elfes
excellent) ou de corruption (à laquelle les
marchands de la Ligue recourent parfois).
Dans le cas contraire, la peine encourue
pour un crime est normalement l’escla-
vage ou la mort.
LES CLANS DES ELFES
L’intérieur du Tamire est dominé par
les hosk’i imou merkitsa ou les déjà Présents
[avant le Cataclysme]. Ce sont les Clans
des elfes du Tamire, tristement célèbres
parmi les voyageurs pour leur sauvagerie.
Bien qu’ils soient soumis à la pression de
toutes parts de races plus fertiles et plus
nombreuses qu’eux, ils ont réussi à con-
server la plupart de leurs terres ancestrales
grâce à leurs coutumes brutales et belli-
queuses.
Les elfes du Tamire sont un peuple de
petite taille et à la musculature sèche. La
taille moyenne est de 1,5 m. Contraire-
ment aux autres branches elfiques, il n’y a
guère de différence de taille notable entre
18
les hommes et les femmes. La couleur de
leur peau va du brun café au beige miel,
en partie à cause de mixité évidente avec
les Uigans dans le passé. Leur couleur de
cheveux va du blond miel fin au brun,
bien que l’on connaisse également des
cheveux noirs épais (là encore probable-
ment le résultat du sang des anciens Ui-
gans).
Au niveau du visage, les elfes ont le
menton tiré et le nez fin. Leur bouche a
tendance à être petite et fine et leurs dents
sont un peu plus fines et plus pointues
que celles des humains. Leurs yeux sont
plus bridés mais présentent le pli caracté-
ristique des peuples issus du Tamire. Leur
front semble plus haut que celui de la
plupart des gens, car leurs cheveux sont
plus en retrait que ceux des humains.
Les barbes et les moustaches sont
presque inexistantes, car leur pilosité fa-
ciale est très claire et ténue. Leurs oreilles
sont presque pointues et leurs lobes sont
longs, car ils ont l’habitude de les percer
et de les étirer avec de gros bouchons.
Les membres des Clans des elfes sont
quelque peu futiles quant à leur apparence
et se donnent beaucoup de mal pour pré-
senter un spectacle coloré. Les hommes se
laissent pousser les cheveux longs et les
tressent ensuite. La pratique normale veut
qu’une tresse se trouve derrière chaque
oreille et une autre à l’arrière du cou. Elles
sont normalement fixées avec des attaches
en bois sculpté ou en argent. Leur lon-
gueur est source de fierté et il n’est pas
rare de voir des hommes dont les cheveux
atteignent presque la taille. Ils sont main-
tenus lustrés et souples par l'application
d’une pommade à base de graisse animale
et d’herbes parfumées.
Les hommes portent également des
embouts d’oreilles décorés de babioles, de
plumes et de perles en argent. La tenue
masculine est très similaire à celle des
Uigans : un pantalon, une sur-tunique,
une ceinture et des bottes.
Bien qu’ils préfèrent aller tête nue, en
période de chaleur intense les hommes
portent un simple turban en tissu. En
hiver, ils portent des bonnets en fourrure
garnis de décorations argentées. Ils por-
tent également de lourds manteaux de
fourrure, découpés en cache-poussière et
fermés par des attaches en bois soigneuse-
ment sculptées.
Les femmes elfes portent des vête-
ments similaires à ceux des hommes. Ce-
pendant, le sur-tunique est plus long et
fendu sur le devant et dans le dos. Chaque

moitié peut être attachée à la cheville ou
laissée libre. Elles portent plus souvent
des pantalons de soie à la place des panta-
lons de laine qu’enfilent les hommes.
Comme ces derniers, elles laissent pousser
leurs cheveux en longueur. Au lieu de
tresser, elles tirent leurs cheveux vers le
haut et les lient en chignon sur les côtés
ou les attachent avec des peignes en
forme d’éventails disposés en cascade
dans le dos. Les femmes mariées teignent
leur frange avant au henné, ce qui leur
donne une couleur rouge-brun. Les
veuves marquent leurs joues d’une cica-
trice en biais en signe de deuil. Le nombre
de cicatrices est une indication du nombre
de maris auxquels une femme a survécu.
Les vêtements sont généralement plus
chatoyants et avec plus de motifs que
ceux des Uigans. Pratiquement toutes les
couleurs sont portées, bien que les rouges,
les jaunes, les bleus et les verts soient les
plus courants. Les vêtements sont généra-
lement tissés ou imprimés de larges
rayures, de motifs floraux ou de totems
claniques.
Les cuirs sont rarement laissés dans
des couleurs naturelles, le vert, le rouge et
le noir étant les teintures les plus cou-
rantes. Comme les autres tribus du Ta-
mire, les elfes utilisent la laine et le feutre,
mais ils portent aussi plus de soie, de lin et
de coton négociés auprès des marchands
de la Ligue. Les vêtements d’hiver font
davantage appel aux peaux délicates. Les
manteaux de lapin, de martre, de zibeline
et de renard sont courants et sont garnis
de fourrures encore plus exotiques : le
lynx, le tigre, l’ours, le griffon et la belette
géante.
Lors des raids, le guerrier typique
porte une veste en cuir ou en tissu mate-
lassé fortement rembourré, avec un grand
col droit et rigide pour protéger le cou et
les oreilles. Un petit chapeau en métal
protège la tête. Celle-ci est normalement
ornée du symbole totémique clanique, une
queue du renard, des plumes d’aigle, etc.
Les armes utilisées sont similaires à
celles d’un Uigan : arc court composite,
flèches, lance légère et épée. Le cheval
n’est normalement pas protégé par une
armure, mais il est vêtu d’étamine et de
housses. Certains clans s’habillent avec
des costumes de guerre spéciaux faits
pour ressembler à l’esprit totem du clan.
Les plus redoutables de ces elfes sont
les guerriers d’élite du Clan du tigre. Vêtus
d’un pantalon et d’une chemise en cuir
rembourré à rayures jaunes et noires et
portant une coiffe d’acier et de cuir à l’ef-
figie d’un tigre, ces guerriers sont considé-
rés comme les plus sauvages et les plus
frénétiques de tous les clans. Rares sont
ceux qui, connaissant leur réputation,
peuvent leur faire face lorsqu’ils imitent le
rugissement éraillé du tigre des steppes.
En plus des guerriers légèrement ar-
més, chaque clan dispose d’un petit
groupe de cavalerie lourde. Ces cavaliers
portent des armures d’écailles et manient
de l’épée longue et la masse. Le cheval est
normalement équipé d’une demi-barde en
écailles. En général, cependant, les elfes
privilégient la cavalerie légère, préférant la
vitesse et la rapidité à la puissance de
frappe.
La société elfe
À bien des égards, les elfes du Tamire
vivent une vie très semblable à celle de
leurs voisins humains, les Uigans. C’est un
peuple nomade, qui vit dans des yourtes
et dépend de ses troupeaux de chevaux
pour la plupart de ses moyens d’existence.
Ils partagent généralement le même sens
des valeurs que les Uigans : le respect de
la famille, la vénération des chevaux et un
fort sentiment d’appartenance au clan. Ils
ont une soif de bataille encore plus grande
que les Uigans et chaque homme, quelle
que soit sa vocation, est censé être un
guerrier. Racialement différents de toutes
les autres tribus, les elfes ont tendance à
être encore plus méfiants envers les étran-
gers et arrogants quant à leur propre supé-
riorité, plus encore même que les fières et
hautaines familles boylas uiganes.
La famille est la pierre angulaire de
base de l’identité de groupe chez les elfes.
Elle ne se limite pas aux parents immé-
diats et aux enfants, notamment en raison
de la longue durée de vie des elfes. Ainsi,
une même famille peut comprendre cinq à
six générations et englobe également les
oncles, les tantes et tous leurs enfants.
Deux à quatre de ces familles élargies sont
normalement liées par des liens étroits de
sang et de mariage en un seul clan.
Le clan est la seule structure politique
ayant une quelconque autorité parmi les
elfes. Bien qu’ils reconnaissent le concept
de tribu (tous les clans font remonter leur
ascendance à une même famille), celle-ci
ne constitue pas un élément fonctionnel
de leur société. Les elfes n’élisent pas un
unique chef de tribu. Chaque clan est plus
ou moins indépendant des autres et agit
comme il l’entend dans le cadre des loyau-
tés et des querelles qui régissent les inte-
ractions entre les différents clans.
19
L’HOSK SEPTENTRIONAL
Cette trame qui définit qui s’aime ou
se déteste, régit toutes les activités entre
clans, à l’exception des plus importantes.
Elle dicte les déplacements des clans vers
de nouveaux pâturages, la répartition des
places dans les rares grands conseils, les
mariages inter claniques autorisés et les
droits des prisonniers issus de razzias.
Chaque elfe de la tribu est intimement
conscient de la position de son clan au
regard des autres. Ainsi, les noms se dé-
composent-ils en trois parties : d’abord le
nom du clan, puis le nom de famille, et
enfin le nom personnel.
Un totem particulier, appelé quoyai ou
esprit protecteur personnifie chaque. Il
s’agit d’un esprit animal particulier auquel
faire appel en cas de besoin. À l’origine,
avant le Cataclysme, chaque clan était
dirigé par un chaman qui pouvait commu-
nier directement avec le quoyai. Aujour-
d’hui c’est encore le cas de quelques-uns,
leurs chamans étant déjà présents avant la
Nuit de Hiteh. En général, cependant, la
Désertion des dieux a provoqué une petite
révolution dans la direction des clans.
Alors qu’auparavant, chaque clan avait
tendance à être dirigé par la personne la
plus dévote du clan, après la Nuit de Hi-
teh, le pouvoir est passé aux mains du
politicien le plus astucieux du clan.
Ainsi, au cours des 200 années sui-
vantes, de nombreux chefs de clan, tout
en se faisant passer pour des chamans,
n'ont eu en réalité aucune ambition reli-
gieuse. Les quelques véritables chamans
qui sont restés au pouvoir ont dû se dé-
battre entre culpabilité et doute. Plusieurs
ont conduit leurs clans à tenter d’expier
certains péchés ancestraux oubliés depuis
longtemps, tandis que d’autres ont adopté
des tabous curieux et complexes pour
éviter les comportements qu’ils croient
être la cause de leur abandon. Ainsi, les
membres du clan du Cheval ne peuvent
pas manger la chair ni boire le lait d’un
cheval, comme le voulait leur ancienne
coutume, tandis que ceux du clan de
l’Ours ne peuvent pas boire d’eau le jour
où ils lancent un raid.
Aujourd’hui, les quoyais sont revenus.
En de rares occasions, le chaman du clan
en place a été jugé assez dévot pour béné-
ficier des pouvoirs que le quoyai accorde.
Dans la plupart des cas, le quoyai s’est
manifesté (par un événement ou une vi-
sion) à un membre digne du clan. Cette
âme chanceuse (ou malchanceuse) s’est vu
bénéficier pouvoirs chamaniques et le
L’HOSK SEPTENTRIONAL
quoyai attend de l’élu qu’il assume la di-
rection du clan. Ce n’est pas aussi simple.
Les « chamans » en place, pour la plupart,
ne souhaitent renoncer à leur pouvoir. Ils
ont accusé les élus d’hérésie, de blas-
phème et de possession par des esprits
maléfiques. Les clans sont dans la tour-
mente.
Contrairement aux Uigans, la société
elfe est clairement patriarcale. Le père
dirige la famille, tant dans la tente qu’à
l’extérieur. Les fils sont plus favorisés que
les filles en raison de leur utilité pour le
clan dans les raids et les guerres. Les héri-
tages passent du père aux fils, normale-
ment répartis entre eux tous. Les femmes
n’ont pas les mêmes droits au divorce ou
à la propriété que les femmes uiganes.
Dans les affaires juridiques, elles sont
considérées comme de statut inférieur à
un homme de même rang.
Cependant, les femmes ne sont pas
totalement soumises. Tout comme les
hommes, toutes les femmes sont censées
être des guerrières, bien qu’elles soient
rarement aussi compétentes. Les arts de la
magie sont pratiqués presque exclusive-
ment par les femmes. Les magiciens mas-
culins qui existent sont des exceptions à la
norme. Ils sont souvent exclus et peuvent
même être traités par le reste de la tribu
comme s’ils étaient des femmes. Chaque
magicienne proclame l’une des lunes de
Krynn comme guide, en choisissant celle
qui correspond à sa nature. Par la suite,
elle est soumise aux pouvoirs croissants et
décroissants de sa lune, mais elle n’est pas
limitée dans le choix de ses sorts. La plu-
part des magiciennes elfes du Tamire ont
tendance à se spécialiser en tant qu’en-
chantresses ou transmutatrices. Outre la
magie, les femmes sont également haute-
ment estimées pour leur capacité à donner
la vie.
Les demi-elfes occupent une place
particulière dans la structure du clan. Con-
trairement à de nombreuses autres com-
munautés elfiques, il n'y a guère de honte
à être un demi-elfe (en raison de la pra-
tique du sa’qul idri, expliquée plus loin).
Chaque clan abrite plusieurs familles de
demi-elfes. Celles-ci forment une commu-
nauté distincte au sein du clan ; elles ont
un statut presque égal à celles des elfes de
plein droit. La tradition désapprouve les
mariages entre demi-elfes et elfes (de sorte
que les mariages ont tendance à se faire
entre familles de demi-elfe) et empêche
également les demi-elfes d’occuper les
plus hautes fonctions au sein du clan
(notamment celle de chaman). Dans le
même temps, les demi-elfes du clan ne
sont pas moins respectés en tant que
combattants, magiciennes et conseillers.
Ils font partie intégrante du clan. Une
blessure ou une insulte à une famille de
demi-elfes est un affront au clan tout en-
tier, tout comme si la même chose était
arrivée à l’une des familles d’elfes.
L’accouchement et les enfants for-
ment une partie essentielle de la vie des
elfes. Leur taux de natalité a toujours été
faible (en raison de leur lente maturité),
mais depuis le Cataclysme, avec la perte
des sorts de guérison, les naissances réus-
sies ont chuté de façon spectaculaire. Ain-
si, l’occasion d’une grossesse et d’un ac-
couchement revêtent-ils une grande im-
portance. Afin d’en assurer le succès, les
chamans ont développé un certain
nombre de tabous et de cérémonies pour
l’accouchement. Le plus important étant
le sa'qul idri ou rage de la naissance.
Lorsqu’arrive le moment de l’accou-
chement, la Yasua Egom (mère aînée)
isole la future maman dans une tente de
feutre blanc spécialement purifiée. Les
autres femmes attendent à l’extérieur,
encerclant la tente, et chantent les chants
sacrés du quoyai du clan. Les hommes ne
sont pas autorisés à entrer dans le cercle
des chanteuses.
Pendant ce temps, le futur père et les
autres hommes de sa famille se préparent
pour le sa’qul idri. Ils se peignent le visage
de masques de guerre spéciaux (la pein-
ture de guerre n’est jamais utilisée pour les
raids classiques) et commencent une céré-
monie de chants et de beuveries. Une fois
bien préparés, ils lancent le pillage. Le
nombre de têtes et de chevaux ramenés
prédit la destinée de l’enfant, ainsi le père
et ses proches se battent-ils avec une ex-
trême sauvagerie. Par tradition, les cibles
de ces raids sont des non elfes : gobelins,
humains et ogres en sont les principales
victimes. La simple rumeur selon laquelle
les elfes s’apprêtent à lancer un raid lié à la
rage est suffisante pour instiller la peur
aux tribus voisines, particulièrement celles
des gobelins.
Pire encore est le sa’qul idri qui sur-
vient lorsque la mère ou l’enfant meurt en
couches. Les pillards deviennent alors non
seulement sauvages, mais fous de rage et
de ressentiment. Inconscients du danger,
ils n’ont qu’un seul objectif : kidnapper un
remplaçant pour l’être perdu. Si la mère
est morte, une femme humaine doit être
capturée pour élever l’enfant. Si l’enfant
est mort, un enfant doit être capturé pour
20
être élevé à sa place. Les humains élevés
par le clan sont traités comme s'ils étaient
des elfes et sont autorisés à se marier et à
créer des familles au sein du clan
(puisqu’ils sont considérés comme des
« elfes », ils ne sont pas soumis aux tabous
restreignant les mariages entre demi-elfes).
Cela explique les communautés de demi-
elfes qui font partie de chaque tribu.
Néanmoins, un préjugé persiste en-
core à leur encontre et empêche de fait un
humain éduqué par les elfes de diriger une
tribu. Les enfants humains parmi les elfes
apprennent rapidement à être robustes et
à résister aux railleries de leurs pairs. Les
enfants elfes apprennent parfois, en re-
tour, qu’il n'est pas sage de se moquer
d’un enfant humain, car les humains mû-
rissent beaucoup plus vite que les elfes !
L’autre pan essentiel de la société des
Clans des elfes est la relation à la mort.
Étant donné leur longue espérance de vie,
la mort naturelle est une chose rare chez
les elfes, mais beaucoup décèdent violem-
ment au cours de raids et de vendettas.
Chaque année, deux semaines durant au-
tour du solstice d’été, les clans se réunis-
sent sur un site proche de l’oasis de Tur-
gan et leurs chamans effectuent la céré-
monie des Ancêtres, des rites funéraires
dédiés à tous les morts de l’année écoulée.
C’est l’une des rares occasions où l’en-
semble des clans agissent comme une
seule et unique tribu. Pendant cette pé-
riode, une trêve précaire s’installe entre
eux. Si une offense se produit, elle est
jugée par l'ensemble du conseil des cha-
mans. Rompre la paix engendre générale-
ment de sévères sanctions parmi les-
quelles de lourdes amendes ou la mort
sont les plus communes. Plusieurs que-
relles célèbres trouvent leurs origines
parce qu’une famille s’est arrangée pour
embarrasser une famille d’un autre clan
lors de la cérémonie des Ancêtres.
Au cours de l’année, les corps des
défunts sont soit emportés avec le clan,
soit amenés à l’oasis de Turgan et laissés
sur place. Lors de la cérémonie des An-
cêtres, ces restes sont mis au repos de
manière appropriée. Chaque clan dispose
d’un lieu de sépulture sacré autour de
l’oasis. Les corps sont déposés sur des
plates-formes et exposés aux éléments,
avec des offrandes appropriées à l’esprit
totémique du clan. Des effigies sculptées
sont placées pour les morts dont les corps
n’ont pas pu être récupérés (comme cela
arrive parfois lors d’un raid). De nouvelles
offrandes sont faites pour les ancêtres du
clan.

Tout le long de la cérémonie, les cha-
mans de tous les clans prient pour la force
et la sécurité de la tribu. Chaque soir, un
clan différent organise un banquet auquel
sont conviés les autres clans. Chaque invi-
té reçoit des cadeaux à rapporter à son
clan. Le don est une affaire compliquée.
Les clans alliés reçoivent naturellement de
nombreux cadeaux. Les ennemis du clan
peuvent recevoir des cadeaux moins im-
portants pour les insulter. Cependant, ils
peuvent aussi en recevoir d’onéreux pour
améliorer les relations ou pour embarras-
ser le destinataire. Enfin, les cadeaux de
chaque clan doivent être équilibrés par
rapport à tous les autres cadeaux offerts
afin d’éviter toute insulte accidentelle. Les
chamans avisés sont passés maîtres dans
l’art du cadeau de fête.
LES GOBELINS DES ILQUARS
Les villages gobelins sont implantés
dans les hauts cols des monts Ilquars.
Bien qu’il soit impossible d’en effectuer
un recensement complet, probablement
40 000 gobelins vivent dans de petits vil-
lages fortifiés à travers les deux chaînes
montagneuses. La plupart comptent une
population d’environ 150 créatures, mais
au moins dix d’entre eux abritent 1 000
gobelins et plus. Ces structures sont dissé-
minées dans la plupart des versants cen-
traux et orientaux des montagnes. Seuls
quelques-uns se trouvent sur les pentes
occidentales, car c’est la patrie de la tribu
alan-atue. Les villages sont également
moins fréquents le long de l’extrémité
nord de l’Uesi Ilquar, un territoire reven-
diqué par les Kazars au cours des derniers
siècles.
Les gobelins des Ilquars forment une
espèce petite et trapue. Ils sont plus cor-
pulents que les autres gobelins et tendent
à avoir le ventre gonflé et les jambes ar-
quées. La couleur de leur peau varie du
brun jaunâtre au vert brunâtre. La majori-
té d’entre eux sont chauves et les autres
ont des cheveux noirs fins et épars. À la
naissance, les bébés ont la tête modelée de
telle sorte que l’arrière de la tête soit plat
et le front soit fortement incliné vers l’ar-
rière. Cette forme leur donne également
un large nez plat, une caractéristique con-
sidérée comme très attrayante dans leur
société. Le menton est très peu prononcé
et se fond presque entièrement dans les
plis du cou. Les hommes de la plupart des
villages ont de longues canines aiguisées
qui dépassent juste sous leur lèvre supé-
rieure. La plupart des femmes se dessinent
des zébrures autour des yeux.
Leur tenue est à la fois simple et très
décorée. La plupart des vêtements sont en
cuir ou en fourrure. Comme les gobelins
ne produisent qu’une petite quantité de
tissu de piètre qualité, ce matériau est
rarement porté. La quantité et la qualité
des vêtements sont un signe évident de la
richesse d’un gobelin. Les pauvres ont
tendance à porter un simple pagne, une
longue tunique et des sandales à semelles
épaisses. Les plus riches portent un panta-
lon en cuir et une armure légère en cuir.
Celle-ci peut être ornée d’épaulettes et de
jambières rembourrées. Ils portent égale-
ment des sandales à semelles épaisses. Les
femmes portent des robes et des capuches
en cuir épais qui les couvrent de la tête
aux pieds (afin d’éviter qu’un étranger
n’en voie trop). Les jeunes vont le plus
souvent nus, à l’exception d’une paire de
simples sandales.
En combat, les gobelins ont tendance
à ne pas changer leur manière vestimen-
taire. À l’exception de rares et coûteuses
armures métalliques, ils ne font pas la
distinction entre vêtements quotidien et
tenues de guerre. Tous les hommes, à
l’exception de ceux qui sont trop malades
ou infirmes, sortent pour combattre. Leur
armement typique comprend la dague, le
fauchon (une sorte d’épée large), l’épieu et
l’arc court. Les gobelins ne sont pas des
cavaliers, en partie à cause de leur nature
profonde et également à cause de la ru-
desse du terrain.
Les gobelins sont un peuple séden-
taire, chaque village revendiquant un cer-
tain territoire alentour. Ils vivent principa-
lement de la chasse (ils sont particulière-
ment doués pour le camouflage et la
traque) et de la forge des métaux, aux-
quels s’ajoutent quelques cultures vivrières
et des raids occasionnels. Les hommes
sont responsables de la chasse, de l’exploi-
tation minière, de la fonderie et des raz-
zias. Les femmes et les enfants s’occupent
des champs et des besoins quotidiens du
ménage.
Les gobelins se nourrissent principale-
ment de viande, de simple pain et de
quelques rares légumes. Ils ont appris à
préparer une boisson forte, l’issca, à partir
d’une combinaison de champignons et de
céréales. Cette boisson est aromatisée
avec les bourgeons séchés de certains
buissons et de la purée de fruits, puis on
la laisse fermenter dans des pots en terre.
En hiver, on laisse le mélange geler par-
tiellement pour augmenter la force de la
boisson. L’issca a un goût boisé et épais et
a un effet enivrant sur ceux qui ne sont
pas habitués à sa puissance.
21
L’HOSK SEPTENTRIONAL
La lie du brassage est séchée en
feuilles puis utilisée comme rations de
marche appelées issache. L’issache est riche
en protéines et assez nourrissante, si elle
peut être digérée. Elle est assez dure et
peu appétissante. En campagne, les guer-
riers gobelins ramollissent généralement
un morceau en le collant entre le pied et la
sandale et en l’y laissant la journée durant
avant de le mâcher. Ils mangent également
la viande séchée, de pratiquement toute
créature qu’ils parviennent à attraper. Les
gobelins des Ilquars ne sont pas réputés
pour leur cuisine raffinée.
Bien que les gobelins soient organisés
en villages, ils demeurent toujours, au
fond, une race simple et brutale. Le sys-
tème municipal a évolué au cours des
siècles pour devenir la protection la plus
adaptée pour faire face à leurs ennemis.
Ce n’est nullement, bien qu’ils aiment à le
prétendre, la preuve que les gobelins sont
culturellement plus avancés que leurs voi-
sins humains ou elfes.
Au sein de chaque village, comme
dans toutes les autres tribus gobelines de
par le monde, prévaut systématiquement
la loi du plus fort. Le mâle gobelin le plus
à même de terroriser ou d’exterminer ses
opposants endosse le rôle de chef du vil-
lage. Bien que ce soit parfois le gobelin le
plus costaud, il s’agit le plus souvent le
plus rusé et le plus intelligent. Même les
gobelins ont découvert que l’esprit do-
mine les muscles. Le chef est assisté par
un certain nombre de compagnons qu’il
s’est choisi, des brutes pour ainsi dire. Ces
seconds ne sont généralement guère plus
que des voyous brutaux, qui ne brillent
guère par leur intelligence, mais se mon-
trent obéissants et impitoyables. Ils exécu-
tent les ordres du chef et font le sale bou-
lot à sa place.
Le chef est conseillé par un petit
groupe d’autres gobelins sages (ou rusés).
Certains sont des alliés qu’il s’agit de ré-
compenser, d’autres des ennemis trop
puissants ou trop importants pour être
terrorisés, ignorés ou assassinés. Ces go-
belins disposent normalement de leurs
propres brutes, bien qu’elles ne soient pas
aussi compétentes ou efficaces que celles
du chef, et représentent la plus grande
menace pour son règne. En effet, dans
certains villages, le chef n’est guère plus
qu’une figure de proue qui suit les direc-
tives d’un puissant conseiller.
Qu’importe qui dirige, les gobelins
sont très politisés. Des plans pour élimi-
ner, affaiblir ou simplement embarrasser
L’HOSK SEPTENTRIONAL
un ennemi au sein du conseil (ou le diri-
geant du village) sont ourdis en perma-
nence. Ainsi, les gobelins sont très cons-
cients de leur statut. Ce que d’autres con-
sidèrent comme des actions insignifiantes
peut se révéler une insulte grave pour les
gobelins. Une histoire parmi les mar-
chands de la Ligue sur Haarad le Témé-
raire (un marchand astucieux de nom-
breuses histoires populaires) raconte com-
ment il a provoqué une révolution dans
un village gobelin simplement en enlevant
ses pantoufles dans la mauvaise maison.
Qui accueille les invités, la taille et le
nombre de cadeaux, les places à table, le
positionnement des soldats dans la co-
lonne (les plus importants étant placés au
centre ou à l’arrière), le type de nourriture
servie et le nombre de concubines sont
autant de marqueurs sociaux d’importance
qui doivent être surveillées de près. Étant
entendu que combats et mort peuvent
résulter d’une insulte, le divertissement est
une affaire grave et mortelle chez les go-
belins.
Socialement, les gobelins appliquent
ce qui s’apparente, dans une certaine me-
sure, à une forme de communisme. La
propriété appartient à tout le village, mais
elle est détenue et contrôlée par le gobelin
suffisamment fort pour la revendiquer. Le
mariage et les familles individuelles sont
inconnus. Les femmes sont revendiquées,
et le nombre de femmes ainsi détenues est
un marqueur statutaire. Les enfants sont
élevés en communauté par les femmes.
Les pères ne revendiquent aucune
filiation spécifique sur leur descendance.
En revanche, un gobelin se rend de temps
en temps dans la tanière des enfants pour
réclamer un enfant de sexe masculin. Là
encore, l’aptitude de l’enfant concerné et
la fréquence des visites sont liées au statut
du gobelin mâle. Ainsi, le plus puissant
revendique la majorité des garçons forts et
en bonne santé pour les élever. Il les
éduque ensuite comme s’ils étaient le sien,
leur enseignant notamment les techniques
importantes de chasse et de combat.
Certains garçons ne sont jamais reven-
diqués pour diverses raisons. Si l’enfant
est en bonne santé, il est élevé par les
gobelines. Par tradition, les femmes ensei-
gnent les rituels secrets et le savoir chama-
niques, bien qu’elles ne soient jamais auto-
risées à le devenir elles-mêmes. Ainsi, les
gobelins non désirés deviennent-ils les
chamans de la communauté, position qui
peut souvent mener à un grand pouvoir et
une grande influence sur la tribu.
Préjugé hérité de leur non-sélection
dans leur enfance, les chamans n’ont pas
le droit d’être chef ou de siéger parmi les
conseillers. En même temps, ils sont char-
gés de lire les présages, de guérir et de
protéger le village du mal. Il est clair qu’un
chef ou un conseiller avisés s’efforceront
naturellement de s’assurer la loyauté d’un
chaman. Avec le retour des dieux, certains
ont obtenu des pouvoirs de Hiteh
(toujours prompt à semer la discorde). En
conséquence, ils n’ont pas manqué d’utili-
ser leurs nouveaux pouvoirs pour devenir
de facto les dirigeants de leurs villages.
Si sa non-sélection résulte d’une mal-
formation ou d’une infirmité, l’enfant est
normalement abandonné, pas nécessaire-
ment dans l’espoir qu’il meure, mais sim-
plement pour soulager le village de la né-
cessité de s'en occuper. Quelques-uns de
ces rejetons abandonnés ont survécu pour
devenir les gurik cha’ahl, le redoutable
peuple fantôme. Ces membres ne sont
guère plus que des animaux. Certains ont
des souvenirs persistants de leur village et
de ce qui leur est arrivé, des pensées qui se
sont transformés en haine. Des histoires
de gurik cha’ahl sont racontées aux jeunes
gobelins pour les effrayer et de nombreux
événements maléfiques leur sont repro-
chés.
Pour les habitants du Tamire, les go-
belins ne sont guère plus que de la ver-
mine. Ils vivent de la chasse, mais n’hési-
tent pas à ravager une région, surtout s’il
s’agit du terrain de chasse d’un autre vil-
lage ou d’une autre tribu. Ils revendiquent
toutes les proies qu’ils trouvent, ignorant
la coutume inter-tribale qui identifie la
propriété du gibier aux marques de
flèches. Tout est considéré comme de la
viande, chevaux, hommes et elfes com-
22
pris. Ils posent des pièges mortels sur des
sentiers bien fréquentés, prenant sans
discernement tout ce qu’ils attrapent. Ils
gaspillent et n’utilisent que rarement
l’intégralité de leurs prises et tuent généra-
lement plus que nécessaire. Bien qu’ils
fassent rarement des raids en dehors de
leurs terres, ils tendent régulièrement des
embuscades aux voyageurs dans les mon-
tagnes.
Cependant, ils sont également réputés
pour être des forgerons et des commer-
çants habiles. Les monts Ilquars renfer-
ment certains des rares gisements de mi-
nerai de fer facile à exploiter en dehors
des royaumes gnomes. Leurs emplace-
ments sont jalousement tenus secrets par
les gobelins. Par accident et par contact
extérieur, ils ont appris à extraire et à
fondre le minerai. Une partie de la pro-
duction est transformée en armes et en
armures rudimentaires, mais la majorité
du minerai est coulée en barres de fonte
pour le commerce. Quelques marchands
de la Ligue font des voyages réguliers
dans les monts Ilquars.
Contrairement au schéma en place
dans la plupart des autres régions, les go-
belins ne disposent pas de marchés cen-
tralisés où les métallurgistes se rassem-
blent pour écouler leur production aux
marchands. En d’autres termes, aucun
gobelin ne fait assez confiance à un autre
pour qu’un marché central puisse sur-
vivre. Au lieu de cela, les marchands doi-
vent emprunter un circuit de village en
village et négocier avec chaque chef indé-
pendamment des autres. Bien que cela
augmente le temps et la peine du mar-
chand, cela fonctionne généralement à
son avantage puisque les gobelins ne peu-
vent pas comparer les prix payés à chaque
village pour son minerai.

Pour s’assurer la réussite du com-
merce du fer, les gobelins ont dû faire
deux choses. Premièrement, ils ont appris
à être des commerçants astucieux. Bien
que le commerce soit plutôt en leur fa-
veur, les marchands ne peuvent exercer de
tarifs éhontés. Deuxièmement, les gobe-
lins ont appris par expérience à ne pas
tendre d’embuscade ni à voler la plupart
des commerçants, en particulier les ceux
connus de la Ligue. Si le négoce du fer est
utile à celle-ci, il n’est pas aussi essentiel
pour elle que pour les gobelins. Dans le
passé, des villages qui ont attaqué les mar-
chands et ont réussi à les chasser de la
région ont à leur tour été pris pour cible et
anéantis par des voisins vengeurs, furieux
que le commerce se soit soudainement tari.
Pourtant, des guerres commerciales
surviennent lorsqu’un village décide
d’exercer sa domination. Selon la cou-
tume, le village agresseur invite les com-
merçants à venir dans ses murs ou leur
demande de rester à l’écart pendant un
certain temps. Par la suite, les marchands
qui commercent avec les autres villages de
la région le font à leurs propres risques.
Bien entendu, ceux qui limitent leur com-
merce aux gobelins agressifs s’exposent en
retour à des représailles de la part des
villages environnants. Il n’est donc pas
surprenant que la plupart des commer-
çants choisissent de rester en dehors de la
région jusqu’à ce que les combats se
soient calmés. Le vainqueur est générale-
ment le village le mieux préparé pour sur-
vivre à un long embargo commercial.
Le commerce est devenu si important
pour les gobelins, qu’au cours des der-
nières décennies ils ont commencé à offrir
une protection aux marchands de fer.
Dans les limites du territoire de chaque
village, ces derniers sont sous la protec-
tion du chef. De temps en temps, une
caravane est attaquée par un groupe voisin
qui tente ainsi d’humilier ses protecteurs.
Les gobelins ont également étendu
leur protection au-delà des limites de leur
territoire. Les marchands de la Ligue sont
souvent accompagnés par des groupes de
gobelins, au moins jusqu’aux contreforts
du massif des Ilquars. Parfois, ces gardes
s’aventurent encore plus loin, escortant le
marchand dans les steppes, puis s’empres-
sent ensuite de rentrer chez eux. En cours
de route, ils peuvent lancer un raid occa-
sionnel, mais les gobelins sont parfaite-
ment conscients qu’ils ne font pas le poids
face aux cavaliers. Ils préfèrent utiliser
leurs compétences pour le camouflage
pour tendre des embuscades rapides qui
ne laissent aucun survivant susceptible de
les localiser.
Ce genre de comportement ne permet
pas aux gobelins de se faire de nombreux
amis parmi les humains et les elfes. Ils
sont constamment en conflit avec les Alan
-atus avec qui ils partagent leurs versants
de montagne. Leur contact avec les Ui-
gans est minime, puisque les Alan-atus se
situent entre les deux. C’est envers les
elfes que la haine des gobelins est la plus
intense. Alors qu’ils font parfois des pri-
sonniers humains pour servir d’esclaves
ou obtenir une rançon, ils n’en font jamais
côté elfe. Chaque fois que l’occasion se
présente, ils massacrent tout elfe qu’ils
rencontrent. Les missions de paix ou les
pourparlers entre les deux groupes sont
impossibles.
Les elfes ne sont pas non plus moins
cruels dans leurs rapports avec les gobe-
lins. Eux aussi ne font pas de prisonniers
et refusent toute négociation avec leur
ennemi. Les cavaliers elfes effectuent sou-
vent des raids sur les terres gobelines,
espérant croiser des groupes de chasseurs
ou de combattants loin de la sécurité de
leurs cités. Les villages fortifiés des gobe-
lins existent précisément pour cette rai-
son. Si les elfes ont une faiblesse dans la
bataille, c’est bien leur difficulté à prendre
d’assaut les lieux fortifiés.
Lorsqu’ils apprennent l’approche de
cavaliers, la procédure normale consiste
pour les gobelins à se replier derrière leurs
murs de terre et de pierre et à harceler les
elfes sous un tir nourri de flèches. Des
tunnels secrets permettent d’accéder à des
points d’embuscade privilégiés à l’exté-
rieur de la place-forte, ce qui permet à de
petits groupes de gobelins d’apparaître,
d’attaquer et de disparaître rapidement. Si
le village résiste et que les cavaliers se
retirent, les gobelins se lancent à leurs
trousses et éliminent les malheureux jus-
qu’en lisière de leur territoire.
Bien sûr, les villages ne sont pas une
protection entièrement sûre. Parfois, les
elfes surgissent sans prévenir, surprenant
les gobelins dans les champs ou franchis-
sant les portes ouvertes. Parfois, leur
force est suffisante pour renverser les
murs lors d’une attaque. Les elfes jouent
également sur le caractère des gobelins.
Une petite force peut faire irruption à
l’extérieur d’un village, puis se retirer. Les
gobelins se lancent alors à leur poursuite,
pour se trouver pris au piège lorsque
d’autres cavaliers surgissent sur leurs
flancs. Néanmoins, au final, bien qu’ils
soient en infériorité numérique, les gobe-
lins ont réussi à tenir bon face aux elfes
sauvages du Tamire.
23
L’HOSK SEPTENTRIONAL
LES ALAN-ATUS
Sur les pentes occidentales des monts
Ilquars vit une tribu humaine semi-
nomade connue sous le nom de « Alan-
atu » ou « Peuple des chèvres ». Leur nom
décrit en grande partie leur existence. Ce
sont des bergers qui entretiennent de
grands troupeaux de caprins et d’ovins qui
paissent sur les pentes fertiles et her-
beuses du versant inférieur des Ilquars.
Ici, les forêts épaisses des hauts plateaux
et les prairies sèches des steppes se rejoi-
gnent pour former une frontière de forêts
et de prairies mixtes. C’est dans les vallées
fertiles qui forment cette ceinture que
vivent les Alan-atus.
D’apparence, les Alan-atus partagent
de nombreuses caractéristiques com-
munes avec les autres tribus humaines du
Tamire. Leurs traits les rapprochent le
plus des Uigans, bien que les hommes
n’aient pas le crâne rasé ni le visage ta-
toué. Même en bas âge, leurs visages dé-
veloppent précocement de très nom-
breuses rides et il n’est pas rare qu’un
voyageur pense être tombé accidentelle-
ment sur une tribu de personnes prématu-
rément âgées.
Leurs dents et leurs moustaches ont
tendance à être maculées d’un rouge-brun,
par une racine végétale qu’ils mâchent
couramment. L’utilisation de cette racine
(qui n’a pas de propriétés connues) im-
plique également que cracher est une cou-
tume sociale normale.
Ils s’habillent de robes blanches, grises
et vertes de style uigan. En outre, ils por-
tent des manteaux de laine aux couleurs
des bois qu’ils utilisent pour le camouflage
et la traque. Leurs bottes sont en cuir
souple garnies de fourrure. En hiver, elles
sont agrémentées d’épaisseurs en feutre
qui servent de simples chausses. Les
hommes portent un chapeau en peau
d’agneau aux longues oreillettes. Les
femmes se couvrent la tête avec des ca-
puches comme les Uiganes. Les femmes
non mariées portent des voiles qui cou-
vrent le visage jusque sous l’œil.
Bien que les Alan-atus ne soient pas
considérés comme des guerriers, on at-
tend de chaque homme qu’il soit prêt à
défendre son troupeau contre les préda-
teurs et les pillards (en particulier les go-
belins). Par conséquent, bien qu’il n’y ait
pas de tenue de combat particulière, les
bergers dans les pâturages ont générale-
ment une lourde tunique en cuir à portée
de main pour servir d’armure.
Contrairement aux autres tribus de la
steppe, les Alan-atus utilisent également
L’HOSK SEPTENTRIONAL
un bouclier. Ovale, fait de cuir traité et
d’osier, il est étonnamment léger. Le bou-
clier d’un homme est décoré de trophées
provenant de ses victoires antérieures : os,
cheveux, peaux ou objets personnels pré-
levés sur les morts. Un guerrier qui
compte de nombreux morts à son actif
peut posséder plusieurs boucliers, tous
ornés des trophées saisis et conservés
dans son bator ou leur tente.
Les Alan-atus sont habiles à l’épieu et
la fronde. Chaque homme porte égale-
ment un long couteau courbé à lame
lourde appelé shildor. Le shildor est l’outil
polyvalent de l’homme, utilisé pour la
chasse, la bataille et le dépeçage. Il est
également bien équilibré pour être lancé et
peut infliger de graves blessures lorsqu’il
est manié par un homme habile.
Comme indiqué plus haut, les Alan-
atus forment un peuple semi-nomade. Ils
changent de lieu de villégiature deux fois
l’an. Au printemps, ils quittent leurs rési-
dences hivernales et emmènent les trou-
peaux dans les pâturages plus tempérés
sur les pentes des montagnes. À l’au-
tomne, ils les redescendent au pied des
montagnes et les ramènent dans leurs
quartiers d’hiver. Pendant l’été, les Alan-
atus vivent sous des tentes installées dans
les pâturages au milieu de leurs troupeaux.
Leur activité consiste à les surveiller, à
chasser, à cueillir des baies, à soigner les
cuirs et à écorcer les bouleaux.
En automne, ils retournent à leurs
bators, de rondes et permanentes maisons
de bois et de pierre. Les murs sont faits de
pierres empilées qui sont mises en place
avec un mortier de paille et de fumier.
Elles sont construites sans toit et une
bâche de cuir, semblable à une tente, est
dressée lorsque la famille revient pour
l’hiver. Chaque famille possède plusieurs
bators regroupés autour d’un unique en-
clos en pierre pour les animaux. Les mou-
tons et les chèvres sont gardés en enclos
pendant la plus grande partie de l’hiver.
Avant l’arrivée des neiges et de la glace, la
famille récolte les hautes herbes autour du
bator, les regroupant et les empilant pour
les utiliser comme fourrage plus tard dans
la saison. Ces mêmes herbes sont répan-
dues sur le sol de la maison afin d’isoler le
sol du froid.
Société alan-atue
Socialement, les Alan-atus se considè-
rent comme un ensemble de familles qui
forment une seule tribu. En général,
chaque famille n’a que peu d’interactions
avec ses homologues, à l’exception des
mariages arrangés et des disputes occa-
sionnelles pour les droits de pâturage.
Comme elles sont très vulnérables aux
raids des gobelins, les familles ont un sens
de la coopération très développé. Les
querelles de sang ne sont pas autorisées et
tous les litiges sont réglés par la discussion
et la négociation. En fonction du crime
commis, des amendes en moutons ou
d’autres biens sont décidées par les an-
ciens de chaque famille. Une fois payées,
le dossier est considéré comme clos. Dans
les rares cas où une amende est refusée,
les autres familles sont censées cesser tout
commerce avec le criminel jusqu’au règle-
ment. Parfois, cela dégénère en une divi-
sion au sein de la tribu, qui n’est pas réso-
lue tant que l’un ou l’autre camp n’a pas
migré vers une nouvelle série de vallées de
montagne.
Les femmes de la tribu bénéficient
d’un statut égal à celui des hommes en
tous points. Elles peuvent détenir des
biens et faire office d’aînées de la famille.
Elles se doivent de surveiller et défendre
les troupeaux, bien qu’elles ne participent
pas aux raids peu fréquents réservés aux
hommes. Toutefois, les relations entre les
deux sexes sont strictement contrôlées, en
particulier entre les jeunes hommes et les
femmes non mariées. Pour éviter les inte-
ractions, les tâches sont distinctement
réparties entre les deux groupes. Ainsi, il y
a les troupeaux surveillés uniquement par
les femmes et ceux uniquement par les
hommes. Il y a les tentes et les feux des
hommes et celles ceux des femmes. Ce
n’est qu’une fois marié qu’un couple peut
s’associer plus librement à toute la tribu.
Prêtres alan-atus
La tribu n’avait jamais développé une
forte tradition cléricale ou de chamanique
avant la Nuit de Hiteh. Ainsi, lorsque le
Cataclysme s’est déchaîné (et que les vrais
prêtres ont disparu), la société alan-atue
n’a été que peu touchée.
La Nuit de Hiteh a marqué la montée
en puissance des bardes dans la société
alan-atue. Aujourd’hui, grâce à leur con-
naissance des contes et des événements
anciens, ils servent de guides à la tribu
pour les questions de grande importance.
Leurs conseils, souvent basés sur la sa-
gesse glanée dans les chansons et les
contes anciens, sont très respectés et pri-
sés. Sans le savoir, ils tendent à limiter la
tribu à des us et coutumes très tradition-
nels. D’une certaine manière, cela a con-
tribué à préserver l’unité et l’identité de la
tribu. De l’autre, cela a empêché l’accepta-
24
tion d’idées nouvelles. Quoi qu’il en soit,
les bardes aujourd’hui ne sont pas prêts à
renoncer à leur position.
Sans doute parce qu’ils ne sont guère
belliqueux, les Alan-atus sont réputés
méfiants envers les étrangers. Mal équipés
pour se défendre, ils hésitent à se révéler
aux voyageurs de passage. Ils accueillent
avec méfiance un inconnu et ne l’invite
pas dans leurs camps comme c’est la cou-
tume dans les autres tribus. Au lieu de
cela, ils l’installent à une certaine distance
et viennent ensuite lui rendre visite pour
qu’il ne puisse pas contrôler leur nombre.
À cette occasion, ils apportent de la nour-
riture pour eux-mêmes afin de ne pas être
impolis, mais ils la partagent rarement
avec le visiteur. Ce n’est que lorsqu’ils
sont certains de ses intentions qu’ils
l’autorisent à pénétrer leur camp.
Cependant, une fois l’étranger accepté,
la famille compense son impolitesse en lui
offrant des cadeaux et des festins. Les
cadeaux comprennent des objets tels que
des boîtes en écorce de bouleau, des
peignes en os et des lainages. Les ban-
quets alan-atus sont proverbiaux, car ils
sont réputés pour leur amour de la bonne
chair. Un festin typique comprendra un
chevreau ou un mouton entier rôti et
trempé dans du beurre, de la truite de
montagne grillée, un ragoût de caille aux
fruits, des fromages de chèvre, des
yaourts, des oignons sauvages, des noix,
des pains plats, de la bouillie de millet, du
riz sauvage ou de l’orge nageant dans le
miel et le beurre, des fruits secs, du thé
épicé sucré, du lait de chèvre fermenté et
des cidres de fruits.
L’hôte reçoit les meilleures couver-
tures de la maison et, s’il fait froid, il peut
se voir offrir un chevreau vivant et ligoté
qui lui servira de chauffe-lit. Si l’invité
semble prometteur, on peut lui offrir une
fille en mariage, bien qu’il s’agisse généra-
lement d’une fille que personne d’autre
dans la tribu ne saurait épouser pour une
raison ou une autre.
Les femmes alan-atues sont des tis-
seuses et des fabricantes de feutre quali-
fiées, tandis que les hommes sont des
ouvriers du cuir accomplis. Ces tissus et
cuirs, ainsi que leur bétail, sont les princi-
paux articles que la tribu peut négocier.
Une fois par an, à l’automne, lorsque la
tribu descend des montagnes, les mar-
chands de la Ligue et les cavaliers des
steppes se rassemblent à l’embouchure de
la vallée d’Urmusk. C’est le site de com-
merce traditionnel des Alan-atus. Ici, une
semaine durant, un campement commer-
cial bruisse d’animation.

Les marchands et les Uigans achètent
des chèvres, des agneaux, des fromages,
des peaux de mouton, des paniers en
écorce de bouleau, des cuirs ouvragés et
des tissus, tandis que les Alan-atus font
commerce de pots en métal, d’armes, de
soie, de babioles en argent, de céréales et
parfois même de chevaux. Les marchands
astucieux apportent avec eux des distrac-
tions, tandis que les commères et les
bardes des tribus viennent partager des
histoires et des chansons. C’est l’un des
rares moments de l’année où les Alan-atus
abaissent leur hostilité traditionnelle en-
vers les étrangers et se permettent
d’interagir librement.
La plus grande menace pour les Alan-
atus (hormis les créatures étranges et hor-
ribles que l’on trouve parfois dans les
forêts) sont les gobelins. Comme ils ne
sont pas aussi féroces et nombreux que
ces derniers, les Alan-atus forment une
cible de choix pour ces créatures. Pour
protéger leurs maisons et leurs troupeaux,
les membres de la tribu sont devenus très
habiles dans les arts forestiers. On prétend
qu’un Alan-atu sait quand un faucon se
saisit d’une proie dans la vallée voisine.
Bien que leurs compétences ne soient pas
aussi formidables, ils sont néanmoins très
doués pour détecter les troubles et les
intrus sur leurs terres. Ils sont donc très
difficiles à surprendre et de nombreux
raids intempestifs gobelins se sont soldés
par un désastre.
LES KAZARS
Le peuple kazar, deuxième plus grande
tribu humaine de la steppe, vit au nord du
Tamire. Comme leurs cousins, les Uigans,
ce sont des cavaliers nomades. De fait, ils
sont pratiquement semblables aux Uigans
en termes de coutumes et d’apparence.
Pour les non-initiés, Uigans et Kazars
sont pratiquement indiscernables. Cepen-
dant, pour le Kazar et l’Uigan, les diffé-
rences sont profondes. Il existe une
grande inimitié entre les deux tribus,
même si plusieurs tentatives ont été faites
pour les unir par des mariages diploma-
tiques.
Sur le plan ethnique, les Kazars et les
Uigans sont issus de la même lignée. Ain-
si, les premiers ont-ils les mêmes caracté-
ristiques faciales, la même taille moyenne,
la même corpulence et la même couleur
de peau que les seconds. Les différences
sont purement culturelles. Les enfants
kazars sont ligotés dans des berceaux mu-
nis d’un coussin dur de céréales séchées.
En conséquence, ils développent tous un
aplatissement caractéristique de l’arrière
du crâne.
Contrairement aux Uigans, les
hommes kazars ne se rasent pas la tête. Ils
gardent leurs cheveux coupés courts, hor-
mis une mèche nouée en catogan. Ils ai-
ment les longues moustaches tressées,
maintenues souples par du beurre rance.
Les hommes ne se tatouent pas non plus
le visage. En effet, ils considèrent cette
coutume uigane grotesque et répugnante.
En matière vestimentaire, il n’y a que
deux différences significatives entre Ui-
gans et Kazars. Vivant plus au nord, ces
derniers utilisent davantage de fourrures
et de peaux. Ainsi, n’est-il pas rare qu’un
homme porte une tunique d’ours (avec la
fourrure à l’intérieur) ou un pantalon de
cuir lourd au lieu des laines uiganes. Les
bottes sont normalement garnies de four-
rure ou doublées. Les hommes kazars
portent un turban de laine enroulé en
boule autour de la tête, semblable au style
des elfes. Le tissu du turban est teint selon
un motif en rayures et les couleurs dési-
gnent le clan du cavalier. Par temps froid,
le turban est recouvert d’une longue ca-
puche en forme d’écharpe. Celle-ci se
termine en pointe dans le dos et peut être
nouée pour couvrir la majeure partie du
visage et du cou. Ils portent également des
masques osseux sculptés, qu’ils ont em-
pruntés au Peuple des glaces.
Les femmes et les enfants kazars s’ha-
billent comme leurs cousins uigans, mais
utilisent également davantage de fourrure
et de cuir. Les femmes décorent leurs
vêtements avec des perles et des franges.
Les célibataires portent normalement un
grand nombre de parures en argent pour
signifier la dot que leur père versera au
futur mari.
La vie nomade des Kazars les entraîne
des contreforts de la chaîne de l’Uesi Il-
quar aux confins méridionaux du désert
de Panak. Comme les Uigans, ils vivent
dans des yourtes, bien que les leurs soient
principalement faites de cuir. Ils s’occu-
pent des troupeaux de chameaux et de
chevaux, ainsi que de quelques moutons.
Ils gèrent un plus grand contingent de
chameaux que les Uigans, des animaux
robustes capables de mieux résister aux
conditions combinées du froid intense et
du désert. Les guerriers se battent souvent
à dos de chameau plutôt qu’à cheval.
Confrontés aux régions plus enneigées
du nord du Tamire, les Kazars ont égale-
ment développé davantage de compé-
tences liées au froid que les Uigans (bien
25
L’HOSK SEPTENTRIONAL
qu’ils soient loin des capacités arctiques
du Peuple des glaces). Les Kazars utilisent
régulièrement des raquettes, une innova-
tion pour les Uigans. En effet, l’une de
leurs périodes de raid préférées est celle
des fortes chutes de neige hivernales. Se
mouvant raquettes aux pieds, ils assaillent
les campements uigans ou elfiques et par-
viennent aisément à s’échapper dans la
neige avant que l’ennemi ne puisse les
rattraper. Ce sont des trappeurs expéri-
mentés, qui rapportent de nombreuses
peaux de zibeline, d’hermine, de lynx bo-
réal, de loup arctique et d’ours. Ils pê-
chent toute l’année, en hiver, debout au-
dessus de trous dans la glace, harpon à la
main, comme le leur ont appris le Peuple
des glaces.
Les Kazars constituent un chaînon
important entre les marchands de la Ligue
au sud et le Peuple des glaces du grand
nord. Peu de marchands pénètrent dans
les étendues glacées du désert de Panak et
encore moins en reviennent. Au lieu de
cela, la plupart des marchandises transi-
tent par les Kazars. Chaque année, ils
achètent des peaux de phoque, des os de
baleine, de l’ivoire de morse et du poisson
séché au Peuple des glaces, contre des
pointes de lance en métal, des pots, des
hameçons, des perles, des tissus, de la
laine, des grains et de la viande séchée. La
plupart de ces marchandises sont ensuite
vendues aux marchands de la Ligue, qui
les cèdent à leur tour à d’autres tribus
dans tout le Tamire et dans les villes plus
au sud.
LES PURESHKS
La tribu des Pureshks constitue la
tribu la moins importante du Tamire.
Étroitement affiliés aux Uigans, les Pu-
reshks n’ont pas grand-chose, voire rien,
pour les distinguer de leurs plus puissants
protecteurs. Comme les autres humains
de la steppe, ils partagent les mêmes an-
cêtres communs et sont encore plus étroi-
tement liés aux Uigans que les Kazars.
Comme c'est souvent le cas avec les
tribus mineures, les Pureshks ont adopté
les manières de leurs puissants voisins.
Ainsi, leur habillement, leurs habitudes,
leurs croyances et leur mode de vie sont-
ils, identiques à ceux des Uigans. Même
les Uigans ont des difficultés à faire la
différence entre eux et les Pureshk.
La question de l’hygiène est probable-
ment la caractéristique distinctive des
Pureshks. Les voyageurs, les commerçants
et même les Uigans s’accordent à dire
L’HOSK SEPTENTRIONAL
qu’ils comptent parmi les peuples les plus
sales et les moins bien soignés du Tamire.
Aucun voyageur averti ne séjourne dans la
tente d’un clan pureshk, à moins d’appré-
cier les poux et les punaises de lit. Leurs
repas sont souvent douteux et leurs habi-
tudes dégoûtantes. Les Uigans pour plai-
santer affirment qu’un Pureshk ne peut
jamais surprendre un ennemi parce qu’il
les sent bien avant de les voir ou qu’en
tant que guerriers, les Pureshks seraient
sans valeur si ce n’était leur odeur, qui
peut faire fuir même le plus fort des enne-
mis.
LE DÉSERT DE PANAK
Au nord du Tamire s’ouvre une vaste
étendue de terre glacée et désolée connue
sous le nom de désert de Panak. Bien qu’il
ne s’agisse pas d’un désert à proprement
parler, les sinistres étendues de terre ba-
layées par des vents violents, les plaines de
gravier parsemées de broussailles, les
mornes étendues de tourbières glacées et,
dans le grand nord, les mers couvertes de
glace ont incité les voyageurs à lui donner
ce nom. Pour le commun, c’est l’un des
endroits les plus inhospitaliers du monde,
et pourtant, même ici, parmi la glace et la
neige, des gens ont choisi de vivre.
Les saisons dans le désert de Panak
peuvent être divisées en deux catégories
de base : froide ou non. Bien qu’il y ait
virtuellement quatre saisons, comme c’est
le cas dans la plupart des régions du
monde, le printemps et l’automne sont si
brefs qu’ils sont inexistants dans le désert
de Panak.
Plusieurs mois après l’avènement du
printemps dans le sud, les températures
glaciales du Panak remontent soudaine-
ment. Se produit une explosion soudaine
de la végétation alors que les herbes rus-
tiques, les broussailles et les mousses fleu-
rissent à la hâte, égayant la terre d’une
couleur inattendue. La floraison com-
mence immédiatement, l’été est là. Pen-
dant ce court intervalle, les plantes et les
animaux croissent rapidement, se multi-
plient et se rassemblent pour survivre à
l’hiver qui arrive.
Tout aussi soudainement qu’il a com-
mencé, l’été se termine avec le retour des
vents glacés du nord. Les plantes se ré-
tractent soudainement, les animaux chan-
gent de couleur et les longues nuits hiver-
nales reviennent.
Le Panak est une terre extrême. Au
plus fort de l’été, la plupart du Panak se
réchauffe pour avoisiner les 25 à 30° C la
journée, puis la température plonge sou-
dainement pour se rapprocher du point de
26
congélation pendant la nuit. En hiver, l’air
arctique souffle sur les terres, amenant
avec lui des températures aussi basses que
– 40° C dans le grand nord. Le vent cingle
la neige de façon irrégulière sur le sol dé-
gagé pour l’attraper et la faire tourbillon-
ner autour des plus petits obstacles. En
hiver, de grandes surfaces dégagées res-
tent relativement exemptes de neige pro-
fonde, mais les moindres projections pro-
voquent de grandes congères. À l’extrême
nord, le sol ne dégèle jamais, laissant la
glace et la neige s’épaissir et augmenter
toute l’année. Les longues nuits sombres
aggravent encore le refroidissement, lais-
sant aux quelques voyageurs l’impression
d’une terre morte et morne.
Le Panak se divise en deux zones géo-
graphiques distinctes : le Panak inférieur,
qui se fond dans la prairie du Tamire, et le
Panak supérieur, la partie la plus septen-
trionale du désert. Le Grand Escarpement
sépare les deux zones. Propulsé en hau-
teur à l’occasion du Cataclysme, ce mur de
grès érodé et brisé s’élève de 30 à 100 m
au-dessus de la plaine inférieure.
Au cours des siècles qui ont suivi le
Cataclysme, l’escarpement s’est érodé et
effondré, se déversant sur le Panak infé-
rieure. En hiver, d’énormes îlots de neige
s’amoncellent à sa base et la glace s’étend
dans les fissures du grès. En raison de ces

conditions, c’est un mur traître à escala-
der. Les talus du bas sont traîtres et sujets
aux avalanches, tandis que la pierre de la
paroi est friable et poreuse. La meilleure
façon de traverser le Grand Escarpement
est de passer par les brèches occasion-
nelles dans la paroi. Dans les terres, à son
extrémité, la pierre change et sa hauteur
augmente à mesure que le Grand Escarpe-
ment cède la place aux Monts Annelés.
La plaine du Panak inférieur est parse-
mée de basses collines de grès, bizarre-
ment érodées pour former des terres in-
grates et sinistres. Des siècles de vent en
ont aplati le sommet tout en en creusant
les flancs pour former des mesas et des
plateaux à flanc de falaise. Des crues sou-
daines ont creusé des canyons et des pe-
tites grottes dans la roche tendre. Les
cours d’eau intermittents se déversent
dans les plaines, formant des tourbières de
sable froid et de larges mares d’eau.
Après l’escarpement au niveau du
Panak supérieur, le sol s’incline progressi-
vement en direction de l’océan. Les
quelques ruisseaux courent depuis le sud
pour se jeter dans la toundra marécageuse
du grand nord. Une couche de permafrost
subsiste, qui se rapproche de plus en plus
de la surface à mesure que l’on s’enfonce
vers le nord. À l'extrémité nord, le sol est
gelé toute l’année et le rivage disparaît
sous des étendues de banquise d’une blan-
cheur aveuglante.
La vie végétale est clairsemée et peu
abondante dans tout le Panak. Dans le
sud, elle est dominée par des broussailles
persistantes, coriaces et enchevêtrés. Lors-
qu’il y a suffisamment d’eau, ces buissons
forment un épais tapis sur le sol. Abrité en
leur sein se trouvent des lichens tendres et
des herbes rases. De minuscules fleurs
égayent le paysage, nichées dans les lits de
mousse qui les préservent du froid. Plus
au nord, les broussailles font place au
lichen arctique et à de minuscules baies de
sol. Même ceux-ci s’accrochent à peine à
la vie dans ses conditions difficiles. Finale-
ment, toute la végétation s’éteint et il ne
reste plus que de la glace, de la neige et de
la roche.
Les animaux qui vivent dans le Panak
sont aussi résistants que les plantes qui le
composent. Le long des frontières méri-
dionales, dans les terres kazars, on trouve
des chameaux et des chevaux robustes,
capables de se nourrir sur les arbustes et
de résister au froid de l’hiver. À leurs cô-
tés vivent les souris, lapins, cerfs, renards
et loups arctiques que l’on rencontre par-
tout ailleurs. L’élan vit dans les zones ma-
récageuses (surtout le long des monts
Annelés). Le tigre des steppes est présent
au nord jusqu’au Grand Escarpement.
Au nord de l’escarpement dominent
de différentes espèces. Le nasif, une sorte
de renne, élevé par le Peuple des glaces,
est de loin le plus courant. Le bœuf mus-
qué hirsute est un peu moins fréquent
dans la région. Ici aussi, on trouve les
souris, les lapins et les loups qui semblent
peupler le monde entier. Plus au nord,
vivent les redoutables ours polaires et,
plus dangereux encore, les remorhazs et
les ours des glaces qui vivent sur les
pentes glacées des monts Annelés. Les
plus rares et les plus redoutables de toutes
les créatures polaires sont les dragons
blancs. Ils gîtent normalement dans les
monts Annelés, mais parfois, lorsqu’ils
sont dérangés, ils déploient leurs ailes et
satisfont leur appétit en chassant sur les
plaines du Panak.
LE PEUPLE DES GLACES
Même dans les terres gelées du Haut
Panak, vivent des humains. Répartis en
différentes tribus, ils sont connus sous le
nom générique du Peuple des glaces. Bien
qu’ils ne soient pas organisés en tribus ou
même en clans, le Peuple des Glaces se
considère comme un seul et même
peuple, uni contre les conditions hostiles
de son monde. En tant que tel, le Peuple
des Glaces n’est pas particulièrement bel-
liqueux ou hostile. Ils ont peu d’ennemis
naturels et aucun n’est suffisamment orga-
nisé pour représenter une menace sé-
rieuse.
Les représentants du Peuple des glaces
sont grands et bien bâtis, le plus souvent
avec une épaisse couche de graisse sur le
corps. Leur visage est petit et aplati, avec
de petits yeux protégés en partie par un
front épais. Le nez a la forme typique d’un
carlin et la bouche est large. Les oreilles
sont petites et pratiquement dépourvues
de lobes. Les cheveux et la barbe sont
noirs et très épais. Les barbes sont courtes
tandis que les cheveux sont normalement
tirés vers arrière en queue de cheval et
généreusement graissés avec de l’huile de
baleine.
En matière vestimentaire, les besoins
pratiques l’emportent largement sur le
style. Les hommes, les femmes et les en-
fants ont tendance à s’habiller de la même
façon. Les vêtements sont presque entiè-
rement fabriqués à partir de peaux et de
cuirs. La tenue de base est un sous-
vêtement et des collants en laine de nasif
27
L’HOSK SEPTENTRIONAL
tissée, un simple pantalon large en peau
de phoque et une tunique ample en peau
de phoque ou de loup. Par temps froid
(selon leurs normes), elle est complétée
par une combinaison à capuche en four-
rure tombant jusqu’aux genoux, des
bottes en fourrure, des gants en laine de
nasif et des mitaines en peau de morse.
Le bellicisme n’étant pas de mise, il n’y
a pas de tenue de combat particulière. Les
armes préférées sont l’épieu lancé à l’aide
d’un propulseur, la fronde, la hache et
l’arc court composite en os de baleine.
Le Peuple des glaces est semi-nomade.
Pendant la courte et chaude saison esti-
vale, ils se déplacent vers le sud, vers les
ho-tiis, ou maisons de tourbe permanentes,
qu’ils ont construites sur les pâturages du
Haut Panak. Chaque maison est fabriquée
à partir de briques de tourbe et de roche
empilées et soigneusement pressées les
unes contre les autres. Les toits sont cons-
titués de branches tissées d’arbustes à
feuilles persistantes recouvertes de tourbe.
Les sols sont normalement creusés légère-
ment en dessous du niveau du sol. Des
peaux de phoque huilées sont utilisées
pour empêcher l’eau et le vent de péné-
trer. Les tribus qui vivent près des monts
Annelés, où les arbres sont plus abon-
dants, construisent des cabanes de bois et
de pierre. Les ho-tiis demeurent d’année
en année, des améliorations et des répara-
tions étant apportées selon les besoins ou
les désirs.
En hiver, les familles côtières se dépla-
cent plus au nord, dans les régions plus
froides. Là, elles chassent sur les ban-
quises le phoque, le morse, la baleine et
l’ours. Elles déplacent leurs maisons selon
les besoins, installant d’abord des tentes
en peau de phoque, puis remplissant l'ex-
térieur de neige ou de blocs de neige dé-
coupés. D’autres peaux sont posées sur le
sol pour éviter que la glace ne refroidisse
les occupants. Les tribus qui vivent à
l’intérieur des terres conduisent leurs trou-
peaux de nasifs dans les vallées abritées
des monts Annelés pour hiverner dans les
ho-tii qu’ils y ont bâtis.
Pour se déplacer, le Peuple des glaces
a développé plusieurs moyens de trans-
port originaux. Lorsqu’ils déménagent
leurs camps sur la terre ferme ou sur la
banquise, ils utilisent des traîneaux tirés
par des nasifs. Un ou deux de ces puis-
sants rennes sont attelés à un grand traî-
neau, construit à partir d’un cadre en osier
avec des lanières en cuir et des patins en
os de baleine.
L’HOSK SEPTENTRIONAL
Lorsque la neige est épaisse, ils utili-
sent des raquettes pour se déplacer facile-
ment. (C’est à leur contact que les Kazars
ont appris cette technique).
Les tribus qui vivent le long de la côte
confectionnent des canoës à partir de
peaux de phoque huilées. Elles peuvent
ainsi chasser les phoques sur la banquise,
pêcher dans les eaux côtières et même
harponner les baleines en pleine mer, bien
que cette dernière activité nécessite l’ef-
fort combiné de plusieurs hommes. Ils
collectionnent et sculptent également
l’ivoire pour le commerce.
Le Peuple des glaces est un peuple de
chasseurs et de pêcheurs qualifiés. Il n'est
pas surprenant qu’ils n’aient aucun talent
pour la culture des plantes. Ils sont ex-
perts dans la préparation des peaux de
phoque et sont relativement compétents
dans le tannage des autres cuirs. Les clans
côtiers sont habiles dans la manipulation
de petits bateaux. Dans tout Taladas, per-
sonne n’est plus apte à survivre aux tem-
pératures glaciales du nord.
Le Peuple des glaces rencontre rare-
ment d’étrangers. Ceux qui les ont ren-
contrés rapportent qu’ils sont d’un naturel
amical et confiant. Ils accueillent sans
hésitation les voyageurs chez eux pour
festoyer et se divertir. Le contenu d’un tel
festin varie selon la saison. En été, il com-
prend de la viande, des baies, des jeunes
pousses, du poisson et du lait de nasif. En
hiver, le repas est plus spartiate à base de
poisson, de phoque, de graisse de baleine,
de lichens en ragoût et de viandes séchées.
Parmi les spécialités, citons le foie d’ours,
les œufs de saumon et les fruits frais. À
l’issue du festin, le Peuple des glaces veille
tard dans la nuit pour raconter des his-
toires et des blagues. Ils sont réputés pour
leur bon sens de l’humour et leur volonté
de rire même de leurs propres malheurs.
La chasse et le nasif forment les deux
piliers de la vie du Peuple des Glaces,
aussi leurs cérémonies les plus impor-
tantes gravitent autour de ceux-ci. Selon
leurs croyances, chaque événement,
chaque cas de bonne ou de mauvaise for-
tune, est lié à une action (ou une inaction)
de la part du Peuple des glaces. Ainsi, si la
maladie s’abat sur un troupeau, elle peut
être due à une offrande inappropriée faite
lors du dernier abattage ou parce qu’un
berger s’est lavé les cheveux. Les tabous
complexes abondent au sein de leur société.
Lorsque la Désertion des dieux a laissé
leurs chamans sans pouvoir, le Peuple des
glaces a sombré dans la panique. Confor-
mément à leurs croyances, quelqu’un avait
forcément commis un grand tort. Les
tribus ont subi de grandes privations et de
grandes souffrances pour en trouver la
cause. Incapables de trouver une raison, il
fut finalement décidé que le mal provenait
des chamans eux-mêmes. Cela leur apparu
logique puisque le peuple lui-même
n’avait que peu souffert (à l'exception de
la perte des sortilèges des chamans) et que
les makous (les magiciens) n’avaient pas
été impacté du tout. Selon leur raisonne-
ment, puisque les chamans étaient fautifs,
ils devaient être tués ou chassés avant que
toute la tribu ne soit blâmée. Ainsi, en
l’espace de quelques années, le Peuple des
glaces a anéanti tout son clergé. Et le ma-
kou a alors pris la place vacante.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, les magi-
ciens servent de guides et de conseillers
aux communautés du Peuple des glaces.
Ils ont pris en charge de nombreuses céré-
monies publiques accomplies autrefois par
les chamans. Une grande partie de leur
capacité magique a été dissimulée derrière
un voile mystique au point que même eux
croient qu’une partie de ces futilités sont
nécessaires. Ainsi, leurs sorts nécessitent-
ils généralement plus de composants et
d’étapes que nécessaire et la création d’ob-
jets magiques comprend des offrandes et
des prières que d’autres magiciens trouve-
raient inutiles.
Les makous ont assumé des rôles im-
portants dans leurs tribus, parfois en tant
que chefs, parfois en tant que conseillers
de confiance et vitaux. Pour se distinguer
des autres, ils portent souvent des coiffes
spéciales faites de crânes et de peaux
d’animaux. Ceux qui vivent le long de
l’océan portent des parures de têtes de
morses, ceux qui se trouvent plus à l’inté-
rieur des terres arborent des crânes de
loup et d’ours.
Même si les dieux sont revenus de-
puis, les chamans n’ont pas encore fait
leur réapparition parmi le Peuple des
glaces. L’interdit qui les frappe désormais
est trop fort pour être surmonté. Pour-
tant, certains dieux ont réussi à inspirer
des individus choisis et à leur inculquer la
foi et les pouvoirs de leur culte. Par
exemple, il existe des prêtres de Mislaxa,
mais ils ont trouvé nécessaire de se faire
passer pour des makous pour pouvoir
pratiquer leurs arts de guérison.
Bien que peu menacé et peu agressif,
le Peuple des glaces compte néanmoins
des ennemis. Des affrontements spora-
diques se déclenchent parfois avec les
Kazars, bien qu’ils soient généralement
assez brefs et souvent sans effusion de
28
sang. Plus dangereux sont les thanois ou
hommes-morses. On rencontre si rare-
ment ces créatures que la plupart des
membres du Peuple des glaces ne les con-
naissent qu’à travers des histoires racon-
tées la nuit dans le ho-tiis.
Les thanois existent cependant bel et
bien. Selon la légende, ils viennent de
quelque part au-delà de la plus lointaine
des glaces polaires. Lorsqu’ils apparais-
sent, c’est toujours pour piller et tuer.
Leurs attaques sont toujours violentes et
sont repoussées avec la plus grande diffi-
culté. De nombreuses petites tribus ont
été totalement exterminées par les
hommes-morses.
LES MONTS ANNELÉS
Au-delà des chaînes des Ilquars, le
Tamire s’élève progressivement à mesure
que l’on s’enfonce dans les terres, jusqu’à
ce que le terrain légèrement vallonné cède
la place à des contreforts brisés puis aux
sommets déchiquetés des monts Annelés.
Ces chaînes forment une combinaison
d’anciens et de nouveaux sommets, cer-
tains formés au cours des siècles, d’autres
surgis dans les semaines qui ont suivi le
Cataclysme. Le sol est tour à tour ancien
et nouveau, les pentes boisées et argi-
leuses se mêlent aux sols légers et sablon-
neux des coulées de lave.
Réchauffées et arrosées par les vents
qui soufflent du Tamire, les pentes infé-
rieures occidentales de l'extrémité sud des
monts Annelés sont tempérées et luxu-
riantes. Le printemps arrive rapidement et
dure longtemps, réchauffant le sol et cé-
dant progressivement la place à l’été. L’été
est chaud, mais sans excès, les tempéra-
tures étant modérées par les brises rafraî-
chissantes venues des sommets enneigés.
L’automne est pluvieux et gris et le froid
hivernal revient rapidement. Les hivers
sont marqués par de fortes chutes de
neige et le froid, bien que la température
descende rarement à des niveaux extrême-
ment bas.
Sur les versants les plus élevés, l’air est
rare et froid, même pendant les jours les
plus ensoleillés de l’été. La neige se main-
tient une bonne partie de l’été dans les
recoins ombragés des forêts. Au cœur de
la cordillère, les sommets sont enneigés
toute l’année et de petits glaciers s’agran-
dissent et se retirent d’année en année.
Plus au nord, le visage des montagnes
change. L’air arctique balaie le désert du
Panak au large de l’océan Guurlamskas et
fond sur les sommets. Les étés sont brefs,

marqués par une croissance furieuse. Les
vents secs du désert laissent tomber le peu
de pluie dont ils disposent, d’abord de la
neige, puis se transforment en neige fon-
due, et enfin une pluie grise et froide tout
au long de l'été. Même les sommets les
plus bas sont recouverts de neige toute
l’année et les glaciers remplissent les val-
lées, avançant lentement à travers la
chaîne. Dans la partie la plus septentrio-
nale de la cordillère, les glaciers descen-
dent jusqu’à la plaine désertique.
Comme mentionné précédemment,
les monts sont une combinaison d’anciens
et de nouveaux sommets. Les parties les
plus anciennes de la chaîne sont basses et
arrondies, s’effilant presque impercepti-
blement dans les contreforts qui bordent
le Tamire. Plus loin, les massifs se sont
séparés le long de failles concentriques qui
rayonnent vers l’extérieur depuis Hitehkel.
La terre a basculé le long de ces failles,
poussant les crêtes des montagnes. Assez
récentes, celles-ci sont extrêmement
hautes et déchiquetées.
Ces mêmes failles ont permis l’irrup-
tion d’énormes coulées de lave. Le magma
bouillonnant s’est déversé dans les restes
de la mer d'Indanalis, faisant bouillir l’eau
dans une formidable explosion de vapeur.
Le refroidissement soudain a vitrifié la
surface de la lave, créant les champs lisses
et bizarres des Terres brillantes. Ces
étranges contrées sont bordées de cônes
de basalte entourés de dunes de sable
noir, chaque grain étant tranchant comme
un rasoir. Ce sable souffle à travers les
terres, polissant la plaine déjà lisse pour
créer une vaste surface de verre. Il coupe
et abrase également et les violentes tem-
pêtes de sable noir déchiquettent la peau
et arrachent la chair des os en quelques
minutes.
Lorsque la plaine s’est formée, la lave
en mouvement s’est refroidie et a formé
des tubes et des grottes sous le sol. Ainsi,
une grande partie de la plaine est alvéolée
de tunnels et de cavernes souterraines qui
s’étendent sur des kilomètres. À certains
endroits, ils font surface, à d’autres, la
plaine vitrifiée les recouvre telle une fine
couche de glace. Ce réseau est suffisam-
ment important pour former un monde
entier sous la surface.
De nombreux volcans et des secteurs
géothermiques encore actifs sont dissémi-
nés le long des monts Annelés. Ces zones
abritent des geysers, des mares de boue,
des sources d’eau chaude et des fume-
rolles. Ce sont des endroits dangereux à
traverser, des mares bouillonnantes sont
couvertes de fines couches de terre d’ap-
parence trompeuse. En raison de leurs
eaux chaudes et apaisantes et de leur ter-
rain inhabituel, ces lieux sont considérés
comme sacrés et privilégiés par les habi-
tants de la surface.
Sur la partie intérieure des monts An-
nelés, les sommets pentus laissent la place
à des colonnes de pierre en saillie. Formés
lorsque de grandes masses de basalte ont
été lentement poussées vers le haut par
une pression énorme, la pierre s’est solidi-
fiée en colonnes de cristal. De forme à
peu près hexagonale, les intempéries ont
altéré et fissuré le sommet de la plupart
d’entre elles, bien que quelques-unes
soient toujours lisses et planes. Certaines
colonnes sont petites et n’excèdent pas les
3 à 6 mètres de haut, d’autres sont gigan-
tesques et culminent à plus de 300 m. Les
plus grandes sont soutenues tout autour
par des colonnes plus petites qui les ren-
forcent et les étayent. Certaines sont pen-
chées et oscillent de tous côtés, parfois de
manière assez dangereuse tandis que
d’autres se tiennent droites et solides. Des
canyons étroits et des crevasses, dont le
sol est jonché de gravats, séparent les
colonnes. Des sentiers secrets existent
entre chacune d’elles, mais beaucoup se
terminent en impasses et culs-de-sac.
Les créatures qui vivent dans les
monts Annelés varient en fonction du
terrain. Les pentes inférieures du sud sont
riches en cerfs, renards, loups, lapins,
hiboux, faucons, sangliers, lynx, pumas et
ours. On y trouve des colonies de fourmis
géantes, de grandes nuées de chauves-
souris, des scarabées géants et des
ankhegs solitaires. Plus haut vers les som-
mets vivent la chèvre de montagne, la
marmotte et l’aigle.
Des rumeurs circulent quant à l’exis-
tence d’une race mi-animale, mi-humaine,
les saqualaminois (ceux à la blanche four-
rure) des légendes naines, cachée au creux
des chaînes de montagnes les plus froides
et les plus isolées. Plus au nord, ces his-
toires prennent de l’épaisseur, tout
comme les rapports sur la présence du
redoutable remorhaz et de l'ours des ca-
vernes. À l’extérieur de la chaîne, des créa-
tures encore plus étranges peuplent les
Terres brillantes : l’horax et le skrit, de
grands insectoïdes capables de survivre à
toutes les tempêtes de sable noir, excepté
les plus redoutables.
29
L’HOSK SEPTENTRIONAL
Avant le cataclysme, les monts Anne-
lés (ou ce qui en existait à l’époque) se
dressaient à la lisière de l’Empire d’Aurim
naissant. Avec la dévastation de la Nuit de
Hiteh, l’Empire a été détruit et son peuple
dispersé. Pourtant, il reste des preuves de
sa grandeur passée. Ici et là, dans les
monts Annelés, des ruines et des traces de
la puissance d’Aurim demeurent. Cer-
taines sont perdues depuis longtemps,
d’autres sont vénérées comme sacrées ou
évitées comme taboues. Le Pilier de Ma-
lad-Thoor, au bord des Cavernes des
nains, est le plus connu de tous.
Le Pilier est un imposant monument
de marbre blanc sculpté, haut de près de
500 m. Il était autrefois beaucoup plus
haut, mais d’un tiers à la moitié de sa par-
tie supérieure s’est fissurée et brisée, épar-
pillant de gigantesques éclats de pierre
dans la région environnante. Tous les
15 m, des bandes de glyphes sculptées
encerclent le pilier (qui fait plus de 60 m
de diamètre). Le Pilier a été construit avec
une série de strates, le diamètre des co-
lonnes diminuant tous les 150 m.
On sait que le Pilier a été construit à
l’époque de l’Empire d’Aurim, mais on
ignore la raison exacte de sa construction.
On pense généralement qu’il s’agit de la
tombe d’un empereur, bien que la légende
locale le décrive comme la lance de
Qu’uan le guerrier, jetée sur terre pendant
la Guerre de Tous les Saints. Naturelle-
ment, la rumeur voudrait qu’un grand
trésor soit caché dans ou autour du pilier.
Des aventuriers et des pilleurs de tombes
ont parcouru la région en vain.
Malgré toutes ses spasmes volcaniques
et ses horribles déformations, les monts
Annelés sont habités et, dans certaines
régions, très peuplés. Ses habitants se
répartissent entre la surface et le sous-sol.
En surface, on trouve les ogres, les hu-
mains et de petits groupes de gnomois.
Sous terre, si profondément cachés que la
surface les a presque totalement oubliés,
se trouvent les nains.
Les ogres, ou le Premier Peuple
comme ils se nomment eux-mêmes, vi-
vent principalement dans les forêts des
vallées occidentales. Ils dominent cette
région, défendant leur territoire contre les
attaques occasionnelles des elfes (qui ju-
gent généralement beaucoup plus facile
d’attaquer les gobelins des chaînes des
Ilquars). Pendant les hivers extrêmement
froids, les saqualaminois peuvent des-
cendre causer des ravages parmi les ogres.
L’HOSK SEPTENTRIONAL
Les hautes terres gelées sont le fief
étrange et mystérieux du saqualaminoi.
On sait peu de choses sur les hommes à la
blanche pelisse, car ils habitent une terre
peu accessible. Même si un voyageur en
avait le désir, il lui faudrait d’abord traver-
ser la patrie des ogres, une race guère ré-
putée pour son hospitalité. L’approche de
l’autre côté ne serait pas plus facile : il
faudrait contourner le bord du Hitehkel,
traverser les Terres brillantes et enfin es-
calader les montagnes elles-mêmes. Une
fois sur place, il devrait survivre dans une
terre gelée où même le Peuple des glaces
du Panak verrait ses compétences mises à
rude épreuve. Il n’est donc pas étonnant
qu’aucun voyageur ne s’en soit donné la
peine.
Les nomades des Terres brillantes
sont à peine plus connus. Même sur cette
terre mortelle et inhospitalière, des hu-
mains se sont battus pour y fonder un
foyer. Les nomades forment un groupe
insolite et mystérieux, replié sur lui-même,
aux coutumes façonnées par les exigences
impitoyables de la terre qu’ils habitent.
Leurs ennemis sont non seulement les
voraces horax et skrit, mais également le
plus implacable, le sable noir déchirant de
la plaine.
Dans une certaine mesure, leurs diffi-
cultés ont été atténuées par les gnomes
installés à l’est de leur territoire. Les gno-
mois qui habitent le pays des Colonnes
sont leurs principaux partenaires commer-
ciaux. En échange de minéraux et d’autres
biens, ils fournissent aux nomades hu-
mains des tenues de sable et des appareils
utiles pour rendre leur vie à la fois pos-
sible et plus sûre. Ces gnomes, une
branche des gnomois plus nombreux et
plus puissants de Hitehkel, résident parmi
les sentiers accidentés des colonnes.
Comme leurs cousins, ils conçoivent, tes-
tent, fabriquent et conçoivent à nouveau.
Ils font du commerce avec les nomades,
les autres gnomois, et les courageux mar-
chands de la Ligue et du vieil Aurim qui
parviennent à les atteindre. Mais leur prin-
cipal partenaire commercial est le peuple
du Dédain, les nains des profondeurs des
monts Annelés.
Le peuple du Dédain, comme ils se
nomment eux-mêmes, sont une ancienne
race de nains. Autrefois, avant le Cata-
clysme, ils vivaient près de la surface et on
les voyait couramment dans toutes les
terres à la lumière du jour. Depuis la Nuit
de Hiteh, ils se sont retirés de plus en plus
profondément sous terre, jusqu’à ne plus
oser que rarement, voire jamais, s’aventu-
rer à la surface. Il n’est pas rare qu’un nain
de cet empire ne quitte jamais, sa vie du-
rant, le monde clos des souterrains.
Loin sous terre, les nains ont décou-
vert quelque chose ou quelqu’un d’autre,
les duramkinarchsa ou bêtes de la pierre.
Vivant encore plus profondément que les
nains du Dédain, les bêtes de pierre n’ont
jamais été répertoriées à la surface (du
moins dans les récentes époques) et ne
sont connues qu’à travers les histoires des
nains et les légendes des mineurs. Alors
que ces récits les dépeignent généralement
comme des monstres, il est tout à fait
possible qu’ils soient un peuple organisé
qui a à peine dépassé le stade sauvage. Les
contes et les légendes leur donnent une
apparence horrible et fantaisiste, mais
toutes se rejoignent pour les dépeindre
voûtés et courbés, à peine capables de se
tenir debout, et leur prêter une peau forte-
ment encroûtée et rigidifiée. Parfois, ils
sont décrits avec des crocs ou des cornes,
voire les deux. D’autres fois, leur descrip-
tion est un mix de différentes créatures :
le gorille, le bœuf, voire l’éléphant.
LE PREMIER PEUPLE
Les ogres abaquans (abaqua signifie
premier peuple dans leur langue) vivent
dans les forêts occidentales des monts
Annelés. Ces brutes sont un peuple
simple, organisé en une nation instable.
Bien qu’ils ne soient guère pacifistes, leurs
besoins et leurs désirs sont relativement
modestes et ils restent donc pour la plu-
part sur leurs propres terres.
Les humains les classent parmi les
races géantes. Ils mesurent entre 2,4 et
3 m de haut, bien qu’ils soient normale-
ment voûtés, ce qui réduit quelque peu
l’impact de leur taille. Les hommes et les
femmes ont de larges épaules et sont for-
tement charpentés. Ils se tiennent les ge-
noux fléchis, donnant l’impression d’avoir
les jambes arquées. La couleur de leur
peau va du brun basané au noir violacé.
Leur corps est couvert de grosses verrues
noueuses, ce que d’autres pourraient trou-
ver hideux mais qu’ils considèrent comme
un signe de beauté. Leurs cheveux sont
noirs et effilochés, normalement coupés
courts sur tout le pourtour pour éloigner
les poux et autres vermines. Les hommes
et les femmes s’habillent simplement. La
matière les plus courantes est la peau de
30
daim. Les hommes portent des pantalons
et des chemises simples en cuir épais.
Ceux-ci sont garnis de franges et d’os,
trophées des tueries de l’ogre. Les femmes
portent de longues robes en peau de daim,
décorées de pièces de cuir teint. Pendant
l’été, elles se promènent pieds nus. En
hiver, elles ajoutent des robes en peau
d’ours et des bottes doublées de fourrure
pour plus de protection. En général, ils
ont besoin de moins de protection que les
autres races, car ils sont beaucoup plus
résistants.
La coutume veut que seuls les
hommes sont autorisés à porter les armes
(bien que tous peuvent ceindre le couteau
et la dague). L’armement normal d’un
ogre comprend un gourdin à pointe de
pierre, un épieu durci au feu, plusieurs
petits gourdins de lancer, des pierres à
lancer (choisies pour leur poids, leur équi-
libre et leur apparence), des frondes et des
pierres, et une dague à lame métallique.
Hormis leurs vêtements en cuir, les ogres
ne portent pas d’armure, s’appuyant sur
leur robustesse naturelle.
Beaucoup de connaissances ont été
perdues depuis le Cataclysme, y compris
le secret des origines des ogres. Aujour-
d’hui, les contes populaires et les supersti-
tions comblent ce vide. Les elfes du Ta-
mire croient que les ogres sont tels qu’ils
le sont depuis la nuit des temps. Ils ont
été créés sous cette forme et resteront
ainsi à tout jamais. Les érudits de la Ligue
débattent sans fin à ce sujet (comme à leur
habitude). Certains soutiennent que les
ogres sont issus d’un croisement entre
l’homme et le saqualaminoi. En réaction,
d’autres qualifient cette idée de pur blas-
phème et suggèrent plus probable un mé-
lange entre le nain et le saqualaminoi
(théorie qui n’est jamais arrivée aux
oreilles des nains) Les nains du Dédain
pensent que les ogres résultent de la rage
de Reorx envers les humains incapables
d’assimiler ses enseignements. Frustré par
leur esprit têtu et leur lenteur d’esprit, il
les a maudits en leur donnant des formes
à leur mesure. Ils désignent donc les ogres
comme des cousins des humains et vice-
versa.
Les légendes ogres sont plus près de la
vérité quant à l’énigme de leur origine.
Selon leurs récits, ils formaient autrefois le
premier peuple sur Terre. Lors de leur
création, les dieux les dotèrent de dons
spéciaux en matière de vertu et d’équité.

Ils étaient grands et justes, intelligents et
habiles. Avec le temps, une tribu se forma
en leur sein, qui se tourna vers le mal et la
corruption en écoutant les paroles des
hommes. Cette tribu, les Irdas, mena une
grande guerre contre leurs frères et finit
par voler tous les dons que les dieux
avaient donnés au Premier peuple. Ils
s'enfuirent avec ceux-ci, cachant les ca-
deaux dans divers endroits secrets du
monde. Depuis lors, les ogres recherchent
les cadeaux volés, espérant les restituer à
leur espèce. Naturellement, ils éprouvent
une grande haine pour les voleurs irdas et
leurs alliés, les humains.
La véritable origine des ogres n’est
guère éloignée, mais avec plusieurs diffé-
rences essentielles. Oui, ils étaient autre-
fois justes et sages, mais leurs propres
pouvoirs furent corrompus par le mal. Il
est également vrai qu’une grande guerre
fut menée parmi les ogres, entre les Irdas
et le reste de la nation, une guerre restée
pratiquement inconnue des hommes. Mais
dans les faits, les Irdas, ayant pressenti
l’inévitable déchéance maléfique de leur
race tentèrent d’enrayer le déclin. Finale-
ment, ils furent contraints de fuir vers des
terres lointaines pour leur propre sécurité.
Vainqueurs, si l’on peut dire, les ogres
réécrivirent commodément l’histoire en
leur faveur.
Les ogres se considèrent comme une
unique nation formée de tribus apparen-
tées d’environ 100 membres chacune.
Chaque tribu a son propre nom, générale-
ment choisi parmi un point de repère ou
un lieu central de ses terres traditionnelles.
Les tribus comprennent le peuple de Pic
Noir, le peuple du Bois des Cerfs, le
peuple de la Prairie, le peuple de la Cas-
cade, etc. Chaque tribu est en fait une
famille élargie, avec des frères, des oncles,
des enfants, etc. Bien qu’il soit accepté
qu’un homme puisse avoir plusieurs
femmes, la tradition le limite générale-
ment à une seule. Les épouses supplémen-
taires sont prises le plus souvent lors du
décès d’un frère, laissant une veuve qui
doit être entretenue. Les enfants sont
élevés par les parents avec l’aide du reste
de la tribu. Les personnes trop malades,
âgées ou blessées pour voyager avec la
tribu sont tuées. Les tribus d’ogres ne
comptent pas beaucoup de membres âgés.
La tribu, dans son ensemble, forme un
groupe solidaire dont chaque membre est
responsable de la santé, de la sécurité et
de la protection de tous les autres.
Les ogres ne construisent pas d’habi-
tats permanents mais entretiennent des
campements réguliers où ils passent une
partie de l’année. En été, la tribu du Pic
Noir se trouve toujours dans une clairière
sur les bords de la rivière Mashk. En hi-
ver, elle campe dans les grottes des fa-
laises de Tamaf. Les autres tribus suivent
un modèle similaire. Chaque tribu domine
un certain périmètre qu’elle considère
comme son territoire. Bien qu’il s’agisse
d’une même nation, entrer sur le domaine
d’une autre tribu ne se fait qu’au prix de
grands risques. Ces dernières voient d’un
mauvais œil les autres chasser, camper,
voire parfois même simplement traverser
leur chasse gardée. Les intrus de tribus
amies (liées par le sang) sont traités
comme des invités spéciaux et les mêmes
égards sont attendus en retour. Ceux de
tribus hostiles sont tués ou chassés. Pour
survivre, tous les ogres se doivent de con-
naître les limites de leurs tribus et les
points de repère qui les bornes.
La vie tribale est très simple. Parvenus
dans un nouveau camp, les ogres cons-
truisent des maisons en forme de dôme,
faites de jeunes arbres couverts de feuilles
et d’écorces. Selon les goûts, le sol est
laissé nu ou recouvert de branches de pin.
Les bons chasseurs montrent leur habileté
en recouvrant de peaux le sol et la zone à
l’extérieur de l’entrée. La plupart des re-
pas, quand la nourriture est cuite, se font à
l’extérieur, bien loin des huttes. Les feux
de cuisson ne sont déplacés dans les de-
meures inflammables que par mauvais
temps. Ils disposent de peu d’ustensiles en
fer : quelques casseroles simples achetées
ou dérobées à des marchands. La plupart
des tasses et des bols sont en bois ou en
calebasse. Chaque guerrier possède un
crâne pour boire, façonné à partir des os
d’un ennemi particulièrement important.
Pour un jeune guerrier, il s’agit générale-
ment de sa première victime. Les guerriers
plus âgés peuvent en avoir une ou plu-
sieurs selon la valeur de leurs ennemis. Au
combat, l’ogre qui demande à « boire avec
son adversaire » lui fait le plus grand com-
pliment, classant son ennemi comme
digne d’être son crâne de boisson.
Les ogres ne sont pas particulièrement
exigeants quant à la qualité de leur nourri-
ture ou de leurs habitudes alimentaires. Le
voyageur avisé prendra son propre repas
bien loin des foyers des ogres. Les proies
abattues sont généralement cachées dans
des branches d’arbre ou enterrées, la
viande étant utilisée selon les besoins. Les
ogres ne se soucient pas de la détériora-
tion de la nourriture. Les viandes crues,
grillées ou en ragoût, complétées par
31
L’HOSK SEPTENTRIONAL
quelques baies et herbes sauvages, consti-
tuent l’ordinaire. L’eau et le sang sont les
boissons les plus courantes.
À la tête de la tribu se trouve le Grand
chef. Membre qui s’est montré le plus fort
et le plus rusé au combat, il dirige les
guerriers dans la bataille, agit en tant que
juge tribal et est responsable de la chasse.
C’est une position à la fois puissante et
dangereuse. Si le chef de guerre en retire
de nombreux avantages, l'échec au com-
bat ou les périodes de famine lui sont
directement imputés. Les ogres n’effacent
pas le revers par un simple « je suis désolé.
Je ferai mieux la prochaine dois ». La mort
est un châtiment bien plus courant.
La plupart des activités se déroulent à
l’extérieur, autour d’un feu central. Il est
tabou d’y cuisiner, d’y cracher ou d’y ver-
ser de l’eau. Un symbolisme fort est asso-
cié à l’entretien du foyer par la tribu. Il
résulte d’une nécessité pratique : la capaci-
té des ogres à faire du feu est limitée et il
leur est beaucoup plus facile de maintenir
un feu à tout moment. Un ogre plus âgé,
trop vieux pour se battre, occupe le poste
de houraque ou de maître du feu. Il occupe
le deuxième rang de la tribu après le chef
de guerre. Le maître du feu ne se contente
pas de maintenir le feu du conseil, il est
également le porte-parole de tous lors des
conseils autour du feu. Il est choisi sur la
base de sa renommée et de sa sagesse
pour conseiller le chef de guerre. Comme
ce dernier, sa vie est sacrifiée si le feu
s’éteint ou si ses conseils sont particulière-
ment mauvais. Bien sûr, s’il prodigue de
mauvais conseils, il peut toujours essayer
de rejeter la faute sur le chef de guerre.
Bien que les ogres soient puissants,
brutaux et violents, ils ne sont pas particu-
lièrement agressifs. La plupart du temps,
ils restent entre eux (comme ils le faisaient
déjà avant les Guerres des Ogres). Cepen-
dant, leur esprit violent ne peut être étouf-
fé et ils entrent donc en guerre pour se
venger de tout raid effectué à leurs dépens
par des étrangers. Parfois, ils s’aventurent
dans les plaines pour attaquer les elfes,
mais leurs cavaliers se révèlent bien sou-
vent trop dangereux. Les saqualaminois
des hautes montagnes sont trop difficiles
et trop isolés pour faire de bonnes cibles.
Leurs victimes préférées sont les nains du
Dédain qui vivent sous terre. Les ogres
connaissent les entrées de leur monde
souterrain et les tunnels qui mènent aux
confins de cet empire. Bien sûr, les nains
ne sont pas du genre à rester sans réaction
et ils ripostent avec leurs propres raids
sanglants.
L’HOSK SEPTENTRIONAL
Bien que les tribus fonctionnent de
manière indépendante, il est possible,
dans certains cas, de rassembler la nation
pour qu’elle agisse comme une seule enti-
té. Si leurs terres sont menacées d’inva-
sion ou si un chef de guerre charismatique
et efficace émerge parmi les tribus, elles
agiront ensemble. Bien qu’ils ne compren-
nent pas toute la valeur de l’argent (ils ne
l’utilisent pas entre eux), ils s’aventureront
parfois au-delà de leurs propres terres et
travailleront comme gardes ou soldats
dans des royaumes lointains.
LES SAQUALAMINOIS
Au-dessus des terres des ogres
abaquans, au-dessus de la ligne des arbres
des monts Annelés, se trouve une région
de rochers déchiquetés et d ‘étendues
glaciaires. Ici, rien ne pousse, hormis des
lichens décharnés et des mousses rus-
tiques dans les régions les plus chaudes et
ensoleillées, à la limite forestière. Ici,
même la créature la plus adaptable,
l’homme, a choisi de ne pas s’installer.
Pour lui et les autres, c’est une terre si-
nistre et désolée, faite de glace et de pierre
sans vie. Mais c’est la patrie du saqualami-
noi.
Les saqualaminois, ou ceux à la
blanche pelisse, sont une espèce d’ogre
qui habite les sommets enneigés de la
chaîne interne des monts Annelés. Légè-
rement plus petits que l’ogre, ils mesurent
entre deux et trois mètres de haut. Leur
corps est recouvert d’une couche de four-
rure qui varie du blanc au gris. Près de la
peau elle est duveteuse et soyeuse et est
doublée d’une couche huileuse plus
longue. Le duvet emprisonne la chaleur
du corps tandis que les poils plus longs
évacuent l’eau, la neige et la glace. Leur
tête est compacte et se ramasse entre les
épaules, donnant l’impression qu’ils sont
dénués de cou. Des crocs proéminents, de
petits yeux et un nez presque plat forment
les traits saillants de leur visage. Leurs
oreilles sont cachées sous leur pelage.
Leurs mains et leurs pieds sont épais, cou-
verts de poils et griffus pour leur per-
mettre de se mouvoir sur la glace. Ils peu-
vent donner des coups massifs avec leurs
poings et provoquer d’horribles entailles
avec leurs griffes. Les hommes (les mâles)
sont plus grands et plus agressifs que les
femmes, sauf lorsqu’il s’agit de défendre
leur progéniture.
Bien que les ceux à la blanche pelisse
soient intelligents, ils sont extrêmement
primitifs. Ils ne portent pas de vêtements
et ne fabriquent rien d’autre que de
simples outils en pierre. Ils ont un lan-
gage, sans racine avec aucun autre de Ta-
ladas. Ils vivent dans des grottes glaciaires
et se nourrissent de chèvres et de mou-
tons de montagne qui vivent au pied de
leurs terres gelées et stockent les carcasses
congelées dans leurs cavernes jusqu’à leur
consommation. Curieusement, ils ne s’at-
taquent pas sciemment aux humanoïdes
mais la curiosité les pousse vers eux. Ils
tentent de capturer ceux qu’ils rencon-
trent. Cependant, leurs méthodes sont
rudes et ils tuent ceux qui résistent. Les
ogres, en particulier, résistent assez vigou-
reusement, croyant que les saqualaminois
sont des démons des neiges assoiffés de
sang. Des rapports affirment que des hu-
mains sont parvenus à fuir leur captivité,
mais ces récits sont très probablement des
exagérations ou de simples mensonges.
Vivant isolés du monde, ceux à la
blanche pelisse n’ont pas l’habitude de
fréquenter d’autres personnes. Leur con-
tact le plus notable a lieu pendant les pé-
riodes de disette, en particulier en hiver.
Alors, poussés par la faim, ils descendent
des montagnes pour piller les villages et
les tribus voisines, le plus souvent les
ogres. Ces raids se font généralement sous
le couvert de blizzards violents qui déva-
lent les montagnes. Les ogres appellent
ces chutes de neige les « tempêtes du dé-
mon ». Selon leurs légendes, les saquala-
minois ne sont pas de vraies créatures
mais des esprits maléfiques des mon-
tagnes envoyés pour exercer leur malveil-
lance sur le vrai peuple des Abaquas.
Depuis peu, Hiteh le Marchand, dieu
de la malice, s’intéresse aux saqualaminois.
Leur état primitif les maintient au seuil du
bien et du mal. Il s’efforce, pour sa part,
de faire pencher la balance du côté du
mal. Grâce à ses pouvoirs, il a insufflé une
ambition cruelle et brutale à un puissant
mâle qui essaie désormais de dominer et
de diriger les autres, les rendant plus belli-
queux et agressifs. Selon la voie classique
du mal, Hiteh a appris à celui que l’on
nomme Le-Grand-Fend-la-Glace, qu’il est
plus facile et plus efficace de prendre que
de travailler. Il a conduit d’autres
membres de son peuple dans des expédi-
tions plus longues et plus intentionnelles
qu’auparavant. Leurs victoires, qui ont
permis de ramener de la viande et de nou-
veaux objets de luxe comme des armes
métalliques, ont accru l'influence de Hiteh
sur l’ensemble de la tribu.
32
LES MARINS DU VERRE
De tous les humains qui ont survécu
au Cataclysme, aucun ne s’est mieux adap-
té aux conditions extraordinaires de leur
environnement que les nomades appelés
marins du Verre des Terres brillantes.
Coupés de tout contact avec leurs sem-
blables et précipités dans un désert mortel
de tempêtes de sable déchirant les chairs,
de pièges de verre sournois, de soleil
aveuglant, de mirages chatoyants et d’en-
nemis mortels, les marins du Verre ont
non seulement trouvé un moyen de sur-
vivre, mais ils se sont même multipliés.
Toutefois, ils ont adopté une vision de la
vie dure et impitoyable.
Les marins du Verre, descendants du
peuple de l’ancien Aurim, forment un
peuple grand et mince. La taille moyenne
des hommes est de 1,80 m ; celle des
femmes est légèrement inférieure. Leurs
jambes sont longues tandis que leur torse
est de longueur moyenne. Leurs bras sont
exceptionnellement longs et atteignent
presque les genoux. Leur visage a des
pommettes proéminentes et des joues
creuses. Le menton a tendance à être long
et carré et le nez petit mais pointu. Autre-
fois, il y a bien longtemps déjà, ils étaient
entièrement pâles de peau, mais des géné-
rations de soleil et d’intempéries leur ont
donné un teint brun-rouge profond. Leurs
cheveux sont blonds à blanc pâle. Ils les
laissent pousser longs, les tressent, les
lient et les attachent en motifs. Queues de
cheval, tresses, chignons et mèches torsa-
dées sont monnaie courante.
Leurs yeux sont les plus surprenants.
Le bleu saisissant de la pupille est accen-
tué par les plis tendus de la peau au-
dessus et en dessous, ce qui réduit l'œil à
une simple fente. Les cils, bien que blan-
chis et pâles, sont longs et particulière-
ment épais, tandis que les sourcils sont
presque inexistants, épilés en un arc fin
comme le veut leur coutume. La peau
autour des yeux est plus pâle que le reste
du visage, ce qui s’explique par les lunettes
de protection qu’ils portent presque cons-
tamment lorsqu’ils sont en surface.
La tenue des marins du Verre se répar-
tit entre costumes de surface et souter-
rains. Les conditions dangereuses que l’on
trouve à la surface exigent un vêtement
spécial pour se protéger du sable coupant
tel un rasoir. Même sous terre, un effort
particulier est fait pour écarter le sable
noir. En raison de cette nécessité, les vête-
ments des hommes et des femmes ont
tendance à suivre le même schéma.

Le costume souterrain se compose de
trois parties principales : le pantalon, la
chemise et le capuchon. Le pantalon et la
chemise sont tous deux en coton tissé
serré, cultivé autour des oasis des Terres
brillantes. Les points d’usure fréquents,
les genoux, les coudes et le train, sont
renforcés par des coussinets de cuir épais
cousus à l’extérieur du tissu. La chemise et
le pantalon sont amples et bouffants pour
réduire les irritations dues à l’infiltration
du sable. La chemise est à double bouton-
nage, les deux côtés se chevauchant. La
couche intérieure est attachée par un jeu
de cordons. La couche extérieure est mu-
nie de grands boutons en laiton. Lors des
moments de détentes dans des conditions
sûres, les boutons sont normalement lais-
sés détachés, ce qui permet à la chemise
de s’ouvrir quelque peu. Le tissu aux poi-
gnets, au cou, aux chevilles et à la taille est
rassemblé en un ensemble serré. Ils sont
ensuite refermés par des lanières et des
ceintures qui se chevauchent, souvent de
couleur et de décoration vives. La troi-
sième partie du costume est le capuchon.
Il s’agit à moitié d’une partie capuche
ajustée et d’une partie cape fluide. Il
s’adapte parfaitement à la tête et se re-
ferme hermétiquement sur le visage. Il
pend librement le long du dos et des
épaules jusqu’à mi-cuisse, se séparant en
deux queues. Des liens peuvent être utili-
sés pour l’attacher aux manches et les
queues peuvent être enroulées autour de
la taille pour une protection supplémen-
taire. Lorsque l’on situe loin des entrées
de tunnel, le capuchon est normalement
retiré de la tête et n’est remonté que lors-
que des brises violentes balaient le sable.
Des chaussettes bien ajustées avec des
semelles en cuir épais sont toujours por-
tées, les hauts allant jusqu’au bout du pan-
talon. Enfin, des petits filtres nasaux
(portés sur un cordon autour du cou)
complètent la tenue. L’ensemble du cos-
tume est généralement noir ou gris foncé
pour se fondre dans les tunnels.
En surface, le costume souterrain est
complété par une protection supplémen-
taire. Lorsque le temps passé à la surface
est court et que les conditions ne sont pas
dangereuses, aucune protection spéciale
n’est portée. Sinon, le costume de surface
est enfilé. Les éléments les plus impor-
tants sont le masque filtrant et les lunettes
de protection contre le sable. Le masque
est fait de cuir moulé. Il s’adapte sur la
bouche, le nez, les joues et le menton. Il
est équipé d’un filtre pour bloquer le sable
et d’un simple mégaphone pour éviter que
la voix ne soit étouffée. Le cuir est sou-
vent moulé et peint pour représenter des
visages d’animaux fantastiques. Le masque
tout entier est lacé sur le bord du capu-
chon. Les lunettes de protection contre le
sable ont des lentilles de verre (taillées
dans les Terres brillantes) placées dans des
tasses en cuir qui s’évasent pour faire che-
vaucher le masque et le capuchon. Elles
peuvent être unies ou sculptées de ma-
nière à correspondre au masque.
Pour compléter l'équipement de sur-
face, chaque voyageur dispose d’une cape
de protection en cuir et de gants. Comme
elle est chaude et ne permet pas de bien
respirer, elle n’est portée que pendant les
tempêtes de sable noir qui balaient la
plaine. Dans ce cas, les membres de la
tribu resserrent la cape autour d’eux et se
blottissent derrière cette protection du
mieux qu’ils peuvent. Les gants sont éga-
lement en cuir épais et sont portés selon
les besoins.
Les marins du Verre ne sont pas belli-
cistes dans le sens où ils ne se battent pas
entre eux ou contre les tribus voisines (les
gnomes sont leurs seuls voisins d’impor-
tance). Cependant, ils sont constamment
menacés par les colonies d’horax et les
attaques de skrit solitaire et ont donc dé-
veloppé leurs compétences de combat à
un art consommé. L’armure de combat se
compose d’un plastron et d’une demi-
cuisse (jambière qui protège l’avant de la
cuisse) élaborés à partir de la carapace de
l’horax. Leurs armes préférées sont les
épées à lame métallique, les gourdins ser-
tis de morceaux de verre noir tranchants
comme des rasoirs, les fléchettes en verre
et les frondes.
Comme les Terres brillantes n’ont que
peu de ressources à offrir pour subvenir
aux besoins de la population, les marins
du Verre sont peu nombreux et vivent en
petits groupes. Au total, on compte envi-
ron 10 000 de ces nomades, bien qu’au-
cun recensement n’ait jamais été effectué
(pour des raisons évidentes). Chaque
groupe est composé d’environ 25 indivi-
dus, tous liés par le sang. Environ 400
familles différentes opèrent donc sur les
Terres brillantes.
Bien qu’elles soient dans les faits indé-
pendantes les unes des autres, une monar-
chie est formellement reconnue par l’en-
semble des familles. Elle tire ses origines
d’un prince royal d’Aurim antérieur au
Cataclysme et se concentre aujourd’hui
dans quelques familles spécifiques. Les
33
L’HOSK SEPTENTRIONAL
privilèges monarchiques ne sont guère
plus que des questions de courtoisie. Ils
ne peuvent influencer les actions des
autres que par le prestige de leur nom. Ce
prestige leur permet de conserver une
importance certaine grâce aux alliances de
fils et de filles par les liens du mariage.
Contrairement à de nombreux autres
peuples de Taladas, hommes et femmes
chez les marins du Verre ont tendance à
être traités sur un pied d’égalité. Les céli-
bataires, femmes comme hommes sont
censés travailler et se battre pour la survie
de la famille. Les femmes sont donc des
guerrières égales aux hommes. Seuls
quelques rôles sont traditionnellement
genrés au sein de la famille. La conduite
des esquifs du verre est enseignée aux
hommes tandis que les femmes appren-
nent les chansons et les histoires an-
ciennes. Cette attitude égalitaire apparem-
ment éclairée change avec le mariage. À
compter de ce stade, les femmes portent
et élèvent des enfants, un rôle considéré
comme encore plus essentiel par la tribu,
surtout au regard de leur faible nombre.
Les familles vivent une vie de nomade
et se déplacent au gré des mouvements
saisonniers de l’horax et de la production
des oasis. Bien qu’il existe de nombreux
points d’eau (y compris des rivières) dans
toutes les Terres brillantes, la plupart n’of-
frent pas l’abri nécessaire pour de longs
séjours. Ces sites servent d’étape sur les
longs trajets qui mènent aux oasis dont la
particularité réside dans les grottes de lave
qui se trouvent à proximité et qui servent
d’abri aux marins du Verre.
Chaque groupe familial occupe une
unique grotte et il est normal que plu-
sieurs grottes se trouvent autour d’une
seule oasis. Tout comme les autres no-
mades ont des terrains de chasse tradi-
tionnels, les familles de marins du Verre
ont chacune leurs cavernes particulières.
Des batailles éclatent parfois lorsque des
squatters tentent d’occuper la grotte d’une
famille. La grotte est essentielle en tant
que lieu d’habitation, abri d’urgence et lieu
de stockage pour la famille. La plupart des
activités, comme la cuisine, se déroulent
encore à l’extérieur, dans l'oasis elle-
même.
Lorsqu’une famille revendique une
grotte, elle commence par étanchéifier son
accès, ce que l’on peut imaginer comme
un sas primitif. À l’extérieur, un cadre en
osier, fait de cuir tendu, recouvre l’entrée
de la grotte. Il possède une petite porte
d’entrée. À sa suite se trouvent plusieurs
lourds rideaux de tissu, chacun avec sa
L’HOSK SEPTENTRIONAL
fente pour permettre le passage placé à un
endroit différent. De cette façon, le sable
noir soufflé par le vent reste bloqué ou
piégé avant d’atteindre les quartiers d’ha-
bitation de la famille.
Au-delà du sas se trouvent les locaux
familiaux. Comme les tunnels de lave sont
généralement constitués d’une seule
chambre, des rideaux sont suspendus
pour séparer les différents quartiers de
couchage. Chacun d’entre eux est équipé
de peaux étalées et de tapis de roseaux
tissés. L’éclairage est assuré par des
moyens magiques, des champignons
phosphorescents et, à l’occasion, des bou-
gies ou des feux. Ces derniers sont décon-
seillés, car ils polluent rapidement l’air de
la grotte.
Bien sûr, les marins du Verre n’ont
pas choisi de s’établir dans les Terres bril-
lantes parce qu’ils pensent que c’est un
endroit merveilleux. En vérité, ils considè-
rent qu’elle est loin d’être la terre promise.
Chassés des terres plus abondantes par les
ogres entre autres, ils ont appris à vivre
ici. Ils récoltent les parties les plus polies
de la contrée pour les vendre aux gnomes
et aux nains qui remontent parfois des
profondeurs. Le verre est utilisé comme
fenêtres, lentilles, ou même coupé en jo-
lies babioles. Ils exploitent également de
petits gisements de métaux exotiques pour
les vendre aux gnomes.
Pour compléter l’ordinaire, les marins
du Verre chassent les gazelles sauvages
qui vivent le long des berges brisées, les
lézards géants des terres brûlante, et les
redoutables skrit et horax des tunnels sous
la surface. Ils cultivent le coton autour des
points d’eau, plantant les graines une sai-
son et revenant pour la récolte à une
autre. Ils récoltent les fruits des arbres à
écorce épaisse qui poussent au bord de
l’eau. En bref, ils font tout ce qu’ils peu-
vent pour se faciliter la vie.
La réalisation la plus remarquable des
marins du Verre est celle qui leur a donné
leur nom : leur unique moyen de trans-
port, les esquifs du verre. Les esquifs du
verre ressemblent aux navires des glaces.
L’esquif dispose d’une coque, d’une ou de
plusieurs voiles et de balanciers qui se
terminent par des patins spéciaux. Ici, il
ne s’agit pas de lames métalliques, mais de
patins spécialement huilés et préparés,
fixés au fond des coureurs. Chaque esquif
peut transporter quatre à cinq personnes
et leurs effets personnels. Les navires plus
grands ne sont pas pratiques. Grâce aux
esquifs, les marins du Verre peuvent navi-
guer sur les vastes étendues des Terres
brillantes. Seules les zones recouvertes de
sable noir tranchant sont impraticables et
doivent être évitées, car le sable pourrait
facilement s’infiltrer dans les vêtements
pour les irriter et les couper.
La navigation sur le verre n’est pas
sans risques. Bien sûr, il y a le risque d’être
renversé par une rafale soudaine. Heurter
le sol dur à une vitesse comprise entre 45
ou 65 km/h n’est pas une sinécure. Mais il
existe d’autres dangers plus redoutables.
Les tempêtes de sable noir peuvent sur-
prendre un esquif. On ne peut alors rien
faire d’autre que de rabattre la voile, d'an-
crer les pointes au sol et de se mettre à
l’abri du sable coupant. Les Terres bril-
lantes ne sont pas non plus parfaitement
lisses ; il existe de nombreuses étendues
de fragments déchiquetés et de toits de
grottes effondrés. Les navigateurs ont
besoin de bien connaître la configuration
du terrain de peur de s’aventurer sur les
rochers. À d’autres endroits, ce sont les
34
grottes de lave qui affleurent à la surface.
Les Terres brillantes ne sont à ces en-
droits rien de plus qu’une fine feuille fra-
gile. Les navigateurs apprennent à guetter
les signes révélateurs, le vacillement du
verre, les trous de mine effondrés et le
sifflement creux des patins. La contrée est
parsemée de trous béants et de ruines
d’esquifs de navigateurs qui n’ont pas tenu
compte à temps de ces avertissements.
Les sous-sols renferment un danger
encore plus redoutable : l’horax. Ces créa-
tures insectoïdes vivent en grandes colo-
nies dans les tunnels, juste sous la surface.
Elles migrent de façon saisonnière à tra-
vers les couloirs interconnectés, se dépla-
çant d’une partie de la plaine à une autre.
La nuit, elles quittent leurs grottes pour
chasser en meute, envahissant les esquifs
solitaires ou des camps non protégés. Ils
creusent également de nouveaux tunnels
et font parfois irruption dans les grottes
dortoirs des marins du Verre. C’est en
combattant ces derniers et les voraces
skrits que s'entraînent les guerriers du
Verre.
Les marins du Verre n’étaient pas un
peuple organisé avant le Cataclysme. Ils se
sont regroupés à partir des survivants de
la catastrophe. De ce fait, les familles
n’ont pas autant souffert des bouleverse-
ments causés par la Désertion des dieux.
Il n’existait pas de corpus de croyances
établies qui nécessitèrent soudainement
d’être modifiées lorsque les prêtres perdi-
rent leurs pouvoirs. Au contraire, les
croyances des marins du Verre se sont
développées à partir des événements qui
se sont produits depuis le Cataclysme.
Cela leur a donné une vision de la vie
différente de celle de la plupart des autres
groupes sociaux taladans.
Les marins du Verre ont acquis
l’intime conviction que le continent de
Taladas (tel qu’ils s’en souviennent) est
puni et mis à l’épreuve par les dieux. Dans
leurs récits, rapportés par les femmes
bardes, les dieux se sont mis en colère
contre le mal commis par leurs enfants et
les mettent maintenant à l’épreuve. Ceux
qui sont aptes à survivre et à supporter les
épreuves seront emmenés par les dieux au
paradis, le royaume du Haut-Père. Les
Terres brillantes sont l’épreuve à destina-
tion de leur peuple. S’ils peuvent y sur-
vivre et prospérer, ils s’en montreront
dignes. S’ils échouent, y compris en quit-
tant la plaine pour des terres plus hospita-
lières, ils ne pourront jamais accéder au
paradis des dieux.

À cette fin, les sorciers de la tribu ont
assumé les rôles de voyants et de pro-
phètes. Ils ont tendance à se spécialiser
dans la divination et l’invocation. Il est de
leur devoir d’aider et de guider les familles
à travers les épreuves fixées par les dieux.
Ils conseillent la famille et la mènent dans
la bataille contre tous les ennemis. Ainsi,
les lanceurs de sort profanes se trouvent
au premier plan de tout combat, pas né-
cessairement au cœur de la mêlée mais
bien en évidence, là où tous peuvent les
voir.
Tout ce qui s’est passé depuis le Cata-
clysme étant un défi, s’en détourner, c’est
échouer et ne pas accéder au paradis.
C’est ce qui rend les marins du Verre fa-
natiquement courageux. Ils ne se rendent
pas et ne fuiront presque jamais. Ils ne se
déroberont pas à une tâche ou n’éviteront
pas une responsabilité. Contrairement à
d’autres fanatiques, les marins du Verre
considèrent que l’épreuve est personnelle
à leur peuple. Il n’est pas nécessaire de
diffuser leur point de vue aux autres. Le
défi leur est seul dédié. Les autres n’exis-
tent que pour poser des défis. Ils ne peu-
vent jamais faire partie du test des marins
du Verre.
Leur conviction de subir leur test sur
les Terres brillantes a conduit les marins
du Verre à croire que quitter leur terre est
contraire à la morale. Lorsqu’ils apportent
des marchandises aux gnomes, tous ceux
qui participent à la caravane doivent être
spécialement purifiés à leur retour. La
cérémonie de purification, menée par le
magicien de la famille, est dure et doulou-
reuse et comprend un enterrement rituel
jusqu’au cou dans le sable noir aux tran-
chants prononcés. Par leur souffrance, les
marchands extirpent de leur corps le mal
qui les a envahis.
Cette même croyance est utilisée pour
la punition des crimes. Si la plupart sont
sanctionnés par la servitude ou le paie-
ment d’une amende (en nature), les pires,
notamment le parricide, sont punis par le
marquage au fer rouge et le bannissement.
Le criminel expulsé perd fondamentale-
ment tout espoir d’entrer au paradis. Bien
sûr, les bannis considèrent toujours qu’ils
sont mis à l’épreuve et ont donc encore
une chance de recevoir la récompense
divine. De nombreux marins du Verre
rencontrés hors de leur contrée considè-
rent chaque événement comme un test ou
un défi à leurs croyances.
LES GNOMOIS DES COLONNES
Au pays des colonnes de basalte vi-
vent les Bilogastandirachgnomius, une
branche gnome. Séparés de la lignée prin-
cipale des gnomes par les bouleverse-
ments de la Nuit de Hiteh, les Bilos
(forme raccourcie) se sont installés dans la
région frontière entre les Terres brillantes
et le Hitehkel. Ils y pratiquent leurs arts
gnomiques, créent leurs machines et y
vivent en paix.
Les gnomes bilos sont semblables en
apparence à leurs cousins du Hitehkel. Ils
mesurent moins entre 90 cm et 1,1 m et
sont des petits bonshommes bien char-
pentés. Comme tous les gnomes, ils ont
un gros nez et un front haut et bombé.
Leur peau a un teint rougeâtre et cireux.
Les hommes portent généralement les
cheveux longs et hirsutes et ne se soucient
pas particulièrement de leur apparence
personnelle, sans être négligés. Les
gnomettes sont fières de leur allure soi-
gnée. Le bain est une pratique courante et
importante, inhabituelle chez les peuples
de Taladas. Ils sont si exigeants sur le plan
de l’hygiène que les visiteurs doivent gé-
néralement se baigner avant tout audi-
toire. Cela est présenté comme un hon-
neur particulier, compte tenu de l’atten-
tion prodiguée par les serviteurs gnomes,
mais les étrangers ont tendance à considé-
rer ce rituel comme un calvaire nécessaire,
d’autant plus que les gnomes appliquent
brosse et savon avec une extrême vigueur.
Les gnomes bilos s’habillent simple-
ment. Les hommes portent des tuniques
qui leur tombent aux genoux, à rayures
verticales ou divisées en deux couleurs
(une moitié bleue et l’autre jaune, par
exemple). Un collant de couleur vive, des
chaussures souples et une ceinture en cuir
complètent a panoplie. Par mauvais
temps, une cape à capuche, éventuelle-
ment garnie de fourrure, complète le tout.
Les femmes portent des robes longues à
manches larges et un manteau court. Les
jeunes femmes lient généralement leurs
cheveux en longues tresses et portent une
couronne dorée ou argentée. Une fois
mariée, la femme s’habille généralement
de couleurs plus sombres, comme il sied à
son importante position.
Les Bilos n’ont pas d’armée perma-
nente, mais tous, hommes et femmes,
sont censés servir dans la milice si elle est
mobilisée. Le rang et la fonction dépen-
dent de l’âge et des capacités. Les
hommes capables de manier l’épée for-
ment le gros de la milice, en qualité de
35
L’HOSK SEPTENTRIONAL
simples soldats. Ils ont un haubert de
mailles, un casque, un épieu et une épée
courte. Chaque homme est censé avoir
son propre équipement prêt à l’emploi à
tout moment. Les sergents et les capi-
taines sont généralement des hommes
plus âgés et plus expérimentés qui ont fait
leurs preuves en tant que chefs de la com-
munauté. Malheureusement, cela ne se
traduit pas toujours par des compétences
militaires. Les jeunes femmes sans enfants
forment les auxiliaires : des compagnies
de frondeurs et d’archers avec une simple
armure de cuir ou matelassée. Elles évi-
tent autant que possible tout contact avec
l’ennemi. Les mères, les personnes âgées
et les enfants servent de cuisiniers, de
porteurs d’eau, de guérisseurs et de messa-
gers, s’occupant de toutes les tâches non
martiales qui doivent être accomplies.
Ainsi, bien que les gnomes bilos soient
peu nombreux (pas plus de 10 000 au
total), leur forte mobilisation permet de
présenter une défense redoutable, surtout
combinée aux fortifications de leurs tours.
Les Bilos sont réunis en une seule
nation, composée de dix cités distinctes
qui forment leur domaine. Le pays est
dirigé par le Conseil des bourgeois, le
maire de chaque ville dispose d’un siège
au Conseil. Les bourgeois élisent en leur
sein le bourgmestre, le Grand imperator,
et le gardien des marches de l’Est.
Le bourgmestre est le chef du Conseil
et préside à l’ensemble des affaires des
gnomes. Le Grand imperator est le chef
de guerre. En temps de paix, il n’a ni pou-
voirs ni devoirs et n’est souvent même
pas consulté sur les questions militaires.
Cependant, en cas d’attaque, il assume le
contrôle total de la milice des gnomes et
est la seule autorité pour le déroulement
de la guerre. Pendant ce temps, les bour-
geois agissent en tant que conseillers. Le
gardien des marches de l’Est, initialement
chargé de la protection des tours les plus
orientales, est aujourd’hui responsable de
la sécurité des gnomes en temps de paix.
Il a le devoir de les protéger contre les
pillages, de recueillir des renseignements
et de réprimer les désordres le plus rapide-
ment possible. En cas de guerre, il devient
le commandant en second et reçoit ses
ordres du Grand imperator. Ces trois
mandats sont à vie.
Chaque maire est élu par les citoyens
de sa ville. La citoyenneté est strictement
limitée aux gnomes qui sont éligibles ou
ont servi dans la milice. Les suffrages de
ceux qui sont liés au service d’un tiers (un
apprenti, un serviteur ou un métayer, par
L’HOSK SEPTENTRIONAL
exemple) sont détenus par ce dernier.
Ainsi, les maîtres de guilde et les grands
propriétaires terriens contrôlent une plus
grande partie des suffrages que les artisans
normaux. Le maire conserve son poste
jusqu’à ce qu’il soit contesté. Il n’y a pas
de durée de mandat établie. Tout déten-
teur de la citoyenneté est en droit de le
contester à tout moment. Mais ces contes-
tations ne sont normalement effectuées
que lorsque le challengeur estime avoir
une bonne chance de l’emporter.
Au-dessous du maire se trouve le con-
seil municipal. Sa taille varie d’une cité à
l’autre. Les échevins sont nommés par le
maire et approuvés par les citoyens. Leur
mandat dépend du maire ; un conseiller
municipal peut être remplacé sous réserve
que les citoyens approuvent une nouvelle
nomination. Il est clair que le système
encourage le népotisme et le vote en
blocs. Cependant, les gnomes sont suffi-
samment indépendants pour que le sys-
tème fonctionne relativement bien.
Les gnomes bilos n’habitent pas seule-
ment parmi les colonnes de basalte, mais
aussi à l’intérieur de celles-ci. Les dix com-
munautés sont dispersées sur le territoire
des Colonnes, chacune d’entre elles
comptant environ 1 000 membres.
Chaque ville est organisée autour d’un
pilier central, une énorme tour de basalte
qui surplombe le terrain environnant.
Cette tour est alvéolée de tunnels, de
chambres, de greniers, d’armureries, de
salles du conseil, de casernes et de quar-
tiers. Mais en règle générale, les gnomes
n’y demeurent pas. Ils vivent plutôt dans
de petites maisons de ville construites à
l’ombre de la tour. L’ensemble est ceint
d’un mur de défense extérieur.
Les gnomes ont eu beaucoup d’enne-
mis dans le passé : les gobelins, les ogres,
les hobgobelins et les elfes. Bien que
moins nombreux désormais, ils doivent
néanmoins toujours faire face à de formi-
dables menaces de la part des créatures
issues du Hitehkel et des raids hobgobe-
lins depuis le vieil Aurim. Si le mur de
défense extérieur cède, les gnomes se reti-
rent dans leur tour et y attendent les assié-
geants de pied ferme.
Bien sûr, les gnomes n’ont pas tou-
jours été victorieux. Plusieurs villes sont
tombées par le passé, notamment aux
mains des armées des adeptes des
flammes du Hitehkel. La plupart ont été
récupérées et reconstruites, car les agres-
seurs ne viennent que pour le pillage et la
destruction, pas pour la conquête. Deux
exceptions notables à cette règle toute-
fois : Provoerhoosktalchder, la tour du Gar-
dien, et Ilmachtothtalchder, la tour des Fan-
tômes.
Provoerhoosktalchder est appelée la tour
du Gardien en raison de son emplace-
ment. C’était la plus orientale de toutes les
villes bilos, la première ligne de défense
contre les hobgobelins d’Aurim. Son gou-
vernement a toujours incombé au gardien
des marches de l’Est, le commandant en
second des forces de la milice. Cependant,
il y a 53 ans, les hobgobelins, aidés par les
adeptes des flammes du Hitehkel, ont pris
d’assaut la tour et s’en sont emparée. Bien
que l’invasion ait été repoussée dans un
second temps (avec l’aide des nains du
Dédain), les hobgobelins ont toutefois
réussi à conserver leur emprise sur la tour
du Gardien.
Aujourd’hui, la situation se trouve
dans une impasse. À l’intérieur de la tour
se trouvent environ 1 500 hobgobelins de
tous âges. À l’extérieur, sous le comman-
dement permanent du gardien des
marches de l’Est, une milice de
1000 gnomes. Chaque saison, chaque cité
doit fournir 100 hommes pour cette
tâche. Les Bilos se savent trop peu nom-
breux pour prendre d’assaut la tour. Après
tout, ils l’ont construite et en connaissent
les défenses. Dans le même temps, les
hobgobelins ne dispose pas d’une supério-
rité écrasante nécessaire pour les inciter à
attaquer les gnomes. Les deux camps se
livrent à des raids et à des escarmouches,
chacun guettant qu’une opportunité se
présente.
La ville et le mur à la base de la tour
ont été détruits pendant la bataille et n’ont
jamais été reconstruits. En fait, au cours
des années qui ont suivi sa chute, les dé-
combres et les déchets à l’extérieur de la
tour ont augmenté. Les gnomes attribuent
cela à la saleté des hobgobelins. Bien que
cela soit vrai en partie, la plupart des dé-
bris proviennent du creusement de tun-
nels par les hobgobelins. Parfois, les sa-
peurs gnomes détectent ces tentatives et
parviennent à creuser une contre-mine, ce
qui donne lieu à de féroces batailles sou-
terraines. Mais ils n’ont jamais réussi à
obtenir plus que le statuquo avec les
hobgobelins. La situation demeure donc
inchangée.
La deuxième tour, l’Ilmachtothtalchder,
est inoccupée. Lorsque les dragons malé-
fiques furent relâchés sur Krynn et survo-
lèrent Taladas, deux d’entre eux, Masud la
Haineuse et son compagnon, choisirent
d’élire domicile dans cette tour. Les
gnomes, imprégnés dès leur plus tendre
36
enfance de contes, d’inepties et de demi-
vérités sur les dragons, ne purent tout
simplement pas résister à leur puissance.
Certains s’enfuirent, paniqués à la seule
pensée des dragons. D’autres, se souve-
nant des histoires de héros solitaires vain-
queurs de ces redoutables reptiles, s’avan-
cèrent bêtement, seuls, pour être détruits
sous les yeux des autres.
Les dragons ont ravagé la ville. Les
gnomes les plus chanceux s’enfuirent vers
d’autres cités, les plus fous se réfugièrent
dans leur tour s’y croyant à l’abri. Les
dragons jouèrent avec ces derniers tel le
chat avec la souris, leur laissant parfois
des moments d’espoir pour ensuite réap-
paraître auréolés d’une peur horrible.
Grâce à la magie, les gnomes transmet-
taient leurs appels au secours aux autres,
mais aucune aide ne pouvait leur parvenir.
En fin de compte, aucun n’a réussi à leur
échapper.
Depuis lors, la tour est restée déserte
et la terre qui l’entoure est évitée. De
temps à autre, les terres agricoles des villes
voisines sont pillées, mais les gnomes
n’ont pas pu y faire grand-chose jusqu’à
présent. À intervalles, le gardien envoie
une équipe en éclaireur sur la tour. Les
plus chanceux reviennent porteurs de
sombres nouvelles et des cauchemars. Les
dragons sont toujours là et leur nombre
semble augmenter. Masud a élevé une
couvée qui arrive maintenant à maturité.
Son vieux compagnon est mort il y a
quelque temps. Bientôt, elle quittera la
tour pour en trouver un nouveau. Ils re-
viendront à deux et elle engendrera de
nouveau. Entre temps, ses enfants seront
envoyés à l’extérieur pour se débrouiller
seuls.
La société gnomique
La société gnomique se divise en deux
classes principales. Numériquement les
plus nombreux et les plus influents des
Bilos (parce que plus compétents), sont
les gnomois, les Vrais Gnomes de Reorx.
Ces gnomes sont les dirigeants de la com-
munauté, les superviseurs, les capitaines,
les ingénieurs et les chefs de guilde. En
tant que Vrais gnomes, ils ont la connais-
sance et la capacité de construire et de
réaliser des ouvrages avec succès.
Ceux de la deuxième classe, les minois
ou gnomes Maudits travaillent sous leur
supervision. Bien qu’ils essaient sincère-
ment, ils sont incapables de construire et
réaliser des ouvrages qui fonctionnent. Ils
disposent bien des compétences néces-
saires, mais ils n’ont pas la perspicacité

suffisante pour concevoir et créer des
objets. Ce n’est que sous la surveillance
attentive des gnomois qu’ils se révèlent
utiles. Ce sont des ouvriers, des travail-
leurs de la forge, des assistants des maîtres
artisans, des bergers et des laboureurs.
Bien que les gnomois veillent attenti-
vement sur les minois et les empêchent
d’occuper des positions de pouvoir dans
la société (vraiment pour le bien de la
communauté), ils n’en aiment pas moins
leurs congénères. Au pire, leurs senti-
ments envers les minois peuvent être dé-
crits comme paternalistes. Au mieux, ils
espèrent améliorer les capacités et l’esprit
de leurs moins fortunés cousins. Ces der-
niers, pour la plupart, ne trouvent rien à
redire à l’arrangement tant qu’ils peuvent
occasionnellement assouvir leurs caprices
en matière de construction.
Les gnomes bilos, contrairement à
leurs frères du Hitehkel, n’ont pas un
accès facile à de riches gisements de miné-
raux. Ils se sont donc tournés vers la fa-
brication d’appareils petits et complexes.
Ils gardent jalousement la plupart de ces
dispositifs pour eux, mais en fabriquent
quelques-uns pour le commerce. Les
montres compactes qu’ils fabriquent dans
des boîtiers au design et à la décoration
élaborés sont incontestablement les plus
recherchées. Elles sont à même de donner
l’heure au quart d’heure près. Mais les
gnomes ne s’en contentent pas, ils les
chargent également de divers mécanismes
d’horlogerie : figures qui paradent, caril-
lons, tiges télescopiques avec des dra-
peaux qui ondulent, voix d’horlogerie et
autres accessoires fantaisistes.
Parmi les autres articles qu’ils fabri-
quent pour l’exportation, on trouve des
automates, des coffres minutieusement
piégés et des tournebroches mécaniques.
Leur production n’est pas très importante
et leurs prix sont élevés, ce qui limite ces
articles aux plus aisés. Ces objets servent
souvent de symboles de statut social pour
la classe supérieure des villes de la Ligue,
tandis que les gnomes du Hitehkel sont
forcés de constater que les gnomes bilos
les surpassent dans ces domaines de spé-
cialité.
LE PEUPLE DU DÉDAIN
Les nylgai nadirnoe, les nains du Dédain,
vivent au plus profond des racines des
monts Annelés. Ces nains, lors du Cata-
clysme, ont fui les horribles destructions
de la surface pour la sécurité réconfor-
tante des cavernes profondes des monts
Annelés. Ils se sont si profondément en-
foncés que les habitants de la surface ont
pratiquement oublié leur existence. En
retour, ils racontent maintenant à leurs
jeunes enfants des histoires sinistres et
fantaisistes sur le monde de la surface.
Après plus de 300 ans d’isolement, seuls
les plus âgés de leur peuple se souvien-
nent de ce qu’était autrefois la vie à la
surface.
Les siècles d’isolement ont modifié
l’apparence des nylgai. Les hommes mesu-
rent entre 1,2 m et 1,35 m. Les femmes
font en moyenne 15 cm de moins. Autre-
fois, c’était une race robuste et bien char-
nue. Aujourd’hui, ils sont généralement
maigres, bien qu’ils aient conservé la
structure osseuse de leur peuple. Leur
peau, autrefois sombre et rousse, est brun
pâle teinté de rouge. Leurs yeux sont
grands, d’un bleu délavé. La couleur de
leurs cheveux va du rouge flamme au
blond paille. Leur nez est grand et large.
Les hommes portent la barbe et celle-ci
est considérée comme attirante chez une
femme.
La tenue vestimentaire dépend gran-
dement de la classe sociale du nain. La
majorité sont des mineurs, des ouvriers
robustes engagés dans un travail honnête.
Ces hommes portent des combinaisons
grossières et de lourdes chemises, brodées
de motifs claniques autour du cou et de
l’ourlet inférieur. Les bottes sont lourdes
et robustes, avec des hauts amples. Tous
arborent une bandoulière et sa pochette à
outils. C’est là qu’ils gardent leurs ciseaux
et marteaux, symboles de leur métier.
Les artisans s’habillent de la même
façon, bien que beaucoup portent une
chemise plus serrée (il n’est pas bon pour
un fondeur de voir sa manche se défaire
dans le minerai en fusion). Les artisans
sont reconnaissables au lourd tablier de
cuir que chacun porte, avec l’insigne de
son métier. Les nains de la classe supé-
rieure (chefs de clan et riches marchands)
renoncent à la tenue commune de la
classe ouvrière, au profit de lourdes robes
de brocart décorées de motifs runiques.
De petits chapeaux garnis de franges de
cuir brillant et de queues en fourrure com-
plètent leur tenue.
Les naines portent des robes longues,
liées par des ceintures et agrémentées de
rubans et de broderies. Les robes de pres-
tige, telles que celles portées par les
femmes à marier, utilisent des tissus fins
et des cuirs souples. Parmi les matériaux
plus pratiques, on trouve les laines lourdes
en fil de chèvre et les cuirs rigides.
37
L’HOSK SEPTENTRIONAL
Le soldat professionnel est un métier
réputé et à plein temps aux yeux des
nains. Chaque clan doit prendre en charge
les frais d’équipement et d’entretien d’une
compagnie masculine (qui fait partie du
clan de la guerre). Les soldats d’une com-
pagnie reçoivent un uniforme standard,
bien que la tenue de deux unités distinctes
puisse être très différente. Chaque
membre de la compagnie pourra porter
une chemise identique, une casquette de la
même couleur ou un badge en cuir fixé à
la poitrine. Ces marques sont suffisantes
pour que les nains s’identifient mutuelle-
ment par unité.
En leur qualité de maîtres forgerons,
les nains ont plus facilement accès au fer
fin que toutes les autres races, à l’excep-
tion des gnomes. C’est ainsi qu’ils confec-
tionnent des cottes de mailles et des ar-
mures de plates, des épées, des pointes de
lance et des boucliers. L’armement ty-
pique d’un guerrier nain consiste en un
haubert de mailles, un grand heaume, un
bouclier, un épieu à pointe de feuille et
une épée à double tranchant. Chaque
homme porte un nécessaire de campagne
dans un sac à dos en cuir ou en bandou-
lière. Le kit contient généralement des
couvertures, des rations, une pierre à ai-
guiser, de l’huile de polissage et des effets
personnels.
Comme moyen d’identification sup-
plémentaire, chaque compagnie possède
un écusson et un nom particuliers. Il y a
les compagnies l’Enclume, les Ciseaux, les
Briseurs d’os, les Lézards de roche et les
Barbes rouges, pour n’en citer que
quelques-unes. Chacune d’entre elles a
son écusson peint sur son bouclier, géné-
ralement sous la forme d’un dessin aussi
effrayant que possible. Lorsqu’elles sont
disposées en rangs serrés, bouclier contre
bouclier, les compagnies naines présen-
tent un spectacle impressionnant.
Bien que les nains du Dédain aient
oublié une grande partie du monde de la
surface, leur longue retraite a permis la
préservation d’une grande partie de leur
mode de vie. Contrairement à la plupart
des habitants de la surface, ils n’ont pas
perdu leur culture dans les bouleverse-
ments de la Nuit de Hiteh. Ils sont restés
très organisés et civilisés, surtout en com-
paraison des humains et des elfes.
Les nains du Dédain sont organisés en
une seule nation. Les recensements régu-
liers effectués par leurs Hauts Rois ont
permis de situer la population à environ
200 000 âmes dans les cavernes de l’Odder-
Rhing ou Terre sous les Montagnes. Elles
L’HOSK SEPTENTRIONAL
se répartissent sur toute la longueur de
l'OdderRhing, la vaste série de cavernes qui
minent les montagnes. Chaque nain ap-
partient à l’un des clans qui forment le
noyau du gouvernement nain.
Les clans nains sont organisés sur la
base de classes ou de métiers. Autrefois, il
s’agissait de guildes auxquelles pouvaient
appartenir un nombre quelconque de
familles. Aujourd’hui, la profession et la
famille sont réunies sous la seule bannière
du clan. Tous les membres du clan sont
liés entre eux à un degré ou à un autre et
sont censés exercer la même profession à
l'âge adulte. Les membres du clan qui ne
sont pas aptes à exercer le métier, pour
quelque raison que ce soit, peuvent de-
mander à être adoptés dans un clan plus
approprié. S’il est accepté en tant que fils
ou fille, le nain adopté peut exercer sa
nouvelle profession. Si cette structure
rigide assure la stabilité et la continuité des
traditions naines, elle peut également
étouffer et restreindre l’esprit d’initiative
des nains. C’est cependant un prix qu’ils
sont prêts à accepter.
Tous les clans ne sont pas égaux en
importance. Cela varie en fonction de la
taille et du métier du clan. Le plus grand
est le clan des mineurs. C’est un métier
respectable, mais pas particulièrement
impressionnant, que les mineurs compen-
sent par leur nombre. Les autres clans
(sans ordre particulier de taille ou d’im-
portance) sont les forgerons, les fondeurs,
les scribes, les bijoutiers, les orfèvres, les
armuriers et les tisserands. Chacun d’entre
eux joue un rôle important dans la com-
munauté.
Quatre clans sont à mentionner, car
leurs rôles sont particuliers. Les maîtres de
guilde forment un clan peu apprécié, mais
sont essentiels à l’économie de la nation.
Ils ne produisent pas de marchandises
mais agissent comme des commerçants,
échangeant la production d’un clan contre
celle d’un autre. Le clan est très petit, mais
son pouvoir est immense. Tout ce qui est
produit par une personne en dehors de la
production locale doit passer par les
mains d’un maître de guilde. Les armes en
fer produites à une extrémité de l'Odder-
Rhing sont échangées contre de la nourri-
ture cultivée à une autre extrémité. Les
fourrures issues du piégeage sont échan-
gées aux maîtres de guilde contre de
l’équipement et de l’argent. Les fourrures
sont ensuite échangées avec le clan des
tanneurs contre des fourrures finies, les
fourrures finies avec les fourreurs, et ainsi
de suite. Grâce à toutes ces transactions,
les maîtres de guilde réalisent un petit
profit à chaque étape, ce qui les rend ex-
trêmement riches et puissants.
Le second clan à signaler est celui des
bannis. Il est évité par tous les autres. Les
contacts avec les bannis sont réduits au
strict minimum et le mariage avec l’un
d’entre eux est presque impensable. Ils
accomplissent des tâches qui sont impures
et taboues pour le reste du peuple. Ils sont
chargés d’enterrer les morts, de nettoyer
les déchets, de couper le bois en surface,
de faire du commerce avec les marchands
de la surface et d’interpréter la langue du
disir, l’ennemi des nains qui vit dans les
profondeurs. Bien que leurs positions leur
donnent accès à des voies inhabituelles
vers le pouvoir, ils sont généralement
pauvres et mal considérés par les autres.
Des siècles de tradition leur ont appris à
supporter leur position sans trop de
plaintes.
Le troisième clan est le clan de la
guerre. Il s’agit de l’armée naine. Seuls les
membres de ce clan peuvent devenir sol-
dats et gardes. Pour maintenir les effectifs,
le clan de la guerre conclut fréquemment
des pactes d’adoption avec d’autres clans,
bannis compris. Ces clans fournissent des
fils et des filles aptes au mariage en
échange de garanties de protection et de
sécurité. Cela s’ajoute aux frais d’entretien
que le Haut Roi a décrété que les clans
doivent payer. D’une certaine manière, la
sécurité de la nation est une affaire com-
merciale.
Le dernier clan important, en fait le
plus important, est le clan du chef. Il s’agit
de la maison royale naine. C’est dans ses
rangs que le Haut Roi est choisi. La sélec-
tion se fait par les votes des autres clans
qui doivent choisir parmi les princes du
clan du chef. Le choix arrêté, l’élu devient
Haut Roi à vie.
Les autres princes du clan reçoivent
des titres et des offices au fur et à mesure
de leur disponibilité et selon leurs capaci-
tés. Ces fonctions sont normalement ac-
cordées à vie, mais elles peuvent être ré-
voquées pour trahison ou autres crimes
graves. En outre, les membres du clan du
chef ont un certain nombre de titres héré-
ditaires qui leur confèrent du prestige et,
dans certains cas, une autorité réelle. Par-
mi les titres héréditaires, citons celui de
grand révocateur, de trésorier de la garde
impériale, de sergent de la Porte noire,
l’instructeur impérial, de gardien de la
Forge sacrée et de seigneur-maître du feu.
Les fonctions (non héréditaires) compren-
nent le trésorier impérial, le publicain, le
38
proconsul de la Porte noire, le chambellan
du Haut Roi, le chambellan de la Haute
Reine, l’intendant de la Cour et le Com-
mandeur des croyants.
Il existe un poste au sein de l’empire
nain qui n’est sous l’emprise d’aucun clan.
De droit, ce poste devrait relever des de-
voirs des bannis. Cependant, sa position
est bien trop importante pour ce clan. Le
poste de gardien impérial des ancêtres est
un titre héréditaire de la famille
Strompdal. Ils n’appartiennent à aucun
clan. La fonction comprend la préparation
et l’inhumation des défunts du clan du
chef et l’exécution de membres de ce clan
qui sont condamnés à mort. Pour le reste
du peuple, ces fonctions incombent aux
bannis. Cependant, la famille royale ne
peut être souillée par leur contact, aussi
ces tâches sont-elles accomplies par la
famille Strompdal, de statut supérieur.
Indépendants de tout clan, ils ne sont pas
stigmatisés par leurs fonctions et n'appor-
tent l’opprobre à aucun clan.
Les clans constituent la base du gou-
vernement. À sa tête se trouve le Haut
Roi. Il est le seul souverain de la nation,
en quelque sorte. Lui seul dispose du pou-
voir d’édicter les lois, de rassembler l’ar-
mée pour la guerre et de lever l’impôt. Ses
administrateurs, nommés par lui ou par
l’un de ses prédécesseurs, veillent à ce que
les lois soient promulguées, appliquées et
respectées.
Le Haut Roi ne jouit pas d’un pouvoir
dictatorial absolu. Le Conseil des clans le
conseille en toutes matières et exprime la
volonté du peuple. Il est composé de diri-
geants choisis dans chaque clan. Le
nombre de conseillers autorisé pour cha-
cun dépend d’une formule compliquée qui
tient compte de sa taille (sur insistance du
clan des mineurs) et des impôts qu’il règle
(le clan des maîtres de guilde s’assure ainsi
qu’il est bien représenté).
Pour s’assurer que la représentation au
sein du Conseil est exacte (et que les im-
pôts appropriés sont payés), les Hauts
Rois procèdent régulièrement à un recen-
sement des personnes et des biens. Lors
d’une entrée en fonction d’un nouveau
souverain, l’un d’eux est systématique-
ment effectué. Par la suite, un nouveau
sera exécuté chaque fois que le Haut Roi
tente de prélever des impôts plus élevés
que ceux payés habituellement. En outre,
le souverain peut demander un recense-
ment chaque fois qu’il estime que les clans
ont réussi à cacher une trop grande partie
de leurs biens à ses inspecteurs.

Cette méthode de collecte et de recou-
vrement des impôts est la meilleure dont
disposent les clans pour résister aux édits
d’un Haut Roi impopulaire. Plus d’une
fois, l’un d’eux a été forcé de composer
avec les clans qui le menaçaient d’une
fronde fiscale ouverte. En général, les
membres du clan du chef ont appris à ne
pas trop pousser leur pouvoir et leur auto-
rité.
Prêtres nains
Les artisans prêtres de l’ordre des
Créateurs, le clergé nain, travaillent en
collaboration avec le Haut Roi et les clans.
Contrairement aux autres religions, les
Créateurs n’ont pas perdu leurs pouvoirs
avec la Désertion des dieux pour la simple
raison qu’ils n’en ont jamais eu. Ce sont
des experts de l’art mystique nain de la
forge, des nains qui, grâce à la dévotion
qu’ils insufflent à leur travail, sont ca-
pables de créer des objets magiques. Ce
ne sont ni des sorciers ni des prêtres, ce
sont des maîtres de la forge.
Ils consacrent leur vie aux trois puis-
sances de la Terre : Ferros, Auros et Or-
gentos, les pourvoyeurs du pouvoir ma-
gique de la terre. Ces trois pouvoirs s’ac-
croissent et se réduisent selon des calen-
driers complexes élaborés par les Créa-
teurs En réalité, ces derniers utilisent les
pouvoirs des trois dieux de la magie, qui
s’amplifient et s’amenuisent selon les
cycles des trois lunes de Krynn. Cepen-
dant, n’ayant jamais vu les lunes, les nains
ne peuvent que sentir leur influence lors-
qu’elle s’exerce dans la terre. Ils assimilent
donc ces pouvoirs magiques aux dieux
chtoniens.
Avant le Cataclysme, il existait d’autres
croyances chez les nains. Cependant, avec
la Désertion des dieux, ces prêtres ont
perdu leurs pouvoirs et leurs cultes se
sont évanouis. Assimilant cela comme un
signe de la suprématie de leurs croyances,
les Créateurs ont réussi à convaincre les
Hauts Rois de proclamer religion d’État
l’ordre des Créateurs et d’en interdire
toutes les autres. Dans l’ensemble, cela
s’est bien passé avec les nains (qui n’ont
jamais été particulièrement religieux de
toute façon), mais cela a empêché le culte
de Mislaxa de prendre pied dans leurs
terres.
Les nains forment une société autar-
cique et ne font donc que très peu de
commerce avec le monde extérieur. Lors-
qu’ils en font, ils sont surtout intéressés
par les nouveautés introuvables dans leur
monde souterrain. Les bois finement
sculptés, le coton, la soie, le papier, le vin,
l’huile d’olive, les herbes et les épices sont
tous très chers. Ils ne supportent pas le
goût de la plupart des fruits et légumes,
qui sont trop savoureux pour leurs palais
fades.
Les biens de valeur produits par les
nains comprennent les sculptures sur
pierre, les armes, les lingots d’acier pur et
les objets magiques, en particulier les
armes et les armures, qui sont presque
inestimables. Ils trouvent les réalisations
de leurs cousins, les gnomes, fascinantes
en raison de leur splendide mécanique. La
complexité du travail est une chose qu’ils
peuvent apprécier, bien qu’ils ne puissent
pas comprendre comment ou pourquoi
les gnomes persistent à créer ces disposi-
tifs sans l’aide ou l’utilisation du pouvoir
magique de la terre. En effet, le forgeron
nain, alors qu’il martèle une barre de fer
sur son enclume, chante « Magie et acier
CLANG ! Magie et acier CLANG ! Les
dieux de la forge nous donnent de la ma-
gie et de l’acier CLANG ! »
Les nains mènent une vie simple. Ils
se nourrissent de viande fade, de ragoûts,
de champignons, de racines, de lait et de
beurre. À l’exception du sel et des
poudres métalliques, ils ne disposent
guère de beaucoup d’arômes, d’épices ou
d’herbes. Faute de bois en abondance,
leur mobilier est spartiate, sculpté dans la
pierre et rembourré de coussins de laine et
de mousse.
Les nains ont leurs passions. Ils pré-
tendent à juste titre que personne ne fait
une meilleure bière, une meilleure stout
39
L’HOSK SEPTENTRIONAL
ou une meilleure pils que leurs maîtres
brasseurs et ils sont tout à fait disposés à
le prouver à leurs invités. Une autre pas-
sion est celle de la parole. Les nains ado-
rent les histoires, les sagas et les pièces de
théâtre dans lesquelles la parole est pré-
pondérante. Les bardes naines chantent
les histoires de grands héros lors de fêtes
qui durent des jours. Les clans organisent
des concours, mettant en scène les œuvres
classiques des dramaturges anciens et
modernes. Des défis de poésie, notam-
ment les énigmes exigeantes et les kennin-
gar, remplissent leurs soirées.
Mais leur plus grande passion est sans
contexte la pierre. Au cours des siècles
que les nains ont passés sous terre, l’un de
leurs principaux objectifs a été d’agrandir
et d’embellir les tunnels, les salles et les
cavernes qui forment leur territoire. C’est
ainsi que des groupes de travail exploitent,
cisèlent, sculptent et façonnent le com-
plexe de tunnels. En cela, surtout, ils font
mentir l’image terne et austère que les
autres leur attribuent.
Ils aiment embellir et décorer leur
pierre dans un style baroque. Ils sont inca-
pables de sculpter un simple pilier. Il doit
avoir des chapiteaux, des cannelures, des
piédestaux, voire des visages élaborés. Les
murs ne sont jamais de la simple pierre de
taille sauf s’il s’agit de mettre en valeur un
effet encore plus grand comme une scène,
un visage ou un dessin géométrique. Cer-
tains sont destinés à l’édification. D’autres
sont purement artistiques, sculptés pour
mettre en valeur les strates de la roche.
Personne au monde au monde n’a plus de
talent que les maîtres sculpteurs du peuple
du Dédain pour créer des œuvres sculp-
tées d’une grande beauté.
L’HOSK SEPTENTRIONAL
L’excavation est aussi pour eux la
cause d’un désastre. Alors que les nains
poursuivaient leur exploitation minière,
l’obsession de creuser toujours plus pro-
fond s’est emparée d’eux. Ils croyaient
avec confiance qu’ils étaient les maîtres de
toutes les terres sous la surface, qu’ils
étaient en droit de tout revendiquer. C’est
au cours de ces fouilles profondes que les
mineurs ont débouché sur une caverne où
flottait un épais parfum de mort et de
décomposition. Quelque chose a massacré
ces mineurs et a laissé des corps comme
preuve. Ce fut le premier contact des
nains avec les disirs.
Le disir, une race maléfique emplie de
sauvagerie, vit dans la terre bien plus pro-
fondément que là où tout homme ou nain
par le passé ne s’y était jamais aventuré. Ils
s’étaient toujours attaqués à d’autres habi-
tants des royaumes sombres et à leur
propre espèce. Jusqu’à leur découverte par
les nains, les disirs ne s’étaient jamais
aventurés plus près de la surface. Mais
aujourd’hui, tout a changé. Ils ont décou-
vert un monde riche dans les tunnels qui
les surplombent. Dans les décennies qui
ont suivi leur apparition, disirs et nains se
sont livrés à une guerre d’extermination
sanglante et impitoyable.
On sait très peu de choses sur le disir.
Il est clair qu’ils sont féconds, car les nains
en ont tué un nombre impressionnant. Ils
disposent également d’un pouvoir ma-
gique ou clérical sur les morts et peuvent
même retourner les nains morts contre
leurs frères vivants. Les nains qu’ils captu-
rent s’échappent rapidement ou connais-
sent une mort atroce. Ce choix empêche
les nains d’en tirer beaucoup d’enseigne-
ments de leurs comparses qui sont parve-
nus à s’enfuir.
Au fil des ans, les nains ont découvert
et déchiffré des exemples de la langue
disir dans les chambres de leurs colonies.
Les quelques détenus qu’ils ont fait pri-
sonniers leur ont appris les mots de leur
adversaire, mais aucun n’a vécu assez
longtemps pour leur fournir un vocabu-
laire très complet. Ce n’est que grâce au
travail persistant des chercheurs des ban-
nis au fil des ans qu’un lexique a pu être
constitué. Aujourd’hui, les espions des
bannis peuvent suivre les conversations
secrètes des disirs. C’est un travail risqué,
car la mort qui leur est réservée est la pire
de toutes.
La guerre a peu évolué ces dernièrs
temps. À l’extrémité sud de l’OdderRhing,
les disirs se sont emparés de plusieurs
niveaux de chambres et sont maintenant
presque à portée des anciennes mines
humaines, le chemin qui mène à la sur-
face. Les tentatives précédentes, tout le
long de l’OdderRhing, d’éradiquer les disirs
des tunnels ont échoué, car il semble exis-
ter toujours plus de tunnels secrets qui ne
sont découverts que plus tard, lorsque les
disirs en jaillissent.
Actuellement, les nains tentent une
nouvelle stratégie avec l’aide de quelques
magiciens gnomes et humains (une grande
concession de la part du peuple du Dé-
dain). Leur dernière campagne, qui semble
prometteuse, consiste à trouver et à dé-
truire les chambres de reproduction des
disirs. Ces raids sont risqués, d’autant plus
que le temps passe et que les disirs ris-
quent de déduire la stratégie naine. Pour le
retarder, les nains poursuivent leurs an-
ciennes tactiques, bien que celles-ci soient
effectuées dans des zones éloignées des
sites présumés des chambres de reproduc-
tion.
La guerre a également provoqué un
profond changement dans la population.
Avant les attaques des disirs, les nains
étaient confiants et sûrs de la justesse de
leurs actions. Aujourd’hui, il semble que
les dieux se vengent d’eux. Les raids disirs
sont si soudains et violents que la con-
fiance des habitants dans la sécurité de
leurs foyers en est ébranlée. Les voyageurs
détestent se déplacer d’une colonie à
l’autre, seuls ou même en petits groupes.
Les enfants grandissent avec la peur et la
haine de l’ennemi. Les clans rejettent la
responsabilité de chaque échec sur la me-
nace disir. Les nains deviennent lentement
cyniques et pessimistes, peut-être même
défaitistes. Ils souffrent d’une crise de
confiance semblable à celle qu’ont connue
les autres au moment du Cataclysme.
LE RESSAC
Le grand estuaire connu sous le nom
de Ressac sépare la partie septentrionale et
la partie méridionale de l’Hosk. Il s’agit
d’une large faille peu profonde ouverte
lors du Cataclysme. Elle relie les eaux
bouillonnantes de la mer d’Indanalis à
l’océan Occidental. Les îlots sont bordés
d’épaisses forêts et de roseaux de marais
salants.
40
Le Ressac tire son nom du flux et du
reflux des eaux selon les influences des
lunes. Elle présente trois conditions de
base : le flux, le reflux et l’assèchement. Le
flux décrit les moments où ses eaux sont
les plus hautes, c’est-à-dire les moments
où les trois lunes de Krynn ne sont pas en
conjonction les unes avec les autres. Pen-
dant ces périodes, l’eau s’écoule de l’océan
Occidental vers l’Indanalis. L’estuaire peut
alors recevoir des navires à faible tirant
d’eau et à quille plate. Les navires mar-
chands et les radeaux utilisent cette phase
pour assurer le passage entre l’océan Oc-
cidental et l’estuaire de leurs cargaisons.
La phase de reflux se produit lorsque
deux lunes se rapprochent. Les eaux du
Ressac ralentissent alors et les eaux se
rétractent, laissant de part et d’autre des
bancs de roseaux boueux. Les bateaux à
faible tirant d’eau sont forcés de s’échouer
et seuls les radeaux peuvent naviguer en
eaux basses.
La condition la plus rare est celle de
l’asséchement. Cela ne se produit que
lorsque les trois lunes sont réunies. Pen-
dant ces périodes, le Ressac recule telle-
ment que l’estuaire s’assèche complète-
ment dans sa partie centrale. Il ne reste
plus que deux bras très réduits, l’un au
bord de l’océan Occidental et l’autre au
bord de la mer d’Indanalis. À cette
époque, les caravanes marchandes traver-
sent à la hâte les vastes étendues boueuses
du Ressac. Le timing est important, car les
eaux reviennent rapidement. Aucun com-
merçant ne veut se retrouver au milieu
lorsque les eaux de l'océan reviennent.
Comme il s’agit d’une voie d’eau im-
portante, bien qu’irrégulière, le Ressac a
attiré un large éventail de colons et de
larrons. Les minotaures de la Ligue ont
établi plusieurs villes de commerce sur le
front nord, la plus grande étant Rudil.
Là où le Ressac perce les chaînes des
monts Annelés et du Mur-de-Vapeur,
deux villes commerciales de moindre im-
portance ont vu le jour pour accueillir les
caravanes de marchands qui traversent
pendant les périodes sèches. Alors que la
ville du sud (Faroen) relève de la juridic-
tion nominale de la Ligue, celle au nord
(Malton) est indépendante et est dirigée
par l’autoproclamé comte Ricar. Les deux
villes sont des zones rudes et anarchiques
mais Malton est particulièrement connue
pour sa justice expéditive et son absence
de loi. C’est un centre névralgique particu-
lièrement sensible pour la Ligue, qui ac-

cuse régulièrement Ricar d’héberger les
pirates qui sévissent dans l’estuaire.
Outre les nuisances des occasionnels
gobelins des Ilquars et des hommes-
lézards qui tentent parfois de prendre
d’assaut des navires imprudents qui pas-
sent devant leurs colonies dans le chenal,
le plus grand danger du fleuve est indénia-
blement les pirates. Ces boucaniers pa-
trouillent le cours d’eau dans leurs quil-
lards et leurs radeaux et s’attaquent aux
navires marchands pour s’enfuir avec leur
cargaison. Leur plus célèbre représentant
est le minotaure renégat Haralt le Gris. Il
commande une petite flotte de cinq quil-
lards et plus de 100 hommes et mino-
taures. Lorsqu’il ne rôde pas sur le fleuve,
Haralt se trouve à Malton, en compagnie
du comte Ricar, qu’il fournit en butin
volé.
RUDIL
Appeler Rudil une cité (comme le font
ses habitants), c’est peut-être exagérer la
vérité. Fondée à l’origine comme un
comptoir pour le commerce autour du
Tamire, elle est devenue une grande ville,
le port maritime le plus important sur la
côte de l’Hosk septentrional. Il s’agit en
fait de son unique port maritime.
Rudil compte une population d’envi-
ron 5 000 habitants. Ses colonies sœurs,
Milgath et Barask, abritent environ
1 000 âmes chacune). Selon les termes de
l’accord conclu entre les Uigans et les
autres tribus du Tamire, Rudil n’a droit
qu’à une petite bande côtière. La ville se
trouve au centre de cette zone, entourée
par les terres agricoles nécessaires au
maintien de sa population.
Actuellement, les trois villes sont à un
tournant. Avant de pouvoir se développer
davantage, la Ligue doit conclure un nou-
vel accord avec les nomades du Tamire,
au risque de déclencher une guerre. Cette
dernière option ne plaît pas aux habitants
de Rudil, car ils ont entendu maints récits
sur le devenir des prisonniers uigans. Cer-
tains d’entre eux se souviennent même
des guerres précédentes avec les Uigans.
Les murs de pierre et de terre qui entou-
rent encore le périmètre extérieur de la
ville rappellent cette époque.
Rudil et les terres environnantes sont
sous le contrôle de la Ligue, le gouverne-
ment dominé par les minotaures de
l’Hosk méridional. En tant que tel, elle en
suit les lois et les coutumes. Le territoire
est dirigé par un gouverneur désigné qui
vit dans le donjon construit sur la petite
falaise en bordure maritime.
Comme c’est le cas dans toutes les
villes de la Ligue, l’ordre public minotaure
est rigoureusement maintenu grâce à un
usage rapide et discriminatoire de la force.
Les fauteurs de troubles sont d’abord
battus sans raison, avant toute question.
Peu de citoyens sains d’esprit résistent
lors d’une arrestation ou font du grabuge
lorsque la garde est là. Les gardiens de
caravane, les marins et les guerriers uigans
sont plus susceptibles de causer des en-
nuis. Pour atténuer le problème, la ville a
aménagé une enceinte séparée pour les
caravanes à la périphérie de la ville. Les
honnêtes citoyens essaient d’éviter le
quartier, tandis que ceux qui y possèdent
des entreprises engagent de nombreux et
robustes gardiens.
Bien qu’elle soit relativement petite,
Rudil dispose d’une grande variété de
services. C’est la porte d’entrée à la fois
vers l’océan Occidental inconnu et les
étendues sauvages du Tamire. L’enceinte
du caravansérail fourmille d’auberges, de
tavernes, d’écuries et de pourvoiries. Le
long du front de mer, on trouve des mar-
chands d’articles pour bateaux, des chan-
tiers navals et des constructeurs de na-
vires. S’y pressent des marchands de che-
vaux qui commercent avec les Uigans, des
forgerons qui négocient l’acier gobelin,
des grossistes, des épiciers, des merce-
naires, des guides, des navigateurs, des
bateliers, des pêcheurs, des ramasseurs de
palourdes et des ostréiculteurs.
En dehors de la ville, les fermiers lut-
tent avec le sol dur et rocailleux pour faire
pousser les récoltes nécessaires à l’alimen-
tation de la ville. Les vachers montent la
garde pour empêcher les nomades de
voler une vache ici et là. Des éleveurs de
chevaux optimistes tentent d’améliorer le
patrimoine génétique du Tamire, tandis
que des dresseurs de chameaux préparent
leurs animaux pour des voyages à travers
les steppes sèches. Mais l’endroit le plus
coloré de tous est le grand bazar qui oc-
cupe la place centrale.
Chaque matin, dès qu’il fait jour, la
place commence à se remplir de mar-
chands. Autour de la bordure extérieure
se trouvent les étals permanents des mar-
41
L’HOSK SEPTENTRIONAL
chands établis. Chaque matin, les auvents
aux couleurs bariolées sont relevés et les
marchandises sont disposées sur des tapis
et des tables basses pour que tous puis-
sent les inspecter. Au centre de la place,
les marchands ambulants étalent leurs
tapis débordants de trésors exotiques du
nord et du sud.
Les marchands attendent leur heure
en chassant les mouches et en émettant
un mélange de chants gutturaux, perçants
et bourdonnants. Bientôt, la foule envahit
la place. Les odeurs de viande rôtie,
d’épices exotiques, de vin capiteux, de
sueur, de tabac et de fruits trop mûrs
s’intensifient sous la chaleur du soleil. À
mesure que la chaleur des jours augmente,
la foule s’amenuise. Les commerçants
rampent à l’ombre de leurs auvents ou
s’allongent sous une tente improvisée
pour siroter un café épais et sucré et se
reposer jusqu’en fin d’après-midi. Peu à
peu, la foule revient. Des animateurs, des
jongleurs, des acrobates et des marionnet-
tistes assurent le divertissement en
échange de pièces de monnaie. Le cycle
matinal des spectacles et des sons se ré-
pète. Enfin, le crépuscule tombe et les
acheteurs rentrent chez eux ; les mar-
chands remballent leurs marchandises,
enroulent leurs tapis et ferment leurs vo-
lets. Le garde fait ses rondes pour collec-
ter la taxe du gouverneur. À leur suite, la
pègre locale vient prélever sa dîme contre
un autre jour de paix.
Comme toutes les villes, Rudil a ses
légendes urbaines. C’est, après tout, un
lieu de rassemblement pour les âmes
aventureuses qui se préparent à partir
dans l’inconnu. Les ragots et les rumeurs
abondent. Il y a des histoires de riches
citadins qui font leur chemin en se faisant
passer pour des mendiants infirmes, des
maisons de sorciers excentriques (et ab-
sents) remplies de trésors.
Il y a des torts à redresser et des maux
à vaincre. Certains assurent que le capi-
taine du port est de mèche avec les pirates
fluviaux, les avertissant que de riches car-
gaisons se dirigent vers eux. Des réunions
secrètes des partisans de Hiteh ont été
signalées près du mur nord. Un seigneur-
dragon aurait atterri à l’extérieur des murs.
La police secrète du grand chef illustre de
toutes les nations, l’empereur minotaure,
parcourt la ville à la recherche d’un certain
voleur. Mais bien sûr, tout cela n’est que
commérages et rumeurs.

L’HOSK MÉRIDIONAL
Si un homme saisit des biens par la force et
que ces biens sont récupérés, le plaignant et le
défendeur peuvent entrer dans l’arène avec l’ar-
mure qu’ils peuvent se permettre. Si un homme
saisit des biens par la force et qu’ils ne sont pas
récupérés, cet homme ne peut pas se prévaloir de
son armure. Si l’homme dispose malicieusement
des biens ou les rend intentionnellement irrécupé-
rables, le combat est à mort.
Législation d’Ambeortin VII,
Codex juridique de la Ligue
La moitié sud du vieux continent de
Hosk, nommée aujourd’hui, sans grande
imagination, sous le nom d’Hosk méridio-
nal forme la deuxième plus grande masse
terrestre de Taladas. En plus de sa grande
taille, c’est aussi la plus peuplée et la plus
civilisée de toutes les terres du continent.
C’est le siège de la Ligue impériale des
villes minotaures (communément appelée
la Ligue des Minotaures ou la Ligue des
marchands ou simplement la Ligue), des
royaumes d’Armach et de Thénol et des
montagnes orageuses du Mur-de-Vapeur.
Comme son homologue septentrional,
l’Hosk méridional s’étend sur un large arc
qui forme le sud-ouest du continent. Sa
partie nord est un prolongement du bou-
clier sous-jacent qui s’étend sur le Tamire.
Celui-ci s’est fendu le long d’une ligne de
faille au niveau du Ressac. Ce bouclier
crée une plaine nivelée dans l’extrémité
nord-ouest des terres. En s’étendant vers
le sud et l’est, le sol s’élève progressive-
ment. Cela force le ruissellement des ri-
vières dans cette plaine, charriant de
riches limons pour nourrir la terre. La
combinaison de terres riches, d’eau et de
climat tempéré, modéré par les vents de
l’océan Occidental, en fait la terre agricole
la plus fertile de tout Taladas.
Plus au sud, les terres en pente cèdent
la place aux Neumonts. Créées par le sou-
lèvement abrupt de plusieurs failles sous-
jacentes, ces montagnes ne sont pas parti-
culièrement hautes, mais elles continuent
de croître. L’activité volcanique est modé-
rée, mais elle reste très faible sur Taladas.
Les Neumonts sont divisés en une série
de petites chaînes séparées par de larges
vallées. Plus élevées et plus fraîches que la
plaine, celles-ci offrent d’abondants pâtu-
rages et du bois de charpente aux popula-
tions qui y vivent.
À l’extrémité sud des Neumonts se
trouve la Confédération d’Armach. Ici, les
terres de hauts pâturages plongent brus-
quement pour rejoindre la côte, à la baie
de Hoor. En conséquence, une grande
partie de la côte est constituée de falaises
abruptes, une brusque inclinaison vers les
rochers en contrebas. Le temps y est
chaud toute l’année et les précipitations
abondantes, mais le sol est fin et très éro-
dé, ce qui rend l’agriculture difficile.
En allant plus loin vers le sud, on des-
cend du plateau continental. La couche de
granit sous-jacente fait maintenant place à
une roche mère plus tendre. Les chaînes
des Neumonts se rétrécissent et devien-
nent plus basses et plus rondes. À l’excep-
tion des zones situées immédiatement
autour des chaînes inférieures (aujourd’hui
à peine plus que des collines), la terre
s’abaisse presque jusqu’au niveau de la
mer. Les brises chaudes et humides du
sud-ouest qui soufflent de l’océan d’Ac-
calmie déversent de grandes quantités de
pluie sur cette région. Le royaume de Thé-
nol et les zones sauvages qui l’entourent
sont parsemés de forêts subtropicales et
de marécages.
En remontant depuis la côte vers
l’intérieur des terres, le sol change peu. Le
long de la bordure la plus intérieure de
l’Hosk méridional, le Mur-de-Vapeur
bloque l’accès à la mer d’Indanalis. À l’ex-
ception d’une série de contreforts au
nord, la chaîne de montagnes s’élève sans
avertissement. Contrairement aux Neu-
monts, le Mur-de-Vapeur est haut, acci-
denté et morne. Les contreforts de l’ouest
(le peu qu’il y a) sont couverts de forêts
tropicales sombres et contrefaites. Des
pluies torrentielles se produisent presque
quotidiennement et la végétation luxu-
riante est transformée en un paysage plus
sombre par les pluies polluées qui déva-
lent des montagnes. Plus haut sur les
pentes, la croissance excessive fait place à
des plantes rases qui épousent la roche
puis finalement à des lichens. Sur les hau-
teurs, juste en dessous des neiges, seules
les plantes les plus robustes peuvent sur-
vivre aux pluies mortelles qui viennent de
l’Indanalis.
Alors que les pentes occidentales du
Mur-de-Vapeur sont mornes, leurs con-
treparties orientales sont un véritable cau-
chemar. Des plantes hideusement cor-
rompues aux feuilles pâles et gélatineuses
et à la sève ressemblant à du pus aspirent
les minéraux nauséabonds et respirent les
vapeurs acides de l’Indanalis. Il se dit que
certaines rampent, et même qu’elles pleu-
43
L’HOSK MÉRIDIONAL
rent et gémissent à travers de petites voix
affamées. Il s’agit plus probablement d’il-
lusions alimentées par l’imagination de
naufragés fiévreux, dont le cerveau est
rongé par les brumes fumantes de l’océan.
D’autres choses, peut-être autrefois des
animaux, sont encore plus répugnantes et
dangereuses. Le plus souvent, leur évoca-
tion instille un frisson de terreur aux voya-
geurs qui se sont perdus dans le Mur-de-
Vapeur.
Néanmoins, le Mur-de-Vapeur attire
les courageux et les téméraires. Dans les
tavernes de la Ligue, on raconte l’histoire
de ce type ou de ce cousin d’un ami ou
d’un voyageur rencontré par une caravane
qui a découvert d’anciens trésors cachés
dans les profondes vallées de la chaîne.
Peut-être y a-t-il des trésors à trouver ;
peut-être n’y en avait-il qu’un seul trésor
et que l’histoire a été répétée à maintes
reprises ; peut-être tout cela est qu’un
tissu de mensonges.
La région abritait autrefois les vallées
funéraires des rois et des princes. S’y dres-
saient de vastes monastères et des
temples. La puissance de l’ancien Aurim
s’étendait autrefois aux anciennes chaînes
de montagnes. Ici, les nobles passaient les
hivers chauds dans des villas palatiales. Ici,
les nains vivaient dans de grandes ca-
vernes juste sous la surface. Ici, les elfes
chassaient et jouaient. Peut-être les trésors
perdus de cette époque n’ont-ils effective-
ment pas tous été détruits.
Là où les habitants de l’Hosk septen-
trional sont sauvages pour la plupart, leurs
homologues de l’Hosk méridional sont
sédentaires et civilisés. La Ligue impériale
des villes minotaures en constitue le
groupe continental le plus important. Do-
minée par les navigateurs minotaures, la
Ligue est l’héritière de l’ancien Aurim. Son
histoire remonte en partie au peuple et à
la domination de l’Aurim, bien que ce
grand empire n’ait jamais eu de mino-
taures à affronter. La Ligue est la plus
grande puissance de l’Hosk méridional,
tant sur le plan culturel que politique. Au
fil des siècles, elle n’a cessé de s’étendre et
de gagner en puissance.
Au-delà des frontières de la Ligue se
trouvent les peuples barbares, du moins
selon les minotaures. Certains d’entre eux,
tels les hommes sauvages des Neumonts,
correspondent effectivement à cette des-
cription. D’autres n’ont de barbare que le
nom et ne sont ainsi dénommés que parce
qu'ils ne sont pas citoyens de l’empire. Les
plus importants d’entre eux sont les natifs
d’Armach et de Thénol.
L’HOSK MÉRIDIONAL
L’Armach est une anomalie sur le
continent de Taladas. Elle n’aurait été un
arrière-pays barbare si une grande tempête
n’avait pas poussé les elfes Silvanesti
(d’Ansalonie) dans la baie abritée de
Hoor. Ces elfes faisaient partie de la
Grande Armada qui a mis les voiles de
Silvanesti vers les terres des Qualinesti,
parcourant toute l’étendue du continent.
Forcée de se disperser par les pirates mi-
notaures de Mithas, cette partie de la
flotte a été prise dans une tempête déchaî-
née. Fuyant devant le vent, ils ne pou-
vaient que se maintenir à flot. Finalement,
les navires ont été repoussés vers la côte
rocheuse de Hoor. Bloqués dans une terre
étrangère, les elfes ont travaillé ensemble
pour se bâtir une nouvelle vie.
Plus au sud se trouve le royaume de
Thénol. Bien que les habitants soient des
humains issus de la même lignée que ceux
de la Ligue, ils ont depuis lors évolué sur
des territoires très différents, tant physi-
quement que moralement. Thénol est une
terre sinistre, ses dirigeants sont malfai-
sants et corrompus. Peu de gens y voya-
gent et encore moins y apprécient d’y
séjourner.
Les empires et les royaumes ne sont
pas les seuls endroits où vivent les gens
(et d’autres choses). Le Mur-de-Vapeur,
un endroit que beaucoup considéreraient
comme inhabitable, abrite de nombreuses
créatures. Dans les forêts proches de sa
base vivent le clan Hasmana, un petit
groupe de nains qui ont une vision très
différente de la vie. Plus haut dans les
montagnes, d’autres clans de nains vivent
des existences plus traditionnelles. Dans
les replis du Mur-de-Vapeur se cachent
également des colonies de gobelins,
d’ogres et de hurdus, un groupe
d’hommes-lézards malfaisants. Et bien
sûr, il y a des dragons. Le Mur-de-Vapeur
abrite un grand nombre des dragons de
Taladas. Ces puissantes créatures sem-
blent se complaire dans les conditions
difficiles de ces montagnes.
LA LIGUE IMPÉRIALE
DES VILLES MINOTAURES
Autrefois, Taladas voyait dans l’empire
d'Aurim la plus grande merveille du
monde. Aucune autre nation ne pouvait
rivaliser avec elle en termes de magnifi-
cence et de splendeur. Mais c’était avant la
terreur du Cataclysme qui fit voler en
éclats les provinces et les satrapies d’Au-
rim. La plus grande merveille du monde
n’était plus.
Toutefois, l’empire d’Aurim n’a pas
été complètement renversé et oublié. Tels
les tessons d’une assiette cassée, des par-
ties de celle-ci se sont brisées et ont éclaté,
s’éloignant de l’ensemble. La plupart ont
été réduits en poussière dans les années
noires qui ont suivi. Incapables d’empê-
cher les ravages de la peste, les convul-
sions de la terre ou les assauts de créatures
immondes, les satrapes et les généraux se
trouvèrent rapidement dépassés par les
troubles de la Nuit de Hiteh. De petits
prétendants au titre d’empereur et de
royaumes indépendants apparurent et
disparurent tout aussi rapidement. Le rêve
du Grand Aurim continua lui d’exister.
L’un des avant-postes les plus éloignés
de l’empire était une petite province rus-
tique, la Styrlie. Elle se trouvait à l’extré-
mité ouest des grandes montagnes qui
divisaient Taladas, à peine en contact avec
le reste de la nation. Lorsque le Cata-
clysme a frappé, la Styrlie a réussi à échap-
per au pire des destructions, mais il était
évident pour sa population qu’elle ne pou-
vait pas rester parmi ces montagnes ins-
tables. Sous la direction de Guidan et de
Kristophus, les gens se mirent en route
pour un voyage en quête de terres plus
sûres.
Des éclaireurs furent envoyés dans
toutes les directions. De l’est et de l’ouest
revinrent des rapports sinistres de mers
bouillonnantes, de terres brûlantes et de
montagnes plus vertigineuses. De l’ouest
et du sud, des rapports de forêts primi-
tives et de jungles marécageuses, remplies
de créatures dangereuses et d’autres ter-
reurs, peut-être même pires.
Sur la base des rapports des éclaireurs,
Guidan et Kristophus décidèrent de divi-
ser la population en deux groupes. Gui-
dan dirigerait une expédition au sud et à
l’ouest, à la recherche d’une nouvelle pa-
trie au-delà des montagnes et des maré-
cages. Kristophus mènerait l’autre à
l’ouest, cherchant un chemin à travers les
forêts vers la mer. Sur ordre de leurs
chefs, les habitants de Styrlie rassemblè-
rent leurs biens et se mirent en route.
Pour les gens qui suivaient Kris-
tophus, le voyage était loin d’être facile.
Leur route les menait à travers des forêts
sans chemin, habitées par des créatures
malfaisantes et affamées. La maladie et la
44
famine, de nouvelles horreurs étaient leurs
compagnons de route. Ils avaient l’intime
conviction que leur route les menerait
vers une merveilleuse terre promise. Au fil
des semaines, alors que l’utopie ne se réa-
lisait pas, ils devinrent désillusionnés et
agités. Beaucoup renoncèrent pour former
de petits villages dans des vallées de mon-
tagne et des fonds de rivières à l’aspect
paisible. Certains d’entre eux ont réussi et
conservent aujourd’hui fièrement leur
indépendance vis-à-vis des Enfants d’Au-
rim (comme ils appellent la troupe de
Kristophus). D’autres n’ont pas eu cette
chance. Leurs futiles demeures ont depuis
longtemps été englouties par la nature.
Des désaccords et des disputes écla-
taient parmi ceux qui continuaient le
voyage. Plus d’une fois, Kristophus a dû
compter sur les membres de la garde qui
lui restaient fidèles ainsi qu’à sa famille.
Les rebelles avaient le choix entre être
laissés derrière, ce qui n’était souvent
guère plus qu’une condamnation à mort,
ou s’en remettre à Kristophus. Ceux qui
se rendaient, il les épargnait au prix de
leurs biens et les confiait ensuite aux soins
des familles loyales. Ses mesures étaient
draconiennes, mais le peuple resta soudé.
Finalement, Kristophus et son peuple
ont atteint une bonne terre. Dans une
bande étroite le long de la côte, la forêt
laissait place à des prairies herbeuses. Ici,
l’agriculture était bonne, le bois était à
portée de main et la mer fournissait du
poisson frais, une nouveauté pour ces
gens. Kristophus choisit d’y installer son
peuple et fonda la ville de Kristophan et
baptisa le pays Nouvelle-Styrlie. Les co-
lons n’étaient pas nombreux et la pre-
mière décennie de leur installation a été
difficile, mais elle s’est finalement trans-
formée en un réseau de villes.
Le voyage avait profondément changé
la société des Styrliens. Avant leur départ,
la majorité des gens étaient des proprié-
taires terriens, des agriculteurs et des éle-
veurs possédant leurs propres biens.
Quelques familles avaient fait fortune
dans le commerce, en expédiant des pro-
duits à destination et en provenance d’Au-
rim. Un petit groupe d’artisans qualifiés
formait une petite classe moyenne, rede-
vable aux familles de commerçants, mais
non liée à eux.
Lorsque le groupe a atteint la mer, les
mesures prises par Kristophus pour faire
face aux rebelles avaient changé les choses
de façon spectaculaire. Le peuple se scin-

dait en deux classes, les familles loyales et
les rebelles. Rares étaient celles qui avaient
réussi à rester neutres pendant la marche.
Alors que les rébellions éclataient, les fa-
milles loyales recevaient un traitement de
faveur de la part du satrape, de sorte que
leur fortune avait moins souffert. Elles
étaient exemptées des exténuantes corvées
de travail et des dotations en matériel
pour la garde. Elles s’étaient réparties les
biens des rebelles. Au cours de la marche,
de nombreux groupes faibles et de
moindre importance étaient parvenus à
s’élever dans la société et à s’enrichir.
S’agissant des rebelles, la situation était
tout autre. Une fois qu’ils avaient été clas-
sés comme tels, tous leurs biens étaient
confisqués et remis aux familles loyales.
Chaque ménage rebelle était alors affecté
au service d’une famille loyale. En
échange de ce service, transmis de père en
fils, les maîtres pourvoyaient aux besoins
et à la protection de la famille rebelle. Au
moment où les Styrliens de Kristophus
atteignaient l’océan, l’esclavage institution-
nel était une pratique bien établie.
Leurs difficultés n’étaient cependant
pas encore terminées. Peuple de monta-
gnards installé en bordure maritime, ils
formaient de piètres marins et pêcheurs.
Pour la plupart, ils tournèrent le dos à
l’océan. Ils devinrent agriculteurs, défri-
chant progressivement de plus en plus de
forêt pour leurs champs. Soucieux de la
terre, ils ont construit leurs défenses vers
l’intérieur du pays pour se protéger des
attaques de voisins hostiles et des créa-
tures errantes. Ils n'avaient pas les compé-
tences nécessaires pour construire des
bateaux et naviguer et n’ont donc jamais
développé de flotte ni de tactique navale.
En effet, ils n’avaient jamais affronté de
menace venue de la mer. Puis les mino-
taures sont arrivés.
Pendant des siècles, les minotaures
ont été des maîtres marins, parcourant les
océans d'Ansalonie à l’autre bout du
monde. Ils avaient sillonné toute l’Ansalo-
nie et traversé l’océan Occidental jusqu’au
continent de Taladas, mais il n’y avait rien
à y trouver. Avec le Cataclysme, les
chaînes d’Istar furent brisées et les mino-
taures prirent sérieusement la mer. Leur
habileté de marins en fit rapidement de
redoutables pirates et leur soif impérialiste
en firent de dangereux pillards. Alors
qu’ils s’étendaient de plus en plus loin, ce
n’était qu’une question de temps avant
qu’ils ne traversent à nouveau l’océan et
ne trouvent les colonies de Kristophus.
Orientées vers l’intérieur des terres, elles
constituaient des proies faciles pour les
pilleurs à cornes venus de la mer.
Sans la clairvoyance et l'ambition
d’Eragas le Brutal, ce n’aurait été qu’un
triste chapitre dans l’histoire de la Nou-
velle-Styrlie. Comme tous les minotaures,
il était animé par l'ambition de régner.
Soutenu par ses compagnons, il s’empara
du gouvernement de la Nouvelle-Styrlie et
se proclama empereur. Ses adversaires
furent rapidement envoyés dans une arène
de fortune, selon la coutume des mino-
taures. Une nouvelle ère débutait.
Dans les siècles qui ont suivi, les terres
des minotaures se sont étendues et déve-
loppées. De nombreux facteurs ont con-
tribué à ce succès. Une forte tradition
impériale, tant chez les humains que chez
les minotaures, a facilité l’acceptation de
l’empereur Eragas. La puissance militaire
des minotaures a laissé leur domination
incontestée. Ils avaient des systèmes de
gouvernement éprouvés, copiés sur les
royaumes pirates d'Ansalonie, mais ils ont
su également intégrer avec sagesse les lois
et les coutumes des humains. Enfin, la
terre et les autres peuples de la région
étaient mûrs pour la conquête et la civili-
sation. La combinaison de ces facteurs (et
peut-être la bénédiction des dieux) a fait
que ces premières conquêtes minotaures
sont devenues les terres de la Ligue des
minotaures.
LES TERRITOIRES DE LA LIGUE
Actuellement, la Ligue des Minotaures
est composée de cinq provinces : la Nou-
velle-Styrlie, capitale de l’empire, Eragala,
le long du Ressac, Okami, la région fores-
tière, Haut-Val, en bordure des Neu-
monts, et les Terres conquises, l’ajout le
plus récent à proximité des frontières du
Thénol. La Ligue possède également les
avant-postes de Rudil, de l’autre côté du
Ressac, Faroen, au pied du Mur-de-
Vapeur, et Brilmantar, au plus profond de
la chaîne du Mur-de-Vapeur.
Cependant, quand on parle de la Ligue
des Minotaures, on pense généralement
aux cinq grandes villes qui forment le
cœur de l’empire. Il s’agit de Kristophan,
Trilloman (toutes deux en Nouvelle-
Styrlie), Vinlans (au Haut-Val), et Morgad
et Théra (toutes deux à Eragala).
45
L’HOSK MÉRIDIONAL
Chaque ville a son propre cachet.
Kristophan reste la capitale impériale et le
centre du gouvernement et de la culture
dans tout l’empire. Trilloman, sa jumelle,
est la plaque tournante du commerce dans
toute la Ligue. Au sud, Vinlans est réputée
pour ses cultures, notamment de vins et
de raisins. Morgad est le plus grand port
maritime de l’empire, le deuxième en
termes de commerce après Trilloman.
Enfin, il y a Théra, la ville des plaisirs.
Réputée pour son climat estival frais et ses
sources chaudes naturelles, elle est deve-
nue le terrain de jeu des riches et des puis-
sants, minotaures comme humains.
Cependant, la Ligue ne se résume pas
à ces cinq grandes cités. Chaque province
est parsemée de villes, de villages, de
terres agricoles et d’industries qui consti-
tuent la force vive de l’empire. La popula-
tion est très dense dans les zones de terres
arables, les fermiers se regroupant en pe-
tites villes. Celles-ci sont reliées par des
routes entretenues par les impôts du
peuple. Des groupes de condamnés et
d’esclaves s’occupent constamment de la
construction et de la réparation du réseau
routier. Des ponts bien construits enjam-
bent tous les cours d’eau, sauf les plus
grands.
D’épaisses forêts couvrent de vastes
superficies. Ici, les bûcherons et les trap-
peurs s’appuient sur les rivières pour
transporter leurs marchandises vers les
villes de marché. Aux abords de la chaîne
du Mur-de-Vapeur et sur les pentes des
Neumonts, les mineurs creusent pour
trouver du minerai, en particulier le pré-
cieux acier. Des garnisons sont station-
nées dans toutes les provinces pour proté-
ger la population et réprimer toute rébel-
lion.
LES PROVINCES
Bien sûr, les villes ne sont pas la seule
chose que l’on trouve dans l’empire. Bien
qu’elles soient les plus spectaculaires, les
provinces sont tout aussi essentielles pour
la force de l’empire. Les céréales, les
fruits, le bois, le minerai, le lait, le cuir, en
fait, tout ce qui est nécessaire pour nourrir
et approvisionner les villes provient des
contrées rurales. Les forestiers des fron-
tières servent dans l’armée en tant
qu’éclaireurs. Des nains formés aux arts
miniers construisent les monuments qui
garnissent les villes.
L’HOSK MÉRIDIONAL
Les provinces ne manquent pas non
plus de merveilles naturelles et artificielles.
Ici et là, on trouve les témoignages de
l’ancien Aurim ou de royaumes demi-
humains bien plus anciens. Les boulever-
sements du Cataclysme a transformé des
paysages ordinaires en panoramas exo-
tiques. Souvent situés loin de la civilisa-
tion, ces lieux sont peu visités, exceptées
par de mortelles créatures ou d’intrépides
explorateurs.
Nouvelle Styrlie
En dehors de Kristophan, gloire de
l’empire, la Nouvelle Styrlie est surtout
connue pour ses vastes plaines agricoles.
Autrefois, elle était composée de forêts
riches et épaisses, qui ont maintenant été
réduites à de petits bosquets subsistant
dans des terres en friche, impropres à
l’agriculture. Le long de la mer se trouvent
de nombreux petits des villages de pê-
cheurs pittoresques. La principale mer-
veille, cependant, ne se trouve pas dans la
province mais dans les récifs perliers au
large de ses côtes. Là, parmi les richesses
de la mer, se trouvent des ruines englou-
ties aux dires des plongeurs qui s’y sont
aventurés et qui ont survécu. Les locaux
évitent ces vestiges et même la tentation
d’y découvrir des perles de prix ne les
persuadera pas d’y plonger. Les plongeurs
rapportent des histoires de monstres ma-
rins et d’étranges personnes aux yeux de
poisson qui habitent encore parmi les
ruines.
Eragala
S’étendant des falaises rocheuses sur-
plombant l’océan Occidental à la plaine
marécageuse du Ressac, Eragala est la
deuxième province la plus peuplée de
l’empire. Terre pratique habitée par des
gens pratiques, elle n’est pas dépourvue de
merveilles. L’une des plus mystérieuses se
trouve le long des baies et des bras de mer
isolés. Là, loin des autres agglomérations,
se trouvent des hameaux isolés où les
villageois sont décidément étranges. Plus
repliés sur eux-mêmes que le paysan réti-
cent par essence, ils ont l’air presque nor-
maux. Ils se comportent de manière
quelque peu différente et, au fond de leurs
yeux, se cache une nostalgie de la mer.
Ces villageois sont les Enfants de la
mer. Au fil des générations, les hommes
46
et les femmes des communautés ont reçu
la visite, la nuit, de charmants et beaux
étrangers, peut-être des elfes aquatiques.
La nuit passée, l’étranger a disparu. Une
femme portera un enfant différent des
autres ou un bébé étrange sera trouvé
dans un panier échoué sur le rivage. Tels
sont les Enfants de la mer.
Le père sage qui traite bien son enfant
trouvé, verra ses filets pleins et son bateau
jamais ne s’échouera sur les rochers. Un
mauvais sort attendra l'homme qui mal-
traite son enfant. « qu’il soit respecté ou
méprisé, L’enfant devient mystérieux et
sauvage. On raconte plus d’une histoire
étrange sur leurs pouvoirs et plus d’un a
disparu par la suite dans des circonstances
mystérieuses.
Le Luminari, le phare à l’embouchure
du Ressac, n’est pas mystérieux mais ma-
jestueux. Construit au sommet des falaises
de craie du rivage, c’est une tour élancée
qui s’élève à 130 m au-dessus des terres. À
son sommet se trouve une lumière tou-
jours allumée, visible à des kilomètres, qui
aide les marins à trouver leur position et à
éviter les dangereux hauts-fonds de l’em-
bouchure du Ressac. On dit que le phare a
été construit par Eragas lui-même, avec

l’aide de sombres sortilèges. Sa lumière
perpétuelle serait alimentée par un fabu-
leux trésor. Personne ne s’en occupe et
aucun autochtone n’y mettra un pied,
malgré la tentante porte à sa base toujours
ouverte. Les maîtres voleurs qui s’y se-
raient risqués n’en sont jamais revenus.
Personne ne sait quelles horreurs, s’il y en
a, se trouvent à l’intérieur.
Okami
Couvert de forêts épaisses au relief
accidenté, Okami est un vague souvenir
de mal ancien pour les descendants des
premiers colons de la Nouvelle-Styrlie. En
traversant ces bois obscurs, les migrants
ont subi leurs plus grandes épreuves et
terreurs. Des créatures malfaisantes se
dressaient en travers de leur route, tandis
que la dissension divisait leurs rangs. Ils
essaimèrent de nombreuses petites colo-
nies dans leur exil. La plupart d’entre elles
n’ont jamais plus données signe de vie.
Les forêts sombres d’Okami étaient le
lieu originel des Huldres, un peuple qui a
depuis longtemps migré aux confins de
l’empire. Cependant, leurs traces sont
encore visibles. Cachées parmi les arbres,
se dévoilent d’agréables clairières où se
rassemblaient autrefois les Huldres. Elles
portent encore les traces de leur magie.
On peut s’y assoupir et rêver d’une nuit
en compagnie des Huldres, pour constater
au réveil qu’une décennie s’est écoulée.
Un profanateur de ces terres sacrées et
des pouvoirs de ses habitants pourra
perdre le souvenir de sa propre vie. Un
autre pourra sottement pénétrer dans une
clairière une nuit de pleine lune et perdre
la raison, à jamais touché par le pouvoir
des Huldres.
Un mal plus grand que celui des clai-
rières se cache dans les forêts. Ceux qui
sont restés en arrière durant la marche de
Kristophus ne se sont pas entièrement
évanouis. Leurs champs et leurs villages
ont été avalés par la forêt, mais les per-
sonnes n’ont pas disparu. Aujourd’hui,
elles errent sous forme de bergasts, des
morts-vivants tapis dans les restes pourris
de huttes couvertes de mousse, poursui-
vant une parodie grotesque de leur vie en
plein soleil. Abrités par la canopée anor-
malement épaisse, ils chassent, coupent
du bois, puisent de l’eau et travaillent dans
des champs fantômes, le tout sans but ni
résultat. Poussés par une haine inextin-
guible, ils tuent tous ceux qui tombent
dans leurs griffes, tout en entonnant les
griefs qu’ils ont contre les vivants.
Haut-Val
Province frontalière avec Armach, le
Haut-val a connu plus que sa part de ba-
tailles. Des fortifications de tous types
sont éparpillées le long de ses frontières, à
l’embouchure des cols et le long de la
côte. Aujourd’hui plus soucieux du Thé-
nol, l’Armach et la Ligue ont conclu une
trêve et la plupart des forts et châteaux
sont abandonnés. Bien que des fonds
soient alloués au maintien de ceux jugés
les plus stratégiques, des administrateurs
corrompus les accaparent bien avant
qu’elles n’atteignent la frontière du Haut-
val. Aussi, la plupart des bâtiments tom-
bent-ils en ruines.
De plus, la plupart des garnisons ont
été retirées de la frontière armachoise
pour renforcer les forces qui surveillent le
Thénol. Les créatures des Neumonts en
ont profité et ont réinvesties leurs anciens
repaires. Bien que les paysans se soient
plaints d’avoir subi les attaques de grands
monstres, l’empereur actuel n’a rien fait
pour alléger leurs souffrances.
Une seule fortification n’est pas une
réalisation impériale. Une enceinte en-
toure la base du Mont du Granbleu, en
bordure de frontière. Construite en pierre
grossièrement taillée et sans mortier, elle
mesure près de 4,5 m de haut. À inter-
valles réguliers se dressent de petites tours
de guet et le mur est percé de nombreuses
portes. Curieusement, il semble que le
mur soit fait pour protéger contre quelque
chose à l’intérieur, quelque chose qui vien-
drait de la montagne. Les tours regardent
vers l’intérieur et les barreaux des portes
sont à l’extérieur.
De nombreux sorciers curieux ont
engagé des esprits aventureux pour en-
quêter sur la région, mais aucun n’a réussi.
À l’exception du mur, il n’y a aucun signe
de qui l’a construit ou pourquoi. À l’inté-
rieur, les audacieux ont parcouru la mon-
tagne à la recherche d’un indice sur ce qui
y était conservé. De nombreux squelettes
d’hommes ou de demi-humains ont pu
être découverts, mais aucun indice sur les
intentions des constructeurs.
47
L’HOSK MÉRIDIONAL
Les Terres Conquises
Taillées dans la nature et les territoires
barbares, les Terres Conquises demeurent
sauvages et indomptables. C’est une pro-
vince pour les pionniers les plus endurcis,
ceux qui fuient le confort corrupteur de la
civilisation. Chaque ville, chaque village
est une forteresse prête à se défendre
contre les bêtes en maraude et les pillards
du Thénol. De vastes parties de la pro-
vince, surtout à l’écart des rivières, n’ont
pas encore été cartographiées. Seules
quelques routes ont été construites au
travers de la nature jusqu’à présent.
Les merveilles des Terres Conquises
n’ont pas encore été cataloguées. Sur sa
frontière se dresse l’actuelle patrie des
Huldres, au-delà se trouvent les terres
sombres du Thénol. On y trouve encore
des villages invaincus de gobelins et des
tribus d’ogres. De grandes grottes qui
mènent aux royaumes de puissants sor-
ciers sont censées se trouver dans les col-
lines. On dit que des dragons et leurs
mystérieux cavaliers vivent dans les forêts.
On raconte même l’histoire d’une forêt
dans laquelle les arbres parlent et poussent
assez haut pour atteindre les lunes ! Mais,
comme dans tous les contes de pionniers,
il y a des exagérations et des demi-vérités.
Les pragmatiques sont certains qu’en fin
de compte, la moitié des merveilles dé-
crites n’ont jamais existé et l’autre moitié
est en dessous de ce que prétendent les
conteurs.
SOCIÉTÉ ET CLASSE SOCIALE
La Ligue des Minotaures est une so-
ciété très orientée sur la notion de classe.
Chaque citoyen minotaure, homme, elfe,
gnome ou nain a une position qui affecte
son sort dans la vie et qui s’étend même à
des détails mineurs de sa vie quotidienne.
Bien que la loi protège toutes les classes,
même les esclaves, son application varie
d’une classe à l’autre.
Sur le plan social, personne n’a plus
d’importance que l’empereur et la famille
impériale. Celle-ci inclut non seulement
les reines et les enfants royaux, mais aussi
les oncles, tantes, nièces et neveux de la
lignée impériale. En reconnaissance de
leur statut, les membres de la famille im-
périale se voient normalement attribuer
des postes gouvernementaux. Pour la
plupart, ces charges permettent de bien
gagner sa vie avec peu de travail. Per-
sonne (et surtout pas l’empereur) ne sou-
haite que les membres de la famille impé-
riale aient trop de pouvoir. Les postes
reçus sont donc un moyen de les acheter.
L’HOSK MÉRIDIONAL
Bien qu’elle soit exempte d’une grande
partie d’entre elles, la famille impériale
n’est cependant nullement au-dessus des
lois. À l’exception de l’empereur, la fa-
mille est soumise aux poursuites et aux
procès comme tout un chacun. Cepen-
dant, sa richesse et sa position rendent de
telles affaires au mieux délicates. La fa-
mille impériale a beaucoup de pouvoir
parmi les magistrats (les préteurs) et les
bureaucrates. Seuls les crimes flagrants ou
ceux qui présentent une menace pour
l’empereur (ou un membre plus puissant
de la famille) semblent se finir en procès.
Dans le même temps, la famille impé-
riale est contrôlée par l’empereur et celui-
ci compte sur le soutien de son peuple. Il
lui incombe d’empêcher sa famille de
commettre des excès grossiers et des vio-
lations flagrantes de la loi. Les empereurs
qui se sont adonnés à la décadence, eux et
leurs familles, se sont retrouvés dans
l’arène pour être jugés de leurs crimes.
Fragilisés par leurs mœurs, ils ont le plus
souvent été reconnus coupables.
Après la famille impériale, les Maisons
cornues, les minotaures de la Ligue, for-
ment les seconds en importance. Le credo
selon lequel tout minotaure, quelle que
soit sa position, a la préséance sur les
membres des autres races, est largement
défendu. Dans la pratique, cette norme est
largement transgressée. Alors que les mi-
notaures riches et puissants dominent
clairement tous les autres, ceux de statut
inférieur se retrouvent souvent débiteurs
des marchands humains et nains de la
Ligue. De ce fait, de nombreux créanciers
s’élèvent à un statut proche de celui des
minotaures.
Cela a conduit à l’émergence d’une
classe sociale spéciale, techniquement
inférieure aux minotaures mais supérieure
aux familles humaines traditionnelles. Ces
personnes, par leur richesse ou leur ser-
vice, sont autorisées à placer à la fin de
leur nom le suffixe -iskis, appellation ré-
servée aux clans minotaures. En outre,
yeux de la loi, ils se voient accorder le
statut de minotaure. Cela est particulière-
ment important pour les droits de pro-
priété, la fiscalité, les brevets de magie et
les règlements d’arène.
Par exemple, ses victoires contre le
Thénol ont valu au général Rilkin Con-
nersbaugh le statut de minotaure. Lors
d’une grande cérémonie, il a reçu le titre
complet de commandant de la gauche
impériale Rilkin Connersbaughiskis, bien
que dans les communications normales, il
soit toujours appelé Connersbaugh, le -
iskis étant réservé aux proclamations offi-
cielles.
Parmi les humains, les familles loyales
sont celles qui ont le statut le plus élevé.
Bien qu’elles aient initialement combattu
et résisté à l’invasion minotaure, leurs
familles et leur pouvoir ont fourni la
structure sur laquelle l’empire a été cons-
truit. Toujours adaptables, la plupart des
familles ont appris à s’accommoder et à
profiter de leurs nouveaux maîtres et ont
ainsi conservé leur position. Les familles
qui restèrent vraiment fidèles à la famille
de Kristophus (et qui méritaient donc
réellement le titre de familles loyales) fu-
rent exterminées en même temps que
Kristophus ou furent brisées et disper-
sées, leurs terres et possessions accaparées
par les minotaures et leurs alliés. En rai-
son de leurs actions contre Kristophus, le
titre de famille loyale a depuis ce jour une
connotation amère et haineuse pour le
commun.
La plus grande partie de l’empire est
composée de citoyens ordinaires. Il s’agit
notamment de compagnons artisans, de
fermiers en propriété franche, de fronta-
liers, de petits commerçants et d’artisans.
La citoyenneté est accordée aux déten-
teurs de biens fonciers et aux créateurs de
produits manufacturés, aux artisans, aux
forgerons, etc. Ce sont les personnes que
l’empereur doit protéger et auxquelles il
doit plaire. Bien que leurs droits soient
beaucoup moins étendus que ceux des
plus hauts dignitaires, ils constituent une
force significative. Ils sont nombreux là
où les dirigeants ne sont qu’une poignée.
Bien que l’empereur dispose des meilleurs
hommes et des meilleures armes, ils n’ont
pas le don d’ubiquité.
Par le passé, le peuple a pris d’assaut
les palais des gouverneurs, s’est révolté
dans les rues de Kristophan et a brûlé le
port de Morgad. Dans chacun de ces cas,
les représailles ont été rapides et brutales,
mais les dégâts causés et la menace de
nouveaux soulèvements ont forcé l’empe-
reur en place à revoir sa politique ou à
faire preuve de plus de prudence.
Au-dessous des citoyens ordinaires se
trouvent les non affranchis, ceux qui ne
sont pas des esclaves mais ne sont pas
48
citoyens. Il s’agit notamment des mé-
tayers, des serviteurs libres, des apprentis
et d’autres personnes qui travaillent pour
un maître sans lui appartenir. Leurs droits
sont parmi les plus faibles, tant par la loi
que dans les faits. Les décrets impériaux
limitent leur capacité à porter plainte
contre leurs propriétaires et leurs maîtres.
Le manque d’argent les empêche de faire
valoir leurs droits. Plus d’un robuste non-
affranchi a choisi de risquer sa vie pour la
fortune et la renommée dans l'arène.
À l’échelon le plus bas de la société se
trouve les esclaves. Nombreux sont les
descendants des familles rebelles confiés à
la garde des familles loyales. Quelques-uns
peuvent retracer leur lignée plus récem-
ment à l’une des véritables familles loyales
qui ont défendu Kristophus lors de l'inva-
sion minotaures. D’autres sont des captifs
issus des guerres d’expansion que les mi-
notaures ont menées sur leurs voisins. Il y
a aussi des paysans dont les tentatives de
rébellion contre leurs seigneurs à cornes
ont échoué.
Même les esclaves bénéficient de cer-
taines protections juridiques. Si peu
d’entre elles concernent le traitement ré-
servé par un maître à ses biens, beaucoup
fixent ses responsabilités légales envers
ses esclaves. Il existe des conditions
strictes concernant la vente, la responsabi-
lité des crimes commis, les conditions
dans lesquelles un esclave peut se retrou-
ver dans l’arène et les comment il peut
acheter ou recevoir sa liberté. Pourtant,
même avec toutes ces conditions et pro-
tections, la vie d’un esclave reste ignoble
et peu enviable.
Au sein de cette structure sociale soi-
gneusement définie de droits et d’obliga-
tions juridiques, les étrangers passent à
travers les mailles du filet. En guise de
solution, aucun d’entre eux n’est autorisé
à se représenter lui-même dans une action
en justice. Il doit plutôt avoir un parrain
pour présenter sa demande. Le niveau
social du parrain, qui doit impérativement
être citoyen de l’empire, détermine le ni-
veau social de l’étranger lors de l’enquête
ultérieure. Les étrangers (en particulier
ceux du Tamire) trouvent cette fascination
pour le processus juridique stupéfiante, si
ce n’est mystifiante. Cependant, étant
donné le gouvernement et le système juri-
dique de la Ligue, ces distinctions sont
essentielles.

LE GOUVERNEMENT
Avec toute cette étrange diversité de
peuples, de tempéraments et d’attitudes, il
est étonnant que le gouvernement de la
Ligue fonctionne, et encore plus qu’il soit
aussi efficace qu’il ne l’est. Ce n’est pas un
système parfait et des empereurs malfai-
sants et des gouverneurs incompétents
apparaissent souvent. Pourtant, il est suf-
fisamment robuste pour résister à ces
abus et continuer à sauvegarder l’empire.
À sa tête se trouve naturellement l’em-
pereur. Chaque empereur est capable de
remonter directement à la lignée du fon-
dateur de l’empire, Eragas. Bien sûr, il
s’agit toujours d’un minotaure. L’empe-
reur actuel est Ambeoutin XI. Il incarne la
plus grande puissance du royaume. Toutes
les lois et tous les édits sont faits en son
nom et théoriquement avec son consente-
ment et son approbation. Bien sûr, peu
d’empereurs ont le temps de se pencher
sur chaque loi à adopter et se limitent
donc généralement à des déclarations
générales ensuite interprétées et mises en
œuvre par des sous-secrétaires et des
fonctionnaires subalternes. La parole de
l’empereur a force de loi, avec pour seules
limites les mutineries de l’armée, les rébel-
lions provinciales ou les émeutes urbaines.
Autour de l’empereur se trouve sa
maison. En plus de ses épouses et de sa
famille, elle regroupe les chanceliers, les
secrétaires, les scribes, les intendants et les
trésoriers. La plupart de ces postes sont
occupés par des princes impériaux, des
dux et autres membres de la famille. Les
empereurs sages attribuent ces postes
avec beaucoup de soin, réservant les fonc-
tions les plus puissantes aux personnes
qui ne font pas partie de la famille. Un
chambellan peut avoir une grande in-
fluence sur qui peut ou ne peut pas accé-
der jusqu’à l’empereur, c’est un puissant
instrument dans les mains d’un parent
ambitieux.
Même l’empereur n’est pas tout-
puissant, car il doit travailler avec l’appro-
bation du Sénat. Chaque famille de mino-
taures dispose d’un siège au Sénat.
Comme l’entretien d’un sénateur à la capi-
tale impériale représente un coût impor-
tant, la plupart des petites familles don-
nent procuration aux familles les plus
riches. Certaines de ces procurations sont
obtenues contre monnaie sonnante et
trébuchante, d’autres contre une contre-
partie spéciale : une loi prévoyant un
allégement fiscal spécifique ou un titre à
conférer pour la famille donatrice. L’accu-
mulation de ces procurations divise les
minotaures en différentes factions.
Chaque famille loyale a également
droit à un siège au Sénat. Là encore, les
coûts sont prohibitifs pour beaucoup
d’entre elles et la vente de procurations
est une pratique courante.
Enfin, les citoyens ordinaires élisent
les publicains. Chacune des cinq grandes
villes a droit à un publicain. Comme l’en-
tretien de ces derniers sont pris en charge
par l’État, le vote par procuration leur est
interdit. Afin de garantir leur probité en-
vers le peuple, chacun d’entre eux doit se
présenter une fois l’an parmi les citoyens
de sa cité sans la protection de la loi. Cet
événement est connu sous le nom de
« Journée du publicain ».
Ce jour-là, le publicain est tenu de se
promener dans les rues de sa ville du lever
au coucher du soleil. Cet événement peut
être assimilé à une petite guerre. Il parade
dans les rues, protégé par autant de
troupes qu’il peut se le permettre. Pendant
ce temps, ses opposants tentent d’amasser
leurs forces pour déborder la garde et
s’emparer de lui. Bien sûr, les factions qui
lui sont fidèles tâcheront d’arrêter la foule
et cela tourne très vite à la une guerre de
rue. Parfois, l’enthousiasme des émeutiers
se répercute dans la nuit et le jour suivant.
Par tradition, l’armée est envoyée sur la
foule restante et ne fait preuve d’aucune
pitié ni d’aucune retenue. Ainsi, le Jour
des publicains est souvent l’étincelle qui a
déclenché nombre de révoltes ouvertes
dans les villes. Les tentatives pour l’inter-
dire se sont révélées vaines, car le peuple y
est fortement attaché.
Le pouvoir du Sénat est plus limité
que celui de l’empereur. Avant tout, le
Sénat instruit les affaires de la haute cour.
Pour celles dont il peut fixer les condi-
tions (d’un commun accord), il les règle et
les envoie dans l’arène. Les affaires qui
subsistent sont considérées comme rele-
vant de la compétence de l’empereur.
Ainsi, le Sénat lui évite-t-il un certain
nombre d’affaires inutiles. Le Sénat peut
également proposer de nouveaux édits à
l’empereur. Il n'est pas tenu de suivre
leurs suggestions, bien qu’étant donné
leur capacité à rendre sa vie pénible (grâce
à leur droit de contrôle des dossiers), il est
souvent sage de tenir compte de leurs
paroles. Enfin, le Sénat peut voter la cen-
sure pour tout édit impérial, bien que cela
ne soit effectif que dans les situations les
plus extrêmes.
49
L’HOSK MÉRIDIONAL
Bien que l’empereur et le Sénat diri-
gent l’empire, les questions quotidiennes
sont traitées par des fonctionnaires nom-
més. Les plus importants d’entre eux sont
les gouverneurs des provinces. Sous leurs
ordres se trouvent les commandants des
garnisons, les agents du fisc et la myriade
de bureaucrates nécessaires au fonction-
nement d'un grand gouvernement. Pour la
plupart, ces fonctionnaires font leur tra-
vail avec peu d’interférence ou de conseils
de la part de la capitale. L’empereur émet
des décrets et détermine le cours général
de la politique. Les gouverneurs mettent
en œuvre ces politiques et maintiennent
l’ordre sur leurs terres. Bien que les de-
voirs des gouverneurs soient fixés et limi-
tés par les volumineux codes juridiques de
l’empire, le fonctionnement effectif du
système laisse les dirigeants aux manettes.
Conformément à la tradition de justice
des minotaures, les personnes nommées à
un poste doivent se présenter dans l’arène
contre leurs prédécesseurs. Le vainqueur
gagne le droit à la fonction. Contraire-
ment à de nombreux combats en arène,
ces défis sont rarement menés jusqu’à la
mort et sont souvent purement cérémo-
niels. Dans ce dernier cas, le fonctionnaire
sortant se soumet simplement à son ho-
mologue entrant dès que retentit la cloche
de l’arène.
Bien que l’affectation et la révocation
des fonctionnaires désignés soient norma-
lement une affaire ordonnée, la mort d’un
empereur entraîne une lutte folle et san-
glante pour les postes. Les nouveaux em-
pereurs balayent souvent l’ancienne admi-
nistration et postent leurs propres repré-
sentants. Les titulaires actuels peuvent ne
pas vouloir abandonner leurs fonctions et
les défis de l’arène deviennent alors bien
réels. Bien que cela offre un grand diver-
tissement aux masses, un effet collatéral
malheureux est la perte d’administrateurs
talentueux mais physiquement plus
faibles.
JUSTICE MINOTAURE
Pour les minotaures et tous ceux qu’ils
gouvernent, un principe primordial de
droit prévaut :la force fait loi. Le plus fort
est aussi celui qui détient le droit légal. Ce
principe de la loi du plus fort constitue le
cœur de toute loi. Les minotaures ont
suivi ce principe pendant des siècles et ont
réussi, au fil du temps, à affiner ce sys-
tème pour élaborer un vaste corpus légi-
slatif.
L’HOSK MÉRIDIONAL
Pour d’autres, ce système semblerait
impossible et inapplicable, des brutes ty-
ranniques massacreraient tous ceux qui
s’opposent à eux. Il faut mettre au crédit
de l'ingéniosité des minotaures d’avoir
réellement élaboré un système qui fonc-
tionne. Pour ce faire, ils ont établi deux
préceptes absolus : le droit à un procès
équitable et l’arène.
La première règle, celle du droit à un
procès équitable, est qu'aucune action ne
peut être entreprise sans sanction légale
(sauf s’il peut être démontré qu’il s’agit
d'une violence commise en désespoir de
cause). Si un homme en tue un autre dans
la rue au cours d’une dispute, il s’agit d’un
meurtre. Le responsable ne peut pas invo-
quer le fait qu’en tuant son adversaire, il a
exercé à juste titre la règle du plus fort. Le
meurtre a été commis sans tenir compte
de la procédure légale. Si un homme arna-
qué bat l’escroc jusqu’à restitution de son
argent, il ne peut prétendre à la règle du
plus fort, toujours pour la même raison.
L’escroc pourra déposer plainte pour
coups et blessures (bien entendu, l’autre
pourra déposer plainte pour fraude).
Le droit à un procès équitable sépare
soigneusement la violence exercée au nom
de la loi de tous les autres types de vio-
lence. Ceci est essentiel car cela empêche
le règne de l’anarchie et la loi du plus fort
dans les rues.
Pour faire respecter la distinction
entre usage correct et incorrect de la force,
les minotaures ont toujours utilisé l’arène.
Elle symbolise la salle d’audience offi-
cielle, le lieu où toutes les affaires sont
jugées. Bien entendu, un procès au sens
minotaure est très différent de celui qui se
tient dans d’autres pays. Pour les mino-
taures, la culpabilité et l’innocence sont
régies par la victoire dans l’arène. Juges et
jurés ne débattent pas et ne décident pas
de la culpabilité ou de l’innocence. Cela
ressort de la compétence des armes, de la
force et du courage. Dans l’arène, le plai-
gnant et le défendeur sont exemptés des
conséquences de leurs actions. Aucune
action en justice ne peut être intentée
contre quiconque suite au combat en
arène, même en cas de résultat accidentel.
À moins que le préteur ne juge qu’il y a
outrage aux conditions du jugement.
Les conditions du jugement empê-
chent l’empire de se dépeupler dans des
procès sanglants. Il n’est pas nécessaire
que tous les combats soient à mort et la
définition des conditions de l’affronte-
ment fait partie du processus juridique.
Les batailles peuvent être menées jusqu’à
la mort, au premier sang, au premier coup
porté, jusqu’à l’inconscience, ou même
jusqu’à ce qu’une des parties soit au sol.
Dans les faits, la majorité des affaires por-
tées devant les tribunaux n’entraînent pas
un combat létal, cette peine est réservée
aux crimes capitaux les plus graves. Bien
entendu, n’importe qui ne peut entrer
dans l’arène et revendiquer le droit de
combattre pour statuer une affaire. Il y a
des procédures à suivre avant d’y accéder.
Ce n’est qu’une fois suivies (elles font
partie de l’ensemble du corpus juridique
qui déterminent la procédure régulière)
que le procès proprement dit peut avoir
lieu.
La première étape consiste à porter
l’affaire devant un juge, le préteur. C’est
ce que l’on appelle l’enquête. Le dépôt de
plainte peut être effectué par tout citoyen,
mais puisqu’il implique de fournir les do-
cuments appropriés, de savoir qui cor-
rompre et comment se comporter devant
le préteur, la plupart (ou du moins ceux
qui en ont les moyens) engagent un avo-
cat. Les avocats lui présentent des argu-
ments pour et contre la validité de l’af-
faire. S’ils ne cherchent pas à prouver la
50
culpabilité ou l’innocence (qui ressort de
l’arène), ils essaient de montrer que les
lois ont été violées et que l’affaire mérite
d’être jugée.
Après avoir entendu les arguments, le
préteur se prononce sur la recevabilité de
l’affaire. Il doit d’abord décider si des lois
ont été violées ou si une partie a subi un
préjudice (physique, matériel ou de répu-
tation). S’il constate que la loi a été trans-
gressée, il voit si un accord peut être con-
clu. Personne ne souhaite que chaque
affaire soit portée devant les tribunaux,
car la charge de travail deviendrait rapide-
ment ingérable. Dans la mesure du pos-
sible, le préteur et les citoyens (ou leurs
avocats) parviennent à un accord. Cela
peut impliquer le paiement d’une amende,
le remplacement des biens endommagés
ou une déclaration publique de défaite
(des excuses en quelque sorte). Si néces-
saire, le préteur peut imposer un accord
aux deux parties, sans leur assentiment.
Cela se produit le plus souvent lorsque
l’une ou les deux parties s’entêtent et sont
déraisonnables sur une question mineure.
Si aucun accord ne peut être conclu, le
tribunal entame un nouveau processus, la
fixation des conditions de combat. C’est là
que les avocats gagnent réellement leur
salaire. Les conditions de combat fixent
les règles qui seront suivies dans l’arène.
Elles sont le résultat d’un mélange de
droit et de négociation. Un avocat intelli-
gent peut faire pencher l’avantage du
combat en faveur de son client ou, à tout
le moins, empêcher l’autre de prendre un
net avantage.
Quatre questions doivent être résolues
avant la tenue d’un combat : les condi-
tions de victoire, les armes, l’armure et les
champions. Une fois ces points arrêtés et
rédigés, une date est fixée.
La première, les conditions de victoire,
détermine ce qui doit être fait pour prou-
ver la culpabilité ou l’innocence. Dans les
affaires civiles, les combats sont rarement
à mort. Les victoires typiques sont les
suivantes : premier sang, blessure à un
bras ou à une jambe, coupure de la corne
(si l’adversaire est un minotaure), perte de
conscience ou reddition. Cette dernière
permet aux combattants de se battre jus-
qu’à l’extrémité qu’ils souhaitent. Elle est
souvent utilisée comme un moyen de se
retirer d’un cas, un des protagonistes se
rendant rapidement à l’autre avant qu’au-
cun mal ne soit causé. La loi établit l’éven-

tail des victoires autorisées pour les diffé-
rentes affaires. Par exemple, la diffama-
tion est limitée au premier sang, alors que
le vol ne peut, au pire, conduire jusqu’à la
mutilation. Le parricide, lui, ne peut être
qu’un combat à mort.
Les armes et armures autorisées sont
utilisées pour compenser les inégalités
entre les deux combattants, réduire les
risques de mort et refléter la nature cruelle
ou injustifiée du cas. Un humain est géné-
ralement autorisé à porter une armure si
son adversaire est un minotaure et que le
cas est jugé égal. Cependant, une per-
sonne qui assassine un agent de l’État doit
se battre sans arme ni armure, tandis que
son adversaire est équipé en fonction du
statut du fonctionnaire tué. À l’extrême,
une personne qui assassine un empereur
doit se battre sans armes et sans protec-
tion contre un ennemi portant armes et
armure magiques.
Enfin, il y a la question des champions
et c’est ce qui fait que le système de justice
des minotaures fonctionne vraiment.
Dans la plupart des cas, il n’est pas néces-
saire que le défendeur ou le demandeur
réel risquent leur propre sécurité. Au lieu
de cela, ils peuvent engager quelqu’un
pour les représenter dans l’arène. Cela
permet d’éviter que les plus forts et les
plus puissants ne dominent tous les
autres.
Le concept provient des champions
officiels du gouvernement. Certaines af-
faires sont jugées par le gouvernement,
notamment les meurtres. Comme il s’agit
d’une entité et non une personne, il est
nécessaire que des individus spécialement
désignés puissent le représenter dans
l’arène. Il s’agit des champions impériaux.
Au fil du temps, cette notion s’est répan-
due dans le reste de la société. Les nobles
puissants ne goûtaient guère l’idée de
mourir dans l’arène pour une futile dis-
pute et ont donc réclamé le droit d’utiliser
des champions. Puis les riches marchands
ont monnayé ce droit à l’empereur. Ce
précédent a eu pour corollaire son exten-
sion à tous ceux qui pouvaient se le per-
mettre.
Les champions sont autorisés pour
toute affaire relevant du droit civil. Il n’est
pas nécessaire qu’un marchand entre dans
l’arène lorsqu’il est accusé de vendre des
marchandises de mauvaise qualité ou de
surfacturer ses clients. Un charpentier n’a
pas à se battre personnellement parce
qu’un différend contractuel l’oppose à un
propriétaire. Au lieu de cela, les deux par-
ties engageront des champions. Bien en-
tendu, pour certains crimes, le meurtre, la
trahison ou toute infraction à l’encontre
de l’État, les champions ne sont pas auto-
risés pour le défendeur. Si un homme
commet un meurtre, il doit se présenter
personnellement dans l’arène.
De tous les champions, aucun n’est
plus grand que le champion de l’empe-
reur. Ce minotaure ou cet homme est plus
qu’un simple guerrier. Il symbolise le droit
de l’empereur à régner. En sa qualité, il
bénéficie de la protection spéciale de son
maître et peu de gens le croisent volon-
tiers. En dessous de lui se trouvent les
champions impériaux. Ce sont des guer-
riers de toutes les races spécialisés dans
différentes armes et styles de combat. Il y
a des experts à l’arc, des lutteurs corpu-
lents, des épéistes et des lanciers. Pour
être à tout moment prêt à descendre dans
l’arène, chacun d’eux reçoit un salaire
annuel. Comme le champion de l’empe-
reur, ces guerriers bénéficient d’une pro-
tection spéciale. Ils forment un groupe
redoutable et dangereux, payé pour ris-
quer leur vie dans des combats indivi-
duels. Les citoyens normaux tâchent de
les éviter.
Il y a cependant d’autres champions
que les officiels entretenus par le gouver-
nement. Les gouverneurs et autres hauts
fonctionnaires trouvent judicieux de rétri-
buer un champion personnel pour les
défendre ou les représenter dans des af-
faires purement civiles. Un riche commer-
çant emploiera un ou plusieurs champions
pour le représenter lui ou son entreprise
dans l’arène. Les avocats prospères entre-
tiennent des écuries de champions pour
représenter leurs clients dans l’arène.
Lorsqu’une personne engage un avocat,
elle peut également choisir de payer un
supplément pour les services de son
champion. Les clients prospectent sou-
vent pour trouver l’avocat disposant du
champion avec les meilleures références
ou qui possède les compétences les plus
adaptées à l’affaire.
Cependant, tous les avocats ne peu-
vent pas se permettre l’entretien d’une
sélection de champions hautement spécia-
lisés. Un avocat type disposera peut-être
dans son équipe d’un champion, une per-
sonne polyvalente. Il sera compétent pour
les affaires les plus courantes à traiter,
51
L’HOSK MÉRIDIONAL
mais pour un crime grave ou contre un
talent de haut vol, il se retrouve rapide-
ment dans une position inconfortable.
Pour ces cas, l’avocat se tournera vers
l’une des guildes de champions que l’on
trouve dans tout l’empire.
Les guildes de champions offrent les
services de champions juridiques à tous
ceux qui peuvent se les offrir. Bien que
leur organisation réelle varie d’un endroit
à l’autre, elles ont tendance à fonctionner
selon les mêmes principes. La guilde pro-
pose, contre rémunération, un catalogue
de guerriers. Le client indique la four-
chette de prix qui l’intéresse et elle lui
fournit une liste des champions enregis-
trés qui se situent dans ce budget. Elle
tient un registre de leurs victoires et dé-
faites, et de leurs spécialités et faiblesses.
À l’aide de ces informations, le client peut
orienter son choix.
En acceptant la transaction, la guilde
promet de veiller à ce que le champion se
présente dans l’arène à l’heure prévue,
sobre et prêt au combat. Bien entendu,
elle se doit de fournir un remplaçant si le
premier n’est plus en capacité ou n’est pas
en condition optimale de combattre.
Pour devenir champion d’une guilde,
un guerrier doit seulement s’inscrire au-
près de celle-ci et démontrer son aptitude
au combat. La citoyenneté n’est pas re-
quise. En fait, voir combattre dans l’arène
des étrangers est tacitement encouragé,
car c’est un bon moyen de les garder sous
contrôle et occupés. Le guerrier peut être
invité à dresser la liste de ses spécialités,
de ses forces et de ses faiblesses. Il est
alors mis à l’épreuve. Pendant sa période
de probation, il joue le rôle de champion
dans des cas mineurs, des combats
simples et non mortels. La guilde con-
serve tous ses honoraires durant cette
période. S’il n'en perd aucun (ou si sa
perte peut être attribuée à d’autres fac-
teurs), il avance dans les rangs de la guilde.
Plus les cas qu’il défend avec succès sont
dangereux, plus il est demandé.
Bien entendu, la guilde prélève et con-
serve toujours une partie de ses hono-
raires, bien que le montant diminue tandis
que la notoriété augmente. Il n’est pas rare
que des champions très performants la
quittent pour fonder leur propre écurie.
Bien entendu, les guildes ne se conten-
tent pas de mettre en relation les guerriers
avec leurs clients. Leur pouvoir d’attrac-
tion est lié la compétence de leurs cham-
L’HOSK MÉRIDIONAL
pions. Aussi font-elles tout ce qu’elles
peuvent pour former et faire progresser
leurs hommes. Elles leur fournissent gra-
tuitement des entraîneurs, des armuriers,
des guérisseurs, des masseurs ainsi que les
services funéraires. En retour, le cham-
pion est censé être victorieux. S’il perd
trop souvent, il se retrouvera à la rue. Et
ne pourra certainement pas trouver un
poste dans une autre guilde de réputation
équivalente.
Plusieurs autres types d’entreprises ont
vu le jour autour du système des cham-
pions. Le nombre de ces derniers explo-
sant, choisir lequel recruter est devenu de
plus en plus complexe. Des pronosti-
queurs experts suivent les résultats de
chaque champion et calculent la meilleure
combinaison de type de champion, d’arme
et d’armure face un adversaire donné. Les
avocats utilisent souvent leurs services
pour négocier le meilleur procès possible
pour leurs clients.
Aussi macabres que puissent paraître
ces pronostiqueurs, des types encore plus
répugnants rôdent autour de l’arène.
Comme tout événement sportif, les com-
bats ne sont pas à l’abri de tricherie. Cer-
tains gagnent leur vie en arrangeant (ou en
le prétendant) les combats. Il s’agit d’une
activité dangereuse, car un truqueur pré-
sumé devra personnellement prouver son
innocence dans un combat dans l’arène
contre l’un des champions impériaux
(réputés incorruptibles). Il risque égale-
ment de s’attirer les foudres de ceux qui
ont perdu à cause de ses agissements. Plus
étranges encore sont ceux qui attendent
autour de l’arène pour ramasser les morts.
Ceux qui ne sont pas réclamés par les
guildes ou leurs proches sont emportés
par ces trafiquants discrets à des fins in-
connues. On dit que les corps sont utilisés
par les sorciers à des fins obscures.
Pour prouver au peuple que la justice
est bien rendue, les combats sont ouverts
au public. Ainsi servent-ils également à
divertir les masses. Dans les villes, l’arène
est normalement ouverte une fois par
mois, bien que cela puisse être plus fré-
quent si la charge de travail l’exige. Une
fois que le rôle est établi, les cas, les cham-
pions et les conditions de combat sont
placardés dans toute la ville.
La participation du public dépend
alors de la ferveur pour les dossiers. Les
combats à mort tout comme la présence
d’un grand champion, ce même si les con-
ditions de combat promettent un combat
relativement mineur attirent la foule. Si un
accusé ou un plaignant choisit volontaire-
ment de se présenter dans l’arène au lieu
d’utiliser un champion, la participation du
public augmente (surtout s’il fait face à un
champion engagé). Cependant, le plus
grand attrait reste, de loin, un combat à
mort entre deux champions profession-
nels. Ils sont peu fréquents et plus rares
encore sont les matchs entre des cham-
pions très cotés.
Une bonne journée d’arène a tout
d’une foire. Les maîtres libèrent les servi-
teurs pour la journée. Des colporteurs
s’alignent dans les rues qui mènent à
l’arène pour écouler leurs marchandises et
des vendeurs de nourriture se rassemblent
à l’entrée pour vendre des fruits, des
viandes rôties, des tartes, des pains et des
boissons rafraîchies à l’aide de glace ap-
portée des montagnes. Des sorciers itiné-
rants organisent des spectacles pour le
public dans l’espoir de récolter une abon-
dance de pièces pour quelques heures de
travail facile. Il y a des jongleurs, des acro-
bates, des bardes, des danseurs, des pick-
pockets et des bateliers, autant d’éléments
qui rendent un festival coloré.
L’arène est construite pour accueillir
ces foules avec des rangées de sièges pour
les gens du commun et des loges élabo-
rées pour les riches et les titrés. Afin de
générer des revenus, le gouverneur de la
province a le droit, au nom de l’empereur,
de prélever une taxe pour chaque siège.
Le prix du siège varie en fonction de leur
qualité, les plus chers étant ceux qui se
trouvent le plus près de la loge de l’empe-
reur ou du gouverneur, les moins chers
étant les gradins supérieurs où l’on doit
rester debout.
Pour réduire les émeutes occasion-
nelles dans les tribunes, humains et mino-
taures sont strictement séparés. S’ils
étaient assis ensemble, il y aurait certaine-
ment des émeutes pendant les combats les
opposant. Les tensions flambent plus que
de raison, la foule étant souvent divisée en
factions soutenant des champions diffé-
rents.
L’action est intense et les paris sur
l’issue de chaque procès vont bon train.
Pour les spectateurs, ils sont plus impor-
tants que la nature du procès lui-même.
Les mêmes pronostiqueurs qui conseillent
les avocats fixent également les cotes et
prennent les paris. Ces derniers reposent
sur des traditions formelles. Les premiers
sont faits par le plaignant et le défendeur
52
et les montants que chacun est prêt à en-
gager affectent largement les cotes don-
nées. Les champions expérimentés peu-
vent dire, d’après la réaction de la foule,
comment les paris se déroulent et si leurs
clients leur font confiance.
Les préteurs (qui instruisent le procès-
verbal) ne sont ni aveugles ni indifférents
aux drames de l’arène. En bons metteurs
en scène, ils arrangent soigneusement le
rôle pour entretenir une atmosphère d’ex-
citation tout au long de la journée. Les
premiers procès sont des affaires mi-
neures. En fonction de la taille du rôle,
plusieurs procès peuvent avoir lieu en
même temps, chaque combat se déroulant
dans une partie différente de l’arène. Au
fil de la journée, l’importance et le carac-
tère mortel des affaires augmentent tandis
que le nombre d’affaires combattues en
même temps diminue. Un certain nombre
de grands combats peuvent avoir lieu au
début de la journée pour entretenir l’inté-
rêt de la foule, mais l’affaire la plus exci-
tante se tient en fin de journée. Ce n’est
pas toujours l’affaire la plus importante
d’un point de vue juridique, mais c’est
celle qui attire le plus la foule : les meil-
leurs champions et les conditions les plus
mortelles ou les plus exotiques.
Une fois tous les combats terminés,
les résultats des affaires sont annoncés et
la partie victorieuse reçoit une assignation
proclamant ses droits légaux. À côté de
chaque homme se trouve son champion
(s’il en avait un). La partie perdante reçoit
son châtiment devant la foule et est obli-
gée de défiler dans l’arène en portant un
panneau expliquant ces conditions. Dans
de rares cas, la partie perdante est exécu-
tée sur place, si telle est la sanction (bien
que dans la plupart de ces cas, la personne
soit obligée de se présenter personnelle-
ment dans l’arène). La justice rendue est
très sévère et vise à décourager les pour-
suites frivoles.
L'ARMÉE DE LA LIGUE
La qualité et l’efficacité de ses forces
militaires constituent une des pierres an-
gulaires de l’empire. Elles ont fourni la
puissance nécessaire à l’empereur pour
faire respecter sa volonté, protéger l’em-
pire et étendre ses frontières. Sans le sou-
tien des Légions d'Eragas (comme on
appelle l’armée), l’empereur ne pourrait
pas contrôler les coins les plus reculés de
son royaume.

Les légionnaires constituent l’ossature
de l’armée. Ces fantassins en forment la
plus grande partie. Les légionnaires sont à
leur tour divisés en différentes catégories
selon les armes et les armures utilisées.
Les troupes de première ligne sont des
hommes équipés d’une épée courte et
d’un bouclier ou d'un épieu long et d’une
hache d’armes. Tous portent deux ou trois
javelots qui sont lancés juste avant que
l’ennemi n’entre en contact. Ces troupes
portent des armures lourdes : plastron à
bandes de bronze, jupe à bandes de cuir
métallisées, jambières et casque. L’infante-
rie lourde est soutenue par des archers et
des frondeurs légèrement armurés. Ces
hommes sont équipés au mieux d’armures
rembourrées ou matelassées et portent
une épée courte en plus de leurs armes de
tir.
Cependant, les fantassins ne sont pas
seuls dans l’armée, et ne pourraient pas
gagner seuls toutes les batailles. La cavale-
rie a pris de l’importance au fil des ans, en
particulier depuis que la Ligue s’est instal-
lée dans le Tamire, où règnent en maîtres
les cavaliers uigans. Bien que les contacts
entre les deux armées aient été peu nom-
breux, les légionnaires se sont révélés
impuissants face aux cavaliers plus rapides
et plus mobiles. Pour assurer une défense
adéquate, les légions d’Eragas se sont
appuyés sur les fortifications et sur un
nombre croissant de cavaliers.
Trois unités différentes composent la
cavalerie de la Ligue. La plus courante est
la cavalerie légère. Ces hommes (et les
minotaures qui ont l’équitation) montent
des chevaux non bardés et ne portent pas
d’armure. Ils ont un bouclier, une paire de
javelots courts et une épée. Au combat, ils
galopent sur les flancs de l’ennemi et le
harcèle de leurs javelots. Ils ne s’appro-
chent pas de l’ennemi et n’utilisent leurs
épées que lorsqu’ils sont acculés. Même
dans ce cas, il est probable qu'ils descen-
dent et érigent un mur avec leurs bou-
cliers pour se protéger.
Le second groupe de cavalerie est
constitué des auxilliaires. La Ligue a recru-
té des cavaliers dans les tribus qui se trou-
vent à ses frontières surtout depuis son
expansion dans l’Hosk septentrional. Par-
mi les légions d’Eragas, on trouve des
compagnies de cavaliers uigans, des cava-
liers tumeshites des Neumonts, et les fo-
restiers près du Thénol. Lorsqu’ils sont
bien utilisés, ils font d’excellents éclaireurs
et protègent les légions en mouvement, en
les avertissant bien à l’avance de l’ap-
proche de l’ennemi. Ces hommes sont
sauvages, difficiles à contrôler, et considé-
rés comme indisciplinés par les comman-
dants de l’armée. Ils rentreront chez eux
s’ils sont mécontents ou refuseront de
travailler si la façon dont ils sont traités
leur déplaît.
La cavalerie lourde forme la fine fleur
des unités montées. Composée pour par-
tie de vaniteux fils de la riche noblesse et
pour partie de combattants chevronnés
choisis pour leur habileté, elle représente
la troupe de choc sur le champ de bataille.
L’homme et le cheval sont blindés en
écailles de bronze et le cavalier bénéficie
de la protection supplémentaire d’un
grand bouclier de bois et de fer. Pour les
armes, il porte plusieurs javelots, une
lance, une hache de batailles, une épée
longue épée, voire un arc court et des
flèches. La cavalerie lourde, les cataphrac-
taires, ne doit pas être gaspillée dans la
bataille. Le plus souvent, c’est une force
de réserve utilisée pour briser l’ennemi et
le mettre en déroute par une charge finale
cruciale.
La cavalerie lourde est une arme pres-
tigieuse et ouvre systématiquement le
cortège dans les processions triomphales
pour célébrer la dernière victoire sur les
barbares des frontières. Dans une famille
riche, si un fils doit entrer dans l’armée,
elle fait tout ce qui est en son pouvoir
pour lui assurer un poste dans le corps
des cataphractaires.
53
L’HOSK MÉRIDIONAL
Les soldats sont organisés en groupes
de 10, de 100, de 500, puis de 1 000. La
légion, l’unité stratégique de l’armée, varie
en taille selon les besoins, mais comprend
normalement de 1 000 à 5 000 hommes
tout corps confondu. (Les pourcentages
exacts d’infanterie et de cavalerie, légère et
lourde, varient selon les besoins).
Chaque légion possède un symbole et
un nom d’identification qui lui est propre.
En son sein, se trouvent des unités dis-
tinctes, chacune avec ses propres titres,
traditions et histoire. Par exemple, la lé-
gion Corne noire Brisemur (ainsi nommée
en raison de sa réputation lors des sièges)
est l’une des unités les plus redoutées de
l’infanterie lourde des minotaures.
La plupart des unités sont réparties
par race, en partie pour prévenir les diffi-
cultés au sein de l’unité, mais aussi pour
exploiter au mieux les points forts de cette
espèce particulière. Il existe des unités de
minotaures, d’humains, de nains et même
un petit contingent d’elfes noirs. Cepen-
dant, une unité, les Manteaux noirs de la
légion Impériale, fait exception à cette
règle. Cette unité (de 5 000 soldats) est
composée des meilleurs guerriers de
toutes les races. Enlevés encore enfants à
leurs parents (dont beaucoup considèrent
que c’est un grand honneur), les Manteaux
noirs apprennent dès lors à donner leur
vie pour l’empereur.
Ils reçoivent le meilleur entraînement
militaire possible, qui commence avant
même que les autres enfants aient cessé de
se sucer le pouce. Ils vivent ensemble,
officiers et hommes, recrues et instruc-
teurs, comme une seule famille. Tous
leurs besoins sont pris en compte, de
L’HOSK MÉRIDIONAL
sorte qu’ils ne manquent jamais de rien.
Ils sont soigneusement isolés de la poli-
tique de l’empire, afin de ne pas polluer
leur esprit.
Il en résulte une légion de soldats hau-
tement entraînés, fanatiquement fidèles à
l’empereur. Ils feront tout ce qu’il leur
commandera. Tant qu’il est menacé, ils ne
se rendront pas ou ne fuiront pas, du
moins c’est ce qu’ils souhaitent faire croire
aux populations.
Chaque légion est commandée par un
dux, un général nommé par l’empereur. Il
n’est jamais issu d’un rang social inférieur
à celui des familles loyales et est le plus
souvent un minotaure ou un -iskis. Lors-
que plusieurs légions sont regroupées sous
un même commandement, le comman-
dant suprême est connu sous le titre d’im-
perator. Là encore, l’imperator est nommé
par l’empereur, issu des rangs des dux. Il
n’occupe ce poste que le temps nécessaire,
après quoi il retourne au commandement
de sa légion.
Pour réduire le risque de tentative de
coup d’État par ses généraux ou ses gou-
verneurs, les empereurs ont soigneuse-
ment réglementé l’armée. Les dux et leurs
légions sont sous le commandement di-
rect de l’empereur. Le gouverneur d’une
province n’a aucun pouvoir de comman-
dement sur les militaires cantonnés dans
sa région, à moins que l’empereur
n’émette une proclamation spécifique lui
octroyant ce pouvoir. Dans le même
temps, les légions sont disséminées en
garnison dans des unités plus petites dans
chaque province. Seules quelques légions
commandées par les dux les plus loyaux
sont cantonnées entièrement dans le
même lieu.
Malgré toutes ces précautions, des
révoltes se sont produites. Contrairement
au processus élaboré de l’arène, l’acte
suffit à juger coupables les mutins. La
pratique courante est d’envoyer d’autres
unités de l’armée pour les écraser. On
prend soin d’envoyer, si possible, des
rivaux au sein de l’armée pour faire le
travail. Le risque existe toujours que la
mutinerie s’étende à d’autres unités. C’est
pourquoi les punitions les plus sévères
sont réservées aux mutins. Les simples
soldats sont décapités et leur corps mis en
croix le long des routes pour servir d’aver-
tissement aux autres. Les chefs sont tortu-
rés, puis publiquement écartelés. Les par-
ties de leur corps sont ensuite envoyées
dans les autres garnisons de l’empire en
guise d’avertissement.
LES MARCHANDS DE LA LIGUE
La Ligue des marchands est la troi-
sième force en importance après l’empe-
reur et les légions d’Eragas. Issue des fa-
milles loyales d’avant l’invasion, la Ligue
des marchands est une puissante guilde de
commerçants qui réglemente et surveille
la plupart des échanges commerciaux de
l’empire. Elle ne contrôle pas la produc-
tion des marchandises, mais elle est res-
ponsable de son expédition et de sa distri-
bution dans toutl’empire et au-delà. Son
monopole quasi total lui confère un grand
pouvoir au sein de l’empire. Bien que la
guilde n’ait pas de position officielle, ses
marchands sont capables d’influencer la
plupart des politiques officielles à son
avantage.
La guilde des marchands fournit égale-
ment des ambassadeurs et des espions
officieux à l’empire. Leurs affaires les
amènent bien au-delà des frontières de la
Ligue impériale des minotaures. Ils arpen-
tent la région du Tamire, les territoires des
gobelins, les monts Annelés, l’Armach et
le Thénol et poussent même jusque dans
les jungles sombres du Néron. Ils trans-
portent avec eux et distillent les ferments
de l’empire minotaure et permettent aux
légions d’Eragas d’annexer plus aisément
de nouveaux territoires pour la plus
grande gloire de l’empereur.
La guilde des marchands protège ja-
lousement sa position contre tout intrus.
Bien qu’elle ne dispose pas d’un mono-
pole officiellement reconnu, elle ne tolère
aucune concurrence. Les marchands en-
treprenants qui tentent de monter leurs
propres entreprises sont écrasés s’ils sont
petits, chassés des affaires par les pra-
tiques de réduction tarifaires de la guilde.
Si le nouveau venu fait preuve d’un talent
particulier pour les affaires (c’est-à-dire s’il
survit aux tentatives de le pousser à la
faillite), il est invité à rejoindre la guilde.
En cas de refus, les tentatives pour l’élimi-
ner deviennent sérieuses. La menace, le
passage à tabac, l’incendie criminel, voire
l’assassinat, seront employés si nécessaire.
Compte tenu de ce type d’attitude, la
Ligue des marchands a peu de concur-
rents.
54
RELIGIONS
La religion n’a jamais joué un rôle
important dans la vie des minotaures de
Taladas et l’est encore moins maintenant
que la puissance des dieux ne leur est plus
apparente. Pour la plupart, ils croient au
pouvoir et à la puissance de l’individu. De
par leur culture, ils ne se soumettent pas
non plus volontairement ni n’admettent
leur infériorité par rapport à un autre, y
compris les dieux de Krynn. Ils n’ont
donc que peu d’intérêt pour les religions
organisées et les artifices qui les accompa-
gnent.
Au fil des ans, les humains ont eux
aussi perdu une grande partie de leur foi.
Avec l’Exode, beaucoup en sont venus à
croire que les dieux les avaient abandon-
nés ou maudits. S’il en était ainsi, ils
n’avaient plus besoin de dieux aussi cruels
et capricieux. Privés des pouvoirs divins,
ils les ont reniés entièrement.
Au cours des derniers siècles, peu
d’évolutions sont venues modifier ce
point de vue. En effet, l’athéisme des mi-
notaures l’a même renforcé. Pour cette
raison, il n’existe pas de grands temples
ou de religion d’État dans l’empire.
Bien sûr, la foi n’est pas totalement
absente de l’empire. Les citoyens, à l’esprit
pratique, protègent leurs morts dans
l’éventualité où les dieux reviendraient et
les ressusciteraient. Il n’y a pas de cultes
natifs de l’empire, mais les croyances de
l’extérieur ont infiltré la société. Ainsi,
existent de petits groupes d’adeptes des
dieux uigans tels que Mislaxa, Qu’uan et
Jijin. Les croyances du Thénol et d’Ar-
mach ont récemment fait leur apparition
chez les gens du commun. Et bien sûr,
Hiteh n’a pas manqué l’occasion de com-
mettre des méfaits. Il a suscité la création
de groupes de disciples, en particulier
dans des endroits tels que la vieille ville de
Kristophan. Ceux-ci sont jusqu’ici restés
secrets, car Hiteh ne souhaite pas, pour
l’heure, attirer l’attention sur ses adeptes
et leurs activités malveillantes.

LES VILLES DE LA LIGUE
Les cinq grandes villes sont de loin le
fleuron de l’empire. Dans l’esprit de nom-
breux citoyens, elles en sont l’essence
même. Les terres agricoles et les pro-
vinces extérieures n’en constituent que
des ramifications. En revanche laquelle
surpasse les autres entraîne des débats
sans fin. Un minotaure de Kristophan
refusera de croire qu’un autre endroit soit
plus grand. Un homme de Théra vantera
les merveilles des jardins d’agrément de sa
ville. En vérité, chacune a son propre
caractère, différent des autres.
Kristophan
En tant que capitale de l’empire, la
prétention de Kristophan à la grandeur est
claire et évidente. C’est ici que règne l’em-
pereur, que se réunit le Sénat et que se
trouve l’arène impériale. Kristophan est le
cœur de tout le gouvernement de l’empire.
Quiconque aspire à une fonction politique
se rassemble ici. Chaque famille de mino-
taures d’importance et chaque famille
loyale vivent ici près de l’empereur.
En termes de pouvoir pur, aucune
autre ville de l’empire ne peut rivaliser
avec Kristophan. Elle compte les meil-
leurs champions, les avocats les plus ha-
biles, les bâtiments les plus spectaculaires
et la plus importante population. Elle est
clinquante, ostentatoire et dominatrice
dans ses manifestations de pouvoir.
Cependant ce n'est pas une belle ville.
Construite autour de l’ancienne colonie
humaine, la capitale est divisée en trois
quartiers : la Vieilleville, la Neuville et la
Cité impériale.
Le quartier de la Vieilleville est centré
autour de la cité humaine originelle de
Kristophan et de ses environs immédiats.
Les bâtiments ici sont plus anciens que
partout ailleurs dans la ville. La plupart
ont deux étages et sont construits en bois,
à l’exception de la Vieille Armurerie et de
la porte de la Forêt qui, bien qu’elles ne
soient pas plus hautes que les autres, sont
tout ce qui reste des fortifications en
pierre qui défendaient la ville contre les
attaques terrestres. La plupart des murs
ont été démolis depuis longtemps et les
pierres emportées pour construire la ville
impériale. Le feu, surtout pendant les étés
secs, est le plus grand danger qui guette
les habitants. La maladie vient juste après,
car les rues étroites et sinueuses sont en-
vahies d’eaux usées et les bâtiments infes-
tés de rats.
Autrefois le cœur de Kristophan, la
vieille ville est aujourd’hui un ghetto lu-
gubre et dangereux. La majorité de ceux
qui y vivent sont des humains, des elfes et
des nains. Peu de minotaures y résident,
préférant la compagnie de leurs sem-
blables dans la Neuville. La majorité des
habitants sont également pauvres et peu
qualifiés et tirent d’un dur labeur de bien
maigres ressources. À l’aube, ils quittent
leur maison pour aller travailler et rega-
gnent au crépuscule leur morne et sinistre
demeure. Bien que leurs distractions ne
soient pas mirobolantes, ils s’y adonnent
avec beaucoup de ferveur. Quantité de
tavernes bon marché, de salons de thé, de
cafés, de maisons de mauvaise réputation,
de salles de jeu et de fumeries coexistent.
Ce sont les lieux de rencontre des
hommes de lois (bandits), des décaveurs/
maquilleurs de brêmes (tricheurs aux
cartes), des tire-laines (coupe-bourse), des
pinces (pickpockets), des aborgneurs
(ruffian), des charmeurs (casseurs de ser-
rures), des cambuteurs (faussaires) et des
braqueurs (cambrioleurs). Ils se regrou-
pent en fraternités informelles dirigées par
un homme intègre, un voleur et un com-
pagnon avec une telle compétence et
autorité que les autres s’en remettent à lui
par respect et par peur.
La compagnie prend ses ordres de leur
homme intègre, meulant les palaces des
aristos (volant les maisons des riches) et
espionnant les pigeons (les cibles) pour
des jeux malhonnêtes. Bien qu’ils parlent
la langue de l’empire, ces hommes la rem-
plissent de mots à double-sens, cachant
leurs métiers, leurs outils et leurs cibles
derrière ces expressions. Chaque gang a
ses propres lois, coutumes et territoires,
qui sont normalement respectés et hono-
rés par leurs pairs. Cependant, ce n’est pas
toujours le cas et parfois des querelles
sanglantes éclatent entre les différents
gangs.
Lorsque cela se produit, les hommes
intègres cherchent à obtenir de l’aide, en
particulier auprès des champions peu fré-
quentables et déchus qui remplissent les
tavernes. Ces hommes sont toujours prêts
à risquer la mort pour de l’argent et four-
nissent ainsi une source de muscles pour
n’importe quel travail. Les tavernes qu’ils
fréquentent sont des endroits mal famés
et bien qu’un champion désire parfois se
uniquement se désaltérer tranquillement,
sa nature combative ne lui autorise rare-
55
L’HOSK MÉRIDIONAL
ment de le faire. Les ruelles de la Vielle-
ville ont toujours été un l’endroit idoine
pour engager des hommes désespérés
pour une tâche désespérée.
Étant donné la nature rude et dange-
reuse de la Vieilleville, il n’est pas surpre-
nant que les forces de l’ordre, les saiones,
aient tendance à délaisser le quartier. Ils
ont l’habitude de ne pas se préoccuper des
crimes qui y sont commis, sauf s’ils sont
d’une infamie exceptionnelle. Leur princi-
pal motif d’intervention est lorsqu’un
crime est commis en dehors des limites de
la Vieilleville, en particulier s’il s’est dérou-
lé dans la Cité impériale. Dans ce cas, les
saiones entrent en force dans le quartier.
Leurs méthodes peu subtiles sont mal
acceptées par la plupart des habitants du
quartier. En cas d’extrême urgence,
comme les fréquentes émeutes estivales
ou un rare assassinat impérial, les légions
d’Eragas se joignent aux saiones dans leur
entreprise de maintien de la paix. L’armée
se montre encore plus brutale que les
saiones et la rumeur de leur déploiement
peut déclencher des émeutes sanglantes
de protestation.
Bien sûr, la Vieilleville n’est pas que
morosité et délabrement. Beaucoup de
choses la rendent vivante et excitante, une
expérience enrichissante pour les gens
aisés qui la visitent le jour. Il y a les mar-
chés colorés en plein air. Les pièces de
théâtre, les combats d’ours, de coqs ou de
chiens, les théâtres de marionnettes ou les
duels mis en scène sont autant de divertis-
sements populaires. Mais à l’approche du
crépuscule, les marchés ferment et le sage
rentre chez lui.
Les petits havres de richesse forment
une autre caractéristique de la Vieilleville.
Cachés dans des ruelles, soigneusement
dissimulées au regard, peuvent se trouver
les appartements privés d’un puissant
sorcier ou les chambres entretenues par
un noble puissant pour sa maîtresse offi-
cieuse. Bien sûr, rares sont ceux qui affi-
chent ostensiblement leur richesse dans
une communauté remplie de voleurs.
Seuls les hommes intègres les plus
prospères et les plus puissants peuvent
faire montre de leur richesse en toute
impunité. Ces hommes, qui sont les dons
de la communauté criminelle, dédaignent
de montrer une quelconque crainte de se
faire voler et ce, à juste titre. La plupart
des habitants de la vieille ville savent que
voler un tel homme c’est s’exposer à une
L’HOSK MÉRIDIONAL
mort certaine. Non seulement sa demeure
est susceptible d’être bien gardée et équi-
pée de pièges dangereux, mais il dispose
également d’un réseau d’informateurs et
de tueurs pour réaliser ses moindres sou-
haits. Plus d’une fois, la main d’un impu-
dent voleur a été trouvée clouée à la porte
de sa taverne préférée en guise d’exemple
pour tous ceux qui voudraient suivre ses
traces.
En lisière de la Vieilleville, les cata-
combes datant de la première colonie de
Kristophan, sont presque oubliées. Elles
ne sont plus utilisées, les morts étant en-
terrés dans la nécropole à l’extérieur de la
ville, n’ont jamais été remplies. Les ca-
vernes souterraines, autrefois fraîches et
sèches, sont devenues humides et moites
au fil des ans. Les corps qui y étaient en-
terrés se sont depuis longtemps décompo-
sés en une terre croupie. Les morts plus
récents y sont laissés par des assassins
pour dissimuler leurs crimes. L’air est
chargé de décomposition et de pourriture
et seuls les sans-abris, cherchant à se pro-
téger des tempêtes ou ceux qui cherchent
à échapper à la justice ou la vindicte po-
pulaire choisissent d’y aller.
Autour de la Vieilleville se trouve la
Neuville. Cette section de Kristophan a
été construite après sa conquête par les
minotaures et reflète leurs goûts et leurs
compétences en matière d’architecture. La
plupart des bâtiments sont bas, d’un ou
deux étages, et construits en brique. Seuls
quelques bâtiments en pierre ou en bois
existent. La pierre est réservée à la Cité
impériale et la construction de la Vieille-
ville a depuis longtemps épuisée les forêts
alentours. La majeure partie des docks et
des quais de Kristophan se trouvent dans
la Neuville, construite par les minotaures
pour les grandes flottes océaniques.
L’agencement de la Neuville reflète
également le goût des minotaures. La dis-
position des rues n’est pas ordonnée. Les
avenues, les ruelles et les voies se tortillent
et tournent presque au hasard, faisant de
la Neuville un labyrinthe dense de bâti-
ments. Apparemment, les minotaures
semblent apprécier les lieux de cette fa-
çon, car la plupart des autres villes de
l’empire sont similaires. D’autres (en par-
ticulier les nains) trouvent la disposition
exaspérante et frustrante.
En concession à la sensibilité des non-
minotaures, la Neuville est percée de plu-
sieurs boulevards droits qui vont d’un
point de repère majeur à un autre. Le
Brise-lames va des docks à la Vieilleville.
La Marche de l’empereur traverse la Neu-
villle de la Cité impériale à la Vieilville. La
Grand-route va de la place des Cham-
pions à la Grande voie, la route principale
qui mène de Kristophan à Moldar.
De grands commerces bordent ces
rues, afin d’éviter aux clients d’avoir à se
frayer un chemin dans les ruelles confuses
des quartiers intérieurs de la Neuville.
Chaque boulevard attire des commerçants
adaptés à sa nature. Le Brise-lames est
bordé par les entrepôts de la Ligue des
Marchands. À l’extrémité côté mer se
trouvent les armateurs, les équipementiers
et les voileries. Près de la Vieilleville, se
trouvent les tavernes et les épiceries.
Le long de la Marche de l’empereur se
trouvent les différentes guildes de cham-
pions, les marchands d’antiquités, les ven-
deurs de tissus rares, les orfèvres, les bi-
joutiers et les couturières.
À l’extrémité de la Grand-route, où
elle devient la Grande Voie, se trouvent
56
des auberges, des écuries, des marchands
de chevaux, des maréchaux-ferrants, des
charrons, des carrossiers et des marchands
de grains. Plus près de la place des Cham-
pions (qui n’est pas loin de l’Arène impé-
riale) se trouvent les armuriers, les forge-
rons d’armes, les entraîneurs, les chirur-
giens et les médecins de la ville. Quelques-
unes des guildes de champions se trou-
vent dans cette zone.
La plus grande partie de la Neuville
cependant, est constituée des voies si-
nueuses qui courent entre les principaux
boulevards. C’est ici que vit la plus grande
partie des habitants de Kristophan. Ce
sont les demeures des artisans, des com-
merçants et des minotaures. Dans ces
rues, on trouve des capitaines de navire,
des charpentiers, des importateurs, des
champions respectés, des avocats, des
greffiers, des scribes, des commerçants,
des aubergistes, etc. Ils font de leur mieux
pour vivre leur vie paisiblement et sans
histoires. Contrairement à la Vieilleville, la
Neuville est régulièrement patrouillée par
les saiones, qui sont généralement respec-
tés et appréciés par les citoyens.
Une maison typique de la Neuville est
une petite villa construite autour d’une
cour centrale. À la porte, il peut y avoir un
étal où le propriétaire expose ses mar-
chandises ou son artisanat à vendre. À
l’intérieur se trouve la cour, éventuelle-
ment agrémentée de quelques arbres, et,
pour les plus aisés, un puits privatif. Elle
est généralement pavée pour la décoration
et la praticabilité des charrettes. Les pièces
de la maison, orientées vers l’intérieur,
encadrent la cour. Les citoyens les plus
pauvres, plus proches de la Vieilleville, se
contentent de maisons de plain-pied ou
partagent leur habitation entre plusieurs
familles. Les plus aisés ont des villas à
deux étages et peuvent même avoir des
jardins attenants séparés par un mur
d’enceinte.
Dans une villa riche, ne réside pas que
la famille. Y vivent également, dans des
quartiers séparés, des serviteurs libres et
des esclaves domestiques. Il y aura des
palefreniers, des cuisiniers, des servantes
et divers assistants qui veilleront aux be-
soins de la famille. Bien qu’il puisse y
avoir des serviteurs minotaures, il est in-
terdit de posséder des esclaves de cette
race, sauf pour ceux punis pour des
crimes impériaux. Ces derniers ne sont
jamais destinés à des travaux domestiques
mais purgent leur peine dans des carrières,
des mines, des fermes et à bord de galères.

Les citoyens de la Neuville sont parfai-
tement conscients qu’ils sont des cibles
tentantes pour les voleurs de la Vieilleville
et ils prennent les précautions appro-
priées. Les villas et les maisons sont cons-
truites sans fenêtres extérieures, toutes les
vues donnant sur la cour ou les jardins.
Les portes sont fermées la nuit. Tous ceux
qui peuvent se le permettre ont un gar-
dien, un guerrier, pour monter la garde la
nuit. Des chiens de garde sont lâchés dans
les cours ou, plus exotique, des guépards
dans les jardins. Les riches engagent des
gardes du corps pour monter la garde,
bien qu’on soit loin de la taille des armées
privées entretenues par la noblesse.
Enfin, existe la possibilité d’acheter sa
sécurité. C’est une pratique courante chez
les puissants hommes intègres de se faire
rétribuer en échange de leur protection
par les propriétaires de la Neuville. Ils
apposent ensuite leur marque sur les
portes des villas pour montrer qu’elles
sont protégées et par qui. Ces marques
sont censées être secrètes, mais toute per-
sonne désireuse de faire un petit effort
pourrait les apprendre. Certains individus
ont tenté d’utiliser des marques contre-
faites avec pour résultat de retrouver leurs
maisons saccagées sur ordre de l’homme
intègre outragé. Aussi, la contrefaçon de
marques reste une pratique rarement
éprouvée.
La section la plus isolée et la plus sûre
de Kristophan est la Cité impériale. Ni-
chée au centre de la Neuville, elle en est
séparée par le Mur des Dux ou des Géné-
raux. Ce mur n’empêche pas seulement
les gens du commun d’entrer dans la zone
impériale, il sert également de ligne de
défense ultime pour la ville. Il ne s’agit pas
d’un mur cérémoniel ou décoratif, mais
d’une fortification solide et bien entrete-
nue.
L’entrée dans la Cité impériale n’est
possible que par l'une des quatre portes
seulement : la porte de l’Empereur que
traverse la marche de l’Empereur ; la
porte de l’Océan, la plus proche de la
mer ; la porte du Bois, qui donne sur les
terres intérieures ; et la porte du Traître
(ou porte Sanglante), où les corps des
traîtres sont exposés après leur mort dans
l’arène.
Pendant la journée, les citoyens sont
autorisés à les franchir, mais la nuit, les
portes sont fermées. En outre, les ci-
toyens de la Vieilleville et de la Neuville
doivent quitter les lieux avant que leur
fermeture au risque d’être arrêtés pour
avoir enfreint le couvre-feu. Seuls les dé-
tenteurs d’un laissez-passer, délivré par le
bureau du chambellan de la Cité impériale,
peuvent légalement rester dans l’enceinte
après la tombée de la nuit.
Bien sûr, pour qui est prêt à prendre le
risque d’être découvert, la Cité impériale
offre le lieu de larcin le plus riche mais
aussi le plus dangereux. Ici, les saiones
sont particulièrement actifs, ils patrouil-
lent dans les rues et surveillent les bâti-
ments publics de jour comme de nuit. En
outre, le Mur des Dux est gardé par les
Manteaux noirs de la légion impériale, la
garde d’élite de l’empereur. Ces soldats
attaquent pour tuer toute personne ou
toute chose qui tente de franchir le mur.
La première grande tâche de tout voleur
consiste à pénétrer dans la Cité impériale
sans se faire remarquer.
Une fois à l’intérieur, les choses ne
deviennent pas plus aisées. Les villas
nobles, versions plus grandes et plus
luxueuses de celles que l’on trouve dans la
Neuvville, sont également mieux et plus
dangereusement protégées. Au lieu d’un
simple gardien de porte ou d’une poignée
de surveillants, les nobles entretiennent
jusqu’à 200 gardes qui patrouillent sur leur
terrain, encadrés par leurs champions
personnels. Comme les Manteaux noirs, la
plupart attaquent sans préavis, cherchant à
tuer tout intrus. La majorité des nobles
maintiennent un ou plusieurs magiciens
dans leur personnel et une partie de leur
emploi du temps consiste à utiliser leurs
sorts pour préparer des pièges magiques.
Quelques-uns ont même employé des
maîtres voleurs comme conseillers dans la
conception des mesures de sécurité. Le
risque que le maître voleur décide d’utili-
ser ses connaissances contre son maître
n’est pas nul.
Mais les villas nobiliaires ne sont pas
seules dans la Cité impériale. La plupart
des fonctions de l’empire sont contenues
dans ces murs. À l’extrémité de la Marche
de l’empereur se trouve le Palais impérial,
résidence de l’empereur (bien qu’il passe
la plupart de son temps à Théra). Le Pa-
lais de l’impératrice, demeure de ses
épouses lorsqu’il est présent, est attenant.
Adjacent à ces deux palais se trouve la
caserne des Manteaux noirs, les protec-
teurs de l’empereur. Les palais des autres
grandes maisons de la famille impériale les
encerclent.
57
L’HOSK MÉRIDIONAL
En bordure, formant une frontière
entre les villas des nobles et les palais, se
trouvent les ministères, les bureaucraties
qui assurent la bonne marche de l’empire.
Le Sénat fait partie de cet anneau de mi-
nistères, flanquant la Marche de l’empe-
reur sur sa gauche. À droite se trouve le
Trésor. Au-dessous ses voûtes secrète-
ment creusées renferment les richesses de
l’empire. À l’exception du Palais impérial,
aucun bâtiment n’est mieux gardé que
celui-ci.
Parmi les ministères se trouvent égale-
ment les casernes du reste de la légion
Impériale, la plus fiable et la mieux équi-
pée de toutes les troupes de l’empereur.
Leur placement ici est intentionnel, un
véritable rempart contre les ambitions des
nobles. Bien sûr, il n’y a aucune garantie
de la fidélité dans le temps de la légion
Impériale, aussi l’empereur la surveille-t-il
attentivement à tout moment.
Il existe deux autres lieux notables à
l’extérieur de la ville. À environ 10 km se
dresse la vaste nécropole de Kristophan.
Ici, les morts sont enterrés dans l’attente
du retour des dieux. À l’origine, la cou-
tume minotaure était l’incinération des
morts. Mais après avoir conquis les
Styrliens, ils ont adopté la pratique de la
sépulture. Ceux qui peuvent se le per-
mettre payent de solides mausolées pour
abriter leurs morts, dans la croyance que
lorsque les dieux reviendront, ceux qui en
seront jugés dignes seront ramenés à la
vie. Cette croyance est unanimement re-
connue en Styrlie et ses conquêtes et est
prêchée, sous une forme ou une autre, par
tous les temples de la ville.
Certaines de ces tombes sont assez
anciennes et datent de l’époque de la colo-
nisation humaine. Pendant des siècles, la
nécropole a été un lieu d’excursion popu-
laire, animée par les anciennes histoires de
morts-vivants qui se cachaient peut-être
en dessous. En l’absence de pouvoirs
sacerdotaux, il ne s’agissait guère plus que
d’histoires. Récemment, cependant, des
événements malsains s'y sont produits. La
rumeur veut que les cultistes de Hiteh
organisent des cérémonies dans les
tombes au beau milieu de la nuit. De
moins en moins de pique-niqueurs choi-
sissent ses vallons ombragés et ses re-
traites solitaires autrefois si populaires
auprès des amoureux.
Le Campement forme le second en-
droit notable en dehors de la ville. Situé à
huit kilomètres de l’enceinte externe de la
ville, ce sont les baraquements perma-
L’HOSK MÉRIDIONAL
nents pour la légion des Tueurs d’ours et
les Marines. Ces corps constituent la ma-
jeure partie des troupes d’élite de l'empe-
reur et sont stationnées ici en tant que
réserve stratégique de l’armée. Il se trouve
qu’elles sont à proximité pour faire face
aux difficultés de Kristophan même. En-
semble, les deux légions maintiennent
environ 8 000 soldats prêts au combat.
Des effectifs sont fréquemment envoyées
pour faire face à des troubles sur divers
terrains d’opération, il est donc rare que
tous soient présents en même temps.
Théra
Là où Kristophan irradie la puissance
et la force, Théra donne le sentiment de
sophistication et de détente. Nichée dans
les collines d’Eragala, Théra est le terrain
de jeu des riches. N’étant située sur au-
cune grande route commerciale et loin des
centres de pouvoir, Théra a acquis sa ré-
putation de lieu de villégiature estivale de
la noblesse. Elle est dotée de nombreuses
sources thermales médicinales. Cepen-
dant, les sources chaudes seules n’auraient
pas suffi à asseoir sa réputation. Théra est
également dotée de forêts riches et
fraîches offrant à la fois un cadre magni-
fique et le confort. Cette combinaison de
bains chauds, de temps frais et de pay-
sages a fait de Théra l’endroit où aller
pendant la saison chaude.
Là où la plupart des villes grandissent
d’année en année, la population de Théra
fluctue énormément selon la saison. L’hi-
ver, c’est une petite ville endormie. Des
chutes de neige profondes et douces la
protègent et l’isolent du monde extérieur.
N’y demeurent que les citoyens installés à
l’année, les artisans nécessaires à la cons-
truction et à l’entretien des villas, les au-
bergistes qui fournissent le gîte à la petite
cour qui suit les nobles partout où ils
vont, les fournisseurs, les épiciers et les
ouvriers. Des estivants, il ne reste que les
gardiens et les concierges des grandes
villas. Ce ne sont pas des effectifs négli-
geables, car les lieux, comme la villa d’été
impériale, ne peuvent pas être laissés sans
surveillance. Pendant les mois froids, il y a
toujours une garnison complète, des servi-
teurs, des artisans, des peintres, des jardi-
niers, des cuisiniers et des scribes, tous
sous le commandement de chambellans et
d’intendants.
Avec l’arrivée du printemps, tout
change. Alors que les routes enneigées se
dégagent, l’avant-garde de la saison esti-
vale commence à arriver. Les premiers à
se présenter sont les hérauts et les servi-
teurs de confiance. Leur tâche est d’ins-
pecter les villas, de commencer les prépa-
ratifs pour l’été et (pour le plus grand
effroi de ceux qui sont restés toute l’an-
née) d’envoyer des rapports sur les activi-
tés des gardiens de la saison hivernale.
À leur suite viennent les domestiques
qui accompagnent les bagages de leurs
maîtres et maîtresses. Puis vient la cohue
des courtisans et des suppliants, qui se
précipitent et se bousculent pour trouver
des chambres convenables auprès des
aubergistes de la ville. Enfin vient la der-
nière vague, celle des estivants. Chaque
année, à la troisième lune du printemps,
l’empereur, ses épouses, ses enfants, ses
secrétaires, ses sous-secrétaires, ses valets
et ses dames de compagnie arrivent, en-
tourés des Manteaux noirs et d’une foule
de partisans pleins d’espoir. Les nobles
minotaures, les iskis et les familles loyales
arrivent immédiatement après et en un
rien de temps, la ville est pleine à craquer.
Elle se divise naturellement en deux
parties, la ville et les villas. Cette division
n’était pas intentionnelle, mais résulte du
nombre croissant de visiteurs en été. La
ville, construite en premier, se regroupe
autour d’un nombre de sources chaudes
près du fond de la vallée où se trouve
Théra. Ces sources étaient les plus faciles
d’accès lorsque les premiers colons sont
arrivés.
La ville s’étend désormais sur l’étroit
fond de la vallée, les parties les plus an-
ciennes autour des sources chaudes et les
bâtiments plus récents de plus en plus
éloignés. Un établissement de bains pu-
blics a été construit sur les anciennes
sources d’eau chaude. Il s’ouvre sur le
forum ou place principale, le cœur de la
Théra. Face aux bains, de l’autre côté du
forum, se trouve la basilique, siège du
gouvernement de la ville. C’est là que les
préteurs et les avocats se réunissent pour
traiter les affaires du jour.
À droite de celle-ci, entre la basilique
et les thermes, se trouve l’arène. Compa-
rée à la majesté de l’arène impériale de
Kristophan, cette construction semble
modeste, mais Théra a toujours été plus
sensible à la détente et au loisir des bains
qu’au sang et à la colère de l'arène.
À gauche de la basilique, formant le
dernier côté du forum, se trouve la pa-
58
lestre, le gymnase public. C’est ici que les
citoyens de Théra s’adonnent à leur deu-
xième grande passion, le sport. Chaque
jour, des jeunes viennent pratiquer la lutte
ou se défier au javelot. Moins sanglant que
l’arène, le gymnase est très fréquenté par
les estivants qui cherchent à se changer un
peu des sources bouillonnantes et des
grands panoramas. Comme ils en ont
l’habitude à Théra, les spectateurs parient
furieusement sur ces compétitions, tout
comme ils misent énormément dans
l’arène. Des éclaireurs des guildes de
champions surveillent les exercices, tou-
jours à l’affût d’une recrue potentielle.
Dans les rues qui entourent la place,
on trouve des cavistes, des cafés, des ta-
vernes enfumées, des boulangeries, des
fromageries, des vendeurs de fruits et de
noix et des vendeurs d’huile. Plus excen-
trés se trouvent les maisons des artisans :
ébénistes, marbriers, carreleurs, teintu-
riers, mosaïstes, joailliers, tisserands, net-
toyeurs, étameurs, etc. À l’extérieur des
portes, des colporteurs vendent des me-
lons, des rubans, des allumettes au soufre,
des raisins, des charmes, des sandales, des
animaux sauvages, des couvre-chefs, des
poissons et de la viande fumée. Dans les
rues, de porte en porte, on trouve des
bardes, des acrobates, des diseurs de
bonne aventure, des jongleurs et des mon-
treurs d’ours. Les voleurs se déguisent
souvent en de tels vagabonds, peut-être
même en gagnant modestement leur vie
grâce à un travail honnête, afin de pouvoir
repérer les victimes potentielles et leur
rendre visite plus tard dans la nuit.
La rue principale de la ville part du
forum et se dirige vers les collines. Con-
trairement aux rues de beaucoup d’autres
villes, celle-ci est droite et propre. Elle
passe à travers la muraille de la ville basse
et serpente ensuite à travers les villas sur
les pentes jusqu’à la porte la plus exté-
rieure, celle des villas impériales. Bien que
ces dernières étaient autrefois situées à
l’extérieur de l’enceinte de la cité, elles en
sont aujourd’hui des extensions. Chaque
villa possède ses propres murs et beau-
coup d’entre eux se rejoignent en divers
points et, finalement, aux murs de la ville.
Ainsi, les murs défensifs de la ville for-
ment un enchevêtrement de portes et de
murs séparés.
Autrefois, quand Théra était beaucoup
plus jeune, il était nécessaire de disposer
de défenses solides pour protéger les habi-

tants des créatures et des peuples sauvages
des collines boisées. Aujourd’hui, la ré-
gion est civilisée et pacifiée. Les tribus qui
vivaient dans la région ont été conquises
ou ont déménagé. Les animaux dange-
reux, chassés pour le sport, évitent les
hommes et les minotaures dès que pos-
sible. Avec le reflux de ces menaces, les
murs de la ville sont devenus plus symbo-
liques que fonctionnels, marquant la fron-
tière entre les citoyens de Théra et les
estivants. Les murs des villas, cependant,
sont solides et bien entretenus. Leurs pro-
priétaires attachent une grande impor-
tance à leur vie privée et à leur sécurité. Si
les émeutes des citoyens ou des pauvres
sont rares à Théra, ce n’est nullement le
cas des complots politiques et des assassi-
nats. Plus d’une fois, un noble intrigant ou
furieux a envoyé sa garde privée à l’assaut
de la villa d’un rival.
Bien entendu, l’empereur ne peut pas
laisser un tel comportement impuni. Juste
aux portes des villas impériales se trou-
vent les casernes de la légion impériale et
des Manteaux noirs. Si des hommes armés
en marche sont signalés, des troupes sont
immédiatement envoyées sur les lieux. En
moyenne, la garde est appelée pour faire
face à des vendettas une à deux fois par
saison. Heureusement, la plupart d’entre
elles sont faciles à contenir. Mais parfois,
avant que les choses ne puissent être maî-
trisées, l’escarmouche s’étend à plusieurs
villas, tandis que les unes et les autres
apportent leur soutien à l’un des partis.
Chaque villa est plus qu’une simple
maison de villégiature. C’est comme une
communauté privée. À l’intérieur du ter-
rain se trouve une maison principale, sou-
vent avec des ailes pour les épouses et les
courtisans. En outre, il peut y avoir des
maisons d’hôtes séparées, des jardins, des
étangs de plaisance, des bassins de pisci-
culture, des vergers, des maisons de do-
mestiques, des casernes, des greniers, des
écuries, des temples et des quartiers d’es-
claves. Il y a presque toujours une source
d’eau chaude et des bains sur la propriété
(c’est la principale attraction de Théra).
Certaines villas, telles que les villas impé-
riales, sont construites dans un but tout
autre que celui de la détente. Ces lieux
sont de petites forteresses, prêtes à servir
de refuge si la vie partout ailleurs devenait
trop dangereuse. Ces villas, sélectionnées
non seulement pour leurs sources d’eau
chaude et leurs points de vue, sont diffi-
ciles d’accès et assez résistantes pour sup-
porter des sièges. Des tours de guet, des
59
L’HOSK MÉRIDIONAL
portes secrètes, des douves et des donjons
peuvent être incorporés dans leur concep-
tion. (Ce n’est pas parce que l’empire est
cultivé qu’il est sûr).
Outre la violence, les rares tremble-
ments de terre constituent un autre pro-
blème pour Théra. Conscients de ce dan-
ger, les architectes construisent rarement
sur plus d’un étage. La pierre et la brique,
qui sont les matériaux de construction les
plus courants dans le reste de l’empire, se
sont révélés trop rigides pour être utilisés
ici. Le bois est le matériau privilégié tant
côté cité qu’au sein des villas. Cependant,
il est rarement laissé à l’état brut, car la
simplicité n’a jamais été du goût des mi-
notaures. Les bâtiments sont ornés de
sculptures et de statues. Les poutres sont
sculptées et peintes dans des couleurs
polychromes. Les panneaux de bois sont
peints selon le caprice des propriétaires :
scènes de chasse, paysages, récits de hé-
ros, scènes amoureuses du boudoir sont
autant de scènes de choix.
Le bois, en retour, génère un risque
d’incendie. Plus d’une fois, des embrase-
ments désastreux ont balayé les rues très
fréquentées de Théra, détruisant presque
toute la ville. À chaque fois, les Thérans se
sont obstinément employés à reconstruire
leurs maisons et à tout recommencer.
L’HOSK MÉRIDIONAL
Au vu de leurs connaissances, les Thé-
rans ne réalisent pas l’ampleur du danger
que représentent les tremblements de
terre. Les collines et les sources chaudes
qui ont rendu la région si attrayante sont
également les signes de l’existence d’une
faille majeure qui passe presque directe-
ment sous la ville. À ce jour, même les
secousses les plus destructrices qui ont
secoué la ville sont peu importantes au
regard du séisme majeur qui se prépare.
Chaque année, la pression sur la faille
augmente et des secousses mineures se
répercutent sur la ville. Celles-ci ne soula-
gent guère l’immense pression souter-
raine. Bientôt, un tremblement de terre va
se produire, qui va irrémédiablement bou-
leverser la ville.
Cependant, le danger n’est pas totale-
ment passé inaperçu. Comme nous
l’avons dit, la science de la tectonique
n’est pas en mesure d’évaluer clairement
le danger précis qui se prépare. Cepen-
dant, les habitués de la terre, en particulier
les nains, ont noté la fréquence des trem-
blements de terre et leur gravité. Ces der-
niers et d’autres indices, la présence des
sources chaudes, par exemple, les alertent.
Selon eux, Théra n’est pas située à un
endroit judicieux. La plupart, reconnais-
sant la futilité de changer les choses, se
contentent de considérer leurs réserves et
s’éloignent. Certains se sentent obligés de
formuler un avertissement discret avant
de quitter les lieux.
Quelques-uns donnent l’alarme avec
zèle, prévenant tous ceux qui veulent bien
les écouter. Bien qu’ils s’y emploient avec
la plus grande énergie, ils sont universelle-
ment considérés comme des fanatiques et
des fous. Privés de légitimité par la com-
munauté magique, religieuse et scienti-
fique, ces prophètes de l’apocalypse han-
tent le forum, les portes et les tavernes de
Théra. Et tentent vainement de prêcher la
vérité. Les rires et les moqueries en retour
en ont poussé plus d’un au-delà du fana-
tisme, dans la folie.
ARMACH
Sis dans les larges vallées au sud et à
l’ouest des Neumonts se trouve le petit
pays d’Armach, gouverné par les Silvanaes
-Quarti, les Silvanesti perdus d’Ansalon.
Séparés de la Grande Armada qui a con-
tourné l’Ansalonie, les Silvanaes-Quarti
(ou Silvanaes, comme ils se nomment eux
-mêmes) ont échoués sur Taladas. Frap-
pés par la tempête, ils se sont battus
contre le vent et les vagues pour trouver
un mouillage sûr. Plusieurs navires ont été
fracassés contre les falaises rocheuses
alors qu’ils remontaient et descendaient la
côte, jusqu’à ce que finalement, avec l’aide
d’un pêcheur qu'ils avaient sauvé de la
mer, ils ont emprunté les chemins secrets
à travers les bancs perfides des îlots exté-
rieurs pour atteindre la baie de Hoor où
ils débarquèrent. Invoquant la bénédiction
des esprits de la terre, les Silvanaes appelè-
rent le pays Armach, « la Terre sèche ».
Ils y découvrirent une collection sans
organisation de petites tribus. Ce qu'ils
perçurent comme un état primitif des
populations les stupéfia. Ils étaient habi-
tués aux grandes cités d’Ansalonie et à la
glorieuse histoire de leur propre peuple et
des empires humains. Ils se confrontaient
des gens vivant à un niveau de barbarie
qui leur apparaissait inimaginable. En
Ansalonie, les seules créatures qui vivaient
à ce stade étaient sombres et maléfiques.
Les humains, les elfes et même les ken-
ders avaient dépassé cet état.
Ainsi, les Silvanaes considérèrent tout
d’abord les indigènes comme mauvais et
dangereux et se mirent à forger leur
propre patrie. Ces malentendus et confu-
sions initiales entraînèrent rapidement des
affrontements entre les indigènes et les
elfes. Cependant, l’équipement et l’entraî-
nement supérieurs des Silvanaes portèrent
rapidement porté leurs fruits dans de tels
combats. En peu de temps, les elfes s'im-
posèrent comme les maîtres de la baie de
Hoor.
En fondant leur nouvelle patrie, les
elfes n’ont pas cherché à conquérir et à
dominer les autochtones. Au lieu de cela,
ils ont refoulé les humains, essayant de
mettre en place un empire composé uni-
quement d’elfes, comme le Silvanesti. Au
début, leurs assauts et leurs mainmises sur
les propriétés humaines réussirent. Mais à
mesure que leur propre territoire s’éten-
dait, la tâche devenait de plus en plus dif-
ficile. Les guerriers elfes étaient peu nom-
breux et ont rapidement atteint la limite
de ce qu’ils pouvaient défendre. Au con-
traire, les réfugiés des terres accaparées se
joignant aux natifs des frontières, les tri-
bus grossirent en effectif et en force. Fi-
nalement, l’expansion elfique se figea.
60
La situation serait restée la même sans
la culture supérieure des Silvanaes. Les
humains, incapables de vaincre les elfes
mieux entraînés, se sont finalement re-
tournés les uns contre les autres. Des
chefs astucieux qui partageaient leurs
frontières avec les elfes se sont alors rap-
prochés des Silvanaes. Des alliances ont
été conclues et la culture des elfes s’est
progressivement diffusée. Bien que les
dirigeants ne recherchaient que les arts de
la guerre elfiques, il ne fallut pas long-
temps pour que se développe un intérêt
pour d’autres aspects de leur culture.
C’est à la suite de ce processus que
naquit la Confédération d’Armach pour se
consolider jusqu’à la forme qu’on lui con-
naît aujourd’hui. Comme il convient à ses
origines étrangères, elle est différente de
toute autre nation de Taladas.
LE PEUPLE ET LA SOCIÉTÉ
L’Armach se divise en deux groupes
distincts : les elfes et les humains. Des
métissages existent, mais les demi-elfes
sont rares et mal accueillis.
Les Silvanaes d’Armach sont les survi-
vants et les descendants directs de la
Grande Armada. Au cours des quelques
années qu’ils ont passées ici (selon leurs
critères), ils ont peu changé. Comme les
Silvanesti d’Ansalonie, ils sont minces et
fins de traits. Leur taille moyenne est légè-
rement inférieure à celle d’un humain.
En milieu urbain, les hommes s’habil-
lent généralement de longues robes, bro-
dées et décorées aux couleurs vives des
bois. Dans les forêts, un justaucorps et un
pantalon de couleur marron et verte cons-
tituent l’habillement type. Les ceintures et
les fourreaux sont faits de cuirs finement
travaillés, souvent teints et vernis selon
des motifs élaborés. Si les bijoux en or et
en argent finement travaillés sont leurs
ornements préférés, la plupart d’entre eux
sont des objets de famille, car les Silva-
naes n’ont plus les contacts avec les forge-
rons nains d’Ansalonie.
Les pièces ornementales plus récentes,
épingles, boutons, fibules, peignes et col-
liers, sont le plus souvent en bois. Elles
peuvent être élaborées. Il peut s’agir d’une
boule de bois de cœur enfermée dans une
cage en filigrane percée et ininterrompue,
sculptée dans la même pièce, d’une taba-
tière pour homme avec des pièces mobiles
complexes qui doivent être glissées, pres-
sées et tordues avant que la boîte ne

s’ouvre, d’un peigne avec des dents taillées
à la flamme, fabriqué à partir d’un arbre
de fer, ou d’un miroir verrouillé fabriqué
en polissant le hêtre le plus pur jusqu’à ce
qu’il se reflète, puis suspendu par une fine
chaîne de bois sculpté.
Les humains de la baie de Hoor sont
tous issus de la même lignée, il n’y a donc
pas de caractéristiques distinctives fortes
d’une tribu à l’autre. Ils ont tous la peau
noire à brune et les cheveux noirs. Leurs
yeux sont foncés et leurs pupilles sont
généralement larges. Les hommes et les
femmes ont des pommettes proémi-
nentes. Les hommes ont généralement un
front large et des mâchoires nettement
carrées, tandis que les femmes ont un
visage beaucoup plus pointu. Elles ont
également une ossature plus lourde que
les hommes, bien que ces derniers soient
plus musclés. Les Hoors sont plus grands
que la moyenne et mesurent au moins
1,78 m de haut.
Lorsque les elfes les ont croisés pour
la première fois, les habitants de Hoor
portaient de simples costumes tribaux.
Chaque tribu était identifiable aux cou-
leurs et motifs des vêtements qu’elle por-
tait, bien que la tenue de base soit la
même dans toute la région. Lorsque le
temps était chaud (la plupart de l’année),
le costume de l’homme était un simple
gilet et un pantalon ample, noué à la taille
avec une ceinture colorée. À la chasse, les
hommes ne portaient qu’un pagne ou
allaient nus, se peignant le corps avec des
boues et des teintures colorées pour se
fondre dans le terrain. Les femmes por-
taient de grandes écharpes, l’une nouée
autour du bustier et les autres nouées
pour former une jupe. Une célibataire se
couvrait la tête et les épaules d’un lourd
châle, cachant son visage derrière un voile.
Là aussi, une écharpe de couleur vive
complétait la tenue. Les gens du peuple
vaquaient normalement pieds nus, tandis
que les villageois et ceux de la classe supé-
rieure portaient des sandales en cuir dur
ou des pantoufles souples. Par temps
froid, des manteaux en peau de mouton
étaient portés pour leur chaleur. Bien
que la tenue elfique n’ait pas supplanté le
vêtement traditionnel, elle est souvent
imitée. Les travailleurs agricoles et ceux
qui font des travaux pénibles privilégient
encore les vêtements traditionnels (mieux
adaptés au travail). Bien que de nombreux
chasseurs aillent encore nus, de plus en
plus préfèrent les pantalons en cuir souple
à la mode elfique. Les changements les
plus notables affectent citadins et la classe
cultivée. À la manière des elfes, ils ont
commencé à porter des robes à ceinture.
Néanmoins, les décorations et les couleurs
traditionnelles sont toujours utilisées pour
ces vêtements et la ceinture en cuir travail-
lée négligée au profit d’une ceinture tribale
aux couleurs vives. Les mocassins et les
bottes de style elfique ont également ga-
gné en popularité. Cependant, le goût des
elfes pour les objets décoratifs n’a pas
pris. Les humains d’Armach considèrent
l’étalage ostentatoire de richesse (comme
les bijoux) comme offensant pour les
dieux qu’ils pensent toujours veiller sur
eux.
Au combat, les vêtements et les armes
elfiques sont privilégiés. Le guerrier ty-
pique, qui ne dispose pas de grands
moyens, sert comme fantassin léger. Il
porte une tunique de cuir épais et matelas-
sé, mais pas de casque. Il arbore un petit
bouclier, une épée longue ou un épieu et
un arc court ou long, selon ses goûts. Il
peut aussi disposer d’une variété de petites
armes, dague et hachette étant les plus
courantes, utiles en campagne. Chaque
homme porte son propre équipement sur
le dos ou en bandoulière sur l’épaule. Ce-
lui-ci est bien sûr laissé dans le camp pen-
dant la bataille. L’armée est entièrement
composée d’infanterie, la cavalerie étant
inconnue.
Socialement, le peuple de la confédé-
ration est également divisé par ethnie. Les
elfes forment la classe dirigeante, bien que
leur pouvoir direct soit limité à l’Armach-
nesti, « la Terre du Peuple ». Leur in-
61
L’HOSK MÉRIDIONAL
fluence sur les autres tribus se limitent à
leurs aptitudes diplomatiques (qui sont
considérables), à leurs conseillers (dont
chaque tribu est dotée) et à leur avantage
dans le commerce. Ils utilisent leurs com-
pétences pour maintenir leur domination
sur les autres membres de la confédéra-
tion, mais, à l’exception des Édits pre-
miers, ils ont évité d’abuser de leur pou-
voir.
Les Silvanaes sont eux-mêmes divisés
en deux factions. Ce sont leurs occupa-
tions et leurs conceptions de la vie qui
déterminent leur groupe d’appartenance et
non leur statut social.
Le premier groupe est le Nestiroml, le
peuple des travailleurs, composé des ma-
rins, des compagnons, des capitaines, des
artisans et de leurs familles, les véritables
travailleurs de la flotte. Ils sont tenus en
haute estime pour le service courageux
qu’ils ont accompli en ramenant la flotte à
terre en toute sécurité. Aujourd’hui, les
membres en conseil sont réputés pour
leur vision pragmatique des choses. Ils
sont soucieux de la façon d’opérer, de
l’organisation de l’effort et de la mise en
œuvre des projets. De leurs rangs sortent
de nombreux administrateurs, capitaines
et généraux de la Confédération, ceux qui
ont la volonté de faire avancer les choses.
La seconde faction est celle des Nes-
kijirs, les gens de robe. Formé par les pas-
sagers de la flotte, les érudits, les artistes,
les hérauts, les écuyers, les chevaliers et les
princes, ces personnes sont honorées
comme les gardiens et les protecteurs de
la tradition du Silvanesti. Ce n’est pas une
mince affaire. Les elfes ont toujours jalou-
sement protégé leur mode de vie et les
Silvanaes, seuls dans un monde étrange,
L’HOSK MÉRIDIONAL
sont fanatiques à cet égard. La tâche de
préserver leur ancien mode de vie est un
devoir solennel, un rôle que les Neskijirs
prennent particulièrement au sérieux.
De leurs rangs sortent les dirigeants,
les conseillers, les juges et les orateurs. Les
lois sont rédigées sous leur direction, des
ambassades dépêchées et la Confédération
gouvernée. Les Neskijirs aiment se consi-
dérer comme sages et bienveillants, et
pour la plupart des observateurs, c’est
exactement ce qu’ils sont. Confrontés aux
barbares, ils ont mis l’accent sur les codes
de conduite les plus nobles et plus idéali-
sés. Cependant, ils ne sont pas aussi par-
faits qu’ils le paraissent, surtout si l’on
considère qu’ils sont les auteurs des Édits
premiers.
Pour le reste de la Confédération, le
type de société varie selon le royaume ou
la tribu. En général, la plupart suivent le
schéma de base d’une classe dirigeante
héréditaire qui domine diverses divisions
de classes sociales. Certains royaumes
pratiquent l’esclavagisme « bienveillant »
envers les condamnés, les débiteurs et les
esclaves héréditaires, tandis que d’autres
l’interdisent traditionnellement dans leur
royaume. En outre, une sous-culture est
apparue centrée sur la Confédération elle-
même, autour de la ville du conseil, Bok.
Ici, la société centrée autour des elfes
est beaucoup plus axée sur les classes
sociales. Bien que chaque tribu ait eu à
l’origine des différences mineures, elles
ont toutes eu tendance à se diviser en
classes basées la naissance. Au sommet se
trouvaient les personnes nées dans la no-
blesse ou la classe dirigeante. Cette classe
était fermée à toutes les autres. Un brillant
paysan ne pouvait jamais espérer devenir
l’un des dirigeants d’une tribu.
En dessous, se trouvait ceux nés dans
la richesse, mais non dans la classe diri-
geante. Il s’agissait de puissants proprié-
taires terriens, de marchands et de prê-
teurs sur gages. Ensuite venaient les fa-
milles d’artisans. Un fils né d’un charpen-
tier apprenait le métier de charpentier. Ces
familles avaient jalousement protégé leur
domination sur l’artisanat, mais un paysan
pouvait espérer devenir artisan s’il était
adopté par une telle famille.
Venaient ensuite les petits proprié-
taires terriens. Toutefois, c’était là une
classe qu’un modeste paysan pouvait es-
pérer atteindre s’il avait un jour l’occasion
de créer sa propre ferme. Enfin, venaient
les ouvriers agricoles qui ne possédaient
pas de terres mais qui travaillaient la pro-
priété des autres en échange d’une partie
de la récolte. Ce n’étaient pas des esclaves
(l’esclavage étant inconnu de ces gens)
mais ils n’étaient pas non plus libres de
faire ce qu’ils voulaient.
Depuis la fondation de la Confédéra-
tion, les elfes ont tenté de changer cette
structure. Reconnaissant que le talent
n’est pas confiné à une classe particulière,
les elfes ont institué un système d’examen
et de révision pour attribuer les postes
dans la bureaucratie administrative de la
Confédération. Ces examens sont ouverts
à toute personne disposant de la forma-
tion nécessaire dans les compétences de
base de la lecture et de l’écriture, ce qui
réduit effectivement les candidats poten-
tiels à un nombre exploitable.
Chaque année, juste avant le solstice,
les examens sont organisés et les candi-
dats sont classés en fonction de leurs per-
formances. Actuellement, l’idée est encore
nouvelle pour les citoyens de la Confédé-
ration et il existe donc un double système,
l’un où le statut est déterminé par la nais-
sance et l’autre où il est fixé par la compé-
tence. Ceux qui revendiquent le droit de
naissance ont une tradition plus ancienne
que les examens et regardent donc sou-
vent de haut leurs pairs qui ont atteint leur
poste grâce à leur formation.
LA CONFÉDÉRATION
La Confédération d’Armach est tech-
niquement formée par des traités d’al-
liance entre les Silvanaes et seize tribus
qui se trouvent sur leurs frontières. Treize
d’entre elles sont humaines, une rassemble
un groupe de dissidents de kenders
maraks, une autre est gnomique et la sei-
zième regroupe un troupeau de centaures.
Réunis, ces peuples forment la Confédéra-
tion.
Comme son nom l’indique, la Confé-
dération n’est pas une nation composée
d’un seul peuple (comme les Uigans), un
pays uni sous la bannière d’un unique
dirigeant (comme dans le Thénol), ni
même un gouvernement bureaucratique
formés de dirigeants nommés qui exécu-
tent les souhaits d’un organe directeur. Il
s’agit d’un ensemble de gouvernements
indépendants (petits royaumes, principau-
tés, duchés et fiefs) qui se réunissent pour
régler leurs différends et répondre aux
menaces collectives. Ainsi, le pouvoir de
la Confédération est-il strictement limité.
62
Et sa plus grande limitation est qu’elle
n’est pas censée s’immiscer dans les af-
faires intérieures d’un allié. Ainsi, bien que
les elfes désapprouvent l’esclavage, ils ne
peuvent pas l’interdire au sein de la Con-
fédération. Ils ne peuvent pas insister
pour que les taxes soient appliquées équi-
tablement à tous ses habitants. Si un
royaume choisit d’exempter certains ci-
toyens de l’impôt (dans l'espoir d’attirer
les commerçants à ses frontières), il peut
le faire, bien que cela puisse susciter des
protestations de la part des autres pays qui
estiment qu’il leur porte injustement pré-
judice.
La Confédération ne peut pas lever
une armée distincte et doit se contenter de
lancer un appel aux armes. Chaque
royaume est alors censé fournir une com-
pagnie ou plus de combattants. Leur
nombre et leur type sont censés être fixés
par un traité.
La Confédération a des devoirs impor-
tants. Elle est responsable du maintien de
la paix entre ses membres. Les litiges sont
portés devant le Conseil magistral, un
groupe restreint de juristes, pour être en-
tendus et jugés. Seule la Confédération
peut approuver une action armée d’un
État membre contre un autre (le plus sou-
vent pour réprimer une tentative de séces-
sion). La Confédération approuve l’extra-
dition des fugitifs d’un pays à l’autre. Elle
répartit la charge fiscale entre les
royaumes, les fonds utilisés pour les tra-
vaux publics (routes et ponts) et l’entre-
tien d’une flotte marchande, qu’aucun
royaume ne pourrait se permettre autre-
ment.
Elle est seule habilitée à négocier avec
les puissances étrangères, notamment la
Ligue et le Thénol. Tout royaume qui
entame des négociations à titre individuel
se rend coupable de haute trahison envers
la Confédération s’il est découvert. Enfin,
elle approuve la revendication de tout
successeur au trône. Bien qu’il s'agisse le
plus souvent d’une formalité, parfois cela
permet d’éviter une guerre civile pour un
trône contesté. Dans ce cas de figure, la
stabilité et la continuité prennent le pas
sur la justice absolue.
La Confédération se réunit en conseil
plénier deux fois l’an, bien qu’elle puisse
être convoquée à tout moment pour une
session d'urgence. Les affaires courantes
sont traitées par le cabinet lorsque le con-
seil ne siège pas. Celui-ci est composé de

cinq membres : le chancelier des Nations
(le chef du conseil), l’intendant du trésor
(le contrôleur financier de la Confédéra-
tion), le grand chevalier du royaume
(commandant en chef de toutes les expé-
ditions militaires), le premier justicier
(chef du Conseil magistral), et le prince
d’Armach-nesti (le chef des elfes).
Sur ces cinq, les quatre premiers sont
nommés en conseil plénier. Leur mandat
est à durée indéterminée. Ils restent en
fonction jusqu’à leur décès ou jusqu’à ce
que le conseil vote leur révocation. La
présence du prince est de droit, ce qui
garantit qu’il y aura systématiquement au
moins un représentant elfique au sein du
cabinet, bien qu’il y en ait généralement
plus.
Pour faire appliquer les décisions du
cabinet, chaque membre dispose d’un
personnel composé d’assistants, de secré-
taires, de scribes, d’inspecteurs et de cour-
siers. En résumé, chacun commande un
bras bureaucratique du gouvernement.
Cela leur assure encore plus de pouvoir,
car non seulement ils prennent une
grande partie des décisions pour l’Ar-
mach, mais ils sont également chargés de
veiller à leur bonne exécution.
Les semaines qui précèdent un conseil
donne lieu à de nombreuses manœuvres
politiques en coulisses. Lors de chaque
session, au moins une nation se plaint
d’une autre. Le Zendas taxe excessive-
ment les caravanes de la Baie de Hoor qui
la traversent pour se rendre chez les cen-
taures. En représailles, la Baie de Hoor
exile ses criminels au Zendas, offrant en
retour un nouveau casse-tête aux Zenda-
riens. La Grandemarque a octroyé l’asile à
Arnhold, le faux prince de Vesterlund,
celui-là même qui a tenté de renverser
l’actuel roi de ce pays.
Il y a aussi des ambassades étrangères,
en particulier du Thénol et de la Ligue,
qui doivent être auditionnées, discutées, et
auxquelles il faut rédiger des réponses. Les
rapports d’ambassadeurs et d’éclaireurs
doivent être examinés. Au cours de cer-
tains des débats les plus acharnés, il y a
des impôts à lever et les quotas de soldats
à établir. Ces débats, négociations et votes
durent plusieurs semaines à chaque ses-
sion. Pendant ce temps, le site du conseil
représente le lieu le plus important de tout
Armach.
Le conseil se tient toujours dans la
ville de Bok, aux frontières de l’Armach-
nesti. Bok ne fait partie d’aucun royaume,
sa neutralité étant établie par la charte de
la Confédération. Elle entretient sa propre
garde (principalement elfique) et ses
propres défenses pour décourager toute
tentative de coup d’État par un membre.
Cependant, Bok n’est pas autorisée à être
représentée au conseil car cela compro-
mettrait sa neutralité absolue. Même lors-
que le conseil plénier ne siège pas, chaque
royaume maintient à Bok un représentant,
un ambassadeur auprès du cabinet. Les
diplomates et les agents du Thénol et de la
Ligue y sont également établis à demeure.
Avec tant de personnes venant de tant de
royaumes différents, Bok est la ville la
plus grande et la plus cosmopolite de tout
Armach.
LES ÉDITS PREMIERS
L’histoire des Silvanaes n’est pas toute
resplendissante de règles dictées par la
vertu, et rien ne le montre mieux que les
premiers édits. Il s'agit d’un corpus de
quatre lois, promulguées par les Silvanaes
avant la fondation de la Confédération.
Insérées dans la charte de la Confédéra-
tion par les elfes, elles imposent des li-
mites strictes aux droits des non-elfes. À
savoir :
« La terre de l'Armach-nesti est la pos-
session unique du peuple des Silvanaes,
qui l’utilise et l’habite seul. Seuls les fils et
les filles de Silvanos peuvent fouler cette
terre. La mort est la punition pour tous
ceux qui y pénètrent ». (Personne d’autre
qu’un elfe de Silvanaes n’est autorisé à
entrer sur la terre d’Armach-nesti).
« Aucun heerikil ne connaîtra une fille
de Silvanos et aucun homme de notre
peuple n’aura de relations avec une heeri-
kil. S'il est démontré qu’un enfant de Sil-
vanos a conclu ce pacte en connaissance
de cause, la punition sera l’exil d’Armach-
nesti. Pour un heerikil qui enfreint cette
loi par la tromperie ou la violence, la puni-
tion est la mort". (Les intermariages avec
des extérieurs (heerikil) sont prohibés).
« Aucun heerikil ne peut poursuivre
un enfant de Silvanos pour la perte de ses
biens si l’accusé est en possession d’une
lettre de mandat du prince du peuple l’y
missionnant ». (Si un elfe a obtenu l’auto-
risation de son prince, il peut saisir tous
les biens ou marchandises d’un étranger).
63
L’HOSK MÉRIDIONAL
« Aucun heerikil n’est autorisé à être
capitaine d’un navire de haute mer ou ne
peut prétendre à un quelconque titre de
commandement militaire sur autrui hor-
mis ses propres gens » (aucun étranger ne
peut être capitaine d’un navire qui navigue
au-delà des hauts fonds extérieurs, ni ne
peut commander des troupes de deux
nations différentes. Seuls les Silvanaes
peuvent diriger une armée regroupant des
forces de toute la région d’Armach).
Ces lois ont été créées dans un double
but. Premièrement, elles créent une terre
séparée pour les elfes, tout comme ils
l’avaient fait au Silvanesti. Secondement,
elles empêchent les non-elfes (les humains
en particulier) de devenir trop puissants,
en les limitant à des positions peu suscep-
tibles de menacer les fondements du pou-
voir des elfes. Avec l’inscription de ces
lois dans la charte de la Confédération, les
non-elfes ont trouvé difficile, voire im-
possible parfois, de défier les elfes en con-
seil.
Lors de la rédaction de ces lois, les
elfes estimaient que ces mesures sévères
étaient nécessaires. La mort dans leur
esprit était la seule peine appropriée pour
les barbares qui les cernaient Depuis lors,
les elfes et leurs voisins ont évolué, mais
pas les lois.
En outre, ces lois ont été interprétées
et élargies au fil des ans. Qu’est-ce qui
constitue une propriété pouvant être léga-
lement prise ? La télépathie mentale cons-
titue-t-elle une intrusion dans le territoire
de l’Armach-nesti ? Quel est le statut d’un
demi-elfe ? La réponse à ces questions a
renforcé l’injustice inhérente des Édits
premiers. Aujourd’hui, même si beaucoup
de Silvanaes les estiment injustes, ils sont
ancrés dans la société.
L'ARMACH-NESTI
L’Armach-nesti, la Terre sèche du
peuple, est le cœur de la Confédération.
Nichée entre les Neumonts et la Baie de
Hoor, c’est la propriété exclusive des Sil-
vanaes, la patrie qu’ils gardent jalouse-
ment. Personne n’est autorisé à y pénétrer
et à perturber leur vie. Ceux qui s’y sont
risqués dans le passé ont été exécutés et
leurs corps jetés à la mer.
Il est clair que l’Armach-nesti n’exis-
tait pas avant l’arrivée des elfes. À l’ori-
L’HOSK MÉRIDIONAL
gine, le territoire appartenait à plusieurs
des petits royaumes qui remplissaient la
vallée de Hoor. Lorsqu’ils sont arrivés, les
elfes se sont installés tranquillement dans
un coin de la zone tandis qu’ils se regrou-
paient et luttaient pour leur survie.
Pendant cette période, ils ont été atta-
qués à plusieurs reprises par le roi sur les
terres sur lesquelles ils s’étaient installés.
Les raids et les guerres durèrent de nom-
breuses années, endurcissant le cœur des
elfes. Par crainte pour leur mode de vie, le
concept de l’Armach-nesti se développa.
Ne se contentant plus de l’idée de simple
survie, les elfes se lancèrent à la conquête
de leurs voisins, assurant par là même leur
propre sécurité. Grâce à la supériorité de
leur organisation et de leur administration,
leurs victoires furent rapides et efficaces.
Les autochtones des terres conquises fu-
rent chassés de leurs foyers par le feu et
l’épée et l’Armach-nesti proclamée.
Dans un premier temps, les elfes ten-
tèrent de recréer le Silvanesti, aujourd’hui
appelée ‘la Terre qui ne doit pas être ou-
bliée’. Au cœur de la contrée se trouve la
Nouvelle Silvanost, un enchevêtrement de
tours et de palais, à moitié vides et aux
relents de désespoir. Ici, ils ont vainement
tenté de retrouver la gloire de leur an-
cienne capitale en Silvanesti. Cependant,
ils n’avaient ni les années ni tous les
maîtres artisans nécessaires pour recréer
les merveilleuses tours et les palais de leur
patrie. Néanmoins, ils ont persisté à es-
sayer, se berçant de leurs propres illusions,
rationalisant leurs réalisations et leurs
efforts comme une contrepartie nécessaire
pour inculquer les vertus appropriées à
leurs enfants et à leurs ceux à venir.
Toutefois, tous ces efforts ont été
vains. La Nouvelle Silvanost est une ville
fantôme, habitée par ceux qui ne peuvent
accepter le sort de leur peuple qui se situe
ici sur Taladas. La construction s’est arrê-
tée et peu d’efforts sont faits pour entrete-
nir les palais qui ont été terminés. La
vigne a commencé à s’enrouler autour des
rebords de fenêtres. Les arbres bloquent
les portes. La végétation perce les sols. Au
lieu de cela, la plupart des elfes ont choisi
de vivre dans les bois profonds qui consti-
tuent la majeure partie de l’Armach-nesti.
Dans les bosquets et les clairières,
parmi les arbres imposants et les prairies
fleuries, les elfes ont trouvé un nouveau
foyer, et non une pâle copie du Silvanesti.
En utilisant leur amour des choses natu-
relles et leurs arts de l’illusion et du
charme, ils ont façonné des maisons ca-
chées dans les bois. L’une est construite
au creux des branches. Une autre disparaît
dans un tronc évidé. Une clairière ouverte
dissimule un petit manoir d’herbes et de
fleurs. Il n’y a pas de concentration de
maisons, ni de villages ou de villes. Toute
l’Armach-nesti est la demeure des elfes.
En tout point, il y a une habitation cachée,
dans un arbre, un monticule bas, derrière
la cascade d’un ruisseau. Chacune d’elle
est située de manière à profiter de la beau-
té naturelle. Chaque maison est préservée
du développement et de la construction.
Il existe encore des zones dégradées
dans l’Armach-nesti. Les champs, autre-
fois entretenus par des agriculteurs hu-
mains, sont maintenant envahis par les
mauvaises herbes. Leurs villages, à peine
plus que des cendres et des fondations en
pierre, succombent lentement à l’avancée
de la forêt. Les elfes fuient ces lieux, car
ils rappellent les mauvais jours, les atroci-
tés qu’ils ont commis sur autrui.
Mais il y a bien plus que les simples
souvenirs. Dans ces vieux villages se ca-
chent des esprits vengeurs. Ils sont nor-
malement confinés dans les terres stériles
de leurs maisons détruites, mais les nuits
sombres, quand la lune est noire, ils
s’aventurent plus loin à la recherche de
leurs persécuteurs. Ces nuits-là, l’Armach-
nesti est éclairée par mille points de lu-
mière, des feux de joie et des torches allu-
més par les Silvanaes pour tenir les esprits
à distance. Ce sont des nuits de terreur
silencieuse pour les elfes.
Selon la tradition établie par les Édits
premiers, la frontière de l’Armach-nesti
est farouchement gardée. Il n’y a pas de
routes qui y mènent. Les marchandises
transportées par chariot à destination de
cette région sont amenées à la frontière,
déchargées et conservées dans des entre-
pôts jusqu’à ce que des porteurs elfes
viennent les emporter. Le commerce par
mer est dirigé sur une petite île située juste
au large et déchargé. De là, il est transpor-
té dans l’Armach-nesti par des marins
elfes. Juste à l’intérieur des frontières se
trouve un labyrinthe de sentiers. Certains
mènent en toute sécurité vers l’intérieur.
D’autres sont piégés par des enchante-
ments magiques pour attirer et emprison-
ner les imprudents. Des patrouilles de
gardes elfes contrôlent régulièrement les
frontières à la recherche d’intrus.
64
Ceux qui sont capturés n’ont aucune
pitié à attendre. Liés par une corde el-
fique, ils sont amenés dans les apparte-
ments du prince. Là, ils sont présentés au
chevalier-protecteur, gardien d’Armach-
nesti. Il entend les détails de la capture et
énonce la sentence. L’entrée intention-
nelle est punie de mort et le fait de ne pas
connaître les frontières ne constitue pas
une circonstance atténuante. Le seul es-
poir possible pour un intrus est de prou-
ver qu’il a été forcé de la traverser par
l’action d’un tiers. Cette exception aux lois
strictes des Édits premiers s’est avérée
nécessaire lorsque les elfes ont découvert
que leurs voisins utilisaient les frontières
pour commettre des meurtres. Un
homme, souhaitant éliminer un ennemi, le
forçait à entrer en Armach-nesti (par la
force ou par des sortilèges) puis laissait
ensuite les elfes finir le travail. Ne voulant
pas être les pions des mauvais desseins
des humains, les elfes ont commencé à
prendre plus de précaution dans leurs
punitions. Toutefois, cette clémence est
rarement octroyée.
RELIGION
On aurait pu s’attendre à ce que la
Désertion des Dieux ait créé un boulever-
sement et un changement dans la culture
des elfes. Ce ne fut pas le cas. Les elfes
ont vécu longtemps et ont vu beaucoup
de choses. Le chaos du Cataclysme, pro-
voqué par les humains, n’était qu’un évé-
nement de plus dans leur longue histoire.
Les destructions du Cataclysme ont été
plus traumatisants que la perte des capaci-
tés cléricales. Bien qu’ils aient eu des
clercs, les elfes n’ont jamais été particuliè-
rement pieux. Il est dans leur nature d’être
autonomes, de ne pas se tourner vers les
dieux pour obtenir de l’aide. La Désertion
des dieux n’a fait que renforcer cette atti-
tude.
Cependant, ce n’est pas parce que
leurs pouvoirs (et leurs prêtres les plus
dévots) se sont perdus que toute vie reli-
gieuse a complètement disparu. Les pra-
tiques, les contes, les titres et tous les
autres attributs ont été préservés en tant
que partie importante de la culture elfique.
Les cérémonies se déroulent sans ferveur
particulière, souvent pour l’édification des
enfants et pour divertir la communauté.
Cette attitude renforce le préjugé humain
selon lequel les elfes sont volages et irres-
ponsables.

Malgré cette attitude, deux cultes par-
ticuliers ont fleuri chez les elfes. Le pre-
mier culte, celui du Seigneur de la mer, est
intrinsèquement lié aux circonstances de
leur arrivée. La grande tempête qui les a
fait dévier de leur route, la recherche
d’une terre sûre, le marin qui les a guidés à
travers les hauts fonds extérieurs et leur
survie des premières années grâce aux
richesses de la mer ont tous contribué à
renforcer leur dévotion envers le Seigneur
de la mer. Auparavant, les elfes n’avaient
jamais été très portés vers le large, de
sorte que le Seigneur de la mer occupait
une place mineure dans leurs croyances.
Maintenant que leur vie dépend en partie
des bienfaits de la mer, ces quelques
prêtres ont gagné en importance.
Ces prêtres (et prêtresses, car le Sei-
gneur de la mer est apparu à la fois
comme homme et femme) portent les
traditionnelles robes vertes et bleu clair de
leur congrégation, couleurs supposées de
l’ancienne mode des marins elfiques. Les
hommes ont les cheveux courts, tandis
que les femmes portent les leurs dans un
style sévère et peu flatteur. Au cou, ils
enfilent un chapelet de chaînes et de co-
quillages. Chacun arbore une lance de
pêche, une arme de cérémonie qui symbo-
lise leur fonction.
Comme le Seigneur de la mer avait un
rôle mineur dans les croyances des elfes
avant leur odyssée, les prêtres ont jugé
nécessaire de créer des rites et des céré-
monies à accomplir. Cela n’a pas été trop
difficile, car l’importance de la mer s’est
accrue depuis l’arrivée à Taladas.
Les prêtres interviennent au long de la
construction de tout bateau, invoquant le
Seigneur de la mer lorsque la quille est
posée et guidant le charpentier vers le
silvaama (« bois du cœur »), un bois spé-
cial coupé dans un arbre tout aussi spécial.
Cette poutre renfermera l’âme du navire
lorsque tout sera terminé. Le prêtre peint
les yeux qui ornent la proue de chaque
navire et, grâce à ses visions, choisit le
dessin qui sera teint sur la voile.
Lorsque le navire est terminé et prêt à
être mis à l’eau, le capitaine invite le prêtre
à la fête de bienvenue. Pour ce repas, à la
fois cérémonie et célébration, le capitaine
organise un banquet pour le charpentier et
tous ses ouvriers. La nourriture est dispo-
sée devant la proue du navire, sous ses
yeux. Avant le début de la fête, le prêtre
fait appel au Seigneur de la mer, l’infor-
mant qu’un nouvel enfant peut naître. À
ce moment, le Seigneur de la mer envoie
une âme habiter le silvaama et le navire
prend vie. De la nourriture pour bébé est
offerte au navire nouveau-né.
Sur la base des présages observés lors
de la naissance, le navire est alors nommé
et sa fortune prédite. Bien qu’il semble
que les prêtres puissent toujours trouver
du bon dans les pires auspices, il arrive
qu’une mauvaise fortune soit prédite. De
tels navires sont considérés comme mau-
dits, voire maléfiques. Il n’est pas rare
alors que le maître brise le silvaama pour
libérer le mauvais esprit. Bien sûr, il faut
trouver un nouveau silvaama et organiser
une nouvelle fête avant qu’il ne soit prêt à
prendre la mer. Tous les participants à la
fête saluent alors l’enfant et la fête com-
mence.
Les prêtres du Seigneur de la mer ont
beaucoup d’autres tâches, moins impor-
tantes. Chaque jour, ils se rendent sur la
plage, avant que la flotte de pêche ne
prenne la mer, pour invoquer la générosi-
té du dieu pour la pêche du jour. Ils prési-
dent les funérailles des marins. Ils bénis-
sent les flottes qui partent à la guerre em-
barquent souvent dans leurs premiers
rangs. Ils implorent le Seigneur de la mer
pour qu’il apaise les tempêtes qui font
rage et que les femmes puissent revoir
leurs maris ou pour déclencher la fureur
des eaux et qu’une armada ennemie puisse
être repoussée sur les rochers. Faute de
pouvoirs, ils n’ont aucune certitude que
leurs demandes soient entendues ou que
leur dieu va donner suite, si bien que
chaque fois que leurs prières sont exau-
cées, ils considèrent qu’il s’agit d’une in-
tervention miraculeuse.
Le second culte religieux n’existait pas
avant l’arrivée des Silvanaes à Hoor. Il
s’agit du culte d’Ildamar l’Esprit de la
terre. À leur arrivée, les elfes ont demandé
la bénédiction de l’esprit de la terre sur
cette nouvelle contrée. Les esprits de la
terre, comme ceux des bois et de l’eau,
sont des croyances communes aux elfes,
qui entrevoient beaucoup de choses ani-
mées ou touchées par la gloire des dieux.
Pour la plupart, cette demande était suffi-
sante et ils n’ont pas plus réfléchi à la
question. Cependant, quelques-uns ont
recherché l’esprit de la terre pour protéger
le peuple et apprendre ses mystères.
Ce qu’ils ont trouvé n’était pas un
esprit de la terre (car il n’y en avait pas à
proprement parler), mais Mislaxa qui
cherchait à soulager ceux qui souffraient.
Toujours tenue au secret, elle apparut à
ces suppliants sous les traits d’Ildamar,
65
L’HOSK MÉRIDIONAL
qu’ils appelèrent l’Esprit de la terre. Elle
accorda aux plus fidèles des pouvoirs de
guérison et de sagesse et les renvoya à leur
peuple. Là, ils se mirent en quête d’aider
tous les peuples, et pas seulement les
elfes, et à répandre les enseignements
d’Ildamar.
Les prêtresses d’Ildamar (car la majori-
té des adeptes sont des femmes) consti-
tuent un groupe d’une extrême ferveur.
Elles sont strictement végétariennes et
même dans ce cas, elles ne peuvent pas
manger sans demander pardon à l’Esprit
de la terre. Elles ne portent rien fait à
partir des fruits de la terre ou des peaux
d’animaux morts, se limitant à des lainages
âpres, des chemises à poils irritants et des
fils d’araignée doux et soyeux. Elles ne
peuvent pas utiliser d’objets métalliques,
car les métaux sont extraits du sol. Le plus
souvent, elles disposent de bâtons ou de
gourdins fabriquées à partir de branches
tombées. En raison de ces restrictions,
elles vont le plus souvent pieds nus et
épuisées. Leurs vêtements ne sont pas
adaptés à la température et pendant les
mois chauds de l’été, elles en portent le
moins possible. Certains les considèrent
folles, bien que peu puissent nier l’exis-
tence de leurs pouvoirs.
Les prêtresses d’Ildamar tâchent de
suivre deux grands principes. Tout
d’abord, elles tentent de soulager la souf-
france et la douleur de tous les êtres vi-
vants, par l’entremise de leurs sorts. En-
suite, elles agissent comme protectrices de
l’Esprit de la terre. Cela peut les rendre
difficiles à gérer, car elles sont opposées à
des activités telles que l’exploitation mi-
nière, l’exploitation forestière, la chasse, le
piégeage, etc. Bien que la plupart des
membres réalisent la nécessité de ces acti-
vités et les tolèrent à condition qu’elles
soient menées avec soin et dans le respect
de l'esprit de la terre, des éléments radi-
caux de la secte considèrent toutes ces
actions comme mauvaises et malfaisantes.
Empêchées de recourir à la force
contre les transgresseurs, ces prêtresses
s’emploient à agir de façon détournée.
Elles volent des outils, arrachent des
lignes de piégeage, chassent les animaux et
utilisent même leurs sorts pour tromper et
confondre leurs adversaires. Ces radicales
ne sont pas très populaires auprès de la
population locale et la plupart sont rejetés
par les membres plus modérés de leur foi.
Elles vivent seules ou en petits groupes
dans les bois. Parfois, lorsque les tensions
sont fortes, elles sont même chassées et
tuées par ceux qu’elles tourmentent.
L’HOSK MÉRIDIONAL
En raison de l’influence de la culture
elfique, les humains de la région ont adop-
té une voire les deux religions dans leurs
propres sociétés. Les centaures favorisent
le culte d’Ildamar, les humains de la côte
celui du Seigneur de la mer. Ce faisant, ils
ont tous ajouté des rituels et des interpré-
tations propres à leur culture spécifique,
en incorporant peut-être les cérémonies
observées pour un autre dieu de la mer
antérieur (et en rationalisant le tout
comme relevant d’une nouvelle incarna-
tion du dieu).
Les mythes et les légendes locales
s’entremêlent avec ceux des elfes, de sorte
qu’il existe de nombreuses variations ré-
gionales d’une même croyance. Bien que
cela ait conduit à des querelles entre les
différents temples, la plupart se conten-
tent de croire leur version correcte et
toutes les autres comme bien intention-
nées mais légèrement erronées.
Au-delà de ces dieux importés, les
royaumes humains de la Confédération
disposent de leurs propres croyances plus
anciennes. Comme tous les autres, ils ont
subi les effets de la Désertion des Dieux
et ont eu, à bien des égards, les mêmes
réactions : incompréhension, perte de la
foi et rationalisation. Pour la plupart, ces
cultes sont de petite taille, limités à un seul
royaume ou à un seul groupe de per-
sonnes. Cependant, l’un d’eux, le culte
interdit d’Usa le puissant a attiré un grand
nombre d’adeptes dans toute la Confédé-
ration.
Usa le Puissant est en fait une autre
appellation pour Hiteh le Marchand. Son
rôle (tel qu’il est décrit par ses disciples)
est d’unifier les royaumes, le dieu qui liera
tout à sa suite. Comme il sied à Hiteh, cela
s’accomplit principalement par le biais
d’une diplomatie habile, bien que la force
des armes demeure toujours une option.
Ses disciples sont fanatiquement dévoués
à l’objectif d’unifier tout Armach (en par-
ticulier les elfes importuns) et ensuite les
voisins de Thénol et de la Ligue sous un
seul souverain, letrès saint Chevalier du
culte. À cette fin, ses prêtres tentent
d’influencer les rois, de provoquer cer-
tains événements et même d’éliminer
toute opposition à leurs objectifs. Tout
cela selon les directives divines de Hiteh.
Le culte d’Usa n'est guère populaire
auprès des souverains elfes, car il menace
leur sécurité et celle de tout l’Armach, en
particulier l’Armach-nesti. Ils ont utilisé
leur pouvoir pour le faire interdire au sein
des frontières de l’Armach. Les disciples
d’Usa qui sont découverts ont la possibili-
té de renoncer à leurs coutumes et de
renier leur dieu ou de mourir. Ce choix
s’est avéré efficace même au sein d’un
groupe réputé pour sa fourberie, car Hiteh
est impitoyable envers ceux qui le trahis-
sent en paroles ou en actes. Personne ne
peut espérer se repentir faussement puis
revenir plus tard au sein du culte. En ef-
fet, ceux qui acceptent de se convertir
meurent souvent des mains de leurs an-
ciens compagnons.
Il y a cependant un fossé entre inter-
dire et vaincre. Les adeptes d’Usa n’ont
fait que passer dans la clandestinité et leur
rôle est désormais plus difficile à détecter
et à mettre en lumière. Justifié ou non, la
tendance est à leur imputer la responsabi-
lité de tout événement funeste. En outre,
leurs objectifs sont devenus plus mysté-
rieux. Les membres de la Confédération
concernés par la menace passent beau-
coup de temps à douter des actions du
Conseil, en essayant de trouver quelles
décisions (le cas échéant) ont pu être ins-
pirées par Usa. En effet, la lutte contre la
secte est devenue un rêve et un cauche-
mar névrotiques.
La secte étant si secrète, les dirigeants
de la Confédération sont constamment à
la recherche de nouvelles sources d’infor-
mation sur les usans. Leurs maigres con-
naissances suggèrent une sorte d’alliance
entre les usans et le roi thénolien. Cela les
inquiète et ils veulent en savoir plus. Leur
position ne les préserve nullement d’utili-
ser des espions ou d’effectuer des raids
nocturnes sur des repaires suspects. En
effet, ces dernières années, la guerre se-
crète entre les deux factions s’est intensi-
fiée.
LE THÉNOL
Le sombre royaume du Thénol oc-
cupe la plus grande partie de l’arc inférieur
de l’Hosk méridional. Bien qu’il s'agisse
de la plus grande nation en superficie, elle
n’est pas aussi puissante que la Ligue im-
périale ni aussi farouchement sur la défen-
sive que la Confédération d’Armach. Mal-
gré le manque de subtilité de l’évêque
Trandamere, le souverain du Thénol, sa
cruauté n’est plus à prouver. Sous son
règne, le Thénol est devenu un royaume
de citoyens apeurés, d’esclaves et d’armées
impies.
66
Initialement un petit chapelet de
terres, le Thénol s'est développé par con-
quête jusqu’à sa taille actuelle. Au sud, il
s’est étendu jusqu’à l’endroit où la maréca-
geuse rivière Trillium se jette dans les
bayous des Sombres-Eaux. Au-delà, se
trouvent les terres des hommes-dragons,
qui vivent dans les jungles de roseaux du
bayou. Autrefois, les hommes-dragons en
jaillissaient pour piller le Thénol, aujour-
d’hui ils sont mobilisés dans son armée.
À l’est, les frontières du Thénol ont
été repoussées jusqu’aux contreforts du
Mur-de-Vapeur. Ici, toute nouvelle expan-
sion s’est avérée impossible. Les mon-
tagnes sont inhospitalières, elles abritent
des hobgobelins et d’autres créatures.
Certaines ont également été recrutés dans
les légions du Thénol.
L’ouest est bordé par l’océan. Contrai-
rement aux minotaures et aux Silvanaes
d’Armach, les Thénolites n’ont jamais
développé de compétences en matière de
construction navale et de navigation. Tous
leurs navires restent près des côtes, et ce
sont principalement des petits pêcheurs
qui essaient de gagner leur vie. Pour les
Thénolites, il n’y a pas d’avenir sur la mer.
Le nord est la seule direction qui reste
au Thénol pour étendre ses frontières.
Cependant, progresser dans cette direc-
tion n’est pas chose aisée. Près de Mur-de
-Vapeur se trouvent d’épaisses forêts qui
résistent aux incursions des Thénolites.
Dans ces bois, de sombres formes, les
Huldres, se glissent entre leurs rangs pour
frapper soudainement et secrètement.
Toutes les tentatives pour revendiquer ces
forêts sombres ont échoué, et aujourd’hui
les seigneurs du Thénol soutiennent que
ces bois n’ont, de toute façon, aucun inté-
rêt.
Contournant les terres huldres, les
armées thénolites se sont heurtées aux
légions de la Ligue. Pour la première fois,
l’armée thénolienne a rencontré une op-
position sérieuse. Comparé à la discipline
rigoureuse des légions impériales, les Thé-
nolites ne sont rien d’autre qu’une popu-
lace armée. Cependant, ils ont l’avantage
du nombre. Leurs guerriers morts-vivants
sont lents et manquent singulièrement
d’initiative, mais ils sont implacables et
focalisés dans l’exécution de leurs ordres.
Au cours des batailles qui se sont dérou-
lées aux frontières du Thénol et des
Terres conquises, aucun des deux camps
n’a encore su porter un coup décisif.
Chaque nation masse toujours plus de
troupes à la frontière et envoie plus d’es-
pions dans le camp ennemi en prévision
de la prochaine grande campagne.

Le long de la côte, le Thénol s’est éga-
lement frotté aux soldats d’Armach. Dans
ce cas, cependant, ce sont les guerriers de
la Confédération qui ont bousculé les
frontières du Thénol. Le trouvant faible-
ment défendu, ils ont choisi de s’étendre
de l’autre côté de la frontière. Initiale-
ment, leur entreprise semblait couronnée
de succès, mais le Thénol a réagi rapide-
ment. La Confédération a été repoussée,
surclassée par les hordes de morts-vivants
thénolites. En fait, les guerriers n’avaient
réussi qu’à attirer l’attention du Thénol
sur les riches terres agricoles d’Armach.
L’avenir semblait compromis pour l’Ar-
mach.
Pendant un temps, il sembla
qu'=’Armach était définitivement con-
damnée. Les armées de la Confédération,
en déroute, étaient contraintes de reculer
sous la pression des compagnies du Thé-
nol. Chaque échec laissait un champ de
bataille dont les morts venaient grossir les
rangs des légions macabres.
Mais l’avancée continue n’a pas servi
qu’un seul camp. Tandis que les Arma-
chiens perdaient du terrain, ils gagnaient
de l’expérience et du temps. Dans le
même temps, les Thénolites avançaient et
étiraient leurs lignes de communication et
d’approvisionnement. Les zombies n’ont
peut-être pas besoin de beaucoup de
nourriture, mais ce n’est pas le cas de leurs
maîtres et des troupes d’élite qui les ac-
compagnent. Les hommes se sont épuisés
et se sont rebellés. Des déserteurs, attirés
par la vie meilleure qu’Armach leur pro-
posait, ont quitté leurs positions et trahis
leurs commandants. En fin de compte,
même les seigneurs mineurs firent défec-
tion, entraînant avec eux des compagnies
entières. La résistance se durcit et le
rythme de l’avance se ralentit.
Bien que la situation semblait vouée à
l’impasse, avec le Thénol ancré à l’inté-
rieur des frontières de la Confédération,
l’équilibre se trouva brusquement modifié
lorsque par ailleurs le Thénol atteignit les
frontières de la Ligue. Les batailles contre
la Ligue attirèrent rapidement tous les
hommes du Thénol. Sans aucun renfort,
l’armée qui affrontait l’Armach fut forcée
de s’appuyer fortement sur son contingent
de morts-vivants. Bien qu’efficaces pour
l’attaque, ces créatures sans esprit le sont
beaucoup moins dans un rôle défensif
plus complexe. Le Thénol fut contraint de
se replier, mais le coût pour l’Armach fut
lourd. Les anciennes frontières ont été
restaurées, mais les armées sont exsangues
et incapables de se battre pour le moment.
L’HOSK MÉRIDIONAL
LES THÉNOLITES
Les Thénolites forment un peuple
grand et élancé, au sang mêlé des survi-
vants de la Styrlie et des natifs rencontrés
dans leur nouvelle patrie. Leur peau est
brun-rougeâtre, un mélange du sang
styrlien à la peau claire et des tons plus
foncés des anciens Thénolites. Leurs che-
veux sont raides et de couleur roux à brun
foncé. Leurs yeux sont étroits et très éloi-
gnés les uns des autres. Ils ont un long
cou et un menton fort et pointu.
Les vêtements typiques des Thénolites
résultent d’une combinaison de différents
styles. La coupe et le style des vêtements
sont similaires à ceux des montagnards de
l’ancienne Styrlie. Les hommes portent
des pantalons attachés aux chevilles et à la
taille et de grandes vestes lâches et
amples. Ces dernières ont des demi-
manches et tombent à mi-cuisse. Les cein-
tures traditionnelles (qui étaient fortement
brodées) ont fait place à de grandes obis
teintées. Par temps chaud, les travailleurs
en extérieur troquent leurs pantalons pour
le pagne et se passent de ceinture. Lors
des très fortes chaleurs, les hommes ne
portent plus que leur pagne. Les femmes
portent des robes longues qui leur tom-
bent aux chevilles et sont fendues jusqu’à
la cuisse. Les Thénolites ont échangé les
épaisses laines et les cuirs de leurs mon-
tagnes d’origine pour les cotons légers des
climats plus chauds du Thénol. Les cou-
leurs vives ont remplacé le brun et le vert
ternes des Styrliens.
Les nobles et leurs épouses s’habillent
de la même façon que leurs homologues
de tous les jours, mais là s’arrête la com-
paraison. Les matériaux utilisés sont beau-
coup plus luxueux, les couleurs plus vives
et les ornements plus fins. La soie (qui est
fabriquée dans certaines régions du pays)
est presque exclusivement portée, teinte
en jaune, rouge, bleu, violet et vert
éblouissant. On utilise beaucoup les bro-
deries, les fermoirs en argent et les rares
épingles en ivoire. Les cuirs souples et
teints sont utilisés pour fabriquer des
chausses, des gants, des gilets, etc. Lors
d’occasions officielles, un seigneur guer-
rier peut revêtir une armure d’acier ouvra-
gée, qui n’est portée que pour les défilés et
les triomphes.
67
L’HOSK MÉRIDIONAL
HISTOIRE
Le Thénol fut la seconde patrie créée
par les exilés de Styrlie. Dirigés par Gui-
dan, les Styrliens ont enduré de grandes
difficultés dans leur marche vers la côte.
Comme leurs homologues de la première
expédition, ils formaient un groupe diffi-
cile et rebelle mais, contrairement à Kris-
tophus, Guidan ne recourut pas à des
mesures sévères. Il considérait les mécon-
tents et les rebelles avec bienveillance.
Bien qu’il lui fallut parfois agir et écraser
un soulèvement, il essayait souvent d’en-
tendre les plaintes avec justice et d’y don-
ner suite.
Bien que cela fut noble et louable, cela
a fatalement sapé son pouvoir, surtout
lorsqu’il tenta d’apaiser les puissants en
leur accordant des titres et des droits.
Lorsqu’ils atteignirent le future Thénol,
Guidan ne commandait plus son peuple
qu’en titre. Les marcheurs étaient répartis
en différentes factions, chacune sous
l’égide de son propre prince, duc ou ba-
ron. C’est eux qui détenaient le véritable
pouvoir et ils ne s’en remettaient à Gui-
dan que pour sauver les apparences.
Ainsi, même la décision de fonder
Nouvelle-Aurim (la future capitale du
Thénol) ne lui incomba pas. Le choix lui
fut imposé par ses nobles. Las des
voyages sans fin, ils estimèrent en avoir
plus qu’assez et exigèrent la fin du périple.
Bien que Guidan leur fit valoir qu’il trou-
verait un foyer meilleur et plus sûr s’ils
continuaient un peu, les nobles n'y voulu-
rent rien savoir. Beaucoup souhaitent
maintenant que ses paroles furent enten-
dues, car Nouvelle-Aurim est un endroit
mal famé et sinistre.
Avec la colonisation de Nouvelle-
Aurim, les nobles se sont emparés des
terres autour de la ville. Très vite, ils s’af-
frontèrent pour le contrôle du territoire.
Chacun cherchait à créer son propre do-
maine et à accaparer le ministère royal.
Les plus sages ont s’éloignèrent du centre
pour trouver leurs propres terres, à moins
que ce ne soit la peur qui motiva leurs
décisions.
Quelle qu’en soit la raison, le résultat
final fut le même. Le Thénol était fondé,
un conglomérat querelleur de domaines et
de comtés belliqueux, chacun sous la do-
mination d’un duc, d’un baron ou d’un
tout autre titre. Ces nobles constituaient le
Sénat des seigneurs dirigé par le roi.
Même le Sénat lui-même disposait d’un
pouvoir limité, aucun seigneur ne se pliant
à ses décisions de lever l’impôt ou les
troupes. En fin de compte, le Thénol
n’était qu’un royaume de façade.
Et il en fut ainsi plusieurs siècles du-
rant. Quinze rois, tous du sang de Guidan,
se succédèrent à compter de la fondation
de Nouvelle-Aurim. Avec des fortunes
diverses, certains ayant plus d’influence
que d’autres. Néanmoins, aucun n’a réussi
à extirper le pouvoir des mains des sei-
gneurs. Les rois ont été tolérés par respect
de la tradition et par la caution morale
qu’ils offraient à qui les contrôlaient. Le
roi dispose de palais, de serviteurs, de
gardes du corps, de titres, de consorts et
d’une reine, mais toutes ses fonctions sont
purement cérémonielles. Il fait régner
l’ordre au Sénat, signe les édits et participe
aux fêtes pour offrir sa bénédiction à tout
ce qui lui est demandé.
Le véritable pouvoir, tant est qu’il
existe au sein de ce groupe conflictuel, est
détenu par les seigneurs, les grands sei-
gneurs en particulier. Les grands seigneurs
sont les plus grands propriétaires terriens
du Thénol. Ils sont les seuls à avoir le
pouvoir de faire ou de défaire les rois et
ne s’en privent pas. Seule l’aversion in-
tense, qu’ils ressentent les uns envers les
autres, les empêche d’exercer une emprise
totale. Unis, ils disposent du pouvoir de
faire acter toutes les proclamations qu’ils
souhaitent, mais aucun ne fait assez con-
fiance aux autres pour coopérer. Le plus
souvent, ils se divisent et les autres sei-
gneurs font pencher la balance d’un côté
ou de l’autre. Bien entendu, il arrive qu’ils
agissent de concert. Ils sont assez sages
pour se regrouper face à un danger qui les
menace tous et parfois ils agissent en
groupe pour faire montre d’unité (même
si tous ne sont pas d’accord).
Les autres seigneurs forment l’ossature
du royaume. Ils détiennent de petits ma-
noirs, fiefs et territoires. Beaucoup aspi-
rent à intégrer les rangs des grands sei-
gneurs et s’efforcent d’asseoir leurs reven-
dications en repoussant les frontières du
68
Thénol. Certains ont lié leur destin à l’une
des maisons des grands seigneurs. Il y a
aussi des seigneurs indépendants, qui
jouent un jeu risqué d’équilibrage des pou-
voirs entre eux. Beaucoup de ceux qui s’y
risquent finissent victimes de leurs
propres machinations, mais ceux qui par-
viennent à marcher sur cette corde raide
deviennent potentiellement aussi puis-
sants que les grands seigneurs. L'évêque
Trandamère est un maître en la matière.
L’évêque Trandamère
Le danger que fait peser le Thénol
aujourd’hui n’existerait pas sans l’esprit
dominateur de l’évêque Trandamère. Avec
ce simple titre, il dirige le Thénol depuis
40 ans. Durant cette période, il a transfor-
mé le peuple et la terre. Formidablement
confiant et extrêmement malfaisant, il est
le vecteur choisi par Hiteh pour prendre
le pouvoir sur tous les peuples taladans.
À son arrivée à la tête du temple de
Hith (Hiteh), ce n’était guère plus qu’un
petit culte, parmi tant d’autres, qui prê-
chait au sein des baronnies, principautés
et duchés qui composaient le Thénol.
Trandamère, cependant, a été désigné par
Hiteh pour être son agent, avant même
que l’évêque ne soit conscient de son
propre rôle. D’un coup, il reçut la béné-
diction de son dieu et se trouva doté de
capacités comme les grands prêtres des
légendes. Nanti d’un signe de faveur aussi
évident, le temple de Hith s’est épanoui.
Sous la direction de Trandamère, le culte
s’est répandu rapidement dans tout le
Thénol.
Les gens étaient stupéfaits. Le temple
de Hith disposait de vrais prêtres, comme
dans les anciens récits. Aucune autre reli-
gion ne pouvait en dire autant. Les prêtres
de Hith pouvaient faire des miracles.
Grâce à ce pouvoir, le temple de Hith
attirait facilement à lui les adeptes. Bien-
tôt, l’évêque Trandamère put approcher
les seigneurs de moindre importance avec
un atout de valeur. En échange d’un sou-
tien au Sénat, Trandamère fournissait au
seigneur des soldats, puisés dans les rangs
de ses fidèles. Des combattants utilisés
pour annexer les terres voisines. Il devint
rapidement une force avec laquelle il fal-
lait compter au Sénat.

Toutefois, à ce stade, il restait moins
puissant que les grands seigneurs. Il repré-
sentait une force importante et ceux-ci
l’utilisaient même dans leurs propres
luttes de pouvoir, mais il n’était nullement
une menace pour leur position. La plupart
le trouvaient rustre et cupide, surtout pas
un égal. Bien qu’ils se servaient de lui, ils
le snobaient et lui rappelaient constam-
ment sa position.
Le point de vue en la matière de
l’évêque Trandamère était tout à fait diffé-
rent. Certains voyaient dans la location de
ses disciples une tentative grossière (bien
qu’efficace) de s’emparer du pouvoir et
l’ont rejetée. Mais le plan de Trandamère
était bien plus sinistre. En négociant les
services de ses fidèles, il répandait ses
prêtres dans tout le pays, obtenant ainsi
l’accès à de plus en plus de cours. Dans le
même temps, certains de ses disciples
gagnaient de l’expérience dans les arts de
la guerre, tirant les leçons des batailles
livrées. Leurs observations ont entraîné
des changements. Une force de cavalerie a
été formée, des troupes de siège ont été
rassemblées tandis que d’autres appre-
naient les subtilités du corps d’intendance.
Ces choses apparaissaient évidentes pour
les seigneurs, mais ne révélaient toujours
pas les véritables intentions de Tran-
damère.
Enfin, lors de la Nuit du Dragon, une
fête solennelle au cœur de l’hiver, les
forces de Hith sont passées à l’action. Les
prêtres de Hith étaient versés dans les arts
de la nécromancie, une capacité qu’ils
gardaient secrète aux non-initiés. Lors de
la Nuit du Dragon, ils se rendirent dans
les cimetières et les lieux secrets où ils
entreposaient les morts et y pratiquaient
leurs arts obscurs. Les cercueils se brisè-
rent et la terre des tombes se fissura lors-
que les morts répondirent à l’appel. Sou-
dain, l’armée de l'évêque Trandamère
devint immense, ses rangs s’étaient gon-
flés de morts-vivants prêt à suivre toute
directive sans sourciller. Sous le comman-
dement des hommes expérimentés, l’ar-
mée cauchemardesque attaqua les manoirs
et les châteaux des principaux seigneurs.
À l’aube, le Thénol était aux mains de
l’évêque Trandamère. Et c’est le cas de-
puis 40 ans maintenant.
LE GOUVERNEMENT DU THÉNOL
En quarante ans, l’évêque Trandamère
a changé le visage du Thénol, bien que le
pays soit encore loin de ce qu’il désire. Il a
réussi à modifier l’équilibre des pouvoirs
et à réduire l’opposition, mais il ne l’a pas
encore brisée. Dans le même temps, de
nouveaux défis à sa toute-puissance sont
apparus de manière inattendue.
Bien que l’évêque Trandamère soit
clairement le dirigeant du Thénol, il n’oc-
cupe aucune fonction officielle et œuvre
en coulisses. Pour les naïfs, les crédules ou
les désinformés, il semble qu’il n’ait pas
son mot à dire dans les affaires du gouver-
nement, si ce n’est en tant que conseiller
amical. Comme par le passé, toutes les
fonctions officielles semblent assumées
par le roi et le Sénat.
Le roi reste la marionnette qu’il a tou-
jours été, un souverain sans réel pouvoir
ou influence. La véritable différence est
qu’il est maintenant sous la coupe de
l’évêque et apparaît à moins de cérémo-
nies qu’avant le coup d’État. En effet, les
seules auxquelles il se présente sont non
religieuses ou favorisent le Temple de
Hith. Les nombreuses autres fonctions
religieuses auxquelles il assistait autrefois
sont interdites par proclamation royale.
Par l’entremise royale, Trandamère a fait
de Hith le seul et unique dieu du Thénol.
Le Sénat est en passe d’être réduit au
statut de marionnette. Il est certain que
l’évêque le contrôle suffisamment pour
faire ce qu’il veut. La majorité des sei-
gneurs se sont ouvertement rangés à ses
côtés, attirés par des promesses de ri-
chesse et de domination. Quelques-uns
ont été contraints de le rejoindre, que cela
leur plaise ou non, car leurs terres sont
infestées de partisans de Hith. Plus d’un
seigneur a été massacré dans la nuit, sa
famille assassinée et ses titres dispersés au
profit des fidèles de l’évêque. C’est par le
biais de tactiques comme celles-ci que
l’évêque s’est assuré le contrôle.
Cependant, il n’est pas sans rencontrer
d’opposition. Deux des grands seigneurs,
le baron Markeides et le prince Raimos lui
ont résisté au cours des années. Bien qu’ils
ne s’opposent pas ouvertement à lui au
Sénat, ce qui serait suicidaire, ils œuvrent
en coulisses pour réduire son pouvoir et
augmenter leur propre force. Il y a des
moments où l’évêque doit encore faire des
compromis et négocier. Bien qu’il le dé-
sire, il ne peut pas écraser ces deux oppo-
sants de peur de perdre le soutien qu’il
détient au Sénat. Aussi, Markeides et
Raimos représentent-ils une menace pour
le pouvoir de l’évêque.
L’assise du pouvoir de l’évêque au
Sénat repose sur son armée, les hordes de
morts-vivants qui exécutent sans hésita-
tions les ordres de leurs commandants
69
L’HOSK MÉRIDIONAL
cléricaux et les fidèles fanatiques de Hith.
Cependant, elle doit également être sur-
veillée de près. Il existe toujours le risque
qu’un commandant ou un prêtre se consi-
dère plus apte à diriger que Trandamère.
Aussi, contrôle t’il toutes les nominations
d’officiers. En fait, être officier dans l’ar-
mée thénolite peut se révéler une affaire
dangereuse dont l’ultime récompense peut
se solder par une accusation de trahison et
une exécution. Grâce à son armée, Tran-
damère est à même de garder facilement
le Thénol sous son commandement.
Cependant, le Thénol ne constitue pas
une fin en soi pour les plans de Tran-
damère et de Hiteh. Ce n’est, en réalité,
qu’un début. Depuis qu’il a stabilisé son
règne au Thénol, l’évêque a lancé ses ar-
mées contre ses voisins, en particulier
l’Armach et la Ligue. Dans le même
temps, il a missionné ses prêtres vers des
alliés potentiels dans tout l’Hosk méridio-
nal. Des agents du Thénol se rencontrent
dans les différentes cours de la Confédé-
ration, chez les kenders maraks, et dans
les tribus hobgobelines du Mur-de-
Vapeur. Ceux-ci tentent de former une
coalition du mal pour prendre le contrôle
de l’Hosk méridional et, à terme, de tout
Taladas.
L’ARMÉE
L’armée du Thénol est l’instrument de
diplomatie et de terreur de l’évêque Tran-
damère. Elle est son deuxième plus grand
soutien de sa puissance après le temple de
Hith. Sans elle, il est peu probable que
l’évêque puisse maintenir son emprise sur
le Sénat du Thénol.
L’armée du Thénol compte trois
groupes distincts de guerriers. Chacun
apporte un aspect différent à la structure
générale de l’armée. Tout d’abord, il y a
les morts-vivants. Ces guerriers sont sous
le contrôle absolu du clergé. Ensuite,
viennent les fanatiques. Bien que prêts à
se sacrifier pour la cause, ils peuvent se
retourner contre les dirigeants du temple
s’ils estiment que leur foi a été offensée.
Enfin, il y a les compagnies des seigneu-
riales, la seule partie de l’armée qui n’est
pas sous le contrôle direct de l’évêque.
Trandamère est parfaitement cons-
cient de l’importance de ses légions et a
pris des mesures pour s’assurer que son
armée suive toujours ses ordres et de nul
autre. Bien qu’il ne revendique aucun
grade, il est le commandant suprême de
l’armée. Il n’a pas besoin de rang. Par
l’intermédiaire du Sénat, il contrôle la
L’HOSK MÉRIDIONAL
nomination des rares officiers. Il fixe les
quotas de troupes qui doivent fournir
chaque seigneur. Il alloue les fonds du
trésor pour soutenir l’armée et détermine
où leur lieu de cantonnement lorsqu’elles
ne sont pas en campagne. Enfin, il déter-
mine où l'armée se rendra et pour quels
objectifs. Un tel pouvoir tend à s’auto-
entretenir. Puisqu’il a la mainmisse sur
l’armée, il peut l’utiliser pour écraser toute
tentative de prise de contrôle. Pour ses
adversaires, c’est une situation sans issue.
Bien que Trandamère contrôle de
manière absolue le plus haut poste de
commandement, l’armée, en particulier les
compagnies, est en fait plutôt laxiste en ce
qui concerne les chaînes de commande-
ment. Cela est dû, en grande partie, à la
tradition de fierté et d’insubordination des
seigneurs. Contrairement à la Ligue, il
n’existe pas d’organisation officielle
comme la légion. Les troupes sont ras-
semblées, réorganisées et dissoutes libre-
ment, sans contrainte. Les commandants
et le grade sont déterminés par l’ancienne-
té et la convention. Les seigneurs presti-
gieux et puissants commandent de
grandes compagnies, tandis que les juniors
ont rarement la possibilité de diriger plus
qu’une colonne ou un escadron. Parfois,
le commandement général est exercé par
la majorité, surtout lorsque de nombreux
seigneurs puissants sont présents au com-
bat. En toute circonstance, les seigneurs
n’obéissent qu’aux ordres qui leur con-
viennent.
En guise d’assurance contre les ca-
prices et les traîtrises des seigneurs,
l’évêque Trandamère impose une disci-
pline rigide au reste de l’armée. Son con-
trôle le plus fort s’exerce sur les masses de
morts-vivants. Ces guerriers ne peuvent
exister et se battre que grâce au temple de
Hith. Leurs commandants sont exclusive-
ment des prêtres du temple, nommés par
l’évêque. Eux seuls peuvent donner des
ordres à leurs troupes et sont en capacité
de relever les hommes nouvellement tom-
bés pour les remplacer. Le risque pour
l’évêque est qu’un ou plusieurs de ces
hommes tentent de s’emparer de son pou-
voir. Ces hommes sont ambitieux, avec ou
sans l’armée, et Trandamère épie leurs
moindres gestes.
Les fanatiques sont plus difficiles à
contrôler. Le problème ici est qu’ils sont
fidèles aux idées du temple de Hith et non
au clergé ou à l’évêque. La plupart de leurs
chefs sont issus de leurs rangs, des
hommes charismatiques qui inspirent les
autres. Ces meneurs, autoproclamés pro-
phètes, constituent un grand danger pour
l’évêque. Il doit veiller à ce qu’aucun
d’entre eux ne devienne trop populaire ou
ne prêche des idées contraires aux
siennes. Parfois, ces hommes sont inté-
grés dans la hiérarchie du temple pour
mieux être ensuite écartés, loin des re-
gards. Certains sont habilement discrédi-
tés. Quelques-uns meurent commodé-
ment en martyrs de la cause de Hith.
Un autre problème est que les fana-
tiques sont justement fanatiques. Ils se
battent par idéal, en particulier la justesse
de leur cause. L’évêque doit veiller à ne
pas offenser leurs croyances. En même
temps, il ne peut pas se permettre d’en
devenir captif. Parfois, cela tourne au très
délicat exercice d’équilibriste.
Enfin, existe la question de l’échec.
Les fanatiques sont inconstants, ils suivent
telle ou telle personne, ils entendent la
voix d’un dieu ici ou là. Chaque échec
augmente le risque qu’ils considèrent que
la bénédiction de Hith se refuse aux expé-
ditions de Trandamère. Une fois convain-
cus de cela, regagner leur soutien est im-
possible.
L’évêque doit choisir judicieusement
les batailles pour ses fanatiques. Il n’ose
pas les engager lorsque l’issue est incer-
taine, mais il ne peut pas non plus se per-
mettre de les gaspiller pour des victoires
certaines. Il essaie de les envoyer sur des
théâtres militaires où leur présence peut
faire la différence entre la victoire et la
défaite. Par exemple, ils ont été retirés de
l’Armach bien avant que la situation ne
commence à s’inverser.
Il n’y a pas de tenue, d’armure ou
d’armes standardisées pour aucun groupe
de l’armée. Pourtant, chacun possède
certains traits communs qui les caractéri-
sent. Certains sont grossièrement phy-
siques, comme la puanteur des camps de
zombies, tandis que d’autres proviennent
de subtiles différences de personnalité.
Les forces de morts-vivants sont les
plus distinctives. Leurs rangs sont compo-
sés de zombies, de squelettes et de
quelques goules. Aucune attention n’est
portée à leur équipement : les comman-
dants-prêtres les laissent se battre à mains
nues si nécessaire. Tactiquement, ils ne
sont bons que pour l’attaque, lorsque les
ordres sont simples. Ils se débrouillent
bien lorsqu’on leur ordonne « avancez et
tuez tous les êtres vivants sur votre pas-
sage ! », bien qu’en certaines occasions
même ce simple ordre a pu se muer en
70
désastre. Pour la défense, ils sont prati-
quement inutiles. Le seul ordre efficace
qu’on peut leur donner est de tuer tous
ceux qui tentent de passer. Cela les trans-
forme en un peu plus qu’un mur. Il est
vrai qu’ils forment un obstacle pour l’en-
nemi, mais il peut facilement les duper.
Les prêtres forment une autre fai-
blesse. Ils sont les seuls à pouvoir com-
mander les morts-vivants (ou du moins
c’est ce qu’ils prétendent) et chaque prêtre
ne peut pratiquement en commander que
quelques-uns. Après quelques contacts
avec les morts-vivants, les ennemis intelli-
gents ordonnent à leurs hommes de cibler
les prêtres et de les tuer chaque fois que
cela est possible. Cette tactique s’est avé-
rée efficace pour paralyser le commande-
ment et ralentir la vitesse à laquelle les
rangs des morts-vivants sont rafraîchis.
En campagne, les autres troupes se
tiennent aussi loin que possible des morts-
vivants. Outre leur réputation maléfique
et leurs habitudes répugnantes, les morts-
vivants, en particulier les goules, sont
difficiles à contrôler. Parfois, elles ont
faim et s’emparent de ce qu’elles désirent,
les autres soldats notamment. Même leurs
propres prêtres peuvent devenir leurs
proies. La nuit est la plus dangereuse, car
c’est le moment où elles sont les plus ac-
tives.
Le deuxième groupe est celui des fana-
tiques de Hith. Bien qu’ils n’aient pas
d’uniforme, chacun a prêté serment de
pauvreté (et remis toutes ses richesses au
temple). Ainsi, le simple soldat ne porte
que de simples vêtements en loques et un
chapeau sans bord, tous deux teints en
jaune en signe de dévotion. La plupart
utilisent l’épée ou l’épieu. Aucun ne porte
d’arc, d’arbalète ou de fronde, car ils n’ont
ni l’entraînement ni le tempérament pour
se tenir à l’écart et tirer sur l’ennemi. La
charge de masse est la tactique qui leur
sied le plus. Leurs chefs, généralement des
prêtres guerriers, prêtent le serment de
pauvreté du bout des lèvres en évitant les
étalages ostentatoires de richesse, mais ils
ne sont pas prêts à renoncer à une armure
et aux armes de qualité.
Tactiquement, les fanatiques sont
meilleurs à l’offensive. Ils sont bons pour
suivre des ordres simples, car ils ne sont
pas entraînés aux techniques de la guerre.
Lorsqu’ils sont correctement enflammés
par leurs chefs, ils se battent avec une
fureur frénétique sans se soucier de leurs
propres pertes. Sur ce point, ils ressem-
blent aux morts-vivants. Ils sont égale-

ment têtus et impatients, au contraire de
ces derniers. Il est difficile de les retenir
sur le terrain, surtout si les choses sem-
blent tourner défavorablement. On ne
peut pas les tenir en réserve car leur fer-
veur n’y résiste pas.
Ils partagent une dernière faiblesse
avec les morts-vivants, leurs chefs. Les
fanatiques suivent les plus persuasifs
d’entre eux, pas nécessairement le plus
sage, le mieux entraîné, ni même le plus
sain d’esprit. Leurs commandants ne sont
pas des soldats professionnels mais des
agitateurs professionnels. Certains incar-
nent de rares combinaisons de talent et de
charisme. Ils sont assez sages pour œuvrer
de concert avec les professionnels et bien
conscients des limites de leurs propres
disciples. La plupart sont têtus, domina-
teurs et suffisants. Après tout, Hith est de
leur côté.
La troisième partie de l’armée est la
compagnie des seigneurs. C’est le foyer
des soldats entraînés, des hommes qui
regardent les fanatiques avec un dédain
tout professionnel. La plupart considèrent
les morts-vivants avec dégoût, au mieux
comme des outils tactiques et rien de plus.
Ces hommes s’irritent d’être placés sous le
commandement de l’évêque Trandamère
et se querellent entre eux à propos de
vieilles disputes entre les différentes mai-
sons.
Selon la loi, chaque seigneur fournit
un groupe d’hommes, une colonne ou un
escadron selon le type de troupe. Un seul
seigneur fournit entre 200 à 1 000
hommes ou plus. La taille exacte dépend
d’un quota fixé par le Sénat, qui en retour
est censé considérer la capacité des sei-
gneurs à soutenir leurs troupes. Le prélè-
vement d’un quota de troupes important
est l’un des outils dont dispose l’évêque
pour briser un seigneur opposant.
Chaque seigneur se voit attribuer un
certain nombre et un certain type
d’hommes à fournir, tel que fixé par le
Sénat. Les plus riches doivent fournir de
la cavalerie et de l’infanterie. Les mineurs
lèvent des troupes d’infanterie. Les
hommes sont ensuite organisés en
grandes compagnies sous un seul com-
mandant. Au sein d'une compagnie
d’infanterie, il y aura des contingents ap-
partenant à différentes maisons, chaque
contingent ayant son propre comman-
dant, souvent un noble de cette maison.
Ainsi, une compagnie de 1 000 hommes
pourra intégrer une section de 500
hommes du seigneur Vernol, une deu-
xième de 300 hommes du seigneur
Arghon et une de 200 hommes du sei-
gneur Hepzibah. La compagnie aura un
commandant et trois sous-commandants,
bien que les plus gros contingents puis-
sent avoir un certain nombre de lieute-
nants.
Bien que les compagnies soient bien
supérieures aux morts-vivants et aux fana-
tiques en termes d’entraînement et de
capacités, leur qualité est très variable.
Celles dont les maîtres sont trop pauvres
pour les équiper et les former correcte-
ment ou qui sont simplement dirigées de
manière incompétente sont au mieux
moyennes. La plupart sont des vétérans,
aguerris aux campagnes contre les
hommes-dragons et les hobgobelins. Un
certain nombre ont été utilisés pour répri-
mer des rébellions sur les terres d’autres
seigneurs. Certains forment des troupes
de choc, maintenues en service perma-
nent. Certains atteignent un statut d’élite
encore plus élevé. En effet, le seigneur
mal servi ne peut pas faire état d’une
troupe de garde du corps d’élite, qu’il
s'agisse de toute une compagnie ou de
quelques braves héros. Dans le pays du
Thénol, les gardes du corps sont plus que
de simples figurants.
Au combat, les compagnies consti-
tuent l’épine dorsale de l’armée thénolite.
Elles héritent des missions les plus déli-
cates, c’est-à-dire celles trop compliquées
pour être menées à bien par les morts-
vivants ou les fanatiques. Lors de l’offen-
sive, elles sont le plus souvent gardées en
réserve, sauf pour les assauts délicats. Cela
les irrite, sachant qu’ils ratent l'occasion de
piller le camp ennemi. En revanche, elles
s’assurent de toutes les tâches défensives,
une mission difficile pour laquelle il n’y a
ni récompense ni reconnaissance.
Comme chaque seigneur habille ses
propres hommes, il n’y a guère de stan-
dardisation des tenues au sein d’une com-
pagnie. En général, l’infanterie se divise en
trois groupes. Les pauvres seigneurs four-
nissent l’infanterie légère, des hommes
vêtus de longs manteaux de cuir clouté de
galons de bronze et portant de grands
boucliers. L’épée, l’épieu de deux mètres
de long, la haches d’armes et les masses
sont les armes les plus couramment portées.
Des casques de tous types sont portés.
Le second groupe est constitué d’ar-
chers et d’arbalétriers. Ils sont le plus sou-
vent vêtus de lourdes tuniques de coton
matelassées. Outre l’arc ou l’arbalète,
chaque homme porte une épée ou toute
autre arme à une main. Ils ne sont pas
particulièrement doués pour le combat
rapproché et, le plus souvent, ils se déban-
dent si on les charge. Le dernier groupe
71
L’HOSK MÉRIDIONAL
est l’infanterie lourde, levée par les riches
seigneurs. Ces hommes portent une cotte
de mailles ou une armure à bandes de
bronze et le pavois. Ils sont équipés d’une
épée longue et d’un épieu. Au combat, ils
se battent en formations serrées, les bou-
cliers se chevauchant et avançant à pas
lents.
La cavalerie s’organise autour des che-
valiers seigneuriaux. Ces derniers forment
la cavalerie lourde. Ils montent des che-
vaux bardés de mailles et portent l’armure
d’écailles ou à bandes. Lors de la charge,
ils utilisent la lance de cavalerie lourde, le
fléau et l'épée. Le reste de la cavalerie est
constitué de leurs écuyers et de leurs pré-
posés. Ces hommes montent des chevaux
non bardés et portent une armure plus
légère, généralement en cuir ou en cotte
de mailles. Ils portent toutes sortes
d’armes : javelots, épées, masses, fléaux,
lances, etc.
La cavalerie est censée remplir deux
rôles. Premièrement, la légère sert d’yeux
à l’armée. Mais comme les écuyers consi-
dère cette tâche comme indigne, il est
difficile de les amener à établir des rap-
ports utiles. Ils sont également utilisés
pour délivrer l’importante charge finale
pour briser la ligne ennemie. C’est ce que
font les chevaliers avec beaucoup d’en-
thousiasme, à tel point qu’il est presque
impossible de les retenir. Les rappeler lors
d’une charge constitue la plus grande dif-
ficulté du commandement.
Le commandement des compagnies
est un autre problème majeur. Il incombe,
en droit et coutume, aux seigneurs et ils
n’ont nulle intention de le céder aux
clercs. Le commandement est une ques-
tion d’honneur. Aussi, aucun seigneur
n’apprécie de recevoir des ordres et tous
désirent ardemment en donner. Le com-
mandement suprême d’une compagnie
implique souvent plus de compromis et
de diplomatie que l’émission d’ordres. Il
est tout à fait courant que le commandant
d’une section, d’un escadron ou d’une
compagnie décide simplement de faire ce
qu’il estime être le mieux, quels que soient
les ordres.
Les problèmes de commandement et
de contrôle forment la plus grande fai-
blesse de l’armée thénolite. Ses succès
sont dus à ses larges effectifs et à sa capa-
cité à absorber de lourdes pertes. Si ces
atouts n’ont pas suffi à surmonter le pro-
fessionnalisme supérieur des légions im-
périales de la Ligue, leurs déficiences
n’ont pas été suffisamment graves pour
assurer sa défaite.
L’HOSK MÉRIDIONAL
NOUVELLE-AURIM
Autrefois, il y a fort longtemps, Nou-
velle-Aurim représentait l’espoir et le rêve
des habitants du Thénol. C’était leur nou-
velle maison, leur chance de reconstruire
l’empire d’Aurim déchu, plus puissant et
plus splendide que jamais.
La réalité est que Nouvelle-Aurim est
une ville déprimante et mystérieuse. Cer-
taines villes ont des couleurs ; Nouvelle-
Aurim est grise à mourir. Il semble qu’il
pleuve constamment des nappes grises de
pluie froide. Les étroites rues pavées bril-
lent d’un gris d’ardoise usée. Les bâti-
ments sont gris, le bois vermoulu et la
pierre en décomposition. La boue est grise
de saletés et de vase. Les gens tête basse,
se traînent et se méfient, leurs rêves per-
dus sont gris. Leurs vêtements sont gris, la
couleur s’est écoulée.
Le voyageur qui s’y rend ne peut man-
quer de remarquer cet aspect. La sombre
désolation est inéluctable. Certains ont
pointé la nature suspicieuse des citoyens,
d’autres sont frappés par le temps atroce.
Les adjectifs utilisés pour la décrire sont
notamment « malade », « froide »,
« inamicale », « hostile » et « moribonde ».
Ce dernier terme est le plus judicieux.
Autrefois, avant l’hégémonie du
temple de Hith, Nouvelle Aurim n’était
pas une ville aussi hantée. Aujourd’hui, les
gens vivent dans la peur des templiers-
inquisiteurs, la police secrète de l’évêque
Trandamère. Presque chaque semaine, des
criminels sont exécutés en public. Dans
des cas exceptionnels, il s’agit de véri-
tables criminels, qui ne peuvent être inci-
tés à rejoindre les rangs des templiers-
inquisiteurs ou des fanatiques. Le plus
souvent, il s’agit de prisonniers politiques,
de malheureux qui ont stupidement mis
en colère quelqu’un dans la hiérarchie du
temple. Les corps sont suspendus au-
dessus des portes principales et sur la
place publique, laissés là jusqu’à ce que
toute chair ait été extirpée de l’os. Les
vautours ont pris l’habitude de se percher
sur les avant-toits des anciens temples
autour de la place. Autrefois marché très
animé, il est aujourd’hui évité par les habi-
tants.
Construite sur les îlots de la rivière
Evole, Nouvelle-Aurim est une masse
tentaculaire de rues et de quartiers non
aménagés, tous enfermés derrière une
enceinte en ruine. Les rues ne suivent
aucun plan, serpentant et tournant là où
un bâtisseur ancestral le pensait le mieux.
72
Les rues principales se transforment en
impasses, les ruelles étroites s’élargissent
soudainement en cercles, des fossés
d’égouts à ciel ouvert se déversent dans la
rivière ; toutes ces choses se trouvent à
l’intérieur.
Le mur qui ceint la cité fait environ 6
mètres de haut. Autrefois bien entretenu,
aujourd’hui, ses remparts se sont effon-
drés et certaines sections ont commencé à
s’écrouler. Des zombies et des squelettes
patrouillent les allées. Depuis les tourelles
de garde, ils fixent la plaine de leurs or-
bites vides. Les maisons situées près du
mur ont été abandonnées par les honnêtes
gens de la ville. Des squatters et des créa-
tures de la nuit y ont emménagé. Parmi les
bâtiments abandonnés et les ruelles
sombres, on trouve des corps, victimes
d’actes criminels de la main de leurs sem-
blables.
Plus loin, se dressent d’autres maisons,
les demeures des honnêtes gens. Ceux qui
vivent dans la terreur, qui ont peur des
choses qui rôdent la nuit, peur des inquisi-
teurs, peur de leurs voisins. La nuit, toutes
les portes sont lourdement barricadées et
les fenêtres scellées par d’épais volets.
Personne ne s’enquiert des cris nocturnes
et les fenêtres restent fermées même pen-

dant les nuits les plus chaudes et les plus
humides de l’année. Chaque aube apporte
un soulagement et un remerciement pour
avoir survécu un jour de plus.
Au cœur de la ville se trouvent les
bâtiments publics ou ce qu’il en reste. Il y
avait autrefois des temples pour une mul-
titude de dieux au cœur de Nouvelle-
Aurim. Les gens appréciaient au moins
leur religion. Aujourd’hui, ils sont aban-
donnés, leurs portes fermées par les édits
du roi sous la coupe de l’évêque. Le bâti-
ment du Sénat est aujourd’hui peu utilisé,
la plupart des sénateurs se réunissant au
Promontoire-du-Faucon, site du Premier
temple de Hith et résidence de l’évêque
Trandamère.
Les seuls bâtiments d’importance en-
core en activité sont le temple de Hith et
le palais royal. Le premier est une bâtisse
majestueuse mais sinistre. D’ampleur mas-
sive, l’édifice écrase ses visiteurs. Il est
censé inspirer l’admiration, mais au lieu de
cela, froid et sans cœur, il distille la peur
chez la plupart. Deuxième plus grand
temple de Hith dans le pays, il dissimule
de nombreux secrets, mais peut-être pas
ceux que la rumeur décrit. L’évêque Tran-
damère s’est peut-être inconsidérément
vanté qu’il renferme plus de secrets que la
foultitude de rumeurs qui court sur le lieu
saint. On sait qu’il a été construit sur une
vaste série d’anciennes catacombes. Il se
peut que des entrées dans les profondeurs
du temple mènent vers de sombres em-
placements souterrains.
L’autre bâtiment majeur est le palais
royal, en réalité une prison et non un lieu
d’habitation. La construction a commencé
avec la fondation de la ville et s’est pour-
suivie depuis. Le palais est un amas tenta-
culaire de styles architecturaux différents,
serrés les uns contre les autres sans ratio-
nalité ni dessein. À son apogée, plusieurs
centaines de personnels d’entretien et de
jardiniers s’y employaient. Aujourd’hui, ils
ne sont qu’une poignée.
Le palais a beaucoup souffert du
manque d’entretien. Les mauvaises herbes
poussent sur le pavage, brisant les plan-
chers en mosaïque. Les toits fuient et l’eau
s’écoule le long des murs et attaquent
poutres et sols. Des ailes entières ont été
abandonnées, laissées aux rats et autres
vermines. Les vastes caves sont pratique-
ment oubliées, et les donjons secrets sont
devenus le repaire des vers charognards et
des grands serpents. L’air y est vicié et
moisi, même les jours les plus clairs. C’est
dans ce mausolée en décrépitude que vit
le roi.
Pour le roi, le palais est une prison. Il
est entouré de gardes et de serviteurs, tous
soigneusement choisis par l’évêque Tran-
damère. Il ne peut quitter le palais sans
avoir consulté son chambellan Montien-
do, l’homme qui dirige la maison royale.
C’est ce dernier qui organise les audiences
avec les seigneurs (un pouvoir qu’il a su
utiliser pour accroître sa propre richesse).
Même les visites du roi à sa reine et à ses
enfants sont soigneusement mises en
scène et contrôlées. Il est tellement habi-
tué à ce traitement qu’il ne proteste plus et
ne se plaint plus des restrictions. Les murs
du palais marquent désormais les limites
de son horizon.
Mais tout espoir n’a pas fui Nouvelle
Aurim. Certes la population est opprimée
et vit dans la peur, mais certains sont prêts
à risquer leur vie pour s’opposer à Tran-
damère le tyran, comme il est parfois sur-
nommé. Ces rebelles se cachent dans la
ville, évitant les inquisiteurs. En petites
bandes, ils tuent les gardes, volent les
percepteurs d’impôts et libèrent les accu-
sés. Une partie de leur soutien et de leur
aide leur provient secrètement de sei-
gneurs rebelles. Le reste de ce qu'ils peu-
vent prendre. Mais il ne s’agit que de pe-
tits groupes désorganisés. Ils s’opposent à
l’évêque, mais n'ont aucun plan pour le
faire tomber. Au mieux, ils essaient de
susciter du ressentiment et de la haine
envers sa politique et ses partisans, une
tâche loin d’être aisée. Le temple de Hith
a le pouvoir de guérir ou de tuer, des pers-
pectives attrayantes et terrifiantes pour le
commun des mortels.
Récemment, les rebelles ont pris con-
tact, par l’intermédiaire d’Armach, avec
des prêtres et des prêtresses de Mislaxa.
Ces hommes et ces femmes sont pour eux
une véritable révélation. Comme les dis-
ciples de Hith, les prêtres de Mislaxa sont
capables de soigner les blessés et de guérir
les malades, mais sans les exigences
odieuses du temple. Les rebelles les vénè-
rent et les chérissent comme une raison et
une source d’espoir. Nombre d’entre eux
se sont convertis à la parole de Mislaxa,
tout en conservant leurs passions mili-
tantes. Ils se considèrent comme ses guer-
riers amenés à pourfendre le mal
qu’incarne Hith et à répandre la parole de
leur déesse.
73
L’HOSK MÉRIDIONAL
PROMONTOIRE-DU-FAUCON
À 80 km de Nouvelle-Aurim, dans les
collines accidentées au pied des Neu-
monts, se dresse Promontoire-du-Faucon,
le site du temple de Hith. Là réside
l'évêque Trandamere et le véritable centre
de pouvoir du Thénol. C’est aussi un en-
droit désolé et solitaire, loin de toute ville
ou village.
Promontoire-du-Faucon est une tour
en saillie qui se dresse au bord d’une val-
lée déchiquetée. Dans et sur ce pilier de
roche, les prêtres de Hith ont sculpté le
Premier temple de leur foi. Le rocher a été
alvéolé de passages et de chambres. Au
sommet se trouve la principale salle d’au-
dience de la foi. Juste en dessous, la salle
où se réunit le Sénat, lorsque Trandamère
souhaite le convoquer. Autour, les salles
de réception privées et les autels spéciaux
utilisés pour les affaires publiques et gou-
vernementales. Plus profondément dans
le rocher se trouvent les bibliothèques, les
salles d’étude et les appartements privés. Il
y a des salles du trésor où sont conservées
les reliques et les merveilles, des chapelles
et des salles de pénitence. Plus loin en-
core, des pièces de commodité : cuisines,
puits, toilettes, réserves, garde-manger et
armureries. Au-dessous de celles-ci se
trouvent de petites cellules pour la déten-
tion des hérétiques en attente de juge-
ment.
Autour de la base de la tour ont été
construits les dépendances indispensables
aux prêtres : écuries, greniers, ateliers et
dortoirs. Plus loin se trouvent les rési-
dences des seigneurs, de petits bâtiments
sans prétention. Leur construction est
réglementée par la loi, ils sont en bois et
dépourvus de fortification. Leur taille et
leur ornementation sont soigneusement
limitées pour éviter qu’une maison
n’éclipse la majesté du Premier temple. Ils
sont loin d’être luxueux et ne sont donc
guère appréciés des seigneurs qui sont
convoqués au Sénat.
Au cœur de Promontoire-du-Faucon
se trouvent les appartements de l’évêque
Trandamère. Il ne fait pas mystère de son
lieu d’habitation, à proximité de la curie
sénatoriale et des chambres principales.
Mais ses appartements ont leurs secrets. À
l’insu de tous, les plus hauts initiés excep-
tés, Trandamère a installé des donjons et
des catacombes secrètes au fond de ses
quartiers. Des chambres secrètes d’obser-
vation et des postes d’écoute, reliés par
L’HOSK MÉRIDIONAL
ces passages, permettent à l’évêque de
savoir tout ce qui se passe au sein de Pro-
montoire-du-Faucon. Des entrées cachées
dans tout le complexe lui offrent un accès
rapide à pratiquement n’importe quel
point. Les donjons abritent de nombreux
ennemis qui viennent de disparaître sans
laisser de trace. Les catacombes contien-
nent les ossements de ceux qui ont irrité
l’évêque et ont perdu. Des morts-vivants
patrouillent dans ces couloirs, épaulés par
des gardiens vivants de nature encore plus
hideuse et sinistre.
La terre autour de Promontoire-du-
Faucon est déserte. Il y avait autrefois
quelques villages dans la vallée, mais tous
ont été abandonnés depuis de nom-
breuses années. Certains existaient ici
avant la construction du Premier temple,
d’autres ont été fondés par les hommes
qui l’ont bâti. Après son achèvement, le
bétail a commencé à disparaître.
D’étranges nuages et des lumières mal-
saines étaient visibles de jour comme de
nuit au-dessus de la tour. Les cultures
poussaient mal. De nombreuses familles
sont parties ailleurs en quête d’une meil-
leure fortune.
Puis les enfants commencèrent à dis-
paraître. Des recherches massives furent
d’abord effectuées, les villageois croyant
qu’un terrible accident s’était produit. On
ne trouva jamais rien. Les animaux sau-
vages, les bohémiens et les Huldres des
contes anciens étaient tous blâmés. Des
précautions furent prises mais les enfants
continuèrent à disparaître. Bientôt, les
gens se mirent à marmonner que de
sombres événements se déroulaient au
temple, les spéculations allaient bon train.
En réponse, les inquisiteurs se mirent à
arpenter les rues, arrêtant les hérétiques et
les blasphémateurs.
La plupart des villageois se sont dis-
persés dans un flot quasi ininterrompu.
Bientôt, il ne resta plus que les personnes
âgées et sans enfants. Certains décédèrent
de mort naturelle, mais beaucoup furent
la proie des bêtes qui reprenaient lente-
ment la vallée, jusqu’à ce que la dernière
famille charge ses sacs et quitte cette val-
lée de putréfaction et de mort. Ne reste
aujourd’hui que le temple de Hith, intact
et insensible aux horreurs qui l'entourent.
LES MARAIS
DE SOMBRES-EAUX
L’extrémité inférieure de l’Hosk méri-
dional est constituée d’un large bassin de
captation. Cette partie du continent s’est
affaissée lors du Cataclysme pour créer un
74
immense marécage alimenté par des ri-
vières, comme le Trillium qui coule depuis
le Thénol. La plupart des cours d’eau des-
cendent de Mur-de-Vapeur pour alimen-
ter Sombres-Eaux. Les nappes, réchauf-
fées par des sources thermales, forment
des tourbillons endormis le long de ca-
naux couverts de roseaux pour aboutir à
des lacs couverts d’algues. Des cyprès
géants à racines peu profondes, couvertes
de mousse, s’accrochent aux touffes de
terre qui affleurent à peine au-dessus du
niveau de l’eau. De grandes zones con-
tiennent d’épaisses ronces aux fruits char-
nus poussant dans l’eau des marais. Le
long de la côte, l’eau de mer se mêle à
l’eau douce formant une ceinture de ma-
rais aux eaux saumâtres. Ici, les man-
groves s’enfoncent lentement dans la mer,
prolongeant le delta de Sombres-Eaux.
Les bayous de Sombres-Eaux sont un
endroit étouffant et infesté d’insectes. Les
alligators et les serpents d’eau sont les
dangers les plus courants auxquels se
trouvent confrontés le voyageur. Des
dragons fondent leur foyer le long de ses
chenaux inexplorés et sont tout sauf ravis
que leur quiétude soit perturbée.
D’énormes insectes bourdonnent entre les
branches pour finir piégés par les arai-
gnées géantes qui tissent d’épaisses toiles

habilement déguisées pour ressembler à la
mousse dans les grands arbres, ou happés
par la langue collante d’énormes gre-
nouilles et crapauds. D’étranges créatures
hululent et hurlent la nuit, sautant de
branche en branche, leurs yeux brillants
au clair de lune.
Les hommes ne vivent pas dans les
bayous de Sombres-Eaux et il est peu
probable que cela évolue un jour. L’air
même pue la maladie. Nombreux sont les
explorateurs qui, des années après une
incursion dans le marais, ont été assaillis
par des fièvres, des frissons et des
spasmes douloureux. Les quelques tenta-
tives de colonisation ont disparu, englou-
ties par la végétation verdoyante des sous-
bois.
Pourtant, quelques âmes robustes
vivent dans les marais de Sombres-Eaux.
Il s’agit d’un groupe très soudé, les Défri-
cheurs, comme ils se nomment eux-
mêmes. Ils vivent en lisière du marais,
près de leur gagne-pain. Dans leurs ca-
noës et leurs bateaux à fond plat, ils pa-
gaient le long des canaux paresseux.
D’autres seraient rapidement perdus dans
les chemins tortueux et les courants, mais
les Défricheurs n’y passent pas leur vie
pour rien. Ils connaissent les meilleurs
itinéraires et les meilleurs endroits pour
chasser leurs proies : l’alligator, le crapaud
géant et le chat des marais. Ce sont des
secrets qu’ils préservent jalousement.
Chaque Défricheur a son propre terri-
toire et connaît celui de ses voisins.
L’honnête homme reste en dehors des
eaux de ses voisins et, en retour, s’attend à
la réciproque. Le mauvais n’a cure de ses
voisins et peut même essayer de les chas-
ser. Le marécage est une frontière et sa
justice tient dans ses habitants.
Cela peut créer des problèmes, car les
Défricheurs sont des Thénolites et sont
sous la domination des seigneurs et de
l’évêque. Cependant, ils ne sont pas du
genre à s’en soucier et le gouvernement
n’a donc qu’une faible emprise sur eux, si
tant est qu’il en ait une. Traiter avec les
Défricheurs constitue toujours un exer-
cice de tractation. Par exemple, ils gardent
un œil sur les hommes-dragons des marais
de Sombres-Eaux et surveillent la fron-
tière pour les seigneurs. En échange, ils
sont exonérés de l’impôt.
Ils servent de coureurs des bois et
d’éclaireurs pour les compagnies, mais
refusent de servir en leur sein. Ce sont des
solitaires farouchement indépendants
pour qui les autres n’ont que peu d’intérêt,
sauf peut-être ceux de leur propre espèce.
Pourtant, ceux qui ont bon cœur ne peu-
vent se résoudre à tourner complètement
le dos aux autres. On ne peut pas en dire
autant des gardes noirs qui ont fui jusqu’à
la frontière pour échapper à leur passé.
Les Défricheurs ne touchent que les
marges des marais de Sombres-Eaux.
Même eux hésitent à ne pas s’aventurer
trop loin dans ses sentiers envahis par la
végétation. Plus d’un s’est enfoncé dans
ses profondeurs pour ne plus réapparaître.
Les rares qui l’ont bravé, une ou même
plusieurs fois, reviennent plein d’histoires
empreintes de terrifiante noirceur. Ces
hommes sont extrêmement courageux,
mais même eux ne s’y risque que pour des
raisons extraordinaires. L’une d’elle est de
conclure des traités avec les hommes-
dragons.
Les hommes-dragons sont les véri-
tables maîtres du marais. Appelés
« hommes-dragons » par les humains, ils
sont les bakalis dans leur propre langue
sifflante. Les bakalis sont de puissants
lézards humanoïdes. Un mâle mesure en
moyenne entre 2 et 2,5 m, de haut. Il est
rare qu’il se tienne complètement droit,
mais il marche à quatre pattes ou courbé.
Leurs mains et leurs pieds ont de longues
griffes en forme de doigts, séparées par
une palmette. Leur visage est doté d’un
museau puissant ressemblant à celui d’un
lézard. Ils n’ont pas de nez, mais seule-
ment des narines, placées au-dessous de
leurs grands yeux sans paupières. Leur
corps est recouvert d’un épais cuir d’alli-
gator, strié et épineux sur le dos, doux et
souple sur le dessous. Leur peau est de
différentes nuances de vert, de brun et de
jaune, ce qui leur donne un camouflage
naturel dans les eaux de marécage cou-
vertes de roseaux.
Les bakalis forment une race an-
cienne ; les survivants ne sont que de
pâles copies de leur ancienne gloire. Au-
trefois, ils étaient puissants et terrifiants et
effectuaient des raids le long des cours
d’eau de Taladas. Mais c’était il y a long-
temps et leur déclin a commencé bien
avant le Cataclysme. En fait, la rupture de
Taladas pendant la Nuit de Hiteh les a
aidés. Pendant des siècles, les grands ma-
récages qui avaient été leur terre natale
ont diminué, asséchés et drainés. Le Cata-
clysme a brusquement inversé ce proces-
sus avec la création de Sombres-Eaux.
Néanmoins, au moment où cela s’est pro-
duit, la grandeur des bakalis était déjà
perdue.
75
L’HOSK MÉRIDIONAL
Aujourd’hui, les bakalis sont une race
primitive, à peine plus évoluée que les
sauvages sans esprit. Ils sont intelligents
mais sont culturellement sous-développés,
voire arriérés. Ils vivent dans de petits
villages de 20 ou 30 individus. Ils ne sont
pas organisés selon des lignées familiales
comme la plupart des tribus humaines, car
le concept de famille leur est étranger. Les
femelles pondent des œufs dans les aires
de nidification situées au centre du village
et, à la naissance, les petits doivent se
débrouiller seuls.
Les jeunes restent seuls, jouant et imi-
tant leurs aînés, et la plupart du temps, ces
derniers les ignorent. La nourriture est
jetée dans le nid pour les nourrir et les
jeunes se battent pour obtenir ce qu’ils
peuvent. Privés de nourriture, les plus
faibles meurent et seuls survivent les plus
forts.
Lorsque les jeunes deviennent plus
gros, ils commencent leur apprentissage.
Au début, ils observent leurs aînés et les
imitent en fabriquant des armes, en net-
toyant les carcasses et en luttant pour la
domination. Cette imitation se poursuit
jusqu’au stade où ils fabriquent leurs
propres armes. Une fois qu’un jeune a
fabriqué sa propre lance utilisable, il est
autorisé à partir à la chasse. Son entraîne-
ment s’y poursuit, il apprend à débusquer
le gibier, les méthodes de traque et com-
ment le tuer. Il n'est toujours pas considé-
ré comme un aîné. Pour être accepté par
la tribu, il doit tuer un alligator mâle sans
assistance. Ce n’est qu’après cela qu’il
devient l’un des aînés. Cette méthode
éducative est dure et dangereuse et beau-
coup meurent dans le processus. Les fe-
melles bakalis pondent beaucoup d’œufs.
La taille de la tribu des bakalis est dé-
terminée par la domination et la soumis-
sion. Chaque tribu a un chef, un mâle
puissant qui règne sur tous les autres. Sa
position est acquise par la force et il ne la
conserve que tant qu’il vainc tous ses ad-
versaires. Le chef a le plus grand harem,
les meilleures pièces de la chasse et est le
premier à réclamer le butin trouvé. Les
individus sous ses ordres ont un statut
strict, établi de la même manière : qui peut
terroriser qui. Le rang détermine tous les
privilèges accordés aux mâles bakalis, des
femelles aux choix des morceaux des
proies. Ils doivent accepter leur rang ou
quitter la tribu. Invariablement, lorsque la
tribu devient trop grande, des mâles par-
tent. Ceux qui survivent par leurs propres
moyens cherchent à fonder leur propre
tribu et mènent souvent des raids dans
L’HOSK MÉRIDIONAL
leur tribu natale ou chez d’autres voisins
pour trouver des femelles. Cette lutte
continuelle renforce le peuple bakali, fai-
sant de ces derniers de puissants guerriers.
Les villages bakalis sont des lieux ordi-
naires. Bien qu’amphibiens, ils construi-
sent leurs maisons sur la terre ferme, gé-
néralement sur un tertre bas ou une rive
escarpée. Lorsqu’il est situé sur une butte,
le village est un ensemble de simples
huttes de roseaux, hautes d’environ un
mètre. À l’intérieur, le sol est creusé dans
une fosse à deux étages. La partie la plus
profonde s’étend sous le niveau de l’eau
(seulement quelques centimètres). C’est là,
dans la boue et la vase, que dorment les
bakalis. À côté, il y a un niveau supérieur
où les biens sont gardés au sec et où la
nourriture est stockée. Les huttes sont
construites en un cercle grossier autour de
la zone de nidification, qui est générale-
ment marquée par un poteau recouvert de
fétiches.
Lorsque le village se trouve sur une
rive, les maisons sont creusées sur son
flanc. Les entrées sont larges mais basses
et les bakalis s’y faufilent à quatre pattes.
Les tunnels descendent presque jusqu’à la
ligne de flottaison. Ici, plusieurs chambres
sont creusées pour le stockage. La
chambre à coucher se trouve à nouveau à
moitié sous la ligne de flottaison, créant
ainsi la fosse de boue souhaitée. Des ro-
seaux séchés sont dirigés jusqu’à la surface
pour créer l’aération. Le site de nidifica-
tion se trouve sur la crête de la rive au-
dessus des tunnels. Le poteau de fétiche
qui marque la zone de nidification est
placé près de l’eau, les fétiches regardant
vers le ruisseau.
Qu’il s’agisse de la butte ou de la rive,
tous les villages bakalis sont entourés
d’une palissade. Le type de mur dépend
des matériaux à disposition. Les bakalis
construisent des murs de roseaux tissés,
de buissons d’épines, de branches ou
même de squelettes. Ils n’utilisent jamais
de planches ou de rondins, car ils n’ont
pas les outils nécessaires pour abattre les
arbres et les façonner. Les palissades sont
fragiles et peuvent être facilement abat-
tues. Mais les murs ne sont pas censés
empêcher les attaquants déterminés d’en-
trer. Ils découragent les attaques des ani-
maux sauvages et constituent au moins un
obstacle pour les pillards.
Les bakalis mènent une vie très
simple. Ils passent la plupart de leur
temps à se prélasser au soleil (ils ont le
sang froid après tout) ou à chasser. Leurs
armes sont des lances en bois, munies
d’une pointe d’os aiguisée ou trempée au
feu. Les affleurements rocheux sont prati-
quement inconnus dans les marais de
Sombres-Eaux, c’est pourquoi les armes à
pointe de pierre constituent une rareté
précieuse. Les armes en métal sont, de
même, pratiquement inconnues, ce sont
considérées comme les plus grands de
tous les trésors. Parmi les autres armes, on
trouve le filet, le gourdin et la dague en os.
La lance est préférée par-dessus tout, car
la mieux adaptée dans l’environnement
aquatique du bakali.
Les bakalis sont des guerriers féroces,
capables de se battre avec leurs armes et
leurs griffes. Leurs peaux sont résistantes
et leur offre une protection naturelle.
Leurs plus grandes faiblesses sont qu’ils
sont lents à réagir la nuit et qu’ils ne peu-
vent pas s’aventurer trop loin de l’élément
liquide qui leur est vital. Malgré ces dé-
fauts, l’armée thénolite les recrute avec
joie. Ils sont affectés à des missions de
diriger des déplacements le long des ri-
vières ou sont affectés à des taches de
garde là où l’eau est abondante. La rumeur
veut que l’évêque Trandamère entretient
une garde bakalie spéciale à Promontoire-
du-Faucon.
Les commandants thénolites ont cons-
taté que le bakali était intelligent et dési-
reux d’apprendre. Bien qu’ils aient du mal
à contrôler leur nature sauvage, en parti-
culier au combat, leurs capacités d’amphi-
biens procurent aux commandants théno-
lites une arme surprenante lorsqu’ils tra-
versent des rivières ou doivent forcer des
défenses aquatiques.
Il y a des choses dans les marais de
Sombres-Eaux encore plus lointaines et
plus éloignées que le bakali. Bien que cer-
tains Défricheurs aient affaire aux bakalis
et visitent leurs villages primitifs de temps
en temps, peut-être pas plus d’un ou deux
humains n’ont pénétré plus profondément
dans le bayou. Là, dans les parties les plus
épaisses du marais, se trouvent des col-
lines basses, encombrées de ruines effon-
drées qui s’avancent dans l’eau, pour s’y
immerger lentement. Ces ruines et les lacs
qui les entourent sont tabous pour les
bakalis. Ils savent que les mauvais esprits,
les « sarakis », attendent de capturer qui-
conque est assez fou pour enfreindre leurs
limites. En même temps, l’attrait des
ruines est irrésistible. Les courageux (et
chanceux) bakalis qui pénètrent dans les
ruines et qui survivent trouvent parfois de
grandes armes en métal précieux et des
armures qui s’adaptent à leurs imposantes
carcasses.
76
Et il y a une bonne raison pour
qu‘elles soient adaptées, car les ruines du
marais sont l’œuvre des bakalis, datant de
cette époque millénaire où ils étaient puis-
sants et grands. Ils disposaient alors les
compétences nécessaires pour construire
des villes et gouverner des terres. On a
oublié ce qui les a poussés à l’abandon de
leurs cités et la perte de leurs compé-
tences. Les intéressés eux-mêmes n’ont
qu’une vague idée de ce qu’ils étaient au-
trefois.
Mais tous ne craignent pas les sarakis.
Plusieurs des ruines sont aujourd’hui la
demeure de dragons, des othlorx qui cher-
chent la solitude pour élever leurs cou-
vées, peut-être dans l’espoir de régner un
jour sur le monde. Des araignées géantes
et des grenouilles rampent et sautillent
dans les amas. Parfois, des cadavres sans
repos se déplacent, des os de morts de-
puis plus de mille ans.
Bien qu'évités par les bakalis, les hu-
mains qui ont atteint le cœur des marais
ont été fascinés par ces ruines. Quelques
tentatives ont été faites pour les explorer
et les étudier, bien que ces efforts soient
terriblement dangereux. En particulier, le
sorcier Amrocar a passé la plus grande
partie de sa vie à chercher des indices sur
les énigmes posées par les ruines.
Ces informations, ainsi que ses cartes,
ses croquis, ses déductions et ses spécula-
tions, ont été consignées par écrit. À sa
mort, l’ouvrage a été transféré dans les
bibliothèques impériales de Kristophan où
il demeure depuis lors. Amrocar a pu
nommer les constructeurs des ruines et
ses cartes, vieilles de 100 ans, sont tou-
jours aussi précises.
Ses déductions relatives à la taille de
l'empire bakali suggèrent qu’il a dû être
autrefois très puissant et riche, un attrait
certain pour les chercheurs de trésors. Ses
spéculations sont des plus intéressantes. Il
suppose que les bakalis disposaient de
magiciens exceptionnellement talentueux,
fabricants de potions magiques, de pilules
et de poudres à partir de matériaux natu-
rels. La plus audacieuse (et la moins soute-
nue) de ses croyances est que les bakalis
de son âge ne correspondent pas à ceux
des origines. Il soutient plutôt que les
hommes-dragons sont les créations des
bakalis originels qui ont survécu et pros-
péré lorsque l’empire s’est effondré. Ce-
pendant, ses découvertes et ses spécula-
tions ont été oubliées depuis longtemps.
L’œuvre de toute une vie repose dans la
niche moisie d’un couloir sombre, parmi
des centaines de milliers d’autres livres,
attendant que quelqu’un la découvre et s’y
intéresse.

LES HULDRES
Les Huldres sont des elfes, mais ils ne
ressemblent à aucun elfe rencontré depuis
plus de 3 000 ans. On ne les trouve que
dans les petites forêts d’Okami ainsi que
la vaste ceinture boisée qui sépare la Ligue
du Thénol. Ils forment un peuple secret et
ne se révèlent pas ouvertement aux hu-
mains. Ils ne s’engagent dans aucune ar-
mée. Ils ne construisent pas de villages
(personne n’en a trouvé). Ils ne se lancent
pas dans l’exploration des terres loin-
taines. Ce sont les plus mystérieux des
elfes.
Les Huldres sont des elfes qui vivent
selon les anciennes traditions, des cou-
tumes si immémoriales que même les
Silvanaes rétrogrades et attachés à la tradi-
tion avaient déjà abandonné bien avant de
quitter le Silvanesti. Seuls les Huldres con-
tinuent ces pratiques, refusant de changer
même si les temps ont beaucoup changé.
Leur nom provient de la première de
leurs traditions, l’évitement. Huldres signi-
fie « peuple caché » dans la langue des
anciens taladans et c’est ce qui décrit le
mieux leur refus d’être vu. Il y a fort long-
temps, les elfes se sont offusqués d’un
acte des humains. La cause et les respon-
sables sont depuis longtemps oubliés.
Mais la résultante est que la nation elfique
(car c’était un peuple uni à l’époque) a
choisi de renoncer pour toujours à tout
contact avec le monde des hommes. Pen-
dant longtemps, les elfes ont disparu de la
vue de l’homme, n’apparaissant pas dans
ses archives.
Mais l’inexorable expansion humaine a
fini par condamner cette politique, car les
deux groupes furent de plus en plus con-
traints aux interactions. Le code explicite
de l’évitement était oublié, bien que les
elfes aient maintenu les contacts au mini-
mum, perpétuant la tradition sans que l’on
s’en rende compte, à l’exception des
huldres.
Au cœur du concept d’évitement
huldre se trouve la pratique consistant à
ne pas être vu. Tout d’abord, les elfes ne
se mêlent pas aux humains. Si les humains
s’installent dans un de leur bois, les elfes
tentent d’abord de les chasser, les harce-
lant en volant des outils, égarant des ani-
maux et en attirant les enfants dans les
bois. Si ces efforts échouent ou si les
Huldres craignent d’être découverts, ils
quittent les lieux. En conséquence, leur
territoire se rétrécit constamment et leurs
efforts pour chasser les humains devien-
nent de plus en plus violents. Alors qu’ils
se contentaient autrefois de tromper et
d’attirer, ils utilisent aujourd’hui leurs
sorts pour blesser ou terrifier.
La deuxième partie de l’invisibilité
tient à leur capacité magistrale de camou-
flage. Vivant uniquement dans les bois
profonds, ils sont presque impossibles à
repérer ou à entendre. Les bardes décri-
vent leur univers comme séparé du
monde réel et traversable uniquement via
d’invisibles frontières inconnues. Bien que
ce ne soit pas le cas, les elfes semblent
véritablement disparaître sous les yeux,
grâce à leur camouflage et leurs manteaux
elfiques. Ils sont assez habiles pour se
promener autour des fermes des hommes
sans inquiéter le fermier ou ses animaux.
Seuls les chiens semblent être sensibles à
leur présence.
S’il est vrai que l'évitement interdit de
traiter avec les humains, il n’exclut pas de
les piéger. En fait, de telles ruses sont
encouragées. Il s’agit là d’une autre tradi-
tion bien ancrée chez les Huldres. Ils
prennent un grand plaisir à attirer les
chasseurs au fond des bois et à les y lais-
ser, à inviter les voyageurs perdus à dîner
ou à jouer, ou à se faire passer pour un
mari ou une femme absent(e). À l’aube, le
chasseur peut découvrir qu’il a des cornes
de cerf. Le voyageur perdu passe la nuit et
est courtoisement guidé vers son chemin
le lendemain matin, pour découvrir
qu’une décennie s’est écoulée dans le
monde des hommes. Le mari peut ap-
prendre qu’il a engendré un enfant huldre.
Les raisons exactes de ces stratagèmes
sont inconnues, mais les effets sont large-
ment évoqués, car ils sont bizarres et in-
habituels. La plupart des humains suppo-
sent que ces tours sont une sorte d’hu-
mour capricieux et malveillant. Alors que
d’autres elfes admettent une certaine iro-
nie dans toute cette affaire, en particulier
celles qui concernent le temps, ils nient
que l’humour puisse être d’une quel-
conque manière racial.
Les ruses des Huldres peuvent être
regroupées en trois catégories : celles du
temps, celles de la tromperie et celles du
don. Les tours du temps suivent tous le
même schéma. L’humain pénètre dans
une clairière tranquille ou s’aventure dans
les bois. Là, il rencontre un homme ou
une femme étrange, un Huldre, qui l’invite
à le suivre. L’invitation peut être de se
joindre aux autres pour jouer, partager un
77
L’HOSK MÉRIDIONAL
repas ou passer la nuit à l’abri du mauvais
temps. Les invités évoquent systématique-
ment l’excellente hospitalité qu’ils reçoi-
vent. De la nourriture et des boissons
merveilleuses leur sont servis et personne
ne dit du mal d'eux. En général, ils s’en-
dorment bien avant les autres, épuisés par
les divertissements de leurs hôtes.
À leur réveil, ils se retrouvent sur leur
premier lieu de rencontre. Parfois, ils ont
beaucoup vieilli. Leurs cheveux sont
longs, leurs vêtements se sont décolorés et
le reste de leur équipement est vermoulu
et rouillé. D’autres fois, ils se réveillent et
rien ne semble différent. Cependant, dans
tous les cas, il s’est écoulé plus de temps
qu’une seule nuit. Grâce à la magie secrète
huldre, le cours du temps de cet humain a
été altéré. Les plus chanceux découvrent
qu’ils sont partis depuis une semaine seu-
lement. Le plus souvent, la victime réalise
qu’elle est partie depuis un ou dix ans. On
raconte l’histoire d’un homme qui est
entré dans les bois un siècle avant le Cata-
clysme et qui en est ressorti 200 ans
après !
Les ruses de tromperies sont beau-
coup plus subtiles. Les victimes de ces
tours sont généralement des jeunes repré-
sentants des deux sexes, en particulier
ceux qui sont beaux ou attirants. Le
Huldre lui rend visite lorsque la personne
est seule, généralement le soir. L’elfe peut
se faire passer pour un prétendant venu
faire sa cour ou une femme venue rendre
visite à son mari gardant le bétail dans les
hauts pâturages. Le filou utilise sa grâce
naturelle pour charmer la victime, apaisant
ainsi les soupçons. Les jeunes femmes
peuvent être persuadées de s’enfuir et
d’épouser le beau prétendant ou peut-être
simplement de passer la nuit ensemble.
Une femme peut porter un enfant qui ne
ressemble pas du tout à son vrai mari,
tandis qu’un mari peut découvrir des an-
nées plus tard que les Huldres se revendi-
quent comme un membre de sa famille.
Parfois, la victime est amenée par la
ruse à prêter serment. Une fois la parole
engagée, les Huldres la considèrent con-
traignante et s’attendent à la voir respec-
tée. Un tel serment peut être aussi simple
que de déplacer une grange ou de jurer de
ne pas couper un certain arbre. Il peut
être toutefois plus compliqué comme de
quitter la région ou de remettre son pre-
mier enfant. Souvent, les humains prêtent
bêtement ces serments, les croyant facile-
ment transgressables, pour découvrir bien
L’HOSK MÉRIDIONAL
vite que les Huldres disposent de mé-
thodes magiques pour les faire respecter.
Les tours de don sont les plus rares,
car elles commencent rarement avec cette
intention. À la place de sa première inten-
tion, l’elfe finit par offrir à l’humain un
cadeau de valeur. Dans certains cas, le
présent est offert spontanément par l’elfe.
Parfois, celui-ci est frappé par la noblesse,
l’honnêteté et l’esprit (les elfes se soucient
peu de la vertu humaine) de la victime. Il
peut être touché par sa grâce et sa beauté,
éblouissantes même aux yeux d’un elfe,
ou épris par sa passion et son esprit ro-
mantique.
Les cadeaux qui sont accordés libre-
ment ont cependant tendance à être parti-
culièrement doux-amers, un certain prix
semblant inévitable. Un homme peut re-
cevoir un trésor mais se voir refuser de
jamais revoir son amour elfe. Un barde
peut acquérir une voix merveilleuse, mais
en contrepartie perdre la vue. Un fermier
peut réussir dans tous ses travaux, mais
seulement après avoir offert un fils aux
Huldres. Pour les chanceux, le prix n’est
pas aussi élevé que cela, une année perdue
ou accomplir un acte au profit des
Huldres par exemple.
Parfois, l’elfe est piégé, attrapé par une
victime plus rusée qu’elle. Il existe des
histoires de jeunes filles qui ont percé les
déguisements de leurs prétendants et leur
ont tendu un piège en retour. Il existe de
puissants héros (du moins pour les hu-
mains) qui ont pris le dessus sur les fiers
habitants de la région, mais de tels êtres
sont très rares. Dans ces cas-là, l’elfe est
obligé de négocier sa liberté. Tout comme
ils considèrent que la parole des autres est
contraignante, les elfes ne brisent pas
leurs propres serments. Contraints de
jurer, ils respectent ensuite leurs propres
conditions.
Les Huldres respectent leurs serments
car l’évitement a ses propres règles et lois,
qui ne sont que vaguement comprises par
les humains. Toutes ces règles le rendent
plus difficile pour les elfes. Peut-être
qu’au début de la tradition, ces derniers
ont ressenti le besoin de donner aux
pauvres humains une chance. Peut-être
n’est ce qu’un jeu, un peu plus qu’un pas-
sionnant test d’intelligence, dont ils sont
bien mieux dotés que les humains.
Quelles que soient les raisons, les Huldres
suivent des règles strictes en la matière.
Ils ne peuvent pas manquer à leur
parole donnée durant l’évitement. Cela n’a
rien à voir avec une quelconque question
d’elfe qui ne doit pas manquer à sa parole.
Il est juste inconcevable pour un Huldre
de ne pas honorer un serment. Cela ne se
fait tout simplement pas. Seules certaines
des règles (et donc des méthodes pour
s’en protéger) sont connues des humains.
S’il est touché par de l’acier froid (qui est
plus que du métal ordinaire), l’elfe doit
abandonner tout déguisement et s’enfuir.
Il ne peut pas entrer dans un lieu de culte.
Si son nom est prononcé, il doit s’enfuir
et ne jamais revenir. D’autres lois relatives
à l’évitement peuvent s’appliquer, mais
elles ne sont connues que des Huldres, qui
ne les divulguent pas aux autres.
L’évitement n’est pas l’unique tradi-
tion que les Huldres gardent vivante. Une
autre, plus sinistre, est la pratique des
chanjons. Pour les mères qui vivent en
bordure des terres huldres, rien de plus
terrifiant. Les elfes se faufilent jusqu’au
berceau d’un nouveau-né et s’emparent de
l’enfant, laissant à sa place un bébé elfe
malade. C’est un spectacle qu’aucune
mère ne souhaite jamais voir.
Tout comme l’évitement, la pratique
du chanjon est encadrée par des coutumes
que les Huldres doivent suivre. Seuls les
nouveau-nés peuvent être enlevés et seuls
les enfants elfiques malades peuvent être
laissés derrière, ce qui est la raison primor-
diale pour laquelle le changement est ef-
fectué. Des enchantements sont jetés
pour déguiser l’enfant, mais aucune magie
ne peut intégralement cacher le change-
ment à une mère ou à une nourrice. L’en-
fant volé est élevé avec amour et attention
par les elfes, bien qu’il ne soit jamais com-
plètement accepté comme un des leurs.
78
Ils rendent également visite à l’enfant
elfe laissé derrière eux, en lui laissant des
cadeaux elfiques spéciaux. Ils n’oublient
pas non plus les familles humaines dont
l’enfant a été enlevé. Si les parents élèvent
l’étrange enfant avec soin et amour, les
Huldres veillent à leur réussite en leur
apportant secrètement de l’aide chaque
fois que possible. Ils ont une dette à rem-
bourser. Cependant, si l’enfant elfe est
maltraité, leur sort sera aussi funeste que
les elfes puissent leur reservé.
Les elfes peuvent également être con-
traints de reprendre l’enfant échangé, bien
que cela soit rare et qu’il n'existe pas de
méthode précise. Il arrive que les humains
abandonnent l’enfant dans les bois, après
quoi les elfes peuvent rendre le bébé hu-
main. Parfois, ils peuvent conclure un
marché avec les elfes pour le retour de
l'enfant. Il n’existe cependant pas de mé-
thode précise pour récupérer un chanjon.
Les elfes s’en tiennent également aux
anciennes coutumes vestimentaires. Leurs
vêtements rappellent l’époque où ils
étaient de véritables enfants de la forêt.
Les hommes portent des manteaux de
feuilles vertes et des tissus d'écorce mer-
veilleusement souples. Les femmes des
robes diaphanes de soie d’araignée filée et
de fleurs, lâchement drapées autour de
leurs corps élancés. Les chapeaux de
feuilles et les guirlandes de fleurs sont les
seuls ornements qu’ils portent.
Ils n’exploitent pas le métal et ne le
forgent que rarement. La plupart de leurs
outils sont obtenus par le commerce au-
près des nains. Depuis le Cataclysme, ce
dernier a pratiquement cessé et leurs
épées et leurs bijoux sont maintenant de

conception ancienne. Cela leur convient
tout aussi bien, car ils n’ont aucune envie
d’en changer. Les nains qui connaissent
les Huldres rêvent de contempler leurs
armureries (dont ils sont persuadés qu’elle
existe), car elles contiennent vraisembla-
blement de brillants exemples de l’artisa-
nat nain réalisé dans les grands styles des
temps anciens.
Pour la guerre, les guerriers elfes s’ha-
billent comme au quotidien. La seule con-
cession au danger qui pourra être faite est
d’enfiler une légère cotte de mailles elfique.
Au lieu d’une protection épaisse, ils préfè-
rent compter sur leur invisibilité et leur
rapidité. Ils sont passés maîtres dans l’uti-
lisation de l’arc court et de l’escrime et
préfèrent les lames légères aux épées
lourdes et lentes des humains. Ils utilisent
également l’épieu, car il se révèle utile
dans toutes sortes de situations.
Bien que les Huldres aient un roi et
une reine, ils n’ont pas de gouvernement
apparent. Il n’y a pas de nominations, pas
d’élus, pas de titres, et peu de fonctions.
Les postes qu’ils occupent ne semblent
même pas avoir de rapport avec des fonc-
tions gouvernementales. Il existe, par
exemple, des bureaux pour les conteurs,
ces elfes appelés à chanter lors des ban-
quets ou d’autres jours plus mélanco-
liques. Le roi et la reine sont servis par
une cour, mais aucun courtisan ne porte
de titre d’aucune sorte. En général, les
Huldres semblent se gouverner eux-
mêmes sans avoir besoin de bureaucrates,
de ministres, de police ou d’une armée.
Leurs différends, généralement person-
nels, sont réglés par la coutume ou par le
roi lui-même.
Ils ne construisent ni villages ni colo-
nies. Leurs maisons sont soigneusement
dissimulées par la magie et ne servent
guère plus que de dortoirs. Ils considèrent
que le bois entier est leur maison, le ciel
leur plafond et l’herbe leur tapis. Ainsi,
leur maison peut n’être rien d’autre qu’un
tronc d'arbre creux ou un terrier abandon-
né. Mais ils ne vivent néanmoins pas
comme des animaux. Ces foyers sont soi-
gneusement construits et même décorés.
Ils considèrent simplement les nécessités
de la vie différemment des humains.
En raison de leurs coutumes, les co-
lons humains n’apprécient guère les
Huldres. Et la réciproque est valable, car
les elfes n’ont que faire des intrus. Les
contacts entre les deux étant peu fré-
quents, les conflits sont néanmoins rares.
Cependant, lorsque les deux races se ren-
contrent, cela se solde rarement sans inci-
dent. En dehors des ruses huldres, les
humains les considèrent comme mauvais
et dangereux et les traitent en consé-
quence.
La peur guide le paysan ordinaire qui
ne se risque pas à provoquer la colère des
Huldres. Les âmes les plus courageuses ou
les plus téméraires tentent souvent de
capturer ou de tuer tout Huldre décou-
vert. Cela entraîne des représailles du côté
des elfes, bien qu’ils ne s’en prennent
qu’au coupable et à sa famille. Cela con-
forte également leur opinion sur les hu-
mains. Ce comportement dure depuis des
décennies et empêche toute compréhen-
sion mutuelle entre les deux espèces.
L’attitude d’évitement du peuple
huldre s’applique presque exclusivement
aux humains. Beaucoup d’autres créatures
partagent ou pénètrent dans leurs bois et
n’ont guère de mal à trouver leurs habi-
tants. Ils n’essaient pas (au-delà de la pru-
dence raisonnable) de se cacher des
gnomes, des gobelins, des hobgobelins et
même des nains, et ne considèrent pas
non plus ces races comme nécessairement
des ennemis, bien qu’ils ne soient pas
aveugles à la nature malfaisante de cer-
taines. Les créatures telles que les hobgo-
belins sont tolérées tant qu’elles ne cau-
sent pas de tort.
Les elfes qui pénètrent dans leur forêt
sont accueillis chaleureusement comme
des proches disparus depuis longtemps et
sont toujours invités à rester. Le fossé
entre les anciennes traditions huldres et
les plus modernes des autres est cepen-
dant trop grand pour être comblé. Aucun
des deux ne parvient à comprendre l’autre
ou accepter ce qu’il est devenu. Ainsi, les
elfes modernes ne viennent presque ja-
mais vivre parmi les Huldres et ces der-
niers craignent que leurs fils et leurs filles
ne soient attirés par la vie « facile » de
leurs cousins. Les mariages entre les deux
groupes se terminent souvent tristement,
ajoutant ainsi de nouvelles chansons au
répertoire des bardes.
Il se peut que les Huldres se soient
accrochés depuis trop longtemps à un
mode de vie qui n’a plus de sens. Les
choses ont changé autour d’eux et ils ont
refusé de suivre le mouvement. D’un
autre côté, il se peut que le reste de Tala-
das ait perdu quelque chose dont ils dis-
posent encore : une innocence et une
simplicité qui ont été détruites bien des
siècles avant que la colère des dieux ne
détruise le reste de leur monde.
79
L’HOSK MÉRIDIONAL
MUR-DE-VAPEUR
Les grandes chaînes de montagnes
volcaniques, connues sous le nom de Mur
-de-Vapeur, bloquent l’Hosk méridional
depuis l’est. Pour leshommes et les elfes,
c’est une terre hostile et inhabitable. Des
nuages de vapeur corrosive s’élèvent de
l’Indanalis pour atteindre les pics rocheux
déchiquetés des montagnes. Ici, la vapeur
se mélange aux cendres et au gaz des vol-
cans du Mur-de-Vapeur pour former un
mélange infernal. Refroidis à ces hauteurs,
la vapeur et le gaz forment des nuages de
pluie.
La plupart sont soufflés vers l’est pour
se mêler aux fumées toxiques d’Hitehkel,
mais une certaine quantité de pluie tombe
sur les pentes des montagnes, érodant la
roche dénue de vie. Ces ruisseaux se
transforment en torrents, noirs et empoi-
sonnés, qui dévalent les ravines le long de
cheminées fumantes, des fumerolles et
des marmites de boue bouillonnantes. Les
eaux finissent par former de petites ri-
vières. Celles-ci dévalent les montagnes, se
déversant en des chutes d’eau qui empes-
tent le soufre. Les berges de ces rivières
sont mortes, à l’exception de petites
touffes de mousses rouges et dorées.
Progressivement, ces rivières traver-
sent les forêts étranges et tordues qui cou-
vrent les pentes inférieures. Ici, les fleurs,
les arbres et même les animaux ont été
déformés et torturés par l’air et l’eau em-
poisonnés des environs. Les chênes,
arbres puissants par ailleurs, sont noueux
et torturés. Les ronces atteignent une taille
immense. Les animaux, ours, lapins ou
écureuils, présentent d’étranges difformi-
tés et des plaques ulcéreuses sur leur peau.
Les tempéraments changent. Les doux
deviennent agressifs, les agressifs vicieux.
Les lois de la nature sont bouleversées.
Les rivières continuent de traverser la
terre, charriant leurs poisons. Progressive-
ment, l’air et la pluie deviennent plus
propres, moins nocifs. Mais les eaux qui
coulent continuent de creuser des fossés
de mort et de déformation à travers les
collines. Peu à peu, les petites rivières se
rassemblent en grands débits, formant les
grands fleuves mortels caractéristiques des
contreforts de Mur-de-Vapeur. Lorsqu’ils
se jettent dans la mer, l’eau mortelle se
dilue progressivement, les poisons s’infil-
L’HOSK MÉRIDIONAL
trant dans le sol et les eaux douces se joi-
gnant au courant. Finalement, ces cours
d’eau, bien qu’ils aient un goût saumâtre
et aigre, ne sont plus mortels.
Bien qu’hostiles aux hommes, Mur-de-
Vapeur et ses contreforts ne sont pas
inhabités. De nombreuses créatures, ani-
maux et êtres intelligents vivent cachés sur
ses pentes. Des monstres de tous types
l’ont choisi comme patrie. Déjà redou-
tables, ces bêtes ont été rendues encore
plus dangereuses par les conditions diffi-
ciles des montagnes.
Les monstres ne sont pas les seules
créatures que l’on trouve dans la région.
Des êtres intelligents ont également lutté
pour y fonder un foyer. Ce ne sont pas
des êtres plaisants. Les plus nombreux
sont les hobgobelins qui semblent prospé-
rer dans les terribles conditions des mon-
tagnes. Les seconds sont les kenders
maraks, une branche dérivée de ce peuple
de nuisibles que l’on trouve en Ansalonie.
La vie dans Mur-de-Vapeur les a endurcis
et ils sont donc très différents de leurs
congénères. Enfin, il y a les nains traldors,
assiégés et luttant dans les ombres
sombres des sommets. Les bouleverse-
ments de Mur-de-Vapeur les ont profon-
dément transformés.
LES HOBGOBELINS
Les habitants du Mur-de-Vapeur qui
réussissent le mieux sont les hobgobelins.
Dans les conditions les plus défavorables,
ils ont prospéré et se sont développés,
devenant ainsi plus forts et plus dange-
reux. Heureusement pour les autres
peuples de la région, leur faible intelli-
gence les empêche d’exploiter le grand
avantage de leur nombre. Même s’ils sont
généralement stupides et désorganisés, ils
constituent toujours une menace impor-
tante pour les voyageurs et les petites
communautés montagnardes.
Les hobgobelins mesurent moins deux
mètres de haut. Bien que normalement
robustes et musclés, ceux du Mur-de-
Vapeur sont maigres, la peau pendant
librement sur leur carcasse. Leur car-
nasion est d’un rouge brun profond.
Leurs yeux sont grands et injectés de sang.
Hormis le pagne, les mâles portent peu de
vêtements. Les femelles s’habillent à peine
plus. Les deux sexes sont friands d’orne-
ments. Il s’agit généralement de doigts, de
mains, de dents et d’orteils en os de leurs
victimes. Les autres décorations sont des
plumes, des morceaux de tissu brillant,
des pièces d’or et des perles. La plupart de
leurs armes consistent en des épieux et
des couteaux en pierre taillé, bien qu’ils
disposent également de certaines armes en
métal prises à leurs victimes. Lorsqu’ils se
préparent au combat, ils portent des mor-
ceaux d’armures volées ou des cuirasses
faites d’os.
Ils vivaient autrefois dans les grottes
des montagnes, mais les tremblements de
terre et l’activité volcanique ont rendu cela
impossible. Aujourd’hui, ils construisent
de simples maisons longues, couvertes de
chaume et montées sur pilotis pour éloi-
gner la vermine potentiellement dange-
reuse. Les longues maisons sont froides et
pleines de courants d’air, et constituent un
abri à peine suffisant. Bien qu’elles soient
fraîches en été, les maisons, avec leurs
toits mal faits, n’offrent que peu de pro-
tection contre les pluies fréquentes. En
hiver, des vents glacés percent les murs
fragiles et des morceaux de glace pendent
des chevrons. Plus d’une maison a été
réduite en cendres pendant la période de
gelée, les habitants ayant négligemment
fait du feu à l’intérieur pour se réchauffer.
Les hobgobelins accordent une grande
importance à leurs ancêtres. Après la mort
d’un membre, son crâne est nettoyé (pour
ce faire, on entretient de grands nids de
fourmis). Il est ensuite placé dans une
niche spéciale à l’avant de la longue mai-
son. Les vieilles maisons ont des murs
entiers recouverts de crânes d’ancêtres.
Récupérer un crâne est un signe de
valeur et de dignité. Au cours d’une ba-
taille, les hobgobelins essaient générale-
ment de rapporter les têtes de leurs enne-
mis comme trophées. Celles-ci sont égale-
ment nettoyées puis empilées en pyramide
devant la porte de la longue maison pour
faire face aux ancêtres. Plus la famille est
féroce, plus la pyramide de têtes est
grande. Les familles vraiment vaillantes et
qui vivent longtemps peuvent avoir plu-
sieurs piles de têtes à l’extérieur de leur
maison.
Compte tenu de cette pratique, les
hobgobelins lancent fréquemment des
80
expéditions. Leurs cibles privilégiées
(principalement parce qu’ils sont proches)
sont les kenders maraks et les nains de la
région, qui leur vouent tous deux en re-
tour une haine féroce. Face à des étran-
gers tels que les marchands ou les explora-
teurs, les hobgobelins adoptent une ap-
proche un peu plus tolérante. Bien que la
plupart d’entre eux s’attendent à ce qu’ils
attaquent à vue (après avoir été abreuvés
des récits sur leur soif de sang), les hobgo-
belins observent et saluent plutôt les
étrangers et leur montrent même une
hospitalité affable. Tant que les invités
prennent soin de ne pas offenser leurs
hôtes, ils sont traités aussi bien que pos-
sible par les hobgobelins.
Par ce biais, les hobgobelins ont réussi
à établir un certain commerce avec le
monde extérieur. Des commerçants con-
nus (qui ont osé se lier d’amitié avec les
hobgobelins) s’aventurent dans les mon-
tagnes. Ils y échangent leurs produits de
première nécessité contre les rares pro-
duits de la montagne récoltés par les
hobgobelins, principalement des peaux et
des plumes exotiques, bien qu’il y ait tou-
jours des ingrédients étranges recherchés
par les magiciens. Parfois, ils viennent
avec des demandes spécifiques, la pierre
d'un certain endroit ou de la sève d’un
arbre tordu. Les hobgobelins marchan-
dent les prix de leurs services et se lancent
ensuite sur la piste des objets souhaités.
Les hobgobelins n’ont jamais eu de
croyance forte dans un panthéon de
dieux, à l’exception des esprits de leurs
ancêtres. Ils ont une croyance simple dans
l’au-delà (une terre comme le monde réel,
mais sans les ennemis de leur peuple) et
d’un juge qui décide du sort de tous les
esprits. Autrefois, c’était Hiteh (Usk-Do
dans leur langue), mais depuis que les
dieux ont amorcé leur retour sur Taladas,
la position a été revendiquée par Erestem
(Mwarg). Les hobgobelins ne trouvent
nullement ce changement déroutant, car il
est évident pour eux que Mwarg a renver-
sé Usk-Do dans l’après-monde et est ainsi
devenu leur nouveau dieu.

LES KENDERS MARAKS
Dans les vallées isolées de Marak de
Mur-de-Vapeur, bien en bas des versants,
sont installées de petites communautés de
kenders. Ces kenders (un peuple assez
rare à Taladas) sont uniques sur le conti-
nent et peut-être même dans tout Krynn.
Ils ont, peut-être plus que tout autre à
Taladas, subi un changement radical dans
leur mode de vie.
Ils doivent leur nom de kenders
maraks à leur région natale. Ils ressem-
blent physiquement aux autres membres
de leur race, en peut-être légèrement plus
grands. En matière d’habillement, ils privi-
légient les gris et les noirs, couleurs qui se
fondent dans les sombres murs de pierre
des canyons qui constituent leur patrie. Le
costume typique est une chemise, un pan-
talon lourd et des mocassins à semelle
dure. Une demi-capuche, imprégnée de
cire ou de graisse, est fréquemment portée
car le temps est souvent mauvais et plu-
vieux. Bien que leurs cheveux soient
longs, ils les lient en chignons serrés et en
spirale ou en tresses qui ceignent la tête.
Leurs armes sont elles aussi très tradi-
tionnelles pour leur peuple, bien qu’elles
aient été modifiées en fonction de leurs
conditions particulières de vie. Vivant
dans les montagnes rocheuses, ils sont
experts dans l’art de lancer des pierres.
N’ayant pas les branches droites néces-
saires à la fabrication du hoopak, les
maraks utilisent le bois tordu des forêts de
Mur-de-Vapeur pour fabriquer des hoo-
pauis ou arcs à pierre. Ces armes, qui res-
semblent à une arbalète, tirent des projec-
tiles soigneusement choisis pour leur taille
et leur forme.
En plus du hoopaui, ils utilisent égale-
ment l’épée courte, l’épieu, la dague et la
hache. Peut-être à cause de leur tendance
à la kleptomanie, ils semblent disposer
d’un grand nombre d’armes magiques. La
plupart du temps, ils ne portent pas d’ar-
mure, s’appuyant sur leur capacité natu-
relle au déplacement silencieux et à se
cacher dans l’ombre. Lorsqu’ils se prépa-
rent à la guerre, leurs armures forment un
étonnant mix de pièces volées, jetées et
capturées : un casque de légionnaire de la
Ligue, le plastron d’un Thénolite, une
combinaison complète d’armure de nain
pré-Cataclysme (généreusement bourrée
de coussins pour s’adapter au kender plus
mince), le casque respiratoire d’un gnome
de Hitehkel ou encore un plastron en os
pris à un hobbobelin. Ils offrent un spec-
tacle extrêmement intéressant et amusant
lorsqu’ils sont en tenue de combat.
Cependant, c’est leur philosophie de
vie qui différencie véritablement ces ken-
ders de tous les autres. Autrefois, ils for-
maient une race insouciante et joyeuse
tout comme le reste de leur espèce. Leur
curiosité, leur humour et leur gaieté
étaient tout aussi remarquables et exaspé-
rants. Il semble qu’ils aient conservé le
sens de l’innocence et de l’enfantillage
depuis le jour où Reorx les a touchés pour
leur accorder sa bénédiction, comme ils
disent. D’autres, en particulier les nains,
s’accordent à dire que Reorx les a bien
touchés, mais a touché leur esprit et les a
rendus fous.
Les maraks vivaient dans une série de
vallées isolées et abritées. Au nord se
trouvaient les humains de l’empire d’Au-
rim. À l’est, les elfes. Ni les uns, ni les
autres ne menaçaient pas les kenders et ne
s’approchaient trop près de leurs terres
sûres. Les hobgobelins ne représentaient
qu’une menace mineure. Les kenders
croyaient qu’ils vivaient sous la meilleure
des protections dans la meilleure des
époques. Les dieux bons les aimaient
comme des enfants et les protégeaient de
tout mal. Puis vint le Cataclysme.
Le Cataclysme a déclenché chez ces
kenders joyeux et souriants des horreurs
qui dépassent tout ce dont ils pouvaient se
souvenir. Pire encore, il s’agissait d’hor-
reurs créées par les dieux eux-mêmes.
Aucun homme ne pouvait détruire toutes
leurs maisons ou faire s’effondrer les pans
de leurs vallées sur des villages entiers.
Aucun elfe ne pouvait provoquer des
pluies de cendres pendant des semaines,
empoisonnant leur eau. Aucun hobgobe-
lin ne pouvait éclairer le ciel de la lueur
des feux volcaniques, annonçant les cou-
lées de lave dévastatrices. Seuls les dieux
en étaient capables.
Soudainement, les divinités qu’ils ont
toujours connus protectrices leur tour-
naient le dos et trahissaient les fidèles
kenders. Ils n’envisagèrent jamais que leur
punition puisse être accidentelle. Pendant
un temps, ils se blâmèrent, croyant que
leur confiance innocente s’était muée en
quelque orgueil injustifié. Sans surprise ce
point de vue ne dura pas et ils en vinrent à
blâmer les dieux.
81
L’HOSK MÉRIDIONAL
Aujourd'hui, leur gaieté amicale a dis-
paru, remplacée par une sombre suspi-
cion. Bien qu’ils restent incurablement
curieux, c’est la curiosité de la peur et de
la paranoïa qui les pousse. Il ne s’agit pas
simplement d’apprendre, mais ils veulent
savoir si cela va leur nuire ou les aider.
S’ils rencontrent un étranger, ils veulent
tout savoir sur lui, qui il est et ce qu’il a
sur lui, pour voir s’il représente une quel-
conque menace ou danger. Pour cela, ils
regardent, fouillent et volent constam-
ment.
Leur compréhension de la morale,
notamment en ce qui concerne la proprié-
té, n’a pas changé. Tout ce qui n’est pas
fermement planté dans le sol leur appar-
tient s’ils le veulent. La rationalisation a
changé. Maintenant, ils prennent des
choses pour les vérifier. Pris la main dans
la poche d’un magicien, le marak dira : ‘Je
m’assure seulement que rien de ce qui s’y
trouve n’est dangereux. Bien sûr, j'ai gardé
cette baguette que j'ai trouvée là-dedans.
Après tout, vous pourriez décider de l’uti-
liser contre moi un jour ». Ils partent natu-
rellement du principe que tout et tous
sont une menace potentielle pour eux.
Leur sens de l’humour ne les a pas
non plus totalement abandonnés. Il est
cependant devenu un humour très noir.
Ils aiment toujours s’amuser, c’est-à-dire
faire des blagues et des bêtises. Leurs
cibles privilégiées sont les étrangers, en
particulier ceux qui ne sont pas des ken-
ders. À défaut, les blagues sont utilisées
comme une méthode de vengeance et de
représailles entre eux. Ils ont mis au point
un système élaboré de visage basé sur qui
a eu le dessus sur qui.
La société kender est construite autour
de la famille et de relations très soudées.
En général, tous ceux qui vivent dans une
vallée sont apparentés, leur origine re-
montant à un groupe d’ancêtres com-
muns. Le Cataclysme a renforcé ses liens
familiaux au point de les rendre fana-
tiques. Les insultes à la famille ne sont pas
tolérées et ont été la cause de plus d’un
meurtre. Des querelles de longue durée
ont été déclenchées par les commentaires
désobligeants d’un kender contre la fa-
mille d’un autre. Les réunions entre les
kenders des différentes vallées sont ten-
dues et formalisées afin d’éviter les in-
sultes accidentelles de part et d’autre.
L’HOSK MÉRIDIONAL
Les kenders vivent du travail dans
leurs petites fermes. Les bonnes terres
dans Mur-de-Vapeur se font rares. Les
champs proches des rivières nécessaires à
l’irrigation des champs sont souvent
morts, empoisonnés par ces mêmes cours
d’eau. Les champs plus éloignés sont secs
et souvent couverts de cendres. Il faut
beaucoup de labeur pour faire pousser
même de mauvaises récoltes, mais néan-
moins les kenders s’y emploient. Ces diffi-
cultés ont également contribué à leur vi-
sion amère de la vie.
Les champs sont largement dispersés
dans le fond des vallées, tandis que les
kenders se regroupent dans de petits vil-
lages pour se défendre. Les maraks ne
sont pas des bâtisseurs, aussi les villages
semblent être légèrement fortifiés avec
quelques simples murs de pierre des
champs. Cependant, suivant leur nature,
ils ont préparé des cercles de pièges sour-
nois, déstabilisants et mortels. À de nom-
breuses reprises, les hobgobelins ont lancé
des assauts sur leurs villages pour ensuite
voir leur charge se briser et s’enfuir avant
même d’atteindre les murs de pierre qui
marquent la limite du village.
En dehors des attaques de créatures
solitaires, les raids hobgobelins représen-
tent la plus grande menace pour les ken-
ders. Tirant les leçons de leurs doulou-
reuses expériences, les hobgobelins ten-
tent de s’attaquer aux travailleurs des
champs, loin des pièges mortels des vil-
lages. Cependant, ils deviennent parfois
ambitieux et assiègent un village en utili-
sant des méthodes particulières.
Des jours durant, ils se cachent dans
les collines surplombant la région et ob-
servent les mouvements des kenders pour
essayer de repérer les itinéraires d’entrée
et de sortie du village. Une fois satisfaits,
ils entrent en action. L’attaque commence
normalement de nuit, et ils se glissent
depuis les montagnes en petits groupes
pour encercler la ville. Une fois que le
cercle est bouclé, commence la délicate
tâche de sonder l’approche la plus sûre du
village. Des éclaireurs sont envoyés en
reconnaissance le long des routes. Le plus
souvent, ils ne repèrent pas tous les
pièges. Depuis leurs villages, les kenders
peuvent entendre les cris des éclaireurs
lorsqu’ils « découvrent » des pièges non
détectés et savent, au vacarme, que le
siège a commencé.
Débute alors une guerre tactique. La
nuit, les hobgobelins prospectent et pro-
gressent plus avant sur une voie sécurisée.
La journée, ils se retranchent, prêts à dé-
fendre leur récente avancée. De jour
comme de nuit, les kenders cherchent à
sortir subrepticement et à poser de nou-
velles embûches. La nuit, les hobgobelins
reprennent leurs sondages, cherchant de
nouveaux pièges et essayant de se rappro-
cher toujours plus de la communauté.
La sécurité des kenders dépend de
l’efficacité de ces défenses insidieuses. Il
est rare que leurs villages disposent
d’assez d’hommes pour résister à un as-
saut en masse hobgobelin. Une fois que
ces derniers ont dégagé une route assez
large pour lancer une charge frontale,
l’issue de la bataille est généralement ré-
glée avant même qu’elle ne commence.
82
Les kenders étant connus pour être
d’extraordinaires collectionneurs d’objets,
on présuppose qu’ils ont réussi à rassem-
bler de grands trésors. Si c’est le cas, ils ne
le montrent pas. Ils ne portent pas de
vêtements de qualité, n’arborent pas de
beaux bijoux ni ne portent pas d’armes en
acier. D’où la rumeur persistante selon
laquelle ce sont des brigands qui cachent
leurs richesses à l’abri des regards. Leurs
villages doivent certainement disposer de
caches remplies de merveilles au-delà de
l’entendement, ou du moins c’est ce que
l’on croit. Comme toutes les rumeurs,
personne ne peut dire qu’il a vu ces
choses, mais tout le monde sait de source
sûre qu’il en est ainsi. Même les kenders
en sont venus à les intégrer, pensant tou-
jours que les ceux de la vallée voisine ca-
chent secrètement quelque chose de puis-
sant.
Bien sûr, ces rumeurs ne tiennent pas
compte de ce que les kenders considèrent
comme précieux. Même les épreuves qui
ont changé leur vision du monde et de la
vie ne peuvent rien y changer. Il est vrai
qu’ils collectionnent des objets et des
armes magiques, mais seulement pour
empêcher les autres de les retourner
contre eux. Les babioles, les informations
bizarres, les parchemins illisibles et autres
objets (qui peuvent être potentiellement
dangereux) sont considérés comme de
grandes découvertes. Les trésors kenders
sont susceptibles d’être négligés par autrui
qui n’y voient qu’un ramassis de rebuts
divers.
LES FIANAWARS
Le troisième grand groupe des monts
de Mur-de-Vapeur est celui des fianawars,
une tribu de nains que l’on trouve dans les
chaînes du nord, près du Ressac. Contrai-
rement à la grande colonie de nains du
Dédain de l’Hosk septentrional, les fiana-
wars vivent à la surface ou tout au plus
juste en dessous. Ils gagnent leur vie en
extrayant des minerais des mines à ciel
ouvert et en s’occupant de fermes.
Les fianawars sont issus de la même
souche commune que tous les nains de
Krynn créés par Reorx pour leur ap-
prendre les secrets de la forge. Lorsque le
Grathanich a provoqué la dispersion du
peuple nain, les fianawars ont erré vers le
sud jusqu’aux montagnes qui jouxtaient
l’empire Aurim. Là, ils ont sculpté leurs

maisons dans les basses montagnes, les
agrandissant lentement au fur et à mesure
qu’ils creusaient les mines à la recherche
du précieux minerai de fer. En dehors des
combats occasionnels avec les hobgobe-
lins ou les créatures sorties des entrailles
de la terre, leur vie était paisible et calme.
Lorsque le Cataclysme s’est déchaîné,
il a chassé les fianawars de leur monde
souterrain. Les plateaux des montagnes se
sont inclinés et soulevés. Une lave ardente
a déferlé dans les puits de mine, éliminant
tout sur son passage. Les toits des grandes
cavernes se sont effondrées, broyant des
communautés entières. Des conduits d’aé-
ration ont déversé des fumées toxiques
dans les couloirs souterrains, asphyxiant
tous ceux qui s’y trouvaient. Les rescapés
n’eurent d’autre choix que de fuir vers la
surface.
Au début, les nains vivaient dans des
camps grossiers près des entrées de leurs
vieilles cavernes. Ils pensaient vraisembla-
blement que les choses allaient bientôt se
calmer et qu’ils pourraient rentrer chez
eux. Après quelques semaines de manifes-
tations volcaniques, des patrouilles se sont
aventurées à nouveau sous terre. Pour ne
jamais réapparaître. Les fianawars furent
contraints d’attendre encore plus long-
temps.
Au cours du siècle suivant, les nains
ont tenté à plusieurs reprises de retourner
sous terre. Quelques-unes de ces tenta-
tives se sont soldées par un désastre im-
médiat, les passages explorés étaient en-
core dangereusement volcaniques. Les
sols s’effondraient dans des fosses de lave
bouillante. Des gaz toxiques brûlants et
corrosifs jaillissaient soudainement des
fissures explosives. À d’autres moments,
les nouvelles colonies ont connu un lent
et terrible désastre. Un enfant s’éloignait,
on ne le revoyait plus. Des démons du feu
bondissaient hors des mares en flammes
pour s’emparer de victimes. En essayant
de rouvrir d’anciens puits de mine, les
mineurs mouraient dans des torrents de
lave accidentellement libérés. C’était plus
que ce que le fianawar pouvait supporter.
Chaque fois, les survivants revenaient à la
surface avec de nouvelles histoires d’hor-
reurs souterraines.
En conséquence, les fianawars ont été
contraints de faire leur vie en surface. Pire
encore, les tentatives ratées et les descrip-
tions macabres rapportées par les survi-
vants ont instillé une terreur de masse
dans la population. Après plusieurs siècles
d’échecs, ils ont pris peur du sous-sol et
ne font plus de grandes tentatives pour le
coloniser. Ils se sont résignés à vivre à la
surface.
Dans le même temps, ils sont loin
d’être satisfaits de la vie à la surface. Ils
n’aiment pas la vive lumière du soleil, le
ciel infini, les pluies froides, ni même les
fleurs d’été. Ils ont peu de talent pour
l’agriculture, bien qu’ils s’y résignent pour
survivre. Ils parviennent encore à prati-
quer les arts de la fonte et de la forge, en
creusant des mines à ciel ouvert pour at-
teindre les gisements de minerai qui af-
fleurent à la surface, mais cela ne les ré-
conforte guère.
Ils vivent dans de petits villages cons-
truits près des parois des falaises qui mar-
quent leur ancienne patrie. Leurs maisons
sont des structures trapues, solidement
construites à partir de blocs de pierre à
l’imitation des cavernes qui étaient autre-
fois leurs maisons. Les toits sont faits de
terre recouverte d’herbe et les murs ont
peu ou pas de fenêtres.
Chaque village forme un conglomérat
de maisons, d’ateliers, de greniers et
d’étables. Les fonderies crachent une
épaisse fumée tandis que les nains alimen-
tent les feux pour travailler le minerai. Les
ruisseaux sont détournés pour traverser
les villages. L’eau qui coule fait tourner les
roues qui entraînent les marteaux à per-
cussion qui battent le métal. Puis, elle
emporte les effluents et les ordures des
villageois. À l’extérieur des villes, on
trouve des monticules de cendres et de
scories, résidus des fonderies. Au-delà se
trouvent les maigres champs mal entrete-
nus des agriculteurs. Betteraves, navets,
rutabagas et autres légumes comestibles à
racines solides remplissent les rangées de
champs.
Les fianawars eux-mêmes sont un
véritable groupe austère. Pour les non-
nains, ils ressemblent à n'importe quel
autre de leur congénère, des trapus aux
jambes courtes, à la longue barbe et au
visage peu souriant. Pour les autres nains,
ils sont tout à fait spécifiques. Ils sont
légèrement plus grands et plus maigres
que les autres, mais leurs muscles sont
noueux et durs. Ils ont un teint plus clair
que la plupart, si l’on peut distinguer leur
peau sous les couches de saleté et de fu-
mée de charbon.
83
L’HOSK MÉRIDIONAL
L’hygiène n’est pas leur qualité pre-
mière. Les eaux qui descendent de Mur-de
-Vapeur étant ce qu’elles sont, les fiana-
wars se baignent rarement. Le savon est
presque inconnu. Leurs manières à table
ne sont pas non plus particulièrement
délicates. Les couteaux et les bols sont les
seuls ustensils de table. La plupart des
repas sont pris avec les doigts dans une
marmite commune. Barbes et tabliers sont
utilisés comme serviettes de table. Les
restes sont jetés par terre, pour nourrir les
animaux domestiques, généralement des
furets ou des belettes apprivoisées. Les
vêtements sont lavés en les battant dans
les ruisseaux. Les produits chimiques pré-
sents dans l’eau ne servent qu’à rendre le
tissu rigide, rugueux et les imprégner
d’une odeur de soufre.
Heureusement, la plupart de leurs
vêtements sont en cuir, épargnant aux
voyageurs la puanteur de leur tenue. Les
mâles passent la plus grande partie de leur
journée à la forge portent un lourd panta-
lon en cuir, des bottes épaisses, une che-
mise en lin et un tablier en cuir rigide. Le
tablier est pour eux plus qu’un simple
vêtement de travail. C’est aussi un signe
de position et de devoir. Aussi, le tablier
est-il porté dans presque toutes les occa-
sions. Les femmes portent de longues
robes de lin blanc, tachées de jaune-brun
par les eaux aux broderies de scènes my-
thiques. Elles sont souvent tachées et
souillées, mais la bonne épouse ou la fu-
ture mariée fait de gros efforts pour gar-
der ses vêtements impeccables.
Pour le combat, les nains ont un grand
avantage sur leurs voisins : une abondance
d’armures et d’armes en métal habilement
fabriquées. Chaque village assemble et
entretient sa propre armurerie, fournissant
un équipement complet pour chaque nain
valide. Une armurerie typique est compo-
sée d’un mélange d’harnois et de cotte de
mailles, ainsi que des épieux à sanglier à
tête de feuille et de grosses épées.
Le rang détermine généralement qui
porte quoi, bien que la valeur au combat
soit également prise en compte. L’infante-
rie lourde (noble) s’habille d’une armure
de plates élaborée, tandis que le soldat de
moindre importance porte une cotte de
mailles. Tous utilisent des boucliers, dont
la taille dépend des armes portées.
L’infanterie légère (celle qui porte une
cotte de mailles) porte des épieux et de
petits boucliers qui peuvent être attachés
au bras sans interférer avec l’arme.
L’infanterie lourde porte des épées et de
grands boucliers.

LES PÊCHERIES
ET LE NÉRON
Avant le Cataclysme, le Néron était
connu pour être une grande région sau-
vage non explorée. Aucun homme n’y
vivait. Il restait inexploré et personne ne
savait même ce qu’on pouvait y trouver.
Ses côtes n’étaient que partiellement car-
tographiées et il n’existait aucune carte des
terres intérieures. On savait qu’il y avait
des jungles et des bêtes étranges, mais au-
delà de cela, il pouvait y avoir n’importe
quoi.
Comme tous les autres territoires de
Taladas, la déflagration du Cataclysme a
anéanti le Néron. Comme toutes les
autres terres, il a subi des changements
drastiques et vu naître de nouvelles
chaînes montagneuses et volcaniques et
disparaître des terres sous les flots. La
création des Pêcheries fut le plus impor-
tant de tous ces changements. Lorsque le
canal sud de l’Indanalis s’est ouvert, les
eaux l’océan d’Accalmie se sont engouf-
frées dans les fissures de plus en plus
larges qui séparaient la plaine marécageuse
de l’Hosk méridional du Néron. Les
énormes raz-de-marée ont creusé des
chenaux, poussant de grands murs de
boue devant eux. La boue et les débris se
sont accrochés à tout ce qui pouvait les
retenir. Peu à peu, s’établirent des bar-
rages épais et les Pêcheries, un groupe
d’îles basses, autrefois partie du Néron,
virent le jour.
Les Pêcheries forment maintenant un
groupe d’îles subtropicales, à peine au-
dessus du niveau de la mer. Les rivages
sont d’épais marais de mangroves au mi-
lieu desquels s’élèvent des monticules
limoneux de terre ferme. L’eau de mer
coule et se mêle aux courants d’eau douce
de l’intérieur des terres. La plupart des îles
sont ainsi sur toute leur superficie, mé-
lange traître de terre sèche et de tourbière,
la frontière entre les deux étant vague et
évoluant au gré des pluies de la mousson.
Des orchidées tropicales, des lis et autres
fleurs brillantes remplissent les marécages
et les arbres, dissimulant des serpents
mortels et des oiseaux aux couleurs écla-
tantes.
La jungle luxuriante de ces îles offre
plus qu’un simple refuge pour les oiseaux
et les animaux exotiques. Les chenaux peu
profonds qui les traversent sont des zones
de frai fertiles pour des millions de pois-
sons. Ceux-ci fournissent la nourriture et
les moyens de subsistance des humains et
des humanoïdes qui vivent dans les îles,
car les Pêcheries ne sont pas complète-
ment désertes.
De petits villages de pêcheurs sont
disséminés dans ces îles. La plupart sont
des installations humaines, des hommes et
des femmes dont les ancêtres remontent à
des siècles avant le Cataclysme. À cette
époque, ils étaient chasseurs-nomades et
parcouraient la grande plaine du Néron.
Depuis la création des Pêcheries, ils se
sont adaptés à la vie en mer, apprenant les
arts de la construction de canoës et de la
pêche. Leur habileté a atteint un point tel
qu’ils osent s’aventurer au-delà des canaux
abrités des Pêcheries et dans les voies plus
larges de l’océan d’Accalmie lui-même.
Cependant, tous les habitants des Pê-
cheries ne sont pas des êtres humains.
D’autres habitants de la plaine du Néron
ont également été contraints de s’adapter
à la vie marine. Ainsi, parmi les chenaux
se trouvent de petites populations de
hobgobelins, de gobelins et d’elfes. Parmi
ceux-ci, les premiers ce sont adaptés le
plus remarquablement. Comme leurs voi-
sins humains, les hobgobelins sont deve-
nus d’habiles constructeurs de canoës et
de catamarans et utilisent leurs compé-
tences pour la pêche et lancer des raids.
Les tentatives gobelines ont été plus mala-
droites et timides et rendent leurs efforts
sur l’eau presque comiques. Si les elfes de
la Pêcherie ont les talents pour être des
maîtres constructeurs de bateaux, la vo-
lonté leur fait défaut. La plupart de leurs
rares villages sont focalisés sur l’intérieur
des terres, les elfes fantasques étant fasci-
nés par l’abondance riante et exotique de
la nature.
Le Néron, à l’est, n’est que jungle ver-
doyante et bêtes sauvages. Parmi les terres
vides de l’est de Taladas, c’est la plus peu-
plée ; la plupart des habitants vivent au
plus profond des jungles de la partie occi-
dentale. S’élevant rapidement depuis la
basse côte le long des Pêcheries, le cœur
du Néron se transforme en une jungle de
haute montagne accidentée. Bien qu’elles
n’atteignent jamais de grandes hauteurs
(sauf le long de la dorsale), les collines
sont escarpées, tranchantes et couvertes
d’épaisses forêts d’acajou et de teck.
Des ruisseaux au débit rapide en déva-
lent les pentes pour se jeter dans les ri-
vières qui remplissent les fonds étroits des
vallées. Ces dernières, à leur tour, bondis-
sent à travers les gorges étroites pour se
jeter dans les basses terres de l’est. Là, les
85
LES PÊCHERIES ET LE NÉRON
eaux ralentissent et stagnent dans le grand
delta des Roseaux, un marécage inhabité
et inexploré par l’homme. Ce littoral est
continuellement battu par d’énormes tem-
pêtes tropicales et des ouragans.
Et pourtant, au-delà de cette côte,
résistant aux assauts des vagues, se trouve
le peuple férocement indépendant de
Baltch. Séparés du reste du Néron lors du
Cataclysme, les Baltchiens ont survécu au
cauchemar de la Nuit de Hiteh grâce à
leurs propres compétences et ressources.
Ils ont obstinément refusé de se rendre et
ont transformé leur île en une forteresse
contre les forces de la nature. Baltch est
une île de faible altitude, à peine au-dessus
du niveau de la mer. De grandes tempêtes
ont plus d’une fois menacé de la balayer.
Ce n’est que grâce à une série de massifs
travaux d’ingénierie massifs (grandes
digues, brise-lames et canaux) que ses
habitants ont réussi à survivre.
À l’intérieur des terres, au cœur des
forêts humides du Néron, vivent les elfes
sauvages, des primitifs dangereux mais
nobles. On sait peu de choses de ce
peuple. Rares sont les voyageurs qui choi-
sissent de s’aventurer au cœur des jungles
du Néron, et ceux qui s’y risquent ne sont
pas accueillis à bras ouverts par les elfes
sauvages. Ceux-ci sont naturellement
craintifs et méfiants. Les contacts avec
eux sont donc peu fréquents et dange-
reux. La culture d’Aurim n’a jamais atteint
cette immensité et les peuples sur le point
de sortir de l’enfance et de devenir des
royaumes ont été précipités dans l’obscu-
rité par la Nuit de Hiteh. Le Néron est
revenu à la barbarie.
De plus, les voyageurs doivent affron-
ter des araignées venimeuses géantes,
d’énormes lézards, des serpents, des
hobgobelins, des ogres et le sinistre
yaggol. Ce dernier n’est qu’un mythe et un
croquemitaine utilisé par les étrangers
pour effrayer leurs enfants. Pourtant, les
elfes sauvages soutiennent avec force que
ces créatures maléfiques sont bien réelles
et les craignent et les haïssent avec la
même passion.
LES PAYANS MAKO
La plus grande île des Pêcheries est
Syldar, où vivent les Payans Mako, qui ont
édifié les villages humains les plus peuplés
des Pêcheries. Bien qu’il y ait d’autres
implantations, humaines et non humaines,
sur Syldar, les Payans Mako sont considé-
rés de facto comme les dirigeants de l’île,
LES PÊCHERIES ET LE NÉRON
bien qu’il n'y ait pas de gouvernement en
tant que tel. Ils contrôlent la répartition
des eaux de pêche, les nouvelles colonies
et même les territoires des charbonniers
dans les forêts.
Les Payans Mako forment un peuple
petit, d’une taille moyenne d’environ
1,50 m. Bien qu’ils n'aient pas de grosse
ossature, leur corps présente une géné-
reuse couche de graisse. Leur peau est
d’un bronze profond et est presque entiè-
rement glabre. La coutume et l’hygiène
font que les hommes se rasent la tête. Les
femmes portent la leur coupée de près.
Comme les Pêcheries sont une terre
tropicale, l’habillement est réduit au mini-
mum. Les hommes portent le plus sou-
vent un simple pagne d’écorce pilée et de
peau de poisson. Les femmes portent un
paréo plus large en tissu d’écorce, estam-
pillé de dessins et de motifs encrés. Les
jeunes enfants sont le plus souvent nus.
Les chaussures ou les sandales sont rare-
ment portées. Au combat, les hommes
portent des boucliers rectangulaires en
fibre de palme tissée. Comme la plupart
des combats sont le résultat de raids mari-
times, peu d’entre eux portent une autre
armure. Cependant, ceux qui souhaitent
montrer leur richesse et leur prestige peu-
vent avoir un plastron fait d’os et de co-
quillages voire une armure de métal prise
ou échangée à un explorateur ou un voya-
geur. Les épieux et les arcs courts, dont
les pointes sont faites de dents de requin
ou de coquillages aiguisés, sont utilisés
comme armes de tous les jours, mais
chaque guerrier possède également un
ensemble de précieuses armes métalliques
utilisées pour les batailles officielles et les
occasions spéciales.
Les Payans Mako vivent simplement.
Ils ont peu d’ambitions de conquête de
leurs voisins ou d’exploration au-delà de
leurs frontières connues. Cela signifie en
revanche qu’ils sont farouchement protec-
teurs de ces dernières, car tout ce qui se
trouve sur leur territoire est leur propriété.
Les villageois voisins (tout aussi défensifs
à l’égard de leurs terres) connaissent les
limites et évitent prudemment d’entrer sur
le territoire des Payans Mako.
Les étrangers qui pénètrent dans leurs
villages doivent veiller à ne pas contrarier
les villageois, de peur de déclencher une
attaque. Entrer sans prévenir, venir en
grand nombre ou porter des armes sont
autant de manières susceptibles de provo-
quer l’ire ou la contrariété des Payans
Mako. Les commerçants expérimentés
ancrent leurs bateaux juste au large et
entrent dans le lagon du village dans une
petite embarcation. Le chef envoie géné-
ralement un canoë à sa rencontre pour
s’enquérir de ses affaires. Une fois cela
fait, le bateau est accueilli dans le port.
Bien sûr, ce n’est que de la théorie. Plus
d’un capitaine a rencontré un destin fu-
neste lorsque les villageois ne se sont pas
souciés de ses manières amicales et sont
venus s’emparer de force de son petit
bateau.
Les villages payans sont typiques de
tous les villages des Pêcheries. Les mai-
sons sont regroupées sur une faible éléva-
tion de terrain, près de la plage. Chaque
maison est posée sur des pilotis de 1,5 à
1,8 m de haut. Les poteaux sont garnis de
morceaux de coquillages acérés et servent
de protection contre les hautes eaux et les
rats géants qui sortent la nuit. Les maisons
sont construites de différentes essences de
bois et les côtés et le toit sont recouverts
de palmiers. Le sol est recouvert de nattes
épaisses et un foyer est aménagée au
centre. Ce feu n’est pas utilisé pour la
cuisine, qui se fait à l’extérieur, mais pro-
duit de la lumière et une épaisse fumée
pour chasser les insectes. Parfois, il four-
nit également de la chaleur lors des rares
nuits froides. Une simple échelle à bar-
reaux permet d’y accéder. Elle est remon-
tée la nuit pour éloigner les rats, les ser-
pents et les ennemis. En plus des habita-
tions se trouvent également des greniers,
construits sur un même modèle. Ils ser-
vent à stocker le poisson et les fruits sé-
chés, car on ne récolte que très peu de
choses sur les îles.
Les Payans sont des pêcheurs qui
s’aventurent rarement très loin dans l’inté-
rieur des terres. En effet, leur principale
raison de s’y rendre est de couper un
grand arbre pour faire une pirogue. Cer-
taines embarcations mesurent jusqu’à
12 m de long et sont équipées d’un ou
deux stabilisateurs. Toutes sont capables
de dresser une simple voile de palme.
Dans ces pirogues, les hommes parcou-
rent de longues distances dans les che-
naux des Pêcheries, parfois pendant une
semaine ou plus. À leur retour, ils ramè-
nent du poisson qui sera mangé frais ou
qui sera séché et fumé pour un usage
ultérieur.
Hormis les disputes occasionnelles
avec leurs voisins, les Payans n’ont pas de
rivaux à affronter. Bien qu’ils appellent les
hobgobelins, les « hommes-démons » (et
que les gobelins volent leurs enfants), ils
ne sont pas particulièrement craintifs ou
hostiles à leur égard. En retour, les
hobgobelins se contentent de faire des
raids dans d’autres villages plus vulné-
86
rables et laissent les Payans en paix. Les
elfes des Pêcheries avec lesquels ils n’ont
absolument aucun contact ne sont connus
que par des histoires et des légendes. La
seule menace qui pèse sur les Payans,
comme sur tous les habitants des Pêche-
ries, ce sont les hommes-requins.
LES HOMMES-REQUINS
Le culte secret des hommes-requins
n’est arrivé que récemment, une trentaine
d’années tout au plus, dans le secteur des
Pêcheries. Ce groupe maléfique a réussi à
se répandre tel un cancer dans les îles des
Pêcheries, attirant des adeptes à sa sombre
cause. Menés par des prêtres investis du
pouvoir d'Erestem, les hommes-requins
cherchent à écraser et à soumettre toutes
les tribus des îles. À l’insu de tous et d’eux
en particulier, ils forment une des ramifi-
cations des efforts du Mal pour régner et
dominer Taladas.
En tant que société secrète, les
hommes-requins n’annoncent pas leur
présence dans un village tant qu’ils n'en
ont pas le contrôle total. Les membres de
la secte viennent de tous les horizons,
mais sont le plus souvent au départ des
canailles et des fainéants. Bien qu’il soit
impossible de les identifier dans la vie de
tous les jours, ils le sont facilement lors-
qu’ils revêtent les attributs de leur culte.
Chaque homme fabrique un masque et un
casque en forme de requin tueur, son
propre visage regardant à travers les ter-
ribles mâchoires du monstre. Il porte sur
ses épaules une cape en peau de requin et,
au lieu d’armes, il porte des gants sertis de
dents de requin acérées comme des ra-
soirs. Leurs victimes sont généralement
retrouvées échouées sur les rives du lagon,
sauvagement déchirées et déchiquetées
par les griffes.
Dans leur objectif de dominer les vil-
lages des Pêcheries, les hommes requins
suivent un schéma classique. Lorsque le
culte se répand dans une nouvelle zone,
ses agents, généralement des hommes
d’un village voisin, commencent à recruter
de nouveaux membres. Au début, les per-
sonnes recrutées sont les mécontents et
les canailles du village. Attirés par des
promesses de pouvoir et d’importance,
ces hommes se laissent facilement recru-
ter. Ceci fait, les récits du pouvoir, de
l’importance et de la sagesse des hommes-
requins se répandent. Un prêtre dirigeant
arrive et tient des réunions secrètes, utili-
sant ses sorts pour démontrer la puissance
miraculeuse du culte et attirer de nou-
velles recrues.

Une fois la secte établie, elle se tourne
vers les dissidents et déclenche une cam-
pagne de terreur. Les opposants choisis
sont assassinés rituellement, à la fois pour
terrifier les autres et pour mieux lier les
membres locaux à la secte. Les corps mu-
tilés sont laissés à la vue de tous, avec une
dent de requin en guise de menace sym-
bolique.
Après quelques morts, les opposants
moins virulents reçoivent des avertisse-
ments inquiétants, généralement une dent
de requin ensanglantée accrochée au mon-
tant de la porte de leur maison. Les villa-
geois sont invités à accrocher des dents
ou des mâchoires de requin sur leur toit
en signe d’allégeance ou d’en subir les
conséquences. Ceux qui refusent sont
abattus ou leurs biens sont détruits. Cela
aliène la plupart des villageois aux
hommes-requins. Enfin, lorsque la majori-
té de la population est intimidée, ils en-
trent ouvertement dans le village et dé-
fient l’autorité des anciens. Certains chefs
et anciens se soumettent volontiers, tandis
que d’autres acceptent le défi. Cela en-
traîne généralement la mort des anciens,
mais dans certains cas, les villageois (qui
se voient finalement attribuer une cible
tangible) dissipent leur peur et chassent
les adeptes du culte.
Ces méthodes leur ont permis de se
répandre assez efficacement dans la partie
méridionale des Pêcheries. Ils ont réussi à
s’implanter solidement au Syldar, défiant
ainsi l’autorité des Payans Mako. Cepen-
dant, ils y rencontrent une forte résis-
tance. Les chefs, les magiciens et les cha-
mans des Payans, qui forment un seul et
même peuple, se sont organisés pour ri-
poster. Les hommes-requins ne sont plus
des prédateurs de villages isolés et sans
soutien. Pour la première fois, ils tentent
de surmonter un réseau aussi organisé
qu’eux. La lutte secrète entre les deux
entités va certainement durer encore de
nombreuses années.
LES ELFES SAUVAGES
DU NÉRON
Les elfes sauvages de Néron sont cer-
tainement le peuple le plus isolé de Tala-
das et peut-être le plus barbare. Bien qu’ils
partagent la même appellation que les
Kagonesti d’Ansalonie, les elfes sauvages
du Néron (connus sous le nom de
Cha’asii) font passer leurs cousins pour
des gentilshommes.
Leur apparence est étonnamment
différente. C’est une petite race, d’une
87
LES PÊCHERIES ET LE NÉRON
taille moyenne de 1,4 m. Rare est l’indivi-
du qui atteint 1,5 m. Leur corps est mince
et bien proportionné pour leur taille.
Leurs cheveux vont du brun foncé au vert
foncé et leurs yeux sont d’un vert forêt
profond. Le plus remarquable est leur
peau, qui semble refléter les couleurs de la
jungle, du brun bois profond aux nuances
de vert.
Peuple sauvage vivant dans les jungles
équatoriales, les Cha’asii revêtent peu de
vêtements et le peu qu’ils portent est sem-
blable à celui de leur cousin, les Huldres.
Les hommes y sont le plus souvent nus
ou avec un simple pagne de feuilles tis-
sées, tandis que les femmes portent une
couverture de feuilles. Pendant la saison
des pluies, ils tissent de simples capes de
pluie à partir d’herbes et de feuilles de
palmier. Sous le soleil brûlant, il est ty-
pique d’improviser un chapeau simple et
rapide à partir d’une feuille de palmier.
En plus de leurs vêtements, les
Cha’asii aiment les décorations vives. Les
deux sexes confectionnent et portent des
colliers de plumes exotiques, des boucles
d’oreilles en coquillages et des ornements
de cheveux en os sculpté. Outre les armes
en acier, les rubans et les bibelots aux
couleurs vives forment les trésors pré-
LES PÊCHERIES ET LE NÉRON
cieux du Cha’asii. Ce n’est pas parce qu’ils
sont simples d’esprit. Ceux qui traitent
avec le monde extérieur sont parfaitement
conscients du pouvoir de l’argent. Ils n’en
ont juste aucune utilité.
Leurs armes sont particulièrement
adaptées à leur monde. Les jungles
épaisses rendent peu pratiques la plupart
des armes à longue portée, telles que le
formidable arc long. Ils utilisent parfois de
légers arcs courts, mais préfèrent le plus
souvent des sarbacanes soigneusement
laquées. Les armes tranchantes telles que
les épées sont également peu pratiques
pour le combat, car elles s’emmêlent trop
facilement dans les épais sous-bois. Le
lancer de javelot et le lourd épieu perfo-
rant sont les armes de prédilection pour la
guerre.
Les grands affleurements de minerai
exploitable ou de pierre dense sont rares,
de sorte que la plupart de leurs armes (et
outils) sont fabriqués à partir de bois de
fer et minutieusement sculptés, polis et
aiguisés. D’autres matériaux naturels sont
également très utilisés. Les fléchettes de
sarbacane sont fabriquées à partir des
épines de 12 cm de la vigne inya et taillées
en têtes barbelées.
Les bombes sont une autre arme favo-
rite des Cha’asii. Une bombe à gaz brut
est fabriquée en bourrant les vessies net-
toyées des singes avec certains fruits no-
cifs. On les laisse ensuite fermenter au
soleil et gonfler avec les gaz de décompo-
sition. Une fois prêtes, elles sont transpor-
tées dans des calebasses jusqu’à leur utili-
sation. Lorsqu’elle éclate, une vessie rem-
plit une zone d’une odeur nauséabonde
intolérable pour presque tout animal et est
efficace pour déjouer les créatures qui
traquent par l’odeur.
Les nids de frelons, recueillis la nuit
dans des sacs en cuir, servent à chasser les
monstres dangereux, à faire sortir les
bêtes des tanières et à semer la confusion
chez l’ennemi. Les lianes d’inya, tissées en
boules, sont portées sur des ficelles à
l’intérieur des sacs. Elles sont utilisées
comme des chausse-trappes ou sont sus-
pendues à des branches basses et dissimu-
lées par des feuilles pour servir de pièges.
Leurs armes en métal sont des trésors
précieux, plus souvent utilisés comme
outils que comme véritables armes.
Les Cha’asii sont également d’habiles
herboristes et ont les merveilles pharma-
ceutiques de la jungle au bout des doigts.
Ils peuvent préparer des pommades qui
accélèrent la guérison, des cataplasmes qui
font disparaître les inflammations et les
poisons, des poudres pour soulager les
maux de tête, des potions d’oubli et des
jus délicats pour endormir. Ils évitent
l’utilisation de poisons et l’art de leur fa-
brication est tabou. Cependant, ils n’ont
aucun scrupule à tremper leurs fléchettes
dans du suc pour endormir ou à faire du
feu pour amener des fumées maladives
(qui provoque de violentes nausées) dans
les camps de leurs ennemis.
L’herboristerie cha’asii dépasse large-
ment le simple tour mineur, bien qu’inté-
ressant, en raison de leur talent exception-
nel dans les arts de la magie de la nature.
Les Cha’asii ont maîtrisé les arcanes se-
crets de leur patrie. Beaucoup d’entre eux
sont capables de jeter des sorts magiques
et parmi eux existe une spécialisation
presque universelle dans les sorts de la
nature.
Cette spécialisation est très différente
des écoles de magie connues, celles qui
sont divisées selon les théories par écoles.
Les Cha’asii voient la magie différemment
de toutes les autres, considérant que la
source de toute énergie magique provient
soit de la nature, soit de sources non natu-
relles. À leurs yeux, les différences de
conjuration, d’abjuration et d’enchante-
ment ne sont rien d’autre que des diffé-
rences de méthodologie. Ils se concen-
trent plutôt sur la source, l’utilisation ou
les constructions de la magie et permet de
l’identifier comme naturelle ou non natu-
relle. Ils n’ont aucune utilité pour ces der-
nières, qu’ils assimilent au yaggol, et il est
donc rare que le sorcier cha’asii apprenne
88
autre chose que de la magie naturelle.
Un autre aspect de leur philosophie
des arcanes est que chaque chose est im-
prégnée d’une énergie magique cachée.
Un mage ne crée pas un objet magique en
lui insufflant de l’énergie, mais en faisant
ressortir le pouvoir caché qui s’y trouve.
Ainsi, pour créer un objet magique, le
lanceur de sort doit apprendre quel pou-
voir exploitable se trouve dans l’objet.
Plus l’objet est esthétiquement parfait,
plus la magie sera pure et puissante. C’est
peut-être là une meilleure compréhension
du processus de création magique, car les
Cha’asii sont des maîtres dans cet art.
Autour des feux, les chanteurs chantent
les vieilles légendes sur les grands magi-
ciens qui pouvaient faire ressortir la magie
d’une chose simplement en la touchant.
Quelle que soit la méthode, les
Cha’asii fabriquent de nombreux objets
magiques, pour la plupart inconnus du
monde extérieur. Un arbre de forme mer-
veilleuse, un galet naturellement veiné et
arrondi, une carapace de tortue colorée,
tout cela peut devenir des objets magiques
dans les mains des magiciens cha’asiis. La
forêt même qui entoure un village est ani-
mée par leurs créations magiques, vignes,
pierres et fleurs enchantées.
Bien sûr, une telle approche a ses li-
mites. La plus importante, du moins selon
le système de croyance cha’asii, est que le
lanceur de sort n’a aucun contrôle sur le
pouvoir caché dans l’objet. Il ne peut faire
ressortir que ce qui s’y trouve. Certains
objets peuvent avoir des propriétés relati-
vement constantes, mais les effets peu-
vent aussi être très différents entre deux
objets similaires.

Une partie de leur formation consiste
à apprendre les différentes catégories
d’objets et la magie que chacun d’entre
eux est susceptible de receler. Il doit ap-
prendre à reconnaître les différents types
de plantes, les petits signes qui différen-
cient les pierres et ainsi de suite. Dans
toute la Ligue et ailleurs, on raconte que
les grands magiciens naissent avec la ma-
gie dans les yeux. Dans les jungles de Né-
ron, on dit qu’un grand magicien naît
capable de voir la magie à travers ses yeux.
Les Cha’asii vivent en petits groupes
dans les profondeurs de la jungle. Comme
ils vivent de la chasse, les groupes sont
largement dispersés dans les vallées.
Néanmoins, ils partagent tous un senti-
ment de parenté. Dans leurs récits n’existe
aucune mention d’une famille qui en au-
rait attaqué une autre. Les habitants du
village sont membres d’une même famille
ou parfois de plusieurs. Hommes et
femmes sont considérés comme égaux.
Les tâches sont réparties entre les deux et,
à l’exception de la procréation, il n’y a
guère de différence entre les deux sexes.
Les femmes sont accueillies comme des
guerrières et des chasseuses et sont sou-
vent plus féroces que leurs homologues
masculins.
De la vie, les Cha’asii semblent se
contenter de peu. Leurs maisons sont de
simples huttes d’herbe construites sur le
sol ou dans les larges branches des arbres
qui poussent le long des ruisseaux et des
rivières. Elles sont disposées autour d’un
foyer central où l’on fait la cuisine et les
banquets. Chaque jour, une partie de leur
temps est occupée à chasser ou à entrete-
nir de petits jardins à proximité, mais ils
passent la majeure partie de la journée à
paresser dans la chaleur. Pendant ce
temps, ils travaillent sur des sculptures en
bois et réparent leur équipement.
Leurs sculptures sont des œuvres
d’art, des combinaisons de détails com-
plexes et de grains et de formes naturels.
Tout comme les objets exotiques des fo-
rêts, elles sont prisées par les quelques
commerçants qui ont découvert les
Cha’asii et se sont liés d’amitié avec eux.
En échange, les elfes reçoivent des biens
commerciaux tels que des bijoux, des
couteaux, des tissus, des pots et des sorts
magiques. Ce dernier article est très cher,
mais de nombreux commerçants ont reçu
des récompenses intéressantes pour les
sorts qu’ils leur ont fournis.
Étant donné leur apparente simplicité,
on suppose généralement qu’ils ont tou-
jours été un peuple primitif et barbare.
Certains, en découvrant les étranges
ruines qui surgissent dans la jungle, sup-
posent que les Cha’asii en étaient autrefois
les maîtres et ont régressé culturellement.
Leurs chanteurs offrent une autre réponse
dans leurs chants secrets. Grâce à eux, les
chanteurs exploitent le pouvoir de la na-
ture pour jeter des sorts et les chants sont
donc gardés secrets pour éviter la dilution
et l’affaiblissement de la grande magie
qu’ils contiennent. Ces chants suggèrent
que les Cha’asii n'ont pas régressé mais au
contraire progressé pour atteindre le stade
où ils ont choisi d’abandonner les pièges
de la civilisation pour revenir à l’harmonie
avec la nature. Il est indubitable qu’ils font
plus partie de la jungle que les simples
villageois qui essaient de vivre malgré ou
hors de la jungle.
Parfois, les commerçants s’enquièrent
des étranges ruines rencontrées dans la
région, d’énormes salles de bois ressem-
blant à des pierres. La vigne s’enroule
autour des piliers tombés, les insectes
pullulent sur les sculptures érodées, les
jeunes arbres fendent les sols, les rayons
de soleil brûlants brillent à travers les toits
effondrés. Il est clair que les Cha’asii n’en
sont pas les bâtisseurs. Lorsque le sujet est
abordé, ils secouent la tête et disent qu’ils
ne savent pas, mais leur regard contredit
leurs paroles.
En vérité, ils en savent beaucoup sur
ces ruines, car celles-ci occupent une place
importante dans leurs chants secrets. Ces
derniers racontent l’époque où les ruines
abritaient leurs lointainsancêtres. À une
certaine époque, elles faisaient partie d’un
grand empire, plus éclairé et bien plus
ancien que l’empire d’Aurim. C’était un
empire elfe depuis le tout début des
temps. Il régnait à une époque où les
hommes ne maîtrisaient pas l’écriture. En
fait, il est si ancien que même les magi-
ciens de la Ligue, connus pour leur longue
mémoire et leur curiosité pour les choses
oubliées depuis longtemps, ne connaissent
ni son nom ni son emplacement. Il n’en
reste que des vestiges, construits dans un
bois si étrange qu’il a survécu à la pierre et
a résisté à l’obscurité du Cataclysme.
Les chansons parlent aussi des
Cha’asii et de leurs devoirs en tant que
protecteurs et gardiens des demeures en
bois. Il se pourrait qu’ils aient eux-mêmes
89
LES PÊCHERIES ET LE NÉRON
créé cette responsabilité dans un réseau
complexe de tabous et d’émerveillement.
Il se pourrait aussi, comme ils le préten-
dent, que les derniers habitants de ces
vestiges les aient chargés de les protéger
jusqu’à leur retour. Quelle qu’en soit la
raison, c’est un devoir qu’ils acceptent
avec beaucoup de solennité et de respect.
De nombreux voyageurs sont tombés
sous l’emprise des trésors qu’offrent les
mystérieuses salles, mais tous se sont
heurtés aux Cha’asii. Très peu ont survécu
à cette rencontre, et ont parfois ramené
d’étranges objets magiques justifiant les
risques encourus. Des lames aux grands
pouvoirs, des manteaux magiques en par-
fait état après 2 000 ans de chaleur étouf-
fante, ou des tasses et des bols qui, une
fois remplis, offrent des aperçus terrifiants
mais réalistes d’autres mondes.
En raison de ce devoir et de la menace
que font peser les yaggols, les Cha’asii
sont un peuple hostile. Les étrangers ne
sont pas les bienvenus et gagner leur con-
fiance exige une patience et une tolérance
extraordinaires pour un humain. Au vu de
leur espérance de vie, les elfes se pressent
rarement en quoi que ce soit. Un nouveau
commerçant qui tente de les contacter
peut devoir attendre des années, pendant
lesquelles ils l’observent sans jamais s’ap-
procher. Ce n'est qu’une fois satisfaits
qu’ils établissent le contact.
Heureusement, la plupart des com-
merçants poursuivent le travail initié par
leurs pères, ce qui simplifie quelque peu
les choses. Peu de nouveaux parviennent
à faire affaire avec les Cha’asii. Même
après avoir été acceptés, les étrangers sont
toujours traités avec une extrême formali-
té. Une visite humaine de confiance dans
un camp implique qu’il y aura des danses
et un festin, mais aucune familiarité.
Ceux qui tentent d’imposer leur pré-
sence aux Cha’asii, en grand ou en petit
nombre, récoltent la mort en retour. Ils
n’aiment tout simplement pas les étran-
gers. Bien sûr, il y a des exceptions. Si un
étranger sauve la vie de l’un d’eux, il peut
être accepté par sa famille. Plus important
encore, quiconque lutte contre les yaggols
gagne leur respect.
Ces derniers sont les ennemis jurés
des Cha’asii et les deux races se battent à
leur manière depuis des siècles. Le yaggol
est une branche du flagelleur mental, un
LES PÊCHERIES ET LE NÉRON
groupe isolé qui a sombré dans une barba-
rie décadente plus sauvage que sa nature
déjà dépravée. Ils se cachent dans des
colonies souterraines et dans les zones les
plus épaisses de la forêt où la lumière du
soleil n’atteint jamais le sol.
Vêtus uniquement de pagnes faits de
peaux de leurs victimes, ils n’utilisent que
leurs formidables pouvoirs mentaux et
leurs mains griffues pour nourrir leurs
appétits détestables. Poussés par leur désir
de domination et leur mépris de toute
autre vie, les yaggols ne se contentent pas
de s’attaquer aux elfes sauvages, ils les
terrorisent et les narguent. Les corps de
leurs victimes sont grotesquement plantés
dans les arbres ou laissés flottant en aval
de leur village natal. Les victimes sont
horriblement torturées des jours durant,
leurs cris flottant au-dessus de la jungle
pour que les familles et les proches les
entendent nuit après nuit. La cruauté des
yaggols et le plaisir qu’ils en tirent sont
indescriptibles.
BALTCH
Coupés du continent depuis le Cata-
clysme, les habitants de Baltch ont été
contraints à une lutte pour la survie sans
précédent parmi toutes les terres de Tala-
das, voire de Krynn. Leurs ennemis ne
sont ni les dragons, ni les hordes de feu de
Hitehkel, ni même les forces volcaniques
de la croûte terrestre. Leur ennemi est
tenace, insensible et incontrôlable. Les
habitants de Baltch sont englués dans une
lutte sans fin contre la mer.
Peuple à l’apparence très ordinaire, les
hommes et les femmes sont de taille
moyenne et ont une légère tendance à
l’embonpoint. Leurs visages sont bronzés
et burinés par les assauts constants du
soleil et de l’iode. Les hommes portent la
barbe et la moustache et les femmes les
cheveux longs et lâches.
Les vêtements sont fabriqués à partir
du coton cultivé sur l’île et teintés de fa-
çon éclatante avec des motifs de jaune, de
rouge, d’orange et de bleu. Le paysan dans
les champs revêt un pantalon court qui
remonte facilement au-dessus du genou et
une ample veste à manches courtes. Les
femmes portent un pantalon similaire
lorsqu’elles travaillent, mais avec un che-
misier ajusté à col haut. En dehors des
champs, les deux sexes préfèrent de lé- de digues protègent les terres agricoles qui
gères robes de coton qui descendent jus- se trouvent sous le niveau de la mer.
qu’au sol. Les couvre-chefs sont le plus Tout cela nécessite un entretien cons-
souvent un foulard ou un serre-tête, bien tant. Un manque de vigilance peut s’avé-
que des chapeaux de paille aux couleurs rer fatal. Si une digue affaiblie est ignorée,
vives soient également portés. La classe des centaines de maisons peuvent être
supérieure porte plusieurs couches détruites en une seule nuit. C’est pourquoi
d’amples robes en coton teintes et impri- la population a constitué des corps de
mées de motifs contrastés. Une écharpe métier pour réparer et étendre les travaux
drapée sur les épaules identifie les fonc- de la Digue. Chaque corps est responsable
tionnaires de la bureaucratie selon leur d’une certaine zone ou d’une certaine
rang et leur fonction. tâche et est tenu pour responsable du
Lors du Cataclysme, Baltch a été sépa- succès ou de l’échec de la Digue. Être le
ré de la partie continentale de Taladas. Au commandant d’un tel corps est à la
même moment, la plaque continentale qui fois un grand honneur et une grande
supportait à la fois le delta du Roseau et responsabilité.
Baltch s’est affaissée sur une distance con- Mais des œuvres comme les Digues et
sidérable. Ce qui était autrefois une plaine les corps d’ingénieurs ne naissent pas
montagneuse s’est soudain transformée toutes seules. Il y a eu un prix à payer,
une étendue marécageuse, à peine au- peut-être plus lourd pour certains que
dessus du niveau de la mer. Aujourd’hui, pour d’autres. Les habitants de Baltch ont
Baltch et ses habitants courent le risque dû se soumettre à la règle absolue du
permanent d’être emportés par l’un des maître-ingénieur, le chef de la nation.
féroces ouragans qui balaient le sud-est. Sous sa direction, la vie à Baltch est plus
Heureusement, les Baltches ne sont contrôlée et plus réglementée que partout
pas totalement dépourvus dans cette ailleurs à Taladas. Chaque habitant de l’île
guerre. Même avant le Cataclysme, ils est un citoyen et la naissance et le décès
étaient connus pour leurs compétences en de chacun sont consignés dans le Registre
matière d’ingénierie. Ils avaient fourni de majeur. Ici, les magiciens utilisent leurs
nombreux maîtres d’œuvre qui ont érigé
les monuments d’Aurim, les grands ponts
et les routes qui reliaient les coins les plus
éloignés de l’empire. Leurs mains avaient
guidé la construction de l’ancienne capi-
tale, Amoushek la Dorée, et ses myriades
de tours et palais. Lorsque la catastrophe a
frappé et que la terre a sombré, il ne leur a
pas fallu longtemps pour qu’ils se rendent
compte de la nécessité de se protéger de la
mer.
Leur solution a été de créer la Digue,
un système de digues, de canaux, de brise-
lames et de levées. Bâtie initialement côté
mer, la Digue en est venue progressive-
ment à englober toute l’île, une infime
partie exceptée. Cette petite brèche sert à
la fois d’écoulement de drainage et repré-
sente leur plus grand port, s’ouvrant sur le
détroit entre Baltch et le delta des Ro-
seaux. La Digue ne peut pas arrêter les
tempêtes, mais grâce à une planification
minutieuse, elle atténue leur force. Les
vagues imposantes se déchirent sur les
brise-lames, perdant lentement de leur
puissance cependant que les canaux drai-
nent l’eau des terres colonisées. Des séries
90

sorts pour localiser et enregistrer toutes
les informations nécessaires pour alimen-
ter la grande bureaucratie de Baltch.
Sous la direction du maître-ingénieur,
les citoyens de Baltch se sont soumis à
une consignation exhaustive de leur vie.
En plus des naissances et des décès, cha-
cun doit se faire recenser dans la ville où il
vit, indiquer sa profession et la taille de
son ménage. Un citoyen ne peut déména-
ger ou changer d’emploi qu’en obtenant le
permis approprié. La propriété foncière
est naturellement enregistrée et les nou-
velles terres, les forêts défrichées ou les
marécages asséchés, doivent être arpen-
tées et approuvées par les ingénieurs de la
capitale. Tout citoyen est affecté à une
équipe de travail et doit œuvrer sur les
canaux pendant un nombre de jours dé-
terminé chaque année.
L’organisation du gouvernement re-
flète cette obsession de la Digue. Parmi
les bureaux les plus puissants figurent le
grand géomètre, le ministère des fouilles,
le ministère de la prévision (pour la mé-
téo), le commandant des carrières et le
commandant des digues extérieures. Il y a
aussi des postes plus normaux comme
l’amiral de la flotte, le seigneur-assesseur,
le seigneur du Trésor et l'intendant de la
Maison des maîtres.
Les ingénieurs composent la classe
dirigeante de l’île. Ces hommes sont for-
més à l’université dans diverses sciences
de l’ingénierie. Au-delà des arts de la géo-
métrie, des mathématiques, de la lecture,
de l’écriture et de l’architecture, leur for-
mation comprend également des sujets
plus inhabituels, tels que la stratégie, l’éva-
luation, le droit et la rhétorique. On at-
tend des ingénieurs qu’ils soient plus que
de simples constructeurs. Ils servent aussi
comme commandants militaires, greffiers,
juges, hérauts, collecteurs d’impôts ou
ambassadeurs. Ils occupent tous les
postes importants du gouvernement.
Les ingénieurs sont assistés dans leurs
tâches par les archivistes, assistants magi-
ciens. Ces hommes utilisent leur art pour
traiter la plupart des documents créés par
la bureaucratie et servent de conseillers
aux seigneurs du génie. Ces derniers ont
tendance à se spécialiser dans la divination
majeure tandis que ceux régulièrement sur
le terrain sont plus souvent des spécia-
listes de l’altération, un art utile à la mani-
pulation de la pierre pour un constructeur.
Les mages portent des titres tels que
grand registraire, maître des tempêtes,
commandant adjoint des digues exté-
rieures et Trouveur du caché (un maître
percepteur). Comme les ingénieurs, les
magiciens fréquentent des universités
spéciales pour maîtriser leur art. Ils y ap-
prennent à comprendre les effets des
dieux de la lune sur leurs pouvoirs et à
choisir leur spécialisation de la même
façon que les autres choisissent leur
maîtrise.
Bien que de nombreux ingénieurs
soient des soldats formés, il n’existe pas
d’armée permanente. Sur une île éloignée
des autres civilisations, ils n’ont guère eu
besoin de se prémunir contre les inva-
sions. Dans les rares cas où une armée
s’avère nécessaire, les ingénieurs forment
des groupes de travail et les arment en
tant que milice. Si les paysans sont militai-
rement mal formés, l’expérience acquise
lors de la mobilisation pour la réparation
des dégâts causés par la tempête s'ap-
plique également au rassemblement des
brigades pour les troupes. Les ingénieurs
ont peut-être des armées mal entraînées,
mais ils peuvent en réunir un grand
nombre et les rassembler en un seul en-
droit en un temps record. Cela a suffi à
dissuader ou à vaincre n’importe quel
ennemi.
En revanche, en tant que nation insu-
laire, les habitants de Baltch ont besoin
d’une marine forte. Il leur manque les
puissantes ressources de la Ligue pour
constituer une énorme flotte et ils ont
donc dû se fier à la qualité de leurs navires
et de leurs équipages. Les ingénieurs se
sont appliqués à concevoir des navires
avec la même vigueur qu’ils ont consacrée
à la conception de la Digue. Cela a permis
d’obtenir des bateaux plus robustes et
plus rapides pour leur flotte. Étant donné
que de nombreux habitants de l’île vivent
de la mer, les marins compétents ne man-
quent pas pour équiper ces navires.
Les matériaux pour construire la flotte
sont une autre affaire. Baltch n’a que peu
de forêts pour la construction navale. Au
lieu de cela, les ouvriers naviguent vers le
Néron, parfois en amont dans le delta du
Roseau et parfois autour de la côte méri-
dionale, pour couper le bois nécessaire.
Normalement, le bateau est construit sur
91
LES PÊCHERIES ET LE NÉRON
place, avec établissement d’un campement
temporaire pour les ouvriers. Certains ont
été revisités si souvent qu’ils sont devenus
presque permanents. À ce rythme, il ne
faudra pas longtemps pour que ces camps
deviennent des villages permanents, des
avant-postes d’un jeune empire baltchien.
Avec leur flotte, les ingénieurs ont
parcouru de longues distances. Quelques-
uns ont navigué jusqu’aux grandes villes
de la Ligue, mais c’est un voyage long et
périlleux. De petites escarmouches en mer
entre les navires minotaures et baltchiens
se sont même parfois produites, mais
jamais assez graves pour causer du ressen-
timent entre les deux camps.
Les routes commerciales régulières
comprennent des voyages vers les Pêche-
ries et les tribus des Îles sous-la-Pluie. De
temps en temps, les navires s’aventurent
sur les côtes sud du Thénol, un voyage
impopulaire, car les Thénolites forment
un peuple austère et sinistre. Quelques-
uns d’entre eux bravent les dangers de la
mer de la Tempête pour atteindre les
côtes du vieil Aurim. Ici, les risques de la
traversée et du commerce avec les hobgo-
belins capricieux l’emportent sur la ré-
compense pour la plupart des capitaines,
de sorte que la majorité de ces voyages
sont effectués par curiosité ou par sens de
l’aventure.
Lors des échanges commerciaux, les
flottes de Baltch remplissent leurs cales de
balles de coton et de sacs de riz cultivés à
Baltch, de bois et d’épices rares provenant
des forêts du Néron, de cuivre et de fer
provenant des montagnes des îles Sous-la-
Pluie, de soie du Thénol et d’objets exo-
tiques pillés dans les ruines du vieil Aurim.
Ils les transportent de pays en pays, cer-
tains sur leurs propres côtes et d’autres en
divers lieux. Les marins de Baltch tissent
ainsi les liens entre les deux peuples de
Taladas, ceux de l’est et de l’ouest séparés
par l'enfer enflammé de Hitehkel.

LE VIEIL AURIM
ET LES ÎLES SOUS-LA-PLUIE
Grâce au chaudron bouillonnant de
Hitehkel, Taladas est une terre divisée en
deux parties. À l’ouest, on trouve les
montagnes imposantes et les vastes
plaines d’Hosk. Bien que brisées, ces
terres regorgent encore de vie. À l’est se
trouvent les terres grises et poussiéreuses
d’Aurim, ainsi que les îles Sous-la-Pluie.
Ces contrées, prises sous les nuages
toxiques soufflés par Hitehkel, ne sont le
foyer que de quelques âmes courageuses
et robustes.
Autrefois siège d’un vaste empire, le
vieil Aurim, n'est plus désormais qu’une
étroite bande de terre déchiquetée, cou-
verte de cendres et de lave. Il fut un
temps où elle était plus grande, la plus
vaste terre de tout Taladas. Mais c’était
avant que la météorite n’arrache la plus
grande partie de la terre et ne soulève les
imposantes montagnes des plaines de
l’Aurim. En un seul instant, l’empire
d’Aurim a disparu à tout jamais.
Mais le pire était à venir pour les sur-
vivants de ce premier coup, alors que la
nuit de Hiteh s’abattait sur eux. De
sombres nuages de cendres et de gaz
s’échappèrent du Hitehkel et balayèrent
les restes de l’Aurim. D’épaisses pluies
noires tombèrent, recouvrant tout. Des
épidémies de peste, de choléra, de grippe,
de dysenterie, et d’autres encore plus
graves frappèrent les villes restantes. La
population, habituée à la guérison cléri-
cale, ne savait presque rien des besoins en
matière d’hygiène. Les morts étaient en-
tassés sur les places des villes tandis que
l’on fabriquait les cercueils. La maladie
s’est propagée à partir d’eux, intensifiant
d’autant plus la progression des épidé-
mies. Des villes entières ont été vidées.
Quelques chanceux ont eu le temps et les
moyens de fuir. La plupart sont morts
avant d’avoir réalisé le danger. Dans les
décennies qui ont suivi la Nuit de Hiteh,
les habitants d’Aurim ont décliné jusqu’à
l’extinction.
Aujourd’hui, Aurim est une terre de
poussière, d’arbres pétrifiés, de ruines et
de hobgobelins. Ces créatures omnipré-
sentes sont arrivées au fil des ans pour
réclamer ce que les humains avaient laissé
derrière eux. Au début, ils se contentaient
de piller que ce qu’ils pouvaient et de re-
partir. Avec le temps, ils ont choisi de
rester et d’étendre leur territoire.
LE VIEIL AURIM ET LES ÎLES SOUS-LA-PLUIE
Mais les hobgobelins ne sont pas seuls,
car Erestem a laissé un petit souvenir
pour les habitants de Taladas. Les hordes
de draconiens qu’elle a créées pour servir
ses armées faisaient partie intégrante de
ses plans pour conquérir l’Ansalonie, mais
elles ne sont pas nées de rien. Les mé-
thodes secrètes par lesquelles elles ont été
fabriquées ont dû être découvertes et per-
fectionnées. Le pays qu’elle a choisi pour
mener ses expériences était Aurim le Bri-
sé. Ainsi, elle a laissé derrière elle des
traces de son œuvre.
Les résultats de ses expériences se
trouvent éparpillés dans tout Aurim. Seuls
quelques-uns sont de véritables draco-
niens. La plupart sont des échecs dif-
formes ou des aberrations inadaptées. La
plupart sont morts rapidement, d’autres
étaient stériles, mais certains se sont re-
produits et ont prospéré. Ces créatures
maléfiques, qui se font appeler les traags,
sont une race de draconiens unique à Ta-
ladas. Ignorés par leurs créateurs jusqu’à
présent, leur succès sur la terre hostile
d’Aurim a une fois de plus éveillé l’intérêt
d’Erestem et de Hiteh pour leur lignée.
Aujourd’hui, hormis quelques bêtes, avec
les hobgobelins, ils sont les seuls habitants
qui restent dans le vieil Aurim.
Pourtant, la région possède quelques
merveilles. Les ruines de l’ancien empire
sont toujours majestueuses et surgissent
parfois dans les endroits les plus impro-
bables. Des hommes avides, téméraires ou
courageux se sont aventurés sur le terri-
toire des hobgobelins en espérant faire
main-basse sur des trésors de cette
époque. Un nombre suffisant a pu sur-
vivre et revenir porteur de merveilles à
même de susciter de nouvelles vocations.
Plus fabuleux encore est le fameux
Cimetière des dragons. Quelque part, peut
-être dans le Vieil Aurim, se trouve une
vallée cachée où les plus vieux des anciens
dragons se rendent pour mourir. On ra-
conte que le sol de cette vallée est com-
plètement enterré sous les os des créa-
tures mortes. Les chasseurs de fortune
pensent qu’il doit certainement y avoir
parmi ces os de fabuleux trésors : des
écailles incrustées de pierres précieuses et
autres merveilles qui remplissaient autre-
fois les gésiers des anciennes créatures.
Bien sûr, si beaucoup prétendent s’y
être rendus ou connaissent quelqu’un qui
y est allé, personne ne peut indiquer avec
précision où il se trouve ou ce qu’il recèle
exactement. Comme pour les histoires de
93
mines d’or naines perdues et de merveil-
leuses machines gnomiques gelées dans
les glaciers, la plupart de ces récits sont
plus éloquents que fondés.
Les îles Sous-la-Pluie, aux confins
septentrionaux de Taladas, sont couvertes
de sombres forêts de pins et d’affleure-
ments rocheux escarpés. Ce sont des
terres grises, généralement froides et bru-
meuses. Pendant l’été, des vents humides
soufflent de la mer de la Tempête. En
hiver, les brises froides de l’océan rencon-
trent les vents plus chauds de l’intérieur
des terres, enveloppant les îles dans une
épaisse brume. Le ciel froid de l’hiver peut
soudainement exploser en de violentes
tempêtes qui surgissent de l’océan sans
prévenir. Les rares marins qui s’aventu-
rent dans ces eaux craignent de naviguer
pendant ces périodes, car les eaux qui
entourent les îles sont parsemées de ro-
chers déchiquetés qui affleurent souvent à
la surface.
Pourtant, les îles sont habitées. Des
humains, des nains et des kenders, durs et
férocement indépendants, ont réussi à se
construire une vie ici sur les vestiges
d’Aurim. Bien que la terre semble inhospi-
talière, elle est riche en vie animale. Élans,
cerfs et ours parcourent ses forêts. La
loutre et le castor jouent dans les nom-
breux ruisseaux qui serpentent dans les
vallées rocheuses. Pommes, poires et
prunes sauvages poussent au cœur de
vergers naturels. Framboises, myrtilles et
groseilles à maquereau sucrées bordent
leurs berges. Les fraises recouvrent le sol
des vastes prairies. Pour qui est enclin à la
chasse et la cueillette, les îles Sous-la-Pluie
est un pays de cocagne.
Mais elles ne sont nullement dépour-
vues de risques. Tout comme elles offrent
de nombreux abris au gibier sauvage, elles
fournissent également une cachette à de
nombreuses créatures bien plus dange-
reuses que le puissant grizzli. Des dra-
gons, en quête de solitude face à l’ingé-
rence des hommes et des dieux, se terrent
dans des coins reculés. Les centaures sau-
vages, bien que non maléfiques, sont ré-
putés s’attaquer aux intrus. Des loups
géants assiègent les fermes isolées au cœur
de l’hiver. Des gens qui devraient être
morts, des esprits agités du vieil Aurim,
errent la nuit et s’emparent de l’imprudent
voyageur. L’homme, le nain et le kender
ont été forcés de travailler de concert
pour survivre. Un sentiment inédit de
confiance et de coopération entre les trois
races a vu le jour.
LE VIEIL AURIM ET LES ÎLES SOUS-LA-PLUIE
LES HOBGOBELINS
Bien que les draconiens traags soient
de plus en plus forts et nombreux sur les
terres d’Aurim, les hobgobelins demeu-
rent la principale puissance de cette terre
dévastée et devraient l’être pour long-
temps encore. Assoiffés de sang, impi-
toyables, vicieux, sauvages et meurtriers,
tous les mots qui ont été utilisés pour les
décrire, sont les qualités mêmes qui assu-
rent leur domination sur la région. Leur
solution à une menace ou à un problème
est de le supprimer. Ils n’épargnent pas les
innocents, ils n’attendent pas d’être atta-
qués et ils ne se rendent pas. Certes, une
forte résistance peut les défaire, mais il est
rare qu’ils soient vaincus pour longtemps.
Les hobgobelins d’Aurim n’ont pas
d’autres tenues que leur panoplie martiale.
Chaque membre d'une tribu se déplace
armé. Les adultes, hommes et femmes,
portent généralement l’épieu, le gourdin,
une épée à bords dentelés et des armes
d’hast à l’aspect vicieux. Même les enfants
sont armés de poignards et de dagues. Ils
n’hésitent pas à en faire usage, même
entre eux. L’armure remplace les vête-
ments, la plupart étant arrachés à d’an-
ciens décombres, à des cadavres ou brico-
lés sommairement. Les peaux et les cuirs
épais sont les plus courantes, souvent
mélangées à des morceaux d’armure mé-
tallique, une pièce d’épaule par-ci, un plas-
tron par là. Les armures métalliques com-
plètes sont rares et sont généralement
portées par les membres les plus puissants
de la tribu.
La puissance est le seul concept que
les hobgobelins comprennent. Ils sont
organisés en tribus, chaque tribu étant
dirigée par un chef. La taille de la tribu est
déterminée par le nombre de personnes
qu’il peut terroriser et garder sous son
contrôle. La famille ne signifie rien pour
les créatures, elles n’en ont aucune idée.
Plusieurs chefs sont à leur tour dirigés,
plus ou moins, par un grand chef. Celui-ci
est généralement le chef de la tribu la plus
nombreuse. Il maintient sa position en
opposant un chef à un autre, les poussant
à se faire la guerre chaque fois qu’il se sent
menacé. Cependant, son pouvoir est au
mieux limité. Sa tâche la plus fréquente est
de rassembler les tribus pour un raid im-
portant, soit sur les tribus d’un grand chef
voisin, soit, plus rarement, en dehors
d’Aurim.
94
Devenir chef est somme toute assez
simple : il convient de tuer tous ceux qui
s’opposent à vous et de terroriser les
autres en évitant de se faire tuer au pas-
sage. Les tribus n’ont d’autres lois que
cela. Les différends, même mineurs, se
règlent par la force. L’expérience a dé-
montré aux hobgobelins qu’il est préfé-
rable de tuer même pour la plus infime
dispute. Un ennemi en vie aura de la ran-
cune et pourrait frapper à tout moment.
« Les têtes mortes n’ont pas de pensées,
les mains mortes n’ont pas d’épée »
comme l’affirme un dicton hobgobelin.
Ce système conduit à une hiérarchie
claire, comme pour une meute d’animaux.
Le chef commande à tous ses subordon-
nés, son subordonné s’en remet à lui et
commande à ceux qui sont sous ses
ordres, etc. Dans chaque tribu, il y a un
pauvre et misérable hobgobelin terrorisé
par tous les autres. Personne n’éprouve de
sympathie pour lui, mais seulement la
satisfaction d’avoir un statut supérieur.
Les enfants, ignorés par leurs aînés, appli-
quent également ce système entre eux. Les
hobgobelins qui se donnent la peine de
réfléchir à tout cela jugent que le système
est bon car il favorise la force et élimine
les faibles. Après tout, la tribu la plus forte
sera la plus grande.

Si la férocité et les muscles sont les
moyens les plus évidents d’obtenir de la
puissance, ce ne sont pas les seuls. La
seule mesure de la puissance est la capaci-
té du chef à vaincre ses adversaires. Pour
cela, la réputation, la peur et la ruse sont
d’autres outils utiles pour gagner du pou-
voir. En général, les meilleurs chefs com-
binent sauvagerie guerrière et ruse sour-
noise. « Les ennemis qui s’entre-tuent
sont de meilleurs ennemis que ceux que
l’on doit éliminer soi-même » est un autre
dicton populaire.
En raison du degré élevé de violence
qui règne entre eux, les hobgobelins ont
une attitude bien spécifique face à la mort.
Ceux qui meurent ne sont pas vénérés, ce
sont de simples ratés. La mort n’est pas
tant redoutée (bien qu’aucun hobgobelin
normal ne souhaite mourir) que méprisée.
Avoir peur de la mort, c’est avoir peur de
celle qui prend les faibles, ce qu’aucun
hobgobelins ne se permet d’admettre.
Ainsi, les hobgobelins sont-ils impru-
dents, prenant des risques plus grands que
nécessaires et s’exposant inutilement au
danger.
Ces attitudes à l’égard du pouvoir et
de la mort créent un dualisme dans la
manière dont les hobgobelins se battent.
D’une part, la furtivité et les embuscades
LE VIEIL AURIM ET LES ÎLES SOUS-LA-PLUIE
augmentent les chances de victoire sur
leurs ennemis, la seule mesure de succès.
Ainsi, est-il bon de tendre des embuscades
à l’ennemi et de le tuer. D’autre part, la
furtivité et le secret sont l’apanage du
lâche. Le planqué a peur d’être abattu par
l’ennemi, il craint de mourir.
Pour résoudre ces attitudes contradic-
toires, les hobgobelins utilisent l’embus-
cade dans des situations où les chances
leur sont déjà favorables, et non l’inverse.
Comme ils sont susceptibles de gagner,
l’embuscade n’engendre pas une réflexion
sur leur peur de la mort, mais sur la garan-
tie de la victoire. Dans les situations où la
bataille semble plus équilibrée, les hobgo-
belins sont plus susceptibles de s’appro-
cher ouvertement et bruyamment, alertant
leurs ennemis de leur arrivée. De cette
façon, ils ne se cachent pas à cause du
risque de mort et leur victoire sur leurs
ennemis n’en sera que d’autant plus
grande.
Bien sûr, tout cela peut conduire à des
stratégies militaires absurdes. Sur le
champ de bataille, les hobgobelins sont
susceptibles de s’avancer lentement tout
en faisant beaucoup de bruit. Les tac-
tiques qui seraient utiles, telles que les
feintes, les réserves ou les attaques de
flanc, sont souvent ignorées au profit de
95
la charge frontale. Les armées hobgobe-
lines subissent ainsi plus de pertes sans se
débander que les autres car leurs membres
y sont habitués de par leurs tactiques.
Ces tendances ne sont en aucun cas
absolues. Souvent, les hobgobelins sur-
prennent leurs ennemis en recourant à des
stratagèmes inattendus de leur part. Le
plus souvent, cela se produit lorsque les
hobgobelins sont sous le commandement
d’un chef fort, qui combine l’implacabilité
et la ruse et impose à sa tribu de suivre ses
ordres.
Bien qu’Aurim soit une terre désolée
aux maigres ressources, les hobgobelins
ont réussi à s’y faire une existence. Ils sont
carnivores et mangent toute viande qu’ils
peuvent trouver. Les tribus éclairées élè-
vent des chiens afin de s’en nourrir, mais
la plupart d’entre elles dépendent de la
chasse. Le gibier est rare et fait l’objet
d'une concurrence féroce, de sorte qu’il
n’est pas rare qu’ils aient recours au canni-
balisme ou même qu’ils mangent les hu-
mains coriaces et filiformes qu’ils rencon-
trent. Ils affirment que la viande de
gnome est dure et résistante, mais qu’elle
se conserve longtemps et est savoureuse,
ce qui fait des gnomes l’une de leurs
proies les plus populaires.
LE VIEIL AURIM ET LES ÎLES SOUS-LA-PLUIE
Dans la plaine, les tribus pratiquent le
nomadisme et se déplacent d’un endroit à
l’autre. Une tribu reste dans une zone
aussi longtemps que possible : jusqu’à ce
que la chasse se raréfie, que l’eau vienne à
manquer ou qu’elle soit refoulée par ses
voisins. Ils transportent tous leurs biens
sur des traîneaux qu’ils tractent derrière
eux.
En arrivant dans un nouveau campe-
ment, ils montent des tentes de cuir gros-
sièrement tanné, disposées sans aucun
plan d’ensemble. Celle des chefs est au
centre du village, près du grand feu. Tous
les autres installent la leur dans les meil-
leurs endroits à proximité. C’est l’occasion
de nombreux combats, les plus puissants
usurpant les emplacements des plus
faibles. Les camps hobgobelins sont plus
étendus que ceux de la plupart des no-
mades, car les plus faibles sont progressi-
vement repoussés de loin en loin, jus-
qu’aux marges. L’installation effective,
chaque tente s’occupe de ses propres af-
faires. Il n’y a aucune tentative d’organisa-
tion de l’assainissement ou d’apport de
l'eau douce et la défense de la communau-
té n’est assurée que par les brimades des
chefs. En bref, ils mènent une vie assez
sordide et misérable.
Comme indiqué précédemment, les
hobgobelins n’ont aucun sens de la fa-
mille. Ils forment une espèce remarqua-
blement féconde (seule façon qui leur
assure de survivre et prospérer, étant don-
né leurs pratiques meurtrières), mais les
enfants une fois sevrés sont pratiquement
ignorés. Aucune tentative n’est faite pour
identifier les parents ou créer un lien fami-
lial. Une femme hobgobeline tuera un
enfant qu’elle a allaité aussi aisément
qu’elle tuerait n’importe quel autre. Les
enfants, à leur tour, tueront les aînés et, de
fait, il s'agit souvent d’un rite de passage.
Pour autant, la tribu n’est pas dépour-
vue d’un certain esprit de communauté.
Ils ne sont pas idiots au point de refuser
de se regrouper en cas d’attaque ou si la
coopération est nécessaire pour atteindre
un objectif quelconque, à condition que le
chef puisse le leur imposer.
Ils ont des ennemis, en particulier les
draconiens traags qui se tapissent égale-
ment en Aurim. Ces deux groupes sont à
couteaux tirés. Tandis que les hobgobelins
dominent les plaines d’Aurim, les traags
occupent d’anciennes ruines. C’est pour-
quoi les premiers s’aventurent rarement
dans les antiques cités, bien que parfaite-
ment conscients qu’on y trouve de grands
trésors, notamment des armures de métal
et des armes. Seuls les plus courageux ou
les plus fous de pouvoir s’y essaient au
risque d’être capturés par les traags qui
torturent leurs captifs pendant des jours
ou des semaines avant de les achever. En
contrepartie, tout draconien qui s’aventure
dans la plaine peut s’attendre à servir de
dîner à une joyeuse tribu de hobgobelins.
Les hobgobelins de la côte ont
quelques contacts avec des commerçants
humains et parviennent souvent à s’abste-
nir de les consommer. Pour ce faire, le
marchand se présente généralement avec
un groupe de gardes suffisamment impor-
tant pour décourager toute attaque. Néan-
moins quelques chefs sont assez sages
pour comprendre que le commerce (par
opposition au vol) les rendra plus puis-
sants que leurs voisins.
Selon les normes hobgobelines, les
marchands semblent prêts à payer un prix
élevé, calculé en étalon en armes et d’ar-
mures en métal, pour des babioles inutiles
récupérées dans les ruines. Les marchands
s’enorgueillissent de duper ces créatures
crédules, en les échangeant des épées et
des pointes de lances en bronze bon mar-
ché contre de puissants objets magiques
antiques. C’est un commerce risqué, mais
les bénéfices d’un seul voyage peuvent
rendre l’effort rentable.
Les humains qui n’ont rien à échanger
et les gnomes ne peuvent s’attendre qu’au
pire de la part des hobgobelins. Les
gnomes, quel que soit leur métier, sont
des ennemis à abattre. Si des humains
sont parfois capables de négocier pour se
sortir de situations dangereuses (surtout
s’ils peuvent se rendre utiles pour le chef),
ils ont beaucoup plus de chances de se
retrouver dans la marmite. Pour les
hobgobelins, les elfes ne sont rien d’autre
que des humains à l’allure amusante, les
nains des gnomes grands et gros, tandis
que les kenders sont maigres.
LE PEUPLE DES ÎLES
Lâchées dans le coin nord-est froid et
pluvieux au-delà de la mer de la Tempête,
les îles Sous-la-Pluie forment presque un
monde différent du reste de Taladas. Ici,
on s’attendrait à trouver des difficultés et
des souffrances comme seules offrandes
de la vie.
La terre est humide et grise. Pendant
des semaines, les rivages sont couverts de
96
brouillard. Certains jours, l’air empeste le
poison sulfureux et des cendres grises
tombent des cieux, poussées par le vent
depuis Hitehkel. Les navires se fracassent
sur les roches déchiquetées qui entourent
l’île. Des créatures hideuses rampent hors
de la mer de la Tempête pour ravager la
côte. Et pourtant, contre toute attente, les
habitants des îles sont heureux et considè-
rent que leur vie est bonne.
Il fut un temps où tout n'était que
souffrance et difficultés. Les gens qui ont
échoué ici ont combattu les éléments, les
bêtes fantastiques et se sont battus les uns
contre les autres. Hommes et nains s’af-
frontaient sous les railleries et les tour-
ments des kenders. C’était comme si une
folie, un poison dans l’air charrié depuis
Hitehkel, les infectait tous. Le massacre
aurait pu s’éterniser sans la présence d’Ae-
thelred le Trapu, un sage chef nain. Sous
sa direction, les groupes en guerre se ras-
semblèrent sous le nom de Peuple des
îles.
Le Peuple, ou Iliens comme on les
appelle aussi, est un groupe hétéroclite. Il
y a des humains capables de retracer leur
ascendance jusqu’aux nobles du vieil Au-
rim et d’autres dont les ancêtres étaient
autrefois les serviteurs. Il y a des nains des
montagnes du sud et des nains du nord.
Les anciens clans ont été anéantis. Et il y a
les kenders, dont l’origine importe peu
puisqu’ils sont tous plus exaspérants les
uns que les autres. Autrefois séparés, ces
divers groupes ont aujourd’hui accepté
leur nouvelle identité en tant que Peuple.
Une fois leurs épées rengainées, le
Peuple a découvert que les îles Sous-la-
Pluie étaient beaucoup plus fertiles et
luxuriantes qu’ils ne l’auraient jamais ima-
giné. Certes, il existait des dangers, mais
les richesses de la terre et de la mer fai-
saient plus que les compenser. Il ne leur
fallut pas longtemps pour mener une vie
confortable. Et il en va ainsi depuis lors.
Le Peuple vit dans de petits villages et
des fermes près de la côte, principalement
sur le côté est des îles, loin des vents du
Hitehkel. Leurs maisons varient selon
l’espèce. Les humains construisent des
maisons à un ou deux étages en chêne et
en pin avec des fenêtres à volets et des
toits en chaume. Greniers et granges sont
construits surélevés pour empêcher la
vermine d’y accéder. Parfois, le rez-de-
chaussée de la maison sert d’étable à la
vache ou au porc familial.

Les kenders suivent ce modèle de
construction, bien que leurs maisons
soient généralement plus petites et plus
désordonnées. Leur curiosité et leur fan-
taisie ne peuvent s’empêcher de s’expri-
mer dans leurs demeures. Ils ne cessent de
les reconstruire, les remodeler et les réor-
ganiser pour y abriter les derniers trésors
qu’ils ont trouvés.
Les maisons des nains sont les plus
caractéristiques. La nature instable de la
roche sous le sol (déchiré par des fissures
volcaniques et des mouvements de failles),
les a contraints a adapté leurs habitations
des profondeurs souterraines à une vie
plus proche de la surface. Les entrées de
leurs maisons communes sont marquées
par un portail en bois construit dans la
pente d’une colline. Parfois, l’entrée
s’ouvre sur une rue entière où tous les
gens viennent faire leurs courses et com-
mercer ; d’autres fois, les vendeurs nains
construisent leurs boutiques parmi les
villageois à l’extérieur. Au-delà du hall
d’entrée se trouvent des passages sans
fenêtres et des tunnels creusés dans la
terre. Ils sont creusés aussi profondément
que l’osent les nains, mais jamais aussi
profondément qu’ils le voudraient. De
nombreux nains se souviennent avec nos-
talgie des anciens tunnels profonds qui
s’enroulaient autour des racines des
grandes montagnes dans lesquels ils vi-
vaient. De temps en temps, des expédi-
tions s’enfoncent en quête de ces vieilles
maisons et d’étudier la possibilité de les
réoccuper. À ce jour, aucune n’est reve-
nue.
Le Peuple gagne sa vie de différentes
manières. Bien que la terre soit accidentée
et fortement boisée, certains ont réussi à
défricher des zones pour de petites ex-
ploitations agricoles et y cultivent légumes
LE VIEIL AURIM ET LES ÎLES SOUS-LA-PLUIE
et céréales. De nombreux pâturages per-
mettent aux troupeaux de vaches laitières
et de chèvres de paître. Les pêcheurs jet-
tent leurs filets autour des rochers péril-
leux de la côte pour ramener de riches
prises d’éperlans, de harengs, de morues
et d’autres poissons. Les forêts sont
pleines de pins qui poussent droit et haut
et constituent du bon bois d’œuvre. Les
trappeurs ramènent des peaux de renard,
d’écureuil, de castor et de loutre, tandis
que les celliers des chasseurs débordent de
cuissots de cervidés fumés de pots de
graisse d’ours et de lard salé de sangliers.
Les nains ont découvert d’importants
gisements de cuivre et des veines légère-
ment plus petites de fer fin, des trésors
hors de prix à leurs yeux. Les kenders,
toujours curieux et aventureux, explorent
constamment et tentent de convaincre les
marins de les emmener sur les terres du
vieil Aurim pour qu’ils puissent explorer
les ruines. Étonnamment, ils y parvien-
nent parfois et, plus étonnant encore, ils
reviennent parfois les sacs pleins de mer-
veilles et de la camelote, tout aussi inesti-
mables à leurs yeux.
Même les dieux ont conservé leur
place dans les îles. Malgré les difficultés
des premières années, le Peuple n’a jamais
complètement perdu la foi. Les anciennes
pratiques et les anciennes croyances ont
perduré. Hiteh et Erestem n’ont jamais
pris pied ici, car les Iliens les connaissent
pour ce qu’ils sont. Reorx est toujours
vénéré par les nains, qui voient sa main
dans toutes leurs créations. Même avant le
retour de Mislaxa, le Peuple avait cons-
truit des temples en son honneur. Ici, son
culte à mystères n’a jamais fleuri, car c’est
le seul endroit où ses prêtres peuvent pra-
tiquer leur art en toute sécurité. Pendant
des décennies, ses temples ont prospéré
97
ouvertement, travaillant pour aider toute
la communauté, quelle que soit son eth-
nie.
Bien sûr, tout n’est pas idyllique dans
les îles. Le climat et la terre sont encore
rudes. Les hivers sont froids et de puis-
santes tempêtes s’abattent sur la côte pen-
dant des jours sans fin. Les forêts abritent
également d’horribles monstres qui n’hési-
tent pas à s’attaquer au Peuple.
Hiteh et Erestem se sont vu refuser
une place dans le cœur de la communauté
et se sont lancés dans une horrible ven-
geance contre le Peuple. Les deux dieux
ont commencé à faire revivre les maux du
passé aux insulaires en utilisant leurs pou-
voirs nécromantiques. Ils ont invoqué les
âmes de ceux qui ont été tués dans les
guerres menées avant l’arrivée d'Aethelred
le Trapu. Ces mauvais esprits ne se sou-
viennent que de leurs anciennes haines et
cherchent à poursuivre la guerre. Ils par-
courent les sombres sentiers qui serpen-
tent à travers les forêts et les puits de
mine peu utilisés en attendant leurs vic-
times.
Lentement, les deux dieux construi-
sent une sombre armée avec laquelle ils
espèrent écraser les prêtres vulnérables et
miséricordieux de Mislaxa. Des fermes
périphériques sont déjà tombées. Parfois,
des survivants humains arrivent dans un
village, porteurs de récits de bandes de
guerriers goules nains qui cherchent à se
venger d’un tort ancien. D’autres fois, des
prospecteurs nains reviennent avec des
histoires de guerriers humains morts-
vivants qui chantent des chants de guerre
alors qu’ils marchent dans les forêts les
nuits sans lune. Les prêtres de Mislaxa
sont inquiets et prient leur déesse pour
qu’elle les guide ou leur donne un signe.

HITEHKEL
Dans les semaines qui suivirent le franchisse-
ment des grandes montagnes du nord, les guides
ont traversé une terre d’une extrême sécheresse.
Pendant ces semaines, la mission de Dominus ne
vit aucun être vivant à l’exception de serpents qui
pouvaient gonfler leur corps à une grande taille et
ainsi forcer les trous creusés par de petites créa-
tures. Lors de sa traversée que la mission atteignit
les montagnes des Tours, connues par ses habi-
tants sous le nom d’Itomyadnali, car itom est leur
mot pour le pinacle et nali mot pour la montagne.
Là, les guides annoncèrent qu’ils n’iraient pas
plus loin, car ils étaient arrivés à la porte de
l’Abysse. Ils désertèrent donc la mission qui
poursuivit sa route sans leur aide.
Déterminés à ne point faillir dans la tâche
assignée par le Grand Prêtre, Dominus et les
frères qui l’accompagnaient continuèrent leur
périple. Il ne leur fallut guère longtemps pour que
la mission prenne contact avec les habitants du
pays, un peuple de petite taille connu sous le nom
de gnomois. Sous leur escorte, les membres de la
mission furent guidés à travers la contrée.
Ce pays abrite de nombreuses et terribles
merveilles. Les montagnes sont de grands piliers
carrés habilement façonnées par le peuple gnomoi.
Ces vastes tours se dressent sur les rives d’une
grande mer de feu et de fumée. Des navires de
métal la sillonnent. D’innombrables créatures de
feu des plus hideuses s’y abrite, si terrifiantes que
le frère Jurgen fut frappé de mutisme à leur vue.
Cet endroit est certainement la porte de l’Abysse
et Dominus la baptisa Hitehkel.
Une description des terres visitées par
Dominus, prêtre de Nuran, dans la 180e
année après la Grande Destruction, par le
frère Svike de Styrlie
Appelée l’Enfer, la porte de l’Abysse,
la Mer de Feu ou la Blessure de la Terre,
mais pour la plupart des Taladans, son
nom est Hitehkel, le Royaume de Hiteh le
Marchand, dieu maléfique de la corrup-
tion et du mensonge. Dire que c’est une
terre est quelque peu exagéré, car elle res-
semble davantage à un chaudron bouillon-
nant, un bassin géant rempli de lave bouil-
lante et entouré d’une étroite bande de
montagnes imposantes.
Pourtant, même sur ce terrain terri-
fiant et inhospitalier, la vie est présente.
Au-dessus de la plaine ardente se trouvent
les grandes villes gnomes, les enfants la-
borieux et mécaniciens de Reorx. Depuis
leurs tours, ils exploitent et font fondre les
richesses du Hitehkel et produisent des
lingots d’acier exportés dans le monde
entier. Là où d’autres ne voient qu’infer-
nale destruction, les gnomois trouvent les
bénédictions de leur dieu.
D’autres habitants sinistres vivent
dans la fosse de feu elle-même. Aucun
homme, pas même un gnome inventif ou
un puissant sorcier, ne peut survivre long-
temps dans cette mer de lave, mais les
habitants des royaumes du feu la préfèrent
à tout autre endroit de Krynn. La chaleur
intense, la lave réconfortante et les fumées
sulfureuses ressemblent énormément à
leurs maisons sur le plan du Feu. Liés par
leur allégeance à Hiteh qui les a amenés
pour la première fois sur cette terre, les
êtres du feu du Hitehkel cherchent à
étendre leur royaume dans les zones mon-
tagneuses des gnomois et au-delà.
Modelé tel un gigantesque cône volca-
nique, Hitehkel se divise en trois régions
principales. La plus éloignée est constituée
par les montagnes qui forment le mur de
séparation de Hitehkel. Bien que ces mon-
tagnes ressemblent à la caldeira causée par
la grande roche qui a frappé Taladas, elle
résulte en fait d’un effondrement lié à la
tourmente bouillonnante qui a jailli du
centre de la terre. Les parois qui entourent
aujourd’hui la mer en fusion sont le résul-
tat du basculement des anciennes chaînes
de montagnes et de l’activité volcanique
qui a suivi. Ces montagnes se sont for-
mées en d’étranges colonnes hexagonales
et d’imposants pics étroits connus sous le
nom de Flèches. Parmi elles se mêlent des
volcans massifs et des bassins de geysers.
C’est ici que vivent les gnomois.
Dans l’anneau des Flèches se trouve la
deuxième région du Hitehkel, le Pays Re-
froidissant. C’est une large ceinture qui
encercle le cœur de Hitehkel. Ici, le sol se
durcit lentement, formant une surface sur
laquelle on peut peut-être marcher. Le
voyage à travers le Pays Refroidissant est
périlleux, surtout sans guide expérimenté.
Il y a de nombreux endroits où la croûte
est dangereusement fine, couvrant à peine
la terre bouillante en dessous. Parfois, des
geysers volcaniques éclatent à travers la
croûte, faisant pleuvoir des gouttelettes et
des blocs de pierre en fusion. De loin, le
99
HITEHKEL
Pays Refroidissant ressemble à une plaine
lisse, mais de plus près, il est accidenté et
brisé. La nuit, il est étrangement éclairé
par des fissures enflammées d’où la lave
en fusion s’invite à la surface. Telle une
couche de glace recouvrant un grand lac,
le Pays Refroidissant craquelle et gémit,
s’effondre et grince, tandis que le sol se
contracte et se dilate, durcissant, s’effon-
drant et se reconstruisant lentement.
Au cœur même de Hitehkel se trouve
la troisième région, la Grande Mer de
Lave. Seuls les puissants magiciens armés
de sorts de protection, les habitants de la
flamme et les vaisseaux de feu des
gnomes peuvent s’aventurer sur ses
« eaux ». C’est un chaudron de roche en
fusion, fluide comme l’eau mais plus épais
que la mélasse. Il est en constant état
d’agitation. Flottant à la surface comme
des icebergs, des blocs commencent à se
refroidir et à durcir. Des geysers de plu-
sieurs centaines de mètres de haut peu-
vent jaillir à tout moment, tout comme
des monticules de lave fraîche qui gon-
flent et déferlent. Des tourbillons peuvent
se former et atteindre une taille immense,
aspirant tout ce qui s’y trouve jusqu’au
centre de Krynn (bien que rien n’ait en-
core survécu aussi longtemps).
Dans un tel endroit, seules les créa-
tures les plus terrifiantes peuvent survivre,
et encore moins choisir d’y vivre. Terri-
fiants sont en effet les adeptes des
flammes de Hiteh. Ces créatures (issues
du plan élémentaire du Feu) nagent dans
les eaux en fusion de la Grande Mer de
Lave. Intelligents et rusés, ils sont parve-
nus à entrer dans Krynn via un portail
situé au plus profond de ce cratère volca-
nique, un point où les parois séparant le
plan du Feu de celui-ci sont fines. Pour-
tant, ils n’auraient pas pu entrer sans l’aide
de Hiteh et c’est bien sa volonté qui les y
a guidée. Reconnaissants envers leur bien-
faiteur et méprisant tous les êtres de chair,
ils le servent loyalement, bien qu’ils res-
tent obstinés et indisciplinés.
Si les adeptes des flammes se conten-
taient de rester dans leur royaume de feu,
il est peu probable que les hommes con-
testeraient leurs prétentions à le gouver-
ner. Cependant, ce n’est pas le cas pour
les gnomois. En plus de convoiter les
richesses de la terre charriées à la surface
de cette mer, les gnomes croient aussi aux
récentes légendes relatives au Grathanich
(qui datent du Cataclysme). Perdu depuis
sa disparition, divers récits ont souvent
HITEHKEL
raconté sa redécouverte à un endroit ou à
un autre. La plupart d’entre eux se sont
révélés manifestement faux, mais il arrive
parfois qu’ils contiennent une part de
vérité. Le plus récent affirme que le
Grathanich est la clé de voûte de la Tour
de la flamme, au cœur même de la mer
Ardente. Bien que diverses variantes cir-
culent, les bases du conte restent toujours
les mêmes.
Pendant la Guerre des Gnomois, alors
que les navires de feu se précipitaient au
cœur même du royaume de Hiteh et pre-
naient d’assaut la Tour de la flamme, un
soldat, parfois gnome, parfois humain,
seul survivant d’une escouade, réussissait
à atteindre une vaste salle où reposait une
pierre grise et brillante sur un piédestal.
Contraint de battre en retraite, le soldat
eut à peine le temps de raconter à X
(généralement un parent ou un ami de la
personne qui raconte l’histoire) ce qu’il
avait vu avant de succomber de ses hor-
ribles blessures. Les humains rejettent ce
récit, un énième conte au même rang que
les fables traitant des trésors perdus d’Au-
rim ou des mines de fer naines abandon-
nées. Pour les gnomois, en revanche,
la question est beaucoup plus significative.
Le Grathanich est vraisemblablement
l’artefact le plus vénéré de leur race et sa
récupération signifierait plus que tout
pour eux. C’est pourquoi ils prennent ce
récit très au sérieux. Tout au long de leur
histoire, des expéditions se sont engagées
l’une après l’autre , en quête de la vérité
sur le Grathanich. Mais aucune ne s’est
avérée plus difficile ou plus meurtrière
que celle-ci. Jusqu’à présent, aucune expé-
dition n'a atteint le centre de la mer Ar-
dente ou pénétré dans la Tour de la
flamme pour connaître la vérité.
Sur le plan écologique, Hitehkel est
une terre stérile et désolée. Il est clair que
rien de naturel et même très peu d’artifi-
ciel ne survit sur la mer Ardente ou même
sur le Pays Refroidissant. Le peu de vie
végétale et animale qui s’y trouve se con-
centre dans les montagnes des Flèches, à
peine plus hospitalières. Même ici, la plu-
part des formes de vie rencontrées sont
horribles et étranges, des aberrations dé-
formées par les fumées toxiques et les
pluies acides qui recouvrent les terres. Les
arbres et les plantes vertes luxuriantes
sont inexistants. Lichens, mousses et
champignons gonflés constituent l’essen-
tiel de la maigre flore présente. Presque
toutes les grandes plantes qui existent
sont carnivores, une adaptation nécessaire
pour compléter les maigres nutriments
qu’offre un sol appauvri.
Les bêtes sont encore plus étranges, la
plupart sont des prédateurs puisque peu
d’entre elles peuvent survivre grâce aux
plantes des montagnes. Les herbivores
sont si peu nombreux que les prédateurs
sont obligés de s’attaquer les uns aux
autres. Alors qu’un prédateur normal a
besoin de dents et de griffes solides juste
pour abattre un cerf, ceux des Flèches ont
besoin de beaucoup plus. Leurs victimes
ne sont pas des créatures sans défense,
enclines à fuir, mais des monstres aussi
féroces qu’elles.
Sur cette terre la domination des dra-
gons est sans pareille. Aucune autre créa-
ture n’est plus puissante ou plus sauvage.
Beaucoup d’othlorx ont fondé leur foyer
dans les Flèches et contrôlent de vastes
territoires. Leurs aires de chasse ne se
limitent pas au Hitehkel. Ils s’envolent
fréquemment de leur repaire, où rares
sont ceux qui les dérangent, vers les terres
du Néron et de l’Hosk. Là, ils se repais-
sent des richesses du territoire. Une fois
rassasiés, ils retournent dans leurs tanières
pour dormir et se reposer jusqu’à ce que
besoin de se nourrir à nouveau se fasse
ressentir.
LES GNOMES DES FLÈCHES
Le royaume gnome caché dans les
montagnes des Flèches du Hitehkel est
sans contexte la plus grande civilisation
technologique de Taladas voire peut-être
de Krynn. Ces gnomes, qui vivent dans
des villes sculptées dans les étranges tours
cristallines qui s’élèvent dans ces mon-
tagnes, sont des bâtisseurs à grande
échelle. Ils ne sont pas de simples travail-
leurs de la pierre ou sculpteurs sur bois.
Leur médium est l’acier et d’étranges céra-
miques coulées dans la roche en fusion du
Hitehkel lui-même. Là où d’autres ne
voient qu’une malédiction, les gnomois du
Hitehkel ont trouvé une bénédiction. Ils
ne travaillent plus dans des grottes dange-
reuses à la recherche de maigres veines de
fer. Il ne leur reste plus qu’à affiner et à
fondre la lave qui coule autour d’eux.
Les gnomes des Flèches sont divisés
en deux groupes, les gnomois et les mi-
nois. (Le terme gnome s’utilise pour dési-
gner le peuple dans son ensemble.) Les
premiers sont les chefs, les penseurs et les
maîtres artisans du royaume. Les seconds
100
sont les ouvriers, les artistes, les soldats et
les gens du peuple. Les minois sont plus
nombreux que les gnomois, mais ces der-
niers, de par leur nature, sont les meneurs
et les dirigeants du peuple.
En apparence, rien ne distingue les
deux races, même si leurs origines sont
entièrement différentes tout comme leurs
premiers ancêtres. Les gnomois sont les
« véritables » gnomes de Krynn. Reorx est
censé les avoir façonnés de ses propres
mains, ses créations ultimes. Les minois
sont une race maudite, créée par la colère
du dieu. Tous les enfants gnomes des
montagnes connaissent l’histoire de leur
création.
Selon l'histoire, Reorx, satisfait de
l’intelligence de ses créations (les gno-
mois) pensa pour lui-même : « Ce n'est
pas juste que ces enfants profitent plus de
leur intelligence que tous mes autres en-
fants dans ce monde. À chacun, je vais
offrir un peu d’art. ». Il commença donc à
enseigner aux fondateurs des nations et
aux pères des peuples ses compétences
secrètes afin qu’ils puissent prendre leur
place aux côtés des gnomois.
Il accueillit d’abord les pères des nains
et leur enseigna les arts de l’acier et de la
magie, afin qu’ils deviennent des façon-
neurs astucieux du métal trempé. Les
nains devinrent habiles dans leurs arts et
cela lui plut. Mais à mesure que leur talent
grandissait, leur fierté augmentait, jusqu’à
ce qu’ils se vantent d’être les préférés de
Reorx. Vexé par leur arrogance, le dieu
cacha les richesses de la terre profondé-
ment sous le sol et les nains furent obligés
de creuser toujours plus profondément
pour les trouver jusqu’à ce qu’ils ne puis-
sent plus apprécier la lumière de la sur-
face.
Ensuite, il réunit les pères des elfes et
leur apprit à voir les lignes délicates ca-
chées en toute chose afin qu’ils puissent
façonner la beauté là où les autres ne
voient rien. Les elfes devinrent habiles à
cet effet, façonnant des merveilles à partir
des formes cachées dans les pierres et
Reorx en fut ravi. Mais les elfes devinrent
hautains, affirmant qu’ils étaient les meil-
leurs de ses enfants et suscitèrent son
mécontentement. Alors, pour les maudire
il leur insuffla l’aversion de la pierre, afin
qu’ils ne créent plus rien de permanent et
ne façonnent plus qu’à partir du bois,
matière destinée à se décomposer et à
disparaître un jour.

Finalement, Reorx se tourna vers
l’homme, les plus nombreux de ses en-
fants. Les humains se multipliaient si rapi-
dement que déjà les pères de cette race
avaient créé et peuplé des nations. Aux
fondateurs des nations, Reorx offrit les
arts de la construction afin qu’ils puissent
bâtir de puissantes demeures et des palais
pour eux-mêmes et pour tous ses enfants.
Les humains excellaient dans cet art et
érigèrent des monuments comme on n’en
avait jamais vu.
Mais une de leurs nations était aussi
perverse que lente d’esprit. Bien qu’ils
déployèrent de gros efforts, ils n’avaient
pu construire de grandes structures du-
rables. Tout ce qu’ils construisaient était
déformé et tordu, et néanmoins ils s’émer-
veillaient de leur propre talent, se pensant
supérieurs à Reorx. Ils ne se contentèrent
pas de pervertir les arts de la construction,
mais cherchèrent également à voler les
arts de la forge et de la machinerie aux
autres peuples. Finalement, Reorx fut
incapable de supporter plus longtemps
leur arrogance et leur incompétence. Il
priva tous les humains du savoir secret de
ses arts, ne leur laissant que les souvenirs
de ce qu’ils maîtrisaient autrefois. Quant
aux membres de la nation orgueilleuse, il
les maudit pour qu’ils deviennent aussi
petits que leur étroitesse d’esprit. Ainsi
naquirent les minois. Par miséricorde il les
laissa emprunter l’apparence de ses en-
fants préférés, les gnomois, pour leur rap-
peler les périls de l'orgueil.
Aujourd’hui, gnomois et minois sont
indissociables. Tous deux forment un
peuple relativement petit et trapu (bien
qu’ils n'aient rien à voir avec les nains
fortement charpentés), mesurant entre
90 cm et 1,10 m. Bien qu’ils ne soient ni
grassouillets ni obèses, ils ont tendance à
l’embonpoint. Leur nez est épaté et parti-
culièrement long et large, leurs joues ar-
rondies, tandis que leurs yeux sont en
retrait et leur regard triste. Leurs visages
brillent d’un lustre rougeâtre. Les hommes
se rident rapidement en vieillissant, of-
frant une impression d’âge canonique et
de sagesse même aux jeunes hommes
téméraires.
Les hommes se laissent pousser la
barbe et la moustache, mais l’âge et l’oc-
cupation du gnome en déterminent la
longueur. Les jeunes, les apprentis et les
petits commis sont imberbes, tout au plus
font-ils pousser de luxuriantes roufla-
quettes. Les administrateurs et les diri-
geants qui ne sont pas impliqués dans le
travail quotidien des ateliers se laissent
pousser une longue barbe pleine, souvent
jusqu’aux genoux. Les artisans gardent la
leur courte et bien taillée (les longues
s’emmêlent trop facilement dans les en-
grenages ou sont brûlées par la chaleur
des fonderies de lave). Les guerriers se
font pousser la leur longue mais la tres-
sent ensuite, allant parfois même jusqu’à
les nouer derrière le cou. Les cheveux
sont normalement portés bien coupés
pour tous les hommes, bien que les
nobles puissent avoir des coiffures élabo-
rées et parfumées et que les patriarches
laissent normalement pousser leurs che-
veux blancs et clairsemés en signe de res-
pect de leur position.
L’apparence des femmes diffère peu
de celle des hommes. Elles sont légère-
ment plus grandes et plus rondes. Con-
trairement à leurs cousines naines, elles
sont toutes imberbes. Les chevelures sont
le plus souvent blond cendré ou vénitien.
Contrairement aux hommes, elles ne se
rident pas rapidement. Cependant, elles
sont plus susceptibles d’avoir des cheveux
gris, devenant souvent blanches avant
150 ans, à peine sorties de l’âge médian.
Les vêtements gnomes ont tendance à
privilégier l'aspect pratique, bien qu’ils
n'aient pas de prescriptions morales
contre les parures. Les couleurs préférées
des hommes sont le rouge, le bleu et le
marron, tandis que la robe des femmes
penche vers le blanc et le rouge.
La tenue de travail, la plus courante,
consiste généralement en une chemise à
101
HITEHKEL
manches longues et à poignets serrés faite
d’un tissu lourd et grossier et d’un panta-
lon épais. Ils chaussent des bottes solides
et lourdes, renforcées d’acier et on peut
souvent entendre les gnomes faire un
merveilleux tintamarre dans les couloirs
qu’ils arpentent. Selon les tâches de l’ou-
vrier, d’autres vêtements spéciaux peuvent
également être portés. Il s’agit notamment
de tabliers en cuir épais, de gants, de mi-
taines en amiante et de masques pour se
protéger des étincelles. Ceux qui travail-
lent dans les fonderies et les forges por-
tent souvent une calotte en cuir pour pro-
téger leurs cheveux et des chiffons sales
pour essuyer la sueur et la graisse.
Les nobles et les administrateurs s’ha-
billent de manière totalement différente,
autre manifestation de leur rang. La tenue
de cour standard est une robe longue qui
pend directement depuis les épaules. Le
haut est rembourré et renforcé, de sorte
que la parure est anormalement ample et
large dans sa partie supérieure. Elle est
portée sans ceinture et est parfois plissée
sur les côtés. Le tissu est brillant mais
d’une couleur unie, bien qu’un symbole
héraldique puisse dominer la poitrine et le
dos. Une étole à pompons, atteignant
presque le sol, est portée sur les épaules
pour les fonctions officielles. Elle est bro-
dée et imprimée avec les symboles de la
fonction et du rang de celui qui la porte.
Des coiffes serrées et sans bord, rappelant
la calotte du travailleur, sont parfois por-
tées, notamment à l’extérieur ou dans les
ateliers.
Les ménagères gnomes portent des
chemisiers blancs et des jupes en lin ami-
donné. Le haut se boutonne sur le devant
HITEHKEL
et est assez ample (pour s’adapter aux
couches de sous-vêtements portées). La
jupe tombe au sol. Tous deux sont ourlés
de bandes de broderie colorées réalisées
par la famille. Les représentations typiques
sont des motifs géométriques, des engre-
nages ou des animaux fantastiques. La
quantité et l’habileté de la broderie sont
un motif de fierté pour la ménagère et
presque tous les vêtements de fantaisie
montrent au moins un échantillon de son
talent.
GNOMOI ET MINOI
Bien qu’il n'y ait aucune différence
d’apparence ou de tenue entre les gno-
mois et les minois, tous les gnomes sont
parfaitement conscients de la différence
entre les deux catégories. Pour faire
simple, les minois, s’ils ne manquent rien
en termes de désir et d’ingéniosité, n’ont
pas l’esprit logique des gnomois. Pour les
constructeurs de machines complexes, les
architectes, les ingénieurs civils, les admi-
nistrateurs, les juges, les stratèges et les
tacticiens, c’est un défaut rédhibitoire.
Pour les poètes, les sculpteurs, les
peintres, les acteurs, les travailleurs jour-
naliers, les commis, les scribes et les sol-
dats, ce manque de logique est insigni-
fiant, voire un atout.
La différence entre les deux types de
gnomes se manifeste surtout dans l’ap-
proche opposée que chacun adopterait
pour construire la même machine. Les
gnomois essaient d’être directs et clairs, en
appliquant des dispositifs ingénieux pour
créer une solution viable. Un constructeur
minoi créerait le dispositif le plus détour-
né possible, d’une utilité limitée, et qui ne
fonctionnerait probablement pas, ou du
moins pas de la manière prévue par son
créateur.
Les machines gnomois ont tendance à
faire ce pour quoi elles ont été conçues, et
rien de plus. Les appareils minois ont
tendance à rebondir de manière incontrô-
lée, à lancer des jets de vapeur brûlante, à
exploser, à s’arrêter de manière impromp-
tue, à émettre des bruits perçants, à dé-
marrer lorsque le bouton d’arrêt est en-
foncé, à casser des objets, à électrocuter
et, en général, à s’autodétruire. Ce n’est
pas le genre de choses qui font avancer
une civilisation.
Dans ces conditions, il n’est guère
surprenant que les gnomois aient pris
fermement les minois sur leurs ailes et les
aient guidés de façon paternelle pendant
des éons. La coutume, basée sur des be-
soins pratiques, a établi que les gnomois
sont aux commandes. Ils font les lois et
administrent la justice, frémissant à l’idée
de ce que pourrait être une justice minoi.
Ils fixent les impôts et allouent les fonds
du trésor public. Il y a plusieurs siècles, un
conseil a stupidement permis aux minois
de s’exprimer davantage sur le finance-
ment des projets. Il en est résulté le dispo-
sitif automatique de fabrication de lits qui
permet d’arrimer les dormeurs à leurs
couchettes.
Les gnomois conçoivent et supervi-
sent tous les travaux publics, bien que les
minois s’efforcent sans cesse de faire ap-
prouver leurs projets favoris (les canaux
aériens, par exemple). Les gnomois con-
çoivent la plupart des nouvelles machines.
Les minois sont autorisés à réaliser des
conceptions originales, car les gnomois
estiment que l’envie de construire doit
être satisfaite chez tout gnome, mais seu-
lement sous une surveillance étroite. Les
tests de leurs nouveaux appareils sont
toujours effectués avec énormément de
soin. Là où l’inventeur minoi mettrait le
moteur en marche dans son laboratoire,
les gnomois insistent pour que tous les
appareils soient testés dans des chambres
spécialement affrétées, blindées et équi-
pées des hublots d’observation spéciaux.
Les minois considèrent que les gnomois
sont de timides rabat-joie qui ne goûtent
pas le plaisir d’inventer.
Bien que les gnomois dominent les
minois, ils ne sont pas sans conscience.
Les sages dirigeants d’autrefois étaient
pleinement lucides que la société pouvait
102
facilement basculer dans une relation
maître/esclave ou supérieur/inférieur, ce
qui serait mauvais pour tous les gnomes.
En même temps, ces chefs n’étaient pas
disposés à placer leur destin dans un par-
tenariat complet avec les minois, moins
avisés dans les arts valorisés par les
gnomes. Dans leurs écrits, ils ont fait va-
loir que les minois ont des idées utiles à
offrir et ne doivent pas être négligés.
À cette fin, chaque gnome reçoit une
formation dans les arts de l’ingénierie au
mieux de ses capacités. Il existe de rares
cas de véritables génies parmi les minois,
des gnomes dont la combinaison d’illo-
gisme et de désir a réussi à produire des
œuvres visionnaires. Cependant, la plupart
des minois sont loin d’y parvenir et termi-
nent leur éducation plus tôt que les gno-
mois. Même parmi ces derniers, seuls
quelques-uns sont capables de terminer
leurs études jusqu’au bout.
Fidèle à cette position, le roi des
gnomes a toujours épousé la politique du
peuple unique. Il n’y a pas de lois discri-
minant un groupe par rapport à l’autre.
En effet, il existe des peines sévères pour
les crimes motivés par des préjugés. Si un
gnome tue pour de l’argent, c’est un crime
passible d’emprisonnement. Celui qui en
tue un autre par préjugé ou par orgueil
« racial » est puni de mort. Néanmoins, il
existe des préjugés coutumiers entre les
deux groupes. Les mariages entre gno-
mois et minois sont, au mieux, peu fré-
quents. Les relations entre les deux
groupes ont tendance à être réservées,
souvent amicales, mais jamais intimes.
Curieusement, bien que les gnomois
s’interrogent en privé sur la justesse de
leur relation avec les minois, ces derniers

ne semblent pas avoir de réticence ou de
plainte concernant leur traitement par les
premiers. Ils n’ont pas d’attrait pour les
tâches de direction et d’administration. Le
métier de soldat est respectable, mais seu-
lement pour les guerriers de première
ligne. Les tacticiens et les stratèges qui
commandent aux armées sont moins res-
pectables que ceux qui sont au front. Les
inventeurs excentriques qui construisent
un dispositif par tâtonnements et erreurs
sont plus dignes de louanges que les ingé-
nieurs qualifiés qui élaborent des plans
pour que d’autres les construisent. En
bref, le minoi considère comme positives
les qualités que le gnomoi juge préjudi-
ciables. Plus que toute autre chose, c’est
cet ensemble de points de vue contrastés
qui a assuré l’harmonie entre les deux
communautés.
LES CITADELLES
L’harmonie est essentielle pour les
gnomes, car ils vivent très proches les uns
des autres. Avant le Cataclysme, ils vi-
vaient en communautés dispersées dans
les montagnes centrales de Taladas. De-
puis la grande catastrophe, les terres exté-
rieures sont devenues inhospitalières. De
nombreux terriers ont disparu dans les
années sombres de la Nuit de Hiteh, un
coup terrible porté à tout un peuple pour
lequel les terriers avaient tant d’impor-
tance.
Les gnomes ont réalisé qu’ils étaient
condamnés s’ils ne trouvaient pas une
patrie plus sûre. Ils ne pouvaient plus
vivre à la surface comme autrefois et, sous
la direction des gnomois, ils se mirent
donc à bâtir des citadelles, taillées dans les
plus solides des colonnes de pierre mas-
sive.
Au creux des sommets des Flèches, les
gnomes entreprirent le projet de sculpter
les citadelles, tout à la fois maisons, ter-
riers, villes, usines et forteresses. Bien que
leur projet ait moins de 300 ans, les
gnomes en ont déjà achevé plusieurs. Les
gnomes estiment qu’ils ont fait d’excel-
lents progrès, surtout si l’on considère
l’interruption inopportune d’une guerre
majeure avec les adeptes des flammes de
Hitehkel. Celle-ci a néanmoins permis aux
constructeurs de tester leur savoir-faire
lors du siège de la citadelle d’Aldina-
nachru. Forts de cette expérience, les
constructeurs ont apporté de nombreuses
améliorations et modifications à leurs
plans d’origine. Pourtant, aucun gnome
n’attend avec impatience le jour où la
qualité de leur travail sera mise à l’épreuve
en temps de guerre. Toutes le s
citadelles suivent un plan commun, bien
que celui-ci doive évidemment être adapté
pour tenir compte de nombreux facteurs
variables. La hauteur et la largeur de la
tour, la qualité de la pierre, le terrain envi-
ronnant et les failles et fractures cachées
dans la roche sont autant de facteurs qui
affectent l’ensemble de la construction.
Dans la mesure du possible, les construc-
teurs s’en tiennent toutefois à la concep-
tion originelle.
Les plans sont conçus par des ingé-
nieurs gnomois (pour assurer la praticabi-
lité) puis croqués par des dessinateurs
minois. Ces derniers apportent naturelle-
ment leurs propres « améliorations » au
cours de cette phase. Conscients de cela,
les gnomois vérifient tous les plans une
fois qu’ils sont établis et suppriment les
ajouts minois trop dangereux ou peu pra-
tiques à mettre en œuvre. Ils laissent le
reste, en partie en concession aux minois
mais aussi parce qu’ils disposent d’un sens
artistique plus développé. Les dessinateurs
ont tendance à se souvenir d’éléments
comme les fenêtres, les statues et les parcs
que les gnomois oublient.
Les plans arrêtés, la construction com-
mence. Comme tout travail de construc-
tion et d’invention des gnomes, celle-ci
suit un schéma similaire à celui de la réali-
sation des plans. Les gnomois supervisent,
les minois effectuent joyeusement le tra-
vail, ajoutant tous les détails supplémen-
taires qu’ils peuvent quand les gnomois ne
sont pas alentours. Le résultat peut être
une pièce inattendue consacrée au méca-
nisme d’un ouvre-porte automatique ou
un sol équipé de tuyaux de chauffage. Ces
améliorations entraînent parfois des re-
tards coûteux, mais beaucoup d’autres,
bien qu’un peu ennuyeuses pour les gno-
mois, sont laissées telles quelles, permet-
tant à chaque citadelle d’être de plus en
plus un foyer pour les minois.
La pratique courante en matière de
construction consiste à diviser la tour en
une série d’étages. Si le nombre exact va-
rie d’une tour à l’autre (en fonction de la
hauteur), le mode d’utilisation reste le
même. Au niveau le plus bas se trouvent
des entrepôts et des ateliers ou (pour les
tours adjacentes à la mer Ardente) un
chantier naval. De grandes portes à la
base de la tour permettent un accès facile
103
HITEHKEL
aux marchands et à leurs caravanes. Juste
au-dessus de ces étages se trouve un étage
plus petit rempli d’appartements et de
salles de réception. C’est là que les mar-
chands et autres étrangers sont autorisés à
séjourner pendant qu’ils font affaire avec
les gnomes. Ces pièces sont spécialement
appareillées et sculptées à taille humaine.
La plupart des passages de la citadelle, en
particulier dans les sections résidentielles,
sont sculptés à hauteur gnome, soit entre
1,20 à 1,50 m de hauteur de plafond. Les
pièces des maisons dans les mêmes pro-
portions. Dans ces zones, les hommes
doivent marcher pliés en deux. Quant à
l’aménagement de la plupart des pièces
des gnomes, il peut souvent être très exi-
gu.
Les étages principaux au-dessus de la
base sont remplis par les ateliers. Leur
taille et leur nombre exact dépendent des
spécialités de la citadelle. La plus an-
cienne, Aldinanachru, construite au bord
de la mer Ardente, est réputée pour sa
forge de lave, une industrie très lourde.
Dans ses ateliers, la lave est extraite de la
mer, purifiée et moulée en différentes
formes. Certaines de ces formes sont des
barres de métal destinées à être expédiées
et vendues ailleurs, mais souvent la lave-
métal est façonnée en inventions directe-
ment dans les ateliers d’Aldinanachru. Les
plus célèbres sont les flottes de feu, ces
étranges navires capables de naviguer à la
surface de la mer Ardente.
D’autres citadelles ont des spécialités
différentes. Plus haut dans les montagnes,
Nabrutacildiscara voit ses fondations des-
cendre profondément dans les mines de
cuivre et ses ateliers fabriquent des outils,
des tuyaux et des articles ménagers de ce
métal. Yahmetnacharu travaille le verre et
les matériaux en céramique, utilisant des
procédés secrets pour purifier la lave dur-
cissante du Pays refroidissant. Chaque
citadelle possède des ateliers qui bourdon-
nent d’activité pendant que les artisans
gnomes s’affairent.
Au-dessus des usines se trouvent les
fermes de champignons et les sections
résidentielles. Bien que les gnomes aient
de fermes sur les terres entourant les cita-
delles, ils disposent également d’installa-
tions pour cultiver de grandes quantités de
champignons à l’intérieur de la tour elle-
même. C’est l’une des leçons tirées du
terrible siège d’Aldinanachru. En plus de
cela, ils possèdent de nombreux greniers,
bien approvisionnés.
HITEHKEL
Les sections résidentielles forment la
majeure partie des niveaux centraux. Ces
niveaux sont un labyrinthe de petits pas-
sages. Les ménages sont peu nombreux,
limités à la famille proche. Les gnomes, en
particulier les aînés, sont fiers de leur in-
dépendance. Une fois marié, un gnome
homme fait de son mieux pour subvenir
aux besoins de sa famille sans aide exté-
rieure, en emménageant dans une maison
séparée et en prenant un emploi (s’il ne l’a
pas déjà fait). Les familles sont petites,
avec seulement deux ou trois enfants en
plus des parents.
Si les ménages sont petits, il est fré-
quent que des communautés entières
soient liées. Fils, pères, grands-pères,
beaux-parents, frères, sœurs, tantes,
oncles, toutes les relations possibles vi-
vent au sein d’un petit système de terriers.
Cela crée un partage commun des devoirs
en son sein. Les maisons, couloirs inclus,
font partie d’un foyer élargi. La surveil-
lance des enfants est partagée. Les compé-
tences sont mises en commun. Un mé-
nage fait du pain, un autre suspend et
fume de la viande pour les membres, tan-
dis qu’un troisième peut venir faire les
petits travaux de menuiserie. Ainsi, les
familles travaillent pour se soutenir et
subvenir à leurs besoins mutuels.
Ces petits ménages se regroupent en
petits réseaux et sont connus sous le nom
traditionnel de « krakchow » ou terriers.
Un groupe de maisons (toutes habitées
par différents membres de la famille) se
partagent une place/chambre centrale, un
puits, des bains et des toilettes. D’autres
caractéristiques peuvent être incluses,
selon les moyens du terrier : fumoirs, gre-
niers, glacières, et laveries sont autant de
possibilités.
Chaque terrier est semi-isolé de tous
les autres. De grandes avenues s’étendent
entre eux comme des rues principales.
Chaque terrier comporte généralement
des portes dans les tunnels qui la traver-
sent. Bien que certains s’appuient sur des
serrures pour se garder en sécurité, ce
n’est pas un moyen de dissuasion très
efficace dans les tours. Les gnomes à l’es-
prit mécanique font également d’excel-
lents crocheteurs de serrures et voleurs.
Le vol constitue l’un des problèmes des
citadelles. Un moyen de dissuasion plus
efficace consiste à faire jouer à l’un des
membres de la famille le rôle de gardien,
la corvée changeant généralement de se-
maine en semaine.
Selon la coutume, seuls les membres
de la famille, les amis de confiance et les
invités d’honneur sont autorisés à franchir
les portes d’un terrier. Bien entendu, la
garde du roi est autorisée à fouiller n’im-
porte lequel terrier, un peu comme s’il
s'agissait d’un véritable raid. Forcer l’en-
trée d’un terrier, c’est entrer par effrac-
tion, même si aucune maison individuelle
de ce dernier n’est fouillée.
Les contacts occasionnels, les relations
d’affaires, les achats sur le marché, les
visites et les enquêtes sont menés dans les
grandes salles communales qui se trouvent
à tous les niveaux d’habitation. On peut
les comparer aux parcs publics ou aux
tavernes des villes humaines. Ici, de vieux
patriarches sont assis sur des bancs de
pierre sous les conduits d’air de refroidis-
sement, fumant leur pipe et racontant des
histoires de guerre. Les ouvriers remon-
tent des ateliers en dessous pour déguster
une bière fraîche et reposer leurs jambes
avant de rentrer chez eux. Les jeunes se
faufilent sous les tables, jusqu’à faire des
bêtises comme attacher les moustaches
d’une barbe grise endormie à un pied de
table. Les femmes au foyer se réunissent
pour partager des nouvelles de leurs en-
fants et de leurs maris, tandis que les chefs
de famille lisent les annonces du jour col-
lées sur le pilier de la déclaration. Les
jeunes amoureux tentent d’échapper aux
regards dans les coins sombres. Les cour-
tiers en mariage s’assoient à leur table
habituelle en attendant l’approche timide
de parents anxieux. Dans les couloirs
sombres, les ivrognes tombent négligem-
ment par terre, tandis que les soldats se
vantent de leurs prouesses et de leur puis-
sance. Des voleurs et des receleurs se
rassemblent dans les coins sombres. Les
plus sinistres de tous, d’obscurs cultistes
se tapissent dans l'ombre, chuchotant les
paroles de leur dieu au cercle de dévots
qui les entoure. Les salles communes sont
le cœur de la communauté de la citadelle.
Au-dessus des niveaux résidentiels se
trouvent diverses constructions fonction-
nelles. Parmi celles-ci, on trouve les
énormes citernes d’eau qui captent et pu-
rifient les pluies du Hitehkel (bien que
l’eau conserve un goût de soufre), les ar-
mureries aux machines de destruction
bizarres, les casernes et les belvédères qui
émaillent le pourtour de toute la construc-
tion. Quelques-unes des citadelles dispo-
sent de petites flottes aériennes de pla-
neurs et de ballons (profitant des courants
104
d’air générés par la mer Ardente) et celles-
ci sont stockées dans des aires spéciales de
lancement et d’atterrissage aux niveaux les
plus élevés.
Tout au sommet se trouvent les bu-
reaux du gouvernement et de l’administra-
tion. Ces niveaux ont tendance à être pe-
tits, bien qu’Aldinanachru, étant la tour
des rois, consacre beaucoup d’espace aux
bureaux gouvernementaux. Ici, le travail
varie entre les bureaux mornes et pure-
ment fonctionnels pour les rangées de
scribes et la salle d’audience élaborée du
Haut Juge. Les lieux publics sont cons-
truits de manière à être grandioses et im-
pressionnants, avec de hauts plafonds et
de nombreuses fenêtres (une denrée rare
ailleurs dans les tours) afin d’inspirer une
crainte terrifiante à ceux qui portent leurs
affaires devant les souverains. À l’instar de
la grande tour de verre d’Aldinanachru, les
sommets des citadelles sont sculptés en
minces flèches. Ornementales, elles ser-
vent également de mât d’amarrage pour
les ballons et de poste de guet le plus éle-
vé de la citadelle.
GOUVERNEMENT ET ARMÉE
Les gnomes sont dirigés par un roi
héréditaire. Le chef actuel est Télé-
mandarklosminarus IV, également connu
sous le nom de Télémandar le Voûté.
Bien qu’il représente l’autorité suprême du
pays, il ne s’implique pas directement dans
l’administration des citadelles. Au lieu de
cela, il nomme un haut juge pour chaque
citadelle, à l’instar d’un gouverneur de
province. Il incombe aux hauts juges
d’exécuter les édits du roi et, à leur tour,
de statuer sur les griefs de ses citoyens.
Pour l’aider dans cette tâche, chacun dis-
pose de trois corps de fonctionnaires : les
juges, les contremaîtres et les capitaines.
Ces trois branches ont chacune la respon-
sabilité d’un domaine de la communauté
gnomique.
La première branche, les juges, a auto-
rité sur toute la justice au sein de la tour.
Au niveau le plus bas se trouvent les ar-
bitres. Ces fonctionnaires mineurs sont
généralement des anciens respectés des
terriers. Chaque arbitre a plusieurs terriers
sous sa juridiction. Les arbitres, utilisant la
coutume et le bon sens, essaient de régler
les petits litiges entre voisins et de mainte-
nir la paix. Le jugement d’un arbitre est
contraignant et implique généralement
une forme de négociation et de règlement.

Les cas typiques d’arbitrage sont la
nuisance sonore, l’ivresse, le fait de creu-
ser trop près du mur d’un autre terrier, les
amours illicites, le déversement d'ordures,
etc. Toutefois, si la garde doit être appe-
lée, si une partie conteste la décision de
l’arbitre ou si celui-ci le décide, l’affaire est
transmise au magistrat.
Pour chaque niveau d’habitation, il y a
un magistrat. Travaillant en coopération
avec le sergent de la garde qui est affecté
au même niveau, le magistrat supervise les
arbitres, diligente les enquêtes et entend
toutes les affaires de crime. Il statue en
outre, sur les litiges civils qui lui sont
transmis par les arbitres.
Sa juridiction est strictement régle-
mentée. Sa compétence en matière de
crime est limitée aux blessures par négli-
gence, vol, pillage et agression. Les crimes
capitaux tels que le meurtre, l’incendie
criminel, l’enlèvement et la trahison sont
jugés par des tribunaux supérieurs. Même
dans les cas qui ressortent de sa juridic-
tion, ses sentences doivent être approu-
vées par le tribunal de la citadelle. Dans la
plupart des cas, il s’agit d’une formalité,
mais la cour supérieure fait parfois office
de cour d’appel.
Dans le cadre d’une enquête, le magis-
trat a le droit d’entrer dans les terriers, de
saisir des biens, de faire comparaître des
gnomes et de mener des interrogatoires.
Les plus hauts niveaux de la justice
sont administrés par le tribunal de la cita-
delle, une cour de trois juges nommés par
le haut juge et approuvés par le Roi. Ces
derniers entendent les affaires les plus
graves de meurtre et de destruction et
rendent parfois des jugements sur les af-
faires de propriété civile les plus difficiles.
La cour de la citadelle rend également des
arrêts qui régissent la vie quotidienne du
peuple. Ses verdicts sont définitifs, il n’y a
pas d’autre cour d’appel. Le seul recours
pour ceux qui se sentent lésés par le juge-
ment est de s’adresser au haut juge ou au
roi, mais sans nulle garantie d’obtenir une
audience.
En réalité, tout le système est structuré
de sorte de décourager les recours. Les
appels ne sont pas automatiques. La partie
mécontente doit adresser une requête à la
juridiction supérieure, en indiquant les
motifs. Si la cour décide que la requête est
frivole et le jugement juste, elle rejette non
seulement l’appel mais inflige également
une amende à la partie dépositaire. On
part du postulat que la juridiction précé-
dente a agi correctement et que l’appel est
perturbateur et injustifié, sauf si des
preuves substantielles démontrent le con-
traire.
La deuxième branche du gouverne-
ment est constituée des contremaîtres.
Ces hommes ont des fonctions similaires
à celles des juges, sauf que leur pouvoir se
limite aux ateliers. Au niveau le plus bas se
trouvent les contremaîtres et au-dessus
d’eux les maîtres de science. Chaque spé-
cialité a son propre maître. Le conseil des
métiers se situe au-dessus. Chaque maître
y dispose d’un siège et il est présidé par le
grand maître, une personne désignée dans
leurs rangs.
En plus des devoirs de jugement sur
les ateliers et du droit de régler tous les
conflits du travail, le conseil a la tâche
supplémentaire de programmer la produc-
tion et d’allouer les ressources pour l’an-
105
HITEHKEL
née à venir. Il s’agit d’une décision impor-
tante pour les gnomes et d’une source
d’âpres luttes politiques. Chaque maître se
bat, manœuvre et négocie pour que son
domaine soit bien représenté, car c’est une
question de prestige (et de pouvoir) non
seulement pour lui mais aussi pour tous
les membres du corps qu’il représente.
La deuxième fonction des contre-
maîtres est l’entretien des citadelles. Ils
sont chargés d’inspecter toutes les parties
de la citadelle et de préparer des recom-
mandations pour le haut juge. En même
temps, ils procèdent à des estimations
supplémentaires pour la croissance de la
citadelle et proposent de nouvelles cons-
tructions. Des fonds sont alloués à cette
tâche (à partir des taxes perçues par le
haut juge). Parfois, des taxes spéciales
sont prélevées ou des travailleurs sont
enrôlés pour des tâches spéciales. Chaque
maître est chargé de faire rapport sur
toutes les constructions qui relèvent de sa
spécialité. Dans le cas de maîtres corrom-
pus, c’est l’occasion de surfacturer le tra-
vail, d’écrémer les fonds et de facturer des
emplois inexistants.
C’est là qu’intervient la troisième
branche du gouvernement, la garde. Tout
à la fois armée, police et enquêteurs, il est
de son devoir de servir les autres branches
du gouvernement, en leur fournissant
l’assistance de l’autorité quand ils en ont
besoin. La majeure partie du travail est
effectuée par les gardiens, le plus bas
grade de la garde.
Les gardiens sont organisés en compa-
gnies d’environ 200 guerriers. En complé-
ment, une compagnie compte un petit
nombre de spécialistes en illusionnisme et
en reconnaissance. Chacune a une dési-
gnation ou un titre spécifique et adopte
un type de tenue ou de symbole distinctif.
Au moins une d’elles est affectée à chaque
niveau d’une citadelle. S’il est rare que
plus d’une soit affectée à un niveau d’ate-
liers, les niveaux résidentiels en comptent
souvent deux ou trois qui se relaient.
Une compagnie est commandée par
un chevalier-commandant avec l’aide de
deux à quatre chevaliers ordinaires et d’un
certain nombre d’écuyers. Dans les ni-
veaux résidentiels, le chevalier-
commandant et le magistrat travaillent
ensemble pour mener les enquêtes, procé-
der aux arrestations et maintenir la paix.
Dans le même temps, le chevalier-
commandant est responsable devant le
chevalier-général, le commandant de
HITEHKEL
toutes les forces de la citadelle. Le cheva-
lier-général rend compte à son tour au
haut juge et aux chevaliers du royaume,
qui siègent au Conseil du roi.
La garde est chargée de nombreuses
tâches importantes. Sous l’autorité des
magistrats et des contremaîtres, elle agit
comme force de police. Sous la direction
du chevalier-général, elle est responsable
de la sécurité générale de la citadelle. Sous
les ordres des chevaliers du royaume, elle
patrouille dans les terres entourant les
citadelles et signale toute menace poten-
tielle pour le royaume.
Ces tâches exigent beaucoup d’énergie
et de diligence, c’est pourquoi les cheva-
liers-commandants sont choisis avec soin.
Le haut juge n’a pas son mot à dire sur la
nomination d’un chevalier-commandant.
Ils sont choisis par les chevaliers du
royaume avec l’approbation du roi. Les
chevaliers du royaume reçoivent leur
poste du roi et le gardent à vie. Ils ne sont
normalement nommés qu’à la suite d’un
exploit héroïque ou pour avoir fourni des
années de service exceptionnel et sans
faille.
Les grades inférieurs à celui de cheva-
lier-commandant sont nommés par leurs
supérieurs immédiats, sur la base d’une
combinaison de favoritisme et parfois de
compétences. Les gnomes fortunés peu-
vent acheter des charges d’écuyer, mais
celles-ci mènent normalement à des
postes obscurs jusqu’à ce que l’écuyer
prouve ses capacités. Certains ne le font
jamais et il n’est pas rare d’en trouver âgés
de 250 ans qui occupent encore le poste
qu’ils possèdent depuis des décennies.
Les armes et l’armure de la garde dé-
pendent du rang et des fonctions. Les
gardiens chargés de maintenir la paix por-
tent rarement une armure et ne portent
guère plus qu’une grande matraque en
forme de bâton, symbole de leur fonction.
Ils s’appuient sur la force de l'autorité et
de la réputation plutôt que sur les armes
ou le pur esprit martial. Les veilleurs des
postes de guet sont censés porter l’armure
de cuir, mais il n’est pas rare qu’ils la met-
tent de côté pendant les chaudes journées
d’été. Les marins de la flotte de feu préfè-
rent également les armures légères et
fraîches, bien qu’ils doivent porter des
protections spéciales pour résister aux
vapeurs toxiques.
La Compagnie des Morts
La Compagnie des Morts est la force
la plus sélective de toutes les unités
gnomes. C’est une grande compagnie de
marins, forte d’environ 1 000 hommes.
Ses membres sont facilement identifiables
grâce crâne blanc peint sur leur visage et
leur casque. Leur armure est beaucoup
plus lourde que celle des autres marins,
avec des ornements élaborés et supposés
effrayants. Ils portent un assortiment
d’armes hétéroclites, chaque homme choi-
sissant les armes qu’il préfère. La hache de
bataille et les épées dentelées sont les plus
courantes, mais on utilise également des
épées ou des haches d’hast, des dagues de
poing à deux lames et des fléaux à
pointes. Ils n’utilisent pas d’armes à pro-
jectiles et s’appuient sur d’autres unités
pour les couvrir. Il s’agit strictement d’une
unité de combat rapproché dont la tâche
est d’engager l’ennemi et de le submerger
rapidement et sauvagement.
Ce qui rend cette compagnie vraiment
singulière, c’est l’attitude des soldats. Cha-
cun, depuis le chevalier-commandant
jusqu’aux rangs inférieurs, a abandonné
tous ses biens et tous ses liens avec sa vie
passée pour devenir l’un des Morts. Lors-
qu’il rejoint la Compagnie, sa famille lui
organise normalement des funérailles
(auxquelles il peut même assister !) et par-
tage tous ses biens en héritage. À partir de
ce moment, il n’est plus reconnu par sa
famille, sa femme, ses enfants ou ses amis.
Il ne peut plus entrer dans le terrier ni
faire valoir un droit quelconque, même s’il
devait quitter la Compagnie à un moment
ultérieur. Lors de son intronisation, le
chevalier-commandant l’oint et lui donne
un nom, pour symboliser sa nouvelle nais-
sance. À compter de cet instant, la seule
chose pour laquelle le soldat doit vivre est
l’honneur et les traditions de la Compa-
gnie.
La croyance primordiale de la Compa-
gnie est simple et claire, comme le prouve
sa devise, « Les morts n’ont pas peur ».
Les gnomes de la Compagnie croient sin-
cèrement qu’étant déjà décédés, la mort
ne peut plus les terrifier. C’est pourquoi,
dans la bataille, ils se combattent avec une
fureur sauvage. En tant qu’unité, ils mé-
prisent le danger, ne sont pas affectés par
une infériorité numérique écrasante et
sont inconscients des pertes. Ils s’inspi-
rent autant que possible des créatures
décédées de la terre.
106
Leur seul but est de tuer ou de blesser
l’ennemi, quel qu’en soit le prix. Tout
homme de la Compagnie qui vacille est
abattu par ses camarades aussi rapidement
qu’ils tueraient un ennemi. Ils ne font pas
de prisonniers, à moins d’en avoir reçu
l'ordre. Ils ne battent pas en retraite, sauf
si cela est ordonné pour des raisons stra-
tégiques ou tactiques. Ils ne remettent
jamais en question leurs ordres ni ne dou-
tent de leur cause. Ils ne se désespèrent
pas et ne se découragent pas, car ce sont
les émotions des vivants. Ils ont un amour
passionné et une obéissance fanatique
pour le roi, qui les habite depuis le jour de
leur renaissance.
Comme il sied à une unité aussi ex-
traordinaire, la Compagnie des Morts a
une longue et illustre histoire. Elle a été
formée pendant les années de la Guerre
gnomoise, à l’origine comme un détache-
ment spécial pour l’assaut final de la Tour
de la Flamme. Les commandants gnomes
et humains de la flotte de feu savaient que
l’assaut serait difficile et dangereux
puisque l’endroit était le cœur du royaume
des adeptes de la flamme. Ceux qui cons-
tituaient la première vague étaient presque
certains de mourir sur place dans leur
tentative d’ouvrir un chemin pour les
vagues suivantes de l'assaut.
Conscients de cela, les commandants
n’ont pris que des volontaires pour for-
mer la première vague et seulement après
avoir clairement expliqué qu’il n’existait
aucune chance de survie. Néanmoins, des
volontaires enthousiastes se portaient
candidats. Les plus compétents furent
sélectionnés et on entreprit de les former
pour qu’ils soient encore meilleurs. Un
effort particulier a été fait pour rendre la
compagnie aussi dure et résistante que
possible. Puis ce fut l’heure des adieux
déchirants tandis que les volontaires em-
barquaient sur les premiers navires de la
grande armada pour faire voile vers la
Tour de la Flamme.
Lors de cette grande bataille (que la
Compagnie commémore chaque année),
les volontaires ont fait leurs adieux à leurs
compagnons, ont chanté leurs chants de
mort et se sont avancés. La défense était
féroce et pendant un certain temps, ils
semblaient contraints à l’échec. Ils sont
morts en nombre dépassant toute com-
préhension pour le soldat du commun. Ils
continuèrent néanmoins à se battre, ram-
pant sur les monceaux de corps de leurs
compagnons, jusqu’à finalement franchir
portes extérieures.

Leurs pertes s’élevaient à 95 %, mais
ce faisant, ils percèrent les défenses de la
tour. Leurs frères les suivirent, mais les
volontaires continuèrent à avancer, stimu-
lés par la frénésie de la bataille pour dé-
passer leurs ordres et entrer dans les cou-
loirs et les chambres de la tour elle-même.
Là, ils se trouvèrent séparés en petits
groupes tandis qu’ils parcouraient la struc-
ture. Beaucoup d’autres moururent, em-
busqués ou débordés, mais aucun ne se
rendit. Ce n’est que lorsqu’ils reçurent
l’ordre de se replier qu’ils finirent par se
retirer, laissant derrière eux un charnier de
sang et de destruction.
Au final, seul 1 gnome sur 100 de la
compagnie a survécu pour rentrer chez
lui. Bien que salués comme des héros, ces
soldats si déterminés à mourir pour leur
peuple, étaient déprimés et découragés. Ils
ne pouvaient pas retourner dans leurs
foyers, se sentant marqués par la honte.
C’est donc par une pétition spéciale adres-
sée au roi que les survivants furent autori-
sés à former le noyau initial de la Compa-
gnie des Morts.
Jusqu’à ce jour, la Compagnie a cher-
ché à maintenir les mêmes idéaux, les
mêmes normes, le même fanatisme qui
ont poussé ces volontaires à la Tour de la
Flamme. Plusieurs officiers de haut rang
ont combattu dans cette bataille et dans
celles qui ont suivi. Bien qu’ils ne les aient
pas toujours toutes gagnées, ils sont fiers
de n’avoir jamais été battus. Ils ont pu ne
pas atteindre leur objectif parce que l’en-
nemi était trop nombreux, mais ils n’ont
jamais fui un combat. Bien que les adeptes
de la flamme restent leur plus grand enne-
mi, la Compagnie a combattu dans
d’autres campagnes contre d’autres enne-
mis, à tel point que leur réputation est
redoutée même par ceux qui ne les ont
jamais rencontrés.
Contrairement à tous les autres com-
mandements, la Compagnie des Morts est
sous le contrôle exclusif du roi, bien
qu’elle n’exerce pas de fonction de garde
du corps. Seul lui peut décider quand et
où engager la Compagnie, généralement
en l’affectant en tout ou en partie à un
commandant de campagne. Les généraux
sont chargés de donner des instructions
précises concernant son utilisation : ne
pas la gaspiller de manière frivole, ni la
retenir en cas de besoin. Bien qu’il soit
subordonné au commandant en exercice,
le chevalier-commandant conserve le droit
HITEHKEL
de porter les griefs de ses hommes direc-
tement devant le roi. Il est heureux pour
les commandants de l’armée que ces griefs
concernent le plus souvent l’inaction de la
compagnie plutôt qu’une campagne ou
des pertes excessives !
LES PRÊTRES GNOMES
Les gnomes, bien qu’adeptes de l’art
des illusions, n’ont jamais été véritable-
ment attirés par la magie profane ou cléri-
cale. Aussi, lorsque les dieux ont quitté
Krynn lors du Cataclysme, ils ont finale-
ment constaté que cela ne faisait guère de
différence dans leur vie. Isolés des autres,
ils ont été épargnés par les pires des fléaux
qui ont balayé la terre. La rugosité du ter-
rain qui les séparait des autres peuplades
fut un facteur déterminant. Il est vrai que
la maladie a tué des gens qui auraient pu
auparavant être sauvés. Les maladies, les
blessures et les traumatismes devaient
désormais se guérir naturellement mais,
étant donné l’espérance de vie moyenne
du gnome, cela ne représentait qu’un in-
convénient mineur. Ainsi, le peuple ne privés de leurs pouvoirs, ils ont continué à
s’est-il pas détourné des dieux, et notam- vivre leur foi, redoublant de persévérance
ment de leur dieu Reorx, en grand dans l’espoir qu’un jour ils feraient partie
nombre comme cela se produisait dans des élus qui accéderaient à son royaume.
d’autres pays. Au fil des ans, les principes de la foi et de
En réalité, une fois le chaos du Cata- la hiérarchie se sont modifiés. Alors
clysme apaisé et les premières citadelles
qu’auparavant, on exaltait ceux qui avaient
établies, les gnomes ont découvert que un pouvoir sacerdotal exceptionnel, au-
Reorx ne les avait pas du tout abandon- jourd’hui, les plus grands prêtres sont
nés. Il est vrai qu’il avait repris les plus aussi parmi les constructeurs et les con-
grands des prêtres gnomes, mais c’était en cepteurs gnomes les plus inventifs. Après
réalité une manifestation de son grand tout, Reorx a fait don au peuple d’un mé-
amour pour ses enfants, puisqu’il avait tal facilement disponible, il est donc nor-
emmené les plus nobles et les plus fidèles mal que les prêtres excellent dans son
de ses disciples vers une récompense bien utilisation.
méritée. Cela ne fit qu’inciter les autres à Comme dans la plupart des religions,
une dévotion plus grande encore dans les prêtres du Reorx arborent une tenue
l’espoir qu’ils seraient eux aussi appelés un distinctive. La plupart de leurs vêtements
jour. Il avait retiré également le don de sont d’apparence commune : chemise,
sorts qu’il avait offert à ses prêtres, mais il pantalon et bottes d’ouvrier. Cependant,
l’avait remplacé par le don plus important chaque prêtre porte un tablier et une mitre
de la lave, qu’il a étendu à tous. Il y eut imposante en signe de sa position.
une période d’épreuves et de difficultés, Le tablier, sur le modèle de ceux por-
mais en globalement, les gnomes considè- tés dans les fonderies, est une pièce de
rent que leur vie est meilleure maintenant cuir épais, durcie comme une armure de
qu’elle ne l’avait jamais été auparavant. cuir et sur laquelle est gravé le symbole de
Ainsi, pour eux, le Cataclysme est-il con- leur foi, un marteau qui s’élève d’un crois-
nu comme le temps du Don de Reorx. sant de lune. Les prêtres de rang supérieur
Comme le peuple ne s’est pas décou- ont des tabliers plus élaborés, des bords
ragé, les prêtres et prêtresse de Reorx dorés, des outils et des motifs peints qui
n’ont pas non plus désespéré. Bien que précisent son statut.
107
HITEHKEL
Chaque prêtre porte également un
chapeau en forme de mitre qui indique sa
fonction au sein de l’église. Il existe des
chapeaux pour les prêtres du quotidien,
les professeurs d’art, les grands prêtres et
les interprètes de la loi, le plus haut rang
de tous. Ils sont de plus en plus ornés
jusqu’à atteindre le niveau le plus élevé où
les chapeaux deviennent d’une extrême
simplicité.
Les séminaires des prêtres ont égale-
ment changé. Alors qu’ils avaient toujours
été des établissements d’enseignement
supérieur mettant l’accent sur l’ingénierie,
ils en sont venus à enseigner plus de
sciences et moins de mystères théolo-
giques appliqués. Les philosophies et les
rituels constituent toujours la partie la
plus importante de la formation des étu-
diants, mais les compétences appliquées
qui étaient autrefois nécessaires pour la
pratique de la magie ont été abandonnées.
Au lieu de cela, de plus en plus de cours
portent sur l’utilisation du don de Reorx.
En conséquence de ce changement,
même si Reorx est retourné chez les
gnomes de Taladas, il n’a conféré de pou-
voirs sacerdotaux qu’à quelques-uns de
ses prêtres. Ce, non par manque de fidéli-
té de leur part, mais parce qu’il trouve leur
nouvelle orientation et leur énergie
agréables. Toujours intéressé par l’artisa-
nat et les arts du bâtiment, il voit les
gnomes s’élever progressivement, ceux-ci
passant de la science à la religion, tout cela
en son nom et pour sa gloire. Actuelle-
ment, il n’a aucune raison d’intervenir.
Les autres dieux et déesses n’ont ja-
mais réussi à s’imposer parmi les gnomes,
compte tenu de leurs penchants évidents.
La plupart des cultes qui existaient avant
le Cataclysme ont périclité ou se sont
éteints dans les décennies qui ont suivi.
De plus, les prêtres du Reorx ont attaqué
nombre d’entre eux comme étant non
scientifiques et par conséquent dangereux
pour la morale du peuple, en particulier
pour les jeunes. Bien qu’il n’y ait jamais eu
d'action officielle de la part du roi ou des
hauts juges, les prêtres ont réussi à con-
vaincre la plupart d'entre eux de tenir
compte de leurs paroles.
De ce fait, seuls deux petits cultes
fleurissent (si l’on peut s’exprimer ainsi). Il
existe quelques adeptes de Mislaxa qui
pratiquent les arts de la guérison. Les
prêtres du Reorx les dépeignent comme
des charlatans superstitieux, manipulant
des poudres inutiles et des pseudo-rituels.
À bien des égards, les prêtresses de
Mislaxa sont traitées comme des diseuses
de bonne aventure gitanes, considérées
par la plupart comme des imposteurs mais
auxquelles quelques-uns souscrivent de
tout cœur. Elles sont mieux acceptées par
les classes ouvrières inférieures que par la
classe supérieure, plus instruite.
Le second culte est celui de Hiteh et
d’Erestem qui sont toujours traités en
binôme par les gnomes. Ce culte n’a pas
besoin d’être stigmatisé par les prêtres du
Reorx, car il est universellement détesté et
craint par tout gnome bon. Les citadelles
gnomes ont été en première ligne des
guerres contre les forces des dieux du mal
pendant trop longtemps pour qu’ils puis-
sent accroire que ce couple est tout sauf
malveillant et dangereux.
Néanmoins, il y en a toujours parmi
les gnomes qui sont prêts à écouter les
promesses séduisantes de puissance et de
108
grandeur que ces dieux leur offrent. Ces
adeptes doivent se réunir en secret, de
peur d’être découverts et exposés au pu-
blic. Les adeptes des dieux du mal sont
universellement considérés comme dange-
reux et souvent accusés d’actes de trahi-
son contre le roi, ne serait-ce que parce
qu’ils adorent les dieux de l’ennemi.
Ces craintes ne sont pas sans fonde-
ment. Les deux dieux sont prompts à
accorder à leurs adeptes le pouvoir sace-
rotal, tant pour écraser leurs ennemis que
pour séduire de nouveaux adeptes. Les
promesses de pouvoir sont toutes assor-
ties d’une condition, le renversement du
roi et de ses partisans. Ce n’est que de
cette façon que les adeptes du culte pour-
ront accéder au pouvoir. Ils n’ont aucune
envie de travailler avec le gouvernement
ou les autres prêtres. Leur pouvoir doit
être absolu, sinon il échouera complète-
ment. À cette fin, les sectes ont établi des
contacts avec les adeptes des flammes,
parfois en pleine connaissance de leurs
actes, mais le plus souvent en croyant
bêtement qu’une fois au pouvoir, elles
pourront traiter avec leurs anciens alliés
de la mer Ardente. Bien entendu, ce n’est
pas du tout ce que Hiteh ou Erestem ont
en tête.
LES INVENTIONS GNOMES
Les gnomes des Flèches sont bien plus
que des architectes ou ingénieurs qui pas-
sent leurs journées à sculpter leurs cita-
delles. Ce sont des inventeurs et des cons-
tructeurs passionnés de petits et grands
appareils merveilleux, parfois absurdes.
Fabriquer des choses, en particulier celles
qui ne l’ont jamais été faites auparavant,
est un instinct insatiable qui a été élevé au
rang d’art respecté dans leur société.
Chaque gnome, quel que soit son métier,
innove. Certains le font simplement
mieux ou à plus grande échelle que
d’autres.
Les inventions des gnomes se divisent
en deux groupes : les gnomois et les mi-
nois, pratiques et peu pratiques. C’est une
erreur de la part de nombreux étrangers
ayant une légère familiarité avec la société
gnomique, de croire que toutes les inven-
tions gnomoises sont pratiques, alors
qu’aucune des minoises ne l’est. La situa-
tion actuelle n'est pas aussi tranchée. Il
existe des dispositifs gnomois peu pra-
tiques et des minois pratiques. Au mieux,
chaque groupe tend à suivre certaines
tendances.

On suppose souvent que les gnomois
élaborent les modèles les plus pratiques.
En réalité, ils ne sont pas plus enclins à la
praticité que leurs cousins minois. C'est
juste qu’ils sont plus susceptibles de cons-
truire des choses qui fonctionnent selon
l’idée qui a guidé leur conception. Un
gnomoi a presque autant de chances
qu’un minoi de concevoir une plumeuse
automatique de poulet. La différence ma-
jeure étant que le premier construira un
appareil qui plumera la volaille sans dé-
truire le dîner.
La logique précieuse des gnomois leur
permet de réfléchir à toutes les étapes et
de trouver la meilleure méthode. Parfois,
elle leur permet d’anticiper qu’un projet
est inutile avant de e commencer. (Dans le
cas de la plumeuse de poulet, un gnomoi
pourrait se rendre compte que les mains
font le travail plus facilement et peut-être
mieux). En même temps, le gnomoi et le
minoi ont tous deux un amour immodéré
des machines qui se traduit par quelques
engrenages et roues supplémentaires,
transformant un dispositif simple en com-
plexe.
En dépit de leurs tendances générales,
les minois ne sont pas totalement inca-
pables. Plus d’une fois, l’un d’eux a entre-
pris de construire quelque chose d’inten-
tionnellement compliqué et finalement
peu pratique, pour ensuite créer une
œuvre élégante qui fait autre chose. Bien
sûr, l'inventeur considère que tout cela est
un échec puisqu’il n'a pas construit ce
qu’il avait prévu. Il faut que d’autres, mi-
nois et gnomois, comprennent l'utilité de
son appareil. Ce qui a commencé comme
une essoreuse à linge peut finir comme un
rouleau d’acier au niveau fonderie.
Bien sûr, il y a des inventions minoises
qui ne fonctionnent pas comme prévu ou
qui ne fonctionnent que trop bien. Les
visiteurs humains des citadelles reviennent
souvent avec des rapports alarmants d’ex-
plosions, de trous dans les murs, d’éva-
sion de justesse de la saisie d’une plu-
meuse de poulet et d’invitations polies à
tester la dernière version améliorée du
planeur mono passager. Si on leur de-
mande, les modèles précédents n’ont pas
été entièrement couronnés de succès. Ces
mêmes événements n’ont rien d'extraordi-
naire ni même de désolant pour les
gnomes. Ils s’attendent à voir s’emballer
des épurateurs muraux à vapeur, des as-
censeurs qui hoquettent et des robots
guerriers qui s’élancent à toute allure.
Tout comme le Peuple des glaces du
désert de Panak a 27 mots différents pour
décrire les différents types de neige, les
gnomes des Flèches disposent de 34 ex-
pressions différentes pour dire
« Attention ! ». L’une d’entre elles se tra-
duit par « À plat ventre », une autre par
« Ne marche pas là-dessus », une troi-
sième par « Cours ! » et ainsi de suite.
Chacune définit un degré, une nature ou
une direction différente du danger.
Bien sûr, la technologie gnomique a
ses limites. Ils ont des compétences ex-
traordinaires en ingénierie mécanique et
peuvent faire des choses étonnantes avec
des câbles, des poulies, des ressorts et des
engrenages. De même, ils sont passés
maîtres dans la fonte et le raffinage de
divers métaux, le fer et l’acier étant de loin
les plus importants. Ce sont les plus
grands fondeurs de fer de tout Taladas.
Au cours des derniers siècles, ils ont
expérimenté l’énergie à vapeur. Ils ne l’ont
pas encore parfaitement maîtrisée, mais ils
ont construit des appareils incroyablement
(voire trop) complexes qui fonctionnent à
la vapeur. Pourtant, leurs machines à va-
peur primitives ont tendance à exploser et
sont traitées avec beaucoup de respect. Ce
n’est que récemment que certaines des
citadelles ont commencé à expérimenter
l'énergie géothermique par le chauffage et
la vapeur. Avec pour résultat, une fois au
moins, l’inondation par la lave d’une sec-
tion du niveau le plus bas d’une citadelle.
En revanche, les gnomes n’ont prati-
quement aucune compréhension, ni utili-
sation de l’électricité. Il est vrai qu’ils peu-
vent générer des charges électriques de
grande puissance, mais à part pour se
défendre (en chargeant les portes exté-
rieures, etc.), ils n’ont aucune idée de ce
qu’ils peuvent en faire. Et ils ne se sou-
cient, par ailleurs, pas de le savoir. L’élec-
tricité n’a pas de pièces mécaniques et
n'est donc tout simplement pas intéres-
sante. De même, leur connaissance de la
chimie est basique, presque inexistante. Ils
ne s’intéressent à la physique que dans la
mesure où elle s’applique aux machines et
n’y font pas d'études régulières. La bota-
nique et la zoologie sont des curiosités
sans intérêt. La géologie n’est enseignée
que sous l’angle purement pratique de
l’exploitation minière et de l’excavation.
Bien qu’ils aiment les dispositifs ma-
giques et ne rechigneront certainement
pas à faire main-basse sur un objet ma-
109
HITEHKEL
gique (en particulier les armes et les ar-
mures), ils s’évertuent à ne pas utiliser la
magie dans leurs machines (bien que cer-
tains non-gnomes puissent penser que
leurs dispositifs technologiques sont ma-
giques). Pour eux, cela ressemble trop à
de la triche. Ils s’efforcent de construire
des machines pures sans l'aide de pou-
voirs mystiques.
Sous ces limites, les gnomes ont créé
de nombreux dispositifs étonnants. Les
deux plus connus du monde extérieur
sont la flotte de feu et les dirigeables.
La flotte de feu est composée des
navires en fer construits pour naviguer
sans voiles ni rames à la surface même de
la mer Ardente. Les gnomes sont parve-
nus à forger des matériaux qui ne fondent
pas, même aux températures extrêmes de
la Grande Mer de Lave. Leur secret de
fabrication est l’un de leurs secrets les
mieux gardés. Bien qu’il ne soit pas cer-
tain que quelqu’un d’autre puisse fabri-
quer ce métal ou le travailler s’il y parve-
nait, les gnomes pensent que les résultats
seraient désastreux si leur procédé était
divulgué. Par conséquent, le procédé de
création de la flotte de feu est un secret
recherché par nombre de leurs ennemis.
La deuxième grande invention encore
en cours de perfectionnement sont les
dirigeables. Peu de temps après avoir co-
lonisé les bords du Hitehkel, les gnomes
ont découvert que la chaleur bouillante de
la lave créait de puissants courants d’air. Il
ne leur a fallu pas longtemps pour qu’ils
commencent à expérimenter les principes
du vol plané. En peu de temps, ils dispo-
saient de prototypes fonctionnels du pla-
neur monoplace et les énormes delta-
planes de combat. Aujourd’hui, presque
toutes les citadelles disposent d’une petite
troupe de gardes équipés de planeurs et
deltaplanes.
Les planeurs sont utilisés pour repérer
l’ennemi, combattre les créatures volantes
telles que les dragons, et effectuer des
bombardements d’usure (généralement
pour cibler les tentes des commandants
ennemis). Les deltaplanes, amarrés au
sommet de la citadelle, protègent la tour
contre les assauts aériens en période de
siège. Ils sont également utilisés comme
des plates-formes stables (enfin, presque)
pour le tir de missiles et l’observation.
Mais aujourd’hui, les gnomes travail-
lent sur un projet encore plus ambitieux,
les dirigeables. Ces vaisseaux, des navires
suspendus sous de grands sacs remplis de
HITEHKEL
gaz, sont parfois aperçus dans des cieux
aussi éloignés que Kristophan, à la grande
consternation des citoyens locaux. Les
gnomes ont travaillé à l’amélioration de la
portée et de la capacité de ces dirigeables,
à la fois pour les utiliser comme armes
dans leur guerre contre les adeptes des
flammes et comme navires de commerce.
Une fois qu’ils auront peaufiné la concep-
tion à leur convenance, ils lanceront un
programme de production dans l’en-
semble des citadelles. Un jour, ils espèrent
construire une armada de dirigeables et
une flotte de feu assez puissante pour
détruire la Tour de la Flamme une fois
pour toutes. Il est clair que c’est un objec-
tif que les adeptes des flammes et leurs
alliés ne veulent pas voir se concrétiser.
LES CITADELLES CÉLESTES
Il fut un temps où une invention gno-
mique combina les arts de la magie et la
technologie, ce qui n’est plus le cas au-
jourd’hui. Dans les premières années qui
suivirent le Cataclysme, une faction de
gnomes décida que la seule option sûre
pour leur peuple résidait dans le fait de
quitter entièrement Krynn. Malgré tous
leurs efforts, ils n’ont pu concevoir une
machine qui les transporterait dans l’es-
pace, supposé plus sûr. (Ils ne savaient pas
ce qui les attendait là-bas !) Déterminée à
réussir, cette faction fit l’impensable et
intégra des sorts et objets magiques dans
leur conception. Les rochers géants et
flottants connus sous le nom de citadelles
célestes en sont le produit final.
Seules quelques citadelles célestes ont
été construites et moins encore ont été
lancées. Le projet et ses difficultés étaient
immenses, même pour les gnomes. En
plus des contrôles et des dispositifs méca-
niques qui devaient être fabriqués, des
objets magiques et des enchantements
extrêmement puissants qui étaient néces-
saires, les citadelles célestes exigeaient
également que des pans entiers de mon-
tagne soient taillés. Le processus était
laborieux. Tout d’abord, un sommet ap-
proprié devait être trouvé et une ville
construite autour. Ensuite, les ouvriers et
les ingénieurs de la pierre commençaient
le processus d’excavation. Les salles, les
couloirs et les chambres étaient creusés
dans la roche, les machines étaient instal-
lées et les objets magiques étaient prépa-
rés. Enfin, lorsque tout était installé, la
carrière finale commençait. Lentement, le
pic sculpté était creusé et miné jusqu’à ce
qu’il soit littéralement coupé du reste de la
montagne. Si tout avait été effectué cor-
rectement, le sommet de la montagne,
maintenant devenu citadelle céleste, flot-
tait doucement dans les airs.
Cela n’a pas toujours fonctionné de
cette façon. Si l’un des calculs était erroné,
l’ensemble pouvait s’effondrer. Une fois,
les calculs ont été faussés et la citadelle a
disparu dans le ciel alors que les dernières
amarres étaient rompues. Une autre cita-
delle a été détruite avant même son lance-
ment, lorsque le pic entier est entré en
éruption dans une furie volcanique. En fin
de compte, ces revers, combinés à la désil-
lusion de la population, ont mis fin à l’en-
semble du projet.
Des sept citadelles sur lesquelles des
travaux ont été effectués, une a été dé-
truite par un volcan, une deuxième a dis-
paru dans le ciel, une a été emportée par
une puissante tempête (pour réapparaître
plus tard en Ansalonie), la quatrième s’est
écrasée au moment du lancement, deux
ont été construites avec succès (et sont
encore utilisées aujourd’hui), et la dernière
a été abandonnée avant d’être achevée.
Cette dernière peut encore être observée
de nos jours comme le sommet à moitié
sculpté du mont Blancheroche. Long-
temps abandonnée par les gnomes, elle est
devenue un repaire de créatures im-
mondes de toutes sortes.
LA TOUR DE LA FLAMME
Au cœur même de la mer Ardente, au
centre du Hitehkel, se dresse une struc-
ture singulière, unique non seulement
pour Taladas ou même Krynn mais peut-
être pour l’ensemble du plan lui-même.
L’émerveillement et la peur saisissent ses
observateurs. C’est le Flaemchaldar des
gnomes, la Tour de la flamme.
De loin, la Tour de la flamme ne res-
semble pas du tout à un bâtiment, mais à
une colonne de feu qui se tortille et bon-
dit. Elle semble rugir de la mer de lave,
tirant sa vie du magma brûlant. Elle danse
au gré des vents tout en restant enracinée
sur place. De plus près, les murs vacillent
et se tortillent, s’enroulant vers le haut
avec des teintes d’orange vif, de jaune
brillant et, parfois, de bleu. Des millions
de flammes dansent et jouent à l’intérieur
de ses surfaces. De minuscules jets de feu
ici et là peuvent s’échapper, s’arracher et
s’élever rapidement vers le néant. Des
110
boucles de fumée noire et fuligineuse
s’élèvent des coins.
En atteignant sa base, une découverte
encore plus étonnante est alors visible.
Des observateurs astucieux en ont déduit
que la tour n’est pas faite de pierre ou de
métal mais de feu vivant, emprisonné par
magie dans les murs de la flèche. Ils pen-
saient que ce ne pouvait être que l’œuvre
des adeptes des flammes, une manifesta-
tion de leur véritable royaume, et que
seules ces créatures pouvaient donc vivre
dans la chaleur intense des murs de la
tour. Mais les flammes de la tour ne sont
pas ardentes. Les murs sont peut-être
chauds, mais pas brûlants. L’air est épais
et sec, mais il n’est pas rendu étouffant
par les gaz toxiques de la mer Ardente.
D’une certaine façon, grâce à une grande
magie, la Tour de la flamme est habitable
pour les hommes et assimilés.
Un examen minutieux révèle que les
murs de la tour sont faits de milliers de
minuscules bandes de feu tourbillon-
nantes et bondissantes. Ces murs ne déga-
gent aucune chaleur et ne sont pas chauds
au toucher. Ils sont fermes mais pas so-
lides, et cèdent à une poussée déterminée.
Pénétrer au-delà de la couche superficielle
du mur provoque des brûlures, car quelle
que soit la magie qu’elle contient, la
flamme ne diminue pas sa puissance.
Les sols sont tout aussi merveilleux et
bizarres, comme s’ils reposaient sur des
bassins de magma qui tourbillonnent et
bouillonnent constamment, comme prêt à
jaillir. Comme les murs, ils ne dégagent
aucune chaleur, mais leur surface est aussi
dure que le marbre. C’est une sensation
étrange. Bien que les sols soient solides, la
raison pousse beaucoup à se sentir en
équilibre sur le puits de l’Enfer, provo-
quant une panique incontrôlable. Plus
d’un visiteur s’est figé sur place, terrifié à
l’idée de bouger, convaincu que son pro-
chain pas le jettera dans le chaudron ar-
dent sous ses pieds.
Les merveilleux matériaux de la tour
ne constituent pas sa seule surprise. Dès
qu’on entre par ses porches, l’air devient
doux et pur. À l’extérieur, des nuages de
gaz chargés de soufre et de poisons tour-
billonnent devant les fenêtres et les portes
ouvertes, mais rien de tout cela n’entre
dans l’édifice. Même en se tenant sur les
balcons et les flèches, on peut respirer en
toute sécurité. La tour entière semble être
enfermée dans une bulle d’air incassable.

Personne ne connaît la véritable his-
toire de la Tour de la flamme. Son inac-
cessibilité et sa sombre vocation ont caché
son passé aux érudits du monde des mor-
tels. Les gnomes, avec leur proximité et
leurs dispositifs, sont les mieux informés.
Les premières mentions de son existence
viennent d’un éclaireur gnome qui l’a
aperçue alors qu’il planait au-dessus de la
mer Ardente. Pendant de nombreuses
décennies par la suite, elle n’a pu être ob-
servée que depuis les airs et seulement aux
prix d’un périlleux voyage en planeur.
Depuis sa découverte, beaucoup de
spéculations circulent quant à la nature et
aux constructeurs de la tour. On pense
généralement qu’elle est le centre et le
bastion des forces de Hiteh. Des affirma-
tions plus romantiques, des rumeurs non
confirmées et les contes des anciens pré-
tendent qu’il s’agit de la création du
Grathanich. Une fois libérée de ses
amarres, la pierre magique a erré dans le
monde jusqu’à ce qu’elle revienne ici au
moment du Cataclysme. Plongée dans la
fosse d’Hitehkel, elle a soulevé la tour
comme par magie. Aujourd’hui, quelque
part dans la Tour de la flamme, repose le
Grathanich,clé de voûte de l’ensemble de
l’édifice, du moins, c’est ce que narre l’his-
toire.
Rejeté comme fantaisiste par les gno-
mois pragmatiques, ce récit contient sa
part de vérité. La tour est bien une créa-
tion du Grathanich et une petite partie de
la pierre s’y trouve. Bien sûr, personne
n’est au courant. Si les gnomes le savaient,
chacun d’entre eux essaierait de récupérer
la pierre.
Depuis sa découverte, la tour a été
repérée et observée (uniquement depuis
les airs) à de nombreuses reprises. Des
créatures de feu ont été vues se rassem-
bler à l’extérieur. On rapporte parfois que
des dragons mauvais se posent sur ses
terrasses. Des histoires d’hommes se te-
nant sur ses balcons circulent également.
Il ne pourrait s’agir que de magicien qui
utiliseraient leur sorcellerie pour s'y trans-
porter. Clairement, ces visiteurs n’avaient
pas de bonnes intentions. Avant les
guerres avec les adeptes des flammes, la
Tour de la flamme avait une sinistre répu-
tation.
Au début de la Guerre gnomoise, les
généraux gnomes ont commencé à écha-
fauder des plans d’assaut de la tour. Pour
autant qu’ils le sachent, elle était claire-
ment le centre du domaine des adeptes
des flammes. Si elle devait tomber, la
guerre pourrait se terminer d’un seul
coup. Le problème était de savoir com-
ment l’atteindre. Sa position au centre
d’une mer de lave ne la rendait pas facile-
ment accessible. Des tentatives furent
faites pour envoyer des planeurs, mais le
voyage était trop long pour la plupart et le
résultat tourna au désastre.
Une petite équipe de magiciens a es-
sayé de se téléporter dans la tour, escortés
par des guerriers d’élite. Sans informations
précises sur leur destination finale,
l’équipe s’éparpilla un peu partout. Cer-
tains apparurent à la surface de la mer
Ardente et moururent instantanément.
D’autres disparurent sans laisser de traces.
Quelques-uns parvinrent effectivement
dans la tour mais dispersés dans ses bâti-
ments. Séparés les uns des autres, ils fu-
rent des proies faciles pour les gardes.
Seuls quelques-uns réussirent à revenir et
à raconter leur échec. Le peu qu’ils avaient
vu se révéla néanmoins précieux pour la
suite.
Les flottes de feu furent inventées
spécialement pour la campagne contre la
Tour. Avant cela, il n’avait jamais été né-
cessaire de s’aventurer sur la surface dan-
gereuse de la mer Ardente. Et ce n’a été
rendu possible que grâce au brillant travail
du Grand Créateur qui a imaginé les pro-
cédés secrets pour construire les navires
de la flotte de feu. En se basant sur son
concept et ses plans, les conseils de toutes
les citadelles se lancèrent dans un pro-
gramme de construction de l’armada qui
porterait les guerriers jusqu’à la Tour de la
flamme. Il fallut un certain temps avant
son achèvement, car la guerre a ralenti la
construction. Cependant, suffisamment
de navires finirent par être achevés pour
permettre le transport des troupes pour ce
dangereux voyage.
Et dangereux il le fut. Le voyage à lui
seul jusqu’à la Tour de la flamme fut
digne d’une épopée. Les geysers de lave,
les nuits éclairées par la lueur de la roche
en fusion, les attaques des créatures sur-
gissant du magma… Un à un, les navires
disparaissaient. Certains ont vu leurs ma-
chines tomber en panne, d’autres ont déri-
vé dans la nuit, et les adeptes des flammes
en ont submergé beaucoup d’autres, mais
l’armada garda le cap. À l’issue de nom-
breux périls, la Tour de la flamme fut en
vue.
Les commandos de la Compagnie des
Morts en tête, les flottes de feu lancèrent
111
HITEHKEL
l’assaut final. Leurs ennemis étaient prêts.
Les sbires de l’armée de Hiteh étaient
alignés en plusieurs rangs. À pleine puis-
sance, les navires de la flotte s’écrasèrent
sur leurs lignes, les gnomes de la Compa-
gnie des Morts à la proue. Des mains en-
flammées jaillirent du magma, broyant le
métal indestructible entre leurs griffes. Les
volées de boules de feu se succédaient
dans le ciel. Pourtant, toute la puissance
des forces d’Hitehkel ne put empêcher les
gnomes d’atteindre la tour.
Mais les gnomes ne purent pas non
plus tenir leur position. Quelques cen-
taines d’hommes ont atteint les murs de la
tour, toujours entourés par l’ennemi. En
désespoir de cause, ils se sont battus pour
s’accrocher à leur prise, mais ils ont finale-
ment été contraints de battre en retraite.
Pendant toute une journée, ils ont lutté
pour se replier, feignant et se frayant un
chemin à travers le piège qui s’était refer-
mé autour d’eux. Finalement, les quelques
navires restants se sont désengagés et ont
repris la mer pour rentrer chez eux. Bien
que battus, ils laissèrent derrière eux un
ennemi plus meurtri encore. C’était une
victoire, mais, au mieux, une victoire à la
Pyrrhus.
C’est lors de l’assaut de la Tour de la
flamme que les gnomes percèrent le secret
de leurs adversaires. Auparavant, ils
avaient toujours cru qu’ils faisaient face à
un ennemi du plan de feu. Pendant leur
bref séjour dans le temple, ils apprirent à
connaître leur véritable opposant. Partout
dans le temple se trouvaient des sanc-
tuaires et des autels consacrés à Hiteh le
Marchand, l’un des grands dieux du mal.
C'est à ce moment que les gnomes réalisè-
rent l'ampleur de la bataille qu'ils me-
naient. Bien que cette révélation en ait fait
tressaillir certains, pour beaucoup cela n’a
fait que renforcer leur détermination.
Ceux qui auparavant avaient prêché ou-
vertement furent lynchés ou chassés des
citadelles. On se souvient de ce moment
comme de la grande nuit de la purification
des terriers.
L’assaut de la tour a engendré d’autres
rumeurs persistantes. Il existe bien sûr des
récits non corroborés de grande bravoure
et d’héroïsme de la part des guerriers tom-
bés au combat. Qu’ils soient vrais ou non
est sans importance, car ils offrent au
peuple des héros. Parmi les autres
rumeurs, les deux plus persistantes
concernent le Grathanich et le mysté-
rieux étranger.
HITEHKEL
L'histoire de Grathanich est simple et
se perpétue jusqu’à aujourd’hui. On pré-
tend que la pierre a été vue dans la tour,
généralement insérée dans une arcade ou
en équilibre au sommet d’un pilier élancé.
Elle a été racontée tellement de fois que
les gens pensent qu’elle doit avoir un fond
de vérité. Il n’y a pas de preuve, personne
ne peut trouver de témoin oculaire, mais
les gens désignent simplement l’existence
de la tour comme preuve de la présence
de la pierre magique de Reorx.
La seconde histoire est moins souvent
racontée, mais ses sous-entendus sont
inquiétants. D’après certains des soldats
qui ont atteint la tour, il y avait un
homme, un humain vêtu de la robe des
prêtres de Hiteh, à l’un des étages supé-
rieurs de la flèche. On l’a vu diriger et
commander toutes les forces de Hiteh.
Cela a été corroboré par plusieurs témoins
oculaires, bien que leurs versions diffèrent
parfois quelque peu.
112
Des enquêtes minutieuses menées par
des magiciens utilisant des moyens ma-
giques ont parfois révélé une ombre, mais
l’identité de cet étranger reste inconnue.
Certains prétendent qu’il est le plus grand
prêtre de Hiteh de tout Taladas, d’autres
disent qu’il s’agit de Hiteh lui-même se
manifestant dans le monde des gnomes.
Bien qu’aucune certitude n’existe, tous
sont convaincus qu’il est toujours vivant.
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