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Distributions des dépenses de consommation des ménages

au Maroc : une analyse paramétrique


Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi
Dans Revue d'économie du développement 2004/2 (Vol. 12), pages 85 à 106
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1245-4060
ISBN 2-8041-4806-8
DOI 10.3917/edd.182.0085
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précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Distributions des dépenses
de consommation des ménages
au Maroc : une analyse paramétrique∗
Household Expenditure Distribution
in Morocco : a Parametric Analysis
Touhami Abdelkhalek
Abdelaziz Chaoubi
Professeurs à l’Institut national de statistique
et d’économie appliquée (INSEA)∗∗
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À partir des données des deux dernières Enquêtes nationales sur le niveau de vie des
ménages (ENNVM 1990-91 et ENNVM 1998-99), nous avons estimé les paramètres
des cinq distributions les plus utilisées pour modéliser des variables comme le revenu
ou la dépense. Il s’agit des distributions log-normale, log-normale déplacée (ou à
trois paramètres), de Pareto, de Pareto tronquée et enfin celle de Champernowne.
Nous avons caractérisé chacune de ces lois en précisant ses paramètres ainsi que
les techniques de leur estimation. Pour ce faire, nous avons utilisé des programmes
d’optimisation et de résolution de systèmes non linéaires appropriés. Nous avons aussi
procédé aux tests et aux ajustements statistiques pertinents sur ces distributions
séparément pour chacun des deux milieux de résidence, urbain et rural, et pour
chacune des deux enquêtes.
De l’analyse des résultats, des estimations et des ajustements obtenus, il ressort
clairement que dans les quatre cas considérés, les trois distributions log-normale, log-
normale déplacée et Champernowne sont celles qui s’ajustent le mieux aux données.
Les deux autres distributions (Pareto et Pareto tronquée) s’ajustent nettement moins
bien. En affinant davantage la comparaison statistique entre les trois distributions,
il ressort que la distribution log-normale déplacée est préférable pour modéliser le

∗ Cette étude est réalisée grâce à une subvention du Centre de recherches pour le développement
international (CRDI), Ottawa, Canada, dans le cadre du projet MIMAP-Maroc. Nous
remercions Luc Savard, Jean-Yves Duclos, l’Editeur et nos arbitres anonymes pour leurs
suggestions.
∗∗ INSEA, B.P. 6217 Rabat-Instituts, Rabat, Maroc. Courriel : Atouhami@insea.ac.ma &
Chaoubi@insea.ac.ma

85
86 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

comportement de la dépense de consommation des ménages au Maroc pour les deux


milieux de résidence et pour les deux enquêtes considérées.

Classification JEL : C130, C160, I320, O150


Mots clés : Dépenses de consommation, estimation, ajustement, Maroc

From the last two Moroccan Living Standards Measurement Study (LSMS) or
equivalently household surveys (ENNVM 1990-91 and ENNVM 1998-99), we
estimated parameters of the five most commonly used distributions to model income
and expenditure distribution. These are the lognormal, displaced lognormal (three
parameters), Pareto, and truncated Pareto and finally the Champernowne. We have
specified each distribution by precising and estimating their respective parameters
and we explained the estimation techniques used. We used appropriate optimising
programs adapted to non-linear systems. We them performed statistical goodness-of-
fit tests according to an urban-rural breakdown in the two surveys. From the results
the best fitting forms are the lognormal, displaced lognormal and Champernowne. The
other two distributions do not fit the data well. But using further test to compare
the fit between these three distributions, we conclude that the displaced lognormal is
the best fitting form to model expenditure behaviour in Morocco in both rural and
urban areas.

Key words : Household Expenditure, Estimation, Data Fitting, Morocco.

1 INTRODUCTION
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Pour formuler des politiques efficaces de lutte contre la pauvreté, il
faut bien comprendre les mécanismes de transmission des effets de
ces politiques sur tous les agents micro-économiques, les ménages en
particulier. Des études appropriées de leurs réactions et des changements
dans leurs comportements à court, à moyen et à long termes s’avèrent
fondamentales et parfois incontournables.
Pour comprendre certains de ces mécanismes de transmission,
plusieurs outils sont généralement utilisés. Des modèles sont construits
pour simuler les impacts des politiques macro-économiques dans des
structures plus ou moins désagrégées où on distingue une ou plusieurs
catégories de ménages. Les résultats qui ressortent des simulations
effectuées par ces modèles donnent en général de bonnes indications
sur les effets globaux des politiques simulées, mais ne renseignent
aucunement sur la répartition des effets à l’intérieur de chacune des
catégories de ménages considérées. Dans ces modèles, il est impossible
d’utiliser des mesures d’inégalité ou de pauvreté, même parmi les plus
standards, par exemple à la suite d’un choc provoqué par une politique
économique. Ces modèles ne permettent de déduire que des tendances
générales, très peu significatives en matière de politiques économiques.
Distributions des dépenses de consommation des ménages au Maroc 87

Par ailleurs, et dans un contexte statistique non lié aux types


de modèles indiqués ici, des analyses fondées sur des ajustements de
distributions montrent que les mesures de forme et d’aplatissement
des distributions des variables d’intérêt (en plus des moyennes) sont
modifiées par plusieurs politiques économiques. Les variations induites
par ces mêmes politiques dans les moments d’ordres supérieurs de ces
distributions doivent être prises en compte dans les analyses des effets
des différentes politiques économiques.
Dans ce travail, et suite à ceux d’Abdelkhalek et Chaoubi (1999)
et (2000) sur le contexte théorique et empirique de la croissance
économique et la pauvreté au Maroc et comme prolongement, nous
cherchons à caractériser les distributions des dépenses de consommation
des ménages marocains et à étudier les changements intervenus entre
1990-1991 et 1998-1999. De façon plus précise, en s’appuyant sur les
données des deux plus récentes enquêtes réalisées par la Direction de
la statistique marocaine, l’Enquête nationale sur le niveau de vie des
ménages (ENNVM 1990-91) et l’Enquête nationale sur le niveau de vie
des ménages (ENNVM 1998-99) nous chercherons, parmi un ensemble
de distributions statistiques pertinentes et généralement utilisées pour
caractériser des répartitions de dépenses, celle(s) qui s’ajuste(ent) le
mieux aux données de ces deux enquêtes. Il s’agit principalement des
distributions log-normale, log-normale déplacée (ou à trois paramètres),
de Pareto, de Pareto tronquée et celle de Champernowne. Nous estimons
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les paramètres de chacune de ces distributions pour les deux enquêtes
afin d’apprécier les changements qui sont intervenus entre leurs dates de
référence. Les estimations et ajustements sont réalisés séparément pour
les deux milieux (urbain et rural).
De façon plus précise, à la section 2 de ce travail, nous revenons ra-
pidement sur l’évolution des dépenses de consommation des ménages
et de la pauvreté monétaire au Maroc, selon les données des deux
enquêtes précitées. Dans la section 3, on utilise des méthodes tradi-
tionnelles d’ajustements statistiques pour rapprocher les distributions
des dépenses de consommation des ménages marocains en 1990-1991 et
1998-1999. À la section 4, nous rappelons les principales caractéristiques
statistiques des distributions utilisées normalement pour décrire les ré-
partitions de revenus ou de dépenses. La section 5 présente les données
de base utilisées et les résultats des ajustements effectués pour le cas du
Maroc. La dernière section conclut.
88 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

2 ÉVOLUTION DE LA PAUVRETÉ ET DES


DÉPENSES DE CONSOMMATION AU MAROC

Actuellement, la lutte contre la pauvreté est l’une des principales


préoccupations des pouvoirs publics du Maroc. Au cours de la dernière
décennie et selon les indicateurs habituels de mesure de la pauvreté
monétaire, fondée sur les dépenses de consommation, la pauvreté a
largement augmenté. L’évolution récente du contexte macro-économique
national et les effets des politiques économiques poursuivies pendant et
après le Programme d’ajustement structurel (PAS) (1983-1991) ont très
probablement contribué à détériorer la situation des ménages, réduit
leur niveau de vie et fait augmenter la pauvreté. Une assez large
frange de la population se situe aujourd’hui juste au-dessus du seuil
de pauvreté et se caractérise par une grande vulnérabilité aux moindres
aléas économiques. Ce phénomène n’est pas spécifique à un milieu de
résidence ni à une région plutôt qu’à une autre, bien qu’il soit plus
répandu dans les populations rurales.
Pour apprécier en chiffres ces évolutions, nous donnons ci-dessous les
seuils de pauvreté retenus pour ces deux enquêtes (tableau 1), ainsi que
l’évolution de l’incidence de la pauvreté entre les deux enquêtes (tableau
2).
Tableau 1 : Seuils de pauvreté selon l’année de l’enquête et le milieu de
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résidence (en dirhams courants par tête et par an)
Seuils de pauvreté 1990-91 1998-99
1. Seuils bas
- Urbain 2 106 S/O
- Rural 2 042 S/O
2. Seuils élevés
- Urbain 2 725 3 922
- Rural 2 439 3 037
Source : Direction de la statistique, ENNVM 1990-1991, ENNVM 1998-1999.

En analysant de façon rapide les résultats relatifs à ces deux


enquêtes, et sans revenir sur les éventuelles différences méthodologiques
entre ces deux opérations, ni sur les effets probables de leurs dates
de référence en particulier, on constate une nette aggravation de la
pauvreté. Son taux global est en effet passé de 13% environ en 1990-1991
à 19% en 1998-1999. Cette évolution pourrait s’expliquer, au moins en
partie, par le contexte macro-économique du pays, par son évolution
générale et par la répartition des fruits de la croissance en particulier.
Distributions des dépenses de consommation des ménages au Maroc 89

Tableau 2 : Évolution des effectifs et des taux de pauvreté (en %) au Maroc


1990-91 1998-1999
Effectifs (en 103 )
- Urbain 912 1 814
(27, 1%) (34, 2%)
- Rural 2 448 3 496
(72, 9%) (65, 8%)
- Ensemble 3 360 5 310
(100%) (100%)
Taux de pauvreté (en%)
- Urbain 7, 0 12, 0
- Rural 18, 0 27, 2
- Ensemble 13, 1 19, 0
Source : Direction de la statistique, ENNVM 1990-1991, ENNVM 1998-1999.

Pour se rapprocher encore plus de l’évolution des dépenses de


consommation des ménages, dans le temps (entre 1990-1991 et 1998-
1999) et entre les deux milieux de résidence (urbain et rural), qui
expliquent directement l’évolution de la pauvreté monétaire, nous
rapportons dans le tableau 3 ci-dessous, l’évolution des dépenses
annuelles moyennes par ménage (DAMM) et par personne (DAMP)
entre les deux enquêtes ainsi que leurs taux de croissance, en dirhams
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constants.

Tableau 3 : Évolution des dépenses annuelles moyennes


(en dirhams constants de 1990)∗
Valeur en dirhams constants Taux de croissance entre
de 1990 1990-1991 et 1998-1999
ENNVM 1990-91 ENNVM 1998-99 Taux global en % Taux moyen en %
DAMM
Urbain 48192 39452 −18, 14 −2, 48
Rural 28584 25998 −9, 04 −1, 17
Ensemble 38600 34058 −11, 77 −1, 55
DAMP
Urbain 9224 7054 −23, 53 −3, 30
Rural 4623 4084 −11, 66 −1, 54
Ensemble 6780 5750 −15, 20 −2, 04

Les déflateurs retenus sont ceux utilisés par la Direction de la statistique (1, 439
pour le milieu rural, 1, 245 pour le milieu urbain et 1, 360 pour l’ensemble entre
1990-1991 et 1998-1999).
90 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

En analysant les résultats des deux enquêtes, ceux contenus dans ce


tableau entre autres, on remarque que même si les dépenses annuelles
moyennes par ménage et par tête ont augmenté en terme nominal entre
les deux opérations, et ce à tous les niveaux (urbain, rural et national),
en terme réel, les taux de croissance enregistrés sont tous négatifs. Ceci
explique, au moins en partie, la détérioration des indicateurs de pauvreté
entre ces deux dates.
Pour ce qui est de la pauvreté justement, il ressort que le taux de
pauvreté s’est accru d’environ 46% entre 1990 et 1998. La faiblesse du
niveau de l’activité économique, le chômage, la fréquence des années
de sécheresse et l’absence de politiques efficaces de lutte contre la
pauvreté ont largement contribué à cette situation. Le ralentissement
de l’économie marocaine pendant cette période s’est aussi accompagné
d’une augmentation du taux de chômage; 10% environ avant l’entrée en
application du PAS (1983) par rapport à 16% en 1995, notamment chez
les jeunes.
Même si l’on ne peut établir de relation directe entre les politiques
du Programme d’ajustement structurel (et les politiques économiques
qui l’ont suivi) et les niveaux de pauvreté, une incidence indirecte de ce
type est vraisemblable. A priori, l’ensemble des politiques économiques
adoptées dans le cadre du Programme d’ajustement structurel devrait
conduire, toutes choses égales par ailleurs, à un appauvrissement de
la population. En effet, avec la suppression des subventions et la
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libéralisation des prix de certains biens et en l’absence de contrôle de
ces mêmes prix, le pouvoir d’achat de la population devrait baisser.
En outre, la mise en place d’un nouveau système fiscal, un contrôle
sévère des déficits publics et une politique monétaire rigoureuse qui vise
à juguler l’inflation ne peuvent que conduire à une augmentation du
chômage et de la pauvreté, du moins à relativement court terme.
En ce qui concerne les inégalités, en 1990-1991, les 13% les plus
pauvres de la population ne se partageaient que 3, 9% des dépenses
globales contre plus de 28% pour les 13% les plus riches. En plus, entre
les deux enquêtes, les 20% les plus riches de la population ont amélioré
leur part relative des dépenses totales (+1, 5 points) au détriment des
couches pauvres (−1, 7 points). Il est donc clair que les divers chocs
et les différentes politiques économiques ont probablement eu un effet
négatif sur la consommation relative et absolue des pauvres.
Distributions des dépenses de consommation des ménages au Maroc 91

3 DISTRIBUTIONS STATISTIQUES DES REVENUS


OU DES DÉPENSES : PRÉSENTATION,
ESTIMATION ET AJUSTEMENT

Cinq distributions statistiques sont généralement utilisées dans les ajus-


tements paramétriques pour décrire des répartitions de revenus ou de
dépenses. Il s’agit des distributions suivantes : log-normale, log-normale
déplacée, Pareto, Pareto tronquée et Champernowne. Chacune de ces
distributions possède des caractéristiques que les autres n’ont pas et est
donc mieux adaptée dans certaines circonstances. Dans ce paragraphe,
nous revenons sur les principales caractéristiques statistiques de ces dis-
tributions et sur l’estimation de leurs paramètres.

3.1 Présentation des distributions

• La distribution log-normale
C’est l’une des distributions les plus utilisées en économie pour modéliser
différents aspects, comme les répartitions des variables à valeurs non
négatives, les revenus ou les dépenses. Sa densité s’ajuste mieux que les
autres lois lorsqu’on est loin des queues de la distribution de la variable
étudiée.1 Sur le plan statistique, cette loi est directement déduite d’une
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loi normale. Formellement, une variable aléatoire Y est une log-normale
à deux paramètres (µ, σ 2 ) si la variable X = ln(Y ) est distribuée selon
une loi normale N (µ, σ 2 ). De toute évidence, le domaine de la variable
Y se trouve être ]0, +∞[ et sa fonction de densité est définie par :

1  
g(y; µ, σ) = √ exp −(ln y − µ)2 /2σ 2 y > 0, (1)
yσ 2π
alors que sa fonction de répartition est donnée par
 
ln y − µ
G(y; µ, σ) = Φ , (2)
σ

Φ étant la fonction de répartition de la loi normale standard N (0, 1). Les


estimateurs des deux paramètres de base de cette distribution peuvent
être facilement déduits à partir de ceux des paramètres µ et σ 2 de la
distribution normale X.
1 Pour l’historique et les applications de cette distribution, voir par exemple Crow et Shimizu
(1988) ou encore Johnson et Kotz (1970).
92 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

• La distribution log-normale déplacée


Une variable aléatoire Y est dite distribuée selon une loi log-normale
déplacée, ou encore une loi log-normale à trois paramètres, où λ
représente le paramètre de déplacement, si et seulement si la variable
aléatoire X = ln(Y − λ) est distribuée suivant une loi normale N (µ, σ 2 ).
C’est naturellement une distribution plus générale que la loi log-
normale. Son paramètre de déplacement joue un rôle important dans
la modélisation et l’étude de l’asymétrie de certaines distributions. Sa
fonction de densité est définie par :
1  
g(y; λ, µ, σ) = √ exp −(ln(y − λ) − µ)2 /2σ 2 , y > λ (3)
(y − λ) σ 2π
La fonction de répartition de cette distribution est donnée par
 
ln(y − λ) − µ
G(y; µ, λ, σ) = Φ , (4)
σ
où, là encore, Φ est la fonction de répartition de la loi normale
standard N (0, 1). Pour l’estimation des trois paramètres de cette
distribution plusieurs méthodes peuvent être utilisées, en particulier
celle du maximum de vraisemblance. Elle conduit à chercher la solution
d’un système non linéaire de 3 équations à trois inconnues que l’on peut
résoudre de différentes façons.2
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• La distribution de Pareto
Dans la pratique des ajustements des distributions de revenus ou de
dépenses, les lois log-normale ou log-normale déplacée peuvent ne pas
donner de bons résultats, en particulier pour les extrémités de la
distribution. La loi de Pareto peut donner par contre de meilleurs
résultats à ce niveau. Une variable aléatoire Y est dite distribuée selon
une loi de Pareto de paramètres θ et λ si sa fonction de densité est
définie par :

λθ
g(y; θ, λ) = θ , yλ>0, θ>0 (5)
y (θ+1)
La fonction de répartition de cette distribution est donnée par
 θ
λ
G(y; θ, λ) = 1 − , yλ>0, θ>0 (6)
y

2 Voir à ce propos Crow et Shimizu (1988) p.122 ou encore Johnson et Kotz (1970) pp. 122-126.
Distributions des dépenses de consommation des ménages au Maroc 93

Pour l’estimation des paramètres de cette distribution, là encore plu-


sieurs méthodes peuvent être utilisées, celle du maximum de vraisem-
blance entre autres.

• La distribution de Pareto tronquée


À cause de certains problèmes d’ajustement posés par la distribution
de Patero, en particulier pour l’ajustement des queues droites des
distributions de certains phénomènes, Goldberg (1967) a proposé la loi
dite de Pareto tronquée. Cette distribution à trois paramètres θ, λ, et
λ a pour fonction de densité :
  θ −1  θ+1
θ λ λ
g(y; θ, λ, λ ) = 1− 
, 0 < λ  y  λ , θ > 0 (7)
λ λ y
La fonction de répartition de cette distribution est alors donnée par :
 0, yλ

  θ  θ −1

λ λ
G(y; θ, λ, λ ) = 1− 1− , λ < y < λ , θ > 0, (8)

 y λ

1, y  λ
L’estimation des paramètres de cette distribution peut aussi se faire par
la méthode du maximum de vraisemblance.

• La distribution de Champernowne
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L’une des lois les plus utilisées dans ce contexte d’ajustement de
distributions de revenus ou de dépenses est celle dite de Champernowne.
Elle s’ajuste beaucoup mieux aux données de certaines variables à
queues allongées. Sa fonction de densité est définie par :
µθ y θ−1
g(y; µ, θ) = θ 2, y > 0 , µ > 0, θ > 0 (9)
(µθ + y θ )
La fonction de répartition de cette distribution est donnée par
1
G(y; θ, µ) = θ , y > 0, µ > 0, θ > 0 (10)
1 + µy
Pour les petites valeurs de y, la distribution de Champernowne est
proche de celle de Pareto. L’estimation des paramètres de cette
distribution peut se faire par la méthode du maximum de vraisemblance.
Nous résumons dans le tableau A1 en annexe les principales ca-
ractéristiques de quatre des cinq distributions décrites ici3 . Certains des
3 Les caractéristiques de la distribution de Champernowne ont des formes plutôt complexes et
ne sont donc pas rapportées.
94 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

paramètres de ces cinq distributions ont évidemment des interprétations


assez rapprochées. C’est le cas du paramètre λ des trois distributions
log-normale déplacée, Pareto et Pareto tronquée qui a pour signification,
d’un point de vue pratique, la valeur minimale du phénomène modélisé.
Quant au paramètre λ de la distribution de Pareto tronquée, il peut
être considéré pratiquement comme la valeur maximale du même phé-
nomène. Dans les recherches concernant les aspects du niveau de vie et
de pauvreté, ce minimum et ce maximum jouent un rôle important.

3.2 Estimation des paramètres


Comme nous l’avons vu, on peut utiliser plusieurs méthodes pour
l’estimation des paramètres des cinq distributions considérées ici, selon
le type de données disponibles. L’objectif n’est pas l’évaluation ou la
justification du choix de la méthode d’estimation des paramètres, et
pour des raisons d’uniformité et de comparaison des ajustements, nous
utilisons la méthode du maximum de vraisemblance pour l’estimation
de tous les paramètres des distributions considérées. Cependant, dans
le cas de la distribution log-normale déplacée une précision s’impose.
En effet, on sait que le logarithme de sa fonction de vraisemblance est
donné par


n
n 1 
n
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L=− ln(Yi − λ) − ln(σ 2 ) − (ln(Yi − λ) − µ)2 , (11)
2 2σ 2
i=1 i=1

pourvu que λ soit inférieure à la plus petite observation y(1) . Pour une
valeur donnée de λ, les estimateurs du maximum de vraisemblance des
paramètres µ et σ 2 sont donnés par

1 
n
µ̂ = ln(Yi − λ), (12)
n
i=1

1 
n
σ̂ 2 = (ln(Yi − λ) − µ̂)2 (13)
n
i=1

L’estimation de λ par la méthode du maximum de vraisemblance pose


alors un problème. En effet, comme on peut le voir facilement, la
valeur de la fonction L tend vers l’infini quand λ tend vers y(1) =
min(y1 , . . . , yn ).4 Donc formellement, les estimateurs du maximum

4 Voir par exemple LeCam (1990), Harter et Moore (1966) et Hill (1963).
Distributions des dépenses de consommation des ménages au Maroc 95

de vraisemblance des trois paramètres (µ; λ; σ 2 ) sont respectivement


(−∞; y(1) ; +∞). Cependant, et pour résoudre ce problème, Hill (1963),
et Harter et Moore (1966) suggèrent comme estimateurs des trois
paramètres, les solutions des équations (12) et (13) où λ satisfait
l’équation supplémentaire suivante :

n
1  ln(yi − λ) − µ
n
(yi − λ)−1 + =0 (14)
σ2 yi − λ
i=1 i=1

Les estimations de λ, µ et σ 2 s’obtiennent donc après la résolution


numérique du système non linéaire constitué des trois équations (12),
(13) et (14). C’est cette approche que nous retenons dans ce travail.
Notons par ailleurs que le paramètre λ de cette distribution joue
un rôle important dans la caractérisation de l’asymétrie (skewness)
de la distribution des données. En effet, une valeur de λ proche de
Y(1) correspond à une distribution positivement asymétrique et plus λ
s’éloigne de Y(1) , (Y(1) > λ) plus la distribution devient symétrique.
Quand λ tend vers −∞ on obtient alors une distribution symétrique. Le
tableau 4 ci-dessous donne les expressions des estimateurs du maximum
de vraisemblance des paramètres des cinq distributions considérées.
On remarquera que la déduction de plusieurs estimations nécessite la
résolution d’équations ou de systèmes non linéaires pour les paramètres.
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3.3 Ajustements statistiques des distributions
En statistique, deux approches principales permettent de vérifier si
un ensemble d’observations relatives à une certaine variable peut être
considéré comme un échantillon aléatoire d’une population décrite
par une distribution statistique spécifique. La première de ces deux
approches est graphique, la seconde est numérique et regroupe un
ensemble de techniques et de tests d’ajustement plus ou moins connus.
Ces tests et ajustements sont applicables dans diverses situations.
Les méthodes graphiques utilisées pour tester l’ajustement d’un
échantillon aléatoire à une loi bien déterminée sont naturellement moins
formelles que les méthodes numériques et permettent simplement de
visualiser les relations qui existeraient entre les données disponibles.
Pour évaluer la qualité de l’ajustement d’une distribution théorique
à des observations, on peut dans un premier temps procéder à une
représentation, sur le même graphique, de la fonction de répartition
empirique et de la fonction de répartition théorique considérée, puis
observer les écarts entre les deux. Si par contre les paramètres de
96 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

la fonction théorique ne sont pas spécifiés, ils doivent être estimés


auparavant. Une telle présentation n’est en général qu’une première
étape vers des analyses numériques et statistiques plus élaborées
qui utilisent la fonction de répartition empirique de l’échantillon des
observations disponibles. En effet, il est généralement difficile de juger
visuellement l’adéquation des courbes des deux fonctions de répartition
(théorique et empirique) à cause des courbures des deux représentations.
Si la comparaison pouvait se faire sur des droites, il serait plus facile
de juger et de décider. C’est l’idée de base de la notion du graphe de
probabilité (probability plot) qui résulte d’une transformation d’échelle
de la fonction de répartition empirique de façon à obtenir exactement
une droite sous l’hypothèse nulle à tester.
Pratiquement, le graphe de probabilité est par définition le graphe
résultant de la représentation du nuage de points de coordonnées
(y(i) , zi ) où les y(i) sont les observations ordonnées de la variable Y
objet de l’étude et zi = G∗−1 ∗−1
0 (Ge (y(i) )); G0 étant l’inverse de la
fonction de répartition de la distribution standard correspondant à la
loi de l’hypothèse nulle et Ge (y(i) ) = Fi est la valeur de la fonction de
répartition empirique au point yi . Sous l’hypothèse nulle et pour des
échantillons de grandes tailles, ce type de graphe converge fortement
vers la droite.
L’utilisation des approches graphiques, malgré sa pertinence selon
le cas, conduit parfois à de fausses conclusions que l’on peut éviter,
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si l’on utilise des méthodes numériques adéquates. En général, pour
des problèmes de tests d’adéquation, il est nécessaire de procéder à
une analyse graphique suivie d’une ou de plusieurs analyses et de tests
numériques qui permettent de quantifier et de valider l’information
primaire apportée par la méthode graphique.
Ainsi et toujours pour évaluer la qualité de l’ajustement d’une
distribution à des observations, mais de façon numérique, on peut
utiliser des critères fondés sur l’erreur absolue moyenne réduite (EAMR)
comme celui utilisé par Castillo et Hadi (1997). Ce critère est défini par

n
|yi − ŷi |
1 i=1
EAM R = (15)
n (y(n) − y(1) )
où yi , ŷi , (y(n) − y(1) ) et n sont respectivement les valeurs observées,
ajustées, de l’étendue de l’échantillon observé et la taille de l’échantillon.
Notons que l’on divise par (y(n) −y(1) ) pour tenir compte du changement
de la valeur de l’étendue de l’échantillon avec les paramètres du modèle
postulé.
Distributions des dépenses de consommation des ménages au Maroc 97

Tableau 4 : Estimateurs du maximum de vraisemblance des paramètres des


cinq distributions
Distributions Estimateurs
1  1 
n n
Log-normale µ̂ = ln(Yi ) ; σ̂ 2 = (ln(Yi ) − µ̂)2
n i=1 n i=1

1 
n
1 
n 2
µ̂ = ln(Yi − λ̂) ; σ̂ 2 = ln(Yi − λ̂) − µ̂
n i=1 n i=1

Log-normale déplacée avec λ̂ satisfaisant l’équation :


n
1  ln(Yi − λ̂) − µ̂
n
(Yi − λ̂)−1 + = 0 , λ̂ < Y(1)
i=1
2
σ̂ i=1 Yi − λ̂

 
1 
n
λ̂ < min Y(1) , exp ln(Yi ) ;
n i=1

Pareto n
θ̂ = ,θ > 0

n
ln(Yi ) − n ln(λ̂)
i=1


λ̂  Y(1) < λ̂  Y(n) ; θ̂ est solution de l’équation

1 
n
Pareto tronquée 1 ln(λ/λ ) 
+ + ln(λ ) − ln(Yi ) = 0
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θ 1 − (λ/λ )θ n i=1

µθ 
n
1
µ̂ et θ̂ sont solutions des équations 2 −1 = 0;
n i=1 µθ + Yiθ

Champernowne
1  µθ − Yiθ
n
1
+ ln(Yi ) = 0
θ n i=1 µθ + Yiθ

4 DONNÉES DE BASE ET RÉSULTATS


DES AJUSTEMENTS

Pour effectuer les estimations et les ajustements dans le cas du Maroc,


nous disposons des données des deux enquêtes réalisées par la Direction
de la statistique : l’Enquête nationale sur le niveau de vie des ménages
(ENNVM 1990-1991) et l’Enquête nationale sur le niveau de vie des
ménages (ENNVM 1998-1999). La première a porté sur 3 323 ménages
(soit 19 618 personnes) dont 1 650 en milieu urbain (soit 8 554 personnes)
98 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

et 1 673 ménages en milieu rural (soit 11 064 personnes) alors que la


deuxième a concerné 5 131 ménages (soit 30 463 personnes) dont 2 977 en
milieu urbain (soit 16 721 personnes) et 2 154 en milieu rural (soit 13 742
personnes). Les données disponibles auxquelles nous pouvons accéder
sont des données brutes par milieu de résidence pour les deux enquêtes.
Les données sont relatives aux dépenses annuelles de consommation par
ménage (et par personne).
Pour rendre compatibles et comparables les résultats des deux
enquêtes, les dépenses de 1998-1999 ont été exprimées en Dirhams de
1990-1991 en utilisant les mêmes déflateurs que ceux utilisés par la
Direction de la statistique (à savoir 1, 439 pour le milieu rural et 1, 245
pour le milieu urbain).
Signalons ici que les estimations et ajustements correspondant
aux cinq distributions considérées ont été effectués séparément pour
chacun des deux milieux de résidence, urbain et rural. Les données
des deux enquêtes ont été utilisées pour estimer, conformément aux
expressions du tableau 4 ci-dessus, les paramètres des cinq distributions.
Pour résoudre les équations et les systèmes non linéaires pertinents,
nous avons eu recours au logiciel spécialisé GAMS (General Algebraic
Modeling System) de Brooke et al. (1988).5
Le tableau A2 en annexe présente les résultats des estimations
des paramètres des cinq distributions considérées, selon le milieu de
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résidence (urbain et rural) et l’année de l’enquête. Pour les deux
enquêtes, les données utilisées sont les dépenses annuelles par personne.
Les valeurs du critère d’évaluation de la qualité de l’ajustement EAMR
des cinq distributions, qui servent de base de comparaison, sont
reproduites dans le tableau A3. Celles du coefficient de détermination
R2 des ajustements linéaires (faits selon l’ajustement du graphe de
probabilité) des trois distributions qui s’ajustent le mieux aux données
sont quant à elles reproduites dans le tableau A4.
Comme première étape dans l’évaluation de la qualité des ajuste-
ments, nous avons procédé à des analyses graphiques (les graphiques
relatifs à l’ENNVM 1998-1999 sont reproduits sur la figure A1 en an-
nexe)6 . Ces analyses consistent à comparer les cinq distributions ajustées
à la distribution empirique en les représentant ensemble sur une même
figure. Sur ces graphiques, on représente les valeurs des fonctions de ré-
partition empiriques Ge (yi ) = Fi et celles des fonctions de répartition

5 Les programmes écrits en GAMS sont disponibles sur demande chez les auteurs.
6 Ceux relatifs à l’ENNVM 1990-1991 ont été supprimés pour alléger le texte. Ils sont
disponibles chez les auteurs.
Distributions des dépenses de consommation des ménages au Maroc 99

successivement ajustées où yi représente l’observation individuelle (la


dépense de consommation).
Par une observation directe des graphiques obtenus, il ressort
clairement que dans tous les cas considérés (urbain/rural et année
d’enquête), les graphes relatifs aux fonctions de répartition des trois
distributions log-normale, log-normale déplacée et Champernowne, sont
les plus proches de celui de la fonction de répartition empirique et
ont un aspect comparable. Les graphes des deux autres distributions
(Pareto et Pareto tronquée) sont par contre nettement éloignés de ceux
des distributions empiriques.
Il ressort aussi globalement de l’analyse des graphiques et des autres
résultats que les estimations obtenues sont comparables, mais présentent
des différences perceptibles entre les deux milieux et aussi sur le plan
temporel. Ces différences témoignent des écarts et des changements
dans les formes des distributions dans l’espace d’une part et dans le
temps d’autre part. En effet la comparaison des résultats des estimations
entre les deux milieux pour chacune des deux enquêtes montre que les
estimations de certains paramètres sont comparables alors qu’elles sont
assez différentes pour plusieurs autres. Il est donc tout à fait justifié de
procéder à des estimations et à des ajustements par milieu de résidence.
Ces écarts ne peuvent pas s’expliquer par la seule différence dans les
tailles des échantillons entre les différents milieux et entre les deux
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enquêtes. Ils ne peuvent s’expliquer que par les différences dans les
distributions des dépenses de consommation entre les milieux et entre
les années d’enquêtes.
La deuxième étape de cette évaluation est plus formelle et repose
sur une analyse statistique utilisant le critère EAMR présenté plus
haut. En effet, elle permet de valider l’information apportée par la
première étape. L’examen de ces résultats (tableau A3) montre que
les trois distributions révélées par les graphiques (log-normale, log-
normale déplacée et Champernowne) sont celles qui donnent les plus
petites valeurs de l’EAMR. Sur cette base, nous rejetons les deux autres
distributions (Pareto, Pareto tronquée), nettement dominées par les
trois autres distributions à ce niveau et ce pour les deux milieux et
pour les deux enquêtes.
Si l’on veut affiner la comparaison entre les trois distributions rete-
nues dans cette première approche (log-normale, log-normale déplacée
et Champernowne), il ressort que la distribution log-normale déplacée
l’emporte, quoique faiblement, sur les deux autres et ce pour les deux
milieux et pour les deux enquêtes (voir le tableau A3 en annexe).
100 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

Par ailleurs, et à cause des valeurs très rapprochées de l’EAMR pour


les trois distributions retenues, nous avons procédé à une application
du principe de transformation d’échelle de la fonction de répartition.
Les graphes de probabilité correspondants sont reproduits en annexe
(figures A2).
À partir de ces graphiques et des valeurs du coefficient de détermi-
nation R2 , qui mesure la qualité de l’ajustement linéaire (tableau A4
en annexe), il ressort effectivement que la distribution log-normale dé-
placée l’emporte sur les deux autres, ce qui confirme le résultat déduit
ci-dessus. Remarquons à cet égard que pratiquement toutes les valeurs
de la statistique R2 , calculées sur les ajustements des nuages de points
(y(i) , zi ), sont supérieures à 0, 90.

5 CONCLUSION

Dans ce travail, nous sommes revenus rapidement sur l’évolution des


dépenses de consommation et de la pauvreté au Maroc pendant la
dernière décennie du siècle précédent, à la lumière des résultats des
deux dernières Enquêtes nationales sur le niveau de vie des ménages
(ENNVM 1990-1991 et ENNVM 1998-1999). En adoptant une approche
paramétrique, nous avons présenté en détail les distributions théoriques
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les plus utilisées pour modéliser les répartitions de revenus ou de
dépenses. Il s’agit principalement des distributions log-normale, log-
normale déplacée (ou à trois paramètres), de Pareto, de Pareto tronquée
et enfin celle de Champernowne. Nous avons caractérisé chacune de
ces lois en précisant ses paramètres ainsi que les techniques de leurs
estimations.
À partir des données des deux enquêtes, nous avons estimé les
paramètres de toutes ces distributions en utilisant des programmes
d’optimisation et de résolution de systèmes non linéaires appropriés.
Nous avons aussi procédé aux tests et aux ajustements statistiques
pertinents sur les distributions retenues, séparément pour chacun des
deux milieux de résidence, urbain et rural, et pour chacune des deux
enquêtes.
De l’analyse des résultats et des estimations obtenus, il ressort
clairement que dans les quatre cas considérés, les trois distributions
log-normale, log-normale déplacée et Champernowne sont celles qui
s’ajustent le mieux aux données. Les deux autres distributions (Pareto et
Pareto tronquée) s’ajustent nettement moins bien. En affinant davantage
la comparaison statistique entre les trois distributions, il ressort que
Distributions des dépenses de consommation des ménages au Maroc 101

la distribution log-normale déplacée est préférable pour modéliser le


comportement de la dépense de consommation des ménages au Maroc
pour les deux milieux de résidence et pour les deux enquêtes considérées.

RÉFÉRENCES

ABDELKHALEK, T. et A. CHAOUBI (1999), « Croissance économique et


pauvreté au Maroc : le contexte théorique », Cahier de recherche de l’équipe
MIMAP-Maroc Étude C1, INSEA, Rabat.
ABDELKHALEK, T. et A. CHAOUBI (2000), « Croissance économique et pau-
vreté au Maroc : une analyse des distributions des dépenses de consomma-
tion », Cahier de recherche de l’équipe MIMAP-Maroc Étude C2, INSEA,
Rabat.
BROOKE, A., D. KENDRIK et MEERAUS (1988), GAMS : A User’s Guide, Palo
Alto, CA, Scintific Press Redwood City.
CASTILLO, E. et S. H. ALI (1997), « Fitting the Generalized Pareto Distribution
to Data », Journal of the American Statistical Association, 92, n°440,
pp. 1609-1620.
CROW, E.L. et K. SHIMIZU (1988), Lognormal Distributions : Theory and
Applications, Marcel Dekker, Inc., New York.
D’AGOSTINO, R.B. et M.A. STEPHENS (1986), Goodness-of-fit Techniques,
Marcel Dekker, Inc., New York.
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Direction de la statistique (2001), Enquête nationale sur le niveau de vie des
ménages 1998-1999, Rabat, Rapport de synthèse.
Direction de la statistique, (1993), Enquête nationale sur le niveau de vie des
ménages 1990-1991, Rabat.
GOLDBERG, G. (1967), « The Pareto Law and the Pyramid Distribution »,
Publication 505, Houston, Texas, Shell Development.
HARTER, H. L. et A. H. MOORE (1966), « Local Maximum Likelihood Estima-
tion of the Parameters of the Three Parameter Lognormal Distribution »,
Journal of the American Statistical Association, 61, pp. 842-851.
HILL, B. M. (1963), « The Three Parameter Lognormal Distribution and
Bayesian Analysis of a Point-Source Epidemic », Journal of the American
Statistical Association, 58, pp. 72-84.
JOHNSON, N. L. et S. KOTZ (1970), Distributions in Statistics : Continous
Univariate Distributions, volume 1, New York, Wiley.
LECAM, L. (1990), « Maximum Likelihood : an Introduction », International
Statistical Institute Review, 58, n°2, pp. 153-172.
102 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

Tableau A1 : Quelques principales caractéristiques


Distribution Espérance mathématique Médiane Mode
2
Log-normale exp(µ + σ 2 /2) eµ e(µ−σ )

2
Log-normale Déplacée λ + exp(µ + σ 2 /2) λ + eµ λ + e(µ−σ )

λθ
Pareto ; (θ > 1) λ λ21/θ
θ−1
  θ −1    
λθ λ λ θ−1
Pareto tronquée 1− 1 − ; (θ > 1) λ λ21/θ
θ−1 λ λ

Tableau A2 : Estimations des paramètres


Distribution Estimations des paramètres sur
les données individuelles de 90-91
Urbain Rural
Log-normale : (µ̂; σ̂ 2 ) (8, 86; 0, 51) (8, 24; 0, 30)
2
Log-normale déplacée : (λ̂; µ̂; σ̂ ) (535, 7; 8, 75; 0, 60) (426, 37; 8, 10; 0, 38)
Pareto : (λ̂; θ̂) (686; 0, 44) (642; 0, 56)

Pareto tronquée : (λ̂; λ̂ ; θ̂) (686; 167715; 0, 17) (642; 36390; 0, 18)
Champernowne : (µ̂; θ̂) (6853; 2, 50) (3705, 63; 3, 26)
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Tableau A3 : Valeurs du critère EAMR
Distributions
Année Milieu de résidence Log-normale Log-normale déplacée
1990- Urbain 0, 0068 0, 0047
1991 Rural 0, 0031 0, 0019
1998- Urbain 0, 008 0, 005
1999 Rural 0, 002 0, 001

Tableau A4 : Valeurs du critère R2


Distributions
Année Milieu de résidence Log-normale Log-normale déplacée Champernowne
1990-1991 Urbain 0, 9637 0, 978 0, 9513
Rural 0, 9764 0, 9888 0, 9411
1998-1999 Urbain 0, 9804 0, 9892 0, 8972
Rural 0, 9678 0, 9759 0, 9547
Distributions des dépenses de consommation des ménages au Maroc 103

des distributions considérées 7


Variance (µ2 ) Moment centré d’ordre 3 (µ3 ) Moment centré d’ordre 4 (µ4 )
2 2
2 2 2 2 2 e4µ e2σ (eσ − 1)2 ×
e(2µ+σ ) (eσ − 1) e3µ e3σ /2 (eσ − 1)2 (eσ + 2) 2 2 2
(e4σ + 2e3σ + 3e2σ − 3)
2 2
2 2 2
/2 (eσ 2 2 e4µ e2σ (eσ − 1)2 ×
e(2µ+σ ) (eσ − 1) e3µ e3σ − 1)2 (eσ + 2) 2 2 2
(e4σ + 2e3σ + 3e2σ − 3)
θλ2 2θ(θ + 1)λ3 2
3θ(3θ + θ + 2)λ 4
; (θ > 2) ; (θ > 3) ; (θ > 4)
(θ − 1)2 (θ − 2) (θ − 3)(θ − 1)3 (θ − 2) (θ − 4)(θ − 3)(θ − 1)4 (θ − 2)
θλ2 2θ(θ + 1)λ3 3θ(3θ2 + θ + 2)λ4
; (θ > 2) ; (θ > 3) ; (θ > 4)
(θ − 1)2 (θ − 2) (θ − 3)(θ − 1)3 (θ − 2) (θ − 4)(θ − 3)(θ − 1)4 (θ − 2)

des cinq distributions considérées


Estimations des paramètres sur
les données individuelles de 98-99
Urbain Rural
(8, 66; 0, 43) (8, 14; 0, 32)
(503, 1; 8, 54; 0, 53) (192, 23; 8, 08; 0, 36)
(567, 65; 0, 43) (677, 81; 0, 61)
(567, 65; 84218, 28; 0, 08) (677, 81; 53129, 67; 0, 36)
(5605; 2, 68) (3420; 3, 12)
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pour les cinq distributions ajustées
Distributions
Pareto Pareto tronquée Champernowne
4973, 45 0, 1272 0, 0055
2924, 59 0, 0999 0, 0023
7144, 280 0, 141 0, 007
122, 754 0, 116 0, 004

7 Les caractéristiques de la distribution de Champernowne ont des formes plutôt complexes et


ne sont donc pas rapportées.
104 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

Figure A1 : Graphiques des fonctions de répartition empiriques et estimées

Urbain 1998-1999
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Rural 1998-1999
Distributions des dépenses de consommation des ménages au Maroc 105

Figure A2 : Graphiques de probabilité


Urbain 1998-1999
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106 Touhami Abdelkhalek, Abdelaziz Chaoubi

Figure A2 : Graphiques de probabilité (suite)


Rural 1998-1999
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