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Syntheses Sur Gargantua
Syntheses Sur Gargantua
Occurrences de sa présence
Apparition tardive mais ne quitte plus ensuite le devant de la scène :
- 1er surgissement dans la défense de l’abbaye de Seuilly (chap. 27)
- Accueil par G et les siens : Frère Jean se mêle à ces joyeux compagnons (chap.
39)
- Propos de Frère Jean concernant le mode de vie des moines (chap. 40)
- Veillée d’armes (chap. 41)
- Participation à la bataille (chap. 42 à 45)
- Interrogé par Grandgousier à propos de Touquedillon qu’il a fait emprisonner
(chap. 46)
- Fondation de l’abbaye de Thélème (chap. 52)
Caractéristiques générales
- Personnage qui se définit par l’engagement et la générosité
Drôlerie et sens de la répartie
- Porteur de valeurs positives, image inverse du religieux brocardé par les textes
médiévaux
- Fait ensuite partie du groupe d’amis de G, dont la convivialité et l’art de vie
constituent une forme d’idéal social et humain
- Dimension subversive : sa démesure, sa verve et sa revendication d’autonomie
en font une source de renouveau
Bilan : FJ est un personnage essentiel, porteur de l’esprit de franche gaieté prôné par
Rabelais mais en même temps rétif à toute éducation humaniste. A travers cette figure,
Rabelais propose donc un renouvellement des pratiques religieuses et de la vie
monacale.
Grandgousier, un roi philosophe
Chap. XLV : G dit : « C’est ce que dit Platon au livre V de la République : que lors les
républiques seroient heureuses quand les roys philosopheroient ou les philosophes
regneroient »
→ puisque les philosophes ne règnent pas, reste la philosophie du roi et sa
signification
Face à la guerre
- Gg frappé de perplexité quand il apprend que Picrochole a envahi ses terres,
va tout faire pour que Picrochole retrouve la raison et que la guerre n’ait pas
lieu
- Gg s’entoure de ses conseillers pour délibérer et envoie un émissaire, essaie
de réparer la soi-disant offense faite aux fouaciers
→ tentatives vaines face à l’appétit de conquête et la colère barbare de Picrochole
- Connaissance de son devoir de roi : protéger ses sujets donc prêt à se battre
mais dans une volonté de défense et non d’attaque
- Ennemis traités ensuite avec modération
Repérages
- rire associé au MA et au XVIème à la figure du Diable car rire revient à se
moquer de Dieu et à remettre en cause l’ordre établi
- le sérieux est ce qui fait de nous des hommes
- en même temps, conception antique selon laquelle le rire est un privilège
humain : les animaux ne savent pas rire
- rire omniprésent, à l’ouverture du roman (dans les vers du début : « il vaut mieux
traiter du rire que des larmes », dans les vers liminaires « rire est le propre de
l’homme ») et à la fin
- roman qui semble fonder sur l’alternance de passages comiques dépourvus de
toute dimension savante et de passages sérieux où le savoir est au cœur du
propos
Certains critiques voient dans la construction de l’œuvre une alternance entre
épisodes carnavalesques (exemple : les cloches de ND) et épisodes
humanistes (exemple : les chapitres sur l’éducation, Thélème, etc.).
- rire qui caractérise les personnages :
Grandgousier est un « fier luron », Frère Jean est « joyeux »
1/ Le carnaval
- Inversion des valeurs : roi Picrochole représenté comme un roi de pacotille,
colérique
→ le haut devient le bas et inversement
- Rire d’apparence gratuit quand Rabelais joue sur la disproportion entre les
géants et les êtres humains = comique gigantal
Même esthétique de la démesure avec les nombreuses listes
2/ Le détournement
La parodie :
● de la religion : parodie du déluge avec l’urine qui noie les parisiens, parodie de la
parole biblique qui devient l’éloge de l’ivresse
● de la politique : Picrochole ressemble à un personnage de farce qui tue son cheval
à la fin de la guerre et s’enfuit / opposé au prince humaniste que devient Gargantua
● des romans de chevalerie : héros entouré de ses compagnons, série de batailles
comme la description de la bataille du clos de Seuillé
Objectif : parodier l’idéal chevaleresque qui glorifie la force guerrière et la brutalité pour
y opposer un idéal fondé sur l’éducation
● des discours scolastiques : Janotus de Bragmardo qui fait un long discours qui
ridiculise les procédés de la rhétorique = pédant au discours absurde et creux
Bilan 1 : Le comique occupe donc une place de premier plan dans cette œuvre. Mais
comme souvent en littérature, ce comique ne relève pas du seul divertissement
fantaisiste : il a aussi une portée critique, qui permet à Rabelais de dévaloriser
certains travers de son temps, d’autant plus que l’on peut repérer dans l’œuvre maintes
allusions à l’actualité religieuse et politique, et que Gargantua ne se contente pas de
critiquer, mais propose aussi un idéal humaniste.
Conclusion :
Gargantua illustre donc bien, semble-t-il, tout le potentiel du rire, du délire
fantaisiste à la satire politique ou religieuse. L’œuvre montre ainsi qu’il est simpliste
d’opposer rire et sérieux : les deux sont constamment mêlés. En ce sens, même s’il
avait de fortes réserves sur l’esthétique rabelaisienne, Voltaire en est l’héritier avec
ses contes philosophiques : lui aussi met le rire au service d’une réflexion sérieuse.
La vision du corps dans Gargantua
A la Renaissance
- Mise en valeur du corps magnifié dans la peinture
- Intérêt pour l’homme dans toutes ses dimensions
- Intérêt tout particulier de Rabelais qui a traduit des textes médicaux grecs et
exerce comme médecin
Pbmq : coexistence d’une vision carnavalesque et d’une vision plus sérieuse du corps
- Comique qui repose sur le corps grotesque → insistance sur ce que M.Bakhtine
appelle le « bas corporel » : ingestion et évacuation de la nourriture, sexualité
…
Ex : naissance de Gargantua dans un contexte carnavalesque (banquet, abus de
boisson …), enfance où G est livré à lui-même, obnubilé par la nourriture, invention du
meilleur « torche-cul » comme signe que l’enfant apprend la propreté
- Focalisation sur le bas corporel renforcée par la gigantisme qui rend
spectaculaires les manifestations du fonctionnement du corps
- Physiologie traitée sur le mode de l’excès, du hors-normes : précisions chiffrées
sur les quantités de nourriture ou de boisson ingurgitées
- Carnaval comme temps de l’inversion des valeurs et de la régénération
Ex : naissance de G non par le bas mais par l’oreille gauche de sa mère
BILAN
Gargantua est donc imprégné d’une vision humaniste du corps, objet de
connaissance, lieu du plaisir et de la douleur, bref, partie intégrante de l’expérience
humaine et, comme tel, digne d’objet de littérature, d’autant plus que R en exploite tout
le potentiel métaphorique.
La guerre dans Gargantua
CONTEXTE : Les guerres d’Italie qui, loin de se limiter aux terres italiennes, ont en
réalité concerné toute l’Europe, ont débuté en 1494 et prendront fin en 1559.
Dans Gargantua : récit parodique qui situe le conflit dans la petite région de Chinon,
ce sont tous les aspects de la guerre du temps de François 1er et de Charles Quint qui
sont évoqués
La guerre dite picrocholine, du nom de Picrochole « bile amère » occupe une place
importante dans Gargantua puisque Rabelais y consacre 27 chapitres (chapitres XXV
à LII.) :
- naissance du conflit et les différentes opérations militaires
- aspects diplomatiques avec les consultations, les envois d’ambassades, les
négociations, le traitement des prisonniers et des vaincus.
- dimension psychologique et morale de la guerre montrée et analysée
I/ Le déroulement de la guerre
2/ Le déroulement
- d’abord querelle dérisoire qui oppose les bergers de Grandgousier et les
fouaciers de Picrochole
- ampleur quand les fouaciers se plaignent à leur roi Picrochole « bile amère »
de la méchanceté des bergers
→ disproportion entre les causes ou prétextes des guerres et les débuts de celle-ci
et leurs développements ultérieurs et leurs conséquences.
Les causes et prétextes des guerres sont montrées ici, de façon parodique et comique,
comme particulièrement futiles.
A – L’attaque de Picrochole
Rabelais met l’accent sur la précipitation de Picrochole, l’importance de l’armement, la
lâcheté de Picrochole et des « princes de son royaulme », qui restent bien protégés
au milieu de l’armée.
B – Un exploit remarquable : la défense du clos de Seuillé par frère
Jean
Conformément à la tradition des romans de chevalerie, l’exploit personnel et individuel
du héros est fortement valorisé.
Le premier temps est donc satirique et porte sur la scolastique médiévale. Il donne en
réalité la perception globale que les humanistes de la Renaissance en avaient : il ne s’agit pas
de la réalité exacte de la scolastique mais de sa caricature.
Grandgousier apparaît ici comme un personnage comique car il est enfermé dans un
optimisme béat concernant son fils. Par le seul fait que celui-ci a inventé un torche-cul, il lui
prédit la plus haute sagesse. Les hyperboles déconsidèrent le discours du père : « participe
de quelque puissance divine », « aigue, subtile, profonde et sereine », « souverain degré de
sagesse ».
Sa position sur l’éducation est de plus fausse et incomplète : il n’assigne pas à
l’éducation le but du développement de soi et de sa personnalité, mais l’instruction au sens
d’une accumulation savante : « je veux le confier à quelque sage, pour qu’il soit instruit selon
ses capacités ». C’est là déjà l’annonce d’un programme d’éducation scolastique, livresque,
fait d’une accumulation de savoirs inutiles et desséchants.
En revanche, l’éducation humaniste proposée par Ponocrates touche tous les domaines
de la connaissance : la religion, l’astrologie (l.11-13), la morale (l.15-16), le sport et la
connaissance du corps, la littérature, les propriétés médicales des aliments et des herbes.
Gargantua devient ainsi un grand sportif, un homme versé dans les saintes Ecritures, lettré,
ayant des connaissances sur tout et capable d’être médecin. L’éducation encyclopédique
proposée doit ouvrir l’esprit et la curiosité.
Cependant, on peut être surpris par l’utilisation du temps : toutes les activités de
Gargantua sont recouvertes par l’éducation, jusqu’au passage à la selle, en passant par le
repas ou la promenade. Il s’agit plus d’un idéal que d’un réel programme d’éducation
réalisable. En fait, même positif, ce passage entre quand même dans un récit comique : la
fébrilité, la surcharge de la journée est du côté comique de la démesure. Il y a également du
comique à penser que Gargantua se fait expliquer les points les plus subtiles de l’Ecriture
précisément au moment des cabinets. De même, méditer à quatre heures du matin sur « la
majesté et jugemens merveilleux » de Dieu pendant qu’on lui passe un gant humide sur la
figure prête à sourire. Le comique est plus recherché que dans le chap.14 mais tout aussi
évident.
Toutefois, Rabelais propose sa vision humaniste de ce que doit être l’éducation, contre
l’enseignement scolastique.
Rabelais offre ainsi une progression à son personnage et au lecteur vers plus de
sagesse, d’éducation et de savoir-vivre. Il oppose ainsi l’enseignement aride, livresque et
stérile de la scolastique à une véritable éducation humaniste, qui touche tous les domaines de
la connaissance, s’appuie sur des exemples et des observations complètes, et est un
épanouissement de soi-même, intellectuellement et physiquement. Cet idéal est bien sûr
inapplicable mais est proposé à titre d’exemple pour éduquer des natures lymphatiques. Dans
l’abbaye de Thélème, les participants ayant déjà de la sagesse et du savoir-vivre, certaines
contraintes, comme celle du temps, auront disparu. En d’autres termes, cette éducation
conduit l’homme à une véritable liberté responsable.