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1°/ Mme Vigneron

Bilan sur Gargantua


Sujet : Quelles sont les fonctions du rire dans Gargantua ?
Problématique : Pourquoi Rabelais vise-t-il à faire rire son lecteur ? Autrement dit, en quoi le rire
rabelaisien dépasse-t-il le simple divertissement ?

I Faire rire pour divertir le lecteur : FONCTION LUDIQUE


Rabelais utilise en premier lieu le rire comme moyen d’amuser et de libérer le lecteur.

1/ Rabelais invite d’emblée son lecteur à rire


 Dès le début de l’œuvre, sous le déguisement d’Alcofribas Nasier, Rabelais annonce le ton de l’œuvre,
placée sous le signe de la joie et du rire ; faire rire est important pour Rabelais.
ex. 1 : poème liminaire « Avis au lecteur » : adresse directe par l’apostrophe « Amis lecteurs » = complicité,
captation benevolentiae + lui dit qu’il trouvera dans son livre « matière à rire » + Rabelais utilise aussi la
citation d’Aristote « Parce que le rire est le propre de l’homme »
ex. 2 : dans le prologue, adresse directe aussi « Buveurs très illustres, vérolés très précieux » : les thèmes de
l’œuvre sont posés = le rire, le vin, la nourriture, la bonne humeur « ébaudissez-vous et gaîment lisez »
ex. 3 : tous les passages de festin ou de beuverie = tonalité joyeuse du roman

2/ Il le fait rire en le plongeant dans un univers de farce et de démesure


Rabelais utilise les comiques de situation, de caractère et de gestes
ex. 1 : l’univers des géants : tout est surdimensionné et incroyable avec Gargantua : sa naissance par
l’oreille de Gargamelle, sa jument qui détruit toute une forêt avec sa queue, Gargantua qui vole les
cloches de Notre-Dame pour les mettre autour du cou de sa jument : c’est un univers de farce
ex. 2 : les épisodes scatologiques et l’évocation du bas-corporel : la diarrhée de Gargamelle qui a mangé
trop de tripes, la façon dont se comporte Gargantua quand il est petit « [il] « se vautrait dans les ordures […]
pissait sur ses souliers », l’épisode des « torche-culs », le déluge d’urine déversé par G. sur les habitants de
Paris
ex. 3 : la tradition du carnaval basée sur l’inversion des valeurs hiérarchies : le moine devient guerrier
« mi-diable » qui jubile du carnage qu’il réalise

3/ C’est aussi par sa créativité langagière que Rabelais fait rire son lecteur
cette écriture correspond à une esthétique de la joie, à une sorte d’euphorie verbale ; ce comique de
mots permet de créer un univers où règne la fantaisie.
ex. 1 : les mots grossiers qui évoquent les excréments : l’épisode des « torche-culs » avec le poème
ex. 2 les accumulations et les hyperboles : la liste des jeux de Gargantua
ex. 3 : les jeux de mots : « le service divin » / « le service du vin »
ex. 4 : les néologismes = invention verbale lors des propos « torcheculatifs », « rataconniculer », «
mammalement »
ex. 5 : les onomatopées aux effets sonores drôles
NB : possibilité aussi de faire une sous-partie sur le rire parodique qui nécessite la complicité du lecteur pour être
décelé.

Transition : Le rire chez Rabelais a bien pour objectif de divertir le lecteur mais il serait naïf de croire que
c’est sa seule fonction : ce rire, en apparence gratuit, est plus sérieux qu’il n’y paraît puisque qu’il permet
aussi de transmettre joyeusement une critique.

II : Faire rire pour dénoncer certains travers de l’époque : LA FONCTION CRITIQUE/SATIRIQUE


L’auteur utilise en second lieu le rire comme arme pour dénoncer l’héritage médiéval.
Le rire se met au service du sérieux et permet un regard critique sur la société : cela vise à discréditer les
ennemis de l’humanisme.

1er argument : La satire des sophistes et de l’éducation scolastique


rire du savoir, des pédants et de l’esprit de sérieux
ex. 1 : précepteurs sophistes Thubal Holoferne et Jobelin Bridé qui appartiennent à la Sorbonne cf.
onomastique :
« Thubal » = « la confusion » ! « jobelin » = « jobard » dc idiot et « bridé » = « à l’intelligence limitée »
pratique pédagogique scolastique ridicule : G. apprend son alphabet à l’endroit et à l’envers pdt plusieurs
années
ex. 2 Gargantua se met à « pleurer comme une vache » dvt Eudémon et son éloquence = éducation inutile
ex. 3 : la harangue de Janotus de Bragmardo = discours incompréhensible, pédant, latinisant

2ème argument : La critique religieuse


 Rabelais critique le clergé et les moines.
ex.1 : la caricature des moines grâce à frère Jean avec « Les pauvres diables de moines » = antithèse
ironique qui a pour but de discréditer les moines de l’abbaye de Seuilly, passifs et incapables de protéger
leur abbaye.
ex.2 : Rabelais condamne sous des aspects comiques les pèlerinages et le culte des saints cf. épisode farfelu des
pèlerins mangés en salade et qui se promènent dans la bouche de Gargantua suivi par une réflexion sur la
superstition : c’est Grandgousier qui donne la morale et qui enjoint aux pèlerins de ne pas croire tout ce
qu’on essaie de leur faire croire (Rab. = évangéliste, reproche à l’Eglise d’exploiter la naïveté du peuple)
ex. 3 : L’abbaye utopique de Thélème dont la devise est « Fais ce que voudras » : cette abbaye ne respecte
pas le vœu de chasteté, de pauvreté ou d’obéissance et insulte donc la communauté religieuse, il s’agit
d’une anti-abbaye.

3ème argument : La dénonciation de la guerre


Rabelais critique la violence des guerres et l’esprit de conquête.
ex. 1 : la parodie des épopées avec l’épisode de frère Jean qui massacre les ennemis.
ex. 2 : la soif de conquêtes de Picrochole qui se fait manipuler par ses conseillers

Transition : Mais le rire n’est pas que divertissement ou critique : il est aussi porteur de la pensée
humaniste de l’auteur

III Le rire est porteur de la pensée humaniste elle-même : LA FONCTION PHILOSOPHIQUE ET


MORALE
Le rire chez Rabelais est très important car il est le reflet de sa vision humaniste. Faire rire permet de
créer une distance et de nous préparer à mieux découvrir ensuite les préceptes très sérieux de l’humanisme.

1/ Le rire a une fonction thérapeutique = le rire médecin


Rab. veut guérir ses lecteurs par le rire (il était médecin) : être bien = un objectif humaniste
ex.1 : dès le poème liminaire adressé aux lecteurs, le rire est présenté comme une consolation au chagrin et
aux difficultés de la vie : « Quand je vois la peine qui vous mine et consume, / Il vaut mieux traiter du rire que des
larmes » + « Parce que le rire est le propre de l’homme.» + « Vivez heureux »

2/ Le rire se met au service d’un idéal de sagesse, il est porteur de la pensée humaniste de
Rabelais
le rire mène à la sagesse, il est d’une grande profondeur de sens, il contribue à développer la pensée
humaniste ; il rend l’homme meilleur et élève son âme.
ex. 1 : dès le prologue, Rabelais nous dit que le rire contient un savoir précieux en utilisant la métaphore
des Silènes ou la comparaison avec Socrate : le rire n’est pas gratuit mais il contient des leçons qu’il
appartient au lecteur de découvrir : il faut découvrir le sens allégorique des œuvres joyeuses. Exemple :
l’épisode du « torche-cul » cache un message élevé et philosophique, une question profonde : comment se
débarrasser (de façon plaisante et efficace) de la merde de ce monde ? càd. de nos passions mauvaises, du
péché, du mal ?
ex. 2 : le ridicule de Picrochole est porteur d’une dimension morale puisque Rabelais amène indirectement
le lecteur à réfléchir au modèle du bon prince.
ex. 3 : le nom même de G. évoque la gorge déployée pour rire : « quel grand tu as ! ». G. = métaphore du rire,
de l’appétit du savoir

3/ Le rire mène à la construction d’un modèle de sagesse : la leçon finale de l’abbaye de Thélème,
utopie humaniste

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