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DOSSIER

02.5 L’immeubLe et La fiscaLité internationaLe

02.5

impôt minimum mondial


(Pilier 2) : quel impact
sur le secteur immobilier ?

Agathe van Ariane BROHEZ Imme KAM


AMERONGEN Avocate associée, Associé, Fiscaliste
Conseillère fiscale, Loyens & Loeff (Paris) en droit néerlandais,
Loyens & Loeff (Rotterdam) Loyens & Loeff (Paris)

Les fonds d’investissement et véhicules d’investissement 15 et 16) et la détention immobilière transfrontalière


immobilier ont reçu une attention particulière, sous la (V. § 17). À noter également, le secteur ne devrait pas
forme d’une exclusion du Pilier 2. Les conditions posées pouvoir bénéficier des mesures d’allègement en matière
pour bénéficier de cette exclusion ne sont toutefois d’exclusion des bénéfices liée à la substance et de routine
pas simples et pourraient mener à une inclusion, le profits (V. § 18 et 21). Les dispositions spécifiques en
cas échéant partielle (V. § 3 à 7). D’autres acteurs du matière de coentreprise, qui dépendent également
secteur immobilier, comme les compagnies d’assurance, des transpositions nationales, vont aussi requérir
entrent dans le champ d’application du Pilier 2. Pour une attention particulière (V. § 19). il reste désormais
les sociétés soumises à Pilier 2, les investissements très peu de temps aux groupes (potentiellement)
immobiliers requièrent une attention spécifique quand concernés pour déterminer leur position, et celle de
il est question de déterminer les impôts couverts (V. leurs filiales, et le cas échéant les régimes de protection
§ 13 et 14), l’allocation des retenues à la source (V. § ou réorganisation qui pourraient être envisagés.

Introduction Les règles GloBE visent à mettre en œuvre un impôt mini-


mum mondial à un taux effectif de 15 %, calculé juridiction
par juridiction2. Un impôt complémentaire serait dû sur les
1. Le 14 décembre 2022, le Conseil de l’UE a formellement revenus des entités dans chaque juridiction où le taux effectif
adopté la directive mettant en œuvre les règles d’imposition - calculé sur la base de ces règles GloBE plutôt que sur la base
minimale pour les grands groupes multinationaux (les « règles des règles fiscales nationales - est inférieur à 15 %. L’ensemble
GloBE » ou Pilier 2) au niveau de l’UE1. Les États membres de ces mesures confère des droits d’imposition complémen-
doivent transposer la directive dans leur législation natio- taire à la juridiction de l’entité mère (ultime), à la juridiction
nale avant le 31 décembre 2023. S’agissant de la France, la des entités faiblement imposées (si leur juridiction a mis en
transposition est en cours, prévue par l’article 4 du projet de œuvre un « impôt complémentaire qualifié prélevé locale-
loi de finances pour 2024. ment ») ou même, en dernier recours, à d’autres juridictions
du groupe sur la base d’une formule de répartition.
1 Dir. (UE) 2022/2523, 14 déc. 2022 visant à assurer un niveau minimum
d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les
groupes nationaux de grande envergure dans l’Union : JOUE L 328, 22 déc. 2 Pour une présentation détaillée des règles GloBE, v. le dossier publié
2022, p. 1-58 : FI 1-2023, n° 2, § 9. sous la coordination d’E. Raingeard de la Blétière in FI 2-2022, n° 02.

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L’immeuble et la fiscalité internationale 02.5

I. Le champ d’application du Pilier 2 5. Les véhicules d’investissement immobilier (Real Estate


Investment Trusts, REIT en anglais) qui sont des entités mères
ultimes sont également exclus du champ d’application du
2. Les règles GloBE s’appliqueront aux entreprises mul- Pilier 2. Ils sont définis comme « une entité dont les capitaux sont
tinationales dont le chiffre d’affaires consolidé est d’au largement répartis, qui détient principalement des biens immo-
moins 750 millions d’euros, mais un seuil inférieur pourra biliers et qui est soumise à un niveau d’imposition unique, à sa
être appliqué à la discrétion des pays lors de la transposition. charge ou à la charge de ses détenteurs de titres, reportable d’un
Toutefois, certaines entités sont exclues en raison de an au maximum »4. Cette définition soulève toutefois certaines
leur objectif et de leur statut3. questions. Que signifie l’expression « largement répartis »,
existe-t-il un niveau minimum de flottant (ce qui est généra-
lement le cas dans les réglementations locales des véhicules) ?
A. Fonds d’investissement et véhicules La condition du niveau d’imposition unique est-elle toujours
d’investissement immobilier respectée si certaines activités du véhicule sont imposables ?
Dans certains régimes REIT, le niveau d’imposition unique
3. Le considérant 7 de la directive indique que « […] les fonds est atteint entre les mains des actionnaires par le biais d’une
d’investissement et les véhicules d’investissement immobilier distribution obligatoire de dividendes, mais quelles pourraient
devraient également être exclus du champ d’application de la être les conséquences si le véhicule choisissait de réduire son
présente directive lorsqu’ils se trouvent au sommet de la chaîne de endettement au lieu de distribuer ou décidait de réinvestir au
détention, étant donné que les revenus perçus par ces entités sont lieu de distribuer (sachant que dans certains régimes REIT, la
imposés au niveau de leurs entités détentrices » et l’article 2, 3 de période de réinvestissement peut dépasser un an) ?
la directive dispose que « La présente directive ne s’applique pas
aux entités suivantes (ci-après dénommées “entités exclues”) : a) […] 6. Pour bénéficier de cette exclusion, le fonds d’investis-
un fonds de pension, un fonds d’investissement qui est une entité sement ou le véhicule d’investissement immobilier doit être
mère ultime ou un véhicule d’investissement immobilier qui est l’entité mère ultime (EMU). Une EMU est une entité qui
une entité mère ultime ; ». détient, directement ou indirectement, une participation
de contrôle dans une autre entité (ou l’entité principale d’un
4. Les fonds d’investissement qui sont des entités mères établissement stable dans le champ d’application) et qui n’est
ultimes sont exclus du champ d’application de Pilier 2. Pour pas détenue, directement ou indirectement, par une autre
être qualifié de « fonds d’investissement », une entité ou entité détenant une participation de contrôle dans celle-ci.
une construction doit remplir une série de sept conditions Selon la directive, on entend par « participation conférant le
cumulatives. Certaines d’entre elles requièrent une attention contrôle » une participation dans laquelle le détenteur est tenu
particulière. Le fonds doit être conçu pour mettre en com- (ou aurait été tenu) de consolider l’ensemble des actifs, des
mun des actifs provenant de plusieurs investisseurs, dont passifs, des produits, des charges et des flux de trésorerie ligne
certains ne sont pas liés. Les fonds captifs ne devraient donc par ligne conformément à une norme de comptabilité finan-
pas pouvoir bénéficier de cette exclusion ; cela dit, les fonds cière admissible. Dans le contexte européen, il s’agit de l’IFRS
captifs ne devraient pas non plus être considérés comme 10 (États financiers consolidés), ce qui soulève immédiatement
des entités mères ultimes. Le fonds, ou son gestionnaire, la question de l’exception de consolidation pour les entités
doit être soumis à un régime réglementaire comprenant d’investissement qui doivent évaluer une participation dans
une réglementation appropriée en matière de lutte contre une filiale à sa juste valeur. L’OCDE a fourni des indications
le blanchiment d’argent et de protection des investisseurs. Il utiles dans son document de février 20235 intitulé Guidance on
reste à voir ce que l’on entend par « approprié » ; en tout état the GloBE Rules for Investment Funds, qui précise que le test de
de cause, il conviendrait de conclure que les fonds soumis consolidation présumée ne modifie pas les règles à appliquer
à la directive sur les gestionnaires de FIA et/ou à la direc- en vertu de la norme comptable, et qu’il ne devrait donc pas
tive OPCVM sont conformes à cette exigence. Les autres modifier l’exception pour les entités d’investissement dans
conditions concernent (i) l’investissement en conformité à une consolidation présumée. Une fois la qualification d’EMU
une politique d’investissement définie, (ii) la réduction des confirmée pour ce type de véhicule, l’exclusion pourra égale-
coûts ou la répartition des risques réalisée collectivement ment s’appliquer à leurs filiales, toutefois sous des conditions
par les investisseurs, (iii) l’objectif de générer un revenu strictes de participation.
d’investissement ou un gain en capital, ou de protéger les Cette condition pourrait avoir des conséquences inquié-
investisseurs contre un événement ou un résultat, (iv) le tantes, par exemple dans le cas d’un véhicule d’investissement
droit au rendement pour les investisseurs en fonction de la immobilier européen (entité A) contrôlé par un autre véhi-
contribution apportée et (v) la gestion par des professionnels cule (européen ou non) ou par une entité gouvernementale
pour le compte des investisseurs. (entité B), ou dans le cas d’un fonds d’investissement (entité A)
contrôlé par un fonds de pension (entité B). L’entité A devrait
être exclue du champ d’application du Pilier 2, à condition
3 Cf. D. Bocquet, L. Toxé, M. Poncelet, F.-M. Venier et A.-C. Bossler,
Règles GloBE du Pilier 2 : structures de holding spécifiques et entités 4 Ibidem, art. 3, (32).
d’investissement : FI 2-2022, n° 02.8. 5 Cf. FI 2-2023, n° 4.5.1.

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que l’entité B bénéficie elle-même d’une exclusion et que L’ŒIL DE LA PRATIQUE


l’entité B détienne (directement ou par l’intermédiaire d’en- Ces nouvelles règles du jeu (fiscal) sont complexes et, comme
tités exclues) au moins 95 % de la valeur de l’entité A (qui mentionné ci-dessus, les dispositions concernant les entités
investit essentiellement des fonds pour l’entité B) ou que l’en- exclues pourraient ne pas être aussi simples qu’on pouvait
tité B détienne (directement ou par l’intermédiaire d’entités l’espérer. Les groupes concernés disposent maintenant de
exclues) au moins 85 % de la valeur de l’entité A et que cette peu de temps pour déterminer la qualification de chaque
dernière tire la quasi-totalité de ses revenus de dividendes ou entité du groupe séparément.
de plus-values (ce qui ne serait pas le cas en cas de détention
directe d’actifs immobiliers).
Prenons un fonds d’investissement captif contrôlé par
un fonds de pension ou par un véhicule d’investissement
immobilier (qui est lui-même l’entité mère ultime). Le fonds II. Les conséquences du Pilier 2
d’investissement sera exclu du champ d’application du Pilier
2 parce que l’entité qui le contrôle est également une entité
exclue. 11. Étant donné que les exclusions pour les fonds d’inves-
Prenons le cas d’un véhicule d’investissement immobilier tissement (immobilier) ne sont pas simples ou applicables à
A contrôlé par un véhicule B. Ce dernier pourrait être exclu tous les cas, de nombreux groupes entreront totalement ou
s’il est l’entité mère ultime. Mais le véhicule A ne bénéficiera partiellement dans le champ d’application de Pilier 2. Afin
pas d’une exclusion car il n’est pas l’entité mère ultime et, de savoir si la juridiction d’une entité d’un groupe dans le
compte tenu des exigences minimales en matière de flottant, champ d’application est une juridiction à faible imposition,
le véhicule B ne détient pas 95 % de la valeur du véhicule A (et il convient de déterminer le taux effectif d’imposition (TEI
le véhicule A ne satisfait pas à l’exigence de revenu). GloBE, GloBE ETR en anglais) des entités constitutives dans
ladite juridiction. Le TEI GloBE est calculé en prenant les
7. Les sociétés plateformes et les véhicules ad hoc (Special impôts couverts ajustés (Adjusted Covered Taxes en anglais) de
Purpose Vehicule, SPV en anglais) détenus en quasi-totalité par toutes les entités constitutives du groupe d’entreprises mul-
une EMU exonérée et servant l’objectif d’investissement de tinationales dans une juridiction et en divisant ce montant
cette EMU devraient également être considérés comme des par le bénéfice admissible net (Net GloBE Income, en anglais)
entités exclues. Il est important de noter que lorsque le fonds des entités constitutives dans cette juridiction.
est exempté des obligations de consolidation, il se peut que, Pour ce calcul, les juridictions dans lesquelles s’applique un
dans certaines juridictions, l’obligation de consolidation soit taux d’IS « normal » d’environ 25 % pourraient également être
transférée à une entité holding située en-dessous du fonds. considérées comme faiblement imposées. En effet, le bénéfice
Dans une telle situation, le groupe n’aurait pas un fonds d’in- admissible net diffère souvent de la base imposable nationale,
vestissement comme EMU, mais cette entité holding, et les par exemple en raison de règles plus strictes concernant
règles GloBE pourraient toujours s’appliquer. l’exemption de certains dividendes ou plus-values. En outre,
les impôts couverts ajustés au sens du Pilier 2 pourraient
8. Les autres acteurs habituels du secteur immobilier sont prendre en compte un montant d’impôt différent de l’impôt
les fonds de pension et les compagnies d’assurance. national en raison de différences comptables et fiscales (par
exemple, un amortissement plus élevé sur certains actifs qui
pourrait être corrigé pour GloBE) ou de la non-reconnaissance
B. Fonds de pension et compagnies des pertes aux fins de GloBE.
d’assurance
12. Nous évoquons ci-dessous certains points d’attention
9. Les fonds de pension bénéficient également d’une exclu- spécifiques pour les sociétés qui investissent dans l’immo-
sion du champ d’application de Pilier 2 en vertu de l’article 2, bilier et relèvent du Pilier 2. Ces sociétés doivent notamment
3, a de la directive. Ce terme couvre à la fois les entités régle- prêter attention à la répartition des retenues à la source, aux
mentées opérant au profit du public et les fonds de pension impôts considérés comme des « impôts couverts », à la qua-
des groupes d’entreprises multinationales, à condition que lification de certaines activités en tant qu’« établissement
les prestations de retraite soient garanties ou protégées d’une stable » et à la non-éligibilité à l’exclusion des bénéfices liée
autre manière par des règles nationales et financées par un à la substance.
ensemble d’actifs détenus par le biais d’un accord fiduciaire
ou d’une fiducie.
A. Impôts couverts
10. Les compagnies d’assurance sont d’importants inves-
tisseurs immobiliers. Par principe, elles relèvent du Pilier 26. 13. D’après le commentaire de l’OCDE sur les règles GloBE,
pour déterminer si un impôt est un impôt couvert, l’accent est
mis sur son caractère sous-jacent. Tout d’abord, un « impôt
6 Cf. L. Toxé et M. Carpentier, Application du modèle de règles GloBE aux couvert » désigne un impôt enregistré dans les comptes finan-
compagnies d’assurance : FI 2-2023, n° 4.5.1, § 52 et s. ciers d’une entité constitutive au titre des revenus ou des

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L’immeuble et la fiscalité internationale 02.5

bénéfices, ou de la part des revenus ou des bénéfices d’une quatre catégories d’établissements stables, l’établissement
entité constitutive dans laquelle elle détient une participation. stable au sens des conventions fiscales étant censé être le plus
Il est précisé qu’un impôt sur le revenu est généralement pré- souvent applicable. Toutefois, la seule détention et location de
levé sur un flux d’argent ou de valeur monétaire qui revient à biens immobiliers ne devrait pas conduire à l’existence d’un
un contribuable au cours d’une période donnée. La définition établissement stable au sens de la plupart des conventions,
des impôts couverts est ensuite élargie à tout impôt sur les même si les revenus immobiliers sont bien imposés dans l’État
bénéfices distribués (par exemple, la retenue à la source sur les de la source (i.e. l’État dans lequel le bien immeuble est situé) sur
dividendes) et aux impôts imposés « en lieu et place d’un impôt la base de la convention. Néanmoins, il risque d’être considéré
sur le revenu généralement applicable ». Il s’agit des impôts qui ne comme un « établissement stable apatride » aux fins du Pilier 2.
sont pas décrits dans la règle principale, mais qui fonctionnent Pour les ES apatrides, le montant attribuable à l’ES est basé
comme des substituts à ces impôts, généralement les retenues sur le montant du revenu exonéré d’impôt au niveau de l’entité
à la source sur les intérêts et les redevances. principale, ce qui diffère considérablement du reste des règles
GloBE qui prennent le résultat net comptable comme point de
14. Pour les sociétés qui investissent dans l’immobilier, le départ. Par exemple, cela pourrait entraîner des distorsions pour
montant des impôts couverts par les règles GloBE pour- les biens immobiliers détenus dans une situation transfron-
rait être relativement limité. De plus, toutes une série de talière (notamment en raison de règles différentes en matière
charges fiscales, comme la TVA non récupérable, les droits de d’amortissement), qui ne sont pas considérés comme un établis-
mutation et d’enregistrement, l’impôt foncier, etc. ne sont pas sement stable en vertu de la convention mais qui bénéficient
considérés comme des impôts couverts aux fins des règles d’une exonération d’impôt dans le chef de la société-propriétaire
GloBE et ne sont dès lors pas pris en compte pour le calcul (par exemple, un bien immobilier néerlandais détenu par une
du taux effectif d’imposition. société luxembourgeoise). Dans ce cas, le revenu attribuable
à l’établissement stable est basé sur le montant exonéré en
vertu de la convention fiscale (c’est-à-dire l’exonération entre
B. Répartition des retenues à la source les mains de la société luxembourgeoise et l’attribution du
pouvoir d’imposition aux Pays-Bas dans notre exemple), tandis
15. Étant donné que le TEI GloBE est calculé sur une base que le revenu ou la perte GloBE de la société luxembourgeoise
juridictionnelle, lorsque l’impôt est considéré comme un impôt reste basé sur le résultat net comptable.
couvert, la question de l’allocation se pose. En règle générale,
les impôts couverts qui sont inclus dans les comptes financiers
d’une entité constitutive sont directement alloués à cette entité D. Exclusion des bénéfices liée à la substance
constitutive. Toutefois, dans certains cas, les impôts couverts
peuvent être alloués à l’entité constitutive en relation avec un 18. Les règles GloBE prévoient une exclusion pour les
revenu inclus dans le calcul des bénéfices ou des pertes d’une dépenses relatives aux immobilisations corporelles et aux
autre entité constitutive. C’est le cas, par exemple, des retenues coûts salariaux (exclusion des bénéfices liée à la substance). Le
à la source sur les intérêts et les redevances. Étant donné que montant de cette exclusion réduit directement les bénéfices
les revenus d’intérêts ou de redevances sont inclus dans le excédentaires utilisés pour calculer l’impôt complémentaire.
calcul du revenu ou de la perte du bénéficiaire, la retenue à Le montant (à déduire) relatif aux immobilisations corpo-
la source prélevée est également attribuée au bénéficiaire du relles est égal à 5 % de la valeur comptable de certaines immo-
revenu, et donc pas au débiteur chargé de prélever celle-ci. Il en bilisations corporelles éligibles d’une entité constitutive située
va différemment pour la retenue à la source sur les dividendes. dans une juridiction. Certains actifs sont toutefois spécifique-
Étant donné que le revenu lié à la retenue à la source sur les ment exclus de cette disposition. Il s’agit notamment des biens
dividendes est réalisé par la société distributrice, la retenue à la détenus à des fins d’investissement, de vente ou de location. La
source sur les dividendes est également allouée à cette société. raison en est que l’exclusion est destinée à fournir un certain
allégement aux entreprises multinationales qui exercent des
16. Pour les sociétés qui investissent dans l’immobilier, ce activités économiques nécessitant une présence matérielle
principe d’allocation pourrait augmenter le taux effectif dans une juridiction à faible imposition - et ne se contentent
d’imposition des sociétés détenant l’immobilier, mais pas pas d’acheter des biens d’investissement. Par conséquent, bien
le taux effectif d’imposition de l’investisseur. que cette exclusion semble offrir un allègement pour les biens
immobiliers, les sociétés qui investissent dans l’immobilier
ne pourront généralement pas en bénéficier.
C. Établissements stables
17. La définition d’une « entité constitutive » aux fins du Pilier E. Coentreprises (joint ventures)
2 inclut les établissements stables (ES). Par conséquent, une
société exerçant des activités commerciales dans une autre 19. Les règles GloBE prévoient un traitement spécifique
juridiction par l’intermédiaire d’un établissement stable peut pour les coentreprises. Selon les règles GloBE, une coentre-
entrer dans le champ d’application des règles GloBE dans la prise est une entité dont les résultats financiers sont pré-
juridiction de cet établissement. Les règles GloBE définissent sentés selon la méthode de la mise en équivalence dans

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les états financiers consolidés du groupe de l’entreprise protection transitoire limitera la charge administrative
multinationale, à condition que l’EMU détienne directement pour les aspects des opérations d’un groupe qui sont sus-
ou indirectement au moins 50 % de ses parts. ceptibles d’être imposables à un taux ≥ 15 % sur une base
La joint venture et ses filiales sont considérées comme un juridictionnelle.
groupe d’entreprises multinationales distinct aux fins du Le régime de protection transitoire est largement basé
Pilier 2, et son taux effectif d’imposition juridictionnel est sur les données de la déclaration pays par pays (Country-
donc calculé séparément des autres entités constitutives du by-Country Reporting, CbCR en anglais). Dans le cadre du
groupe d’entreprises multinationales dans cette juridiction. régime de protection, l’impôt complémentaire pour une
L’impôt complémentaire calculé séparément est, en vertu juridiction est réputé nul si l’un des critères suivants est
de la règle d’inclusion des revenus, tout d’abord attribué à rempli dans cette juridiction :
l’EMU, mais uniquement pour sa « part attribuable ». Cela - dans la déclaration pays par pays, le revenu total est
signifie que, dans les situations 50/50 où un seul des action- inférieur à 10 M€ et le bénéfice (perte) avant impôt est infé-
naires entre dans le champ d’application des règles GloBE, rieur à 1 M€ (test de minimis) ;
seul 50 % de l’impôt complémentaire des joint ventures sera - le taux effectif d’imposition (TEI) simplifié (c’est-à-dire
prélevé en vertu de la règle d’inclusion des revenus. la charge d’impôt sur le revenu reprise aux comptes divisée
Toutefois, l’OCDE a publié de nouvelles instructions en par le bénéfice / perte avant impôt tel que repris dans la
juillet 20237, qui prévoient notamment des règles détaillées déclaration pays par pays) est supérieur ou égal au taux de
relatives à l’impôt complémentaire minimum qualifié pré- transition10 ; ou
levé localement8 (ICMQPL, ou Qualifying Domestic Minimum - le bénéfice (perte) avant impôt tel que repris dans la
Top-Up Tax, QDMTT en anglais). En résumé, l’ICMQPL donne déclaration pays par pays est égal ou inférieur au montant de
des droits d’imposition prioritaires à la juridiction faible- l’exclusion des bénéfices liée à la substance (routine profits).
ment imposée, pour prélever un impôt complémentaire
sur son « propre » revenu avant d’autres juridictions. Les 21. Pour les sociétés investissant dans l’immobilier, le
instructions administratives de l’OCDE précisent, dans test de minimis et le test TEI simplifié sont les plus sus-
le cas des joint ventures, qu’un tel impôt complémentaire ceptibles d’être utilisés car, comme mentionné ci-dessus,
national n’est un ICMQPL que s’il prélève 100 % ou 0 % de l’exclusion des bénéfices liée à la substance ne fournira
l’impôt complémentaire de la joint venture. En outre, pour probablement pas d’exclusion significative, bien que le test
qu’un ICMQPL soit conforme à au régime de protection des routine profits puisse apporter une aide importante aux
ICMQPL, la juridiction doit prélever 100 % de l’impôt com- juridictions déficitaires
plémentaire des entités non détenues à 100 % (par exemple, En ce qui concerne le test TEI simplifié, il convient de
les joint ventures). noter qu’il est fondé sur la charge d’impôt sur le revenu
En résumé, on s’attend à ce que la plupart des juridictions figurant dans les états financiers du groupe d’entreprises
qui mettront en œuvre un ICMQPL prélèvent la totalité du multinationales (après déduction des impôts non couverts
montant de l’impôt complémentaire calculé pour « leurs » et des positions fiscales incertaines). Cela ne nécessite aucun
joint ventures, même dans les cas où seule une partie des ajustement du résultat GloBE ; par exemple, il n’y a pas
actionnaires des joint ventures entrent dans le champ d’ap- de retraitement ou de différenciation en ce qui concerne
plication de GloBE. Il s’agit là d’un point d’attention impor- l’allocation des retenues à la source.
tant pour les sociétés qui investissent dans l’immobilier En ce qui concerne les coentreprises, il convient de noter
et qui ne relèvent pas elles-mêmes du Pilier 2, mais dont qu’elles ne sont pas incluses dans la déclaration pays par
le partenaire de coentreprise en relève. pays puisqu’elles ne sont pas consolidées ligne par ligne.
Par conséquent, les montants utilisés pour déterminer le
revenu total et le bénéfice (perte) avant impôt tel que repris
dans la déclaration pays par pays sont ceux qui figurent
dans leurs états financiers qualifiants.
III. Le régime de protection (safe En outre, bien que les règles de la déclaration pays par
pays considèrent également les établissements stables
harbour) comme des entités constitutives distinctes, les établisse-
ments stables apatrides ne sont pas pris en compte sous
20. Compte tenu de la complexité des règles GloBE, un la déclaration pays par pays. Par conséquent, aux fins du
régime de protection transitoire a été développé pour les régime de protection, les montants relatifs aux établisse-
premières années d’application des règles GloBE (c’est-à- ments stables doivent être inclus dans le calcul pour la
dire, dans la plupart des cas, 2024 - 2026)9. Le régime de juridiction de l’entité principale.

7 Cf. FI 4-2023, n° 4, § 40.


8 Parfois dénommé « impôt complémentaire national qualifié » (ICNQ).
9 Cf. D. Bocquet, D. Laske, F. Roux et E. Lorca, Impôt minimum mondial 10 15 % pour les exercices fiscaux commençant en 2023 et 2024, 16 % pour
(Pilier 2) : analyse des régimes de protection et de l’allègement des sanctions : les exercices fiscaux commençant en 2025 et 17 % pour les exercices fiscaux
FI 2-2023, n° 4.5.2. commençant en 2026.

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L’immeuble et la fiscalité internationale 02.5

Conclusion règles GloBE pourraient avoir un résultat contre-intuitif pour


le secteur immobilier. Le nouvel ensemble de règles s’appli-
quera aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.
22. Comme mentionné dans la première partie de cette Les groupes (potentiellement) dans le champ d’application du
contribution, les fonds d’investissement (immobiliers) peuvent Pilier 2 disposent donc d’une année pour identifier les éven-
être exclus des règles GloBE, mais cette exclusion ne s’applique tuelles conséquences fiscales de l’entrée en vigueur du Pilier
pas automatiquement à tous les fonds et/ou à toutes les enti- 2 et, le cas échéant, procéder aux réorganisations adéquates.
tés du groupe. Dans la deuxième partie de cette contribution,
nous avons abordé certains points d’attention pour lesquels les A. van AMERONGEN, A. BROHEZ et I. KAM n

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