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LA CONTRACEPTION DU

POST PARTUM

DR IDRISSI HICHAM
INTRODUCTION

 La période du post-partum débute 2 heures après la délivrance et se poursuit jusqu'au retour de couches : ce dernier
survient en moyenne 6 semaines après l'accouchement, différé en cas d'allaitement prolongé. Cette période présente de
nombreuses particularités imposant une vigilance spécifique :

• variabilité en termes de reprise d'activité ovarienne ;

• vulnérabilité en termes d'hypercoagulabilité ;

• répercussions sur l'enfant en cas d'allaitement du fait du passage des hormones dans le lait maternel;

• inconstance de la reprise d'une sexualité régulière ;

• perturbations anatomiques et psychologiques.


Particularités et Problèmes posés

 La période du post-partum est dominée par le retour à l'état physiologique anatomique,


hormonal et psychologique. S'y rajoutent des spécificités en cas d'allaitement.
Retour de la fertilité : quand y a-t-il reprise des
cycles ovulatoires?
 La reprise de la fonction ovarienne est éminemment variable : elle sera plus précoce en l'absence d'allaitement,
surtout si la lactation a été inhibée par des agonistes dopaminergiques.

 En cas d'allaitement : chaque tétée entraîne un pic de prolactine à l'origine du ralentissement des pics de
GnRH, source d'anovulation. L'inhibition complète de la fonction gonadotrope nécessite cependant un
allaitement exclusif avec 6 tétées par jour également réparties dans la journée. Ce mécanisme physiologique
explique les recommandations OMS concernant la méthode de MAMA (Méthode de l'Allaitement Maternel
avec Aménorrhée). En cas d'allaitement exclusif, les menstruations peuvent survenir avant mais les cycles
restent alors le plus souvent anovulatoires. Cependant, cette méthode est à l'origine de 2% d'échecs avec
survenue d'une nouvelle grossesse. En cas d'allaitement mixte ou d'espacement de la fréquence des tétées, le
recours à une contraception fiable devient impératif.
Retour de la fertilité : quand y a-t-il reprise des
cycles ovulatoires?
 En l'absence d'allaitement, si la montée laiteuse a été inhibée médicalement, le retour de couches survient en
moyenne 3 à 4 semaines après l'accouchement parfois précédé d'une ovulation.

 En l'absence d'allaitement et si aucun traitement n'a été utilisé, l'ovulation ne se produit habituellement pas avant
6 semaines.

 Dans tous les cas, une ovulation peut survenir avant même le retour de couches imposant la mise en route d'une
contraception efficace avant même le retour de couches. Les femmes les plus jeunes semblent retrouver une
fertilité plus rapidement que les plus âgées; certaines ovulations pouvant se produire dès le 20e jour après
l'accouchement.
Jusqu'à quand persiste le risque thrombo-
embolique?

 La grossesse représente une période d'hypercoagulabilité avec d'importantes modifications des facteurs de la
coagulation. On retrouve, en effet, durant la grossesse une augmentation des facteurs de la coagulation et du
fibrinogène associée à une diminution de certains facteurs « anticoagulants » comme la protéine S et une
augmentation de la résistance à la protéine C activée. La plupart de ces altérations, comme celles du facteur VIII,
du facteur X, du fibrinogène et des inhibiteurs du PA 1 et 2, retournent à des valeurs normales entre 1 et 4 
semaines après l'accouchement alors que d'autres ne se normaliseront que 6 à 8 semaines après l'accouchement
(facteur VII, D-dimères en 6 semaines et fragments 1 et 2 de la prothrombine, protéine S et résistance à la
protéine C activée en 8 semaines environ).
Jusqu'à quand persiste le risque thrombo-
embolique?

 Ces anomalies associées à la stase veineuse font du post-partum une période à très haut risque thrombo-
embolique ; ainsi, l'incidence des événements thrombo-emboliques pendant la grossesse est estimée, suivant les
études, entre 8–13/10 000 femmes/année et pendant la période du postpartum (6 semaines après
l'accouchement) à environ 48/10 000 femmes/année. Ce déséquilibre des facteurs de l'hémostase persiste donc
durant environ 6 semaines, délai majoré en cas d'immobilisation. Ce niveau de risque est encore plus élevé en
post-partum s'il existe d'autres facteurs de risque tels que la césarienne, une immobilisation, etc.
Jusqu'à quand persiste le risque thrombo-
embolique?

 Toutes les COP sont de ce fait contre-indiquées dans le post-partum immédiat, quelle qu'en soit la voie
d'administration, y compris les moins fortement dosées et celles contenant de l'estradiol. L'OMS considère
comme « inacceptable » l'initiation d'une contraception combinée estroprogestative dans les 6  semaines qui
suivent l'accouchement. En revanche, la contraception progestative, en particulier par voie orale, sans
retentissement sur les facteurs de la coagulation est autorisée. De même, la contraception progestative sous-
cutanée par implant et les dispositifs intra-utérins (DIU-Cu ou DIU-LNG), sont sans répercussion sur le
risque thromboembolique
En cas d'allaitement, la contraception peut-elle
être nocive pour l'enfant?
 Les hormones utilisées en contraception passent en très faible quantité dans le lait maternel : on estime que ce
passage à 0,02% pour les estrogènes et à 0,1% pour les progestatifs. Différentes études rapportent une neutralité
de la contraception hormonale sur la croissance, le poids et la santé globale de l'enfant. Cependant, les effets à
plus long terme sur les fonctions cognitives et comportementales restent mal évalués; les conséquences
potentielles pouvant se manifester jusqu'à la fin du développement neurologique et sexuel, certains restent
prudents quant à l'utilisation d'une contraception hormonale avant 6 semaines. Il est donc habituellement
déconseillé d'utiliser une COP en cas d'allaitement prolongé. Les contraceptions progestatives seules doivent
être privilégiées en post-partum immédiat
En cas d'allaitement, la contraception peut-elle
modifier la qualité de celui-ci?

 La durée de l'allaitement n'apparaît pas altérée par la prise d'une contraception hormonale qu'elle soit
progestative ou combinée estroprogestative.

 En ce qui concerne l'influence d'une contraception hormonale sur la qualité et la quantité de lait maternel,
les données de la littérature sont insuffisantes pour conclure
Quand peut-on envisager la pose d'un dispositif
intra-utérin?
 L'involution utérine, déjà bien initiée 15 jours après l'accouchement, se complète en 2  mois. L'orifice interne
du col se referme à la fin de la première semaine alors que l'orifice externe reste perméable encore durant
15 jours. La pose d'un dispositif intrautérin (DIU-Cu ou DIU-LNG) peut sans risque être envisagée rapidement
après l'accouchement. En cas d'accouchement par césarienne, le délai de 3 mois habituellement recommandé
ne repose pas sur des données validées et une pose dès la visite post-natale n'induit pas plus de complications
notamment concernant le risque de perforation utérine
Quelles particularités en cas de pathologies
gravidiques?

Certaines pathologies gravidiques contre indiquent de façon provisoire ou définitive


certaines contraceptions ou peuvent imposer une vigilance spécifique.
Accidents thrombo-emboliques

 Tout accident thrombo-embolique constitue une contre-indication absolue et définitive à la COP sans
distinction pour la voie d'administration, le dosage ou le type de molécule estrogénique. La contraceptive
progestative contre-indiquée à la phase aiguë de la thrombose sera autorisée après un délai variable suivant
l'importance de l'événement (en moyenne 3 mois).
Diabète gestationnel
 La survenue d'un diabète gestationnel impose une surveillance des chiffres glycémiques durant les
6 semaines du post-partum. Le plus souvent, les tests sont normaux et toutes les contraceptions
hormonales autorisées sous couvert d'une surveillance métabolique régulière accompagnée de conseils
hygiéno-diététiques détaillés. On sait en effet que la survenue d'un diabète gestationnel multiplie par 7
le risque de diabète ultérieur et que celui-ci peut être prévenu ou retardé par des mesures simples. Si
les contrôles glycémiques réalisés en post-partum révèlent un vrai diabète, la contraception hormonale
sera discutée en fonction du résultat du bilan métabolique et de complications du diabète
Hépatopathies gravidiques

 La notion de cholestase gravidique représentait traditionnellement une contre-indication classique aux


COP. Désormais, après retour à la normalité biologique et sous réserve d'une surveillance biologique
stricte, les COP faiblement dosées en estrogènes sont autorisées. L'accord de l'hépatologue peut se justifier
au moindre doute.
Pathologies vasculo-placentaires

 Tout antécédent d'éclampsie, pré-éclampsie ou hématome rétro-placentaire impose, en postpartum, la


réalisation d'un bilan à la recherche d'une pathologie notamment d'une thrombophilie biologique. En cas de
négativité de ce bilan, toutes les contraceptions hormonales, y compris COP, seront autorisées sous réserve
d'une surveillance tensionnelle régulière. La notion d'HTA gravidique impose les mêmes précautions bien
qu'elle se normalise habituellement dans le post-partum.
Chorioamniotite ou endométrite du post-
partum
 Toute infection génitale haute contre-indique de façon temporaire l'utilisation des contraceptions intra-
utérines : un délai de 3 mois après la guérison est habituellement recommandé avant d'autoriser la pose d'un
DIU.
Choix contraceptif

 Le sujet de la contraception du post-partum doit déjà être évoqué dès la période prénatale.
Les suites de couches représentent un moment privilégié pour en reparler bien que les
préoccupations de la femme se portent habituellement plus sur son enfant. La sortie de la
maternité doit être assortie d'une ordonnance concernant la contraception choisie et la
contraception d'urgence en cas de besoin. En cas de contraception hormonale, une pilule
progestative sera débutée au plus tard 3  semaines après l'accouchement, un relai par une
contraception combinée ne pouvant intervenir qu'après 6 semaines. La visite post-natale,
entre 6 et 8  semaines après l'accouchement, représente un moment idéal pour détailler le
choix contraceptif et s'assurer des connaissances de la patiente. Les principales méthodes
contraceptives sont les suivantes.
Méthode MAMA
 Cette méthode contraceptive reconnue par l'OMS impose des conditions extrêmement rigoureuses :
allaitement exclusif fait de 6 tétées de 10 minutes minimum par jour régulièrement espacées dans la
journée, entraînant une aménorrhée totale, pour une durée de 6  mois. En pratique, cette méthode est très
peu pratiquée et un allaitement moins intensif ne protège pas d'une reprise d'activité ovarienne.
Contraceptions progestatives
 Les contraceptions progestatives représentent la principale option à la sortie de la maternité. Elle sera débutée au plus tard 3 
semaines après l'accouchement. Il s'agira le plus souvent d'une pilule microprogestative prise quotidiennement. Son innocuité
sur l'hémostase et l'allaitement en fait la méthode de référence, elle peut être interrompue en raison de sa mauvaise tolérance
gynécologique.

 Le recours à un implant sous-cutané d'étonogestrel (Nexplanon®) peut également être envisagé en cas de préférence pour une
contraception longue durée. L'injection IM trimestrielle de médroxyprogestérone (Dépo-provéra®) est déconseillée en post-
partum immédiat du fait de son risque thrombogène.
Contraceptions combinées estroprogestatives

 Les COP ne doivent pas être débutées avant rétablissement des paramètres de l'hémostase et en pratique
celles-ci pourront être discutées lors de la visite post-natale 6 semaines après l'accouchement.

 L'utilisation d'un anneau vaginal impose un rétablissement de la tonicité périnéale et sera de ce fait
déconseillé avant 2  mois en cas d'accouchement par voie basse.
Dispositifs intra-utérins au cuivre ou bioactifs

 Bien que leur insertion puisse sans danger se faire en post-partum immédiat, on préfèrera des poses
différées lors de la visite post-natale ou plus tard minimisant ainsi le risque d'expulsion.
Préservatifs masculins

 Les préservatifs masculins représentent une solution acceptable dans la période du post-partum où la
fertilité est réduite. Ils sont préférés chez les couples hostiles à une reprise précoce d'une contraception
hormonale alors que pour d'autres ils constituent un frein à la récupération d'une sexualité harmonieuse.
Préservatifs féminins, diaphragmes et capes
cervicales
 Ils apparaissent d'utilisation délicate en cas d'accouchement par voie basse en raison des manipulations
vaginales qu'ils imposent.
Spermicides

 Certains spermicides ne passent pas la muqueuse vaginale et sont donc à privilégier en cas d'allaitement : il
s'git des spermicides à base de chlorure de benzalkonium (Pharmatex®) ou de chlorure de miristelkinium
(Alpagelle®).
Contraception d'urgence

 Une contraception d'urgence doit être expliquée et prescrite à la sortie de la maternité. Celle-ci pourra
être utilisée en cas de rapport non protégé dès le 21e jour du post-partum.
Méthodes naturelles

 Les méthodes de contraception dites naturelles telles que les méthodes Billings, Ogyno et autres semblent
particulièrement inadaptées dans cette période du post-partum où les modifications physiologiques, anatomiques
et psychologiques perturbent les repères habituels
MERCI

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