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Cas pratique - le droit international

économique
Le Whiskystan est membre de l’OMC. Cet État est donc soumis aux dispositions du
GATT. L’accord général de 1994, intégrant le GATT de 1947, vise à préserver la
liberté du commerce international et à prévenir l’utilisation d’obstacles au commerce
qui compromettrait l’égalité entre les pays signataires.

Le but de cet accord est donc de préserver l’égalité de traitement entre les produits
nationaux et les produits importés. Deux clauses prônent particulièrement cette
égalité : la clause de la nation la plus favorisée et celle de traitement national.

Le Whyskystan a pour idée de mettre en place une nouvelle législation imposant la


mise en place d’étiquettes écologiques sur l’ensemble des produits alimentaires
commercialisés dans cet État indiquant toute une série de mentions telles que la
quantité de gaz carbonique rejetée pour leur fabrication et pour leur transport.

Cette nouvelle législation prévoit également que soit appliquée une écotaxe à
chaque produit en fonction de leur indice écologique. À savoir que plus le produit
viendra de loin, plus l’indice écologique sera mauvais et plus la taxe sera élevée.

Cette législation ne compromet-elle pas l’égalité entre les États signataires de façon
à discriminer les États importateurs de produits alimentaires ?

Cette proposition de loi est-elle conforme à l’article III du GATT ?

L’article III du GATT énonce un ensemble de règles que l’on retrouve parfois sous le
terme de clause de traitement national. Le problème ainsi posé ne nous amènera
pas à traiter de la clause de la nation la plus favorisée. Seule la conformité de cette
proposition avec l’article III doit ici être examinée.

La clause de traitement nationale est celle qui assure une assimilation quant au
régime juridique et fiscal applicable aux produits importés par rapport aux produits
nationaux. (DIE...)

Cette clause interdit les discriminations de traitement à raison de l’origine des


produits. Les produits nationaux ne doivent pas bénéficier d’une protection nationale
indirecte. Les États signataires ne doivent pas « modifier les conditions de
concurrence au détriment des produits importés » (Organe d’appel, Rapport du 25
juin 2005, Republique Dominicaine – mesures affectant l’importation et la vente de
cigarettes sur le marché intérieur).

Pour examiner si la proposition de loi est discriminatoire au sens de l’article III de


l’Accord général, il faut tout d’abord se pencher sur l’écotaxe qui souhaite être mise
en place (I) puis sur la mise en place d’étiquettes (II), tout en se conformant aux
interprétations antérieures faites de l’article III par l’Organe d’appel.

I. Sur le problème de l’écotaxe

L’article III : 2 du Gatt de 1994 prévoit que « Les produits du territoire de


toute partie contractante importés sur le territoire de toute autre partie
contractante ne seront pas frappés, directement ou indirectement, de taxes ou
autres impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures
à celles qui frappent, directement ou indirectement, les produits nationaux
similaires. En outre, aucune partie contractante n’appliquera, d’autre façon, de
taxes ou autres impositions intérieures aux produits importés ou nationaux
d’une manière contraire aux principes énoncés au paragraphe premier (de
l’article III) ».

L’écotaxe que prévoit de mettre en place le Whiskystan est-elle contraire à l’article


III : 2 du Gatt de 1994 ?

Pour vérifier l’incompatibilité de cette écotaxe avec l’article III de l’accord général, il y
a trois étapes : il faut rapporter la condition de similarité des produits ou celle de
produits directement concurrents ou directement substituables (A), leur différence de
taxation (B) de nature à protéger la production nationale (C) (Organe d’appel,
« États-unis - Traitement fiscal des sociétés de ventes à l’étranger », 2002).

A. « La condition de similarité des produits » ou celle de « produits


directement concurrents ou directement substituables »

« Les produits “similaires” sont un sous-ensemble des produits directement


concurrents ou directement substituables : tous sont par définition directement
concurrents ou directement substituables alors que les produits directement
concurrents ou directement substituables ne sont pas tous “similaires”. » (Organe
d’appel, Corée - Boissons alcooliques, 1998)

La notion de produit similaire a un sens plus étroit que la notion de produit


directement concurrents ou directement substituables.

Produits similaires
Pour déterminer si des produits sont similaires, il faut examiner au cas par cas
les utilisations finales des produits, les propriétés, la nature et la qualité des produits,
et enfin les goûts et habitudes du consommateur et éventuellement leur classification
tarifaire.

Produits concurrents
Pour déterminer si des produits sont directement concurrents ou directement
substituables, on va vérifier s’ils sont interchangeables ou s’ils offrent « des moyens
interchangeables de satisfaire un besoin ou un goût particulier ». (Rapport de
l’Organe d’appel, Japon – Boissons alcooliques, 1996).

Comme pour les produits similaires, il faut examiner la nature, la qualité et les
propriétés des produits, leurs utilisations finales, les perceptions et comportement
des consommateurs, mais contrairement aux produits similaires, cette étude doit
porter sur les conditions de concurrence.

En l’espèce, la nouvelle législation prévoit que la mesure fiscale s’appliquera à


l’ensemble des produits alimentaires. Le domaine alimentaire étant vaste, les
produits concernés ne seront pas similaires, en revanche, ils seront directement
concurrents ou substituables. De fait, il existe sur le marché un substitut pour chacun
des produits alimentaires, et chaque branche de produits alimentaires présentant les
mêmes caractéristiques entrent en concurrence les uns avec les autres.

Il est donc possible d’attester que les produits alimentaires visés par la nouvelle
législation sont directement concurrents ou substituables au sens de l’article III
paragraphe 2 du Gatt de 1994.

La deuxième question qui va se poser est celle de savoir si les produits importés
et nationaux sont frappés ou non d’une taxe semblable.

B. Pas frappés d’une taxe semblable

Il faut déterminer si la charge fiscale qui pèse sur le produit importé est plus
lourde que celle qui pèse sur le produit national et que cette différence n’est pas
négligeable. (Groupe spécial Mexique – Mesures fiscales concernant les boissons
sans alcool et autres boissons, 2005).

En l’espèce, l’écotaxe sera appliquée à chacun des produits en fonction de leur


classification. Cette classification est discrétionnaire envers les produits étrangers
car elle se fonde sur la quantité de gaz carbonique rejeté pour la fabrication du
produit, la quantité de gaz carbonique rejeté pour le transport de chaque produit
jusqu’aux frontières du Whyskystan, et le nombre de kilomètres parcouru par le
produit jusqu’au territoire de cet État. Si la première condition respecte l’égalité entre
les États, les deux autres discriminent indirectement les produits importés.

La classification se fonde sur ces trois critères, et plus le produit sera « polluant »,
plus la note donnée au produit sera mauvaise. L’indice écologique se divise en
quatre notes : A-B-C et D. L’écotaxe sera appliquée en fonction de la classification :
0 % de la valeur de revente hors taxes pour la catégorie A, 1 % pour la catégorie B,
15 % pour la catégorie C et 25 % pour la catégorie D. Sachant que les produits
étrangers, compte tenu de la pondération utilisée ne pourront être classifiés que
dans les catégories C et D.

En conclusion, l’écotaxe sur les produits importés sera plus lourde que celles sur
les produits nationaux. Cette différence n’est autrement pas négligeable, car il peut
avoir une différence de 25 % de la valeur de revente hors taxes entre l’écotaxe
appliquée à un produit importé et celle appliquée à un produit national. Ce grand
écart témoigne d’une véritable discrimination envers les produits importés.

Une dernière condition devra tout de même être examinée avant de savoir si
cette écotaxe est véritablement contraire à l’article III de l’accord général.

C. De manière à protéger la production nationale

Cette dernière étape va consister à déterminer, si, en cas de différence d’imposition,


la mesure fiscale va être appliquée de manière à protéger la production nationale.

Cette dernière condition, cumulative aux deux autres, va permettre de déterminer si


l’écotaxe viole ou non l’article III : 2 du Gatt de 1994.
L’Organe d’appel « Japon – Boissons alcooliques » a énoncé que pour examiner
« si une taxation différente est appliquée de manière à protéger la production, il est
nécessaire de procéder à une analyse globale et objective de la structure de la
mesure en question et de la manière dont elle est appliquée aux produits nationaux
par rapport aux produits importés » Il ajoute que « bien qu’il soit exact que l’objectif
d’une mesure puisse ne pas être facile à identifier, l’application de cette mesure à
des fins de protection peut néanmoins être déterminée, le plus souvent, d’après sa
conception, ses principes de base et sa structure révélatrice » (1996) .

En l’espèce, l’écotaxe prévue par la nouvelle législation frappe de façon


discriminatoire et de manière beaucoup plus forte les produits importés par rapport
aux produits nationaux. Le système de classification ne laisse aucune chance aux
produits importés tout en assurant aux produits nationaux une taxe de moindre
valeur. Pour les producteurs nationaux, cette taxe ne sera presque pas perceptible,
tandis que pour les importateurs, elle risque de freiner leurs échanges avec cet État.

Cette mesure fiscale est visiblement contraignante pour les importateurs et a pour
effet de protéger la production nationale.

Pour conclure, les produits nationaux et les produits importés en cause sont
directement concurrents ou directement substituables et sont frappés d’une taxe
dissemblable de nature à protéger la production nationale. Pour cela, l’écotaxe est
contraire à l’article III de l’accord général et ne peut être adoptée.

Il convient désormais d’examiner la question de la mise en place d’étiquettes


écologiques, afin de voir si une telle mesure contrevient à l’article III du Gatt de
1994.

II. Sur le problème de la mise en place d’étiquettes écologiques

L’article III : 4 de l’accord général prévoit que « Les produits du territoire de toute
partie contractante importés sur le territoire de toute autre partie ne seront pas
soumis à un traitement moins favorable que le traitement accordé aux produits
similaires d’origine nationale en ce qui concerne toutes lois, tous règlements
ou toutes prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l’achat, le
transport, la distribution et l’utilisation de ces produits sur le marché intérieur.
(...) ».

L’article III : 4 du Gatt de 1994 vise donc toutes les réglementations intérieures de
nature à affecter la commercialisation des produits importés.

La mise en place d’étiquettes écologiques sur l’ensemble des produits alimentaires


commercialisés au Whiskystan est-elle conforme à l’article III du GATT ?

Certains États mettent parfois en place des législations fondées principalement sur
la protection de leur ordre public qui peuvent nuire au libre-échange. Bien que ces
règlementations puissent paraître de primes abords légitimes, il se peut qu’elles
contreviennent à l’article III : 4 de l’accord général. Pour déterminer si ces obstacles
non tarifaires sont contraires à l’article III : 4 du Gatt de 1994, il faut suivre trois
étapes.

A. Similarité des produits

Le terme « similaires » figurant à l’article III : 4 doit être interprété comme


s’appliquant aux produits entre lesquels existe un rapport de concurrence. La
détermination de la similarité « est essentiellement une détermination sur la nature et
l’importance d’un rapport de concurrence entre et parmi les produits ». (Rapport de
l’Organe d’appel, CE – Amiante, 2001). L’Organe d’appel ajoute que le « terme
« similaires » figurant à l’article III : 4 (est) plus vaste que celle du même terme utilisé
dans la première phrase de l’article III : 2 ».

En l’espèce, les facteurs à prendre en compte pour déterminer la similarité du produit


sont les mêmes que ceux examinés lorsqu’il a fallu se prononcer sur l’existence de
produits directement concurrents ou directement substituables.

Les produits alimentaires visés par la nouvelle législation sont donc des produits
similaires au sens de l’article III : 4 de l’Accord général.

La question est maintenant de savoir si la mise en place d’étiquettes écologiques


risque d’affecter l’utilisation des produits alimentaires sur le marché intérieur.

B. Mesures affectant l’utilisation du produit sur le marché intérieur

Le terme « affectant » figurant à l’article III : 4 du GATT a une vaste portée. La


jurisprudence de l’OMC a précisé qu’il « vise non seulement les lois et règlements
qui régissent directement les conditions de vente ou d’achat, mais aussi toutes lois
ou tous règlements qui pourraient altérer les conditions de concurrence entre les
produits nationaux et les produits importés ». (Rapport du Groupe spécial
« Machines agricoles italiennes », 1958).

En l’espèce, la mise en place d’étiquettes écologiques impose notamment la


mention de la quantité de gaz carbonique rejeté pour le transport de chaque produit
jusqu’aux frontières du Whiskystan et le nombre de kilomètres parcourus par le
produit jusqu’à cet État.
L’indice écologique ensuite apposé sur le produit prend en compte ces données et
lui attribue une note.

Cette mesure non tarifaire porte directement atteinte aux conditions de concurrence
entre les produits nationaux et les produits importés en ce que seuls les produits
importés ont une distance importante à parcourir pour arriver aux frontières du
Whiskystan. Ils sont donc, en tant que produits importés, directement pénalisés par
cette mesure non tarifaire, car les données mentionnées sur les étiquettes seront
naturellement supérieures à celles des produits nationaux. Il est possible d’imaginer
que ces mentions puissent décourager les consommateurs à acheter des produits
importés, qui, par définition, sont plus polluants, au sens de l’indice écologique prévu
par cette nouvelle législation.
Pour conclure, la mise en place d’étiquettes écologiques affecte l’utilisation du
produit sur le marché intérieur au sens de l’article III : 4 du GATT.

La violation de l’article III : 4 de l’Accord général ne sera caractérisée que si une


troisième condition est remplie, à savoir si cette mesure accorde un traitement moins
favorable aux produits importés par rapport aux produits nationaux.

C. Traitement moins favorable

La mise en place d’étiquettes écologiques accorde aux importations un traitement


moins favorable que celui qui est accordé aux produits similaires d’origine nationale.
Cela est dû notamment à toutes les raisons qui ont déjà été énoncées. Le produit
importé sera moins favorablement traité dès lors qu’il sera nécessairement plus
pollueur qu’un produit national. Par avance, un produit importé ne pourra être
classifié que dans les catégories C et D rien qu’en raison de son origine.

Les produits importés font donc l’objet d’un traitement moins favorable que les
produits similaires d’origine nationale. La dernière condition de traitement moins
favorable est donc également remplie.

Bien que cette mesure puisse être défendue par le Whiskystan comme étant une
norme légitime de protection de l’environnement, cet obstacle non tarifaire n’est pas
conforme à l’article III : 4 de l’Accord général.

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