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PROGRAMME D’APPUI A LA MODERNISATION DU SECTEUR

FINANCIER ALGERIEN

Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)

METHODES DE CALCUL DES


ENGAGEMENTS TECHNIQUES

DETAIL DES PRINCIPALES


METHODES A DESTINATION DES
ACTUAIRES DES COMPAGNIES
ALGERIENNES

Avril 2005

Document réalisé par les experts MEDA dans le cadre du programme d’assistance technique
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Programme d’Appui à la Modernisation du Secteur Financier
Algérien
Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)

SOMMAIRE

INTRODUCTION.................................................................................................................... 4
PRESENTATION DES METHODES ................................................................................... 8
EXPOSITION A LA SINISTRALITE PASSEE (CHAIN LADDER) ........................................................ 8
Présentation théorique de la méthode ................................................................................. 8
Types de données ............................................................................................................... 10
Limites de ces méthodes. ................................................................................................... 11
Autres types de données : les IBNR ................................................................................... 12
METHODES AVEC EXPOSITION AU RISQUE ET MIXTES ............................................................. 12
Préalable : construction d’un index des S/P ..................................................................... 12
Méthode 4 : rapport sinistres à primes attendu ................................................................ 14
Méthode Bornhutter – Fergusson...................................................................................... 14
Méthode 7 : Ajustement logarithmique ............................................................................. 15
Limites de ces méthodes .................................................................................................... 16
APPLICATION DES METHODES – DIFFICULTES ...................................................... 17
ANOMALIES DES TRIANGLES DE LIQUIDATION........................................................................ 17
Problématique ................................................................................................................... 17
Exemple ............................................................................................................................. 18
CADENCES LENTES ................................................................................................................. 22
Problématique ................................................................................................................... 22
TESTS DE CREDIBILISATION DES METHODES RETENUES.................................. 27
TEST EN AMONT ..................................................................................................................... 27
Rapport des montants des sinistres payés sur les charges de sinistres par année de
survenance et par période de développement.................................................................... 27
Nombre de sinistres liquidés.............................................................................................. 27
Dégagements historiques de boni/mali de provisions ....................................................... 27
Evolution au cours du temps de la part de sinistres sans suite dans le total des sinistres
déclarés.............................................................................................................................. 27
TEST EN AVAL ........................................................................................................................ 28
Coûts moyens finaux estimés ............................................................................................. 28
S/P estimés......................................................................................................................... 28

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Conclusion ......................................................................................................................... 28

Ce guide a été rédigé pour les actuaires des compagnies algériennes, dans le cadre du
Programme d’Appui à la Modernisation du Secteur Financier Algérien mission d’assistance
technique (Lot 2) rédigé par :

Jean-Jacques POUJADE (Expert MEDA, actuaire qualifié IAF)


Karim DOSSO (Expert MEDA, actuaire)

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INTRODUCTION

D’une manière générale, le domaine d’activité de l’assurance conduit à promettre, en


contrepartie du versement d’une prime périodique ou unique, une prestation en cas
d‘occurrence d’un événement particulier. La gestion prudente de la compagnie implique une
évaluation du risque de paiement de la prestation, et de son niveau. C’est le rôle des
provisions techniques de garantir la bonne fin de l’opération d’assurance dans l’intérêt de
l’assuré.
Rappelons pour commencer que le calcul des provisions techniques relève d'une obligation
légale, plus ou moins fortement encadrée par une réglementation protectrice des assurés. Cette
réglementation est d'ailleurs variable d'un pays à l'autre et évolue avec le temps pour
accompagner le développement de la maturité du marché. Dans le cas algérien, la
réglementation couvre les principaux aspects du provisionnement, mais les modalités
pratiques de calcul restent encore assez peu explicites, ce qui laisse une certaine liberté aux
compagnies.
Dans ce contexte, il est essentiel que les services actuariat développent leur propre expertise,
afin de pouvoir justifier leurs choix de méthodologies à l’autorité de supervision.
Soulignons à ce stade que le calcul des engagements techniques de la compagnie résultent du
système de gestion, qui (par exemple dans le cas des PSAP) additionne les provisions "dossier
par dossier", tandis que la direction de l'entreprise, dans un second temps, étudie ces résultats.
C'est donc une approche "bottom up".
De nombreuses méthodes d’évaluation des provisions techniques ont été développées par les
actuaires, notamment au sein des organismes de contrôle. Dans la suite de ce document nous
nous intéresserons principalement aux méthodes conduisant à une estimation des
engagements futurs probables dans le cas des risques non vie. En effet, dans le cas des risques
"vie" (assurance vie et assurance décès), les provisions techniques ne se prêtent pas à des
aléas de calcul et la marge d'erreur liée à une appréciation "humaine" est nulle. Ceci ne
signifie pas que l'aléa soit nul ; mais en pratique, il se réduit au choix de la table de mortalité
et au taux technique utilisé. Cette différence essentielle est symbolisée par la sémantique, qui
veut que l'on qualifie les provisions techniques en assurance vie de "provisions
mathématiques", traduisant bien le caractère rigoureusement scientifique de ces dernières.
Nous rappelons ici quelques unes des méthodes utilisées pour l’estimation de la charge finale
de sinistre. Nous n'avons retenu que les méthodes entièrement déterministes qui donnent
simplement le montant sans marge d'erreur.
Les méthodes nécessitant la connaissance de la distribution des sinistres n'ont pas été retenues
car, en pratique, les difficultés rencontrées résident dans la disponibilité de données détaillées
et dans le nécessité de modéliser par des lois statistiques les différents paramètres de la
sinistralité (survenance, délai d’ouverture, liquidation).

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Les méthodes sont présentées dans le présent document en fonction de leur degré
d’exposition au risque assuré, ou à la sinistralité passée.
Les méthodes existantes sont presque infiniment nombreuses, mais les méthodes
effectivement appliquées sont en pratique relativement limitées. Dans la suite de ce guide,
nous nous restreignons aux méthodes qui, en plus d’une acceptation très large par la
communauté internationale des assureurs, offrent des modalités pratiques assez facilement
maîtrisables et ne nécessitent pas des développements informatiques coûteux.

Famille Méthode
Cadences de développement CHAIN LADDER
Mixtes BORNHUETTER-FERGUSON
Mixtes Ajustement logarithmique
Loss Ratio Rapport "Sinistres à Primes" attendu

Le schéma suivant nous permet d’illustrer notre choix.

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Exposition

SINISTRALITE RISQUE
PASSEE

Méthodes des cadences de Méthodes mixtes : Méthodes des Loss Ratio :


développement

• Chain Ladder • Bornhutter-Fe rgusson • Loss Ratio simple


• London Chain • Ajustement logarithmique • Loss ratio
complémentaire
• London Pivot • Méthode de Craighead
•…
•… • Méthode de Cape cod
•…

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Ces différentes méthodes ont pour objet de cerner du mieux possible les engagements futurs
probables de l’assureur. La pratique conduit à calculer les engagements en appliquant
plusieurs de ces méthodes, de façon à déterminer un montant de provisions aussi fiable que
possible. On peut effectivement considérer que si plusieurs méthodes donnent des résultats
convergents, ces résultats donnent une bonne approximation du montant des engagements de
la compagnie.
Les méthodes choisies sont applicables à l’analyse des triangles de liquidation tels que
présentés ci-dessous :
Année d’inventaire
0 1 j j+1 n-i n-1 n

0 Co , o Co ,1 Co, j Co , j +1 C0, n − i Co , n − i Co , n

1 C1, o C1,1 C1, j C1, j +1 C1, n − i C1, n −1

Co , o
Année de survenance

i-1

i Co , o Ci, j Ci , j +1 Ci , n − i
e
i+1
Co , o Ci +1, j Ci +1, j +1 dair
n
c ale
née
An

Cn −1, o Cn −1,1
n-1

Cn , o
n

On note dans la suite “ i ” l'année de survenance, “ j ” l’année d’inventaire, “ n ” le


nombre d'années du développement.
“ Cij ” désigne la grandeur à laquelle on s’intéresse, qui peut être suivant les cas :
• le montant des paiements cumulés de l'exercice de survenance i et d'âge j,
• le montant non cumulé,
• le S/P correspondant,
• le rapport du montant des sinistres cumulés de l'exercice i pour l'âge j+1 par celui de l'âge
j, appelé coefficient de passage,
• ou le montant des paiements cumulés ramené au premier paiement de l'exercice.

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PRESENTATION DES METHODES

EXPOSITION A LA SINISTRALITE PASSEE (CHAIN LADDER)

PRESENTATION THEORIQUE DE LA METHODE

Modèle
La méthode Chain Ladder, qui est la méthode la plus utilisée dans le monde, est fondée sur
l’utilisation de link - ratios, ou coefficients de passage, entre les différentes années de
développement.

La méthode standard de Chain Ladder consiste à supposer que les (Cij) j=1,..,n sont liés par
un modèle de type de la forme :

Ĉi,k+1 = λkCik pour tout i, k = 1, .., n

j j+1 n

i Ci , n − 1 Ci , n − i
n − j −1

∑C
i =0
i , j +1

n − j −1

n ∑C0
i, j

Et à partir de ces coefficients de passage, il est alors possible d’obtenir une estimation
des montants de provisions, en prenant :

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n +1− k

∑C
i =0
i,k
Ĉi,k+1 = n +1− k
* Cik
∑C
i =0
i,k −1

j j+1 k n

i Ci , n − 1 Ci , n − i ˆ
C ˆ
C
i ,k i ,k

( fˆh ) h = n − i ,...., k −1...


n

Hypothèses sous jacentes du modèle


L’hypothèse sous-jacente est :

(H1) que les années de survenance sont indépendantes entre elles. Cette hypothèse
H1 signifie que les sinistres survenus au cours d’une année de survenance donnée
n’ont aucune influence sur les sinistres pouvant survenir l’année suivante. Cette
hypothèse est en général vérifiée dans la plupart des domaines de l’assurance.
(H2) que les années de développement sont les variables explicatives du
comportement des sinistres futurs. Cette hypothèse H2 signifie que la seule
explication de l’évolution du montant des sinistres au cours des années de
développement est la durée de ce développement. Cela signifie que sont occultés par
la méthode entre autres phénomènes, les modifications de la politique de recrutement
des contrats, les modifications d’organisation de la compagnie.

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TYPES DE DONNEES

Méthode 1 : Application aux cadences de développement des réserves

Principe

La méthodes de cadence de développement des charges de sinistres est fondée sur l’hypothèse
que la variation relative d’une charge de sinistres d’une année de survenance donnée, d’une
date d’inventaire à une autre, est similaire à la variation relative de la charge de sinistres au
cours de la même période pour les années de survenance passées.

Hypothèse sous jacente et test de crédibilisation

Les hypothèses implicites de cette méthode sont les suivantes :


H : les procédures de gestion de sinistres et de provisionnement sont similaires d’une
année sur l’autre, et qu’il n’y a pas eu de modifications importantes dans les cadence de
paiements de sinistres.
Les hypothèses peuvent être validées en effectuant certains tests :

Test 1 : Analyse des dégagements historiques de boni/mali de provisions

Ces outils sont utiles pour qualifier les méthodes de détermination des engagements du passé,
ainsi que la qualité des estimations dossier par dossier par exemple.

Test N°2 : Analyse du rapport des montants des sinistres payés sur les charges de
sinistres par année de survenance et par période de développement

Ce triangle permet de mettre en valeur certains mouvements (accélération/ralentissement)


dans le processus de gestion des sinistres (déclaration, règlements…).

Méthode 2 : Cadences de développement des règlements

Principe

Cette méthode est similaire dans son application à la méthode précédente mais elle diffère par
le fait que les montants projetés sont des montants de sinistres payés, les provisions dossier /
dossier de la compagnie étant exclues des charges.

Avantages et inconvénients

Cette méthode présente l’inconvénient d’ignorer les informations données par les estimations
de sinistres à payer.
En revanche, elle a l’avantage d’éviter les distorsions observées dans la méthode des cadences
de développements des charges de sinistres, dues à des mouvements anormaux (augmentation
ou diminution) sur les provisions sinistres dossier / dossier.

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Hypothèse sous jacente et test de crédibilisation

L’hypothèse implicite de cette méthode est :


H : les cadences de paiements de sinistres sont stables dans le temps.
L'hypothèse peut être vérifiée en effectuant certains tests :

Test N°1 : Analyse du rapport des montants des sinistres payés sur les primes :

Cette étude permet de valider l’hypothèse permettant l’application de cette méthode.

Test N°2 : Analyse du rapport des montants des sinistres payés sur la réserve
d’ouverture :

Cette étude permet de valider d’une part la qualité et la suffisance des réserves à l’ouverture
avec la réalité du coût des sinistres. On peut compléter cette étude par celle du ratio entre les
provisions techniques à la fin de l’exercice n-1 avec les paiements et la réserve calculée à la
fin de l’exercice "n".

Méthode 3 : Cadences de règlements ajustées à l’inflation.


Cette méthode est dérivée de la précédente. L’un des éléments pouvant perturber la chronique
des sinistres futurs est la variation des prix. On entend par variation des prix l’ensemble des
facteurs monétaires qui influent sur le coût des sinistres, que ce soit :
l’inflation générale (indice des prix),
ou des facteurs de variation des coûts plus spécifiques tels que le coût de la main d’œuvre,
ou le prix des pièces automobiles par exemple. Ces éléments peuvent venir fausser de
manière conséquente l’évaluation des provisions, s’ils ne sont pas pris en compte.
Dans ce cas il est possible de modifier et d’adapter la méthode précédente pour tenir compte
de ce phénomène, afin de ne pas fausser les estimations des charges futures.
1ère Etape : Historique
Le coefficient d’inflation est attaché à l’année de projection, c’est à dire que l’on retrouve la
même valeur de l’indice sur les diagonales qui représentent les exercices comptables.
2ième étape : Fixation de l’inflation future
On applique donc aux valeurs estimées selon la méthode présentée ci-dessus les taux estimés
d’inflation des exercices futurs.

LIMITES DE CES METHODES.


Compte tenu des hypothèses rappelées, ces méthodes peuvent donner des estimations
divergentes dans le temps des charges futures de la compagnie.

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En effet les hypothèses visant à supposer que rien ne change ne sont pas réalistes. En effet,
nous savons que le futur ne se découvre pas en regardant dans un rétroviseur.
Pour une compagnie d’assurances, la politique commerciale, le niveau des tarifs, l’évolution
des marchés ont une influence sur le risque assuré, et il est fréquent de constater une évolution
du comportement du portefeuille dans le temps, qui ne peut pas être pris en compte par ces
méthodes seules.

AUTRES TYPES DE DONNEES : LES IBNR

- La détermination des IBNR est une phase important de l’évaluation des engagements
de la compagnie.

- Leur évaluation correcte ne peut que reposer sur l’expérience des gestionnaires et un
outil statistique adapté, lié au méthode de suivi et d’enregistrement des flux
administratifs.

- En effet, ces données ne peuvent que provenir du constat a posteriori des sinistres
enregistrés postérieurement à la date de clôture, et qui doivent être considérés comme
réalisés avant ladite date. Ces observations doivent bien sûr être réalisées pour chaque
type de contrats, les habitudes et comportements pouvant être différents.

- Ces méthodes de dénombrement et d’estimation sont bien sûr suivies dans le temps
pour vérifier la permanence des comportements des assurés et des intermédiaires, si
une partie de la gestion sinistres est déléguée. De même, des événements extérieurs,
comme une grève de la poste par exemple, doivent être pris en considération pour
aménager les méthodes retenues.

- Ces méthodes doivent faire l’objet d’une description précise, et doivent être pérennes
dans le temps. Les éventuelles modifications font nécessairement l’objet d’une note
les justifiant, car les principes comptables rendent obligatoires la permanence des
méthodes, en vue de garantir la comparabilité des résultats dans le temps.

METHODES AVEC EXPOSITION AU RISQUE ET MIXTES

PREALABLE : CONSTRUCTION D’UN INDEX DES S/P


Les méthodes du rapport de Sinistres à Primes nécessite la fixation en hypothèse d’un S/P
initial. Il est donc approprié de créer un index des S/P basé sur les données historiques de la
compagnie.

Décomposition fréquences / Coûts

Evolution du coût moyen des sinistres

La valeur et l’évolution du coût moyen des sinistres doit faire l’objet d’un suivi statistique, de
façon à pouvoir prendre en compte les variations dues à l’évolution du marché, des garanties

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et des comportements. Ces études peuvent être conduites sur la base d’échantillonnages si la
masse de données à traiter est trop importante.
Les coûts moyens retenus doivent bien évidemment être en relation directe avec la
segmentation du marché de la compagnie, et l’on doit s’assurer en permanence de la
pertinence des observations que l’on pratique.

Evolution des fréquences des sinistres

La fréquence des sinistres a un impact sur la profitabilité des contrats. Il faut donc suivre avec
attention ces fréquences, les comparer aux fréquences théoriques qui ont servi au calcul des
primes, afin de détecter d’éventuelles modifications de comportement.
De même une analyse précise des fréquences par région ou par intermédiaire doit être mise en
place afin de détecter d’éventuelles anti-sélections ou des pratiques non conformes à
l’éthique.

Test de crédibilisation

Ces tests doivent répondre aux questions concernant le moment où une fréquence ou bien une
moyenne est devenue significativement différente de celle ayant servi à la tarification et aux
méthodes de détermination des provisions.
Analyse de l’évolution au cours du temps de la part de sinistres sans suite dans le total
des sinistres déclarés
Cette analyse permet de se faire une idée du niveau des valeurs moyennes de sinistre dans le
temps en fonction de la variation de la part de sinistres sans suite, ou avec des paiements nuls.

Evolution de la prime commerciale


La prime commerciale est le paramètre permettant de garantir la profitabilité de l’opération
d’assurance, à partir du moment où la sinistralité (fréquence et coût ne diffèrent pas des
hypothèses de détermination de la prime).
Le choix de son évolution n’est pas que technique, mais il est aussi commercial, car une prime
d’équilibre n’est pas nécessairement la prime acceptable par le marché. Cette analyse doit être
pluridisciplinaire technique, marketing et commerciale afin de réussir le meilleur compromis
assurant la rentabilité de l’opération.
Ignorer l’une des composantes de la constitution du produit conduit inévitablement à des
déboires, soit techniques (pertes dues à l’inadéquation du prix avec le risque), soit
commerciaux (impossibilité de vendre un produit dont le positionnement mix prix-garanties
n’est pas dans le marché).

Prise en compte d’un benchmark


L’index des S/P de la compagnie obtenu peut être également comparé à un benchmark basée
sur l’expérience de compagnies semblables.

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METHODE 4 : RAPPORT SINISTRES A PRIMES ATTENDU

Principe
Avec cette méthode, la charge finale prévisible est estimée à partir d’une mesure à priori de la
sinistralité.
C’est une approche qui relève plus de l’actuariat de la détermination des tarifs que du constat
des réalités du portefeuille. On peut penser qu’elle sera plus pertinente pour un nouveau
produit en phase de lancement, plutôt que pour un produit ayant déjà un historique dans la
compagnie.

Hypothèse sous jacente du modèle


L’hypothèse implicite de cette méthode est que la sinistralité actuelle et la sinistralité
finale sont complètement liées.
Cette méthode a l’avantage d’avoir une grande stabilité, car la sinistralité observée n’est pas
utilisée, la charge finale ne change pas sauf si l’exposition au risque (la prime) change ou si le
rapport sinistres à primes initial est modifié.
En revanche, cet avantage de stabilité est occulté par l’inconvénient majeur de cette méthode
qui ignore complètement les pertes actuelles observées.
Cette méthode est utilisable pour les branches :
avec des données sur la sinistralité incomplètes ou insuffisantes pour obtenir une
estimation comme en branche Transport,
ou bien pour les portefeuilles en cours de constitution pour les produits nouveaux.

METHODE BORNHUTTER – FERGUSSON

Principe
La méthode de BORNHUETTER FERGUSSON (sur les sinistres payés ou sur les charges de
sinistres) conjugue :
la méthode des cadences : prise en compte de la sinistralité passée,
la méthode du rapport de sinistres à primes attendu : prise en compte de la tarification et
de l’exposition au risque.
Elle pondère chacune des estimations selon l’importance de la part des payés / encourus de la
survenance considérée :
Pour une survenance récente : si la cadence de déclaration (ou paiement) est rapide, la
valeur obtenue par la méthode de cadences sera prépondérante.
Dans le cas d’un déroulement long, la méthode du rapport de sinistralité aura le plus
d’influence dans le résultat.
Trois types de données sont nécessaires à l’utilisation de cette méthode :

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Les ratio S/P attendus,
Le montant des primes émises ou acquises,
La cadence de développement des sinistres et des règlements.

Avantages
Cette approche est robuste, elle donne des résultats satisfaisants pour :
des produits à développement long
ou des situations dans lesquelles le niveau de sinistralité enregistré à la date d’inventaire
est très faible et ne revêt pas un degré de crédibilité suffisant à l’utilisation d’autres
méthodes telles que celles des cadences.

Type de données

Méthode 5 :BORNHUTTER - FERGUSSON sur cadence de sinistres

La méthode est appliquée aux cadences de développement de la charge de sinistres.

Méthode 6 :BORNHUTTER - FERGUSSON sur cadence de règlements

La méthode est appliquée aux cadences de développement des règlements.

METHODE 7 : AJUSTEMENT LOGARITHMIQUE

Principe
Cette méthode détermine, compte tenu de ce que l’on sait de l’évolution des paramètres
propres à la compagnie, le niveau attendu du rapport sinistres à primes pour l’exercice de
survenance à venir.
Le principe général consiste à observer l’évolution du ratio de sinistres à primes pour chaque
exercice de survenance au fur et à mesure du temps.
Sur la base de ces observations, on construit une courbe ajustée traduisant la montée en
puissance du ratio, au fur et à mesure du développement de l’exercice de survenance donnant
ainsi le niveau escompté du ratio pour les années futures.
Assez fréquemment, la courbe d’ajustement est une courbe de type exponentielle négative.
Nous proposons une méthode adaptée de celle de Craighead avec une courbe d’ajustement
logarithmique à la place de l’ajustement exponentiel négatif.

Modèle
Le graphique suivant illustre cette approche.

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90,00%
y = 0,321Ln(x) + 0,2186
R2 = 0,9883
80,00% Première année

70,00% Deuxième année

60,00%
Troisième année
50,00%
Quatrième année
40,00%

Cinquième année
30,00%

Logarithmique (Première
y = 0,3325Ln(x) + 0,2001
20,00%
2
R = 0,9925
année)
Logarithmique
10,00%
(Deuxième année)
0,00%
0 1 2 3 4 5 6 7 8

Les données sinistres payés cumulés par exercice de survenance sont divisées par le montant
des primes perçues pour chaque exercice de survenance, ce qui permet de donner un ratio
sinistres à primes par survenance.
On peut noter que les courbes d’ajustement par la méthode des moindres carrés sur la base
d’une courbe logarithmique permettent d’obtenir de bonnes approximations des valeurs
observées.
Le coefficient de détermination R² traduit la qualité de l’ajustement. Dans notre exemple
celui-ci ressort à plus de 0,99 ce qui correspond à une très bonne qualité de l’ajustement.
Si l’on retient la courbe d’ajustement comme estimateur de l’évolution du ratio S/P,
connaissant le montant des primes, on est capable de calculer les S/P probables des années les
plus récentes, et ainsi de déterminer le montant des provisions à constituer sur la période de
développement..

LIMITES DE CES METHODES


Ces méthodes sont toutes basées sur une estimation à priori des rapports sinistres à primes
attendus. Leur principale faiblesse tient à cette estimation qui suppose que les tarifs ont été
correctement élaborés d’une part, et, d’autre part que le portefeuille est bien à l’image du
portefeuille théorique retenu pour la tarification.
Or il est certain que la réalité du recrutement des assurés ne se fait pas conformément aux
tables statistiques. Il est de notoriété que les assurés ou les prospects s’ingénient à se
comporter de manière inattendue par rapport aux tables.
De toutes façons, les méthodes déterministes ne conduisent qu’à des approches plus ou moins
vraisemblables de la réalité probable. Ces méthodes constituent donc un référentiel conduisant
à une approche raisonnée, à défaut d’être raisonnable de la réalité future probable.
L’expérience a montré qu’elles permettaient une estimation acceptable des risques à venir.

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APPLICATION DES METHODES – DIFFICULTES
Les modèles mathématiques actuariels et statistiques évoluent dans un monde parfait, ou les
lois de probabilité sont parfaitement respectées par des variables aléatoires bien obéissantes et
qui ne se marchent pas sur les pieds les unes les autres (on dit qu’elles sont indépendantes)
Les écarts suivent "bien sagement" des lois normales…
Mais le monde réel est différent, notamment dans un marché de l'assurance encore peu mature
comme l'est l’Algérie : les variables ne sont pas complètement indépendantes, les séries ne
sont pas complètes, les valeurs ne sont pas toujours fiables, les écarts ne sont pas gaussiens,
…. Il faut donc essayer de composer avec la dure réalité et malgré tout arriver à proposer des
estimations pertinentes et plausibles, malgré les imperfections observées.
Dans les méthodes que nous avons vus précédemment, les triangles de liquidation jouent un
rôle central et déterminant.
Nous allons traiter ci-après les principaux problèmes rencontrés dans l'analyse des provisions
techniques en Algérie et l'attitude à adopter dans ces cas là par les actuaires, puisque
l’imperfection des données ne permet alors pas aux méthodes classiques de s’appliquer. Il
faudra donc faire preuve de créativité pour essayer d’obtenir des estimations plausibles des
engagements futurs. Ces problèmes classiques se regroupent en deux catégories, qui visent les
deux grandes hypothèses d'application des méthodes classiques :
Le premier problème, que l'on appelle "anomalies dans les triangles de liquidations", fait
référence à tous les phénomènes qui nuisent à la régularité des triangles de liquidation :
problèmes de données non fiables, d'erreurs de saisie ou d'aberrations de marchés, de
discontinuités de séries, etc.
La seconde famille de problème a trait à la seconde hypothèse : la relative rapidité de la
cadence de règlement. Nous traiterons donc ici du problème, propre à tous les marchés en
phase de maturité, des cadences de règlements excessives.

ANOMALIES DES TRIANGLES DE LIQUIDATION

PROBLEMATIQUE
Les triangles de liquidation sont l'expression de la régularité supposée du développement du
phénomène de liquidation des sinistres. Cette régularité est le fondement de la méthode de
calcul des provisions. Évidemment, lorsque les triangles présentent des anomalies, de trop
fortes irrégularités, le procédé d'estimation des provisions techniques devient impossible ou
difficile. Parmi les anomalies que l’on peut relever et qui doivent être intégrées dans l’analyse
actuarielle, les plus importantes sont les suivantes :
Présence de valeurs aberrantes : elles sont dues à des événements exceptionnels qui
sont particulièrement nombreux dans des branches telles que la responsabilité civile.
Les triangles peuvent être incomplets : si la société a décidé de ne pas souscrire de
contrats sur un marché difficile pendant certaines périodes, il n’y aura pas de données
sur ces exercices. Les changements se systèmes informatiques peuvent également
générer des absences de données.

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17
Programme d’Appui à la Modernisation du Secteur Financier
Algérien
Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)
Faible homogénéité des triangles : l’environnement de l’assurance évolue rapidement
pour des raisons légales, jurisprudentielles, économiques… Les développements ne
sont pas les mêmes par exercice. Ceci explique que la “ partie supérieure1 ” du triangle
ne soit pas toujours exploitable.
Calcul d’un coefficient de queue : dans certains cas, le développement peut se prolonger
au-delà du triangle. Il peut être intéressant d’évaluer le coefficient par lequel il faudrait
multiplier le montant de la dernière année pour connaître le montant réellement
liquidé.

EXEMPLE
Les données ci-après proviennent de compagnies d’Europe centrale pour lesquelles nous
avons dû fournir une évaluation des provisions techniques. Ces compagnies proposent des
assurances automobiles, dans un pays qui a connu une période d’inflation très importante dans
le passé, et sur un marché caractérisé par des cadences de liquidation des sinistres très
longues.
Un autre exemple permet de visualiser les effets d’une très forte inflation sur les informations
disponibles pour déterminer les engagements de la compagnie.

18
1
Par partie supérieure du triangle, on entend les exercices antérieurs au premier exercice de
survenance pour lequel le développement complet est supposé connu. En plus de la question
d’homogénéité des triangles, l’information concernant les données de ces exercices est plus
difficile à obtenir que pour le triangle.
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PROGRAMME D’APPUI A LA MODERNISATION DU SECTEUR FINANCIER ALGERIEN

Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)


N N+1 N+2 N+3 N+4 N+5 N+6 N+7 N+8 N+9 N+10
1992. 27 749 1 496 290 51 30 21 16 2 1 5 0
64 496 863 19 307 142 105 889 1 135 729 269 334 140 99 2 874 0
1993. 9 827 653 114 42 24 15 3 2 2 3
7 507 555 898 241 965 309 15 499 845 426 425 10 105 99 102 237 220
1994. 7 451 449 94 24 20 4 5 3 6
14 333 1 037 401 113 115 94 206 201 1 105
1995. 6 540 677 79 19 13 8 5 7
26 860 3 046 456 184 318 667 295 1 371
1996. 7 850 643 81 44 13 11 3
38 456 3 398 668 968 617 1 326 38

Exercice de 1997. 6 340 656 82 33 5 12


survenance 46 345 7 778 1 678 783 771 595
1998. 5 871 540 106 26 9
57 845 7 498 2 205 2 095 2 268
1999. 4 727 474 66 15
75 748 9 314 5 419 25 322
2000. 6 181 832 70
190 432 27 747 5 246
2001. 8 819 1 095
349 872 39 408
2002. 8 853
391 899

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PROGRAMME D’APPUI A LA MODERNISATION DU SECTEUR
FINANCIER ALGERIEN

Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)

Dans cet exemple, on constate sur la partie la plus ancienne, les effets d’une inflation
galopante qui ne permet pas de retenir ces données pour calculer les provisions techniques
ultérieures. On peut également s’étonner des valeurs des trois premières diagonales, qui
représentent chacune un même exercice civil, et pour lesquels on note des distorsions dans les
données. Cela est une preuve supplémentaire que ces données n’ont pas une grande
pertinence.
Des méthodes alternatives ont dû être utilisées, qui sont présentées dans le tableau de la page
suivante :
Evaluation à l’aide des coûts moyen des sinistres ;
Détermination de l’évolution du rapport "sinistres à primes" dans le temps.
Evaluation des nombres de sinistres
Comparaison globale du volume des provisions techniques aux primes encaissées.
Comparaison du volume des provisions au montant des sinistres réglés au cours de
l’année.

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20
PROGRAMME D’APPUI A LA MODERNISATION DU SECTEUR FINANCIER ALGERIEN

Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)


Nombre moyen de Provision estimée sur
Provision estimée sur la base des
Sinistre sinistres par Ratio la base du rapport
SUM Primes nombres moyens et montant moyen
moyen exercice de SUM/Primes sinistres à primes à
de sinistres par an
paiement priori

29 661 8
1992.
83 915 474 2 829
10 685 8
1993.
7 765 032 666 726 723
8 056 10
1994.
17 605 2
7 348 22
1995.
33 197 5 19 508 170,17% 218
8 645 133
1996.
45 471 5 114 142 39,84% 1 988
Exercice de 7 128 1 188
1997.
survenance 57 950 8 105 082 55,15% 31 370 38 016
6 552 1 310
1998.
71 911 11 173 171 41,53% 75 284 72 072
5 282 1 321
1999.
115 803 22 175 132 66,12% 33 059 174 306
7 083 2 361
2000.
223 425 32 452 448 49,38% 161 156 528 864
9 914 4 957
2001.
389 280 39 1 450 279 26,84% 843 457 1 546 584
8 853 8 853
2002.
391 899 44 1 616 725 24,24% 982 317 3 505 788
2 126 643 5 867 836
Ration sinistres à primes à priori 85%

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PROGRAMME D’APPUI A LA MODERNISATION DU SECTEUR
FINANCIER ALGERIEN

Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)

CADENCES LENTES

PROBLEMATIQUE
De la même façon que les méthodes d'estimation des provisions techniques reposent sur l'idée
d'une régularité dans le processus de déroulement du processus de règlement des sinistres, ces
méthodes sont aussi directement dépendantes de la rapidité du processus. Plus le processus est
lent, plus la prévision est fragile dans son montant et dans son principe même.
A l'extrême, lorsque la situation se caractérise par une cadence lente (par exemple 10% de
règlement la première année seulement et encore 25% à régler au bout de 5 ans), totalement
irrégulière d’une année sur l’autre et aboutit à un coût total estimé extrêmement erratique, il
va de soi que toute évaluation prospective n’a guère de sens :

Exemple de cadences lentes et irrégulières


Cadences erratiques et lentes 9 ans de
développement

30

25

20
2003
1996
15
1995
10 1994
n
Près de 70% des sinistres 5
non encore réglés 2
n+ 0
4
n+ 1995
6
n+ 2003
8
n+

En pratique, le problème soulevé par la lenteur de règlement cache 3 phénomènes qu’il


convient de distinguer et qui, chacun à leur façon, fragilisent toute analyse sur la qualité du
provisionnent

Premier problème : la partie liquidée au bout de 5 ou 6 ans est trop


faible

Le premier problème est lié au fait que la partie du coût total - qui est effectivement liquidée
au bout de 5 ou 6 ans - est très faible. A contrario, la partie qui reste à liquider est importante ;

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22
Programme d’Appui à la Modernisation du Secteur Financier
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Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)
or c'est justement la partie sur laquelle porte l'incertitude et qu'il faut donc prévoir au travers
de la provision.
Un exemple numérique simple permet de bien illustrer ce phénomène. Supposons une
branche de risque caractérisée par une charge sinistres constante (par hypothèse fixée à 100)
et un processus de liquidation sur deux année : 80% la première année (année de déclaration)
et 20% l'année suivante. En rythme de croisière, cette compagnie règle, chaque année, 100 de
sinistres (80 de l'année en cours et 20 de l'année précédente) et elle inscrit 100 en charge
sinistre (80 en décaissement et 20 en dotation aux provisions techniques). Supposons que son
profit net soit de 5% de sa charge sinistre : elle réalise donc un résultat de 5. En fin d'année,
elle inscrit 20 de provision pour sinistres à payer. Une erreur de 10% sur la provision a un
impact de 2 sur le résultat final.
Supposons maintenant que son processus de liquidation soit modifié ainsi : 50% l'année de
survenance, 30% l'année suivante et le solde la troisième année. Ceci ne modifie rien à la
charge sinistre, mais modifie les provisions : à la fin d'une année, la compagnie doit inscrire la
charge sinistre non liquidée de l'année courante, qui représente 50 (30 pour l'année à venir et
20 pour l'année suivante) plus la dernière année de liquidation de l'année de survenance
précédente (20), soit une PSAP de 70. Ce simple changement de cadence a donc pour impact
de plus que tripler la provision technique. Et une erreur de 10% sur la même provision ne
représente plus 2 mais … 7 !

Second problème : les cadences de règlements ne font apparaître


aucune régularité

Le second problème provient de l’anarchie apparente des cadences de règlements entre des
années différentes. L’expert qui souhaite recalculer les provisions d’une compagnie a besoin
de pouvoir appliquer, à la matière première brute des séries passées, une "loi" quelconque,
que celle ci soit statistique, qu’elle se fonde sur une comparaison avec la moyenne du marché
ou tout autre principe. Dès lors que la matière première des chiffres manifeste une très forte
irrégularité, il devient impossible de prolonger le passé pour en déduire le futur.
De plus, il faut souligner que l’allongement de la cadence de règlement a pour conséquence
de soumettre les données obtenues à un aléa croissant du fait des changements de méthodes
ou de pratiques de règlement. Lorsque le règlement d’une année de survenance s’étale sur
15 ans, le département “ Sinistres ” de la compagnie aura connu plusieurs Directeurs,
plusieurs “ chargés de règlements ”, aura supporté plusieurs changements de politique de
règlement. Il sera alors difficile de plaquer sur la cadence obtenue une loi statistique, n’ayant
pas la stabilité indispensable à l’exercice.

Troisième problème : le règlement de la première année est très faible

Un phénomène essentiel se rajoute et mérite ici d’être souligné : l’impact de la variabilité


des cadences de règlement sur les provisions est d’autant plus fort que la cadence de
règlement des sinistres est lente, notamment dans sa première année.
Un exemple simple permet de mettre ce phénomène en évidence.

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23
Programme d’Appui à la Modernisation du Secteur Financier
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Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)

Année de Année de survenance


décaissement 1 2 3 4 5 6
N 14,3% 18,3% 14,8% 10,9% 13,8% 12%
Comment, à partir de ce premier décaissement (hypothèse : 1) estimé par la compagnie à
12% du coût total, estimer la provision à constituer ? L’analyse sur les 5 années de
survenance antérieures montre que le décaissement de première année représente en moyenne
14,4% du coût total ou, en d’autres termes, que la provision de fin de première année
représente en moyenne 5,9 fois le décaissement de première année2.
Si le 12% est parfaitement calculé, la provision à inscrire en fin de sixième année est de
1 DA fois 5,9, soit 5,9 DA. Si l’on pense que ce 12% est imprudent et qu’il convient de
retenir le chiffre de 4, soit 10,9%, alors le million de décaissement conduit à une provision de
8,2 MDA. Si l’on considère au contraire que ce chiffre est conservateur et qu’il convient de
retenir le chiffre de la deuxième année (18,3%), alors la provision recalculée est de 4,5 MDA.
5,9 MDA ? 4,5 MDA ? 8,2 MDA ? Lequel de ces chiffres est juste ? L’ampleur de l’intervalle
de confiance est considérable…
Un autre exemple mettra en évidence l’impact de la cadence sur la précision du
provisionnent :
CADENCE CADENCE
RAPIDE LENTE
Hypothèse de décaissement de première année, en
60 10
DA
Décaissement de première année, en % du coût
60 % 10 %
total estimé
Provision estimée fin de première année 40 90
Rapport entre la provision fin de 1ère année et le
0,67 9
1er décaissement
Impact d’une erreur de 1 DA sur le décaissement
0,67 9
de 1ère année en termes de provision
Dans le cas d’espèce, peut-on conclure de nos calculs que la compagnie est sous-
provisionnée ? Ceci supposerait de prendre comme norme, les années passées qui sont très
hétérogènes entre elles.

24
2
Si le décaissement de première année représente 14,4% du coût total, cela signifie que la
provision à fin de première année est de 85,6% (100-14,4%). En conséquence, la provision de
fin de première année représente bien 5,9 fois le décaissement de première année (85,6 /
14,4).
Document réalisé par les experts MEDA dans le cadre du programme d’assistance technique
24
PROGRAMME D’APPUI A LA MODERNISATION DU SECTEUR FINANCIER ALGERIEN

Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)


Année de paiement (année de développement)

N N+1 N+2 N+3 N+4 N+5 N+6 N+7 N+8 N+9 N+10
142 90 44 37 32 25
1992.
7 700 011 5 184 149 4 321 041 8 846 513 13 159 068 13 124 881

87 74 37 26 23 27
1993.
2 821 041 5 379 195 2 921 631 7 051 979 5 965 829 14 597 546

104 60 44 27 28 28
1994.
2 963 077 2 633 684 4 057 511 4 717 049 9 244 629 8 187 688

232 107 59 42 51 39
1995.
2 820 239 3 419 488 5 322 284 5 833 720 10 975 776 8 528 085

1 384 284 112 79 62 43


1996.
9 945 430 8 926 230 6 794 333 12 038 250 17 091 778 13 777 737

Exercice de 2 571 997 193 129 79 52


1997.
survenance 11 734 624 13 272 006 10 815 714 15 674 453 23 706 297 24 758 071

2 836 1 110 256 169 106


1998.
18 473 381 15 953 734 25 538 285 37 870 305 25 506 746

1 967 896 253 128


1999.
22 127 644 32 438 596 30 643 526 25 724 104

2 493 1 266 321


2000.
57 243 700 62 201 136 45 885 409

3 623 1 642
2001.
106 184 405 89 796 221

3 505
2002.
106 925 554
Pour chaque année de survenance Première ligne : Nombre de sinistres Deuxième ligne : Montant réglé

Document réalisé par les experts MEDA dans le cadre du programme d’assistance technique 25
On voit sur ce premier exemple d’une part la durée de liquidation des prestations qui sur ce
document s’étalent sur 11 ans, avec des montants significatifs au delà de la troisième ou
quatrième année.
On constate également une absence de données pour plusieurs années de survenance et
plusieurs exercices de développement.
Le cumul de ces deux difficultés, ne permet pas d’utiliser la méthode d’évaluation des
provisions techniques Chain Ladder. Il est donc indispensable de trouver d’autres approches
pour évaluer les provisions techniques.
Dans ce cas également, plusieurs approches ont été testées :
Evaluation à l’aide des coûts moyen des sinistres ;
Détermination de l’évolution du rapport sinistres à primes dans le temps.
Evaluation des nombres de sinistres
Comparaison globale du volume des provisions techniques aux primes encaissées.
Comparaison du volume des provisions au montant des sinistres réglés au cours de
l’année.
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Compte-rendu de mission d’assistance technique (Lot 2)

TESTS DE CREDIBILISATION DES METHODES


RETENUES
Il ressort de ce qui précède, que les actuaires doivent faire preuve de discernement dans
l'exercice de leur métier et ne jamais appliquer mécaniquement une méthode ou une autre, car
une approche de type "obligation de moyens" ne peut conduire qu'à un mauvais résultat,
notamment dans les provisions techniques.
En ce qui concerne les évaluations de provisions techniques, ainsi que cela a été évoqué dans
les paragraphes précédents, il est conseillé d’effectuer certains tests en amont des projections
pour vérifier la stabilité des données utilisées. Ces tests, décrits ci-après, permettent de
faciliter le choix des hypothèses à retenir dans le processus de projections :

TEST EN AMONT

RAPPORT DES MONTANTS DES SINISTRES PAYES SUR LES CHARGES DE SINISTRES
PAR ANNEE DE SURVENANCE ET PAR PERIODE DE DEVELOPPEMENT

Ce triangle permet de mettre en valeur certains mouvements (accélération/ralentissement)


dans le processus de gestion des sinistres (déclaration, règlements…).

NOMBRE DE SINISTRES LIQUIDES


Le tableau triangulaire intégrant les nombres de sinistres liquidés au fur et à mesure du temps
donne également une bonne indication de l’évolution de l’activité des services au fil des
années. Nous avons vu que ces facteurs, dans la mesure où ils ne respectent pas les
hypothèses sous jacentes à l’utilisation de tel ou tel modèle de projection, rendent les résultats
de celui-ci pour le moins aléatoire.

DEGAGEMENTS HISTORIQUES DE BONI/MALI DE PROVISIONS


Ces outils sont utiles pour qualifier les méthodes de détermination des engagements du passé,
ainsi que la qualité des estimations dossier par dossier par exemple.

EVOLUTION AU COURS DU TEMPS DE LA PART DE SINISTRES SANS SUITE DANS LE


TOTAL DES SINISTRES DECLARES

Elle permet de se faire une idée du niveau des valeurs moyennes de sinistre dans le temps en
fonction de la variation de la part de sinistres sans suite, ou avec des paiements nuls.

Document réalisé par les experts MEDA dans le cadre du programme d’assistance technique
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TEST EN AVAL
De la même façon, il est utile de procéder en aval (une fois les projections réalisées) à certains
tests sur les résultats obtenus, dans le but de crédibiliser ces derniers :

COUTS MOYENS FINAUX ESTIMES


Analyser l'évolution au cours du temps des coûts moyens finaux estimés des différentes
années de survenance et vérifier la tendance observée, par rapport à celle attendue.

S/P ESTIMES
Analyser l'évolution au cours du temps des taux S/P finaux estimé des différentes années des
survenances et vérifier la tendance observée par rapport à celle attendue.
Vérifier le montant incrémental de sinistres payés au cours d’une période (année) par rapport
à celui attendu compte tenu des cadences projetées antérieurement.

CONCLUSION
Tous ces tests ont pour objet de valider la qualité des estimations effectuées avec les
méthodes retenues. Leur nécessité vient de ce qu'il ne suffit pas d’appliquer une méthode de
détermination des provisions techniques reconnue par la communauté actuarielle : encore
faut-il s’assurer de sa pertinence au regard des spécificités de la compagnie, de ses
portefeuilles et de ses capacités de gestion administrative.
Ces contrôles doivent aussi s’assurer que les hypothèses fixées dans les modèles théoriques
sont bien respectées lorsque l’on applique la méthode.
Par exemple, si l’on souhaite déterminer avec la méthode Chain Ladder le montant des
provisions pour un risque dont on sait que les modalités de recrutement du portefeuille ont
complètement été modifiées par un changement de positionnement marketing, il y a de fortes
chances que les résultats soient décevants. En effet, l’une des hypothèses les plus forte (H2 :
les années de développement sont les variables explicatives du comportement des sinistres
futurs) risque de ne pas être vérifiée ! En effet les années de développement des exercices de
survenance passées ne recouvrent pas les mêmes risques que les nouvelles, et il y a donc un
risque de modification des comportements des assurés.

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