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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

UNIVERSITE MOHAMMED V
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES    ECONOMIQUES ET SOCIALES
­RABAT­AGDAL­
UFR MONNAIE FINANCE BANQUE
PREMIÈRE ANNÉE DU DESA  MONNAIE FINANCE 
ANNÉE UNIVERSITAIRE : 2005/2006

 SÉMINAIRE   :

Théorie monétaire 

Préparé par :
 ­ Mlle Myriem Alaoui Ismaili 
 ­ M. Amine El Ayoubi
 

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DESA Monnaie finance 2006
Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

Année universitaire 2005/2006

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

Plan
Introduction

I- Approche théorique de la politique monétaire


1- La théorie classique

2- La théorie keynésienne :
2-1 les principes de l’action par la monnaie
2-2 la politique monétaire dans le cadre du modèle IS-LM

3- La politique monétaire d’inspiration monétariste :


3-1 Une critique vigoureuse des politiques keynésiennes
3-2 Automaticité et indépendance de la politique
monétaire

II- Les objectifs et instruments de la politique


monétaire
1- Les objectifs de la politique monétaire :
1-1 Les objectifs finals
1-2 Les objectifs intermédiaires
1-3 Les objectifs opérationnels

2- Les instruments de la politique monétaire :


2.1 Les techniques de contrôle administratif et
quantitatif
2.2 Les techniques de marché
2-3 L’action sur les taux de change

3- Les canaux de transmission de la politique monétaire :


3-1 Le canal des taux d’intérêt et des prix d’actifs
3-2 Le canal des crédits
3-3 Le canal des anticipations et les effets d’annonce

I I I - L’ e ff i c a c i t é d e l a p o l i t i q u e m o n é t a i r e d a n s u n
m o n d e fi n a n c i e r e n m u t a t i o n :
1- Les défis de la globalisation financière :
1-1 L’adaptation aux innovations financières et
technologiques
1-2 Assurer la stabilité du système bancaire et financier

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2- Le concept d’indépendance de la banque centrale :


2-1 Les principes d’une banque centrale indépendante
2-2 Les dispositions statutaires d’une banque
indépendante
2-3 L’environnement de l’indépendance

Conclusion

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Introduction :

Après la deuxième guerre mondiale, la politique monétaire


n’occupait qu’une place modeste dans la politique économique.
L’intervention de l’Etat consistait à mettre en œuvre des
mécanismes régulateurs permettant de maintenir le plein emploi en
corrigeant l’insuffisance ou l’excès de la demande par la variation
des dépenses publiques. Il fallait attendre jusqu’au années 70 pour
que la politique monétaire commence à jouer un rôle primordial au
sein de la politique économique. Cette évolution s’inscrivait dans un
environnement où s’est produite la première crise pétrolière, une
inflation forte et tenace et surtout l’ouverture croissante des
économies aux échanges internationaux.

Aujourd’hui la politique monétaire est considérée comme une pièce


maîtresse de la politique économique. La mise en œuvre de la
politique monétaire par les banques centrales est la seule en
mesure de garantir la stabilité monétaire et des prix. En effet, la
politique monétaire est aux yeux des marchés, des investisseurs et
des épargnants le témoin principal de la crédibilité de la politique
économique. Pour renforcer cette crédibilité, il est nécessaire
d’accroître l’indépendance des banques centrales vis à vis des
pouvoirs politiques dans leurs missions de définition et de mise en
place de la politique monétaire. En outre, le phénomène de
globalisation a fait que la stabilité financière est devenue une
préoccupation importante pour les banques centrales au même titre
que la stabilité des prix.

Le présent rapport tente, dans une première partie, d’expliciter les


apports théoriques en matière de politique monétaire. La deuxième

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partie sera axée sur les objectifs et les instruments de la politique


monétaire ainsi que les mécanismes à travers lesquels celle-ci
affecte l’économie. Et en dernière partie, il est important de mettre
en évidence les enjeux de la politique monétaire dans un
environnement en mutation.

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Théories et politiques monétaires

Première partie : Approche théorique de la politique monétaire

1- La théorie classique

2- La théorie keynésienne :

2-1 les principes de l’action par la


monnaie
2-2 la politique monétaire dans le
cadre du modèle IS-LM

3- La politique monétaire d’inspiration


monétariste :

3-1 Une critique vigoureuse des


politiques keynésiennes
3-2 Automaticité et indépendance
de la politique monétaire

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Première partie : Approche théorique de la


politique monétaire
1- La théorie classique : Théorie
quantitative de la monnaie
La théorie quantitative de la monnaie s’appuie sur les thèses de
l’économiste J.B.SAY (1767-1832) qualifiées de loi de débouchés qui
se résume par les formules suivantes « l’offre crée sa propre
demande » et « les produits s’échangent contre des produits ».Pour
Say, les produits se servent mutuellement de débouchés.
Dans cet univers où l’équilibre est toujours réalisé, la monnaie ne
peut être que neutre sur le plan de la production et des revenus. On
en déduit une approche des phénomènes monétaires dont la forme
la plus élaborée est fournie par FISCHER (1867-1947) : Il a traduit
la théorie quantitative de la monnaie intuitivement perçue par
J.BODIN et formulée littérairement par J B.Say sous une forme
mathématique : MV=PT, équation dans laquelle M représente la
masse monétaire, V la vitesse de circulation de la monnaie, P le
niveau général des prix et T le volume des transactions. M est en
général assimilé à l'agrégat monétaire M1 (billets, pièces et dépôts
à vue).

FISHER pose les deux hypothèses suivantes :

V est stable (au moins à court terme car elle dépend des
habitudes de paiement et de données psychologiques
invariables à court terme);

T est stable car les capacités de production sont utilisées à


plein et ne peuvent varier à court terme. L’originalité de la
démarche quantitativiste, et aussi sa limite, consistent dans le
fait qu’après avoir fait apparaître la notion très importante de

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la vitesse de circulation de la monnaie (V) elle l’occulte en la


supposant constante. Comme par ailleurs les débouchés de la
production sont automatiquement assurés, celle ci ne peut
varier que si les capacités de production, salaire et capital,
s’accroissent ; on en déduira qu’une variation de M n’agit que
sur le niveau des prix.

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En matière de taux d’intérêt, l’argumentation classique est la


suivante :

 l’emprunteur peut payer un intérêt pour emprunter parce que,


grâce à cette somme, il acquiert un investissement qui
augmentera la productivité de son travail et lui permettra de
rembourser plus qu’il n’a reçu ;

 l’emprunteur veut bien payer un intérêt parce que les capitaux


sont rares. Tant que les profits seront supérieurs à l’intérêt,
l’emprunteur investira et partagera avec les prêteurs les
excédents de profits dégagés par les investissements réalisés.;

 les préteurs épargnent en fonction du taux d intérêt qui leur


est offert: si le taux d’intérêt s’élève, on épargne davantage.
FISCHER voit la confirmation de cette relation dans les
évolutions parallèles des taux d’intérêt et des prix ; en période
d’expansion durant laquelle les prix s’élèvent, les entreprises
demandent davantage de capitaux, donc consentent des taux
d’intérêt plus important pour provoquer un accroissement de
l’épargne.

En résumé, les classiques ont été convaincus de la dichotomie entre


les sphères réelles et monétaires de l’économie. En conséquence, le
niveau général des prix dépend directement et uniquement de la
masse monétaire. Pour contrôler l’inflation il suffit que la banque
centrale contrôle l’évolution de la masse monétaire. Selon la théorie
quantitative la monnaie est neutre et n’agit pas sur le niveau de la
production et des échanges.
La neutralité de la monnaie chez les classiques a été remise en
cause par la théorie keynésienne.

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2- La théorie keynésienne :

2-1 les principes de l’action par la monnaie :


J.M Keynes a montré les limites de la loi des débouchés. Il a
expliqué que si les individus thésaurisent (c’est à dire conservent
chez eux) l’argent gagné afin d’attendre de meilleures occasions
(dans ce cas, la monnaie est recherchée pour elle même), toute
l’offre ne pourra pas être écoulée. Ce qui mènera a une
surproduction donc la monnaie est d’après lui active.
Selon la conception keynésienne le mouvement spontané des
marchés, le jeu libre des comportements privés conduisent à une
situation d’équilibre macroéconomique qui, sauf exception, n’a
aucune raison d’assurer le plein emploi de la main d’œuvre. Il y’a
équilibre de sous emploi lorsque l’équilibre de l’offre et de la
demande globales sur le marché des biens est associé à un excèdent
d’offre sur le marché du travail : le niveau de production est
insuffisant pour assurer le plein emploi. En sens inverse, il y’a
équilibre de suremploi lorsque la totalité de la main d’œuvre est
employée mais la production réalisée est insuffisante pour satisfaire
toute la demande. Le rôle dévolu à la politique économique est alors
facile à définir : il doit consister en une intervention
contracyclique : relance en situation de sous-emploi et stabilisation
en situation de plein emploi inflationniste. Dans cette action
régulatrice du niveau d’activité, la monnaie est appelée à jouer un
rôle.

La régulation conjoncturelle par la monnaie présente plusieurs


caractéristiques: Elle est en premier lieu faite d’interventions
discrétionnaires, et écarte toute idée de permanence, ou
d’automaticité. Elle est, en second lieu pragmatique et flexible. Elle
est enfin mise en concurrence, pour atteindre l’objectif fixé, avec

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l’autre grande politique budgétaire. Selon les circonstances, l’action


par la monnaie peut être jugée la meilleure pour stimuler (ou
freiner) le mouvement de l’économie. Si l’action par le budget est
préférable, la politique monétaire doit être accommodante. Plus
fréquemment la politique économique recherche un dosage adéquat
de ces deux politiques : le « POLICY MIX ».
Les mécanismes qui sous-tendent le jeu de la politique monétaire
sont les suivants :
D’une part, il est pleinement reconnu que la monnaie peut
exercer des effets réels, ce qui constitue une remise en cause
de la théorie quantitative.
D’autre part, le taux d’intérêt joue un rôle central dans la
conduite de la politique économique, et ce, de deux façon : en
faisant varier la quantité de monnaie disponible, les autorités
peuvent corriger les variations du taux d’intérêt qu’elles
jugent indésirables. Un accroissement de la quantité de
monnaie est de nature à satisfaire la préférence pour la
liquidité des agents, et est donc, toute chose égale par
ailleurs, un facteur de baisse du taux d’intérêt. Cette baisse
peut, d’autre part, favoriser l’activité réelle : « l’effet premier
d’une variation de la quantité de monnaie sur le montant de la
demande effective résulte de son influence sur le taux
d’intérêt ». Les canaux de transmission de la politique
monétaire « c’est à dire les voies par lesquelles la politique
monétaire influe sur le niveau et/ou la structure de la
demande et de l’offre et par là sur les objectifs finaux de la
politique économique » , reposent principalement sur le taux
d’intérêt .Celui-ci exprime le choix entre détention de monnaie
et placement financier ,et conditionne ainsi la substitution
entre la monnaie et les titres .Mais surtout, le taux d’intérêt
influence le coût du capital et agit sur la décision d’investir :

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un bas taux d’intérêt a pour effet de rendre viable un plus


grand nombre de projets d’investissement, dés lors que ceux
ci sont décidés en comparant le taux de rendement interne et
le taux d’intérêt ambiant. Et par le jeu du multiplicateur de
dépenses, ces investissements supplémentaires accroissent le
revenu global. C’est l’ensemble de ses relations que le modèle
IS-LM formalise.

2-2 La politique monétaire dans le cadre du


modèle IS-LM :
Le modèle IS-LM est celui de la « synthèse classicokeynésienne » :
la demande de monnaie keynésienne est située dans un cadre
d’équilibre général des marchés de type walrassien. Ce modèle,
offre un cadre particulièrement approprié à l’étude théorique de la
régulation conjoncturelle par la monnaie.
Le modèle repose sur la distinction dans l’économie ente deux
secteurs, un secteur réel (le marché des biens et services) et un
secteur monétaire (le marché de la monnaie).
L’équilibre de l’offre et de la demande globale sur le marché des
biens et des services est donné, sous forme réduite, par l’égalité de
l’investissement I et de l’épargne S. L’investissement I est une
fonction décroissante du taux d’intérêt i. L’épargne S est une
fonction croissante du revenu Y. En portant les valeurs du revenu en
abscisse, et celle du taux d’intérêt en ordonné, on représente
graphiquement la courbe IS ; qui décrit l’ensemble des couples de
valeurs de Y et de i pour lesquelles on a égalité entre I et S. La
courbe IS est décroissante : un taux d’intérêt élevé conduit à un
investissement faible, et donc (par le jeu de multiplicateur) à un
revenu faible. Inversement, de faibles valeurs du taux d’intérêt sont
associées à des valeurs élevées du revenu global d’équilibre.

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Sur le marché de la monnaie s’opère l’équilibre entre l’offre de la


monnaie M (déterminée par les pouvoirs publics, c’est à dire
exogène) et la demande de monnaie L. Celle-ci dépend des
différents motifs de la préférence pour la liquidité : une partie de la
monnaie demandée obéit aux motifs de transactions et de
précaution, et est proportionnelle au niveau du revenu global.
L’autre partie de la monnaie obéit au motif de spéculation, et est
donc une fonction décroissante du taux d’intérêt. La courbe LM est
le lieu des couples de valeurs Y et de i correspondant à l’équilibre
du marché de la monnaie. Lorsque le niveau de revenu est bas, le
montant des encaisses de transaction est faible et corrélativement
la demande de monnaie de spéculation est forte, ce qui doit être
associé à un niveau faible du taux d’intérêt. Lorsque le revenu
s’élève, les encaisses de transaction s’accroissent au détriment des
encaisses de spéculation, ce à quoi doit correspondre un taux
d’intérêt élevé.
La courbe LM exprime donc une liaison croissante entre le revenu
et le taux d’intérêt. Mais elle dispose dans la construction de
J.HICKS d’une portion presque horizontale vers la gauche, et
presque verticale vers la droite. La partie horizontale de la courbe
traduit le fait qu’il existe un niveau minimum au-dessous duquel le
taux d’intérêt ne descendra jamais.
En reportant, avec Hansen, sur le même graphique les courbes des
différents équilibres réels et monétaires, on obtient le diagramme
IS-LM. L’intersection des deux courbes définit le niveau de revenu
et la valeur du taux d’intérêt correspondant à l’équilibre
macroéconomique.

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3- La politique monétaire d’inspiration


monétariste : neutraliser l’influence
déstabilisante de la monnaie :
Libéraux convaincus, les monétaristes sont, par principe, hostiles à
l’intervention de l’Etat dans l’économie. Pour peu que les prix soient
flexibles et que les marchés fonctionnement librement. Le
volontarisme des autorités ne peut éliminer le chômage, ni même le
réduire durablement : celui-ci oscille autour de son taux naturel.
Seule la politique monétaire est tolérée, si elle met fin aux
variations désordonnées de l’offre de monnaie qui provoquent les
fluctuations de la production et des prix. La politique monétaire
d’inspiration monétariste développe une critique sévère de son
homologue keynésienne. Elle tend à lui substituer la définition de
règles peu nombreuses, et à caractère automatique.

3-1 Une critique vigoureuse des politiques


keynésiennes :
M.FRIEDMAN, comme d’ailleurs F.HAYEK, sont d’avis que les
politiques keynésiennes sont, dans les meilleurs des cas, inefficaces.
Au pire, elles viennent aggraver les difficultés qu’elles prétendent
résoudre. Elles sont notamment tenues pour responsables des
dérapages inflationnistes intervenus dans les années soixante-dix.
Les raisons théoriques de la critique reposent principalement sur la
contestation du rôle des taux d’intérêt. La demande de monnaie est,
selon M.FRIEDMAN, faiblement élastique au taux d’intérêt dont les
variations n’ont que peu d’impact sur la demande globale. Le taux
d’intérêt est de plus contraint par les variations de la masse
monétaire : une augmentation de celle-ci provoque, dans un

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premier temps, et de façon temporaire, une baisse du taux nominal.


Puis le taux d’intérêt remonte, sous l’influence de l’ « effet
Fisher » : le taux nominal incorpore les anticipations d’inflation que
la croissance de la masse monétaire fait naître. Pour ces raisons il
ne peut jouer le rôle de levier dans l’action par la monnaie : les
politiques d’argent à bon marché qui prétendraient favoriser
l’endettement et la formation du capital sont vivement condamnées
par les monétaristes.
Une autre critique tient au fait que la création monétaire est aux
mains des autorités, ce qui leur confie un pouvoir trop grand.
« L’expérience prouve que toutes les fois qu’un gouvernement ou
une banque a eu la faculté illimitée d’émettre du papier-monnaie, ils
en ont toujours abusé ». Ils sont en effet tentés d’assujettir
l’émission monétaire à leurs objectifs de survie politique. On a mis
en évidence, aux Etats-Unis l’existence d’un cycle électoral de la
politique monétaire, les gouvernements étant tentés d’accélérer
temporairement la croissance de la masse monétaire avant les
élections, pour tirer le bénéfice d’un éventuel recul du chômage au-
dessous de son taux naturel, au prix d’un supplément d’inflation.
S’ajoute à cela une difficulté technique : les effets de la politique
monétaire se manifestent avec les délais variables, allant d’un à
plusieurs trimestres, et les interventions à caractère contracyclique
sont difficiles à organiser correctement dans les temps. Dans ce
contexte, faute de pouvoir prévoir avec exactitude le moment où les
effets attendus se manifesteront, toute action discrétionnaire risque
d’aggraver les perturbations de l’économie.

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3-2 Automaticité et indépendance de la politique


monétaire :
Méfiants vis-à-vis des gouvernements, doutant de leur volonté et de
leur aptitude à corriger efficacement et durablement les
turbulences de l’économie de marché, les monétaristes sont
conduits à définir de façon restrictive le champ souhaitable en
matière de politique économique. L’objectif général n’est pas
d’accroître le niveau du produit ou de l’emploi, mais de tenter de
neutraliser les fluctuations du revenu nominal ; celles-ci sont, dans
le diagnostic monétariste pour l’essentiel, la conséquence des
variations erratiques de l’offre et de la demande de monnaie, elles-
mêmes provoquées par les décisions le plus souvent erronées des
gouvernants.
La cause des déséquilibres étant d’ordre monétaire, les remèdes
doivent être trouvés du coté de la monnaie. Et, puisque le
déséquilibre le plus grave qu’il faille combattre étant l’inflation, la
politique monétaire doit se voire confier un unique objectif, celui
d’empêcher la dérive des prix.

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Théories et politiques monétaires

Deuxième partie : Les objectifs et instruments de la politique

1- Les objectifs de la politique


monétaire :

1-1 Les objectifs finals


1-2 Les objectifs intermédiaires
1-3 Les objectifs opérationnels

2- Les instruments de la politique


monétaire :

2-1 Les techniques de contrôle


administratif et quantitatif
2-2 Les techniques de marché
2-3 L’action sur les taux de change

3- Les canaux de transmission de la


politique monétaire :
3-1 Le canal des taux d’intérêt et des
prix d’actifs
3-2 Le canal des crédits
3-3 Le canal des anticipations et les
effets d’annonce

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Théories et politiques monétaires

Deuxième partie : Les objectifs et


instruments de la politique monétaire :
La politique monétaire est l’un des principaux instruments de la
politique économique. En effet, elle constitue un moyen
considérable dans la régulation des économies. Le fonctionnement
de la politique monétaire est traditionnellement présenté à partir
d’une grille d’analyse qui relie ses instruments à ses objectifs finals
en faisant jouer différents canaux de transmission. Ceci peut être
présenté selon le schéma suivant :

Instrument Objectifs Objectifs Objectifs


s de la opérationnels intermédiaires finals
politique
monétaire
Suivant le schéma ci-dessus, la présente partie relate les principaux
rouages de la politique monétaire en mettant en exergue les
objectifs qui lui sont assignés
Canaux de et les instruments
transmission qui constituent ses
de la politique
monétaire
moyens d'action. Le maniement de ces derniers par les autorités
monétaires afin d’atteindre les objectifs finals est la fonction des
canaux de transmission qui feront l’objet du troisième titre de cette
partie.

1- Les objectifs de la politique monétaire :

1-1 Les objectifs finals :


Il y’a une vingtaine d’année, les objectifs finals de la politique
monétaire pouvaient être représentés par le fameux carré magique
dont les quatre sommets sont : la stabilité des prix, la croissance
économique, le plein emploi et l’équilibre extérieur.

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Théories et politiques monétaires

L’objectif final de la politique monétaire était le maintien des


conditions de croissance optimum (faible inflation, plein emploi).
Toutefois, trop de crédit et de monnaie contribuent à alimenter une
demande excessive de biens et services, susceptible d’engendrer
une pression sur l’appareil productif, avec des risques de hausse
des prix et de déficit extérieur. Inversement, peu de crédit et de
monnaie peuvent limiter le développement de la demande à un
point où les capacités de production ne seraient pas pleinement
utilisées et donc provoquer le sous emploi et le chômage.
Aujourd’hui, la redéfinition de l’objectif final de la politique
monétaire a été incitée par plusieurs facteurs :
 Le développement et l’internationalisation des marchés
rendent la politique monétaire très peu lisible. Son objectif
principal est jugé contradictoire avec les autres missions du
fait qu’il peut s’en suivre des hausses de taux à long terme
et/ou une dépréciation des taux de change.
 La longueur des délais d’action de la politique monétaire
causée par la complexité des canaux de transmission qui
transitent par les comportements des banques, des
entreprises, des ménages et des non résidents la rende moins
efficace au moins à long terme.
 La stabilité des prix peut être assurée par une politique
macro-économique incluant d’autres ingrédients que la
politique monétaire. Ceci rejoint la problématique de
l’indépendance de la banque centrale que le recentrage des
missions a accompagné.

Actuellement, l'objectif final de toute politique monétaire donne une


priorité non équivoque à la maîtrise de l'inflation, propre à favoriser
une stabilité de la valeur interne et externe de la monnaie. La

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Théories et politiques monétaires

recherche de cet objectif répond au souci de créer les conditions


d'une croissance économique durable, permettant de concilier les
autres préoccupations de la politique monétaire, à savoir le plein
emploi et l'équilibre extérieur. Des divergences existent cependant
quant au choix des indicateurs de politique monétaire devant servir
d'objectifs intermédiaires. Ceux-ci doivent généralement refléter
l’objectif final. Leur utilité doit s’apprécier à trois niveaux :
 Etre mesurable et rapidement connue par les autorités
monétaires ;
 Etre contrôlé directement ou indirectement par les autorités
monétaires ;
 Avoir un caractère prédictif. Leur évolution est censée
contribuer à la maîtrise des évolutions de l’objectif final.

1-2 Les objectifs intermédiaires :


Les objectifs intermédiaires en matière de politique monétaire sont
de trois sortes et sont ciblés sur des variables mesurant des
quantités ou des prix :
1) Les agrégats monétaires (définition de la masse monétaire ou du
crédit) ;
2) Les taux d’intérêt ;
3) Les taux de change.
- La maîtrise de la croissance de la masse monétaire constitue l'un
des objectifs privilégiés des monétaristes. Il faut que la croissance
de la masse monétaire soit égale au taux de croissance de
l'économie réelle pour éviter toute tension inflationniste. Ainsi
quand la croissance du PIB est de 3%, le taux d’inflation est de 4%,
la croissance du stock de monnaie doit être de 7%.
- Le niveau des taux d'intérêt nominaux est l'instrument privilégié
des keynésiens : l'idée est qu'une baisse des taux d'intérêt doit

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Théories et politiques monétaires

conduire à une reprise de l'activité économique. Même si les


banques centrales ne poursuivent pas prioritairement cet objectif
de croissance économique, elles prennent néanmoins en
considération le niveau des taux d'intérêt qui a une incidence sur le
niveau des investissements des entreprises et sur le volume des
mouvements de capitaux à court terme. Il existe plusieurs types de
taux d’intérêt : les taux débiteurs et créditeurs appliqués par les
banques à leurs clients à l’occasion d’un crédit ou d’un dépôt, le
taux de refinancement appliqué aux prêts de la banque centrale aux
banques. Ce taux joue le rôle de taux directeur car c’est lui qui
influe sur les taux débiteurs et créditeurs.
- Dans des économies ouvertes et de taille relativement petite, la
stabilité des taux de change est devenue un objectif intermédiaire
fondamental. Il s'agit de trouver le taux de change d'équilibre, ce
qui n'est jamais aisé : 1) un taux de change faible favorise les
exportations mais est source de tensions inflationnistes et n'incite
pas à l'amélioration des gains de productivité des entreprises
nationales, protégées de la concurrence internationale. 2) un taux
de change trop élevé, renchérit les exportations et risque de
conduire les entreprises les moins concurrentielles à la faillite. Mais
une relative surévaluation de la monnaie ralentit les risques
inflationnistes.
a) Le choix des objectifs intermédiaires :
Le contexte institutionnel : lorsque l’intermédiation bancaire est le
principal circuit de financement de l’économie, un agrégat
mesurant le crédit bancaire peut apparaître comme le meilleur
objectif intermédiaire. Ce rôle sera plutôt dévolu au taux d’intérêt si
la finance directe de marché joue un rôle prépondérant. Lorsqu’un
pays opte pour un régime de changes fixes (comme le système
européen), le taux de change peut être retenu comme un objectif
intermédiaire.

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Théories et politiques monétaires

Le cadre théorique de référence : lorsque la doctrine monétariste


s’est imposée, à partir de la fin des années soixante-dix, la plupart
des pays industrialisés ont retenu la masse monétaire comme
objectif intermédiaire. Toutefois, le nouveau contexte de
globalisation financière a imposé de nouveaux défis aux autorités
monétaires en l’occurrence l’adaptation aux innovations financières
et technologiques, ce qui les a poussé à redéfinir leurs objectifs
intermédiaires.
L’utilité des objectifs intermédiaires :
Le premier intérêt des objectifs intermédiaires est d’être des
variables monétaires sur lesquelles les banques centrales peuvent
agir. La politique monétaire peut en effet influencer les fluctuations
de la masse monétaire, des taux d’intérêt et du taux de change,
alors qu’elle ne peut agir directement sur le niveau des prix, de la
production ou des salaires.
La seconde utilité est d’être un « affichage » de la stratégie de la
politique monétaire. En publiant son (ou ses) objectifs
intermédiaires, la banque vise deux buts :
 Canaliser et orienter les anticipations des agents économiques
en leur fournissant un cadre de référence. En effet, les agents
qui sont amenés à intervenir sur les marchés de capitaux et
des changes pourrant apprécier le caractère plus au moins
restrictif ou expansif de la politique monétaire.
 Les objectifs intermédiaires représentent une attestation
d’indépendance et de continuité de la politique monétaire
lorsqu’ils sont publiés. En faisant connaître leurs objectifs, les
autorités monétaires s’engagent clairement à réagir s’ils ne
sont pas atteints ou expliquer pourquoi ils ne réagissent pas.

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1-3 Les objectifs opérationnels :


Ce sont des variables « indicatrices » de l’état de la politique
monétaire. Deux séries de raisons amènent les autorités monétaires
à utiliser ces objectifs :
- Les variables retenues comme objectifs intermédiaires ne donnent
pas une mesure assez précise et rapide du caractère plus au moins
restrictif de la politique monétaire. Ainsi les agrégats monétaires
sont de plus en plus difficiles à mesurer. En effet, malgré le choix de
l’agrégat de type M3 plutôt que des agrégats M1 et M2 de type
étroit, on ne peut étendre indéfiniment leur contour car tout n’est
pas monétaire. Les bordures des agrégats larges sont donc
composés de placements dont la nature monétaire n’est pas avérée
en toutes circonstances (ex : les OPCVM, les TCN).
- Les autorités monétaires peuvent avoir besoin d’envoyer des
signaux rapides clairs et précis et surtout munis d’un caractère
prédictif. Ce qui compte ce n’est pas le niveau d’inflation du jour tel
que l’indice des prix nous le fait connaître, c’est déjà du passé. Ce
qu’il faut connaître, c’est le niveau d’inflation dans un an ou dans
six mois. (On ne réagit pas quand on est face au mur, on doit
anticiper).
Les taux d’intérêt à court terme, le niveau des stocks, la
productivité du travail, l’écart de production entre PIB effectif et
PIB potentiel sont autant d’objectifs opérationnels qui permettent
de déterminer le caractère plus moins restrictif de la politique
monétaire.

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

2- Les instruments de la politique


monétaire :
La panoplie d’instruments que peuvent manipuler les autorités
monétaires pour atteindre les objectifs de la politique monétaire est
importante. On peut classer ceux-ci en deux grandes catégories :
 Les techniques de contrôle administratif et quantitatif agissent
d’une manière directe et contraignante sur les agents
économiques : l’encadrement du crédit et le contrôle des
changes font partie des ces instruments
 Les techniques de marché influencent indirectement le
comportement des agents économiques. L’action des autorités
monétaires repose alors sur une logique d’incitation (et non de
contrainte) dans le cadre des mécanismes de marché. C’est
une action sur les prix. Certains instruments visent
principalement à affecter le comportement d’offre de monnaie
des banques : c’est l’action sur la liquidité bancaire. D’autres
instruments cherchent à influer sur les prix d’équilibre des
marchés par des opérations d’achat et de ventes. C’est le cas
des interventions sur le marché monétaire et le marché des
changes destinées à agir respectivement sur le taux d’intérêt à
court terme et sur le taux de change.
Le rôle joué par ces deux catégories d’instruments dépend du
contexte institutionnel et du régime financier. Les techniques de
marché ont acquis une place prépondérante avec le passage à
l’économie de marchés financiers libéralisée.

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

2-1 Les techniques de contrôle administratif et


quantitatif :
a) Le contrôle du crédit : le premier instrument est
l’encadrement du crédit dont l’objectif est de limiter les crédits
distribués par les banques, principale source de création monétaire.
Ce dispositif contraignant alloue à chaque banque une enveloppe de
crédit à octroyer. Tout dépassement de ladite enveloppe fait l’objet
de sanctions. Cette procédure a constitué l’instrument central de
contrôle de la création monétaire dans le régime d’économie
d’endettement administré : l’essentiel du financement de l’économie
est assuré par les crédits distribués par les banques et l’essentiel
des placements financiers des agents économiques est constitué de
dépôt à vue, à terme, en comptes sur livrets auprès des
établissements de crédit. C’est une économie où les intermédiaires
financiers jouent un rôle prédominant et où les marchés de capitaux
sont de dimension réduite. Actuellement, le contexte de
libéralisation financière a rendu cette procédure inadaptée. Ses
principaux inconvénients étaient de réduire la concurrence en
figeant les parts de marché des banques, et d’induire un
comportement conservateur de la part des banques qui étaient
incitées à privilégier leurs clients traditionnels au détriment des
nouveaux clients. De plus, l’encadrement a des effets pervers
conduisant les entreprises rationnées à pratiquer les crédits
interentreprises échappant à toute forme de régulation.
Dans le même esprit interventionniste, les autorités publiques
peuvent octroyer des financements privilégiés à certains secteurs
(agriculture, logement….) par l’intermédiaire des taux d’intérêt
bonifiés, inférieurs aux taux du marché, qui transitent par certains
établissements spécialisés (Crédit agricole). Avec l’encadrement du
crédit, l’Etat contrôle non seulement l’évolution globale du crédit

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

mais influence également la répartition de celui-ci entre les agents


économique.
b) Le contrôle des changes : c’est un dispositif réglementaire
destiné à limiter ou à interdire certaines opérations susceptibles de
nuire à la stabilité des changes. Parmi l’importante panoplie de
restrictions, un groupe de mesure limitait les possibilités de
termaillage, c'est-à-dire les achats anticipés de devises par les
importateurs ou les ventes retardées de celles-ci par les
exportateurs, opérations qui pèsent sur le taux de change.
La réglementation des changes a été levée dans tous les pays
industrialisés à économie de marché au cours des années quatre-
vingt. En Europe, la directive sur les mouvements de capitaux
élaborée dans la perspective du marché unique des capitaux, mis en
place à partir de 1990, a organisé ce processus de libéralisation. Il
faut noter que la libéralisation des opérations financières
internationales n’implique pas l’absence totale de règles. On a
assisté, au contraire, à un processus de reréglementation avec la
mise en œuvre de nouvelles règles. Il s’agit en particulier, des
règles prudentielles concernant les banques internationales et qui
sont destinées à inciter ces dernières à se protéger contre les
risques de crédit et de marché.

2-1 Les techniques de marché :


Le développement des marchés de capitaux, l’amoindrissement du
rôle des établissements de crédit dans le financement des crédits,
l’essor des placements négociables à toutes échéances et des
organismes de placement collectif et enfin l’ouverture croissante
sur l’extérieur ont plusieurs conséquences : le contrôle des objectifs
intermédiaires ne repose plus sur l’encadrement du crédit mais sur
les taux d’intérêt. On ne peut plus contrôler directement par les
quantités, on doit contrôler indirectement par le prix de l’argent.

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

La conception de la politique monétaire en économie de marché


confronte les autorités monétaires à plusieurs incertitudes :
 La définition de la monnaie est moins précise. La diversité des
placements financiers offerts aux agents économiques, non
seulement à l’intérieur des frontières mais à l’étranger car
l’interpénétration des systèmes financiers est devenue très
étroite favorisant des arbitrages incessants qui rendent la
demande de monnaie moins stable.
 Les liens entre la quantité de monnaie et les grandeurs
réelles, se distendent au moins à court terme. Un écart à la
tendance de la demande de monnaie signifie que les agents
économiques changent de comportement. Les autorités
monétaires doivent donc réagir immédiatement car la perte de
contrôle risque de leur faire échouer la réalisation de l’objectif
final de stabilité des prix. En revanche, lorsque la demande de
monnaie est affectée par les innovations financières, les
variations des agrégats de monnaie ne signifient pas
forcément un comportement plus ou moins dépensier ou plus
ou moins inflationniste, mais de simples aménagements dans
la gamme des placements. Ces derniers peuvent être dictés
par les niveaux des taux d’intérêt, le caractère attractif des
nouveaux placements, les anticipations, les modes de
démarchage des intermédiaires financiers…
A travers les techniques de marché, la banque centrale agit sur la
liquidité bancaire et les taux d’intérêt : elle peut créer plus ou
moins de monnaie centrale en refinançant les banques, ou elle peut
également contraindre les banques commerciales à détenir plus ou
moins de monnaie centrale sous forme de réserves obligatoires.
a) La création de monnaie centrale : les autorités monétaires
mettent généralement en place des procédures mixtes, leur

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

permettant d’agir simultanément sur le niveau des taux d’intérêt et


sur la quantité de monnaie centrale offerte aux banques
commerciales.
Les banques centrales ont recours à deux instruments principaux
pour agir sur la liquidité bancaire et piloter les taux d’intérêt du
marché monétaire : l’open market et les facilités permanentes. Les
opérations d’open market sont organisées sous forme d’appels
d’offres réguliers : la banque centrale propose des liquidités aux
établissements de crédit en échange d’actifs donnés
temporairement en garantie par ceux-ci. Les facilités permanentes
permettent de fournir (prêt marginal) ou de retirer (dépôt) de la
liquidité à vingt-quatre heures à la demande des établissements de
crédit. L’accès à cette facilité est ouvert à un établissement de
crédit sans aucune limitation que celle des supports de garantie
qu’il détient.
1) Le taux de refinancement ;
2) Le taux de facilité de prêt marginal (taux plafond);
3) Le taux de facilité de dépôt (taux plancher).
b) Les réserves obligatoires : elles constituent un levier
supplémentaire utilisé par les autorités monétaires pour agir sur la
création monétaire et sur les taux d’intérêt. Cet instrument fait
obligation des banques de maintenir à leur compte à la banque
centrale un solde proportionnel à l’encours des dépôts liquides
effectués dans les banques par les agents non bancaires. Au départ,
les réserves obligatoires ont été instituées dans le but de garantir
une liquidité suffisante chez les banques afin de protéger la
clientèle. Peu à peu, cette mission d’assurance perd de son
importance au profit d’une fonction de régulation monétaire. A ce
titre, les réserves obligatoires ont un double rôle, d’une part, de
stabilisateur automatique, en reliant strictement le besoin de
monnaie centrale à la progression de leur activité et d’autre part,

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

de frein à la création monétaire en ponctionnant la liquidité


bancaire.

2-3 L’action sur les taux de change :


Dans la plus part des pays, les autorités monétaires, garantes de la
stabilité monétaire, surveillent et régularisent les cours de change.
Pour atteindre leur objectif, les autorités monétaires utilisent deux
leviers principaux : les interventions sur les marchés et les
modifications de parités.
a) Les interventions sur les marchés :
Elles sont de deux ordres :
Le maniement des taux d’intérêt, destiné à attirer ou à décourager
les capitaux internationaux. Les autorités monétaires doivent
pratiquer une hausse des taux d’intérêt domestiques afin de
compenser des anticipations de dépréciation de leur monnaie et
d’enrayer des sorties de capitaux. Il d’agit de respecter la relation
de parité des taux d’intérêt non couverte, selon laquelle l’équilibre
sur les marchés est atteint lorsque le taux de dépréciation anticipé
d’une monnaie est égal au différentiel entre le taux d’intérêt de
cette monnaie et le taux d’intérêt sur la devise étrangère
considérée.
Les interventions sur le marché des change: Leur principe consiste
à acheter ou à vendre des devises contre la monnaie nationale afin
d’agir sur l’équilibre de marché. Le montant et la nature de ces
interventions dépendent du régime de change. Les interventions
pratiquées par les banques centrales affectent directement la
liquidité bancaire et les taux d’intérêt. En cédant la monnaie
nationale, sa liquidité augmente et entraîne une baisse des taux
d’intérêt, à l’inverse la cession de devise entraîne une baisse de
liquidité et une hausse relative des taux d’intérêt. Ces effets
secondaires peuvent ne pas être désirés. Dans ce cas, la banque

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

centrale pratiquera des interventions stérilisées en neutralisant


l’opération par des interventions inverse au niveau du marché
monétaire.
b) Les modifications de parités :
Elles représentent une arme de politique économique largement
utilisée, dont l’objectif premier est d’agir sur l’équilibre de la
balance des paiements. Un pays recourt généralement à la
dévaluation pour améliorer la compétitivité prix de ses entreprises
et redresser son solde commercial. Les dévaluations produisent
deux types d’effets : Elles agissent tout d’abord sur les prix des
importations et des exportations, puis sur les volumes importés et
exportés. Dans la réalité, la dynamique des dévaluations résulte du
jeu de ces deux types d’effets et de leur décalage dans le temps.
Elle s’ordonne autour de trois phases :
1) A court terme (moins d’un an), une dépréciation commence
par aggraver le déficit commercial car le prix en monnaie
nationale des importations augmente rapidement tandis que le
prix des exportations reste constant.
2) A moyen terme (entre un et quatre ans) la dévaluation a des
effets favorables sur la balance commerciale car les échanges
vont bénéficier progressivement des gains de compétitivité.
3) A moyen-long terme, les effets de la dévaluation s’atténuent
progressivement, le bénéfice initial de compétitivité étant
rogné par la propagation de l’inflation importée à la suite de la
hausse des prix des importations.

3- Les canaux de transmission de la


politique monétaire :
Il est essentiel de comprendre comment le maniement des
différents instruments qui viennent d’être présentés agit sur

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

l’économie et permet aux autorités monétaires d’atteindre leurs


objectifs finals. C’est la question des canaux de transmission à
l’économie réelle des impulsions de la politique monétaire. On
distingue trois canaux principaux qui mettent respectivement
l’accent sur le rôle des taux d’intérêt et des prix d’actifs, du crédit
et des anticipations dans les mécanismes de transmission.

3-1 Le canal des taux d’intérêt et des prix d’actif :


Dans le modèle néo-keynésien IS-LM, le canal du taux d’intérêt
constitue le principal mécanisme de transmission de la politique
monétaire. En effet, ce canal a un effet sur le coût du capital. Ce
modèle standard présente plusieurs limites. Particulièrement, il n’y
a qu’un seul taux d’intérêt sur le modèle IS-LM : le taux nominal
déterminé sur le marché monétaire. Or, si les autorités monétaires
contrôlent le taux d’intérêt à court terme sur le marché monétaire,
ce sont surtout les taux d’intérêt à long terme sur les marchés
financiers qui affectent les décisions d’investissement des
entreprises. Ceci nous ramène à étudier la relation entre taux à
court terme et taux à long terme. De plus, la variable pertinente
pour les décisions des entreprises est le taux d’intérêt réel, corrigé
des anticipations d’inflation et non le taux d’intérêt nominal coté
sur le marché.
a) La relation entre taux d’intérêt à court et long terme :
Les taux d’intérêt peuvent être classés selon leur structure à
terme : du taux à très court terme (jour le jour) au taux long (dix
ans et plus). Si on relie ces taux d’intérêt selon leur terme on
obtient la courbe des taux d’intérêt. Trois approches théoriques
apportent des éléments d’explication à la structure par terme des
taux d’intérêt :
 La théorie des anticipations selon laquelle les taux longs
sont égaux aux taux courts anticipés à l’échéance considérée

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

dans le futur. L’écart du taux à court et long terme serait


prédictible de l’évolution des taux à court terme. Un
élargissement de cet écart signifie un manque de confiance
dans la politique de la banque centrale.
 La théorie de la prime de liquidité : C’est l’écart entre les
taux à court et long terme qui correspond à une prime de
risque qui prend en considération le risque de défaillance et
d’illiquidité. Plus le terme est éloigné plus la prime est élevée.
Ceci explique la pente positive de la courbe des taux.
 La théorie de l’habitat préféré selon laquelle l’aversion
pour le risque des agents les amène à adopter un
compartiment particulier du marché financier jugé plus sûr. Ils
n’acceptent de le quitter qu’à condition d’être rémunéré par
une prime de risque.
Pour les autorités monétaires, la courbe des taux est un instrument
d’information précieux sur l’état des anticipations sur les marchés.
Pour palier aux limites du modèle néo-keynésien, les travaux
ultérieurs ont cherché à identifier d’autres canaux de transmission
plus larges incluant non seulement les taux d’intérêt, mais
également les différents prix d’actifs. L’influence de la politique
monétaire se transmet par la variation des taux d’intérêt qui
affectent les comportements des agents non financiers dans la
sélection de leur portefeuille. Les agents comparent les rendements
et les risques des différents actifs et prennent en compte les
rendements explicites (taux d’intérêt sur les actifs) et implicites
(rendements psychologiques de la monnaie). C’est par
l’intermédiaire des modifications de prix et de taux d’intérêt qu’elle
induit que la politique monétaire agit sur l’économie.
Trois types d’effets prix se manifestent :

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

 L’effet de substitution : les agents économiques modifient la


composition de leur patrimoine par catégories d’actifs
(monétaires, financiers, réels) suite à la modification de la
structure des taux d’intérêt ;
 L’effet de revenu : les variations des taux d’intérêt affectent
les revenus financiers des détenteurs de portefeuille. Ainsi, à
la suite d’une hausse des taux d’intérêt, les agents créanciers
voient leurs revenus financiers augmenter. Tandis que,
symétriquement, les agents débiteurs subissent une perte de
revenu.
 L’effet de richesse : la valeur du patrimoine des agents
économiques se modifie à la suite des variations de prix des
actifs financiers. Lorsque le prix des actifs financiers
augmente suite à une baisse des taux d’intérêt, impulsée par
les autorités monétaires, la richesse globale des
consommateurs s’accroît et par conséquent la consommation.

b) Le canal du cours des actions et le « q » de Tobin :


La théorie de l’investissement de Tobin décrit un canal par lequel la
politique monétaire affecte les entreprises par le biais de ses effets
sur la valorisation des actions. Tobin définit le coefficient « q »
comme étant le rapport entre la valeur boursière et le coût de
renouvellement du capital. Une hausse de « q » signifie que la
valeur boursière des entreprises s’accroît par rapport au coût de
renouvellement du capital. En d’autre terme, les nouveaux
investissements productifs deviennent moins onéreux par rapport à
la valeur boursière des entreprises. Ces dernières peuvent alors
émettre des actions et en obtenir un prix élevé. Les dépenses
d’investissement augmentent par suite de la diminution du coût
relatif du capital productif. La politique monétaire peut affecter le
cours des actions et donc les dépenses d’investissement des

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

entreprises. Selon la conception keynésienne dans laquelle s’inscrit


Tobin, une baisse des taux d’intérêt induite par une politique
monétaire expansionniste réduit l’attrait des obligations dont le
rendement diminue par rapport à celui des actions, ce qui suscite
une hausse des cours de ces dernières.

c) Le canal du taux de change :


L’internationalisation croissante des économies a rendu important le
canal du taux de change. Ce canal fait également intervenir les
effets du taux d’intérêt. Pour un état donné des anticipations, la
baisse des taux d’intérêt suscite des arbitrages défavorables sur la
monnaie concernée. L’attrait des dépôts dans cette monnaie
diminue par rapport aux dépôts libellés en devises étrangères, ce
qui entraîne une offre excédentaire sur le marché des changes dans
cette monnaie dont le taux de change se déprécie. La dépréciation
de la monnaie abaisse les prix des biens nationaux par rapport aux
biens étrangers ce qui se traduit par une augmentation des
exportations nettes et donc de la production nationale.
Ce canal joue un rôle important dans la façon dont la politique
monétaire affecte les économies nationales. Ce rôle ne se limite pas
à un effet sur l’activité économique. Il est également important sur
les prix : une appréciation du change entraîne une désinflation
importée dans la mesure où elle ramène une baisse des
importations exprimée en monnaie nationale.

3-2 Les canaux de crédit :


Les approches précédentes des canaux de transmission sont
fondées sur l’hypothèse d’une grande substituabilité entre les
différentes formes de financement de l’économie et négligent les
imperfections caractérisant le fonctionnement des marchés des
capitaux. Tenant compte de cette critique, les économistes

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

d’inspiration keynésienne ont mis en avant deux canaux de


transmission de la politique monétaire, reposant sur les
imperfections existant sur les marchés de capitaux.
a) Le canal étroit du crédit bancaire :
Selon cette approche, la politique monétaire influence l’économie
en agissant directement sur le volume des crédits offerts par les
banques aux agents non financiers. Le crédit bancaire et les titres
sont deux modalités de financement imparfaitement substituables.
Cette substituabilité est, en effet, inexistante pour les particuliers et
souvent faible pour les entreprises, dans la mesure où la capacité à
émettre des titres pour se financer est généralement nulle pour les
particuliers et faible pour la plus part des entreprises.
Ainsi, la politique monétaire a d’importants effets redistributifs,
dans la mesure où le degré de substitution entre les différentes
formes de financement (crédits et titres) n’est pas le même selon les
agents et leur taille. Il en résulte que la politique monétaire affecte
le comportement des agents non financiers beaucoup plus par son
effet sur la quantité de crédit disponible que par son influence sur
les taux d’intérêt.
Exemple : une politique monétaire expansionniste, qui contribue à
accroître la liquidité bancaire, augmente la quantité des prêts
bancaires disponibles. Cette augmentation contribuera à une
hausse des dépenses d’investissement et de consommation du fait
que les banques jouent un rôle important en tant que prêteur à une
certaine catégorie d’emprunteurs.
b) Le canal large du crédit :
Le déclin de l’importance du crédit bancaire a amené à introduire
une seconde approche du canal du crédit, mieux adaptée à la réalité
actuelle des marchés de capitaux. C’est le canal large du crédit ou
canal du bilan. Il prend en compte l’ensemble des financements des

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

entreprises, ce qui inclut les nouvelles formes de dettes négociables


sur les marchés. Les entreprises ont le choix entre le financement
interne (autofinancement) et un financement externe qui est plus
coûteux. La différence de coût est appelée la prime de financement
externe. Celle-ci trouve son origine dans l’existence d’asymétries
d’information dans la relation entre prêteurs et entreprises. D’une
part les prêteurs sont moins bien informés que l’entreprise qui
emprunte sur sa situation réelle et sur le caractère plus ou moins
risqué de ses projets (sélection adverse). D’autre part, les prêteurs
ne peuvent pas contrôler parfaitement l’action de l’entreprise une
fois les prêts accordés. Le danger est qu’elle adopte un
comportement imprudent qui pourrait affecter sa capacité de
remboursement (aléas de moralité).
Les prêteurs sont amenés alors à intégrer dans le coût du crédit
une prime de financement externe qui correspond aux risques de
non-recouvrement. Cette prime reflète la solidité financière et la
capacité à apporter des garanties. Dans ce cadre, en affectant les
bilans des entreprises, la politique monétaire est susceptible d’agir
sur leurs financements et leurs dépenses d’investissement.
Exemple : une politique monétaire expansionniste qui entraîne une
baisse des taux d’intérêt et une hausse des cours des actions ce qui
améliore la situation nette des entreprises et conduit à une
augmentation des dépenses d’investissement. Les effets de la
politique monétaire sont alors amplifiés par le canal large du
crédit : à la baisse des taux d’intérêt s’ajoute la diminution de la
prime de financement.

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

3-3 Le canal des anticipations et les effets


d’annonce :
Les deux canaux précédents fonctionnent même lorsque les
anticipations des agents ne changent pas. En revanche, les effets
d’annonce ont pour objectif d’agir sur les anticipations. En
modifiant certains variables sous leur contrôle, chargées d’un fort
degré de signification, les autorités monétaires indiquent aux
agents privés leurs intentions futures. L’importance de ce canal est
double : d’une part, toutes les prévisions sur le futur ont un impact
immédiat sur la situation présente et d’autre part, leur dimension
« autoréalisatrice ». La puissance des marchés est devenue telle
que le moindre doute des opérateurs sur les intentions des autorités
monétaires peut avoir des effets dévastateurs, d’où l’intérêt de
communiquer avec les marchés en leur envoyant des signaux clairs
et crédibles. En effet, si les agents économiques ont confiance dans
l’efficacité de la politique monétaire, ils adopteront d’eux même des
comportements moins inflationnistes (s’endetter moins ;
reconstituer leur épargne; différer les dépenses non réellement
nécessaires). A l’inverse, un défaut de crédibilité peut influencer le
comportement des non-résidents. Si les grands investisseurs
étrangers ne comprennent pas la stratégie suivie par les autorités
monétaires, ils peuvent réduire leur placement dans ce pays
provoquant ainsi une baisse des cours boursiers et une hausse des
taux d’intérêt à long terme. La pentification de la courbe des taux
d’intérêt peut alors avoir des incidences néfastes sur la croissance
et sur l’équilibre des finances publiques, ce qui complique la tâche
de la banque centrale.
La politique monétaire est donc devenue un subtil mélange où le
message compte au moins autant que l’action proprement dite.

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

Quel est le canal le plus important ?


Il y’a un débat important sur l’importance relative des différents
canaux de transmission de la politique monétaire [ MISHKIN 1996].
Les opinions des économistes dépendent de leurs conceptions
théoriques. Pour les théoriciens qui considèrent que les marchés
fonctionnent d’une manière concurrentielle et efficiente, au sens où
les prix reflètent toute l’information disponible, le canal des taux
d’intérêt et des prix est primordial. Pour les économistes
keynésiens, qui mettent en avant les imperfections des marchés et
notamment les asymétries d’information, le canal du crédit reste
important, même si le poids des crédits dans les financements a
diminué. Pour les économistes qui observent le comportement des
banques centrales, la politique monétaire s’appuie largement sur la
communication avec les marchés et donc sur le canal des effets
d’annonce. Dans la réalité, ces canaux coexistent, et leur
importance relative varie selon les pays et les périodes car elle
dépend des caractéristiques du système financier.

Schéma de transmission de la politique monétaire :


Le mécanisme ci-dessous schématise le processus de transmission
de la politique monétaire par les taux d’intérêt. On retrouve les
effets de revenu, de substitution, de richesse, l’action sur le taux de
change. On voit que la crédibilité (les anticipations) peut, si elle est
favorablement orientée, amplifier les effets mécaniques. On
remarque que la relation entre taux d’intérêt et taux de change
n’est pas univoque. Les variations de taux d’intérêt ont une
incidence sur le taux de change, mais le taux de change lui-même
peut avoir une incidence sur le taux d’intérêt, et en particulier les
taux à long terme. Une excessive dépréciation pouvant entamer la
crédibilité et faire monter la prime de risque.

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

Enfin on a représenté en pointillés, la transmission sur l’activité


économique compte tenu des incertitudes des effets de la politique
monétaire pour la régulation conjoncturelle.

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

Schéma de transmission de la politique monétaire :

Taux Directeurs de la Banque


Centrale

Anticipations (crédibilité)

Taux des crédits


Taux à long terme de
marché

Demand Demande Cours Taux


e de des de
de monnaie actions change
crédit Comportement des agents économiques

Salaires – Consommation – Epargne – investissement

Prix des importations

Contagion sur les prix interne

Niveau des prix

Activité économique

Source : Banque Centrale Européenne J. P PATAT

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

Troisième partie : L’efficacité de la politique monétaire dans un monde financier


en mutation

1- Les défis de la globalisation


financière :

1-1 S’adapter aux innovations financières et


technologiques
1-2 Assurer la stabilité du système bancaire
et financier

2- Le concept d’indépendance de la
Banque Centrale :
2-1 Les principes d’une banque centrale
indépendante
2-2 Les dispositions statutaires d’une banque
indépendante
2-3 L’environnement de l’indépendance

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

Troisième partie:L’efficacité de la politique


monétaire dans un monde financier en
mutation :

1- Les défis de la globalisation financière :


La politique monétaire a dû s’adapter au nouveau contexte crée par
la globalisation financière et le passage au régime de la finance
libéralisée. Ces changements n’auraient pas eu l’ampleur observée
s’ils n’avaient pas été accompagnés par les innovations financières
et technologiques et l’évolution même de l’activité des
intermédiaires financiers qui nécessite une supervision des
systèmes financiers en proie à une instabilité récurrente.

1-1 L’adaptation aux innovations financières et


technologiques :
Le premier défi provient de l’émergence de nouveaux instruments
financiers, en particulier les produits dérivés et les nouvelles formes
de monnaie.
a) Les produits dérivés :
Les produits dérivés (marchés financier à terme, options et swaps)
se sont considérablement développés depuis la fin des années 80.
Leur fonction est de fournir aux agents économiques des
instruments de couverture contre les risques liés à l’instabilité des
taux d’intérêt et des taux de change qui s’est amplifiée avec le
mouvement de la globalisation financière. La question se pose de
savoir si les produits dérivés ne présentent pas un risque important
pour la conduite de la politique pour deux séries de raisons : d’une
part, ces instruments peuvent contribuer à amplifier les crises
financières car ils sont utilisés par les spéculateurs pour prendre
position sur les monnaies. D’autre part, les produits dérivés peuvent

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Les objectifs et les instruments de la politique monétaire

Théories et politiques monétaires

porter atteinte à l’efficacité de la politique monétaire dans la


mesure où ils permettent aux agents économique de s’immuniser
contre les variations de taux d’intérêt et de change qui constituent
des canaux importants de transmission de la politique monétaire.
Des travaux menés par les autorités monétaires (Banque de France
1994) apportent des conclusions rassurantes sur ces interrogations.
Selon certain analyste, grâce aux informations contenues dans les
prix des produits dérivés, ces instruments seraient même un
instrument utile pour renseigner les autorités monétaires sur l’état
des anticipations sur les marchés.

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b) Les nouvelles formes de monnaies :


Le développement en cours de la monnaie électronique pose de
nouveaux problèmes aux autorités monétaires. L’application des
nouvelles technologies de l’information et de communication NTIC
aux systèmes de paiement se traduit, en effet, par un processus de
désintermédiation des paiements : une part croissante des
règlements va progressivement se développer en dehors du système
bancaire. Les NTIC favorisent les opérations de compensation
directe entre firmes, ce qui diminue les flux circulant dans les
systèmes bancaires. L’un des problèmes majeurs posés par le
processus de désintermédiation technologiques est celui de la
sécurité des paiements. Dans la mesure où les entreprises qui
organisent ces systèmes de paiement n’appartiennent pas au
système bancaire. De ce fait, elles échappent au contrôle des
autorités de supervision bancaires. Pour tenter de remédier à ces
difficultés, il est important de restreindre le privilège d’émission de
la monnaie électronique aux banques et de soumettre l’ensemble
des acteurs concernés aux règles prudentielles édictées par les
autorités de supervision bancaires.
Mais la difficulté la plus importante pour les banques centrales
vient des innovations financières qui se traduisent par l’émergence
de nouveaux produits qui sont de proches substituts de la monnaie
et qu’il est difficile de classer comme de la monnaie, notamment
parce que leur valeur fluctue sur les marchés. Ces nouveaux
produits soulèvent plusieurs problèmes : faut –il leur appliquer des
réserves obligatoires ? Où les classer dans les statistiques
monétaires ? Certains de ces instruments ont été introduits dans les
agrégats monétaires larges. La difficulté est de savoir où tracer la
frontière entre les placements à caractère monétaire et ceux à
caractère financier.

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c) La question de ciblage de la politique monétaire :


La pertinence des agrégats monétaires comme objectif
intermédiaire de la politique monétaire est remise en cause par le
caractère flou et instable de ces derniers. C’est ainsi que les
banques centrales se sont ralliés, à un ciblage direct de la politique
monétaire sur l’inflation, abandonnant les objectifs fondées sur des
agrégats monétaires. Cette stratégie présente des avantages : c’est
la façon la plus directe de résoudre la question de la stabilisation
des évolutions nominales (prix et salaires nominales), la banque
centrale agissant directement sur les anticipations d’inflation en
s’engageant sur un objectif d’inflation. Toutefois, les indices
conventionnels auxquels se réfèrent les autorités monétaires sont
entachés d’une erreur importante car ils ne prennent pas
suffisamment en compte l’évolution technologique qui améliore en
permanence la qualité des biens et services. Ce fait explique
pourquoi les banques centrales considèrent qu’un taux d’inflation
de 2% à 3% correspond à la stabilité monétaire.

1-2 Assurer la stabilité du système bancaire et


financier :
La globalisation financière est allée de pair avec une montée de
l’instabilité. La libéralisation financière fragilise les banques car
celles-ci sont confrontées à de nouveaux risques et sont désormais
concurrencées par d’autres intermédiaires financiers. Dans ce
contexte, la quasi-totalité des systèmes bancaires dans le monde a
subi des crises plus ou moins graves. Ainsi s’explique que le
contrôle des systèmes bancaires et financiers soit devenu une
préoccupation majeure des autorités monétaires. Des règles
prudentielles normalisées, destinées à obliger les banques
internationales à se protéger contre les risques ont été édictées

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Théories et politiques monétaires

dans le cadre des travaux menés par le comité de Bâle. C’est le cas
du ratio COOKE ou ratio de solvabilité international qui oblige les
banques à disposer d’un montant de fonds propres (capital et
réserves) au moins égal à 8% de leurs risques mesurés par une
moyenne pondérée de leurs créances.
Trois raisons ont amené les autorités monétaires à superviser les
banques :
a. Les banques sont des entreprises très vulnérables par la
nature même de leurs activités, ce qui les expose à
d’importants risques ;
b. Les difficultés d’une banque peuvent entraîner la
défaillance en chaîne de nombreuses banques : c’est le
risque systémique.
c. Les banques ont une place stratégique dans l’économie :
ils jouent un rôle central dans les mécanismes de
transmission de la politique monétaire ( un système
bancaire sain est une condition d’efficacité de la
politique monétaire).
Si les banques font l’objet d’une surveillance étroite, en revanche
certains acteurs financiers échappent largement à toute forme
organisée de contrôle :
Les fonds spéculatifs ;
Les grands conglomérats financiers à cheval sur plusieurs métiers ;
Le marché des produits dérivés.
Contrôler ces acteurs et ces marchés constitue l’un des principaux
défis auxquels sont actuellement confrontés les autorités monétaire.

2- Le concept d’indépendance de la banque


centrale :
L’étape ultime pour atteindre le plein statut de banque centrale est
celle de son indépendance, celle-ci signifie la définition et la mise en

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oeuvre de la politique monétaire. La banque centrale participe


aujourd'hui, dans la plupart des pays industrialisés, à la définition
de la politique monétaire, voire en assume la totale responsabilité.
Là aussi, l’évolution fut progressive. Le concept même de politique
monétaire est relativement récent.
La crise des années trente, la seconde guerre mondiale, la diffusion
de la pensée keynésienne, ont entraîné, dans la plupart des pays
occidentaux, le désir d’utiliser la politique monétaire afin d’orienter
l’évolution économique. Certains auteurs ont parlé de « Politisation
de la monnaie» .La monnaie a été « nationalisée » dans tous les
pays développés et son contrôle confié à l’État.
L’emprise de ce dernier sur les banques centrales a été renforcée et
s’est traduite par la nomination de leurs dirigeants par les pouvoirs
publics ainsi que par la nationalisation de l’établissement même
(France, Royaume-Uni par exemple). Mais les régulations nationales
se sont heurtées depuis le début des années soixante-dix à
l’inflation, puis à la globalisation des marchés. Dés lors, on a assisté
à une évolution de l’autorité monétaire nationale, de son objectif
final, de sa stratégie et de ses instruments.
En fait l’indépendance de la banque centrale, tend depuis le début
des années quatre-vingt-dix, à se généraliser face au processus
croissant de la globalisation et d’innovation des marchés financiers
ceci est valable surtout dans les pays ou il une structure fédérale
(Etats-Unis, Allemagne, Canada). Dans ce nouvel univers, les
objectifs intermédiaires, et notamment les agrégats monétaires,
n’apparaissent plus pertinents dans de nombreux cas. La
dérégulation (la suppression de l’encadrement de crédit…) a réduit
les instruments d’action des banques centrales qui se limitent
aujourd’hui, à la variation des taux d’intérêt directeurs et à celle
des taux des réserves obligatoires lorsque celle-ci existent. Ces
instruments ont des effets sur l’économie réelle bien que certains

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soient difficiles à mesurer. Dans le même temps, s’est accru le


danger que font encourir aux taux d’intérêt dans un pays, les
primes de risque qui sont infligées par les marchés. Ces primes ne
dépendent pas seulement des critères fondamentaux observables
(taux d’inflation, taux de change, taux de croissance, équilibre
extérieur…) mais aussi des anticipations des marchés. Celles ci sont
largement liées à la crédibilité qu’ils accordent à la politique
monétaire. Or, l’indépendance doit permettre la réduction des
primes de risques, voire de les annuler dans la mesure où elle
permet la continuité de la politique monétaire menée par la seule
Banque Centrale. L’observation permanente des marchés ainsi
qu’une sorte de dialectique subtile avec eux, expliquent que le
concept d’indépendance soit devenu une forme de modernité pour
une banque centrale.
Lorsqu’une banque centrale est indépendante son objectif se
caractérise par la « permanence » s’opposant par définition au
manque de continuité des politiques gouvernementales soumises à
des jugements à court terme. Ceci va favoriser la baisse de
l’inflation et sa stabilité.
C’est pourquoi les récents changements des statuts de nombreuses
banques centrales et plus particulièrement en France (1994), au
Royaume-Unis (1997) et au Japon (1997), leur ont donné une
indépendance plus ou moins large.
Si on prend l’exemple de la France, l’indépendance s’était
exprimée, au terme de la loi de 1993 par la création d’un conseil de
la politique monétaire. Dans l’exercice de cette indépendance la
Banque de France avait une situation voisine de la Banque Fédérale
d’Allemagne, assumant complètement la responsabilité de la
politique monétaire (jusqu’au 1er Janvier 1999, date où le relais est
pris par la Banque Centrale Européenne). Ce n’est pas le cas aux
Etats-Unis où la situation est plus complexe le pouvoir monétaire

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Théories et politiques monétaires

appartient au Congrès qui l’a seulement délégué au système


fédérale de réserve.
Notre intérêt va porter sur les principes du concept d’indépendance
des banques centrales, les dispositions statutaires qui le
garantissent ainsi que son environnement.

2-1 Les principes d’une banque centrale


indépendante :
Ils ne s’appliquent qu’à la mission de la politique monétaire. Les
autres tâches de la banque centrale, lorsqu’elles existent, ainsi que
son statut juridique, ne sont pas affectées. Ainsi les grandes
banques centrales européennes demeurent des entreprises dont le
capital est détenu par l’Etat et qui, dans leur gestion administrative,
doivent des comptes à leurs actionnaires.
L’indépendance signifie que la banque centrale a la plus grande
latitude pour réaliser la mission dont elle est investie, c’est à dire la
stabilité des prix, que la banque centrale ait elle-même quantifié le
concept de stabilité des prix (SEBC) ou que le gouvernement
quantifie le concept ( banque d’Angleterre) ou même que le concept
ne soit pas du tout quantifié (Fédéral Réserve système).Choix des
procédés de politique monétaire, moment de décision, la banque
centrale jouit d’une entière liberté dans ces domaines ;
La deuxième caractéristique de l’indépendance est l’impossibilité
pour les pouvoirs politique, exécutif ou législatif de renverser le
cours des décisions prises par la banque centrale dans l’exercice de
ces missions. Ni le président des Etats-Unis, ni le congrès ni la
cours suprême n’ont de moyens pour revenir sur les actions du
Fédéral Réserve system. De même la commission européenne, le
parlement européen, les gouvernements ou les parlements ne
peuvent pas inverser la politique de l’Eurosystème.

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2-2 Les dispositions statutaires d’une banque


indépendante :
Dans les textes et dans les faits, trois dispositions statutaires
principales garantissent l’indépendance de la banque centrale :
 D’abord la définition de la mission de stabilité des prix dont
elle est garante ;
 L’interdiction pour les dirigeants de la banque centrale,
gouverneurs ou président du conseil d’accepter ou de
solliciter des instructions, de tout corps constitué :
gouvernement, parlement, commission européenne…
 Enfin la garantie de durée pour les dirigeants qui doivent
bénéficier d’un mandat fixe, suffisamment long, qui ne peut
être interrompu qu’au vu de circonstances tout à fait
exceptionnelles

2-3 L’environnement de l’indépendance :


La mise en œuvre satisfaisante de la politique monétaire de stabilité
des prix par une banque centrale indépendante dans ces décisions
requiert un certain nombre de conditions propres à garantir la
conformité de cette action avec les principes démocratiques :
Tout d’abord la nomination de ses dirigeants doit procéder d’un
processus démocratique écartant, par exemple, toute cooptation.
C’est ainsi que le président de la banque centrale européenne et les
membres de son directoire sont nommés par les chefs de
gouvernement européens, nominations approuvées par le parlement
européen ;
Ensuite, la gestion de la banque centrale, c’est à dire la politique
monétaire doit être collégiale. Il ne peut être question de laisser des
décisions, qui peuvent être lourdes de conséquences pour le destin
des peuples, aux mains d’une seule personne, le gouverneur quelles

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que soient ces compétences. Ce sont donc des conseils (de politique
monétaire) qui prennent collectivement les décisions en matière de
politique monétaire. Il y’a la une différence fondamentale avec le
fonctionnement des banques centrales non indépendantes, dans la
mesure où l’orientation générale ne leur appartient pas. Le fait que
les décisions relatives à la mise en œuvre de ces orientations
puissent être prises par une seule personne est beaucoup moins
choquant ;
Enfin, les banques centrales indépendantes sont soumises à des
exigences de responsabilité et de transparence vis à vis des corps
démocratiquement élus. En vérité, la responsabilité ne va pas
jusqu’au bout comme dit précédemment les pouvoirs politiques ne
peuvent altérer et encore inverser le cours de la politique
monétaire. Ils peuvent cependant la juger, la critiquer et ont droit à
toute l’information et toutes les explications nécessaires.

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Bibliographie :

Ouvrages Auteurs Editions


La monnaie et ses mécanismes Dominique Plihon Ed. la découverte

2004

Monnaie système financier et Jean Pierre Patat Ed. Economica

politique monétaire 2002


Monnaie et finance Jean Louis Besson Presses

universitaire de

Grenoble 2003
La monnaie, banques et marchés Fréderic Mishkin Pearson éducation

financiers 2004

Les théories monétaires Pierre Bruno Ed. seuil 1996

Ruffini
L’ère des banques centrales Jean Pierre Patat Ed. Economica

2003
Marchés, banques et politique Jean luis besson Ed. PUG 2003

monétaire en Europe

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