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Résumé mémoire M1 : Quelques remarques sur le concept de masochisme pour

aborder la subjectivation et lien social contemporains


Observations à partir du sujet, de l’objet et de l’idéal

Depuis quelques années, beaucoup d’analystes ont témoigné d’un changement dans
la subjectivité contemporaine lequel est associé à l’économie libéral. Ce changement
relèverait de nouvelles formes de jouissance, d’une économie psychique différente de celle
du névrosé et d’un surinvestissement de l’image narcissique.
Dans les antécédents du mémoire, nous avons voulu faire état de ce qui a été dit à
l’égard de cette nouvelle subjectivité. En premier lieu, nous repérons la proposition de
Charles Melman sur une « nouvelle économie psychique ». Pour lui, les sujets de la société
contemporaine sont passés d’une économie qui appartient au domaine de la représentation à
l’une qui a affaire à la présentation immédiate de l’objet. Elle est dirigée par l’impératif de
transparence et d’exhibition de la jouissance ; ravalement du désir au niveau du besoin. Ainsi,
un aspect qui s’avère fondamental pour lire cette nouvelle subjectivité, c’est le rapport à cet
objet qui commande les sujets contemporains, pas en raison de sa perte -ce qui joue un rôle
fondamental dans le processus de constitution subjective-, mais à cause de sa présence.
En second lieu, nous reprenons les ouvrages de Jean Pierre Lebrun qui signale que ce
le type de lien social de notre époque ne relèverait plus de la loi symbolique et, par
conséquent, du complexe de castration. En revanche, le sujet contemporain mettrait en
suspens la loi symbolique en faisant usage de l’opération défensive de la Verleugnung, voire
la dénégation. Ainsi, le sujet contemporain se trouverait dans une démarche similaire à celle
du pervers. Faute de trouver dans le lien social la force propice au refoulement, il aura du
mal à reconnaître le manque de l’Autre et la différence sexuelle. Voilà pourquoi Jean Pierre
Lebrun inventera la notion de perversion ordinaire afin de définir un aspect du lien social
contemporain.
Troisièmement, nous faisons état d’un changement social concernant la place de
l’Idéal du moi et du moi-idéal tels qu’ils furent définis par Lacan. À cet égard, Melman nous
dit qu’aujourd’hui l’idéal du moi est de plus en plus confondu avec le moi-idéal, ce qui
entraine que le sujet contemporain se voie contraint d’assurer sa représentation d’une façon
aussi scénique que possible. De même, Serge Lesourd souligne que le lien social
contemporain ne relève plus de l’idéal du moi, mais de la toute-puissance du moi-idéal
infantile. Le problème avec cette transformation, nous dit Lesourd, c’est que le sujet reste à
la merci des impératifs féroces du surmoi qui, tel qu’il est souligné par Lacan, vocifère
« Jouis ! » et le sujet ne peut qu’y répondre « J’ouïs ». Ainsi, l’image narcissique du sujet
contemporain devient plus rigide, le sujet devient plus fragile en restant dépourvu de moyens
pour faire avec cet impératif de jouissance.
Finalement, nous reprenons le propos de Stéphane Thibierge, prononcé dans sa
conférence « Notre masochisme ordinaire », où il remarqua les éléments de la société

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contemporaine qui dépeignent une pente vers le masochisme. Pour lui, l’Autre du sujet
contemporain prend une modalité excessivement opaque et inatteignable qui le rend difficile
à saisir et met aux sujets dans un état d’angoisse difficile à manier pour les êtres parlants. Le
sujet contemporain est disposé à un rapport sacrificiel et masochiste à l’Autre qui apparaît
sous cette modalité de communication impersonnelle et complétement opaque. Mais, en
même temps, c’est le sujet contemporain qui lui-même favorise ce type de communication
dans la mesure où il exige une certaine univocité dans le langage. Ce faisant, il ébauche un
rapport spécifique du sujet contemporain à l’Autre qu’évoque le type de rapport établi par le
masochiste avec son partenaire.
Compte tenu de ces antécédents, nous avons trouvé qu’il est justifié de faire une
recherche sur le concept de masochisme tel qu’il a été développé par la psychanalyse et
notamment par Freud et Lacan -dans la mesure où les auteurs que nous venons d’évoquer
travaillent, surtout, à partir de ces deux analystes- afin de penser les aspects significatifs du
lien social contemporain. Ainsi, le but de ce mémoire de recherche est de rendre compte du
concept de masochisme dans son rapport aux notions psychanalytiques que nous venons
d’évoquer ci-dessus, c’est-à-dire l’objet, l’idéal du moi, la dénégation, et le moi-idéal -en tant
qu’elles relèvent de ladite transformation de la subjectivité- pour, ensuite, envisager s’il est
juste de parler d’éléments masochistes dans le lien social contemporain.
Pour ce faire, nous avons écrit 3 chapitres par lesquels nous avons essayé de déplier
cette démarche. Dans le premier chapitre intitulé Le masochisme et l’avènement du sujet :
l’objet petit a comme point pivot, nous avons repris les propos de Freud et de Lacan
concernant le masochisme pour montrer jusqu’à quel point il est lié au processus de
constitution du sujet dans le champ de l’Autre, ce qui est possible grâce à la perte d’un objet
réel qui permet au sujet d’entrer dans l’univers du signifiant. Nous avons souligné les
remarques de Lacan et Freud sur le masochisme primordial qui entoure les premiers moments
de la vie de l’infans et qui articule le registre du symbolique et de l’imaginaire ; ensuite nous
en avons rendu compte à partir du travail fait par Lacan sur le fantasme primordial on bat un
enfant isolé par Freud. Ultérieurement, nous avons repris les formules de Lacan concernant
la constitution subjective à partir de la perte de l’objet petit a, ce qui est pertinent pour notre
recherche dans la mesure où, d’une part, c’est le changement du rapport du sujet
contemporain à cet objet l’une des éléments principaux définis dans nos antécédents et,
d’autre part, Lacan -dans le séminaire L’angoisse- se sert plusieurs fois du masochisme pour
illustrer cette opération. Finalement, nous avons repéré les éléments structuraux en jeu dans
le rapport du masochiste à l’Autre, particulièrement ce qui concerne la visée du masochiste :
chercher l’angoisse de l’Autre -à son insu- afin d’en tirer une jouissance -ce qui est signalé
par Lacan dans son séminaire La logique du fantasme.
Ce dernier point nous a permis de donner lieu aux chapitre suivant intitulé La
dialectique du masochiste : un lien qui se passe du père sans s’en servir. Ici, nous avons
ajouté à nos analyses quelques écrits de Sacher-Masoch et l’article de Gilles

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Deleuze Présentation de Sacher-Masoch : le froid et le cruel dans le but d’ébaucher les
aspects spécifiques du lien que le masochiste propose à l’Autre. D’abord, nous avons montré
que, différemment à la démarche du sadique, celle du masochiste peut s’enraciner plus
facilement dans la culture et dans la société -Deleuze dit, « De Masoch, contrairement à Sade,
il faut dire qu’on n’a jamais été aussi loin, avec autant de décence ». La démarche du
masochiste basée sur l’opération de la verleugnung, viserait, de par son caractère dialectique,
à incarner la fonction de l’idéal dans son partenaire afin de suspendre le moment de la
découverte du manque chez l’Autre. Ensuite, nous repérerons que la démarche du masochiste
établit un lien à l’Autre qui se passe du père symbolique moyennant le contrat pervers
proposé au partenaire. Nous nous sommes arrêté sur la fonction du contrat comme ce qui
permettra au masochiste de figer un rapport aussi assuré que possible à l’Autre et de soutenir
l’opération de dénégation. Finalement, à partir de la lecture Deleuzienne des romans de
Sacher-Masoch et de quelques contributions faites par Lacan dans son séminaire La logique
du fantasme, nous dévoilerons que le rejet du père symbolique dans le scénario masochiste
entraîne l’incarnation de la loi dans l’image de la mère et que le contrat pervers donne lieu à
un rite de seconde naissance. Ce rite ébauche la naissance d’un Homme Nouveau qui n’hérite
plus du père et dénie la sexualité génitale ; il s’agirait d’une sorte de parthénogénèse. Ce
dernier point sera justifié métapsychologiquement par la déchéance de l’Idéal du moi et la
fixation du moi-idéal.
En ayant repéré les éléments du rapport du masochiste à l’Autre, nous sommes passé
au troisième chapitre Pouvons-nous parler d’éléments masochistes dans le lien social
contemporain ? Dans ce chapitre, nous avons repris les propositions sur l’époque
contemporain que nous avons évoquées ci-dessus afin de les articuler avec les éléments
repérés sur le masochisme. Tout cela pour ébaucher quelques enjeux masochistes dans le
lien social contemporain. D’abord, nous essayerons de lier le rejet du père symbolique et le
rite parthénogénétique dans la démarche masochiste avec les propositions de Serge Lesourd
sur une société du maternel et celles de Lacan dans son séminaire Les non-dupes
errent concernant la substitution du nommer-à au nom-du-père. Ainsi, nous avons tenté de
rendre compte d’un premier élément masochiste dans le lien social contemporain. Ensuite,
nous avons tâché de proposer un lien entre les phénomènes liés à la présence de l’objet dans
l’économie psychique -notamment la soumission à figures réelles et incarnées d’autorité et
le passage à l’acte-, et les éléments repérés de la structure masochiste. Finalement, nous avons
interrogé la possibilité d’une articulation entre le renforcement du moi-idéal chez le
masochiste et ce qui a été dit sur la narcissisation du lien social dans l’époque contemporaine,
notamment en ce qui concerne le mythe de seconde naissance travaillé dans le deuxième
chapitre et les caractéristiques du sujet contemporain repérés par Pierre Dardot et Christian
Laval qui concernent la rationalité néolibérale laquelle vise à constituer un sujet
complètement autonome qui n’hériterait que de soi-même.
De cette manière, nous avons établi le chemin fait dans ce mémoire qui vise à
interroger le lien social contemporain à partir du masochisme.

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Table des Matières

INTRODUCTION .................................................................................................................... 5
Antécédents .................................................................................................................... 6
La nouvelle économie psychique et la prépondérance du moi-idéal ...................................... 6
Une perversion ordinaire : la dénégation à la place du refoulement ...................................... 8
La société contemporaine et la pente vers le masochisme ................................................... 10
Proposition du problème de recherche et du plan de travail ..................................... 11
CHAPITRE I : MASOCHISME ET AVENEMENT DU SUJET : L’OBJET COMME POINT PIVOT .. 13
1.1 Le masochisme originaire : articulation du symbolique et de l’imaginaire ........ 13
1.2 Se faire jeter aux chiens : l’identification à l’objet dans la scène masochiste .... 19
1.3 Jouissance et angoisse : le rapport du masochiste à l’Autre ............................... 24
CHAPITRE II : LA DIALECTIQUE MASOCHISTE : UN LIEN QUI SE PASSE DU PERE SANS S’EN
SERVIR ............................................................................................................................... 29
2.1 La femme-bourreau : idéal incarné du masochiste ............................................. 29
2.2 Rejeter le père symbolique : le contrat masochiste............................................... 34
2.3 Subversion de la loi et seconde naissance comme fixation du moi-idéal ............ 38
CHAPITRE III : POUVONS-NOUS PARLER D’ELEMENTS MASOCHISTES DANS LE LIEN SOCIAL
CONTEMPORAIN ? .............................................................................................................. 45
3.1 L’évaporation du père et une société du maternel ............................................... 45
3.2 La présence de l’objet, la soumission comme réponse, et le langage masochiste
...................................................................................................................................... 51
3.3 Un lien qui tient du moi-idéal : ébauche d’une articulation entre néolibéralisme et
masochisme .............................................................................................................. 57
CONCLUSION ..................................................................................................................... 65
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 70

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