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Louis Moreau de Bellaing

Paternalisme et contestation
In: Communications, 12, 1968. pp. 66-83.

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Moreau de Bellaing Louis. Paternalisme et contestation. In: Communications, 12, 1968. pp. 66-83.

doi : 10.3406/comm.1968.1173

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1968_num_12_1_1173
Louis Moreau de Bellaing

Paternalisme politique, transfert de pouvoir


et contestation de l'autorité

Les événements de mai 68 ont donné au paternalisme son statut de phéno


mène culturel. La polémique mineure qu'il provoquait depuis 1930, à partir
de l'idée que chacun de nous pouvait s'en faire, est devenue contestation expli
citede la structure d'autorité dans le système d'enseignement, partiellement
aussi dans le système social. Dès lors, le paternalisme, mauvaise forme d'une
bonne autorité, s'est révélé l'un des systèmes d'explication, non de l'autorité,
mais, tout au moins, de notre idéologie politique globale.
Ce qui, jusqu'à mai 68, bloquait toute compréhension objective du phéno
mène, c'était précisément cette polémique développée autour de la notion même
de paternalisme. La conception manichéenne de l'autorité, véhiculée jusque dans
l'idéologie scientifique : le chef, le héros opposés au tyran, au paternaliste, lors
qu'il s'agissait de l'autorité personnalisée, l'élite, la classe dirigeante opposées
aux technocrates, aux états-majors de partis uniques, lorsqu'il s'agissait de
l'autorité collégiale, — essentialisant le phénomène paternaliste, lui refusait
tout droit d'accès dans une explicitation, en termes normatifs valorisés, du pou
voir, de l'autorité ou de l'État.
Or, s'il est actuellement impossible d'affirmer que le phénomène culturel du
paternalisme est constitutif du système d'autorité, plus précisément de l'idée
d'autorité lorsqu'on la situe dans le rapport privé-public ou dans le rapport
personne-société, si ce phénomène peut être différent de cette idée globale
d'autorité, il nous faut néanmoins admettre maintenant qu'il n'est pas un sy
stème autre que celui de l'autorité actuelle.
Nous voici donc contraints d'étudier l'idéologie paternaliste. Y a-t-il une idéo
logie paternaliste inhérente à l'idéologie politique, économique, sociale, religieuse,
etc., du système culturel français en 1968 ? Pour nous en tenir à l'un des domaines
énumérés, nous pouvons nous demander tout d'abord comment l'idéologie pater
naliste apparaît dans V idéologie politique française contemporaine.
L'énoncé des présupposés propres à l'étude d'une idéologie globale détermine
les principes méthodologiques utilisables dans l'analyse des textes.
Nous appelons idéologie globale, la représentation sociale d'un phénomène
culturel. Mais nous ne désignons une représentation sociale comme idéologie
globale que si elle s'articule à un système mythique. L'idéologie paternaliste ou
l'idéologie égalitaire sont de ce type. En revanche, une idéologie particulière dési-

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gne, selon nous, un système cohérent de représentations et de valeurs 1 reprenant


certaines représentations ou certaines valeurs du système commun, c'est-à-dire
de l'idéologie globale, et dans lequel, inversement, le système commun puise
certaines représentations et certaines valeurs. Dans la mesure où il tente de
devenir dominant, ce système cohérent constituant une idéologie particulière a
une fonction logique dans une représentation sociale. Ainsi l'idéologie marxienne
et, en partie, celle du marxisme-léninisme, aussi bien que l'idéologie anarchiste,
jouent un rôle d'opposition, de contradiction radicale dans la représentation sociale
du paternalisme politique.
Mais qu'est-ce qu'une représentation sociale? La représentation sociale d'un
phénomène culturel est un système comportant un ou des sous-systèmes de repré
sentations et un ou des sous-systèmes de valeurs. Elle se distingue d'une repré
sentation sociale dans un phénomène culturel, qui, elle, comporte seulement des
niveaux et des processus ou des faces et des liaisons organisant ce phénomène
culturel.
Dès lors, la méthode suivie dans l'analyse des textes peut se résumer en quel
ques axiomes :
1. Nous devons demeurer, tout d'abord, dans l'ordre symbolique, celui des repré
sentations et des valeurs, c'est-à-dire faire abstraction des systèmes constitués
par les situations et les conditions de vie ou parles attitudes et les comportements.
2. Mais les situations (classes sociales par exemple) et les comportements parti
cipent de l'ordre symbolique. Nous sommes donc tenus de récupérer, au niveau
symbolique, toutes les expressions des attitudes, comportements, situations et
conditions de vie.
3. Nous faisons abstraction des dénotations, c'est-à-dire des définitions des te
rmes que nous rencontrons, et ne nous préoccupons que de leurs connotations,
c'est-à-dire de leur analogie avec d'autres termes. Nous établissons donc des
systèmes de connotations à partir de quelques unes d'entre elles liées à la notion
de paternalisme.
4. Sans procéder à une analyse de psychologie dynamique de type freudien,
il demeure évident que nous devons distinguer, dans l'articulation des termes et
de leurs connotations, un sens apparent, manifeste, et un sens caché, non manif
este. C'est donc en allant du manifeste, les termes articulés entre eux, au plus
caché, les connotations articulées entre elles, que nous pouvons vérifier la pré
sence ou l'absence des systèmes, mettre en évidence leurs niveaux et leurs proces
sus (qui, dans une première approche, ne semblent pas apparents) et proposer
des hypothèses.
5. Mais quels sont les rapports logiques entre les éléments des sous-systèmes
et des systèmes, ainsi qu'entre les sous-systèmes et les systèmes eux-mêmes?
Le type de causalité exprimé par le « parce que » n'est guère évident dans un sys
tème symbolique. Ce que suppose une étude sémiologique, c'est la mise en évi
dence de rapports de similarité, de contiguïté, d'inclusion, d'exclusion etc., entre
les termes et entre leurs connotations ; elle suppose également une étude de l'idéo
logie, c'est-à-dire des rapports entre les systèmes reconstitués à partir de l'ana
lysedu sens : rapport d'implication, d'opposition, de réciprocité, de transformat
ion, etc.

1. Sur ce point nous sommes en désaccord avec les conclusions de J.Freund (dans
L'Essence du politique, Éd. Sirey, 1965) qui fait de l'incohérence l'une des caractéris
tiques de l'idéologie.

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Ainsi, en fonction de nos présupposés et des principes méthodologiques qu'ils


nous induisent à choisir, nous pratiquons constamment une sorte de « logique de
relations » qui, seule, peut nous permettre une explication sociologique cohérente.
C'est pourquoi les systèmes que nous reconstituons ne sont pas à comprendre
dans leur a réalité » intrinsèque, mais comme des totalités logiques provisoires.
Dans une première approche, nous voudrions indiquer les hypothèses à partir
desquelles un concept comme celui de paternalisme politique nous semble opé
ratoire dans une étude portant sur des textes relatifs aux événements de mai 68.
Deuxièmement, nous voudrions montrer qu'effectivement la représentation
sociale du paternalisme politique se retrouve globalement dans ces textes. Nous
voudrions enfin y repérer les points de rupture qui apparaissent entre cette repré
sentation sociale du paternalisme politique, les idéologies particulières préexis
tantes aux événements et l'idéologie politique globale qui semble s'y préfigurer.

I. LA REPRÉSENTATION SOCIALE
DU PATERNALISME POLITIQUE

Nous pouvons dégager les conclusions suivantes d'une étude portant sur ce
problème x :
1. Il y a une idéologie paternaliste inhérente à l'idéologie politique du système
culturel français en 1968. Dans l'ordre politique, nous, citoyens français de 1968,
sommes paternalistes, que nous le voulions ou non 2.
L'idéologie paternaliste se définit comme la représentation sociale du pater
nalisme politique. Mais elle ne peut être désignée comme idéologie paternaliste
que parce qu'elle s'articule à un système mythique. Ce système comporte trois
figures : Dieu, roi et père.
2. La représentation sociale du paternalisme politique s'organise en deux sous-
systèmes :
a) Le système paternaliste de représentationsfconstitué par une structure et une
représentation sociale paternalistes en complémentarité l'une avec l'autre. Cette
complémentarité est caractérisée par trois relations : le pouvoir et lea pouvoirs
de fait, le pouvoir et l'absence de pouvoir, la coupure État-citoyens. Dans la
structure paternaliste apparaissent, d'une part le rapport personne-société, d'au
tre part le rapport dominant-dominé, troisièmement le rapport protecteur-
protégé, enfin le rapport responsable-irresponsable. La représentation sociale
paternaliste s'organise, comme le montre le tableau suivant, par l'articulation
de niveaux et de processus en un sous-système cohérent.
b) Le système paternaliste de valeurs, constitué par un ensemble de processus :
transcendance par valorisation, moindre valorisation, dévalorisation, spatia-
lisation par centralisation, personnification, substantification, temporalisation,
transformation des valeurs dans le système paternaliste de représentations. Cet
ensemble de processus s'articule d'une part à un système normatif, d'autre part
au système mythique.

1. Poursuivie au Centre d'ethnologie sociale et de Psychosociologie et dans le cadre


de l'E.P.H.E. Les textes analysés portaient d'une part sur le paternalisme, d'autre
part sur le pouvoir, l'autorité, l'État.
2. Vouloir étant employé avec la signification que Kant donne à ce mot et non avec
le ou les sens qu'il serait nécessaire, un jour, de lui découvrir.

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Le système normatif s'explicite en trois rapports : autorité-contrainte, autorité-


contrainte-protection, autorité-contrainte-responsabilité. Il y a ambivalence de la
relation autorité-contrainte par sa transformation positive en relation autorité-
contrainte-protection et autorité-contrainte-responsabilité.

NIVEAUX ET PROCESSUS DANS LA REPRÉSENTATION


SOCIALE PATERNALISTE
Pouvoir Hiérarchisation Égalité-Parité Liberté à Limitation de Décision
Subordination limiter et la liberté
à concéder
Sujétion Dépendance Inégalité et Liberté Soumission Exécution
égalité des conciliée et
conditions à acceptée
l'intérieur des
groupes sociaux
Association Participation
et Autogestion
DOUBLE PROCESSUS

Les éléments du double niveau sont en italiques


Les éléments du double processus sont reliés entre eux.

Sous l'Ancien Régime, le système mythique était caractérisé par les trois
personnages : Dieu, roi et père. Ces figures réelles ou mythiques de la représen
tationsociale paternaliste la surplombaient, mais s'intercalaient aussi comme
médiatrices dans son double niveau constitutif. Au xxe siècle, elles ont quasiment
disparu. A leur place il n'y a plus rien, sinon la même représentation sociale fondée
sur les valeurs dont elles étaient le symbole.
3. L'idéologie paternaliste inhérente à l'idéologie politique collective des Franç
aisde 1968 ne se confond pas avec la représentation sociale de l'autorité poli
tique, ni avec celle de l'autorité dans le rapport privé-public. Il ne s'agit pas d'un
autre système, mais il peut s'agir d'un système différent ou d'un système non-
constitutif de ces représentations sociales de l'autorité.
a) Dans le temps, la représentation sociale du paternalisme politique ne se
distingue de l'idéologie étatique de la société pré-industrielle (xvme siècle) que
par des transformations à Vintérieur du système. Mais le système lui-même, s'il
a été radicalement contesté par Marx et les anarchistes, n'a jamais été radica
lement remis en question. En revanche, la représentation sociale de l'autorité
dans la société industrielle n'est pas l'idéologie étatique de la société pré-indust
rielle. Elle est une transformation de l'ancienne idéologie étatique, non plus à
l'intérieur du système, mais par des éléments (l'égalité, le développement, la
rationalité, l'efficacité par exemple) extérieurs à l'ancien système.
b) Dans l'espace, la représentation sociale du paternalisme politique se rap
porte à la culture ou sub-culture (au sens des anthropologues américains) propre
à la société française. Il serait évidemment nécessaire de procéder à des compar
aisons interculturelles, pour vérifier si elle réapparaît dans d'autres cultures.
Nous tenterons de montrer que les systèmes constituant la représentation
sociale du paternalisme politique : système paternaliste de représentations et
système paternaliste de valeurs, se retrouvent dans les textes portant sur les
événements de mai 1968.
Louis Moreau de Bellaing

II. PATERNALISME POLITIQUE,


POUVOIR ET SOCIÉTÉ CIVILE l

A. LE SYSTÈME PATERNALISTE DE REPRÉSENTATIONS.

a) La stucture paternaliste.

1. Rapport personne-société.
« La France », la « société plus juste et plus humaine », le « pays », « notre pays »,
constituent la Société. C'est l'État (peu nommé), le « pouvoir », les « institutions
républicaines », le « pouvoir gaulliste », le « régime gaulliste », « De Gaulle » comme
chef d'État, qui l'incarnent. Face à l'État, il y a les groupes sociaux : « ensei
gnants », « étudiants », « travailleurs », « paysans », « salariés », etc. Il y a les
organismes institutionnalisés : « universités », ou quasi institutionnalisés : direc
tions syndicales ou de partis politiques notamment, les organisations : « usines ».
Enfin, les « larges masses », le « peuple », notre « peuple », « nous », « vous », dési
gnent les limites de la société civile.
Une seule fois on trouve l'individu, un individu : « notre camarade », mais il
est mort. Une seule fois on trouve « chacun ».
Que les auteurs des tracts louent le pouvoir actuel ou le critiquent, tous, sauf
les membres d'un comité d'action, reconnaissent sa légitimité. Médiateur entre
l'individu, la Société et la Société civile, l'État n'est jamais contesté comme tel.
2. Rapport dominant-dominé.
Dans 13 tracts sur les 14 analysés, le pouvoir politique est reconnu supérieur
à tous les autres pouvoirs. Les modalités par lesquelles il abuse de sa force sont
stigmatisées « pouvoir des C.R.S. » des «flics », « des assassins », « des oppresseurs » ;
mais le rapport de dominance n'est pas mis en doute ; c'est « ce gouvernement
d'assassins » qui « fait horreur au peuple », « Notre peuple s'est soulevé contre ce
gouvernement » (Tract U. J.C. et organisations sur la ligne de « Servir le peuple »).
Un tract du parti communiste internationaliste (IVe Internationale) déclare:
« Refuser les négociations avec une telle équipe (le gouvernement Pompidou),
ce n'est pas faire preuve de « gauchisme » et d' «anarchie» (entre guillemets dans
le texte), c'est avoir les yeux grands ouverts et agir de la seule façon sensée. »
La contrainte gouvernementale actuelle est refusée. Mais la contrainte du
pouvoir, reconnue nécessaire, n'est pas contestée.

1. Sur 85 tracts consultés, 40 ont été retenus, qui incluaient positivement ou néga
tivement, explicitement ou implicitement, la structure paternaliste. Après classement
selon la provenance politique, nous en avons pris un dans chaque catégorie ; soit 14 tracts.
Les formations politiques, syndicales ou autres, représentées sont : Occident, un comité
pour la Défense de la République, la F.G.D.S., l'Intersyndicale O.R.T.F., le comité
d'études des libertés universitaires, la C.F.D.T., le P.S.U., le P.C., la C.G.T., Voix ou
vrière, l'U. J.C, la IVe Internationale, le parti communiste marxiste-léniniste, un comité
d'action révolutionnaire. Cet échantillon non représentatif a été conçu comme un « mod
èle de simulation » et ne cherche à donner que des indications tendancielles.

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3. Rapport protecteur-protégé,
II se manifeste massivement dans la critique du régime gaulliste qui, précisé
ment,n'a pas su protéger les citoyens et les groupes sociaux et s'est contenté de
les effrayer : « De Gaulle veut apparaître comme le leader de l'anticommunisme
et le sauveur de la France... Nous refusons de choisir entre la peste et le choléra »
(Tract Occident). « Le régime a provoqué une crise grave... Il expose notre pays
à une alternance d'autoritarisme et de désordre » (Tract électoral F.G.D.S.).
« La répression policière... effraye l'opinion publique » (Tract P.S.U.). « Le pou
voir gaulliste a pratiqué le chantage à la peur... (il) veut continuer en V aggravant
la politique antisociale et antidémocratique » (Tract P.C.). « II a recherché un
bain de sang... N'ayant pu obtenir sa flaque de sang... Les flics du pouvoir gaulliste
assassinent impunément... Le gouvernement vient d'autoriser Bidault et Sous-
telle à rentrer en France... Nous ne pouvons pas travailler dans un pays en état
de siège » {Voix ouvrière).
Un tract gaulliste rappelle les buts du C.D.R. qui sont ceux de tout gouverne
ment : « Défendre la légalité... contre toutes les menaces de subversion... Défendre
contre toute entreprise totalitaire les institutions républicaines. »
4. Rapport responsable-irresponsable.
Le tract du parti communiste internationaliste indique avec précision que la
responsabilité du pouvoir est reconnue. En revanche, la critique porte sur le fait
que le régime gaulliste ait pris la responsabilité de mettre en cause l'ordre et la
paix sociale. Est également critiquée la dégradation (la vacance) du pouvoir
gaulliste. Ce sont le gouvernement ou le président de la République qui doivent
démissionner, ce n'est pas le pouvoir qui doit disparaître : « Le parti communiste
internationaliste... dénonce la responsabilité totale du régime gaulliste dans les
violences qui se déroulent dans toutes les villes de France... (Ces villes) font face
aux forces de coercition d'un État en décomposition... Les dirigeants des centrales
syndicales s'apprêtent à amorcer des négociations sous la présidence d'un tel
gouvernement plus que moribond... Ce gouvernement n'a aucune autorité politique
et morale... Négocier avec lui... c'est... l'aider à prolonger son agonie... Démission
immédiate de de Gaulle... En avant contre le régime gaulliste pour un gouverne'
ment des (et non de) travailleurs. »

b) La representation sociale paternaliste.

A. LE DOUBLE NIVEAU. \
1. Rapport pouvoir-sujétion.
C'est du pouvoir, de l'action de l'État qu'il s'agit : a Ce n'est pas avec des
élections qu'on sauvera la France » (Tract Occident). La terminologie le marque
comme pouvoir : « légalité », « institutions républicaines », « les élections législa
tives doivent permettre à chacun de s'exprimer... » (Tract C.D.R.), « L'autoritarisme »
(non l'autorité), « faire respecter (les droits syndicaux) », « faire droit (aux lég
itimes aspirations) » (Tract électoral F.G.D.S.). « En revendiquant le pouvoir pour
lui tout seul, le gaullisme... » (Tract P.C.).
Face à lui, les citoyens, les groupes sociaux a promeuvent » (Tract C.D.R.),
« contrôlent » (F.G.D.S.), « n'accusent ni ne défendent des revendications poli
tiques » (Tract C.E.L.U. Comité pour les libertés universitaires), «ne luttent pas
contre le régime gaulliste » (Intersyndicale O.R.T.F.), « font entendre la volonté
et les aspirations des Parisiens » (Tract P.C.), « garantissent, consolident, élargis-

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sent les succès revendicatifs » (Tract C.G.T.), « revendiquent », « ripostent », /
« réagissent » (Voix ouvrière), « haïssent »« honnissent » (le gouvernement), (lui)/
« résistent » (Tract U.J.C.), (le) « vomissent » (IVe Internationale). /
La sujétion demeure, elle n'est jamais mise en doute explicitement. Ce sont
seulement les formes de la sujétion qui se diversifient et que l'on critique. )
2. Rapport égalité-parité-inégalité et égalité des conditions à Vintérieur det
groupes sociaux. '
Les pluriels destinés aux individus et aux groupes sociaux s'opposent à des
singuliers destinés à l'État. Ou bien les singuliers s'opposent entre eux par couples
alternés non équivalents. I
Quelques exemples : « sa politique technocratique », « leader », « sauveur »,
face à « nous », « société plus juste et plus humaine » (l'inégalité, inévitable, n'est
pas contestée) ; «gaullisme » face à «salariés»; «les nôtres» (les images de l'O.R.T.F.
fa.ee à « gouvernement » ; « gouvernement » face à « tout le pays » ; « gouvernement »
face à « étudiants et professeurs » ; «tout régime politique » face à « nos camarades »,
« tous » ; « Pompidou et les hommes du pouvoir » (l'égalité-parité) face à « tout le
pays » ; « ministre » face à « pègre » ; « pays » face à « équipe » (l'égalité-parité est
admise, c'est la qualité de l'équipe qui est critiquée).
Phénomène nouveau, dans deux tracts, l'un marxiste-léniniste, l'autre prove
nant d'un comité d'action, la terminologie désignant le pouvoir et ceux qui
l'exercent oppose des pluriels détotalisants à des pluriels détotalisants désignant
la société civile K Également des singuliers équivalents désignent uniformément
pouvoir ou société : « pouvoir » opposé à « peuple », « pouvoir des monopoles, des
C.R.S., des garde-mobiles » opposé à « pouvoir populaire des ouvriers, des paysans
et des étudiants ».
3. La relation liberté à limiter et à concéder-liberté concédée et acceptée.
Il y a toujours limitation et concession de la liberté par l'État. Il a le pouvoir
de la donner et de la refuser. Ce que les citoyens redoutent, ce sont les excès aux
quels cette limitation peut conduire. Mais ils renouvellent périodiquement au
pouvoir leur délégation de la liberté politique, lors des élections ; c'est le contrôle
électoral, le seul contrôle : « De Gaulle trahit ses anciens amis et compte rallier
ceux qui hier étaient en prison par sa faute, ceux qu'il a pourchassés et fusillés »
(Tract Occident). « Défendre la légalité... Faire respecter la liberté du travail et
la liberté d'expression... Les prochaines élections législatives doivent permettre
à chacun de s'exprimer librement » (Tract C.D.R.). « Rendre à l'économie son dyna
misme par un nouveau plan élaboré démocratiquement par le contrôle de nouveaux
secteurs-clés grâce à certaines nationalisations » (Tract F.G.D.S.). « L'O.R.T.F.
exige cette objectivité nécessaire... à notre liberté d'opinion » (Intersyndicale
O.R.T.F.). « Électeurs centristes, continuez de manifester votre opposition au
pouvoir gaulliste » (Tract P.C.). « Le pouvoir gaulliste espérait que tout rentre
rait dans l'ordre... N'avait-il pas promis des élections législatives ? Oui des élec
tions pour que le travail reprenne avant la satisfaction de toutes les revendications
ouvrières. » « Aucune négociation avec la république du coup de force des colonels
d'Alger » (Tract IVe Internationale).
4. La relation décision-exécution.
Décision, application, l'application supposant l'exécution, sont régulièrement,
pour la décision, du ressort exclusif de l'État, pourl'exécution, de celui des citoyens

1. Par pluriels totalisants et pluriels détotalisants, nous désignons des pluriels sug
gérant soit une unité soit une multiplicité.

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et des groupes sociaux : « II faut changer de majorité pour... abroger les ordonnanc
es de 1967 et reconstruire une véritable Sécurité sociale... réformer une fiscalité
que le gaullisme a rendue écrasante pour les salariés » (Tract F.S.D.G). a II faut
construire une Université nouvelle... Nous demandons que le gouvernement
s'engage à réaliser les réformes demandées, afin de permettre une reprise rapide des
activités universitaires. » (Tract. C.E.L.U.). a Le pouvoir gaulliste veut éliminer
toute opposition... Voter au 2e tour pour le candidat d'union c'est permettre que
Paris démocrate soit représenté à l'Assemblée » (Tract P.C.). « C'est le pouvoir
gaulliste qui a pris V initiative des bagarres par son refus du droit de manifestation
à plus de 60 000 jeunes ouvriers, étudiants, enseignants » (IVe Internationale).

B. LE DOUBLE PROCESSUS.

1. La relation hiérarchisation-subordination-dépendance-association et autogestion.


La hiérarchisation-subordination ne constitue pas une affirmation de principe.
Elle se saisit dans le vocabulaire et la syntaxe.'Il y a une place, de l'État, du pouv
oir, de l'autorité ou de la société par rapport aux citoyens, aux groupes sociaux
ou à la société civile : « Trusts... monopoles... armée... jeunesse... De Gaulle... la
France... leader... sauveur... France... nous... De Gaulle... communisme... nous »
(Tract Occident). « Nous... notre... gouvernement... travailleurs... gouvernement...
secteurs... syndicats... . De Gaulle... travailleurs... nous... pouvoir... nous...
gouvernement... Bidault... Soustelle » (Tract Voix ouvrière).
La dépendance se manifeste d'une manière analogue à celle de la hiérarchisa
tion-subordination, mais l'ordre des éléments y est inversé : « Nous... république...
institutions » (Tract C.D.R.). « Vous... notre... gouvernement » (Intersyndicale
O.R.T.F.). « Tous... eux... pouvoir » (Tract Voix ouvrière).
Dans les tracts analysés, nous n'avons pas trouvé trace de l'association et de
l'autogestion, sauf, par allusion, dans deux d'entre eux. Nous y reviendrons dans
la troisième partie.
2. La relation limitation de la liberté-soumission-participation.
Nombreuses sont les expressions connotant la limitation de la liberté : « poli
tique technocratique... briser... pourchassés » (Tract Occident). « Chantage.,
abusant... totalitaire » (Tract P.C.). « briser... arme... imposer légalité » (Tract
comité d'action).
La soumission à l'État n'est jamais considérée comme un fait acquis. Il y a une
diversification de l'état de soumission des citoyens et des groupes sociaux selon
le régime et selon les circonstances ; « Nous n'entrerons pas dans ses (le pouvoir
gaulliste) combines, pour le tirer du mauvais pas actuel » (Tract Occident).
« Promouvoir dans Yordre une société plus juste et plus humaine » (Tract C.D.R.).
« Faire respecter les droits syndicaux et la reconnaissance de la section syndicale
d'entreprise » (Tract F.G.D.S.). « Votre détermination a contraint le gouverne
ment à des concessions importantes » (Tract C.G.T.). « Pas de référendum plébisc
itaire... La grève générale c'est le véritable référendum d'un pays qui ne peut
attendre la mi-juin pour renvoyer une équipe vomie de tous» (IVe Internationale).
La participation apparaît dans le tract C.D.R. : a ... une société plus juste et
plus humaine fondée sur la participation et la responsabilité et exaltant la dignité
de l'homme. » C'est un fait nouveau par rapport à notre étude précédente où
elle n'apparaissait pas.
Les aspirations apparaissent dans le tract F.G.D.S. : «[Faire droit aux légitimes
aspirations des jeunes » et dans le tract du P.C. : « II faut que l'opposition... fasse
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Louis Moreau de Bellaing

entendre la volonté et les aspirations des Parisiens. » II y a là encore un fait nou


veau par rapport à notre précédente étude.

c) Complémentarité entre la structure et la représentation sociale paternalistes.


1. Relation pouvoir et pouvoirs de fait.
Partis, syndicats, mouvements politiques de large envergure sont conçus comme
des pouvoirs de fait. Mais leur limitation par rapport au pouvoir politique, géné
ratrice de conflits, est constamment rappelée : « II faut changer de majorité »
(Tract F.G.D.S.). « Pour l'indépendance à l'égard du gouvernement quel qu'il
soit » (Intersyndicale O.R.T.F.). « Tout régime politique qui cherchera à l'infl
uencer (la liberté d'opinion) déclenchera la même action (la grève) » (idem). « Le
30 juin, tous ensemble, barrons la route au pouvoir absolu du gaullisme » (Tract
P.C.). « Aujourd'hui notre réponse doit être à la mesure de ce nouveau crime (les
brutalités policières)... Il nous faudra de toutej manière réagir... A bas le gouver
nement d'assassins » (Voix ouvrière).
2. La relation pouvoir-absence de pouvoir.
Au niveau de l'État elle est affirmée. Les fonctions et les rôles de l'État sont
mis en évidence : « Sa politique technocratique (politique est répété trois fois)...
il veut apparaître... » (Tract Occident). « Le régime a provoqué... une crise grave...
Substituer à une politique de prestige une politique de coopération internationale »
(Tract F.G.D.S.). « Le gaullisme totalitaire... veut... » (Tract P.C.). « C'est le pou
voir gaulliste qui a pris l'initiative... » (Tract IVe Internationale).
Au niveau du citoyen et des groupes sociaux, l'absence de pouvoir est reconnue,
souvent suggérée et éventuellement critiquée : « Le régime, pour avoir ignoré le
mécontentement... méprisé les corps représentatifs, syndicats et élus du peuple... »
(Tract F.G.D.S.). « Préparation des réformes (que le gouvernement s'engage à
réaliser)... » ( Tract C.E.L.U.). « II (le pouvoir gaulliste) veut éliminer toute oppos
ition... Une formidable explosion de mécontentement... » (Tract P.C.). « Les manif
estants ont défendu le droit de manifestation » (IVe Internationale).
3. La coupure État-citoyens.
On peut relever que la plupart des termes caractérisant les rapports entre
pouvoir, citoyens et groupes sociaux connotent le plus souvent l'affrontement,
la lutte, la guerre, la force imposée : «Le seul combat est le combat nationaliste»
(Tract Occident). « Le combat de l'O.R.T.F. en grève est celui de tout le pays »
(Intersyndicale O.R.T.F.). « Une opposition importante s'est manifestée » (Tract
P.C.). « Si le gouvernement se sent fort, c'est qu'il espère briser les secteurs encore
en lutter» (Voix ouvrière). « La classe ouvrière résiste.. .» (Tract U.J.C.). « Pour tous
ceux qui veulent chasser ce régime en déroute » (IVe Internationale). « La victoire
appartiendra au peuple » (Tract parti communiste marxiste-léniniste). « L'arme
des travailleurs c'est la lutte de masse et la grève générale» (Tract Comité d'action).

B. LE SYSTÈME PATERNALISME DE VALEURS

a) Le système normatif.
. i. Autorité et contrainte.
Ce rapport est valorisé : « Défendre la légalité... défendre les institutions répu
blicaines » (tract C.D.R), ou constaté d'une manière neutre : « II faut changer

74
Paternalisme et contestation

de majorité » (tract F.G.D.S.), ou dévalorisé : «Les images que vous voyez ne


sont plus les nôtres » (Intersyndicale O.R.T.F.). « Le gaullisme totalitaire... vio
lente campagne menée par Pompidou et les hommes du pouvoir » (tract P.C.).
« Le gouvernement vient d'autoriser Bidault et Soustelle à rentrer en France...
De Gaulle rameute à son service les assassins en chef de 1' « O.A.S. » (tract Voix
ouvrière). « Celui-ci (le pouvoir gaulliste) a ordonné la réélection du Parlement »
(Comité d'action).
2. Autorité, contrainte et protection, autorité, contrainte et responsabilité.
La protection et la responsabilité étatiques sont toujours valorisées. Se sura
joutant au rapport autorité-contrainte, elles sont les éléments positifs qui valo
risent ce rapport. C'est l'insufïisance de protection et de responsabilité qui le
dévalorise : « Le désordre et l'anarchie sont le seul résultat de dix ans de régime
gaulliste» (tract Occident). « Défendre contre toute entreprise totalitaire les insti
tutions républicaines » (tract C.D.R.). «Tant que le système durera, il exposera
notre pays à une alternance d'autoritarisme et de désordre » (tract F.G.D.S.).
« Aujourd'hui le véritable danger apparaît au grand jour... Le gaullisme totali
taire veut avoir le pouvoir absolu » (tract P.C.). « Le 7 juin, le gouvernement a
omis de désigner les véritables fauteurs de troubles et de provocations dont les
agissements ont été couverts par une singulière complaisance du pouvoir» (C.G.T.).
« Le régime a tenté d'isoler l'avant-garde... et a recherché un bain de sang ter
roristes (tract IVe Internationale).» Le pouvoir des monopoles déchaîne sa violence
de classe » (parti communiste marxiste-léniniste).

b) Le système mythique.

1. Le pouvoir et le sacré.
On ne trouve aucune trace du rapport entre pouvoir et sacré dans les textes.
Seul un tract P.S.U. représente de Gaulle sous la forme de Dieu le Père flottant
sur un nuage.
2. Modèle familial et pouvoir politique.
Ce rapport n'apparaît dans aucun des texte analysés.
3. Figures mythiques et représentation du pouvoir.
Notre hypothèse semble en partie vérifiée par l'analyse du discours politique :
les figures mythiques sur lesquelles se fondaient l'ancienne conception de l'auto
rité politique ont disparu. Mais le système paternaliste de représentations et le
système paternaliste de valeurs demeurent.
4. Diversification du modèle, spécification du mythe.
Le modèle du pouvoir se diversifie dans un vocabulaire dont les significations
et les références varient : « De Gaulle », « leader », « sauveur », « fourrier » (du
communisme), « légalité », « démocratie », « institutions républicaines », « le
régime », « le système », « gouvernement » (très souvent utilisé), « le pouvoir gaull
iste » (très fréquent), le « gaullisme totalitaire », « Pompidou », « les hommes du
pouvoir », « le régime gaulliste », « le ministre Fouchet », « le pouvoir des monop
oles » (assimilé au pouvoir politique).
Ce modèle diversifié dans ses acceptions semble transcendant au système de
représentations sur lequel il repose. Il constitue dans le système paternaliste de
valeurs une sorte de « place vide » où viennent s'entrecroiser les relations terme
à terme.
Mais il s'instaure en mythe, en explication du discours en se spécifiant par le

75
Louis Moreau dé?Béllaing

type d'opposition qu'il entretient avec des termes subordonnés : « Le système...


notre pays », « les nôtres... votre... régime politique », « à la colère des étudiants
le régime vient d'apporter une réponse », « réponse... de fô bouche du général de
Gaulle et des^matraques de la police », « répression policière... étudiants... ou
vriers ».
L'homogénéité, 'l'unité d'action, les pluriels totalisants ou les singuliers face
à des pluriels détotalisants : « Colère des étudiants... régime « Répression policière...
étudiants », constituent le modèle diversifié en principe unificateur et, par là
même, le transforment en un mythe, celui d'une unité recherchée.
Tous ces noms différents du modèle, en s'opposant à d'autres noms, le spéci
fient, le substantifient et l'organisent en un mythe transcendant à l'ordre des
valeurs, comme l'était le système mythique sous l'Ancien Régime, mythe d'une
unité perdue et recherchée.
Or il apparaît dans les textes que la substitution provisoire du héros, du chef,
au système mythique, ne comble nullement la « place vide », ne donne nullement
corps à ce mythe de l'unité. De Gaulle « leader », « sauveur », « fourrier » (du com
munisme), incorpore à son personnage tel qu'il est vécu le système paternaliste
de représentations et le système normatif du système paternaliste de valeurs.
Mais le personnage qu'il présente, héros-fondateur, n'est nullement vécu comme
tel. De ce fait, de Gaulle n'incarne pas le mythe de l'unité et n'incorpore pas à
son personnage vécu le système mythique. En tant que chef d'État, il n'apparaît
jamais dans les textes que nous avons analysés comme le symbole de la divinité,
ni comme le modèle du père, ni comme le substitut du monarque, ni comme l'image
du héros et il n'intervient jamais comme principe unificateur dans l'ordre des
représentations et des valeurs. Ainsi si le héros remplace le père, ce qui actuell
ement veut en tenir lieu ne le remplace pas. Les auteurs des tracts ne le localisent
effectivement que par l'importance de ses pouvoirs.
Fait nouveau, le mythe de l'unité, manifesté dans l'image substantifiée du
pouvoir, semble être contrebalancé dans certains textes par un mythe de la
diversité, du pluralisme, du type Fédération ou Commune. Nous y reviendrons
dans la troisième partie.

C. SYSTÈME PATERNALISTE DE REPRÉSENTATIONS


ET SYSTÈME PATERNALISTE DE VALEURS

a) Le système paternaliste de valeurs et sa spatialisation dans le système


paternaliste de représentations.

1. La hiérarchisation des valeurs.


Elle se manifeste entre ce qui est plus valorisé, moins valorisé, dévalorisé et
inversement : «Technocratique... trusts... monopoles... briser... [armée... jeunesse...
[De Gaulle... seul responsable... crise»1; «Défendre... légalité... démocratie...
[menaces... subversion... violence»; « II nous faudra... réagir... nous ne pouvons....
[flics... pouvoir gaulliste... assassiner »; «Nous ne pouvons pas... travailler...
[pouvoir... sang...[ nôtres ».
1. Les crochets indiquent le point de passage de la valorisation à la dévalorisation,
et inversement.

76
Paternalisme et contestation

2. La catégorisation des valeurs.


Elle désigne les processus par lesquels les valeurs s'organisent et prennent sens
les unes par rapport aux autres :
PAR CENTRALISATION.
Une valeur est catégorisée par rapport à une autre ou par rapport à une série
de valeurs en raison de la place centrale qu'elle occupe dans la phrase ou dans
le discours ; « Défendre la légalité (1) et la démocratie (2) contre toutes les
menaces (3) de subversion (4) et les appels à la violence (5).» «Faire respecter les
droits syndicaux (1) par la reconnaissance (2) de la section syndicale (3 = 1)
d'entreprise. » « La victoire appartiendra au peuple (1), à la condition que se
réalise une unité (2 = 1) de combat. Cette unité (3 = 1 = 2) ne peut puiser
sa force que dans l'union (4 = 3 = 2 = 1).»
Le bien commun ou l'intérêt général, peu nommés, semblent être les concepts
qui subsument toutes les valeurs centralisées. Ils seraient les valeurs intermédiair
es entre le système paternaliste de valeurs et le système mythique.
PAR PERSONNIFICATION.
Le sujet et le verbe ou le verbe et le complément rapprochés connotent ensemble
la personne : « Le système exposera... » ; « Le régime, pour avoir ignoré... méprisé...
a provoqué... » ; « Le régime gaulliste vient d'apporter une réponse... »
Le pays, les classes sociales, les groupes sociaux, sont eux-mêmes personnifiés :
« On sauvera la France » ; « La lutte qui soulève la France tout entière. »
Parfois la personne est là en nom ou individualisée. Il s'agit alors de personnal
isationplutôt que de personnification : « De Gaulle », « Pompidou », « le ministre
Fouchet ».
Les termes sont donc ramenés au commun dénominateur d'une personne, non
d'une seule personne, puisqu'il s'agit d'un dialogue, mais d'un concept unique de
personne, autour duquel la recherche de l'unité semble s'organiser.
PAR SUBSTANTIFICATION.
Une analogie est établie dans le discours avec un autre discours, celui portant
sur la nature, le corps, les qualités sensibles : « Nous nous refusons à choisir entre
la peste et le choléra »; « fiscalité... écrasante »; « une majorité de robots »; « èli~
miner les forces... fasse entendre (la volonté) » ; « avec dix millions de salariés,
vous venez d'écrire une page... »; « l'arme ».
Le concept unificateur est la substance. La recherche de l'unité semble s'orga
niserégalement autour de ce concept.

b) Le système paternaliste de valeurs et sa temporalisation dans le système


paternaliste de représentations.

Valorisés ou dévalorisés, les éléments qui, dans les textes, indiquent le temps :
mots, formes de verbes, adverbes, le polarisent autour de la « stabilité », de l'équi
libredu système. Il faut que le système demeure, avec des améliorations et des
modifications souhaitées. La perpétuation du système social suppose, semble-
t-il, la perpétuation de son système symbolique : « Complice du P.C. depuis dix
ans, De Gaulle a créé cette situation. Aujourd'hui il veut apparaître... Nous
n'entrerons pas dans ses combines... »; « Faire en sorte que les prochaines élec
tions se déroulent dans les meilleures conditions » ; « Pour l'immédiat nous deman
dons que le gouvernement s'engage à réaliser des réformes » ; « Pendant plus de

77
Louis Moreau de Bellaing

trois semaines, le pouvoir gaulliste a pratiqué le chantage... Aujourd'hui le véri


table danger apparaît... » ; « II nous faudra de toute manière reagir » ; « Qui a tué
notre camarade ? Le gouvernement gaulliste espérait... la classe ouvrière résiste... »
II y a pluralisme temporel. Peut-être contribue-t-il mieux comme tel au maint
ien du système symbolique qu'un temps unique idéalisé. Fait nouveau, dans
deux textes, l'un marxiste-léniniste, l'autre provenant d'un comité d'action, les
seuls temps de verbe employés sont le présent et le futur sous la forme d'un temps
de l'action.

III. NÉGOCIATION, TRANSFERT DE POUVOIR,


CONTESTATION DE L'AUTORITÉ

La représentation sociale du paternalisme politique se retrouve donc global


ementdans les textes portant sur les événements de mai 68. Néanmoins, nous
l'avons dit, des points de rupture apparaissent entre l'idéologie paternaliste, les
idéologies particulières préexistantes aux événements et l'idéologie politique
globale qui semble s'y préfigurer. En effet, d'une part l'idée de négociation y
prend un sens différent ; d'autre part s'y esquisse une transformation nouvelle
du système paternaliste de valeurs dans le système paternaliste de représen
tations.

a) La représentation de la négociation.

Dans le système paternaliste de représentations, la négociation apparaît


comme le point d'implication de la représentation sociale du paternalisme poli
tique avec une représentation sociale de plus vaste envergure qui serait celle
même de l'autorité. Or cette représentation de la négociation, dans la mesure où
elle rejoint celles de l'association, de l'autogestion et de la participation directe
des citoyens à la décision, est l'un des éléments qui peut, par la logique même de
son expression symbolique, remettre en question, non seulement la représenta
tion sociale du paternalisme politique, mais aussi celle de l'autorité politique.
Nous n'insisterons pas sur son apparition relativement fréquente dans les
textes : « dialogue », « participation à tous les niveaux ». Nous nous contenterons
de noter que :
1. D'une part, la forme habituelle de la négociation, impliquée dans l'idée
de revendications à satisfaire, a été maintenue : « Qui a aidé le gouvernement dans
sa besogne de division et de répression?... la direction de la C.F.D.T. qui signait
tous les accords de capitulation... quand la classe ouvrière se battait pour la
satisfaction de toutes ses revendications » (tract U.J.C.).
2. D'autre part, cette forme habituelle de la négociation a été contestée, parce
que le gouvernement en place n'était plus reconnu valable : « Négocier avec lui
(le gouvernement)... ce n'est pas contribuer à le renverser... mais lui permettre
de se livrer à de nouvelles exactions... » (IVe Internationale).
3. Enfin elle a été radicalement contestée, parce que, liée à la revendication,
elle ne pouvait remettre radicalement en cause le système capitaliste : « Les dir
igeants révisionnistes du P.C.F. et de la C.G.T... limitent les luttes ouvrières au

78
Paternalisme et contestation

seul domaine revendicatif, alors que l'immense masse des travailleurs aspire au
socialisme » (tract parti communiste marxiste-léniniste).

b) La transformation nouvelle du système paternaliste de valeurs dans le


système paternaliste de représentations.

L'efficacité, la rationalité, le développement, valeurs de la société de consom


mation critiquée par tous y compris par le président de la République, n'appar
aissent pas. Nous avons vu, en revanche, que le terme aspiration, précédé de
celui de volonté , était employé (tracts F.G.D.S. et P.C.). Dans un tract du parti
communiste marxiste-léniniste, nous trouvons ce texte, déjà cité : « L'immense
masse des travailleurs aspire au socialisme » et celui-ci : « De tels organismes (les
comités d'action) doivent permettre l'expression des aspirations révolutionnaires
du peuple et l'organisation de l'action nécessaire pour les faire triompher. »
Dans ces textes nés d'une idéologie particulière, mais largement diffusés et
susceptibles de marquer l'idéologie politique globale 1, la représentation sociale
du paternalisme politique, sinon la représentation sociale de l'autorité politique,
est radicalement contestée. Une nouvelle idéologie politique globale semble s'y
annoncer.
La participation est nommée seulement dans un tract C.D.R. En revanche,
si l'autogestion n'apparaît pas, l'association sous la forme d' « union », d' « unité
d'action » est constamment rappelée dans les tracts du P.C. de Voix ouvrière,
de PU.J.C. et, avec une autre connotation, dans ceux de la IVe Internationale,
du parti communiste marxiste-léniniste et d'un comité d'action : « La victoire
appartiendra au peuple, à la condition indispensable que se réalise une unité
de combat. Cette unité ne peut puiser sa force que dans l'union et Yaction à la
base, pour opposer la violence révolutionnaire à la violence fasciste du pouvoir
de la grande bourgeoisie. » « L'arme des travailleurs c'est la lutte de masses et
la grève générale. »
Là encore, l'association telle qu'elle est conçue conteste radicalement la repré
sentation sociale du paternalisme politique.
Le P.C. ne prononce ni n'écrit le mot « révolution ». Mais ce mot est présent
dans les tracts marxiste-léniniste : « aspirations révolutionnaires », « violence
révolutionnaire ». Explicitement, les auteurs de ce tract écrivent : « D'un côté :
le pouvoir des monopoles, sous la forme des C.R.S. et garde-mobiles, qui déchaîne
la violence de classe. De l'autre côté : le pouvoir populaire des ouvriers, paysans
et étudiants qui veulent la révolution. »
La révolution est donc conçue comme un transfert de pouvoir; il est, dans la
lutte, arraché au groupe dirigeant et pris par les catégories sociales s'unissant
pour gouverner : « Une situation nouvelle se concrétise : le pouvoir n'est plus
au Parlement, ni dans le gouvernement du directeur de banque Pompidou, ni
même à l'Elysée, mais il se manifeste dans la rue... C'est par le renversement
du pouvoir des monopoles et non par un référendum plébiscitaire que s'ouvrira
la voie des grands changements historiques de notre société » (tract marxiste-
léniniste). « La bourgeoisie ne lâche pas son pouvoir dans les urnes. On le lui
arrache dans les usines et dans la rue » (tract Comité d'action).

1. Empiriquement, il semble bien qu'il en ait été ainsi.

79
Louis Moreau de Bellaing
Or ce nouveau pouvoir ne semble plus se référer à un mythe de l'unité recher
chée,mais, nous l'avons dit, à un mythe de la diversité et du pluralisme. Il est
bien évident qu'il n'y a aucune conciliation possible entre le mythe du pouvoir
gouvernemental, exécutif, centralisé, substantifié et celui du pouvoir communal,
autogéré, décentralisé, diversifié.
Les temps de ce mythe se dessinent déjà dans les textes : c'est, nous l'avons
dit, ceux du présent et du futur à long terme, temps de l'action, alors que ceux
du mythe de l'unité recherchée sont tout à la fois le passé, l'imparfait, le présent
et le futur immédiat, temps de la perpétuation, de la stabilité et du progrès.
Enfin nous avons noté un changement de syntaxe dans le texte d'un comité
d'action; « Pouvoir des monopoles... pouvoir des paysans.» Au niveau du langage
l' égalité-parité disparaît, une « société d'égaux » semble se préfigurer.

A condition de le considérer comme une représentation sociale, le paternalisme


politique est donc un concept opératoire dans une étude portant sur des textes
relatifs à des événements politiques. Les systèmes qui constituent la représen
tationsociale du paternalisme politique sont présents dans les quatorze tracts
que nous avons analysés. Mais les transformations, déjà perceptibles dans l'étude
que nous avions faite auparavant, ont pris, à la faveur des événements de mai,
un nouveau sens.
Des idéologies particulières, véhiculant des représentations, des valeurs et
un mythe radicalement autres que ceux de l'idéologie politique globale, tendent
de devenir dominantes. Dans cette perspective, la contestation de l'autorité
prend deux formes : elle est, soit contestation de l'autorité politique telle que
la pratique le gouvernement en place, soit contestation du pouvoir et exigence
d'un transfert de pouvoir.
Il y a donc ambiguïté 1 entre deux systèmes culturels : celui constitué par la
représentation sociale du paternalisme politique qui demeure présente dans les
textes; celui se préfigurant à travers l'expression d'idéologies particulières qui
tentent de devenir dominantes. Les deux systèmes sont inconciliables; l'un se
concrétise depuis des siècles dans une société hiérarchique, l'autre suppose une
« société d'égaux » qui, elle, n'a encore jamais existé historiquement.
Il n'en reste pas moins que c'est le système symbolique de l'autorité politique,
impliqué dans des situations et des comportements individuels et collectifs, qui,
lentement, transforme la société civile. La passion égalitaire de la liberté et
de la justice, notions impossibles à définir selon Tocqueville, est-elle conciliable
avec la volonté majoritaire ou élitiste d'ordre et de progrès social ? Si la réponse
est oui, la société hiérarchique demeurera ce qu'elle est. Si la réponse est non,
le pouvoir, un jour, ne sera plus dans les urnes, il se prendra dans les usines et
dans la rue.

Louis Moreau de Bellaing


Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris

1. Le mot ambiguïté est utilisé avec sa signification logique et non psychologique.

80
Paternalisme et contestation

ANNEXE

1. Tract « Occident ».
... Par sa politique technocratique au service des trusts et des monopoles, par sa
politique extérieure favorable aux pays de l'Est, et par sa politique intérieure visant
uniquement à briser l'armée, la jeunesse et tout mouvement national ou nationaliste,
de Gaulle est le seul responsable de la crise qui secoue actuellement la France : complice
du P.C., depuis 10 ans, c'est de Gaulle qui a créé cette situation.
Aujourd'hui, il trahit ses anciens amis et compte rallier ceux qui, hier, étaient en
prison par sa faute, ceux qu'il a pourchassés et fusillés.
Aujourd'hui, il veut apparaître comme le leader de l'anticommunisme et le sauveur
de la France. Nous, Nationalistes français, refusons de choisir entre la peste et le choléra.
De Gaulle est le fourrier du communisme, nous n'entrerons pas dans ses combines pour
le tirer du mauvais pas actuel, les Nationalistes savent que ce n'est pas avec des élections
que l'on sauvera la France...

2. Tract du C.D.R.
Défendre la légalité et la démocratie contre toutes les menaces de subversion, et les
appels à la violence.
Défendre contre toute entreprise totalitaire les institutions républicaines.
Promouvoir, dans l'ordre, une société plus juste et plus humaine, fondée sur la parti
cipation et la responsabilité et exaltant la dignité de l'homme.

3. Tract F.G.D.S.
... Tant que le système durera, il exposera notre pays à une alternance d'autoritarisme
et de désordres.
Il faut changer de majorité pour :
— Faire respecter les droits syndicaux par la reconnaissance de Ja section syndicale
d'entreprise,
— faire droit aux légitimes aspirations des jeunes en donnant la priorité absolue
à l'éducation nationale et à la formation professionnelle,
— rendre à l'économie son dynanisme par un nouveau plan, élaboré démocratique
ment, par le contrôle de nouveaux secteurs clés grâce à certaines nationalisations,
— abroger les ordonnances de 1967 et reconstruire une véritable Sécurité sociale,
— réformer une fiscalité que le gaullisme a rendu écrasante pour les salariés et favo
rable aux revenus du capital.

4. Tract de V intersyndicale O.R.T.F.


Les images que vous voyez, les informations que vous entendez, ne sont plus les
nôtres, mais celles du gouvernement. C'est tout le personnel de l'O.R.T.F. qui est en
grève.
Pourquoi ?
Pour une information impartiale, honnête et complète.
Pour l'indépendance à l'égard du gouvernement quel qu'il soit.
Pour des programmes de qualité.
... L'intersyndicale de l'O.R.T.F. ne lutte pas contre le régime gaulliste. Elle exige
cette objectivité nécessaire à l'information et à votre liberté d'opinion. Tout régime
politique qui cherchera à l'influencer déclenchera la même action.

5. Tract du P.C.F.
... Aujourd'hui le véritable danger apparaît au grand jour. Le gaullisme totalitaire
qui compte déjà 140 élus au premier tour, veut avoir le pouvoir absolu; il veut éliminer
toute opposition. Il prend pour cible le Parti Communiste mais aucune formation poli
tique n'est à l'abri de l'attaque.

81
Louis Moreau de Bellaing
En revendiquant le pouvoir pour lui seul, le gaullisme veut continuer en l'aggravant
la politique antisociale et antidémocratique qu'il a poursuivie pendant 10 années.
Malgré la violente campagne menée par Pompidou et les hommes du pouvoir, une
opposition importante s'est manifestée dans la capitale comme dans tout le pays.
Il faut que cette opposition dont le Parti Communiste constitue la force essentielle
fasse entendre la volonté et les aspirations des parisiens.

6. Tract « voix ouvrière ».


... Si le gouvernement se sent en position de force, c'est que des millions de travail
leurstrompés par les bureaucraties syndicales, ont repris le travail alors que les soi-
disant avantages « positifs » obtenus dans les négociations laissaient de côté toutes les
revendications essentielles.
... Mais il nous faudra de toute manière réagir. Nous ne pouvons pas laisser les flics
du pouvoir gaulliste assassiner impunément, comme ils l'ont fait à Gharonne il n'y a
pas si longtemps.
Nous le pouvons d'autant moins que le gouvernement vient d'autoriser Bidault et
Soustelle à rentrer en France, que l'on parle de libérer Salan, en un mot, que de Gaulle
rameute à son service les assassins en chef de l'O.À.S.

7. Tract des syndicalistes prolétaires de la C. G.T. •mouvement de soutien


aux luttes du peuple-U.J.C (ml).
... Le gouvernement gaulliste espérait que tout rentrerait « dans l'ordre »... N'avait-il
pas promis des élections législatives? Oui, des élections pour que le travail reprenne
avant la satisfaction de toutes les revendications ouvrières. Des élections pour que les
ouvriers rentrent dans leurs usines. Sous la pression des jaunes, des flics, des C.D.R.
Des élections pour vaincre le peuple. Et quand les ouvriers résistent comme à Citroën,
à Renault, le gouvernement d'assassins envoie ses C.R.S.
... Qui a aidé le gouvernement dans sa besogne de division et de répression? Les poli
ticiens antiouvriers et antipopulaires. Les larges masses de notre pays les ont vus à
l'œuvre : la Direction de F.O. léchant les bottes des ministres, la Direction de la C.F.D.T.
qui signait tous les accords de capitulation et qui trouvait le moyen quand la classe
ouvrière se battait pour la satisfaction de toutes ses revendications de présenter son
candidat...

8. Tract du P.C.I.

dénonceLe Partila responsabilité


Communiste totale
Internationaliste
du régime gaulliste
(section dans
française
les violences
de la IVe
qui Internationale)
se développent
dans toutes les villes de France. C'est le pouvoir gaulliste qui a pris l'initiative des ba
garres et de la sauvage répression menée par les gardes mobiles et les C.R.S., par son
refus du droit de manifestation à plus de 60 000 jeunes ouvriers, étudiants, lycéens et
enseignants rassemblés vendredi soir devant la gare de Lyon.
... N'ayant pu obtenir sa flaque de sang, ce pouvoir fantoche ose encore insulter les
ouvriers, les jeunes travailleurs, les enseignants, les étudiants, les lycéens, qui sont à
la pointe du combat. Son ministre Fouchet les traite de « pègre » qu'il faut « vomir ».
Aujourd'hui, dans la lutte qui soulève la France tout entière, où Paris, Lyon, Marseille,
Nantes, Bordeaux, Strasbourg etc. font face aux forces de coercition d'un État en
décomposition, la seule pègre est celle du régime des barbouzes au service des classes
possédantes, c'est le personnel politique de la Ve République.
C'est cette pègre que les travailleurs vomissent et dont ils débarrasseront le pays.
Pas de référendum plébiscitaire! La grève générale, c'est le véritable référendum d'un
pays qui ne peut attendre la mi-juin pour renvoyer une équipe vomie de tous.

9. Tract du parti communiste marxiste léniniste de France (Humanité


Nouvelle).
... Une situation nouvelle se concrétise : le pouvoir n'est plus au parlement, ni dans
le gouvernement du directeur de banque Pompidou, ni même à l'Elysée, mais il se manif
este dans la rue.

82
Paternalisme et contestation
D'un côté : le pouvoir des monopoles, sous la forme des C.R.S. et Gardes mobiles, qui
déchaîne sa violence de classe. De l'autre côté : le pouvoir populaire des ouvriers, pay
sans, et étudiants qui veulent la révolution.
La victoire appartiendra au peuple, à la condition indispensable que se réalise son
unité de combat : cette unité ne peut puiser sa force que dans l'union et l'action à la
base, pour opposer la violence révolutionnaire à la violence fasciste du pouvoir de la
grande bourgeoisie.
A l'heure actuelle, les dirigeants révisionnistes du P. « C ». F. et de la C.G.T. déploient
toute leur énergie dans le sens de la division des forces populaires, essayant de dresser
systématiquement les ouvriers contre les étudiants.
De plus, ils limitent les luttes ouvrières au seul domaine revendicatif, alors que l'i
mmense masse des travailleurs aspirent au socialisme. De telles manœuvres ont pour
objectif de sauver la classe dominante au pouvoir, c'est-à-dire la bourgeoisie monopoli
ste, mais elles se heurtent à la résistance croissante des adhérents de base du Parti
« Communiste » français et de la C.G.T. ainsi que de certains militants responsables à
tous les niveaux.
Le comité central du Parti Communiste marxiste-léniniste de France renouvelle
son appel à la constitution de comités d'action populaires dans les quartiers, dans les
usines, dans les villages dans les facultés, lycées, et collèges. De tels organismes doivent
permettre l'expression des aspirations révolutionnaires du peuple et l'organisation de
l'action nécessaire pour les faire triompher.
C'est par le renversement du pouvoir des monopoles et non par un référendum plé
biscitaire que s'ouvrira la voie des grands changements historiques de notre société.

10. Tract des comités d'action.


Afin de briser le mouvement de plus de 10 millions de grévistes qui menaçaient de
fenverser le pouvoir gaulliste, celui-ci a ordonné la réélection du parlement comme
seule réponse aux exigences non satisfaites des travailleurs. Cependant, malgré les direc
tions syndicales et politiques qui font délibérément le jeu du pouvoir en se soumettant
à la légalité bourgeoise, la majorité des travailleurs et des étudiants ont compris que
les élections ne résoudront aucun problème.
— c'est parce que le mouvement s'est développé en dehors du parlement qu'il a réussi
à faire reculer le pouvoir des patrons.
— Ce parlement n'est que l'arme de la bourgeoisie qui s'en sert quand elle le veut
bien. Ce n'est pas l'arme des travailleurs. L'arme des travailleurs, c'est la lutte de masse
et la grève générale.
... Bref, pour travailleurs et étudiants, les élections sont une farce dont ils feront les
frais comme toujours. La bourgeoisie ne lâche pas son pouvoir dans les urnes. On le lui
arrache dans les usines et dans la rue.
Le régime reste à abattre
— la lutte continue
— contre l'information : s'informer
— contre la répression : s'organiser.
Le pouvoir n'est pas dans les urnes. Il se prend dans les usines.

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