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Introduction à la sociologie générale

Séquence 1 : LA SOCIOLOGIE : HISTOIRE DE LA DISCIPLINE

Introduction à la sociologie générale


Docteur Mouhamadou Mansour DIA
Séquence 1 : LA SOCIOLOGIE : HISTOIRE DE LA DISCIPLINE

Introduction générale

Le concept de sociologie a été créé par l’écrivain et homme politique français Emmanuel-
Joseph Sieyès (3 mai 1748 à Fréjus- 20 juin 1836 à Paris) à partir des termes latins « socius »
(compagnon ou associé) et « logos » (discours, parole, étude, représentation). Mais, c’est le
sociologue français Auguste Comte (19 janvier 1798 à Montpellier- 5 septembre 1857) qui a
propulsé le concept de sociologie dans son ouvrage intitulé Cours de philosophie positive paru
en 1839, sans pour autant lui donner un objet d’étude spécifique. Or pour fonder une science, il
est nécessaire de remplir ces trois conditions : un objet d’étude, une méthode et un corpus
théorique. Il va falloir attendre l’avènement d’Emile Durkheim (15 avril 1858 à Epinal- 15
novembre 1917) en France et de Max Weber (21 avril 1864- 14 juin 1920) en Allemagne pour
que la sociologie soit une discipline scientifique autonome.

Toutefois, l’étude du social n’a pas commencé avec l’avènement de la sociologie


scientifique ; elle est même plus que millénaire. Auparavant, les philosophes, les théologiens et
les écrivains politiques décrivaient la société telle que selon eux elle devrait être, plutôt qu’ils
ne l’étudiaient objectivement. Mais, il est admis que même chez les philosophes anciens, on
trouve des aperçus souvent positifs et perspicaces sur les réalités sociales. Alors, s’il est évident
que la sociologie étudie la société, comment pouvons-nous être certains qu’en posant un regard
sociologique sur notre objet d’étude, c’est-à-dire sur le fait social, nous saisissons nos sociétés
et non pas nous-mêmes. Ainsi, nous pouvons distinguer le courant spéculatif, celui théologique
et celui positif.

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1. Le courant spéculatif

L’opposition essentielle entre le courant spéculatif et celui scientifique réside ici entre ce
qui est et ce qui doit être. La connaissance sociale est recherchée non pas à des fins de
connaissances, mais dans le but d’établir des règles assurant les meilleures organisations et le
bon fonctionnement de la société. Ainsi avec le courant spéculatif, domine une perspective
finaliste et normative, c’est-à-dire qui prend en compte l’idéal à réaliser et recherche ce qui doit
être le meilleur type de société. En regardant de près les réflexions des penseurs du courant
spéculatif, nous voyons qu’elles sont forcément normatives, dans la mesure où leurs
préoccupations étaient d’établir des règles d’action pour la société. Plusieurs exemples peuvent
être donnés notamment chez Platon et Jean Jacques Rousseau.

1.1. Platon ou le rationalisme déductif

Le philosophe grec Platon part d’une conception de l’homme fondée sur trois
tendances de principes à savoir : le désir, le cœur et la raison. Ces tendances correspondent à 3
vertus : la tempérance, le courage et la sagesse. Platon généralise ainsi au plan de la société
globale les trois principes qui régissent l’individu et que produit l’idéal de la république qui
devrait être constituée de trois castes hiérarchisées selon la triade suivante :

 La caste des artisans, expression du désir et des objets matériels, s’occupe de l’entretien et
de l’approvisionnement des guerriers et des sages ;

 La caste des guerriers exprime le cœur, symbolise le courage et s’occupe de la défense ;

 La caste des sages exprime la raison.

Ainsi, l’équilibre de la société serait réalisé entre les trois castes dont chacune assume une
fonction vitale, sans toutefois pouvoir subsister isolément. Nous avons donc là une réflexion
abstraite et subjective très éloignée de la démarche sociologique qui parle non pas de principes
à priori, mais de faits observés. Cette réflexion de Platon nous signale l’emprise de la
philosophie sur les premières tentatives d’étude de la société humaine comme fait social.

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1.2. Jean Jacques Rousseau ou la tradition contractualiste

Jean Jacques Rousseau (Genève 1712- Ermenonville 778) est considéré par certains
comme un précurseur de la sociologie ; pour d’autres, il est un philosophe moraliste. Héritier de
la philosophie politique du droit naturel dont on trouve les formes les plus élaborées en
particulier dans les travaux de Thomas Hobbes et John Locke, il poursuit la recherche des
fondements de l’ordre social. Il a recouru à une utilisation à des créations de situation fictive
pour étudier le rapport entre individu et société. Il part de l’hypothèse mythique que la nature
est bienveillante et généreuse qu’il y a l’absence d’hostilité des uns à l’égard des autres dans
l’état de nature. L’état de nature ou l’état mythique est un âge d’or qu’il pose comme un point
de référence. Il lui permet d’analyser la signification des mécanismes de coercition ou
d’incitation sur lesquels repose l’ordre social. Il aborde l’analyse des phénomènes politiques par
la méthode de modèles, c’est-à-dire par des constructions théoriques à dessin simplifiées,
idéalisées et irréalistes.

Ainsi selon Rousseau, l’homme est à l’état naturel libre et indépendant ; c’est par une
multitude de nouveaux besoins qu’il est assujetti à ses semblables dont il devint l’esclave en un
sens, même en devenant leur maître. Riche, il a besoin de leurs services ; pauvre, il a besoin de
leurs secours. En d’autres termes, l’homme abandonne la liberté naturelle dont il jouit dans l’état
de nature pour développer des systèmes d’interaction où chacun a la latitude d’agir en fonction
de son seul intérêt. Par conséquent, la vie du groupe ne relève que du contrat social en individus.

2. Le courant théologique

Le courant s’inspire de la religion pour expliquer les faits sociaux. A l’image du courant
spéculatif, il a pour but d’établir des règles assurant les meilleures organisations et le bon
fonctionnement de la société. Mais, au lieu de s’inspirer des raisonnements philosophiques, sa
source d’inspiration est la religion. Il est également finaliste et normatif. L’islam, le judaïsme,
le christianisme, le bouddhisme, etc. disposent d’intellectuels qui s’inscrivent du courant
théologique.

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2.1. L’approche théologique de Jacques-Bénigne Bossuet

L’approche théologique s’oppose à la fois à l’approche philosophique et à celle


scientifique. Dans cette perspective, Jacques-Bénigne Bossuet, dans la lignée de Saint Augustin
et de Saint Thomas d’Aquin, formule une doctrine sociale fondée non pas sur la science ou sur
la rationalité abstraite (la philosophie), mais sur la théologie ou les doctrines religieuses. Les
préoccupations d’ordre politique et moral qui existaient chez les philosophes grecs sont
éclipsées au profit de considérations théologiques. On se fonde sur les doctrines religieuses,
particulièrement sur la Bible selon Jacques-Bénigne Bossuet, pour étudier la société et proposer
le modèle de société idéale. Le modèle de gouvernance idéale est celle qui s’inspire des saintes
écritures de la Bible selon Jacques-Bénigne Bossuet.

2.2. L’approche théologique des penseurs musulmans

À l’image de la tradition théologique chrétienne, il est développé au sein de l’islam une


certaine approche objective d’étude de la société, mais le plus souvent dans le but de réformer
une société musulmane en déperdition ou en crise. Ghazali s’inscrivait dans cette tradition. Mais
aussi au Sénégal, les ouvrages de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Masâlik al-Djinân, et celui
d’El Hadji Malick Sy, Kifâyatou ar-Râhibînà constituent des essais d’étude sur la société
musulmane en crise. En réalité, les penseurs musulmans n’ont pas attendu l’avènement de la
sociologie pour étudier leurs sociétés. C’est toute une doctrine sociale qu’ils ont eu à développer
en s’inspirant de la théologie islamique.

3. Le courant positif

Le courant positif est celui qui amorce l’étude objective des faits sociaux. En effet, les
hommes n’ont pas attendu la naissance de la sociologie pour réfléchir objectivement sur la
société. Ainsi contrairement aux courants spéculatifs et théologiques, s’affirme un courant dit
positif qui annonce selon Serge Albouy la démarche sociologique moderne. L’originalité de ce
courant, c’est que, à l’image de la science, il commence par s’informer de ce qui existe, classe
les faits, construit des typologies, fonde des groupes, étudie les régularités et les similitudes qui
existent dans les phénomènes observés pour enfin tirer des leçons pouvant conduire à
l’établissement de lois générales de la vie sociale.

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3.1. Aristote et la démarche comparative

Aristote est l’un des rares philosophes grecs à avoir étudié objectivement le fait social en
observant la constitution de 158 cités grecques et étrangères, en les classant et les comparant et
en essayant de comprendre leur esprit profond. Partant du principe que l’homme est un animal
politique donc social, il en ressort qu’il n’y a société que s’il existe une fin commune. C’est
parce que les hommes ont des objectifs communs, qu’ils sont complémentaires, et que chacun a
besoin de l’autre pour exister et pour qu’ils vivent en société. Ainsi, Aristote a examiné dans la
politique les différentes formes de l’échange et le passage de l’économie naturelle fondée sur
l’échange de services à l’économie monétaire.

3.2. Ibn Khaldoun et la sociologie descriptive

Ibn Khaldoun est considéré par certains comme le véritable fondateur de la sociologie. Il
est l’auteur de la théorie du progrès de l’humanité qui a été quasiment utilisée par tous les
sociologues et philosophes des 18ème et 19ème siècles. Selon lui, dans toute organisation, on a
respectivement un fondateur, un continuateur, un imitateur et un destructeur. Avec Ibn
Khaldoun, nous avons une réflexion générale sur la décadence des états musulmans d’Espagne
qui dominaient à l’époque le monde sur le plan culturel et scientifique. Mais son objectif était
d’enrayer le processus de décadence qui résulte de la différence entre les générations
successives.

Selon Ibn Khaldoun, c’est le fait que les dynasties nouvelles qui n’ont jamais fait la guerre,
ne possédant pas l’esprit de corps, pas assez de volonté, ni d’ardeur pour maintenir les Etats
conquis par les armes, occupés qu’ils étaient à jouir du pouvoir qui leur avait été légué par le jeu
de la succession. Il formule ainsi son projet d’ensemble qui est de faire comprendre l’état social
de l’homme. De ce fait, il fait un travail de sociologie descriptive sur les sociétés islamiques de
son temps. Il soutient l’existence de rapports étroits entre l’organisation de la vie sociale, les
structures sociales et les formes de la vie politique. Toutefois, Ibn Khaldoun n’échappe pas à la
perspective finaliste et normative déjà indiquée, car il entend utiliser la science pour donner une
base rationnelle rigoureuse à la maxime politique et au gouvernement qu’il propose.

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3.3. Nicolas Machiavel et l’efficacité politique

Chez Nicolas Machiavel, l’auteur Le prince, nous avons une sorte de gêne face aux
maximes qui, tout en demeurant audacieuses voire attrayantes, défient les principes éthiques,
mais aussi éveille le peuple. En fait, Machiavel émancipe la réflexion sociale des convictions
éthiques et morales qui l’enclavaient jusqu’ici. Pour lui, c’est l’efficacité seule qui est le grand
principe en matière politique et la morale est une donnée étrangère et une importation illégitime
dans le domaine de l’analyse politique. Nicolas Machiavel refuse les explications d’ordre
théologique et, à l’aide d’une méthode fondée sur l’observation des faits politiques et des
multiples petits Etats italiens, formule des règles positives qui signifient que les phénomènes
sociaux ne sont pas incohérents, ni inexplicables, ni imprévisibles, mais qu’ils obéissent à des
lois que l’on peut découvrir par une observation méthodique des faits soigneusement
sélectionnés. Ainsi, il est donc possible d’influencer le devenir du rapport politique, de résoudre
des situations difficiles, à condition que l’esprit soit libéré des considérations qui peuvent
l’émouvoir dans cette entreprise. C’est pour cette raison qu’il est admis que Nicolas Machiavel
met un terme à l’impérialisme de la théologie et à l’emprise de la morale.

3.4. Montesquieu : les lois comme système

Montesquieu fait partie, selon Auguste Comte, des précurseurs de la sociologie. Il a voulu
déceler les lois qui gouvernent la société et identifier le système de rapports qui assurent à la
conduite des hommes une certaine régularité et une certaine prévisibilité. Selon lui, les lois
gouvernent les comportements des hommes. Ces derniers étant soumis à la fois aux lois morales
et aux lois religieuses.

Dans le livre 1 de De l’Esprit des lois, Montesquieu donne des lois de l’organisation
sociale une vue qui souligne leur non-adéquation à celles de la nature physique et le fait qu’elles
ne sont pas de l’ordre de la fatalité. Les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature
des choses et tous les êtres ont leurs lois. D’après lui, plusieurs choses gouvernent les hommes :
le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les mœurs, les manières ; d’où il
se forme un esprit général qui en résulte. C’est dans ce sens que Montesquieu théorise l’idée
selon laquelle : plus les hommes sont civilisés, plus la légalité de l’ordre social repose sur les
lois, les mœurs et les manières, c’est-à-dire les rites et les cérémonies. Donc les populations
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libres sont celles qui se gouvernent par les lois ; tandis que les pays où prédominent mœurs et
manières sont explosés au despotisme. Dans les Etats despotiques, il n’y a point de lois. Il n’y a
que des mœurs et des manières et si l’on renverse ces mœurs et manières, on renverse tout l’Etat.
Mais, on ne change pas les mœurs et les manières par des lois. On les change par d’autres mœurs
et d’autres manières.

Ainsi constatons que l’ère pré-sociologique permet de comprendre l’injustice profonde de


la sociologie moderne vis-à-vis de ceux qui lui ont frayé la voie pour avoir procédé aux
premières tentatives d’élaboration du savoir humain sur la société. Que ce soit chez Platon,
Jacques-Bénigne Bossuet, Ibn Khaldoun ou Nicolas Machiavel, nous avons une méditation sur
l’ordre social qui tente d’éclairer les processus sociaux et de lever l’obscurité dont le jeu normal
de la vie sociale les couvre. Alors, peut-on leur reprocher leur finalisme et leur normativisme
qui sont présents chez tous ces auteurs ? Nous pouvons considérer que ce sont ces deux entraves
qui ont permis le progrès même de la connaissance sociale, car il a fallu ces objectifs et ces
besoins pour susciter les interrogations essentielles à partir desquelles la sociologie va surgir en
tant que discipline scientifique.

4. L’avènement de la sociologie
4.1. Les débuts de la sociologie

La sociologie se met en place à la fin du XIXème siècle, dans un contexte marqué par
l’influence conjointe de trois révolutions :

- La révolution industrielle ou économique : elle est caractérisée par le passage d’une société
à dominante agraire et artisanale à une société commerciale et industrielle. Cette situation a
engendré des transformations qui ont profondément bouleversé l’agriculture, l’économie, la
politique, l’économie, la société d’une manière générale.

- La révolution française ou politique : elle correspond à la révolution française de 1789


marquant la fin de l’Ancien Régime, avec le passage à une monarchie constitutionnelle à la
Première République (Septembre 1792 et Mai 1804).

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- La révolution scientifique ou intellectuelle : cette période se caractérise par le triomphe du


rationalisme, à savoir la doctrine qui attribue à la raison humaine la capacité de connaître et
d’établir la vérité, au triomphe de la science et du positivisme.

Ces trois changements majeurs induisent un sentiment de rupture et l’émergence d’un


besoin de connaissance du social que traduit bien le développement de « l’enquête sociale ».
Alors, émerge un besoin de comprendre le sens de ces révolutions historiques. Ce
questionnement sur le sens des révolutions en cours est au cœur des réflexions des principaux
précurseurs de la sociologie que ce soient Alexis de Tocqueville, Karl Marx, Auguste Comte,
etc. Mais, ce n’est qu’à la fin du XIXème et au début du XXème siècle que la sociologie se constitue
véritablement comme discipline. On identifie généralement Emile Durkheim en France et Max
Weber en Allemagne comme les deux « pères fondateurs » de la sociologie. Mais au début du
XXème siècle, une autre tradition sociologique prend naissance aux Etats-Unis sur une base plus
empirique. La sociologie s’est également répandue dans d’autres horizons en Europe comme
l’Italie par exemple avec les travaux de Vilfrédo PARETO.

4.2. Auguste Comte et la loi des trois états

Auguste Comte est reconnu par certains comme le fondateur de la sociologie. Il a impulsé
le mot et une nouvelle forme radicalement originale de penser les faits sociaux. Il aurait
découvert la spécificité du social et établit la suprématie la sociologie sur toutes les autres
branches du savoir. Ainsi, face au constat de crise de la société française, Auguste Comte
recherche, à partir d’une démarche de connaissance de la société, des principes qui devraient
régir le nouveau système social. Son ambition dès lors est de créer une nouvelle science de la
société fondée sur l’observation rigoureuse des faits. C’est ce qui le conduit à propulser le terme
de « sociologie » qu’il considère comme étant la dernière étape dans le développement du savoir
scientifique, après la physique et la biologie. La société est présentée comme un ensemble ou
un système auto-subsistant dont la vie et la survie ne devraient rien aux intentions, aux stratégies
des acteurs et à la compréhension que les acteurs prennent de leurs intentions et de leurs
stratégies.

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Pour Auguste Comte, la sociologie ou la « physique sociale » est la science la dynamique


sociale. Elle explique l’actualisation de l’ordre dans le progrès. La synthèse entre la statique
(l’ordre) et la dynamique (le progrès) était au cœur de sa sociologie. C’est dans ce sens que la
sociologie comprend selon lui :

 La statique sociale : c’est-à-dire l’étude des déterminants de l’ordre et de la cohésion


sociale ;

 La dynamique sociale : elle est considérée comme l’étude des lois de développement des
sociétés humaines.

Dans la perspective de la dynamique sociale qui recoupe la pensée évolutionniste,


Auguste Comte théorise « la loi des trois états » avec l’état théologique, l’état métaphysique et
l’état positif qui décrit le passage de sociétés gouvernées par des croyances irrationnelles à des
sociétés où la connaissance scientifique et la rationalité se développent. Dans ce sens, il théorise
la religion de l’humanité, qui est une religion inspirée de la science. Dans le stade théologique,
la religion servait de moyens d’explication des choses et évènements. Il correspond à l’enfance
de l’esprit. Dans le stade métaphysique, l’homme se sert de sa raison pour comprendre les
choses, mais sans pouvoir donner les preuves matérielles de son raisonnement. C’est
l’adolescence de l’esprit. Le stade positif correspond à la maturité de l’esprit où seule la science
explique et prouve les faits. Il correspond à la société industrielle dominée par la science et la
technologie.

4.3. Emile Durkheim : la sociologie comme science du fait social

Emile Durkheim est le véritable fondateur de la sociologie française. Il justifie la nécessité


d’une nouvelle science (la sociologie) par l’existence d’un ordre de phénomènes distincts : les
faits sociaux. Il s’est demandé « par quels mécanismes les individus se socialisent ? » « Sous
quelles conditions, leurs activités sont-elles compatibles avec le maintien d’un ordre
cohérent ? ». Selon lui, le bonheur de l’individu dépend de l’intensité des liens entre l’individu
et la société. Ces liens ne doivent être ni trop étroits, ni trop distants. Comme indice pour mesurer
ce lien, Durkheim va utiliser celui du taux de suicide. À partir d’une analyse statistique, il fait
apparaitre que les taux de suicide tendent effectivement à s’élever lorsque les individus se
trouvent dans des contextes sociaux ou des contraintes normatives sont, soit très forts ou très
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faibles. Sa sociologie est celle des faits sociaux, qui est une sociologie holiste, déterministe,
quantitative et explicative.

4.4. Max Weber : une sociologie compréhensive de l’activité sociale

Contemporain d’Emile Durkheim, Max Weber est le fondateur de la sociologie


allemande. Son héritage continue jusqu’à présent à fournir des repères toujours pertinents aux
chercheurs qui n’ont pas renoncé à associer une vision historico-comparative ample à une vision
institutionnelle fine, l’implication personnelle au détachement méthodique. Il est le premier à
voir l’importance de la notion de « Handeln » en sociologie. Cette notion de « Handeln » a été
traduite soit par « action », soit par « activité ». La sociologie est pour lui une discipline
interprétative. Cette interprétation nous engage à décrire la position respective des acteurs dans
la société, mais aussi à tenir compte du sens que les acteurs attachent à leurs propres actions.

Max Weber, dans son ouvrage Economie et société soutient que la sociologie est une
science compréhensive et estime que son point de départ doit être l’activité sociale qui est le fait
d’individus, d’où l’individualisme méthodologique. L’action sociale se définit par son
intentionnalité. Selon l’approche wébérienne, une activité est un comportement humain qui a un
sens aux yeux de celui ou celle qui l’adopte. Cette activité est sociale si le sens que je lui donne
se rapporte au comportement d’autrui. Pour expliquer l’activité sociale, il faut comprendre le
sens que les individus assignent à leurs actions. La compréhension passe toujours par une
démarche d’interprétation : le sociologue interprète ce sens à partir de sa connaissance du
contexte, de ce que les individus lui disent, mais il ne peut pas se mettre totalement à leur place.

4.5. La sociologie américaine : une sociologie empirique avec la première


école de Chicago

La sociologie américaine est fondée par la première école de Chicago dont les
représentants sont William Isaac THOMAS et Robert Ezra PARK. Née à la fin du 19 ème siècle
et au début du 20ème siècle, cette sociologie prend ses origines dans un contexte américain
particulier caractérisé par des bouleversements sociaux rapides engendrés par une immigration
massive à l’origine d’une grande hétérogénéité socio-ethnique, une délinquance dans les grandes
villes, une industrialisation, une urbanisation croissante et dense, un sans-abrisme…Qui plus est

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de ces bouleversements, cette période correspond à l’ouverture de nombreuses universités et


l’arrivée des financeurs pour la recherche.

La sociologie de l’école de Chicago a privilégié les méthodes qualitatives et des pratiques


de terrain peu théorisées. Elle s’est intéressée à l’étude des thématiques comme les relations
entre ethnies, la délinquance dans les grandes villes aux Etats-Unis ; celles-ci apparaissant
comme une sorte de laboratoire social permettant d’élucider les transformations des milieux
urbains.

Concernant William Isaac THOMAS (1863-1947), ses travaux marquèrent la naissance


de l’école de Chicago. Avec Florian ZNANIECKI, il mena une étude sur l’immigration
polonaise. Dans leurs travaux portant sur les paysans en Pologne et sur les immigrés polonais
aux Etats-Unis, ils montrent que la réussite sociale est liée aux valeurs et attitudes des individus
et non à des explications biologiques. Il donna une importance primordiale à la subjectivité des
individus. Ces valeurs renvoient aux éléments culturels et objectifs de la vie sociale ; quant aux
attitudes, elles renvoient aux caractéristiques subjectives des individus. Aussi, formula-t-il ce
qui a été plus tard appelé par MERTON « le théorème de thomas ». Ce dernier préconise l’idée
selon laquelle les comportements des individus s’expliquent par leur perception de la réalité, et
non par la réalité elle-même. Selon THOMAS, pour saisir les comportements individuels, il ne
faut pas se référer à la réalité mais à la façon dont les individus la perçoivent. Cette posture
témoigne de l’importance qui doit être accordée dans l’explication sociologique aux
représentations, mêmes fausses, qui prennent une plus grande importance que la réalité « dite
objective ».

À propos de Robert Ezra PARK (1863-1947), il est la figure la plus emblématique de


l’école de Chicago durant les années 20. Dans ses travaux, il s’intéressa au débat sur les relations
raciales ; en témoigne la problématique des minorités ethniques qui constitue l’un des thèmes
majeurs de son œuvre. Dans son article intitulé « La ville : Proposition de recherche sur le
comportement humain en milieu urbain » (1915), PARK définit les grandes orientations
théoriques et le programme scientifique de l’écologie humaine. Véritable laboratoire social, la
ville est, selon lui, l’objet privilégie du sociologue. En continuité avec son ancien métier de
journaliste, il multiplie les enquêtes ethnographiques pour saisir l’infinie diversité de la ville.

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PARK cherche en effet à saisir dans toute leur complexité les rapports que les citadins
entretiennent avec un milieu à la fois matériel et humain qu’ils ont eux-mêmes façonné, et qui
se transforme en permanence. Il étudie non seulement les rapports sociaux se déroulant dans la
ville, mais également se trouvant modelés par la ville, sa morphologie, son organisation. En fin
de compte, pour PARK et ses collègues, il s’agit d’étudier l’ensemble des relations entre les
citadins dans leur milieu de vie. Pour eux, les rapports sociaux entre les individus, ont une
dimension spatiale et biotique.

4.6. Vilfrédo Pareto et l’étude des actions non logiques

Vilfrédo Pareto (1848- 1923) est le fondateur de la sociologie italienne. Le « Traité de


sociologie générale », son œuvre sociologique majeure repose tout entier sur une distinction
entre deux types d’action : les actions logiques ou rationnelles d’une part, les actions non
logiques d’autre part. Les actions logiques sont caractérisées par une adéquation subjective entre
moyens et fin. Exemple de l’ingénieur qui calcule les mesures d’un bâtiment. Les actions non
logiques incluent selon Vilfrédo Pareto quatre genres fondamentaux :

 Celles qui sont dépourvues de finalité à la fois objectivement et subjectivement ;

 Celles qui sont dépourvues d’effet ou de finalité objectifs mais qui sont perçues par le sujet
comme dotées d’une finalité. Exemple : consultation d’un oracle ;

 Celles qui comportent des effets objectifs, mais ne résultent pas de la volonté du sujet
d’obtenir ces effets. Exemple : les actes reflexes.

 Celles qui produisent des effets objectifs, mais ces effets ne sont pas ceux qui sont
consciemment recherchés par le sujet agissant. C’est le cas de l’entrepreneur qui cherche à
augmenter sa clientèle en baissant ses prix. Puisque les autres entrepreneurs feront
probablement de même, son action aura pour effet non pas d’augmenter sa clientèle, mais de
subventionner les prix d’achat.

Selon Pareto, l’objectif de la sociologie est d’étudier les actions non logiques ou de les
expliquer. Il explique scientifiquement ses raisons d’être et ses incidences sur le fonctionnement
et le changement des sociétés.

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Conclusion

Telle est l’histoire de la discipline sociologique. Son domaine de prédilection est


le social. Celui-ci a toujours été objet de réflexion. Des penseurs comme les
philosophes ont toujours émis des discours à son sujet. C’est grâce à la sociologie que
le social va être analysé de manière scientifique par le biais de méthodes et de
paradigmes adaptés.

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