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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

COURS I
SOCIOLOGIE : LE MOT ET LA CHOSE

Le terme « sociologie » a été conçu par Auguste Comte dans son Cours de philosophie positive en
1839. À l’origine, la sociologie en tant que discipline à vocation scientifique naît de la volonté
d’expliquer les phénomènes sociaux comme les faits physiques, de manière rationnelle et
désenchantée (état d’une personne qui a perdu ses illusions). Du latin socius (compagnon) et du grec logos
(discours), la sociologie est donc un discours sur l’être compagnon et non pas une science de l’être
humain. La sociologie n’est pas une science humaine mais sociale. Nous n’allons pas étudier l’être
humain en soi mais l’être humain en relation aux autres. Son contexte d’émergence est la
modernité. La société née des révolutions politiques (XVIIIe siècle), et industrielles (XIXe siècle).

DÉFINIR LA SOCIOLOGIE ?

Il y a de nombreuses définitions, car la sociologie n’est pas une, mais plurielle. Il y en a qui
favorisent l’optique de la vie de l’individu, il y en a qui prennent comme élément central le conflit
ou bien, il y en a qui prennent comme élément de base la recherche du consensus.

En première approche, on peut définir la sociologie comme étant le projet d’étudier


scientifiquement les phénomènes sociaux, la « science de la société ». Il y a une continuité et une
rupture : si le mot a été inventé au XIXe siècle par Comte, l’intérêt pour la chose sociale est plus
ancien.

LA PENSÉE SOCIALE ANTÉRIEURE À LA SOCIOLOGIE

Naissance de la philosophie (Platon réfléchit sur la cité idéale, Aristote sur le bien
ANTIQUITÉ
vivre ensemble), mais toujours limité à une réflexion normative (ce qui doit être).
Pensée du social soumise aux idées religieuses (nature comme expression de
volonté divine) et invariables. Par exemple, on croyait que la division en classes de
MOYEN ÂGE
la société, soit l’aristocratie, soit les paysans, était en fait de nature, était
l’expression naturelle d’une volonté divine, et invariable, car voulu par Dieu.
L’esprit des Lumières célèbre la raison : la société devient une mécanique que l’on
peut, en esprit, monter et démonter. L’idée de raison se décline encore sur le
XVIIIe SIÈCLE
mode du progrès, privilégiant un point de vue normatif, lecture évolutionniste et
progressiste de l’histoire.
Montesquieu (L’esprit des lois, 1748) adopte une perspective
! positive et non-normative (décrire « ce qui est » et non « ce qui doit !
être »)

Graduellement, on s’éloigne des conceptions normatives de la société en faveur d’une description


qui se veut empirique, qui veut décrire le monde et de façon scientifique.

QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

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Au final, si l’on cherche à définir de manière « essentialiste » la sociologie, on dira qu’il s’agit d’une
discipline scientifique qui propose un regard spécifique, une façon particulière d’observer le
monde qui nous entoure, d’interroger la réalité sociale.

LA DISCIPLINE SOCIOLOGIQUE, UNE DÉFINITION NÉGATIVE

CE QUE LA SOCIOLOGIE N’EST PAS


Investigation empirique : la sociologie
PHILOSOPHIE Discipline strictement théorique. veut décrire le monde tel comme il est,
pas simplement théorisé.
La sociologie essaie de s’éloigner du
sens commun, il n’est pas question de
Sens commun, discours et objets
JOURNALISME répéter ce que l’on sait déjà. Elle essaie
éphémères, liés à l’actualité.
de trouver de nouveaux points de vue
sociologiques.
Ambition théorique, dégager des
HISTOIRE Description du singulier.
principes générales.
L’homme et son psychisme (dimension L’homme et la société (dimension
PSYCHOLOGIE
individuelle). sociale).
En pratique, de nombreuses relations existent entre la sociologie
! et ces disciplines voisines. !
LA PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE

Étudier la sociologie, c’est apprendre à changer de regard sur les choses, à développer son
« imagination sociologique », pas seulement emmagasiner des connaissances. Comme Peter
Berger l’a déclaré un jour, « la magie de la sociologie tient à ce qu’elle nous fait voir le familier
changer radicalement de sens », c’est-à-dire qu’il faut « s’éloigner » des routines familières de notre
vie quotidienne; jeter un regard neuf sur ce qui nous est familier.

Les questions à se poser : quels sont les rituels sociaux associés à cet objet ? Quelles sont les
normes et règles qui limitent (ou permettent) notre interaction vis-à-vis cet objet ? Comment ce
phénomène social vous relie-t-il aux processus mondiaux ? Quelle est l'histoire de ce phénomène ?
Dans quelle mesure et comment ce phénomène s’intègre dans l’expression de l’individualité, dans
la compétition pour se distinguer des autres ?

QUID DE L’ANTROPOLOGIE ?

Comme la sociologie, elle est apparue avec la modernité. Ces deux nouvelles sciences sont nées du
désir de la société moderne de se connaître mais aussi du désir de connaître « l’autre ».
Initialement, la sociologie s’est réservé l’étude des sociétés modernes industrialisées, tandis que
l’anthropologie s’est tournée vers l’étude des sociétés considérées non-modernes ou primitives.
Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, on a basculé dans un nouveau contexte, celui de la
décolonisation et de la globalisation, qui rend le partage entre sociologie et anthropologie assez
artificiel.

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L’ANTHROPOLOGIE COMME ÉTUDE DES SOCIÉTÉS « PRIMITIVES » : UNE DÉFINITION PROBLÉMATIQUE

PROBLÈME SÉMANTIQUE Des connotations péjoratives/négatives et ethnocentriques (qui


(Étude du sens, de la signification des
privilégie son propre groupe social, son pays, sa culture).
signes, notamment dans le langage)
Les sociétés dites primitives sont en voie de disparition. Avec la
PROBLÈME HISTORIQUE
colonisation, elles ont été intégrées au monde moderne.
C’est un point de vue et non un objet spécifique qui définit
l’originalité de l’anthropologie. Point de vue qui repose sur une
méthode spécifique (observation participante) visant à rendre
compte de la vision du monde des populations étudiées.
PROBLÈME ÉPISTÉMOLOGIQUE L’observation participante est une pratique de recherche où le
chercheur va chercher à s’intégrer le mieux possible pour la
communauté ou pour le groupe qu’il étudie de sorte à pouvoir
observer leur pratique et de comprendre leur motivation de
l’intérieur et non pas comme un examinateur externe.

DE L’ETHNOLOGIE À L’ANTHROPOLOGIE

Les ethnologues sont les tenants d’une étude des différents peuples de la planète (perspective
relativiste), tandis que les anthropologues sont les défenseurs d’une interrogation sur l’Homme
(perspective universaliste). En ce sens, l'ethnologie peut être considérée comme une province de
l'anthropologie sociale et culturelle générale.

EN RÉSUMÉ

La sociologie et l’anthropologie sont deux disciplines qui se définissent par une démarche, un
regard, une façon d’analyser la réalité sociale. L’intersection entre ces disciplines est désormais
grande, toutes les deux cherchent à comprendre la relation entre l’homme et la société. Le partage
entre sociologie et anthropologie découle d'une division historique des rôles et se marque
aujourd’hui surtout au niveau des méthodes. En sociologie, on utilisera plutôt des méthodes
quantitatives alors qu’elles sont absentes en anthropologie.

LA QUESTION DE LA MODERNITÉ

La sociologie et l’anthropologie sont « filles » de la modernité. Mais qu’est-ce que c’est, la


modernité ? La notion de modernité désigne un ensemble de changements sociaux qui affectent
l’Europe depuis le XVIIIe siècle, puis, progressivement, le monde entier. Il y a trois grands ordres de
changements : des changements culturels avec la sécularisation (processus avec lesquels la religion
perd sa dominance comme principe organisateur de la société), économiques avec les révolutions
industrielles engendrées par les inventions technologiques qui cherche à dominer la nature de
l’homme, et politiques avec la démocratisation.

LA SOCIÉTÉ MODERNE

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Nous avons un nouveau rapport à l'histoire, à la tradition : le fonctionnement de la société


moderne ne repose plus sur des principes absolus et invariables (Nature, volonté divine) mais
s’oriente vers des fins fixées par la société elle-même et hautement variables.

POLITIQUE Monarchie absolue  Démocratie


ÉCONOMIE Offre/Demande par marché
Droit naturel (porteur par nature de
DROIT  Droit positif (fait par l’homme)
certains droits)
ART Mimesis (imitation)  Originalité
Exo- (le statut socio-économique n’est
Endo- (à l’intérieur de la famille, plus une limite, il n’y a plus ce concept
ÉDUCATION 
moralisant) de « ce que nous devons faire ou pas
faire »)

Nous avons ici une société en changement perpétuel ou en d’autres mots, la « contingence
(manque de nécessité ou d’impossibilité) comme caractéristique définissant », cité par Luhmann.

LES INQUIÉTUDES SOULEVÉES PAR LA MODERNITÉ

Le changement perpétuel se traduit par une perte de points de repères : le présent est
insaisissable, le futur imprévisible et le passé, lui-même, devient incompréhensible.

« Je remonte de siècle en siècle jusqu'à l'Antiquité la plus reculée : je n'aperçois rien qui ressemble à
ce qui est sous mes yeux. Le passé n'éclairant plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres » cité
par Tocqueville.

« Tout ce qui est solide se volatilise » cité par Marx et Engels.

Nous retrouvons une émergence de l’individu « individualisé », source d’optimisme et des


bouleversements.

«L'homme est né pour le bonheur et pour la liberté, et partout il est esclave et malheureux. La
société a pour but la conservation de ses droits et la perfection de son être; et partout la société le
dégrade et l’opprime. Le temps est arrivé de le rappeler à ses véritables destinées; les progrès de la
raison humaine ont préparé cette grande révolution, et c'est à vous qu'est spécialement imposé le
devoir de l’accélérer. Pour remplir votre mission, il faut faire précisément tout le contraire de ce
qui a existé avant vous » cité par Robespierre.

La généralisation de la contingence ou de l’incertitude est précisément ce qui assure la stabilité en


modernité. Ce qui concerne l’individu, nous ne sommes pas nés pour accomplir les tâches assurées
par la volonté divine mais pour réaliser notre propre bonheur et liberté, et pour réaliser ce
bonheur, il faut tout changer.

SOCIÉTÉS EN MUTATION

SOCIOLOGUE OBJET DE QUESTIONNEMENT RÉPONSES

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L'émergence d'un ordre social


relativement fluide, avec Démocratie comme principe
ALEXIS DE TOCQUEVILLE l'apparition de l'individu sur la d’intégration sociétale, basé sur
scène de l'histoire; risque l’égalité civile.
d’atomisation.
« Anomie » ou l'absence de règles
Bouleversement par sociales, qui engendre chez
l’industrialisation, défi pour l'individu un sentiment d'inutilité,
ÉMILE DURKHEIM
l’intégration entre société et de désespoir, de perte de sens
individu : quelle points communs ? provoqué par la vie sociale
moderne.
Modernité comme le
Démise de la tradition et du sacré,
« désenchantement du monde »,
MAX WEBER remplace par une logique du
rationalisation de chaque sphère
calcul, de l’efficacité.
sociétale.
Émergence d’une division
Les rapports de production
conflictuelle entre deux grandes
KARL MARX comme moteur de l’histoire
classes sociales, bourgeoisie et
(matérialisme historique).
prolétariat.

La sociologie est comme un ensemble de réponses à son problème de référence : « Comment


s’établit un ordre social ? »

La conceptualisation sociologique est comme une « solution », non pas aux problèmes du monde
mais au propre problème de référence.

COURS II
ROMPRE AVEC LES PRÉJUGÉS SOCIAUX ET CULTURELS

Il n’y a pas de frontière claire et nette entre la sociologie et la société. La sociologie est comme une
« auto-logie ». En d’autres mots, c’est une logie, c’est un savoir qui ne s’applique pas seulement à
ce qui est décrit mais qui s’inclut dans la description, c’est-à-dire que chaque sociologie qui a
comme objet la société en fait parler d’elle-même, la sociologie fait partie de ce qu’elle décrit.

La raison, c’est qu’aucune sociologie ne se pratique en dehors de la société. La sociologie fait


toujours partie de ce qu’elle décrit et l’affecte de cette façon, et vice-versa.

Chaque sociologie a toujours un savoir socialement situé. Elle n’est pas un observateur externe ou
neutre de la société, mais elle y participe, elle se trouve à l’intérieur de la société. La sociologie n’a
donc pas de position priviligiée pour décrire la société, il n’y a pas d’observateur externe.

Sommes-nous alors tous sociologues et anthropologues ? Oui, car nous avons déjà vécu une
certaine période dans la société et nous avons déjà potentiellement développé des concepts ou des
théories largement implicites sur comment la société fonctionne. C’est ce qu’on appelle le savoir
profane, c’est-à-dire que nos observations ne sont pas mises en discussion avec d’autres

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scientifiques et ne se basent pas sur des méthodes scientifiques. Non, car nous n’avons pas ce
savoir expert qu’ont les spécialistes.

La sociologie cherche à rompre avec les préjugés sociaux et culturels, même (surtout) si cela se
heurte à des résistances de la part du public.

Nous avons tendance à nous attacher à nos idées et à nos préjugés, même s’ils sont faux.

Selon le théorème de Thomas : « Si les hommes définissent des situations comme réelles, alors
elles sont réelles dans leurs conséquences. ». C’est-à-dire, si une personne est convaincue que
boire un café avant de dormir l’aidera à dormir (même si c’est complètement faux), elle le fera, car
elle sera convaincue que cette situation est correcte.

Pourquoi y a-t-il des idées fausses ? Trois types d’explication se mettent en place.

Premièrement, il y a un effet de position sociale qui biaise notre vision. La vision des étudiants est
différente de celle des professeurs.

Deuxièmement, il y a un effet de disposition, ce que nous voyons chez les autres est, pour partie, le
reflet de nous-mêmes, de notre éducation, de nos valeurs,... .

Troisièmement, il y a un effet d’autorité, « ça ne peut pas être faux puisque tout le monde/tel
expert le dit ».

L’implication personnelle est particulièrement forte dans le cas des croyances sociales.

Les sociologues s’efforcent de détecter les conséquences involontaires (quand le résultat est
imprévu, soit positif ou négatif) et effets pervers (nous recevons un résultat opposé à celui
escompté). Par exemple, selon l’effet Matthieu : « Car on donnera à celui qui a ». Par ce passage,
on entend que ceux qui ont auront de plus, ceux qui n’ont pas auront encore moins.

Cet effet Matthieu se remarque très fortement dans l’action publique. Par exemple, dans le monde
culturel depuis des années, en Belgique, il y a une politique de démocratisation. L’objectif des
politiques, c’est la participation de tous dans les événements culturels. L’obstacle principal des
classes inférieures, c’est le coût. Alors, les politiques culturels belges ont eu pour but de baisser le
coût. Mais ces classes inférieures ont des goûts différents de ceux des classes moyennes et des
classes supérieures, et même si le prix est plus faible, ils ne sont pas forcément interessés par cet
événement. Par conséquent, cette baisse de prix va au profit des classes moyennes et supérieures,
et l’écart entre les classes sociales s’élargit.

Les conséquences involontaires interfèrent dans des prédictions public, observées par le sociologue
Robert Merton. Il parlait de prophéties auto-destructrices qui sont des prédictions initialement
correctes mais qui provoque une action qui annule la prédiction. Par exemple, quand on nous
annonce des embouteillages sur une autoroute à cause des travaux, on nous indiquent une autre
route alternative, mais l’autre route se bouchonne aussi et il y a de nouveau des embouteillages.

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Un autre exemple sont les restaurants conseillés. On leur donne un avis positif et tout le monde se
précipite à aller réserver une table, mais le personnel de la cuisine n’arrive pas à gérer.

Une autre sorte de prophétie sont les prophéties auto-réalisatrices qui sont le contraire de la
prophétie auto-destructrices. C’est une prédiction initialement fausse mais qui provoque une action
qui remplit la prédiction. Par exemple, si un enseignant est convaincu que les élèves d’origine
étrangère sont moins capables, ont moins de chance de réussir à l’école, c’est un préjugé.
L’enseignant ne dépensera pas d’énergie pour aider ces élèves-là mais aidera plutôt les autres, et
ce préjugé se réalisera. Il y aura une circularité des croyances sociaux qui est définit comme : « La
définition non prouvable d’une situation future résulte crédible quand elle provient d’un prédicteur
fiable, et conduit donc à une action qui confirme la prédiction, augmentant ainsi la crédibilité du
prédicteur ».

La sociologie est ainsi une science dite critique et n’a pas seulement une fonction de connaissance,
une fonction d’aide à la décision politique. La sociologie ne fournit pas seulement un commentaire
sur la société, ne sert pas seulement à rendre la société plus « lisible », mais a comme moyen de
savoir à s’en distancier. Elle a tendance à remettre en question l’autorité des discours officiels.

Certains mythes sur la société ont été déboulonnés par la sociologie, comme par exemple le cas
avec l’école expliqué en haut, un travail réalisé par Pierre Bourdieu déclarant qu’il n’y a pas
d’espace d’égalité des chances à l’école.

Un autre mythe que la sociologie à essayer de déboulonner, c’est la malléabilité de la société, c’est-
à-dire la croyance qu’on peut piloter la société de façon politique, basé sur les travaux de Niklas
Luhmann.

DÉNATURALISER LES PHÉNOMÈNES SOCIAUX

Le naturalisme est une attitude qui consiste à absolutiser les faits sociaux comme des
phénomènes « naturels », à invoquer une « nature humaine » supposée pour expliquer les
pratiques et comportements humains.

Il y a une illusion naturaliste dans le sens commun qui est exprimée dans la sagesse populaire et
dans les phrases courantes, comme par exemple, « Plus ça change, plus c’est la même chose » ou
« Rien de nouveau sous le soleil ». Ce qu’indique ces phrases courantes, c’est que le statu quo est
comme une expression nécessaire des choses, c’est-à-dire que le monde est tel qu’il est, et s’il est
tel qu’il est, c’est parce qu’il doit être comme ça. Par exemple, on a tendance à voir l’inégalité
comme une expression de différences « naturelles ». Les sociologues se méfient de ce genre
d’expression, car dans le monde social on a tendance à utiliser des différences qu’ils présupposent
comme naturelles pour masquer des différences sociales, ce que Bourdieu à appelé « le racisme de
l’intelligence », c’est-à-dire qu’ils vont parler des gens intelligents, mais ils vont oublier que cette
intelligence n’est pas de nature, mais c’est une question d’éducation et de socialisation.

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La Nature a eu toujours un principe d’organisateur de l’inclusion/exclusion, et surtout à la pré-


modernité. À cette période, la Nature a eu un principe organisateur pour la stratification en classes
hiérarchiques, et ces classes ont été comme une expression de l’ordre naturel de la société. Avec
l’arrivée de la modernité, le naturalisme perd sa centralité, mais reste présente dans la société. Par
exemple, le rhétorique naturaliste a été largement utilisée par les régimes totalitaires modernes
(Shoah). Nous avons tendance à penser que, des individus qui ne possèdent pas les propriétés
définies comme naturelles à un moment donné tendent à être traités comme des humains
inférieurs.

Pourquoi il y a-t-il alors un tel succès de l’illusion naturaliste ?

Tout d’abord, il faut savoir que la notion de la nature humaine est comme une arme de guerre
symbolique, c’est comme une idéologie, car elle sert à certains acteurs. Les lieux communs
naturalistes persistent, non en raison de leur véracité, mais parce qu’ils sont utiles à certains
acteurs. Le discours naturaliste légitime certains comportements et modes de vie, surtout ceux qui
sont déjà dans le monde. Afin de présenter quelque chose comme de « naturel », c’est le présenter
comme conforme à l’ordre du monde, à la logique même des choses. Ainsi faisant, en légitimant
l’ordre existant, le statu quo. Au contraire, si on fait appeller quelque chose comme contre-nature,
on va déligitimer ces comportements et modes de vies opposés à l’ordre existant, et on les
qualifiera comme « anormaux », « pathologiques », « immoraux », ou bien encore comme
« illogiques ».

Ensuite, il y a un mode d’appréhension du monde courant à cause de l’évidence de son « déjà-là ».


Les nouvelles générations trouvent la réalité toute construite, déjà installée. Elle devient pour elles
quelque chose de « naturel ». La réalité est parfois perçue comme irréversible, comme quelque
chose qui est là depuis toujours et pour toujours. Nous pouvons définir le naturalisme comme
l’oubli de la construction sociale de la réalité. Par exemple, les nationalistes considèrent la
nationalité comme une certaine nature, comme si elle caractérise un être humain. Ils oublient que
la nation est une invention. Le naturalisme est aussi une source d’inertie sociale, c’est-à-dire que si
le monde est comme ça, il n’est pas nécessaire d’intervenir, or nombre d’utopies d’hier sont les
évidences d’aujourd’hui. Par exemple, la scolarisation pour tous et le suffrage universel.

Finalement, nous avons recours au langage, et il réifie (« rendre en chose ») le monde et véhicule
une vision substantialiste et naturaliste du monde, car chaque substantif du vocabulaire postule
l’existence d’une substance ayant des propriétés caractéristiques irréductibles. Nous n’allons pas
chaque fois caractériser le mot « chaise » puisque nous savons déjà ce que c’est. Le langage donne
une réalité à ce qui n’est souvent qu’une abstraction, à quelque chose qu’il s’agit d’interroger. Par
exemple, la jeunesse qui en a plusieurs, même chose pour la richesse.

APPRÉHENDER DES RELATIONS, PLUTÔT QUE DES ENTITÉS

La pensée sociologique est une pensée relationnelle, c’est le fait de penser en réseaux
d’interdépendances. Le sociologue principale qui décrit cette démarche est Norbert Elias. Il

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s’opposait au modèle égocentrique de la société, au « homo clausus », c’est-à-dire une société


composée par des individus dits « isolés » et où il y a une division nette entre l’individu et la
société. La sociologie va quant à elle démontrer qu’il est impossible d’être qu’un seul individu.
Nous sommes toujours partie de réseaux d’interdépendance, de « figurations » comme Elias le dit,
même dans l’isolation sociale la plus complète. Dans la sociologie, il y a intérêt de faire tomber
l’individu de son piédestal, son individualité est toujours produite de ces figurations.

La sociologie est donc contre la cécité sociale, l’incapacité à reconnaître les relations et les
dépendances. Par exemple, la dépendance généralisée des professions spécialisées. Le simple fait
de consommer du pain nous fait dépendre des autres. Un autre exemple sont les liens anonymes
qui façonnent également nos vies. Nous ne connaissons pas personnellement notre Premier
Ministre actuel, Alexander De Croo, mais ses décisions gouvernementales façonnent nos vies.
Chaque objet ou activité incarne des longues chaînes de dépendances mondiaux. La perspective
sociologique a cet effet désamorçant : elle dévoile l’individu qui se croit unique et autonome
comme un être dépendant et social.

En résumé, nos caractéristiques sociales influencent largement nos choix et décisions individuels.
Nous pouvons dire que l’amour n’est pas socialement aveugle et c’est ce qu’on appelle
l’homogamie sociale, le fait de se mettre ensemble, de même pour les choix d’études et nos
prénoms. La sociologie est une sorte de quatrième insulte à la vanité humaine (d’apès Copernic
qui déclara que la Terre n’est pas le centre de l’Univers, Darwin qui déclara que nous n’avons pas
tant de différences avec les singes, et Freud). Elle réduit notre individualité à une expression du
monde sociale.

Ceci se passe souvent à notre insu, la société n’est pas perçue comme oppressante, car nous
désirons ce que la société attend de nous. Par exemple, les personnes de la classe ouvrière vont
plutôt se tourner vers une paire de pantalon qui dure, qui s’use très lentement.

Lorsque ce n’est pas le cas, le contrôle social est là pour nous rappeler la norme qui est un
processus de régulation qui se produit à l’intérieur d’un groupe pour rendre les comportements
conformes à un ensemble de normes.

Somme-nous alors de simples marionnettes de la société ? Non, les probabiltés ne sont pas
déterministes. Il y a toujours une marge de choix (même si ce choix est socialement coloré).

Commer Berger le déclara un jour : « La sociologie est justifiée par la conviction qu’il vaut mieux
être conscient que non conscient, et que la conscience est une condition de la liberté (...) [ce qui]
suppose une certaine dose de souffrance ».

DÉCENTRER LES PERSPECTIVES POUR DÉNATURALISER LE SOCIAL

La sociologie est un exercice de décentralisation de l’individu, elle apprend à enlever ses « lunettes
égocentriques ». Elle cherche à montrer que la société n’est pas une série de cercles concentriques
avec un « ego » au centre et permet de nous redéfinir une imagination sociologique, une capacité

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de relier des problèmes individuels aux faits ou changements sociaux. Afin de faire cela, nous allons
décentrer sa perspective, en (ap)prenant la perspective des autres, pas pour remplacer sa propre
perspective avec une autre, mais pour obtenir une défamiliarisation du monde habituel. L’enjeu de
cet exercice est d’apprendre les conditions/raisons sous-jacentes à notre perspective. La méthode
principale pour décentrer ces perpectives est la comparaison entre les phénomènes sociaux dans le
temps (comparaison historique/diachronique) et dans l’espace (comparaison
géographique/synchronique). Par exemple, la notion de la famille élargie et nucléaire (que les
parents et les enfants). Avant, on vivait avec toute la famille dans un seul endroit. À la campagne,
on a tendance à s’allier pour acheter une maison.

En ce qui concerne la nature, cette idée caractérise surtout la pré-modernité et beaucoup moins
notre expérience de la modernité. À la pré-modernité, la nature était vécue comme une limite au
futur. Par exemple, si nous étions nés noble, il n’était pas question de faire autre chose. Avec
l’arrivée de la modernité, la technologie a pris ce rôle de limite au futur et est son équivalent
fonctionnel causant une conception moderne de la nature, fortement contestée, comme une
chose à protéger face au développement technologique. L’idée de « nature humaine » ne présente
aucun fondement scientifique. Ce qui caractérise l’Homme, c’est sa capacité à sortir de l’ordre
naturel pour s’installer dans l’ordre culturel. La « Nature » même de l’homme est d’être un être de
culture.

Nous devenons des êtres de culture grâce à l’intériorisation de la culture par l’éducation et la
socialisation. L’intériorisation est la contrainte extérieure/étrangère qui se transforme en
autodiscipline, c’est une maîtrise de soi quasi-automatique. C’est une caractéristique clé d’un
processus d’apprentissage réussi. Par exemple, un enfant ne s’assoit généralement pas bien à table
mais ça s’apprend et finalement, l’enfant ne remarquera plus puisque c’est en quelque sorte
automatique. L’éducation est l’ensemble des actions pédagogiques (explicites ou non) qui
conduisent l’enfant à interioriser la culture propre à son groupe social et à son temps,
principalement par la scolarisation mais aussi par la famille. Elle a un caractère systématique et
organisé. Quant à la socialisation, elle est au contraire non-organisée. C’est une façon dont la
société forme et transforme les individus, une forme d’apprentissage très située, locale. Par
exemple, si on débarque en prison, il faudra si habituer. Elle n’est pas mutuellement exclusif avec
l’éducation, c’est-à-dire qu’en étudiant, on se socialise par la même occasion et nous apprenons ce
qu’on appelle le « curriculum caché », c’est-à-dire tous les savoirs que l’on apprend qui ne font pas
parti du curriculum officiel. Sans éducation ou socialisation, on ne découvre pas la vraie « nature
humaine » à l’état vierge mais des graves séquelles, par exemple comme l’enfant sauvage.

Les enfants sauvages est un romantisme autour des enfants élevés par la nature. Un certain
Truffaut romps avec le « noble sauvage », l’idée que les êtres humains sont fondamentalement
bons dans leur état le plus primitif. La démonstration de la « nature humaine » sans intervention de
la culture, est comme une sauvagerie.

COURS III

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AVANT PROPOS : POURQUOI LES PÈRES FONDATEURS ?

Pourquoi étudier les premiers fondements de la sociologie ? La sociologie est une « science
impossible ». Cette expression de Turner & Turner fait référence à la conflictualité de la sociologie,
c’est-à-dire qu’elle est marquée par des désaccords entre ses praticiens. La sociologie a aussi une
position particulière face à son objet d’étude face à la société. Elle se trouve dans une relation que
l’on peut appeler instable et de là, on peut parler d’une discipline incertaine. Par conséquent,
comme Manuel Valls l’a déclaré après les attentats terroristes à Paris, il ne faut surtout pas
« sociologiser », c’est-à-dire « justifier ». Enfin, la sociologie est une discipline hyperspécialisée, elle
est ramifiée en sous-disciplines thématiques « insularisées ». La sociologie n’est pas simplement
une discipline généralisée, mais elle est un ensemble de sous-disciplines qui se parlent très peu.

Quel est donc le statut des théories dites « classiques » ? Quel est le lien avec les pères
fondateurs ? Les pères fondateurs portent dans cette multiplicité de la sociologie, une unité
disciplinaire. Les pères fondateurs créent entre les sociologues un consensus autour de
l’importance des auteurs fondateurs. Il est important de les lire. Les pères fondateurs installent une
lingua franca, c’est-à-dire qu’ils établissent une thématique pour une discipline pratiquée à
l’échelle globale. Il y a une base commune. Nous pouvons donc dire que la sociologie portée par les
pères fondateurs est un corps théorique, un ensemble de texte, qui a comme fonction de résoudre
ce problème d’unité, ce manque d’unité de la sociologie. Par conséquent, ce corps théorique est un
équivalent fonctionnel au problème de référence disciplinaire

KARL MARX (1818 – 1883)

Karl Marx nous a apporté d’abord une analyse des forces qui
gouvernent le changement historique. Il va nous fournir une
analyse du changement de la société d’époque à époque. Pour
cela, il a développé une conception matérialiste de l’histoire.
Le matérialisme de l’histoire de Marx va mettre au coeur
l’économie : « l’anatomie de la société est recherché dans
l’économie ». Enfin, Marx nous a donné une théorie des
classes sociales et des rapports de classes. Les ouvrages clés de
Marx est « Le Manifeste du Parti Communiste » (1848) et « Le
Capital » (1867 – 1894).

Karl Marx était un penseur emblématique dont la résonance mondiale est inégalée, tout le monde
a entendu parler de lui. C’est une icône de la gauche, le fondement des partis socialistes, et ainsi de
l’État-providence. Le marxsisme était une apologie pour les régimes totalitaires du XX e siècle et
leurs massacres (en Chine, en Russie, au Cambodge).

L’influence de Marx illustre la « performativité » de la sociologie. Il y a une relation entre les


sciences économiques et le marché. Les sciences économiques ne font pas qu’une seule description

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de la réalité économique mais ils participent en faisant ces descriptions. La pensée sociologique
peut être malmenée contre ses intentions, et n’est pas sans conséquences.

Pour comprendre Marx, il faut surtout comprendre sa vision sur l’Homme, c’est-à-dire sa vision
anthropologique. Au coeur du matérialisme marxiste, il y a la conception de l’être humain, de
l’animal humain, comme un travailleur, un être producteur. Ce qui distingue de l’être humain des
autres animaux, c’est qu’il fabrique son monde. Pour Marx, l’être humain est un Homo Faber, il
fabrique le monde. Pour lui, l’essence d’être un être humain, c’est de travailler. C’est qu’en
travaillant que l’humain réalise son plein potentiel. Si nous ne travaillons pas, nous ne sommes pas
un vrai humain.

Marx fera une inversion de l’idéalisme qui était plus en vogue à son époque. Son maître à penser,
l’allemand Hegel, avait développé une théorie qu’on appelle idéalisme et qui a comme thème
global le développement du monde propulsé par le progrès scientifique. Marx préfère inverser
cette idée : ce n’est pas les scientifiques et les philosophes avec leurs idées qui bougent le monde,
mais c’est une réalité sous-jacente économique qui bouge le monde. Le matérialisme de Marx se
définit comme les liens économiques qui déterminent les idées des êtres humains et non pas le
contraire. Il fera une distinction entre la superstructure (la culture et les idées) et l’infrastructure
(l’économie). Cette infrastructure donnera finalement une forme à la superstructure, qui ne sert
qu’à légitimer les rapports de force économiques.

Karl Marx est l’inventeur de la notion de classe, c’est-à-dire une classification de bas en haut, d’une
formation d’une échelle allant de pauvre à riche. En termes sociologiques, on appelle ceci la
stratification à travers des inégalités. Selon Marx, « La société bourgeoise moderne, élevée sur les
ruines de la société féodale, n’a pas aboli les antagonismes de classes. Elle n’a fait que substituer de
nouvelles classes, de nouvelles conditions d’oppression, de nouvelles formes de lutte à celles
d’autrefois ». La société capitaliste reste une société de classes : elle se divise en deux grandes
classes diamétralement opposées, la bourgeoisie et le prolétariat. Elles sont diamétralement
opposées, car il y a un rapport conflictuelle. Pour Marx, « L’Histoire de toute société jusqu’à nos
jours, c’est l’histoire de la lutte des classes ». Cette division en classes, et ses rapports, sont le
résultat d’un mode de production.

Le mode de production est un concept central pour Marx. Chaque époque historique est marquée
par un mode de production, c’est-à-dire sa façon spécifique de créer de la richesse. Il se compose
de deux éléments : d’un côté, les forces de production (ou forces productives) qui répond à la
question de qui ou quoi produit la richesse. D’un autre côté, le mode de production se caractérise
par les rapports (sociaux) de production, un rapport entre qui travaille ou qui ne travaille pas. Marx
distingue trois grandes époques : l’Antiquité, la féodalité et la modernité. Pour chacunes de ces
époques, il y a un mode de production.

ÉPOQUE MODE DE PRODUCTION FORCE DE PRODUCTION RAPPORT


ANTIQUITÉ ESCLAVAGE Force humaine Maître Esclave
FÉODALITÉ SERVAGE Force humaine Propriétaires Serfs

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Possession de la terre terriens


Machines
MODERNITÉ CAPITALISME Bourgeoisie Prolétariat
Ressources naturelles

Dans le mode de production, il y a un rôle déterminant pour les forces productives, un moteur du
changement historique. Des nouvelles forces productives créent un changement de mode de
production, qui crée un changement des rapports sociaux. Chaque mode de production est un
mode de coopération (il n’y a pas d’esclave sans maître) mais aussi d’exploitation parce que les
hommes sont inégaux dans la coopération. De plus, la place des individus dans les rapports de
production est au fondement des classes sociales : soit on est priviligié, soit exploité.

L’histoire où la conception des classes a été toujours pour Marx conçue comme une question de
lutte, c’est-à-dire que le rapport de classe est toujours un élément d’un antagonisme avec un
dénouement certain. Selon sa théorie de la paupérisation, la concurrence extrême oblige la
bourgeoisie à exploiter de plus en plus le prolétariat. Cela crée les conditions d’une révolution
inéluctable. Dans cette révolution, les moyens de production seront pris aux anciens propriétaires
et donnés à la communauté, une sorte de distribution équitable entre les membres de la nouvelle
société. Par conséquent, il y aurait eu une société sans classes, basée dans un mode de production
socialiste ou communiste. La condition était d’avoir une prise de conscience du prolétariat afin de
créer une solidarité ouvrière.

En résumé, nous pouvons constater que sa prédiction était ratée. Il n’y a pas eu de vraie révolution
communiste et c’est plutôt la classe moyenne qui gouverne le monde de nos jours. De plus, la
conception de Marx est trop réductrice de la politique et de la culture (religion, famille, droit,...)
qui sont comme des simples expression/légitimation de l’ordre économique. Néanmoins, Marx a eu
un apport indispensable à la sociologie contemporaine. Il a mis en lumière l’importance des
antagonismes sociaux et du conflit comme source de changement sociétal. Il a aussi eu une
conceptualisation des relations entre les humains comme productif : « l'essence de l'homme n'est
pas une abstraction inhérente à l'individu isolé. Dans sa réalité, elle est l'ensemble des rapports
sociaux ».

ÉMILE DURKHEIM (1858 – 1917)

Émile Durkheim a tout d’abord institutionnaliser et professionaliser


la sociologie comme une nouvelle science, autonome et dotée d’un
objet et d’une méthode spécifique. Ensuite, il a montré que la
cohésion d’une société passe par l’intégration des individus et la
mise en place d’une morale s’appuyant sur des valeurs collectives.
Finalement, il a démontrer que des faits en apparence individuels –
comme le suicide – sont insérés dans un ensemble de déterminants
sociaux.

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Les ouvrages fondamentaux d’Émile Durkheim sont « De la division du travail social » (1893), « Les
règles de la méthode sociologique » (1895), « Le suicide » (1897) et « Les formes élémentaires de la
vie religieuse (1912).

DE LA DIVISION DU TRAVAIL SOCIAL (1893)

Le problème central de cet ouvrage est « Comment les hommes font-ils société ? Qu’est-ce qui
nous unit ? Durkheim répondra à ces questions en comparant la société traditionnelle avec la
société industrielle. Dans sa caractérisation de la société traditionnelle, il y a une division du travail
très limitée, tous font la même chose en même temps. Il ajoutera que le lien social est fondé sur la
similitude. Il parlera ainsi d’une solidarité mécanique et utilisera l’image des rouages d’une
machine ou d’une horloge où les individus sont comme des composants identiques. Par contre,
dans la société industrielle, tout cela va changer. Il y a une professionnalisation du travail, une
division du travail accrue. Par conséquent, tout le monde ne fait pas la même chose et il y a une
croissance de l’autonomie individuelle.

Comment comprendre alors cette société moderne ? Avant Durkheim, il y avait le courant
romantique. Avec la modernisation, il y a une destruction de la société, mais Durkheim va
contredire cette idée. Il avouera que l’estime traditionnelle est en effet bouleversé à l’ère
industrielle et qu’il y a un risque d’anomie, un risque d’une absence de règles. Néanmoins, la
société moderne n’est pas une société détruite, il y a toujours une cohésion sociétale. Il y a donc
une nouvelle forme de solidarité, dite organique, à l’image d’un organisme supérieur, comme par
exemple le corps humain, analogue à la différentiation entre organes. Plus les gens sont différents
les uns des autres, plus ils se nécessitent réciproquement. Les individus sont liés en raison de
l’interdépendance due à leur complémentarité et non à leur similarité.

Nous pouvons conclure pour cette ouvrage que la modernisation est caractérisée comme un
processus de différentition émergente. L’idée que la modernité est différente est toujours une
thématique au coeur de la sociologie contemporaine. Attention, nous parlons de différentiation et
non pas d’une désintégration sociétale. Ainsi, Durkheim est considéré comme un penseur dit
conservateur contre les conservateurs. Conservateur, car il apportait beaucoup d’importance à la
cohésion sociétale, au rôle du mariage, à l’église et à la foi. Contre les conservateurs, car il déclare
qu’il n’y a pas une désintégration sociétale, comme le romantisme le dit. Il n’y a pas un manque
mais une nouvelle forme de solidarité.

LE SUICIDE (1897)

Durkheim réalisera une étude sociologique sur l’évolution des taux du suicide comme un indicateur
quantitatif de cette crise morale, par ce changement porté par l’industrialisation. Il va l’observer
comme un phénomène qui dépasse l’ordre des problèmes strictement individuels, avec sa propre
probabilité. Il parlera de façon détachée sur cette violence douloureuse. Il caractérisera le suicide
comme un fait social émergeant de l’association entre les individus mais qui se cristallise en une
réalité sociale et est irréductible au niveau de l’individu. Le suicide est uniquement explicable par

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d’autres faits sociaux : Durkheim excluera les explications psychologiques, climatiques ou même
astronomiques. Ce n’est pas parce que nous sommes déprimés que nous allons nous suicider, ce
n’est pas parce qu’il y a peu de soleil que nous allons nous suicider, ce n’est pas parce qu’il y a une
certaine position de la Lune que nous allons nous suicider.

Durkheim, suite à son étude constatera plusieurs points. D’abord, le taux de suicides varie en
fonction de la religion, de l’état civil et de la stabilité politique : il y a plus de suicides entre les
athées et les protestants, entre les célibataires, les sans-enfants, et en temps de paix. Durkheim
déclarera que : « Le suicide varie en raison inverse du degré d'intégration des groupes sociaux dont
fait partie l'individu ». Donc, plus on vit dans un groupe fortement intégré, moins on a tendance à
se suicider ou bien, plus on est isolé, plus on a tendance à se suicider : c’est ce qu’on appelle le
suicide égoïste. Ce n’est pas une critique d’un acte « égoïste », qui ne prend pas en considération
les émotions des personnes vivantes. Durkheim veut dénoter un manque de sens collectif : le sens
de la vie ne peut être répondu que collectivement (en tant que couple, famille, communauté
religieuse, État).

Au suicide égoïste, Durkheim oppose le suicide altruïste. C’est un acte d’autosacrifice qui est plus
rare et donc moins emblématique de la modernité. Ce type de suicide est lié à un excès
d’intégration sociétale, non pas au nom d’un idéal mais par l’effacement totale de l’individu dans le
groupe. Outre à l’intégration, le taux de suicide varie aussi en fonction de la régulation social du
désir humain, du « mal de l’infini » : c’est ce qu’on appelle le suicide anomique.

Le concept Durkheimien d’anomie est une pathologie sociétale considéré comme un risque
potentiel de la division moderne du travail. Cette anomie conduit à une perte de repères pour les
individus et est un état de dérèglement, causé par une absence de régulation du désir humain.
Durkheim conceptualisera l’humain comme un être désireux. Nous avons des désirs illimités, car
nous n’avons aucune limite biologique ou mentale. Il décrira aussi une conception de la nature
humaine comme faible et malheureuse. Nous sommes incapables d’une auto-régulation et par
nature, nous souffrirons tous de « ce mal de l’indéfini ».

Puisque il n’y a rien dans son organisme qui le contient, la régulation du désir humain passe par des
normes sociales, qui stipulent ce qui peut être raisonnablement désiré. La société se tâche de la
réglementation du désir à travers l’internalisation, nous apprenons à apprécier le possible. Par
cette optique, chaque auto-régulation est l’effet d’une réglementation imposée par la société.
Quand ces normes disparaissent de façon abrupte, Durkheim parlera d’une anomie acute. Par
exemple, une prospérité soudaine et la pauvreté comme une limite protectrice. Le cas contraire est
l’anomie chronique lors d’une disparition structurelle.

Pour cette anomie chronique, il y a le divorce comme exemple. Pour Durkheim, c’est un
affaiblissement des bornes conjugales, c’est-à-dire une délimitation du désir masculin. Un
deuxième exemple est l’industrialisation et la société de consommation. Il y a création et
satisfaction des désirs (et non leur restriction) par la mode, la publicité et l’industrie. Durkheim cite

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dans son ouvrage : « Cette apothéose du bien-être, en les sanctifiant, pour ainsi dire, les a mis au-
dessus de toute loi humaine. Il semble qu’il y ait une sorte de sacrilège à les endiguer ».

Un suicide anomique est donc observé en cas d’une crise économique mais aussi en cas d’une
reprise économique. Lors d’une crise économique, nous avons une incertitude accrue alors que lors
d’une reprise économique, nous avons un surplus de moyens et nous ne savons pas quel nouveau
mode de vie allons-nous choisir. Dans les deux cas, Durkheim observe un manque de régulation. La
limitation du désir précédent, porté par la condition économique, ne correspond plus au revenu
actuel qui finit par causer une absence de repères, un désarroi des codes culturels. Il y a un
manque de nouvelles normes qui pourraient indiquer quel style de vie vaut la peine d’être
poursuivi.

Comme le suicide égoïste, le suicide anomique est opposé à un cas rare et largement théorique : le
suicide fataliste. Il est commis par « les sujets dont l’avenir est impitoyablement muré, dont les
passions sont violemment comprimées par une discipline oppressive ». Il y a donc un excès de
régulation sociale. Par exemple, le suicide rituel des esclaves.

Durkheim est un penseur « déséquilibre ». Pour éviter l’occurence des suicides, il faut que la société
ne soit pas trop cohésive parce que ça nous apportera vers un suicide altruïste, ni que soit trop
faible parce que nous aurons un suicide égoïste. La même chose pour la régulation. Dans une
société où la régulation est trop forte, ça nous amènera vers un suicide fataliste, alors que dans une
société où la régulation est trop faible, ça nous amènera vers un suicide anomique.

COHÉSION SOCIALE RÉGULATION


FAIBLE
SUICIDE ÉGOÏSTE SUICIDE ANOMIQUE
(pour une société moderne)
FORT SUICIDE ALTRUÏSTE SUICIDE FATALISTE

En résumé, il y a deux facteurs prépondérants pour Durkheim qui expliquent les différences du
taux de suicide d’une société à une autre. D’abord, la cohésion sociale, c’est-à-dire l’ordre de la
structure de la société, la force entre les individus, le niveau d’intégration sociétale. Ensuite, le taux
de régulation qui appartient à l’ordre de la culture et il y a des règles et des valeurs qui fixent des
limites aux individus. Le suicide varie en fonction inverse de ces deux variables. Par contre, il y a
quelques critiques. La distinction que Durkheim pose entre ces deux variables, entre structure et
culturel, est très artificielle. Ensuite, la conception est non fondée de la nature humaine comme
une créature déficiente. Finalement, le besoin d’une régulation sociale trahit un sociocentrisme
conservateur.

HOLISME OU INDIVIDUALISME, LA THÉORISATION DU SOCIAL

Quelle est l’utilité de la théorie ? Premièrement, pour faire parler les faits, les sociologues
développent des théories explicatives. Deuxièmement, pour savoir à quels faits s’intéresser, les
sociologues s’appuient sur des théories.

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L’holisme est une conception selon laquelle la société constitue un tout qui surdétermine les
éléments qui en font partie et dont les caractéristiques ne peuvent être déduites des
caractéristiques de ses parties.

L’individualisme se définit comme suit : pour expliquer un phénomène social, il faut retrouver ses
causes individuelles, c’est-à-dire comprendre les raisons qu’ont les acteurs de faire ce qu’ils font ou
de croire ce qu’ils croient.

Dans quelle mesure la société exerce une contrainte sur nos actions ? Si la réponse part de l’étude
du « tout » de la société, c’est l’holisme, mais si elle part de l’étude de ses « parties », c’est
l’individualisme.

Certains sociologues ont une vision de la société comme un besoin d’intégration, d’harmonie, d’une
étude de l’ordre et des normes. C’est ce qu’on appelle le consensus.

D’autres ont une vision de la société comme étant clivée, le conflit est comme un état normal,
inhérent au fonctionnement social.

COURS IV
AVANT-PROPOS : HOLISME ET INDIVIDUALISME

Pour l’holisme, la société est un tout qui est distinct de la somme de ses parties. Cette vision holiste
consiste en une conception hyper-socialisée. Les individus sont réduits à de simples agents des
processus sociaux. La cause d’un fait social doit être cherchée parmi les faits sociaux antécédents.
Expliquer le comportement d’une personne n’est pas la même chose qu’expliquer le comportement
d’un groupe. Par contre, il pourrait y avoir une réification du social, c’est-à-dire une critique
nominaliste qui est l’invention des noms sans réalité correspondante. Il pourrait y avoir aussi le
sociocentrisme ou le sociologisme, c’est-à-dire réduire chaque libre-arbitre à une expression de la
réalité sociale.

De nos jours, nous allons parler de l’individualisme. La société (pour autant qu’elle existe) est la
somme d’actions individuelles. Les individus sont cette fois-ci considérés comme des acteurs qui ne
sont ni en liberté absolue, ni en conditionnement social complet. La cause d’une activité sociale
doit être cherchée auprès des individus et leur motivations. Dans l’optique de l’individualisme, c’est
expliquer un phénomène social qui est d’abord de « comprendre » le sens que les individus
attribuent à leurs actions, « se mettre à la place des acteurs ». Néanmoins, dans cette optique, il y a
un risque de l’ethnocentrisme, c’est-à-dire, comme un certain Sumner l’a cité : « Un propre groupe
est le centre de tout, et tous les autres sont mesurés et évalués par rapport à lui ». Un deuxième
risque est l’anachronisme, le fait de prendre notre époque comme référence et d’avoir des
difficultés à se mettre à la place des personnes décédées.

L’holisme et l’individualisme sont deux paradigmes classiques bien distincts. Un paradigme est un
ensemble d’énoncés portant sur la manière dont le sociologue doit procéder pour construire une

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théorie. C’est une meta-théorie. L’holisme s’oriente plutôt vers les groupes, tandis que
l’individualisme s’oriente plutôt vers l’individu. La sociologie a aussi une troisième orientation, le
conflit (cfr. Karl Marx).

Thomas Kuhn définit le paradigme autrement : ce sont des « réalisations scientifiques


universellement reconnues qui, pendant un temps, fournissent des problèmes et des solutions
exemplaires à une communauté de praticiens ». Pour Kuhn, la sociologie n’a pas de paradigme. Il
indique un manque de consensus dans la pratique des sciences sociales, et dans la pratique
normale des sciences, il y a un monopole paradigmatique. Ces deux points sont des variables
historiques, ce sont des choses qui peuvent changer et qui vont changer.

ALEXIS DE TOCQUEVILLE (1805 – 1859)


Alexis de Tocqueville n’est pas vraiment considéré comme un précurseur de
la sociologie. Il est plus souvent associé aux sciences politiques, grâce à son
intérêt pour la démocratisation ou aux historiens, grâce à son travail sur la
Révolution Française. Il n’est pas un « sociologue » typique, car c’était un
homme politique et était un aristocrate. Il n’était pas issue de la classe
moyenne. Nous pouvons également dire qu’il avait une voix modérée, moins

conflictuel, car il a vécu les conséquences de la Révolution Française et a perdu pas mal de ses
membres de sa famille. Par conséquent, il était très peu admirateur de cette révolution.
Néanmoins, il avait une certaine connaissance intime de la machinerie du pouvoir, de l’État, car il
participait à la prise des décisions. On le considère comme un précurseur sociologique, car il est une
figure emblématique de l’individualisme méthodologique. C’était un précurseur de Max Weber et
un opposé aux perspectives de Marx et Durkheim.

Une de ses idées essentielles est la conception de la stratification sociétale plus graduelle, avec une
classe moyenne accèdant à la prospérité généralisée. En outre, Alexis de Tocqueville a souligné les
risques de la centralisation comme l’autre visage de la démocratisation et comme une menace pour
les libertés individuelles.

Ses ouvrages clés ont été « De la démocratie en Amérique, I & II » (1835 – 1840) et « L’Ancien
Régime et la Révolution » (1856).

DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE (1835 – 1840)

Tocqueville était un chroniqueur de la société démocratique en Amérique. Cet ouvrage est issu
d’une mission de travail aux États-Unis pour étudier le système pénitentiaire américain. Nous
pouvons nommer son travail comme une « futurologie » implicite, c’est-à-dire qu’il va étudier la
démocratie américaine comme une préfiguration de la société française. Cette oeuvre a été
redécouverte plusiseurs fois en plusieurs disciplines, mais cette redécouverte, déclaré par John
Elster, est toujours « entravée par l’ambiguïté constante de Tocqueville ». Cela veut dire que pas
mal de concepts de Tocqueville ne sont pas clairs quand il parle de la démocratie. Ce que

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Tocqueville racontait dans son oeuvre était un portrait en miroir de la société capitalise marxiste,
une opposition diamétrale. Cet ouvrage est le résultat d’une irritation par « les systèmes absolus »
et « les théories ennuyeuses et dangereuses » qui fleurissent de son temps.

Rappelons ce qu’est une société selon Marx. Pour lui, une société a une primauté au fait
capitaliste, la société est gouvernée par son substrat économique. Il y une émergence d’une société
capitaliste avec des traits unierselles. De plus, même en modernité, il y a toujours un rapport de
classe hiérarchisée et fixe, basé sur une différence anthropologique entre la bourgeoisie et le
prolétariat. Pour finir, les sorts du capitalisme sont gouvernés par des lois inexorables qui portent
vers la révolution, c’est la fin de l’histoire.

Néanmoins, dans l’oeuvre de Tocqueville, c’est tout l’inverse. Selon lui, il y a une primauté au fait
démocratique. La société moderne est caractérisée par un gouvernement démocratique, c’est-à-
dire qu’il y a une souveraineté détenue par l’ensemble des individus, donc il y n’y a aucun socio-
centrisme. Pour lui, la démocratie n’a aucune prétentention d’universalité, c’est-à-dire qu’il y a des
variations régionales importantes. Ce principe de démocratie n’est pas un principe de solidarité,
mais d’individualisation. De plus, elle n’a aucune loi causale mais se décrit comme un mécanisme
du changement social.

La démocratisation est vue comme une égalisation des chances. Il y a une absence de différence
héréditaire dans les conditions de vie. Tocqueville observera aux États-Unis une fin de la
conservation/concentration de privilèges dans certaines familles. La démocratisation est un
principe de mobilité sociale, c’est-à-dire que nous pouvons monter ou descendre sur l’échelle
sociale. En outre, il y a une absence de distinctions des ordres ou des classes fixes : « toutes les
professions sont honorables, c’est-à-dire essentiellement de même nature », cité par Raymond
Aron. Cependant, les inégalités persistent, notamment sur le plan économique, et sont considérées
comme le résultat de l’activité des individus qui sont fondamentalement égaux et non pas de leur
nature inégale. Par conséquent, cela nécessitera une revendication permanente de l’égalité.

La démocratie ne représente pas la fin de l’histoire. Les sociétés démocratiques sont


antirévolutionnaires, chacun y a quelque chose à perdre. Tocqueville veut rendre intelligible
l’histoire, pas la supprimer. Il s’appuie sur l’action humaine et son imprévisibilité.

Tocqueville propose une nouvelle vision sur la notion de classe qui est moins binaire, plus graduelle
et plus perméable. Dans la société aristocratique, la carrière sociale est déterminée dès la
naissance par le plan divin, c’est-à-dire la volonté divine avait designé la nature et cette nature était
considérée comme parfaite, il y avait une perfection naturelle. La société démocratique est autre
chose. Tout d’abord, il y a l’introduction et la dominance de la classe moyenne. Ensuite, il n’y a plus
d’idéologie naturaliste mais une idéologie de la mobilité sociale et cela correspond à un espoir
généralisé de perfectibilité. La dernière caractérisation d’une société de démocratisation est
l’égalisation des différences. L’employeur et l’employé sont beaucoup plus égaux que l’aristocrate
et le paysan moderne. De plus, il n’y a plus de filet de sauvetage, c’est-à-dire qu’on ne peut pas
seulement monter sur l’échelle sociale mais nous pouvons aussi y tomber.

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En conclusion, l’idée de progrès humain est consubstantielle avec la démocratie, ils vont de paire.
Par conséquent, nous pouvons définir la démocratie comme l’organisation sociale d’une idéologie.
Tocqueville est ainsi un pionnier de la sociologie de la connaissance, il va lier une forme de pensée
avec une structure sociale. Finalement, Tocqueville proposera une nouvelle désintégration
sociétale. Pour lui, l’expérience de la modernité est la séparation entre les privilégiés du passé et la
classe moyenne de la nouvelle société.

Parlons maintenant des risques de la démocratisation. Selon Tocqueville, l’égalisation induite par la
démocratisation correspond à un risque de centralisation. L’égalisation met en risque les contre-
pouvoirs (l’aristocratie, l’église, etc.) qui, dans le passé, pouvaient s’opposer au centre. Par
conséquent, le gouvernement central devient trop puissant et met en risque nos libertés civiles.
Ensuite, il y a une opposition inhérente entre deux idéaux de la Révolution Française, la liberté et
l’égalité. Dans un système de règle majoritaire, qui protégera les minorités ? Qui défendra les choix
impopulaires ? Nous pouvons dire de Tocqueville un prophète de ce qu’on appellera plus tard la
McDonaldisation du monde, comme l’a appelé George Ritzer, où il y a un risque de dominance de la
culture de masse.

MAX WEBER (1864 – 1920)


Les idées essentielles de Max Weber sont les suivantes. Tout d’abord, il
prétend une sociologie « compréhensive », c’est-à-dire une sociologie qui
essaie à restituer le sens que les acteurs sociaux donnent à leurs activités
sociales. Nous pouvons y remarquer une opposition avec Durkheim. Ensuite,
il y a une spécificité du capitalisme occidental, où nous trouverons ses
origines et ses conséquences. De même, cela est très différent avec Marx.

Finalement, Max Weber verra la modernité comme un processus de rationalisation.

Ses ouvrages clés ont été « L’Éthique protestante et l’Esprit du capitalisme » (1904) et « Économie
et Société » (1921).

ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ (1921)

« Économie et Société » a été d’abord rédigé sous forme de notes et c’est seulement après le décès
de Max Weber que cette oeuvre a vu le jour sous forme de livre.

Selon Weber, la sociologie est l’étude de l’activité sociale. Pour ce qui est de l’activité, c’est
l’intérêt pour le comportement humain. Ce qui intéresse Weber, ce n’est pas principalement les
aspects externes, la réalité physique, ce qui est perceptible de l’extérieur. Ce qui intéresse Weber,
c’est la dimension interne, le sens subjectif : les intentions, les motivations, les justifications qui
expliquent l’activité des individus. De là, nous pouvons parler de la perspective interprétative ou
heréneutique Wébérienne, d’interpréter le sens subjectif de la façon la plus adéquate possible.

Pour ce qui est du social, c’est l’intérêt pour l’activité humaine en rapport au comportement
d’autrui, une ou plusieurs personnes vivantes ou non. L’activité sociale peut être très bien orientée

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au passé, au présent ou au futur. La différence clé c’est, si ce comportement est orienté vers le
monde physique ou vers le monde composé d’autres individus. Il y a donc une exigence de
réciprocité, c’est-à-dire que ce n’est pas une activité sociale. C’est simplement une réaction au
changement du monde physique. Pour parler d’une activité sociale, il faut avoir une action et une
réaction. Donc, l’activité sociale est compris comme « agir ensemble », comme l’interaction entre
les individus. C’est le fondement de Weber de la perspective interactionniste en sociologie.

Nous pouvons donc définir l’activité comme une dénotation de chaque comportement humain
auquel la personne ou les personnes qui agissent, attachent un sens subjectif. Nous pouvons
distinguer entre deux façons de compréhension : la compréhension actuelle et la compréhension
explicative. La compréhension actuelle, c’est comprendre les sens commun général d’une activité.
Ce que la sociologie va rechercher, c’est la compréhension explicative, c’est-à-dire l’intérêt de
comprendre les intentions sous-jacents, les raisons qui agissent comme causes d’une activité.

Weber cherche à combler la lacune entre les sciences humaines et les sciences naturelles,
proposant une compréhension explicative. Selon Weber, il y a une domination de l’interprétation
dans les sciences humaines. Leur objectif, c’est de comprendre pourquoi à travers des méthodes
qualitatives. L’intérêt central de l’interprétation, c’est de faire justice aux justifications des
individus, d’avoir une interprétation « significativement adéquate ». Dans les sciences naturelles,
nous sommes dans l’optique de l’explication. L’objectif est de découvrir des chaînes causales à
travers des méthodes quantitatives. L’objectif est de montrer la probabilité d’une succession
d’événements, de montrer qu’une explication est « causalement adéquate ».

Weber décrit la sociologie comme une compréhension explicative qui est au coeur de
l’individualisme méthodologique Wébérien : « une science qui se propose de comprendre par
interprétation l'activité sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets ».
Nous pouvons y voir une reformulation du problème de référence sociologique, le problème de
l’ordre social. L’ordre social, selon Weber, découle de l’orientation mutuelle des acteurs vers le
sens ou la motivation attendue ou présumée dans les activités d’autrui. Comprendre les attentes
ne constitue aucun privilège sociologique, et le monde social est structuré par des attentes,
contrairement à la vision Marxiste ou Durkheimienne.

L’activité sociale, selon Weber, est une typologie des déterminants de l’activité sociale, divisé en
« unités cohérentes d’une adéquation significative ». Nous avons d’un côté l’activité traditionnelle
qui est motivée par l’attachement aux coutumes, aux habitudes. Elle a pour réaction du type
routinière face aux stimuli. Par exemple, manger avec des baguettes ou des fourchettes. De l’autre
côté, nous avons l’activité affective qui est motivée par l’état émotionnel de l’acteur. Elle a pour
réaction sans frein à une excitation insolite. Par exemple, se fâcher avec son enfant. La frontière
entre les deux activités est purement « flottante », y a-t-il un sens ou non ?

En opposition à deux premiers types d’activités, nous avons deux autres types qui sont bien
rationnels. La premier est l’activité rationnelle en valeur qui est motivée par la réalisation d’une
valeur et est en apparence irrationnelle, mais rationnelle dans la poursuite de cette valeur. Par

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

exemple, nous pouvons penser aux grévistes de la faim. Nous savons tous qu’il faut manger pour
survivre et ne pas manger peut paraître complètement irrationnel parce que nous nous exposons à
un risque. Finalement, nous avons aussi l’activité rationnelle en finalité qui est motivée par le désir
d’atteindre un objectif de la manière la plus efficace possible. Elle est caractérisée par l’utilisation
calculée des moyens, la centralité du calcul (l’analyse coût-bénéfice) pour décider quelle est la
meilleure option. Par conséquent, c’est une activité qui se détache de l’émotion. Par exemple, la
construction d’un pont ne demande pas d’émotions, de même pour un achat, une étude
scientifique, etc.

Dans cette typologie, nous avons une évolution socio-économique. Dans la modernité, Weber
observe un processus de désenchantement du monde, c’est-à-dire que le domaine de l’activité
sociale rationnelle en finalité se développe sans cesse, au détriment des domaines des trois autres
types d’action sociale, non pas la disparition des autres types, mais leur réduction à la périphérie.
Au coeur de la théorie Wéberienne de la modernité, nous avons une marginalisation progressive de
l’activité sociale fondée sur des valeurs, affectes ou traditions en faveur de sa rationalisation. Tous
les autres aspects de la modernité que décrit Weber découlent de cette évolution centrale.

L’activité sociale peut se diviser en idéaltypes. Un idéaltype est une postulation sélective d’une
signification non-équivoque (une intention, une motivation, ou une justification) et son
élargissement est un motif de base d’une action. Cette postulation sélective est une adéquation du
sens la plus complète possible, mais qui, précisément dans cette absolution et forme pure, ne se
produit jamais dans la réalité. C’est une abstraction strictement mentale d’un phénomène et non
pas un phénomène admirable. Étant une représentation idéale, chaque idéaltype peut être
différent de la réalité empirique où on trouve des mélanges, des contaminations, des
approximations. Nous parlons d’un idéaltype parce que c’est un outil sociologique qui sert à
mesurer la réalité empirique, est analogue à un étalon ou une règle.

L’ÉTHIQUE PROTESTANTE ET L’ESPRIT DU CAPITALISME (1904 – 1905)

L’étude sur le rôle de l’éthique protestante dans la formation du capitalisme moderne se déroule
en dialogue avec Marx. Il estime, comme Marx, qu’il est évident que les entrepreneurs se
concentrent sur les gains en capital. Par contre, Weber ne se concentre pas sur la question de
savoir qui possède ou non les forces de production. Weber met l’accent sur la rationalité qui
caractérise la recherche du profit des entrepreneurs. Par conséquent, il s’intéresse moins pour la
question des inégalités (la stratification hiérarchique). Dans cette oeuvre, nous y voyons un début
d’une nouvelle conception de la différentiation sociétale en sous-domaines ayant une propre
rationalité.

Les constats de départ de Weber sont que, premièrement, le capitalisme moderne se développe
dans les milieux de confession protestante, et deuxièmement, les catholiques participent moins à la
vie des affaires que les protestants dans l’Allemagne du XIXe siècle. De là, la thèse principale de
Weber est que certaines croyances religieuses ont déterminé l’apparition d’une mentalité
économique propice au capitalisme. Il développera ainsi deux idéaltypes : il observera d’abord une

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

orientation vers l’augmentation progressive et contrôlée des profits. Nous sommes donc dans la
rationnalité en finalité. Il observera aussi que les premiers capitalistes choisissent un style de vie
ascétique, c’est-à-dire qu’ils voudront gagner plus mais ne dépenseront pas plus. L’objectif de
Weber, c’est expliquer cette coïncidence, unique dans l’histoire, comme base de caractère
rationnel et expansif du développement capitaliste.

La question centrale de Weber est la suivante : d’où cette coïncidence, cette « puissance la plus
décisive de notre vie moderne » ? En réponse, il déclare que la coïncidence est une affinité entre
l’esprit capitaliste et l’éthique protestante, en particulier le réformisme protestant calviniste, car il
n’y a pas de médiation cléricale, le croyant est seul face à Dieu ce qui est contraire au catholicisme
où il y a une confession où nous sommes libérés de nos péchés. Dans la croyance calviniste, il y a
une forte prédestination, c’est-à-dire qu’ils croient que Dieu a déterminé à l’avance qui sera sauvé
après la mort et qui en sera privé. Ainsi, il était impossible de se purifier, de rechercher une
rédemption par son comportement : certaines personnes sont de toute façon condamnées, même
si elles mènent une vie pieuse.

Pour alléger la charge mentale des croyants, la pastorale protestante adoucissait la doctrine et la
prospérité économique devenait indice de l’élection divine : en travaillant, le calviniste obtient une
(r)assurance religieuse. Cela nous apporte à, tout d’abord, l’ascèse intramondain, c’est-à-dire que
les profits ne devaient pas être affectés au luxe ou au divertissement, ils voulaient une vie austère,
semblable au mode de vie des moines. De plus, il y a une obligation d’une dévotion totale à la
profession : dans cette religion calviniste, il y a une sanctification de la vie professionnelle. Ainsi,
s’explique le développement du capitalisme : « Si pareil frein de la consommation s'unit à pareille
poursuite débridée du gain, le résultat pratique va de soi : le capital se forme par l’épargne forcée
ascétique ».

Contre Marx, Weber portera une sociologie « compréhensive » opposé au déterminisme


matérialiste ; entre l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, il n’y a pas de stricte causalité
mais des « affinités ». Mais nous pouvons voir l’oeuvre en complément de Marx, c’est-à-dire que
l’éthique protestante est un moteur parmi d’autres du développement du capitalisme. Mais il y a
eu une émancipation du protestantisme : une fois mis en place, ce système a pris son essor
indépendamment de l’éthique protestante. Nous pouvons observer ainsi un effet pardoxal et non-
intentionnel, c’est-à-dire que le développement capitaliste suit une évolution d’une vocation
ascétique vers une condition moderne inéluctable : « Le puritain voulait être besogneux et nous
sommes forcés de l’être. »

Pour finir, la modernité est comme un processus de rationalisation pour Weber, une
rationalisation en finalité dans toutes les sphères de l’activité humaine. Nous avons une
généralisation du calcul, d’une gestion réfléchie et planifiée des ressources et de leurs effets
seondaires en vue d’atteindre un objectif. Dans la sphère économique, c’est la diffusion du
capitalisme. Les méthodes de production et de gestion sont donc rationnelles. Nous pouvons aussi
les prénommées comme une organisation « scientifique » du travail.

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

Dans les sphères juridique, administrative et politique, c’est un développement de la bureaucratie.


Il y a une émergence de règles formelles et impersonnelles, et la légitimité du pouvoir devient
légale-rationnelle, donc il y a apparition d’un déclin du charisme. La modernité, décrit comme un
processsus de rationalisation, résulte dans le constat d’un désenchantement du monde : il y a un
recul de l’activité sociale explicable par la tradition, l’affecte ou les valeurs surtout religieuses.

CONCLUSION : LES OPPOSITIONS FONDAMENTALES EN SOCIOLOGIE

HOLISME INDIVIDUALISME
CONFLIT CONSENSUS
Nous faisons un accent sur... ...les différences d’intérêts de ...des idées collectives qui font
certains groupes. l’objet d’un large consensus.
CAPACITÉ D’AGIR STRUCTURE
...la capacité d’agir des ...la détermination de celle-là
Le point de départ est...
individus en fonction de leurs par les structures sociales.
motivations personnelles.

COMPRENDRE EXPLIQUER
Dans l’étude du social
...la compréhension de ...l’explication par facteurs
prévaut...
l’intérieur. externes.
MICRO MACRO
L’orientation de la recherche et
...l’interaction à petite échelle ...les caractéristiques
de la théorie vers...
entre les différents acteurs. structurelles de la société.
CULTURE STRUCTURE
Le sociologue se concentre sur
...des idées ou des cadres de ...des structures sociales ou des
le pouvoir organisateur...
signification. caractéristiques structurelles.

COURS V
AVANT-PROPOS : MODERNITÉ COMME PROCESSUS DE DIFFÉRENTIATION

Introduisons un nouveau sociologue, le néo-Weberianiste Niklas Luhmann (1927 – 1998). Ce


dernier considérait la modernité comme un résultat d’une différentiation fonctionnelle. Il
redéfinira la rationnalité en finalité comme une question de fonction ou un problème de référence,
un problème que nous cherchons à résoudre. Selon Luhmann, c’est cette émergence du problème
de référence qui va structurer le monde. Les principaux domaines de l’activité sociale sont tous
gouvernés par leur propre rationalité et cela n’implique aucun pilotage central dans le monde (ni
dans l’État ni par l’économie), c’est-à-dire qu’aucun domaine est plus important qu’un autre. Nous
avons donc affaire à une théorisation paradoxale de l’ordre social. Selon Luhmann, il y a une
absence d’un principe ou d’un mécanisme d’intégration comme un principe organisateur. Par
conséquent, l’ordre social de la modernité est précaire, car il n’y a pas d’ordre prédéfini, et ultra-
stable, car il y a cette différentiation rationnelle qui existe.

La différentiation entre l’individualisme et le holisme, c’est aussi une discussion d’un idéal-typique
parce que cela implique une forte réduction de complexité de la pratique des sociologues et nous

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

ne trouvons pas d’applications linéaires, de vrais individualistes. De plus, la théorie sociologique


contemporaine tente de s’émanciper de ce schéma binaire. Par conséquent, le systémisme de
Luhmann est présenté comme une « troisième voie », car il ne voulait pas être classé dans la
catégorie de l’holisme et de l’individualisme.

Nous voyons également avec les caractéristiques de Luhmann, la société moderne est construite
sur une égalité des fonctions inégales. Chaque fonction est différente, innégale des autres
fonctions mais il y a une absence de hiérarchie entre ces fonctions. Si nous reprennons les mots de
Luhmann, la société est construite sur des « ordres d’auto-subtitution », c’est-à-dire qu’il n’y a
aucune fonction qui peut reprendre la fonction des autres. Le résultat évolutionnaire de la
différentiation sociétale est qu’il y a une reconfiguration de la distinction entre l’égalité et
l’inégalité. Pour ce qui est des sociétés archaïques, elles sont basées sur l’égalité. C’est-à-dire, c’est
une différentiation plus en fonctions mais en segments égaux, soit des villages égaux entre eux, soit
des clans, des familles, des tribus égaux entre eux aussi. Ces sociétés archaïques sont donc fondées
sur deux principes : la résidence (nous appartenons à un village) et la parenté (nous sommes nés
dans un clan et pas dans un autre). L’important est qu’il n’y a pas de hiérarchie entre ces principes.
Cela va changer dans les sociétés traditionnelles, les hautes cultures, c’est-à-dire les cultures qui
ont commencées dans l’Antiquité et qui ont résistées jusqu’à la modernité. La différentiation est
basée désormais sur l’inégalité. Nous allons avoir des principes de centralisation, la différence entre
le centre et la périphérie. La même chose avec la parenté, elle évoluera vers un système de
stratification, des ordres, des castes et des classes. Il y a donc une hiérarchie et d’où la
caractérisation de l’inégal.

LA SOCIÉTÉ TRIBALE

La société tribale est apparue il y a quarante mille ans avec l’émergence de l’Homo Sapiens, des
premières formes de vie. Nous allons dans cette section discuter du Paléolitique et surtout du
Néolithique. Avec l’apparition de la modernité, il y a eu une explosion démographique.

Nous pouvons observer qu’avec l’apparition de


l’industrialisation, le taux de mortalité a diminué.
Avant la modernité, le taux de natalité et le taux de
mortalité étaient élévés, c’est-à-dire qu’il y avait
beaucoup plus de naissance et beaucoup plus de
gens qui mourraient. À cause de la diminution du
taux de mortalité, il y a eu un accroissement de la
population. Du fait que le niveau de vie s’est
amélioré, il y a moins d’enfant par femme, et donc
un taux de natalité moins élevé.

Nous allons nous baser de manière matérialiste sur l’économie de la société tribale. Cette société a
une économie de subsistance, une économie qui produit de la nourriture, des habits, un abri pour

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

pouvoir survivre et dont elle n’est pas de marché. Nous pouvons diviser cette économie en trois
catégories : les chasseurs-cueilleurs, les éleveurs et les cultivateurs.

TYPE PÉRIODE D’EXISTENCE CARACTÉRISTIQUES


Petits groupes NOMADES
(clans de 25 à 50 personnes)
vivant de ce qu’ils trouvent
SOCIÉTÉS (TRIBALES) DE De – 40 000 ans à aujourd’hui dans la nature (chasse, pêche,
CHASSEURS-CUEILLEURS plantes sauvages, fruits).
SOCIÉTÉS ÉGALITAIRES (au
plan matériel).
En voie de disparition totale. FAIBLE RITUALISATION

Basées sur de PETITES


COMMUNAUTÉS RURALES
sans villes, sans État (quelques
centaines voire milliers de
personnes).
De – 10 000 à aujourd’hui

Vivent de l’agriculture souvent


SOCIÉTÉS (TRIBALES) complétée par la chasse et la
AGRAIRES cueillette.

Des INÉGALITÉS plus marquées


Font désormais partie d’entités que dans les sociétés de
politiques plus larges, difficulté chasseurs-cueilleurs (surplus,
à maintenir leur identité. importance des chefs).

RITUELS ÉLABORÉS

ÉLEVEURS : Modes principaux


de production alimentaire
De – 10 000 à aujourd’hui
reposent sur des animaux
domestiqués.
SOCIÉTÉS (TRIBALES) INÉGALITÉS MARQUÉES, chefs,
PASTORALES rituels SEMI-NOMADES : se
Font désormais partie d’entités
déplacent une partie de
politiques plus larges, modes
l’année pour trouver de
de vie traditionnels menacés.
nouveaux pâturages pour leurs
animaux.

À propos de la typologie des sociétés, c’est une idéalisation de la réalité. Nous accentuons sur des
traits principaux, surtout sur les modes de production. Les différences en réalité sont moins
marquées que cette typologie et nous avons un continuum avec des états intermédiaires. En outre,

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nous avons une évolution sociétale, mais une perspective non-évolutionniste et elle n’est pas une
théologie. Pour finir, il n’y aucune hiérarchie : les sociétés « autres » sont différentes de la nôtre.

LES SOCIÉTÉS DE CHASSEURS-CUEILLEURS

Les sociétés de chasseurs-cueilleurs sont des sociétés nomades


ou semi-nomades : ils vivent de la cueillette, de la chasse, de la
pêche, de l’élevage et de l’horticulture. Ils n’ont pas d’État, ont
une économie du don, leurs rituels se reposent sur un modèle
culturel mythique, une mentalité animiste et leur culture n’est
pas encore écrite mais se base sur des oraux.

En outre, leurs sociétés sont généalogiques : la parenté est au centre des rapports sociaux.
L’identité et le rôle de chacun dans la hiérarchie sociale sont définis par la place de la filiation. Leur
économie est de subsistance : ils ont une accumulation matérielle limitée et leurs sociétés sont
strictement égalitaires au plan matériel.

Leurs croyances sont basées sur le culte des ancêtres. Ils ont, d’une part, une
croyance animiste, c’est-à-dire que l’exprit des ancêtres est en toute chose. Par
exemple, si nous mangeons une soupe et qu’elle n’est pas bonne, selon les
croyances des chasseurs-cueilleurs, ce n’est pas parce que nous avons mis peu de
sel dans cette dernière mais c’est parce que l’esprit d’un de nos proches est parmi
nous. D’autre part, ils ont une croyance totémiste, c’est-à-dire que leur pratique
associe un ancêtre animal, mythique, à chaque clan.

Une économie de subsistance est une société frappée par la pauvreté, des misères chroniques et
une lutte pour la survie. Selon Sahlins, un autre sociologue, ces sociétés n’ont pas ce type
d’économie, car leur quête de nourriture n’occupe en moyenne que quatre à cinq heures par jour
et peuvent donc avoir des loisirs à côté assez abondants. Ils ont ainsi des besoins énergétiques
couverts.

L’économie de subsistance est une représentation erronée, ethnocentrique et anachronique. Au


final, ce sont des sociétés aux besoins limités par rapport aux nôtres.

Sont-elles alors des sociétés idylliques ? Non, car elles ne sont pas exemptes de violence, de guerre,
de domination masculine, d’anthopophagie,... .

Les chasseurs-cueilleurs actuellement sont moins de 250 000 personnes dans le monde (0,001% de
la population mondiale). Par exemple, les San/Bochiman qui se trouvent dans l’Afrique australe,
dans le désert du Kalahari.

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LES SOCIÉTÉS DE CULTIVATEURS ET D’ÉLEVEURS

Les sociétés de cultivateurs et d’éleveurs sont apparues à la


révolution néolithique, une révolution agricole, un
changement fondamental dans la vie des groupes humains
avec l’apparition de l’agriculture et de l’élevage. L’agriculture
s’accompagne de la sédentarisation et permet le
développement d’autres types de sociétés tribales.

Les sociétés de cultivateurs et d’éleveurs sont des sociétés sédentarisées, qui restent sur place,
avec des groupes plus grands et une accumulation des biens beaucoup plus importantes. Elles
deviennent également des sociétés inégalitaires : l’économie de subsistance change en une
économie de production, et le stockage est une condition d’apparition des inégalités. Ces sociétés
sont aussi proto-étatiques, c’est-à-dire qu’il n’y a pas encore un État tel quel, mais il y a des
chefferies : être chef, c’est avoir des choses alors que si nous ne les avons pas, nous ne sommes pas
chef. Il faut aussi accumuler du prestige et de l’honneur.

Leur économie est basée sur le don qui est à distinguer du troc. C’est un mode d’échange où les
objets de valeur ne sont pas négociés ou vendus. Il n’y a donc pas d’accord explicite pour des
récompenses immédiates ou futures.

Pourtant, le don ne va pas se développer dans la liberté et la générosité. Marcel Mauss, un


anthropologue, donne l’exemple significatif du potlatch. C’est un mot qui provient de la côte Nord-
Ouest de l’Amérique, de la tribu Kwakluti, et qui signifie « nourrir » ou « consommer ». C’est
l’organisation d’un grand festin ou une cérémonie au déroulement codifié au cours de laquelle les
chefs faisaient la démonstration publique de leur générosité. C’est une forme pacifique de
compétition et un moyen d’exercer une influence politique.

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Le don oblige donc, premièrement, de donner. Pour affirmer son rang, le chef doit dépenser ses
biens et en donnant, il reçoit du prestige. Deuxièmement, le don oblige de recevoir. S’il y a un refus
de participation d’un clan adversaire, cela signalerait leur impossibilité de rendre. Troisièmement,
nous sommes obligés de rendre. Afin d’être digne, il faut organiser un potlatch d’une valeur
équivalente ou supérieure pour ne pas perdre la face.

Ainsi, le don est une manière d’exercer le pouvoir. Le don et le contre-don est un mécanisme
central dans la création des alliances et des collaborations entre les clans et les tribus. C’est
également un moyen de conjurer la guerre. Nous pouvons conclure que la norme de réciprocité est
fondamentale, car elle a pour fonction de maintenir l’égalité entre les différents segments
sociétales. Les sociétés pastorales et agraires existent toujours, notamment les Maasaï au Kenya et
en Tanzanie.

LA SOCIÉTÉ TRADITIONNELLE

Les sociétés traditionnelles sont les premières civilisations. Par exemple, l’Égypte Antique, la
Mésopotamie, la Grèce Antique, l’Antiquité romaine, mais aussi la Chine, l’Inde et les Amériques
centrale et latine.

Les sociétés traditionnelles sont des sociétés paysannes et non plus agraires. Une minorité a une
propriété foncière, c’est une économie de dette et non plus de subsistance, et il y a une
accumulation des biens à travers l’imposition tributaire à cause de l’impôt, voire la spoliation, et
l’esclavage. Nous avons dans ces sociétés une croissance démographique avec une population
beaucoup plus importante mais reste modeste par rapport à aujourd’hui. Des villes font également
l’apparition et sont considérées commes des centres de commerce et de production. Les sociétés
traditionnelles sont sous l’autorité d’un état : ce sont notamment des états despotiques et
impérieux basées sur la conquête militaire.

Nous pouvons ajouter que ces sociétés traditionnelles sont des sociétés d’ordres, de castes ou de
classes. De cette manière, de grandes inégalités apparaissent, organisées en strata. Ces inégalités
sont codifiées à travers l’étiquette et nous appercevons une orientation sociétale vers la
reproduction des distances sociales entre strata. Nous pouvons donc dire que c’est l’apparition des
premières « civilisations », car il y a une émergence et une centralité de l’écriture avec la
mémorisation des mythes (audition) et par conséquent, la naissance de la philosophie, de la science
et de l’histoire (vue). Une grille religieuse s’installe de lecture de la réalité sociale.

CONCLUSION : RETOUR À LA MODERNITÉ

La modernité est apparue en quelque sorte grâce à l’industrialisation, c’est-à-dire, l’accent passe de
la production alimentaire à la production de biens manufacturés. La production alimentaire étant
réalisée à l’aide de machines, on produit de plus en plus vite et la productivité est plus importante
mais les travailleurs sont moins qualifiés. Lors de la modernité, il y a eu une explosion
démographique : la population est d’une taille encore plus importante et l’industrialisation nous a

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conduit à l’urbanisation, c’est-à-dire une concentration de la population dans les villes. En ce qui
concerne les inégalités sociétales, les positions sociétales sont l’enjeu de compétition sociale ce qui
amène à un hors contrôle, c’est-à-dire que ces inégalités ne sont plus le sujet principale de
l’organisation sociétale. L’objectif de la modernité, c’est de ne pas reproduire les inégalités
existantes.

TYPE PÉRIODE D’EXISTENCE CARACTÉRISTIQUES


 Production industrielle et
libre entreprise ;
Les PAYS DÉVELOPPÉS (le «  Majorité de la population vit
Premier monde ») en ville ;
Du 18e siècle à aujourd’hui  Importantes inégalités
[l’Occident et Japon, Australie, (moins structurés cependant
Nouvelle Zélande] que dans les sociétés
traditionnelles) ;
 États-nations.

 Production industrielle, mais


système économique
Les PAYS COMMUNISTES (le «
centralisé et planifié ;
Deuxième monde ») Début 20e siècle (révolution
 Majorité de la population vit
russe de 1917) au début des
en ville ;
[Union soviétique et Europe de années 1990
 Persistance d’inégalités
l’Est]
sociales ;
 États-nations.

 Majorité de la population
travaille dans l’agriculture,
Les PAYS EN DÉVELOPPEMENT en usant de méthodes de
(le « Tiers-monde ») production traditionnelles ;
Du 18e siècle (essentiellement
 Une partie de la production
en tant que colonies) à
[Chine, Inde et la plupart des agricole vendue sur les
aujourd’hui
pays africains et sud marchés mondiaux ;
américains]  Libre entreprise dans
certains pays, économie
planifiée dans d’autres.

 Pays en développement
maintenant basés sur la
Les NOUVEAUX PAYS production industrielle et
INDUSTRIALISÉS libre entreprise ;
 Majorité de la population vit
Des années 1970 à nos jours
[BRICS, mais aussi Mexique, en ville ;
Hong Kong, Corée du Sud,  Inégalités de classe très
Singapour, Taïwan…] fortes (plus prononcées que
dans les pays développés) ;
 Revenu moyen par habitant

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

beaucoup moins élevé.

En conclusion, les sociétés prémodernes sont des cultures dans lesquelles la nature et la société
sont encore mélangées, exprimées dans des croyances tribales et non-scientifiques. Tandis que la
société moderne, c’est la séparation finale entre la nature et la société, à travers une rationalisation
(même scientification ou instrumentalisation) du monde.

Selon Bruno Latour, le modernisme est un mythe de pureté, c’est-à-dire que la société moderne
essaie de se raconter une histoire et elle évacue la nature de la société, une nette distinction entre
le sujet et l’objet. Nos problèmes contemporains, par exemple la pandémie et le changement
climatique, ne sont ni naturels ni sociaux, mais ont toujours une forme hybride des deux.

Pour finir, Latour dépose un bilan post moderne qui se veut « a-moderne ». Il y aura une implosion
des schémas culturels établis et Latour fera attention aux collisions entre les affirmations de pureté
comme la rationalité et la science, et l’hybridité des pratiques et des discours. Au lieu du relativisme
des post-modernes, Latour privéligera l’activisme.

COURS VI
AVANT-PROPOS : MODERNITÉ ET PRÉMODERNITÉ (voir cours V)

Par exemple, la pandémie est considérée comme une hybridation à l’échelle globale entre la
nature et la société, entre un virus biologique et les mesures pour le combattre, ou bien entre une
maladie et la réaction des différents domaines de la sociétés. C’est aussi un moteur de nouvelles
alliances hybrides entre les sujets vivants et les objets inanimés. De nos jours, la vie
contemporaine est impossible sans les masques, le gel désinfectant, les plateformes ICT, etc. C’est
aussi une hybridation entre les valeurs et les faits, entre l’intérieur et l’extérieur du laboratoire,
entre l’échelle micro- et macro-.

Ce que Latour considère comme un mythe, c’est l’idée qu’une telle pureté moderne est possible :
une société libre de son environnement naturel et un sujet, bien distingué des objets qui
l’entourent. Non pas que la société moderne fasse tout ce qui est en son pouvoir pour réaliser ces
nettes distinctions. C’est exactement cette tendance (et ses conséquences néfastes) qui défini la
modernité, notamment à travers une « économisation » : le « formatage » de la multitude des
relations nécessaires à la continuation de la vie.

LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

La révolution industrielle a été le plus grand bouleversement depuis la révolution néolithique.


Comme Marx et Engels l’ont déclaré : « Tout ce qui était solide, bien établi, se volatilise ». Nous
avons eu une expérience de la modernité comme un ébranlement des institutions. Les professions
sont désormais sans vocation, tout le monde est salarié. Il y a également une colonisation
monétaire, c’est-à-dire qu’il y a réduction de la famille à un rapport d’argent.

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

Il y a aussi une émergence d’une nouvelle classe industrielle, la bourgeoisie. Il y a donc un nouveau
rapport de classe qui est le moteur de la diffusion mondiale de la production/consommation
industrielle. La révolution industrielle est marquée par la recherche de la nouveauté et d’un
bouleversement de la production. Le trait distinctif est : « la permanence de l’instabilité et du
mouvement ». Il y a une absence de stabilité et donc du nécessaire.

Comme dit précedemment, la révolution industrielle a été le plus grand bouleversement depuis la
révolution néolithique. Elle a été diffusée plus vite que celle du Néolithique et a débuté au XVIII e
siècle, en pleine vigueur depuis le XIXe siècle. Elle a été le fruit des surplus agricoles, de la
centralisation politique, mais avant tout des achèvements technologiques.

TROIS RÉVOLUTIONS INDUSTRIELLES


Ce sont des époques définies par des « grappes d’innovation », selon
TECHNOLOGIE
Schumpeter.
Il y a de nouveaux procédés de fabrication et d’organisation dont les
PRODUCTION
nouveaux marchés.
COMMUNICATION Il y a une nouvelle mobilité des personnes, des messages et des biens.

L’industrialisation est un processus qui s’appuie sur un ensemble d’innovations techniques. Elle a
été nommée l’ère de la vapeur, une grappe d’innovation autour de la machine à vapeur de James
Watt en 1769.

L’industrialisation a été une révolution sur le plan de la communication. Le transport a été


révolutionné avec le bateau à vapeur en 1803, la locomotive à vapeur en 1804 et l’émergence des
réseaux ferroviaires en 1840. Ceci a été lié aux progrès dans la métallurgie et la sidérurgie. Au
niveau plus sociologique, il y a eu une migration des populations, c’est-à-dire qu’il y eu un exode
rural et une urbanisation. En cent ans, la population urbaine au Royaume-Uni a augmentée de 20%
à 74% et Londres croît de 1,1 à 7 millions d’habitants. Du côté des États-Unis, il y a eu une
permanence coloniale accrue au détriment de la population autochtone.

L’industrialisation a été une révolution sur le plan de la production, c’est-à-dire qu’il y a eu


mécanisation, surtout du textile en usine.

FLYING SHUTTLE SPINNING JENNY SPINNING MULE


WATER FRAME (1768)
(1733) (1764) (1775)

32
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Il y a une modification fondamentale des rapports sociaux : un déclin de l’artisan s’installe en


faveur de la distinction entre les propriétaires et les ouvriers des usines, et il y a une ségrégation
en cités ouvrières aux abords du centre industriel, une division spatiale entre les classes sociales.

DE L’OUTIL À LA MACHINE

Le machinisme est le passage de l’énergie musculaire à l’énergie inanimée grâce à la vapeur, et


d’un outil prolongeant la main à un outil relativement autonome. Les séquences de travail sont
presque autonomes, les enchaînements mécaniques sont réalisés par engrenages, et c’est le
remplacement de l’homme entier et non pas seulement sa main.

DE L’ARTISAN À L’OUVRIER

Ce machinisme modifie le statut du travail humain. Les ouvriers ne suivent plus l’ensemble du
processus de production, mais seulement une étape. Au lieu d’un artisan, responsable de toutes les
étapes de la production, il l’apparition de nouveaux emplois : le fileur qui ne fait marcher que la
machine à filer ; le chauffeur qui charge la chaudière, le tisserand qui tisse ; le blanchisseur qui ne
fait que blanchir les tissus. Par conséquent, il y a une parcellisation et une spécialisation du travail.

CONSÉQUENCES DE LA DIVISION DU TRAVAIL


Avant l’industrialisation, l’artisanat était présent et était
un savoir-faire appris en corporations. Des associations
professionnelles établissaient des règles pour leur
métier et réglementaient la vente des marchandises.
C’est ce qu’on appellait le monopole commercial. Leur
DÉQUALIFICATION mode formel d’apprentissage était que chaque maître
1
PERTE DE COMPÉTENCES avait son compagnon du métier, son apprenti.
Avec l’arrivée du machinisme, il y a eu une diminution
de la formation professionnelle et les ouvriers sont
devenus interchangeables avec l’inclusion des femmes
et des enfants. Par conséquent, il y a eu une
homogénéisation de la classe ouvrière.
Lors de la première vague au XIXe, une pénibilité des
conditions de travail s’installe : des corps ont été obligés
à « travailler côte-à-côte et pêle-mêle ».
Lors de la deuxième vague au XX e, la rationalisation du
2 PÉNIBILITÉ DU TRAVAIL MACHINALE travail porte vers son atomisation, la monotonie et la
perte de projet (« travail en miettes »). Le paradoxe
dans tout cela est que la croyance dans le progrès
matériel va de pair avec une déterioriation des
conditions de travail.
Il y a instrumentalisation du travailleur, car les
machines deviennent plus autonomes et les travailleurs
3 LA PERTE DE SENS moins autonomes.
Le travailleur est réduit au rouage (interchangeable)
dans la machinerie. Il y a donc une déshumanisation du

33
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travail.
L’ouvrier est étranger à son propre travail et donc à lui-
même comme Marx l’avait déclaré, c’est l’aliénation. Le
paradoxe est que ce qui va structurer la vie sociale est
aussi le lieu où l’homo faber fait l’expérience d’un vide
de sens.

LA RÉSISTANCE AU MACHINISME

Un mouvement de proteste, le Luddisme, est survenu en 1812 au Royaume-Uni contre la


mécanisation du textile artisanal à la suite de Ned Ludd, un tisserand qui aurait brisé pour premier
des machines de tricot dans un « coup de passion ». Ce mouvement a été la première forme de
lutte ouvrière où des mécontents ruinés ou mis au chômage par la révolution industrielle se sont
rassemblés.

LE TAYLORISME

Le taylorisme est une formalisation de la spécialisation de travail. F. W. Taylor crée l’organisation


scientifique du travail (O.S.T.). Son principe central est la distinction tranchée entre la gestion/la
conception et l’exécution. Il y a également une conjugaison idéale entre la machine et l’homme :
une décomposition du travail en éléments simples apparaît, il y a suppression de tout geste inutile
et il y a un chrométage pour tester l’efficacité. Les conséquences de la division du travail ont été la
déqualification, la perte de compétence, une conscience de classe en gestation, et la pénibilité et la
perte de sens de travail.

LE FORDISME

H. Ford a été le constructeur des voitures américaines. Nous sommes passés d’un secteur
automobile artisanal, avec des tâches complexes et variées, vers le travail à la chaîne vers des
produits fabriqués mécaniquement et identiquement : c’est ce qu’on appelle la standardisation du
produit. Une chaîne d’assemblage apparaît : il y a un ajout du transport mécannisé des pièces
grâce à un convoyeur, la vitesse de travail est standardisé, et les machines sont à usage très
spécifique avec des ouvriers non-qualifiés. Enfin, une nouvelle politique salariale s’installe, c’est-à-
dire qu’il y a une augmentation du salaire. De ce fait, l’ouvrier devient consommateur, il y a une
maximalisation de la consommation, outre que la production. Par conséquent, il y a une
augmentation de la motivation, de la loyauté et surtout du débouché pour les voitures.

LE CAPITALISME INDUSTRIEL

La révolution industrielle est allée de pair avec le développement du capitalisme. La machinisation


est un facteur de développement du capitalisme industriel à cause de la concentration du capital
nécessaire : il y a l’invention de la société nominale (un partage de dépenses), de la société par
actions (un partage des moyens), et du crédit d’investissement. Mais entre la société industrielle et
la société capitaliste, il y a une distinction importante : le capitalisme existait avant la révolution
industrielle et il existait des sociétés industrielles non-capitalistes, comme par exemple la Russie.
34
VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

LE CAPITALISME

DÉFINIR LE CAPITALISME

Le capitalisme est une forme d’économie décentralisée, l’État la dirige. L’équilibre de la production
et de la consommation est réalisé dans un marché concurrentiel, les marchandises s’échangent sur
les bases de la propriété privée et de la liberté d’entreprise. Nous pouvons considérer le
capitalisme comme un système social particulier, un mode de production historique qui se définit
par la structure de ses rapports sociaux : il y a une opposition entre le capitaliste, détenteur des
moyens de production, et l’ouvrier, détenteur de sa seule force de travail. En outre, une relation
s’incarne dans le salariat, un contrat « formellement libre ».

Selon Weber, le capitalisme est une rationalisation de la vie économique. Une


centralité du calcul s’installe avec la discipline, l’accumulation réglée et la gestion
des moyens. Des institutions sociales correspondantes apparaîssent, notamment
MAX WEBER
la distinction entre la vie professionnelle et privée, des règles comptables et une
régulation de la propriété. Il y a également un détachement entre le capital et la
personne notamment avec l’institution des banques et des sociétés par actions.

Selon Marx, le capitalisme est une accumulation du capital qui devient elle-même
sa propre finalité. Nous employons le capital avec pour objectif son auto-
expansion (comme Wallerstein l’a déclaré). Nous avons un investissement du
surplus pour un tier profit et aucune satiété, nous avons un asservissement de
KARL MARX l’environnement social et naturel, et nous avons une intégration envahissante à
travers la monétarisation et la logique de consommation : il n’y a pas seulement
du capitalisme dans la sphère de l’économie, mais aussi dans celle du travail, de la
science, l’éducation, de la culture, etc. Comme Habermas l’a cité, il y a une
« colonisation du monde vécu » par le marché.

Selon Schumpeter, le capitalisme est un système de production-circulation-


consommation, propulsé par l’innovation appelée la création destructive. La
caractéristique du capitalisme n’est pas l’accumulation de profits, ni sa dissipation
constante au nom de l’innovation. L’entrepreneur est au centre : il a un esprit
SCHUMPETER
d’invention, un appétit de risque et est créateur des nouvelles possibilités. La
caractéristique du capitalisme n’est pas l’équilibre du marché libre, mais
l’instabilité continue d’un système concurentiel entre les firmes : nous avons un
libre accès sur le marché et un respect du cadre juridique.

LES EFFETS DU CAPITALISME

Pour les économistes, les libéraux, le capitalisme est un système de production de richesses, axé
sur le profit et régi par les lois inexorables. Pour les sociologues, par contre, le capitalisme est
considéré comme un système sociale, basé sur un mode de production historique et défini par la
structure de ses rapports sociaux. Comme nous l’avons vu précédemment, Marx établi un rapport
de classe qui structure par opposition la classe propriétaire des moyens de production et la classe

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

ouvrière sans la possession outre sa force de travail. Nous avons un rapport salarial entre les deux
classes.

RAPPORT SALARIAL : UNE LIBERTÉ FORMELLE

Selon Marx, il y a une constante historique : une exploitation et une soumission aux intérêts de la
classe dominante se met en avant. Pour lui, il n’y a aucun progrès social et il y a une dépendance
continue des conditions imposées par la bourgeoisie.

Le contrat de salaire est une reproduction d’inégalités. En théorie, nous avons une négociation
libre entre les égaux mais en pratique, une relation de subordination économique exige
l’acceptation des conditions fixées par le patron. Ceci est informé par la réception des premiers
travaux économiques de Ricardo et de Smith. Le patronat considère les salaires bas résultat
« naturelle » des lois du marché libre. Le salaire est également exacerbée par l’entrée des femmes
et des enfants sur le marché du travail, qui accroît l’offre au-delà de la demande.

CONCLUSION

Le capitalisme est donc un producteur de richesse, mais aussi d’inégalités qui ont fait l’objet de
contestations tout au long de son histoire avec la lutte ouvrière et syndicaliste, et les courants
socialistes. Un problème se pose : qu’est-ce qu’une juste répartition des richesses ?

La plus-value est une source d’écart entre les riches et les pauvres. Lorsque le travail de plusieurs
personnes est organisé de manière rationnelle, le résultat global est supérieur à la somme de ce
que chacun aurait produit s’il avait travaillé seul. Par exemple, dressé un obélisque par 200
grenadiers en un jour n’est pas la même chose qu’il soit dressé par un seul grenadier en 200 jours.

LA PLUS-VALUE, SOURCE D’ÉCART ENTRE RICHES ET PAUVRES

La plus-value est la différence entre la quantité de valeur ajoutée par le travailleur à la marchandise
initiale et la valeur de la force de travail nécessaire, le coût de travail. Elle est accaparée par
l’employeur, engendrant ainsi l’antagonisme entre les classes, et est renforcée par la mécanisation
du travail.

LES PRINCIPES DE BASE DU CAPITALISME

Nous avons une priorité des droits civils et


PRIORITÉ DU PRINCIPE D’ACCUMULATION SUR politiques sur les droits sociaux. De manière la
CELUI DE RÉPARTITION plus générale, nous avons une priorité de
l’économique sur le social.
Nous avons une baisse des profits qui engendre
la stagnation et le recul des droits sociaux. Vice
RELATION ENTRE LES PROFITS ÉCONOMIQUES versa, nous avons une hausse de profits qui ne
ET LES DROITS SOCIAUX produit pas automatiquement une production
des droits sociaux. Nous avons donc besoin de
l’interventionnisme comme correctif nécessaire.

36
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Ce dernier est défini par l’intervention syndicale


pour une pacification sociale : c’est un correctif
pour les inégalités creusées par le capitalisme et
favorise paradoxalement la poursuite du
capitalisme en contrabalançant sa tendance
autodestructrice.

LA QUESTION SOCIALE

La question sociale est celle de la misère, de la pauvreté des classes laborieuses. La pauvreté est
une menace pour l’ordre politique et moral. Le prolétariat est perçu comme une « classe
dangereuse » et risque de faire éclater la société libérale.

Il y a eu des essais de contrôle et de pacification à travers l’éducation ouvrière avec la moralisation


des masses, et à travers la reconnaissance progressive des droits sociaux et du droit du travail avec
le droit de grève installé en 1921 en Belgique. La question sociale soulève la question de la
cohésion et de la paix sociale dans une société capitaliste qui nécessite le droit social pour réguler
le capitalisme, et les transferts sociaux sont une condition minimale de légitimité du capitalisme.

DU MODÈLE PRODUCTIVISTE EU MODÈLE CONSUMÉRISTE

Le capitalisme industriel du XIXe siècle est fondé sur un modèle productiviste : la captation de la
plus-value au bénéfice de la bourgeoisie. Au XXe siècle, à partir de 1908 se développe un nouveau
modèle, de type consumériste : il faut élargir des marchés de biens industriels à toutes les couches
de la population afin d’écouler la production et nous basculant de la force de travail au pouvoir
d’achat.

COURS VII
AVANT-PROPOS : PREMIÈRE ET SECONDE MODERNITÉ

PREMIÈRE MODERNISATION

La première modernisation est l’évolution de la société traditionnelle (ou agraire) vers la société
industrielle. Lors de cette évolution, il y a une sécularisation, c’est-à-dire que la religion perd une
place importante dans la société. De plus, il y a une dissolution de la société des rangs en une
société de classes et les identités sont de gendres modernes biens distincts.

DEUXIÈME MODERNISATION

Lors de la deuxième modernisation, une dé-traditionalisation se met en place. Les institutions et


les traditions de la société industrielle perdent leur évidence, leur allant-de-soi : il y a une
« liquidation » des identités, selon Bauman, de gendre ou de classe par exemple. Durant cette
deuxième modernisation, le monde est une « société du risque » selon Beck : nous avons une
conscience accrue des risques du développement scientifique et technologique. Par conséquent, il y

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

a donc une prise de conscience verte comme un évitement du risque d’une catastrophe globale.
Enfin, il y a une mondialisation d’une (première) modernité encore cloisonnée en états-nations.

LE CAPITALISME CONTEMPORAIN : ÉVOLUTIONS, ENJEUX ET FUTUR

DU MODÈLE PRODUCTIVISTE AU MODÈLE CONSUMÉRISTE

Le capitalisme industriel du XIXe siècle est fondé sur un modèle productiviste. Une appropriation de
la plus-value s’installera au bénéfice de la bourgeoisie. Pour rappel, la plus-value est la valeur qui va
être ajoutée au cours du travail grâce au travail de tout le monde. De ce fait, Marx s’était
totalement opposé à ce système capitaliste. Par conséquent, une misère du prolétariat apparaît,
car toute la plus-value va à la bourgeoisie et non pas au prolétariat.

Au XXe siècle, à partir de 1908, se développe un nouveau modèle, de type consumériste et où le


fordisme prend place. Il y aura donc une augmentation des salaires et un élargissement des
marchés de biens industriels qui se mettra en place à toutes les couches de la population afin
d’écouler la production.

NAISSANCE DE LA SOCIÉTÉ DE LA CONSOMMATION

La société de la consommation est non seulement rendue possible par la technologie et la nouvelle
organisation de travail, mais aussi promue par le développement du crédit à la consommation
(VISA, 1958), et l’industrie culturelle et la publicité avec la création d’un nouveau imaginaire
collectif (« The American way of Life ») autour de la vie moderne et ses conforts.

« Les trentes glorieuses » (1945 – 1973) a été l’apogée de la société de la consommation. Des
politiques interventionnistes s’installent avec la régulation des marchés et la redistribution des
richesses, nous voyons une augmentation du pouvoir d’achat et une expansion de la classe
moyenne.

Il y a une fin de l’éthos capitaliste entendu comme une ascèse protestante : l’hédonisme s’installe
au lieu de la sobriété et de l’économie, même si la rationalisation du travail demeure.

Grâce aux sociétés de la consommation, les industries du « bien-être » naissent et sont orientées
vers les conforts ménagers avec la généralisation de l’utilisation du réfrigérateur, de la machine à
laver, etc. Depuis les années ’60, le bien-être spirituel apparaît qui est une invention du bien-être
par la contre-culture. Il y a de nouvelles idées de soins et de thérapie, liées aux aspirations
spirituelles de l’époque, qui vont contribuer à la commercialisation des nouveaux besoins
immatériels.

LA DEUXIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

Lors de la deuxième révolution industrielle, il y a l’apparition de nouvelles sources d’énergie


comme le pétrole et l’électricité, de nouveaux modes de communication (à longue distance)
comme le télégraphe et le téléphone, et de nouveaux modes de déplacement comme la voiture à

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

« moteur ». Par conséquent, il y a une construction de réseaux routiers et la voiture est à la fois un
objet emblématique de la deuxième révolution industrielle et de la consommation de masse.

UNE TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE ?

Selon le futurologue Jeremy Rifkin, il pose comme hypothèse comme quoi il y aurait une troisième
révolution industrielle. De nouvelles sources d’énergies apparaîssent petit à petit avec les sources
renouvelables, propres et sûres, et de nouveaux modes de communication aussi avec la
digitalisation à travers Internet, le Web 2.0., la téléphonie mobile, etc.

Nous avons donc un nouveau modèle économique qui s’installe : nous basculons du modèle
consumériste, basé sur une maximalisation de la consommation, vers un modèle
collaboratif/contributif.

ÉMERGENCE D’UN NOUVEAU MODÈLE COLLABORATIF

Ce nouveau modèle collaboratif est non seulement basé sur la production ou la consommation,
mais sur la collaboration et l’échange. Nous passons d’un mode d’organisation verticale
(hiérarchisée) vers des réseaux horizontaux entre les pairs. Par exemple, les réseaux décentralisés
d’énergie solaire. Les personnes qui possèdent des panneaux solaires constituent ensemble un
réseau entre les pairs.

Les consommateurs deviennent leur propre producteur et/ou distributeurs des biens et services.
Comme Toffler le dit, il y aune émergence du « prosommateur » : nous sommes
producteur/professionnel et consommateur à la fois.

LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE COMME FORCE PERTURBATRICE DU CAPITALISME

Selon Rifkin, la révolution numérique est considérée comme une force perturbatrice du
capitalisme. La numérisation fait effondrer le coût de production et il y a une distribution des biens
immatériels dans les industries créatives. Pour ce futurologue, le même sort attend les biens
matériels et l’énergie grâce à la réduction du coût marginal (à zéro). Ce dernier est le changement
du coût qui se manifeste lorsque la quantité produite est augmentée d’une unité. Les énergies
renouvelables seront inépuisables et moins chères lorsque les coûts d’installation seront absorbés.
De même avec les biens matériels, il y aura une impression des objets à coût minimale grâce à
l’imprimante 3D.

Si la numérisation fait effondrer le coût marginal, qui voudra encore assurer la production ? Quel
est l’intérêt pour l’entrepreneur, si (presque) tout devient gratuit ? Pour Rifkin, il y a une
émergence d’une nouvelle forme de régulation de l’économie, différente du capitalisme.

LES BIENS COMMUNS OU « COMMUNS »

Les biens communs proviennent de la catégorie juridique romaine res communis, qui est appliquée
aux choses communes à tous pour être utilisées et appréciées par tous. Ils sont différents de la

39
VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

chose publique (res publica) et ces biens publics sont gérés par le gouvernement. Les biens
communs sont différents de la possession privée, appropriée et gérée par des individus. Les biens
communs sont comme une troisième voie pour penser la propriété.

UNE FORME DE PROPRIÉTÉ

Les biens communs sont compris comme un usage commun. Nous sommes tous ensemble
propriétaires de ces biens et ces derniers sont consdérés étant en accès libre, comme les
ressources naturelles (l’eau, l’aire, les mers, les forêts, les semences, etc.).

Cette forme de propriété a été fort répandue à l’époque féodale, avant le mouvement des
enclosures. Enclosure Acts, développé au XVIe siècle au Royaume-Uni, a été une appropriation et un
cloisonnement par un ou plusieurs propriétaires, que l’on appelle « gentry » qui est une noblesse
non-titrée ou mineure ou bien un ensemble de personnes apparentées à l’aristocratie, mais qui
n’en font pas partie, d’espaces préalablement dévolus à l’usage commun.

UNE FORME D’AUTO-GOUVERNANCE COLLABORATIVE

Les biens communs ou « communs » demandent une gouvernance et une gestion alternative à
l’état et au marché. Les « communs » reposent sur une coopération auto-organisée, en vue de
concevoir collectivement les règles requises pour la gestion de ressources partagées. Une notion et
un enjeu fondamental de la nouvelle économie apparaîssent : nous passons de la gestion collective
des ressources naturelles, les communs « naturels », jusqu’au mouvement du logiciel libre, les
communs « numériques » comme par exemple Linux, Wikipédia, mais aussi The Pirate Bay,... .

INTERMEZZO : EXERCICE JEREMY RIFKIN

Une question que l’on peut se poser : quel est l’avenir pour le capitalisme ? Avec la dissolution de
l’URSS, le capitalisme a eu tendance à être perçu comme un horizon indépassable. Aujourd’hui,
une opinion est répandue parmi les intellectuels : le capitalisme serait à l’aube d’un grand
tournant, car il est remis en question par des enjeux majeurs.

EFFET DES NOUVELLES TECHNOLOGIES : AU-DELÀ DU CAPITALISME ?

Bien qu’il y ait des nouvelles « enclosures » commerciales de l’espace digitale libre, Rifkin prédit
tout d’abord une « économie du partage » qui bouleversera les plus grandes entreprises de la
planète. Ensuite, des réseaux décentralisés d’énergie renouvelable remplaceront l’industrie
énergétique existante, verticalement intégrée et basée sur le carbone. Enfin, il y aura une fin de
l’histoire du travail : nous évoluerons vers une infrastructure intelligente et autoproductible qui
nécessite plus de travailleurs.

CRITIQUES DE LA THÈSE DE RIFKIN

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Tout d’abord, nous pouvons dire que l’hypothèse centrale de Rifkin est peu crédible. Les énergies
renouvelables sont loin de « devenir pratiquement gratuites », même à long terme. En pratique,
nous sommes encore fortement dépendants des énergies fossiles et de l’énergie nucléaire.

Ensuite, nous pouvons placé le « techno-solutionisme » comme l’idéologie du statu quo, une
prospective qui nous laisse croire que les problèmes actuels se résoudront d’eux-mêmes grâce aux
technologies salvatrices. Par conséquent, c’est un obstacle aux questionnements frontales de notre
modèle de (hyper)production et de (hyper)consommation.

Enfin, le modèle collaboratif a été absorbé par le capitalisme : nous basculons des façons de
partage et de collaborations, basées sur l’accès libre, vers des plateformes qui cherchent à
monopoliser une activité dans des écosystèmes clôturés.

LA QUESTION ÉCOLOGIQUE

La question écologique émerge en 1972, avec le rapport « Les limites de la croissance ». Le rythme
de la croissance industrielle n’est pas compatible avec la nature finie des ressources terrestres. La
recommandation est de limiter le développement économique afin de protéger l’environnement.

Il y a une relation paradoxale entre l’économie et l’environnement : l’optique économiste


(néo)classique sur l’environnement naturel nous donne une « externalité » qui ne fait pas partie du
calcul et s’écarte. La notion du développement durable est l’essai de réintroduire « les
externalités » dans l’activité économique. Elle a été introduite pour la première fois dans le rapport
« Notre avenir à tous » de Brundtland Report et est définie comme : « un développement qui
répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre
aux leurs ».

CRITIQUES DE LA NOTION DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Ce développement durable n’est pas remis en cause de la croissance économique. Au contraire, il y


a une opposition interne entre la continuation du statu quo avec un développement sans fin, et
une durabilité qui requiert une décroissance. Cette dernière met fin au culte de la croissance et il y
a des visions de progrès alternatives. Par exemple, le World Happiness Report, un rapport des
Nations Unies, mesure annuellement le « bonheur national brut » au lieu du seul produit intérieur
brut.

DE NOUVEAUX INDICATEURS

Pour réintroduire les « externalités » dans le calcul économique, nous utilisons le « bilan carbone »
qui permet de calculer les émissions des gaz à effet de serre, qui sont à l’origine du réchauffement
climatique. Il se mesure en tonne par an, soit pour un pays, un territoire, un secteur d’activité ou
par habitant. Il ne faudrait pas dépasser 1,7 tonne de CO 2 par personne dans le monde mais la
moyenne mondiale est environ deux fois supérieure et un Belge émet environ dix tonnes de CO2.

41
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Nous avons aussi l’empreinte écologique : depuis les années 1990, nous atteignons le dépassement
écologique avant le neuvième mois de l’année. Nous utilisons plus de ressources renouvelables et
de séquestration de CO2 que la planète ne peut en fournir en une année entière.

L’empreinte écologique est un indicateur de pression écologique qui convertit en hectares une série
d’usages et de ressources naturelles pour les besoins de consommation et de rejets d’une
population donnée. L’empreinte écologique moyenne d’un Belge est de 7,4 hectares (WWF, 2012)
et il ne faudrait en principe pas dépasser 1,74 hectare/habitant. Si tout le monde vivait comme un
Belge, il faudrait environ quatre planètes pour subvenir à nos besoins et l’empreinte écologique du
Terrien moyen est de 2,6 hectares/habitant.

LE RETOUR DE LA QUESTION SOCIALE

Une troisième révolution a été corrélée d’une « révolution conservatrice ». Il y a eu une émergence
du néo-liberalisme dans les années 1980 avec M. Thatcher au Royaume-Uni et avec R. Reagan aux
États-Unis. Durant ces années, il y a eu des crises fréquentes et un chômage massif et tout ceci
causé par la libéralisation des marchés avec la réduction des interventions de l’état dans la vie
économique. Par conséquent, il y a eu un accroissement des inégalités, comparables au début du
XXe siècle, et il y a eu une réémergence des questions de solidarité et de cohésion sociétale.

TRANSFORMATION DU TRAVAIL

LE SALARIAT, APPROCHE DYNAMIQUE

Nous avons trois formes de rapports de travail et de rapports salariaux dans la société indutrielle.

Salariat du début de l’industrialisation, très défavorable au


CONDITION PROLÉTARIENNE
travailleur.

Au début du XXe siècle, le fordisme apparaît, il y a un accès à la


CONDITION OUVRIÈRE consommation, une étape importante en 1936 avec les congés
payés, et une relative intégration des ouvriers.

Il y a extension du rapport salarial à la plupart des travailleurs,


c’est la période des Trente Glorieuses, un déclin de la lutte des
CONDITION SALARIALE
classes s’installe, le salariat est valorisé et il devient le modèle
privilégié d’identification.

LE RÉGIME SALARIALE FORDISTE ET POST-FORDISTE

PÉRIODE FORDISTE PÉRIODE ACTUELLE


La production moins standardisée avec
Les moyens de production tournés vers une
l’organisation moins centralisée avec plus de
fabrication massive de produits standardisés.
recours à l’externalisation.
Une économie du travail fondée sur la division Les conditions de travail sont plus différenciées
sociale et technique du travail (taylorisme, OST) et il y a de nouvelles formes d’organisation du

42
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et la chaîne de montage. travail.


Les salaires sont en hausse et sont indexés
(liaison du niveau de salaire à la croissance de la
Il y a une tendance à la stagnation des salaires.
productivité et à l’inflation des prix à la
consommation).
Il y a prégnance de l’État social. L’État intervient
L’État social est en recul. Il y a des rapports de
comme arbitre garant de la paix sociale et du
force défavorables aux salariés dans un
compromis de classes ; il soutient une politique
contexte de crise et de chômage massif; une
de la demande, et donc une croissance des
évolution conservatrice se met en place.
salaires.
Une mobilisation des salariés fondée sur la
Une mobilisation qui fait appel à la subjectivité.
croissance des salaires.

Il y a un recul de l’intégration et de la capacité à


Le salariat est la garantie de l’intégration sociale
consommer compte tenu de la segmentation du
et de participation à la société de
marché du travail et de la précarisation
consommation.
croissante de l’emploi

LES TRANSFORMATIONS RÉCENTES DU TRAVAIL

Les deux causes de ces transformations sont la tertiarisation de l’économie avec l’emplacement des
services, et la révolution des Nouvelles Technologies d’Information et de Communication.

CONSÉQUENCES
Au plan de la qualification, nous avons besoin d’une requalification continue. Il y aura donc un
1
lien crucial entre la formation et l’emploi.
Au plan de l’organisation du travail et de la production, nous passons de la standardisation à
2
la flexibilité et il y a une segmentation du marché du travail.
Au plan de la conception de l’individu au travail, il y a une individualisation et un appel à la
3
subjectivité, chacun a son projet.

LE LIEN FORMATION-EMPLOI

La formation du travailleur est aujourd’hui une des conditions de son emploi. Dans la grande
majorité des cas, plus d’éducation assure à la fois un salaire plus élevé et un risque de chômage
plus faible. Cependant, aujourd’hui, nous avons une inflation des diplômes : la valeur des diplômes
baisse et le diplôme est de plus en plus nécessaire mais de moins en moins suffisant.

L’EMPLOYABILITÉ

L’employabilité est l’attitude de veille visant à adapter ses compétences au fil de la vie afin de
pouvoir évoluer professionnellement, à travers, non pas seulement la formation initiale, mais aussi
la formation tout au long de la vie. Du côté de l’entreprise, nous avons une évolution de, garantir la
sécurité d’emploi vers garantir aux employés leur employabilité.

CONSÉQUENCES DE L’INFLATION DES DIPLÔMES

43
VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

Avec l’inflation des diplômes, nous avons une émergence de nouveaux critères et de nouvelles
techniques de recrutement personnalisant la sélection. Il y aura une importance croissante des
capacités relationnelles, des langues, de l’expérience, des réseaux/relations sociales, et il
caractérise surtout le marché de l’emploi des cadres supérieurs. En outre, avec l’inflation des
diplômes, la capacité à développer des « récits d’employabilité » avantage les classes sociales
supérieures.

LES NOUVELLES FORMES D’ORGANISATION DU TRAVAIL

Les transformations du travail sont caractérisées par la recherche de la flexibilité dans tous les
sens. Prenons l’exemple du travail universitaire. Nous avons tout d’abord une flexibilité du temps
de travail, une flexibilité de la localisation du travail et une flexibilité contractuelle, numérique
selon la demande et salariale selon les résultats obtenus. Ensuite, il y a une flexibilité du lien de
subordination, c’est-à-dire qu’il y a différents statuts de travail. Enfin, il y a une flexibilité
fonctionnelle, c’est-à-dire que nous devons être capable de faire plusieurs tâches.

COURS VIII
AVANT-PROPOS : CULTURE EN FLUX

LES TRANSFORMATIONS, CONTRADICTIONS EN MATIÈRE CULTURELLE

Au sens large, la culture est une organisation symbolique d’un groupe, un système de signes
particuliers propres au groupe. Par exemple, la symbolique chrétienne est la crois avec le pain et le
vin ; les symboles de la (petite) bourgeoisie est le fait de détenir une voiture. La transmission de
cette organisation et de l’ensemble des valeurs « portrait » le propre groupe, le rapport aux autres
groupes et l’univers naturel. La culture comprend la langue, les coutumes, les goûts esthétiques, la
connaissance et aussi la religion.

TRANSFORMATIONS DU TRAVAIL

Les causes des transformations du travail sont la tertiarisation de l’économie et la révolution des
NTIC. Nous avons déjà discuté de la première conséquence qui était, au plan de la qualification,
une requalification continue. Nous allons désormais étudier les deux conséquences suivantes : au
plan de l’organisation du travail et de la production, nous basculons de la standardisation vers la
flexibilité avec une segmentation du marché du travail ; au plan de la conception de l’individu au
travail, il y a une individualisation et nous faisons appel à la subjectivité.

LES NOUVELLES FORMES D’ORGANISATION DU TRAVAIL

Les transformations du travail sont caractérisées par la recherche de la flexibilité dans tous les
sens. Prenons l’exemple du travail universitaire. Nous avons tout d’abord une flexibilité du temps
de travail, une flexibilité de la localisation du travail et une flexibilité contractuelle, numérique

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selon la demande et salariale selon les résultats obtenus. Ensuite, il y a une flexibilité du lien de
subordination, c’est-à-dire qu’il y a différents statuts de travail. Enfin, il y a une flexibilité
fonctionnelle, c’est-à-dire que nous devons être capable de faire plusieurs tâches.

LA SEGMENTATION DU MARCHÉ DU TRAVAIL

MARCHÉ DU TRAVAIL PRIMAIRE MARCHÉ DU TRAVAIL SECONDAIRE


Il donne un emploi stable (CDI) Emploi instable (CDD)
Composé de grandes entreprises Petites entreprises
Il y a des perspectives de carrière Pas de perspectives de carrière
Règles de promotion, relative protection contre
Rémunérations faibles
les fluctuations des prix sur les marchés.
Rotation d’emplois élevée
Travail à temps partiel

LA FLEXIBILITÉ DU TRAVAIL, QUELQUES CHIFFRES

14% de l’emploi total ont un contrat temporaire alors que 19% de l’emploi total ont un contrat à
temps partiel. 38% des personnes ne travaillent pas selon des horaires fixes et ont un travail décalé.
Pour ce qui est du travailleur pauvre, 8% des travailleurs sont pauvres.

LES TRAVAILLEURS PAUVRES (« WORKING POOR »)

La condition précaire est une nouvelle condition, à côté de la condition salariale. Un travailleur
pauvre est une personne qui a un emploi mais qui vit sous le seuil de la pauvreté.

L’INDIVIDUALISATION DU RAPPORT SALARIAL

Il y a une nouvelle centralité de la Gestion des Ressources Humaines : nous ne nous limitons plus à
l’aspect administratif (juridique et contractuel) et la Gestion des Ressources Humaines devient une
fonction clé de l’entreprise. Nous faisons appel à la subjectivité du travailleur qui est une nouvelle
conception du travail : nous passons de la dimension instrumentale du travail à la dimension
expressive, et il y a de fortes attentes de développement personnel et de réalisation de soi au
travail.

LES TROIS DIMENSIONS DU TRAVAIL

ORIGINE TRAVAIL VU COMME...


Une vision instrumentale du
FACTEUR DE PRODUCTION XVIIIe siècle
travail. (Adam Smith)
...une liberté créatrice, synonyme
ESSENCE DE L’HOMME XIXe siècle
de réalisation de soi. (Karl Marx)
...garantissant des revenus
SYSTÈME DE DISTRIBUTION DES REVENUS,
XXe siècle décents et permettant de
DES DROITS, DES PROTECTIONS
consommer. (Social-démocratie)

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LES PROMESSES D’ÉPANOUISSEMENT DU MANAGEMENT CONTEMPORAIN

Le management contemporain propose une vision libératrice du travail : nous basculons d’un
monde hiérarchisé, bureaucratique, routinier à une organisation centrée sur l’autonomie et la
responsabilisation, l’épanouissement, la convivialité, l’innovation,... . Le portrait idéalisé est, en
pratique, le stress, la concurrence, l’auto-exploitation, le surinvestissement dans le travail,
l’absence de frontière entre la vie privée et la vie professionnelle. Les conséquences sont au
nombre de deux : il y a une augmentation des risques psychosociaux et une souffrance au travail.

Le modèle managérial est en phase avec les valeurs de Mai 1968 : il y a un anti-autoritarisme, une
autonomie et une émancipation individuelle. La thèse principal de l’oeuvre Liberté esprit du
capitalisme (1999) est la suivante : le capitalisme a besoin d’une idéologie justificatrice (Cf. Weber),
pour ce faire il a récupéré les thèmes de la critique sociale et de la critique artiste des années 1960
pour modifier les formes de management et d’organisation du travail.

EN CONCLUSION : DU TRAVAIL À L’EMPLOI

Le travail et l’emploi sont deux termes à ne pas confondre. « L’emploi c’est le travail salarié dans
lequel le salaire n’est plus seulement la contrepartie de la prestation de travail, mais aussi le canal
par lequel les salariés accèdent à la formation, à la protection sociale, aux biens sociaux. ».

COMMENT RÉAGISSENT LES SALARIÉS ?

Lorsque les individus sont mécontents de leur situation, ils peuvent réagir de trois façons (d’après
A. Hirschman).

PARTIR (EXIT) La démission, la fuite ou le repli intérieur (désengagement, apathie).


La résistance traditionnelle (mouvement collectif organisé),
CONTESTER (VOICE)
l’opposition et le refus de certaines pratiques.
Les stratégies d’adaptation (gestion du stress, du temps, des
SE SOUMETTRE (LOYALTY)
conflits).

CHEMINEMENTS RELIGIEUX

LES TRANSFORMATIONS, CONTRADICTIONS EN MATIÈRE CULTURELLE

Pourquoi étudions-nous la religion ? La religion est un domaine priviligié pour étudier l’articulation
entre le plan individuel (croyances, valeurs, etc.) et collectif (cérémonies, rituels, etc.). Elle est aussi
une constante historique : le sentiment religieux se vérifie dans pratiquement toute l’histoire de la
société. Comme Durkheim l’a déclaré : « Il ne peut y avoir de société qui ne sente le besoin
d’entretenir et de réaffirmer à intervalles réguliers, les sentiments collectifs et les idées collectives
qui font son unité ».

LES PRINCIPALES RELIGIONS DANS LE MONDE (statistiques 2008)

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On estime que 84 % de la population mondiale


estimée se déclare membre de l’une des cinq
grandes religions.

Chrétiens (32%), Musulmans (23%), sans


religion (16%), Hindous (15%), Bouddhistes
(7%), religion traditionnelle (6%), croyances
diverses (0,8%) et Juifs (0,2%)

L’ENJEU SOCIOLOGIQUE ET ANTHROPOLOGIQUE AUTOUR DE LA RELIGION

La sociologie ne va pas donner un avis sur le contenu des croyances, disqualifie le comportement
religieux comme « obscurantisme », et nie la valeur du point de vue religieux sur la religion. Par
contre, la sociologie saisit la religion comme un phénomène social, c’est-à-dire médiatisé par des
groupes, des croyances partagées et des pratiques sociales. Elle comprend la fonction de la religion
dans la société globale.

DÉFINITION SUBSTANTIELLE

La sociologie est à la recherche de ce qui fait l’essence de toute


DÉFINITION SUBSTANTIELLE
forme de religion, ce que « est » la religion, en quoi elle consiste.

La sociologie est à la recherche des effets que la religion produit,


DÉFINITION FONCTIONNELLE
ce que « fait » la religion, à quoi elle sert socialement.

LA DÉFINITION SUBSTANTIELLE DE LA RELIGION

L’apport de Durkheim est le suivant : quel critère définitif pour discerner la religion ? La religion est
un domaine du mystère : est-ce que la croyance est en l’invisible, est en un rapport avec des entités
surnaturelles ? La religion est défini par l’idée de Dieu : l’idée d’être spirituel ? Par contre, si nous
prenons le Bouddhisme, il a une orientation plutôt vers une divinité. Nous avons aussi une
réduction du religieux à la doctrine religieuse.

Durkheim dira que l’essence de la religion réside dans l’opposition entre le sacré et le profane : «
Un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire
séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale
appelée église, tous ceux qui adhèrent ».

LES CHOSES SACRÉES

Les choses sacrées sont tout ce qui est n’est pas profane : nous avons un travail de séparation
entre les deux catégories, dans le temps et dans l’espace. Tout ce qui concerne les préceptes et
interdits, les tabous, les rites de passage, toutes ces activités sont de distanciation. De même avec
le totémisme : il y a une distance entre le totem et les autres animaux. Dans l’espace, nous avons

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une distanciation entre les temples, les églises, les synagogues et les mosquées. Dans le temps,
nous avons une distanciation entre l’eucharistie, les fêtes religieuses, ect.

SYSTÈME SOLIDAIRE DE CROYANCES ET PRATIQUES

La religion est un ensemble de pratiques qui sont soit inobservables comme la prière et les
comportements privés, soit publics et donc observables comme les rites. Un rite est une conduite
cérémoniale stéréotypée, socialement prescrite, dont l’accomplissement établit un lien avec le
sacré. Il établit un espace-temps exceptionnel qui tranche avec l’espace-temps de la vie
quotidienne.

Nous avons le rite lithurgique qui est une célébration religieuse collective hebdomadaire, et nous
avons un rite de passage qui est une cérémonie marquant la transition d’une étape de vie à une
autre. Van Gennep propose trois stages de chaque passage : la séparation, qui nous sépare du
monde d’avant, la liminalité, qui est l’entre-deux, et la réintégration.

PARTAGE PAR UNE COMMUNAUTÉ

Selon Durkheim, les croyances et les pratiques ne sont pas à la disposition des individus. La religion
n’est pas un domaine privé et individuel et elle fournit des repères collectifs, des normes valables
pour toute la communauté religieuse. La religion soude la communauté à travers des normes et
des valeurs partagées, qui dépassent l’individu et contribue/établit la « conscience collective »,
pour souligner le caractère sociale.

LES DIFFÉRENCES ENTRE LA RELIGION ET LA MAGIE

Les croyances religieuses sont donc celles qui ont pour objet des choses sacrées. Le problème est
que la magie imagine aussi un monde de choses sacrées auquel nous sommes admis à participer
que par une initiation. La différence est que le rite religieux est un acte sans objectif mais de
dévotion qui renforce la solidarité du collectif. La religion est aussi organisée et pratiquée en
collectivité, en cogrégation.

DIFFÉRENTIATION HISTORIQUE ENTRE LA MAGIE ET LA RELIGION

Nous avons une perspective évolutionniste (Comte, Spencer, Frazer) : nous avons une distinction
progressive entre la magie, la religion et plus tard, la science et la technologie. Quelques unes
surviennent avec cette perspective. Selon Malinowski, le parcours occidental est prétendu comme
une norme universel appelé l’ethnocentrisme. Il n’y a pas un manque de rationalité, mais une
confusion des registres de l’expérience qui dans la modernité occidentale se sont radicalement
séparés. Le rapport sujet-objet est là où la nature devient le sujet d’objectivation scientifique, et le
rapport intersubjectif devient un domaine expressif-symbolique avec des désirs, des émotions, des
intentions.

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Cette perspective évolutionniste méconnaît les fonctions de la magie, outre la maîtrise du monde :
socialement, il y a des reproductions des rapports sociaux ; psychologiquement, il y a une lutte
contre l’anxiété ; et est expressive-symbolique.

DÉFINITION FONCTIONNELLE DE LA RELIGION

En pratique, l’analyse de Durkheim montre certaines des fonctions de la religion : diviser le monde
entre le profane et le sacré, rassembler une communauté qui est une source de solidarité et
légitimation idéologique des injustices est une des autres fonctions. Les définitions substantielle et
fonctionnelle sont en partie liées et complémentaires, non mutuellement exclusives. Le
fonctionnalisme ouvre la voie aux « religions séculières » (Raymond Aron) : ce sont des croyances
païennes qui accomplissent les mêmes fonctions. Par exemple, le fascisme, le nazisme, le
communisme.

QU’EST-CE QUE LA SÉCULARISATION ?

Dans la société traditionnelle, la religion inscrit l’Homme dans une unité de sens, dans un cosmos
sacré et voulu par Dieu à travers l’Église qui acte comme un lien entre le ciel et la terre, et qui est
une institution à vocation universelle : elle est un fournisseur de références symboliques
fondamentales, encadre les processus de socialisation, donne la légitimité au pouvoir, et oriente la
poursuite de la connaissance.

Entre la Renaissance et les Lumières, nous avons eu une mise en question de la centralité
religieuse. Aux XIX-XXe siècles, les effets de ces critiques provoquent des changements massifs. Ils
sont étudiés en sociologie comme un processus de sécularisation : le mouvement de sortie de la
religion. Nous avons une relativisation du discours religieux par rapport aux autres discours qui
gagnent de l’autonomie (droit, science, art, etc.), et il y a une perte d’emprise de l’institution
religieuse sur la société : un déclin des rituels religieux quotidiens, du calendrier religieux, du droit
religieux, de la morale religieuse,... .

La sécularisation ne signifie pas une disparition totale des croyances religieuses, n’est pas un
phénomène universel mais occidental, et n’est pas un phénomène linéaire et irréversible. Il y a une
grande pluralité de cheminements religieux selon les cultures.

Afin de mesurer cette sécularisation, nous utilisons, par exemple, des statistques de participation à
une cérémonie religieuse, l’influence, la richesse, le prestige des organisations religieuses, et nous
posons la question de la regiosité.

ÉVOLUTION DE LA PRATIQUE RELIGIEUSE EN BELGIQUE

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ÉTATS-UNIS, EXCEPTION À LA THÈSE DU DÉCLIN DE LA RELIGION DANS LES SOCIÉTÉS OCCIDENTALES

Aux États-Unis, 43% ont eu pratique religieuse hebdomadaire. Pour 3 Américains sur 5, « la religion
est très importante » dans leur vie, plus de 9 Américains sur 10 croient en Dieu, et 7 Américains sur
10 croient dans une forme de vie après la mort. Plus de 1 500 religions sont recensées aux États-
Unis, mais il y a une majorité de Chrétiens avec 52% de protestants et 24% de catholiques. De ce
fait, il y a une montée des courants protestants conservateurs.

SÉCULARISATION EXTERNE ET INTERNE

SÉCULARISATION INTERNE Le changement du rapport à la religion au sein de l’Église.

La relativisation du religieux à travers une différenciation


SÉCULARISATION EXTERNE
institutionnelle et autonomisation de mondes autrefois imbriqués.
LA SCIENCE

Nous assistons à une fin de la conception religieuse de la nature qui est conçue comme issue de la
volonté divine et qui est régie par un ordre immutable. Nous avons une rationalisation de la nature
avec une méthode scientifique moderne galiléenne (compréhension de la nature à travers la
modélisation mathématique et la vérification empirique), la révolution copernicienne (XVI-XVIIe
siècles), et Darwin et ses lois de l’évolution (XIXe siècle). Nous avons également une rationalisation
du rapport aux autres avec les sciences sociales dont la sociologie, la psychologie et l’économie
(XIXe siècle).

LA DÉMOCRATIE

Nous assistons à une fin de la conception religieuse du lien social. Dans une société traditionnelle,
nous appelons hétéronomie le pouvoir social qui a une source externe à la société, invisible et
extérieure à la volonté des hommes. Les lois terrestres découlent de cet ordre invisible et le pouvoir
incarne la jonction entre la terre et le ciel. Dans une société démocratique moderne, nous appelons
autonomie le contrat social qui fonde le pouvoir social, un contrat entre les hommes considérés
égaux. Dans ce cas, l’État dépend de la raison humaine et non de la volonté divine.

L’ART MODERNE

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Nous assistons à une fin de la production artistique au service de la religion. Nous avons une
différentiation de l’art moderne comme une sphère autonome, dans la littérature, la musqiue ou
l’image. Le romanticisme apparaît qui est un art considéré comme une voie priviligiée pour
l’exploration de la subjectivité et l’intersubjectivité. Nous avons également une importance
croissante de l’originalité, plutôt que mimesis ou imitatio de la nature.

SÉCULARISATION, UN PROCESSUS DE DÉSENCHANTEMENT ?

Weber nous a proposé le désenchantement du monde comme processus à travers lequel l’action
rationnelle en finalité prend le pas sur l’action rationnelle en valeur, y compris et même surtout les
valeurs religieuses. L’action rationnelle en finalité (ou la rationalité instrumentale) est une
préoccupation intellectuelle tournée vers des objectifs concrets que l’Homme se fixe et vers
l’invention des moyens nécessaires pour les atteindre. L’action rationnelle en valeur (ou la
rationalité morale) est une préoccupation qui conduit l’Homme à se garantir des valeurs, même s’il
a une apparence irrationnel.

SÉCULARISATION INTERNE

La sécularisation interne est la réaction interne à la relativisation de la religion. Il y a une diffusion,


une réception et une acclimation de thèmes modernes dans le discours de la foi et les pratiques
institutionnelles de l’Église. Une reconnaissance du pluralisme sociétal et religieux s’installe et il y a
trois lignes de réformes, résultant dans une modernisation de l’Église. D’abord, il y a une
progressive acceptation des droits de l’Homme (liberté de conscience) et de la démocratie comme
forme de gouvernement. Ensuite, il y a un accord assez difficile avec la science plutôt qu’un refus
obstiné. Enfin, il y a une cooptation de la classe ouvrière, une stratégie missionnaire pour
récupérer les classes populaires urbanisées.

LES RELIGIONS SÉCULIÈRES

Durant le XXe siècle, il y a eu un éventuel passage de la croyance religieuse à la croyance politique.


Des idéologies totalitaires s’installent avec d’autres dogmes, mythes et rites, mais il y a de grandes
similarités. D’abord, il y a des doctrines globales avec une prétention d’une vue sur la totalité.
Ensuite, il y a une autorité politique sur l’orthodoxie avec un monopole sur la vérité de la doctrine,
une chasse des hérétiques et dissidents. Enfin, il y a un comportement missionnaire avec une
prétention de convertir/concquérir les autres cultures. Depuis la chute du communisme, le (néo-)
libéralisme qui est apparu, une idéologie du monde contemporain.

COURS IX
AVANT-PROPOS : SÉCULARISATION ET GLOBALISATION

L’ESSOR DE L’ÉVANGÉLISME PENTECÔTISTE, MOUVEMENT PROTESTANT FONFAMENTALE

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L’essor de l’évangélisme pentecôtiste a eu lieu aux États-Unis, mais plus encore en Afrique, en
Amérique latine et en Asie. C’est un ensemble de mouvements protestants conservateurs, dont le
nombre d’adhérents est estimé à 250-500 millions de personnes. L’évangélisme pentecôtiste est
fondamentaliste : il y a une inerrance biblique, c’est-à-dire qu’il n’y aucunes erreurs dans la Bible.

CARACTÉRISTIQUES

L’évangélisme pentecôtiste se caractérise par une lecture littérale de la Bible considérée comme
une source directe de la foi : il y a une absence d’autorité centrale, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de
Pape, et est comparable aux mouvements sociaux. Il accentue sur la guérison spirituelle en
liturgies (extatiques). Il y a aussi une moralisation de la vie quotidienne : des positions
conservatrices sur la sexualité, la responsabilité parentale, sur les stupéfiants comme l’alcool, sur la
danse, sur les bijoux, etc. Il y a également une conversion à travers l’évangélisation : il y a des
entrepreneurs religieux avec le télévangelisme, les mega-churches, et Internet ; une resocialisation
religieuse se met en place avec une repentance et une profession de la foi pour devenir « enfant de
Dieu ».

EN CONCLUSION : UNE RELIGION MODERNISATRICE ?

L’évangélisme pentecôtiste est considéré comme une religion modernisatrice, car il y a un


individualisme moral expressif et non pas ascétique comme Max Weber l’avait dit : il y a une
insistance sur le bien-être spirituel et corporel : il y a une importance de la responsabilité
individuelle ; et il y a un usage actif des médias contemporains. Tout ceci est adapté à l’ère de la
globalisation.

SÉCULARISATION ET GLOBALISATION ?

La sécularisation est souvent présentée comme un trait de la modernité, mais il y a un constat


différencié : une partie du monde, l’Occident dans ce cas, reste sécularisée ou en voie de
sécularisation ; le reste du monde est toujours très religieux, voire de plus en plus religeux. Les
causes du retour du religieux est que la démographie mondiale augmente, il y a une diffusion et
une internalisation des religions grâce à la colonisation, il y a une simplification voire un effacement
des dogmes, et il y a une dissolution du bloc communiste.

SÉCULARISATION, ÉTAT ET RELIGION SOUS TENSION

La sécularisation est souvent comprise comme une laïcité : une absence de la religion ; une stricte
séparation entre la religion et l’État. Elle est de plus en plus contestée par l’anthropologie anglo-
saxonne, entre autre par Saba Mahmood. Cette dernière a déclaré dans sa critique que ce qui
caractérise la modernité, ce n’est pas la disparition du religieux, mais l’implication de l’État dans les
institutions religieuses et la régulation politique de la religion. La sécularisation est un processus à
travers lequel l’État se procure progressivement le pouvoir pour définir ce qui est une bonne
religion et ce qui ne l’est pas.

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Les mouvements fondamentalistes, comme l’État islamique (Daech), voient l’État comme une
arme nécessaire pour islamiser la société. Ce n’est qu’en s’emparant d’un État que la société peut
devenir plus religieuse et ce n’est qu’à travers l’État que l’on peut rendre les individus moralement
dociles. Cette conception très moderne de l’État, considéré comme le seul arbitre légitime pour
créer une société conforme à la morale religieuse, place ces mouvements fermement dans la
modernité. Dans la même optique, des États comme le Pakistan et l’Arabie Saoudite sont aussi
sécularisés et modernes que le reste du monde.

La redéfinition surprenante de la sécularisation est que ce n’est plus un privilège occidental ou un


objectif pour le reste du monde mais le caractère universel de cette implication croissante de l’État
dans le religieux montre la société moderne comme une société mondiale, avec des convergences
géographiques inattendues.

EXO-ÉDUCATION

UNE TRANSFORMATION CULTURELLE RADICALE

En pré-modernité, il y avait une stratification avec des barrières sociales insurmontables entre les
groupes, les familles et les corporations. La culture est l’apanage d’une élite, c’est-à-dire que le
monopole culturel et religieux est en main des lettrés. En modernité, la société est en flux,
marquée par le désir de progrès et d’innovation. Il y a une nécessité de mobilité sociale pour faire
face aux changements provoqué par l’industrialisation et il y a une exigence d’une base culturelle
commune minimale, c’est-à-dire lire, écrire et compter.

Cette transformation est accompagné d’un bousculement de l’endo-éducation vers l’exo-


éducation. L’endo-éducation est une éducation qui se fait de manière diffuse, informelle et
inorganisée au sein du contexte familliale ou d’une communauté locale et est aussi ancienne que
l’espèce humaine. L’exo-éducation, quant à elle, est un enseignement formel, réfléchi, organisé et
centralisé dans le contexte des États-nations émergentes caractérisant la modernité.

SYSTÈME ENDO-ÉDUCATIF SYSTÈME EXO-ÉDUCATIF


POSSIBILITÉ DE MOBILITÉ
Très basse (idéal de stabilité) Très forte (idéal de innovation)
SOCIALE

LANGUE DE COMMUNICATION Réservée aux clercs (« langues Diffusée dans tout le corps
UNIVERSELLE savantes ») social (langues nationales)

Réservée aux clercs et porteur Diffusée dans tout le corps


ÉDUCATION
de privilèges importants social (alphabétisation)

Diffusée aux groupes Connaissances élémentaires


COMPÉTENCES TECHNIQUES spécialisés (corporations, diffusées dans tout le corps
castes,..) social

ORGANISATION DE LA Décentralisation (méthode Centralisation, organisation

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FORMATION interpersonnelle) professionnalisation

PRINCIPALES MODIFICATIONS DANS LE MODE D’ÉDUCATION APPORTÉ PAR LA MODERNITÉ

L’éducation est pensée de manière spécifique,


SPÉCIFICITÉ
en tenant compte des besoins de la société.
Organisée dans des écoles, assurée par des
ORGANISATION ET PROFESSIONNALISATION
spécialistes, les professeurs.
Formailisation des savoirs, transmis à travers
FORMALISATION
l’écriture.
Compétences techniques nécessaires pour tous,
SPÉCIALISATION
point de départ d’une spécialisation ultérieure.
Reproduction de société et culture à travers la
HOMOGÉNÉISATION CULTURELLE production des adultes quasi-identiques à la
génération précédente.

L’ÉCOLE COMME MOTEUR DE LA MODERNITÉ

Vecteur de nationalisation (« citoyennisation ») grâce à l’unification


PLAN POLITIQUE
culturelle.
Vecteur de croissance grâce à la diffusion de compétences techniques de
PLAN ÉCONOMIQUE
base.
PLAN CULTUREL Vecteur de sécularisation grâce à la diffusion des sciences.

LES MÉDIAS

LA MÉDIATISATION

L’expansion des médias de masse dans la société débute avec l’imprimerie au XV e siècle, puis avec
la presse écrite populaire au XVIII e siècle, la radiodiffusion au XIXe siècle, et enfin avec la
photographie, le cinéma et la télévision au XXe siècle. La médiatisation est potentiellement capable
d’atteindre (et d’influencer) une large audience : elle est rendue possible par les progrès
technologiques et est aussi conditionnée par des facteurs politiques et culturels.

L’ESPACE PUBLIC MÉDIATISÉ

La médiatisation constitue un rapport social entre un public et éditeurs/émetteurs, ainsi


permettant une communication au-delà de la coprésence physique, une interaction sans
réversibilité, et une auto-représentation de la société : « Chaque matin et chaque soir, une toile
inexorable de nouvelles s'installe sur la terre et expose ce qui s'est passé et à quoi il faut se
préparer » (Luhmann). L’information devient ainsi un élément nécessaire pour se forger une
opinion, un aliment du débat démocratique : le monde devient une société de l’information
(Bell/Castells), mais aussi, un univers saturé de messages, où la communication tient lieu
d’information.

LES MÉDIAS, UNE FENÊTRE SUR LE MONDE ?

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Les médias ne sont pas un simple reflet du monde mais sont un miroir déformant : ils construisent
médiatiquement la réalité. Ils ne sont pas forcément perçu comme tel mais ils produisent un effet
de réel. Enfin, ils exercent des effets sociaux de (dé)mobilisation : on les appelle le « quatrième
pouvoir », un pouvoir outre le pouvoir législatif, exécutif ou judiciaire. La critique des médias est un
enjeu sociologique et démocratique.

CONSTRUCTION MÉDIATIQUE : ÊTRE, C’EST ÊTRE PERÇU

Prenons l’exemple ci-contre : une campagne de


publicité illégale (et déplacée), a été rapidement
arrêtée mais a été « médiatiquement » efficace. Le
principe de sélection des médias est de faire le
« buzz » coûte que coûte. C’est ce qu’on appelle une
économie d’attention.

APPARENCES TROMPEUSES : L’AFFAIRE DU FAUX CRIEUR ROYAL

Lors de la naissance de Georges, le fils de Kate et


William d’Angleterre en juillet 2013, un crieur royal a
passé une « fausse nouvelle », mais a eu un effet de
réel et tout le monde a cru à cette nouvelle.

EFFET DE MOBILISATION : L’AFFAIRE PAUL « PAPY » VOISE

Un retraité s’est fait agressé dans son habitation trois


jours avant le premier tour des élections
présidentielles en France en 2002. Le lendemain, cela a
été le sujet principal des journaux télévisés les plus
suivis et a eu une approche sensationnaliste. Ce
moment a souvent été lié à la défaite de Jospin (PS) et
a été en faveur de Le Pen (FN).

LES JT, UNE SOURCE D’INFORMATION FIABLE ?

La télévision est une technologie centrale dans la vie et la socialisation : nous l’utilisons quatre
heure par jour en moyenne et pour beaucoup de gens, la télévision est leur seule source
d’information. Les JT sont considérés comme des constructeurs d’informations : nous les appellons
les « gatekeepers » qui ont des biais systématiques relevés comme le traitement anti-syndical et
ont des points de vue soutenant celui des groupes dominants. Leur principe de sélection est la
recherche du sensationnel. Leurs faits divers sont des faits qui font diversion comme le sexe, le
sang et le crime, ils ont un consensus sans relevance et ont un temps « volé » aux thèmes qui
favorisent la citoyenneté active.

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SOCIOLOGIE DE LA RÉCEPTION DES MESSAGES MÉDIATIQUES : TROIS MODÈLES

MODÈLE CLASSIQUE « LA SERINGUE HYPODERMIQUE » (LASWELL)

Les médias sont comme un moyen de propagande politique : ils injectent directement des idées et
des attitudes dans l’esprit des citoyens. C’est un modèle dit dépassé, car le public n’est pas passif
face aux médias et le message médiatique n’est pas reçu de manière similaire par tout le monde.

MODÈLE DE GRATIFICATION

L’individu n’est pas un réceptacle passif, mais un filtre actif des messages qu’il reçoit. Les gens
choisissent de regarder, d’écouter ou de lire des médias en accord avec leur croyances. L’effet des
médias est surtout de renforcer les croyances et les habitudes des gens : c’est ce qu’on appelle le
biais de confirmation. Les limites de ce modèle est qu’il postule un pluralisme de médias parmi
lesquels choisir et il fait « comme si » la demande des publics était indépendantes de l’offre, alors
que les deux sont liés : l’offre médiatique contribue en partie à créer la demande.

MODÈLE “TWO-STEP FLOW OF COMMUNICATION” (LAZARSFELD ET KATZ)

Le public interprète le message à travers des interactions sociales, prépondérance des relations
interpersonnelles. La réception des messages médiatiques se fait en deux temps : premièrement,
les médias atteignent des leaders d’opinion et deuxièmement, les leaders d’opinion médiatisent à
leur tour les informations. Ce modèle est désormais incorporé dans le monde des réseaux sociaux
(« followers ») et la publicité (« influenceurs »).

LA CONSTRUCTION MÉDIATIQUE DE LA RÉALITÉ PAR L’ « AGENDA SETTING »

Au final, l’influence des médias passe surtout par la définition des enjeux publics à travers la mise
en avant de certaines thématiques : « La presse ne réussit peut-être pas la plupart du temps, à dire
aux gens ce qu’il faut penser, mais elle est extrêmement efficace pour dire à ses lecteurs à quoi il
faut penser ».

« LE MÉDIUM EST LE MESSAGE »

Selon Marschall McLuhan, le médium est une « toute extension de nous-mêmes », notamment les
médias de masse mais aussi les vêtements, ma maison, la roue (nos jambes), l’électricité (notre
système nerveux), etc.

Ils exigent une participation élevée des utilisateurs, en raison de leur faible
MÉDIAS « COOL » définition (le public doit compléter les informations manquantes). Par
exemple, la télévision dans les années ’60 et les bandes-dessinées.
Il y a une faible participation du public en raison de leur haute résolution. Par
MÉDIAS « HOT »
exemple, le film, la radio, photographier.

LE MATÉRIALISME McLUHANIEN

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Les médias doivent être considérés comme, par leur nature même, engendrant des changements
sociaux spécifiques. La façon dont un message est émis (le type de média) importe plus que le
contenu du message transmis : « the medium is the message ». Les médias de masse comme la
télévision et Internet créent un « village global » et modifient donc notre expérience de la vie
quotidienne indépendamment de ce qu’ils véhiculent. Par exemple, la mécanisation (médium) de la
production des cornflakes et des Cadillac (message), dont le vrai message (effet) est la
décomposition des tâches, des rapports humains.

COURS X
PARENTÉ, FAMILLE, MARIAGE

CONCEPTS DE BASE

Groupe de personnes liées par le sang, liées génétiquement ou


PARENTÉ
liées par le mariage.
Groupe de personnes apparentées qui ont la responsabilité
FAMILLE
d’élever un ou plusieurs enfants.
FAMILLE NUCLÉAIRE Foyer dans lequel un couple marié vit avec ses propres enfants.
Le couple marié et ses enfants, plus d’autres membres de la
FAMILLE ÉLARGIE
parenté qui vivent dans le même foyer.
MONOGAMIE / POLYGAMIE POLYGYNIE = plusieurs épouses ; POLYANDRIE = plusieurs époux.

REDÉFINITION DE LA FAMILLE OCCIDENTALE

Nous passons d’une famille élargie à la famille nucléaire, du mariage arrangé, avec comme enjeu
principal la transmission (et conservation) du patrimoine, au mariage d’amour, avec comme enjeu
principal le consentement mutuel. Nous basculons de la définition religieuse du mariage
(sacrement) à une définition juridique : le mariage devient comme un contrat librement consenti,
avec une possibilité de dissolution (divorce). Cette définition juridique a été d’abord un privilège
pour les classes supérieurs, et puis généralisée depuis la Seconde Guerre mondial. En outre, un
nouveau rapport aux enfants s’installe.

CENTRALITÉ DU SENTIMENT AMOUREUX

Autrefois dissociés, l’amour et le mariage sont désormais dans le couple contemporain conçus
conjointement. L’amour et l’attirance moderne est, tout d’abord, une composante essentielle de la
vie conjugale et de chaque union durable. Ensuite, c’est la base d’une sphère privée et intime
(« home is where the heart is ») qui engendre l’individualité moderne. Après, ceci est vécu comme
une passion insondable et personnelle avec une ferveur et une souffrance en fonction d’impératifs
culturels (cfr. Madame Bovary). Enfin, à cause de l’imprimerie, l’amour romantique est idéalisé
dans la littérature.

LE SENTIMENT DE L’ENFANCE

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

Selon Philippe Ariès : « Dans la société médiévale, le sentiment de l’enfance n’existait pas ; cela ne
signifie pas que les enfants étaient négligés, abandonnés ou méprisés. Le sentiment de l’enfance ne
se confond pas avec l’affection des enfants : il correspond à une conscience de la particularité
enfantine, cette particularité qui distingue l’enfant de l’adulte ». Nous avons une prise de
conscience progressive de l’enfant comme un être individuel et son positionnement au centre de
la famille. Au Moyen Âge, il y avait peu de différence entre les mondes des adultes et des enfants,
mais avec l’industrialisation, nous avons attribué progressivement des droits aux enfants et interdit
le travail infantile. Par la suite, il y a eu une moralisation (religieuse) de l’enfance avec la nécessité
de l’éducation, une base de la scolarisation et la pédagogie.

Représentation de l’enfant au Moyen Âge (Les Jeux d’enfants, Brueghel, 1560).

Nous pouvons constater sur cette peinture que les visages de ces enfants ressemblent à des visages
d’adultes.

ÉVOLUTIONS RÉCENTES

Il y a eu l’émergence de la famille moderne « traditionnelle » (dans les années 1950-1960) : c’est


une image de la famille idéale centrale dans notre imaginaire collectif.

UN MODÈLE REMIS EN CAUSE

Les inégalités entre les hommes et les femmes joue un rôle dans la division des rôles : c’est un
modèle qui n’est plus représentatif des familles actuelles et est plus mythique que réel, n’est pas
un idéal pour tout le monde.

DÉCLIN DU MARIAGE ET AUGMENTATION DES DIVORCES

Depuis les années 1960, le taux des


mariages a diminué fortement et le divorce
aussi. Il y a une multiplication des divorces
par six depuis 1960 et plus qu’un mariage
sur deux finit par un divorce aujourd’hui.
Nous voyons également qu’après le
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Première et la Seconde Guerres mondiales,


il y a une forte diminution des mariages.
VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

DÉCLARATIONS DE COHABITATION LÉGALE ET MARIAGES EN BELGIQUE (2000 – 2013)

La cohabitation est en croissance depuis 1970. C’est un


succès récent grâce à l’introduction de la cohabitation
légale. C’est une porte d’entrée vers le mariage (mais
de moins en moins un mariage d’essai).

PROPORTION DE NAISSANCES HORS MARIAGE EN BELGIQUE (1960 – 2011)

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

POURQUOI AUTANT DE DIVORCES ?

Tout d’abord, le mariage n’est plus une question de transmission d’un patrimoine. Ensuite, les
femmes deviennent indépendantes économiquement. Après, il y a moins de stigmatisation du
divorce (valorisation de l’autonomie, égalité des sexes et du bonheur personnel). Par la suite, il y a
une réconciliation difficile avec l’individualité moderne (nécessité de liberté individuelle pour
s’épanouir). Enfin, nous sommes face à une inflation des attentes qui est une source d’instabilité
conjugale.

CE QUE LE DIVORCE FAIT À LA FAMILLE

Une famille articule toujours deux types de rapports sociaux : le rapport conjugal (ou matrimonial)
et le rapport de filiation (rapport parental). Le divorce dissocie le rôle conjugal du rôle parental. Il
met fin au rapport conjugal mais maintient le rapport parental, et les personnes divorcées peuvent
devenir à nouveau conjoints tout en restant parents. Par conséquent, il y a une complexification de
la situation familiale : il y a de nouveaux rôles comme celui du parent et/ou du beau-parent, et il y a
de nouvelles structures familiales.

LA DIVERSITÉ DE LA FAMILLE NUCLÉAIRE (TRADITIONNELLE)

Au-delà de la famille nucléaire (traditionnelle), nous avons aussi les familles monoparentales (ou
bifocales), les familles recomposées, les unions libres (cohabitation), et le mariage gay et les
familles homoparentales. Il y aussi une augmentation du nombre de célibataires.

LES MUTATIONS DE LA SEXUALITÉ MODERNE

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

DE LA SEXUALITÉ SANS REPRODUCTION...

Avec l’apparition des moyens de contraception sûrs qui modifient les rapports entre les sexes.

...À LA REPRODUCTION SANS SEXUALITÉ

Avec la procréation médicalement assistée et où la famille s’affranchit de la pesanteur du


biologique.

C’est une révolution technique mais aussi culturelle comme en témoignent les nouveaux discours
des experts sur la sexualité (sexologies, psychanalyse, etc.).

DES ATTENTES CONTRADICTOIRES

Nous remarquons un paradoxe : le mode de vie en couple reste dominant malgré l’instabilité
croissante des couples. La sociologie expliquera ce phénomène par des attentes contradictoires,
nootamment avec le besoin d’un soi libre, d’avoir sa « vie à soi », et également le besoin de
sécurité, d’un « refuge » conjugale, dans un monde incertain.

CLASSES SOCIALES ET INÉGALITÉS DANS LA SOCIÉTÉ MODERNE

La stratification sociale est une structure des inégalités qui exprime la


hiérarchie entre les individus et les groupes à l’intérieur de la société. Il y a
quatre systèmes basiques de stratification dont l’esclavage, les castes
(Brahmane, Kshatriyas, Vaishyas, Shudras), les états ou les ordres (le clergé,
la noblesse et le tiers état dans l’Ancien Régime), et enfin la classe sociale.

CLASSE SOCIALE

IMPLICATIONS

Premièrement, il y a des différences économiques suite au rôle dans le processus de travail en


temps que dirigeants ou dirigés, et les revenus, les avantages associés à ces rôles. En outre, il y a
des différences culturelles au niveau des modes de vies, de la consommation, du prestige, de la
considération sociale. Deuxièmement, ces différences doivent concerner des groupes.
Troisièmement, ces groupes doivent manifester leur unité par leur actions ou par leur situation.

DÉNONCIATION D’INÉGALITÉS

Quand on parle de classe, nous avons des inégalités d’origine sociale d’un côté et des inégalités
d’origine naturelle (climatique, par exemple) ou infra-sociales (résultant de goûts ou
tempéraments individuelles) de l’autre. Une inégalité est dite sociale lorsqu’une distribution
inégale entre les membres d’une société peut être attribuée aux structures mêmes de cette

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

société et qu’elle fait naître un sentiment d’injustice au sein de ses membres. Sans sentiment
d’injustice, on parle de différences et non d’inégalités.

CONDITIONS DE POSSIBILITÉ

Tout d’abord, on parle d’hérédité sociale : il y a des classes sociales dans la mesure où il a une
certaine hérédité des positions sociales (et que toutes les positions ne se valent pas). Enfin, il y a
une idéologie égalitaire : il faut que l’égalité soit proclamée comme une valeur (cfr. Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen, 1789), que l’idée d’une hiérarchie naturelle entre les hommes soit
rejetée.

LE SYSTÈME DES CASTES

Ce sont des groupes sociaux strictement délimités et hiérarchisés selon un


ordre de dignité, de prestige ou de « pureté » reconnu et accepté par
tous. Il y a une absence de mobilité sociale, on ne sort pas de sa caste. Les
métiers et les droits varient en fonction de la caste à laquelle on
appartient. Ce système de caste est un fondement religieux : c’est pour
cela que le clergé, le prêtres et les savants sont considérés comme le
sommet de cette pyramide, ce qui ne correspond pas à leur pouvoir
économique. Nous pouvons être très pauvres mais se trouver au sommet
en même temps.

CLASSE ET MÉRITE

Dans une société de classes, à la différence des systèmes antérieurs de stratification sociale, la
division de la société en groupes n’a pas d’existence légale. La société moderne privilégie les
« statuts conquis » sur les « statuts prescrits ». Le mérite devient un mode de hiérarchisation
légitime des individus.

ALEXIS DE TOCQUEVILLE (1805 – 1859)

Les idées essentielles d’Alexis de Tocqueville (1805 – 1859) sont les suivantes. Il a rendu un
témoignage sociologique de la Révolution française : la modernité est vue comme un triomphe de
l’égalité en tant que valeur. Il a mis en avant une réflexion d’ensemble sur la démocratie, sur les
rapports entre l’égalité (mobilité sociale) et la liberté (souveraineté aux individus). Enfin, il a fait
attention aux conséquences de l’individualisme sur la participation démocratique : les dangers
d’une tyrannie de la majorité et d’une centralisation du pouvoir.

PARADOXE DE LA SOCIÉTÉ MODERNE

La modernité a une double face : d’un côté, elle a un récit de l’égalité démocratique incarné par
Tocqueville, de l’autre, elle a un récit des inégalités capitalistes incarné par Marx. Ce paradoxe a
pu être surmonté (ou caché) grâce au mode de régulation politique de l’État-Providence. Ce

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

dernier est un système dans lequel l’État est le premier responsable du bien-être de ses citoyens,
notamment en matière de santé, d’éducation, d’emploi et de sécurité sociale. Il permet un partage
des fruits de la croissance, l’extension des droits sociaux et l’amélioration des conditions de vie de
tous.

LA NOTION DE CLASSES SOCIALES

COMMENT LA DÉFINIR ?

Nous avons deux grandes approches en sociologie. La première est l’approche marxiste avec ses
collectifs structurés par une position spécifique dans le système économique dotés d’une
conscience, et a une définition holiste et réaliste (réification de l’inégalité). La deuxième approche
est wéberienne avec ses groupes d’individus semblables partageant un destin social similaire, sans
en avoir forcément conscience. Elle a une définition individualiste et nominaliste (non d’inégalité,
mais des inégalités spécifiques et différentes). Elle ajoute également une dimension culturelle,
notamment le prestige de la profession exercée.

COMBIEN DE CLASSES SOCIALES ?

Marx varie dans ses écrits (en fonction des objectifs


qu’il se fixe) : le Marx historien en distingue sept
tandis que le Marx théoricien et activiste en
oppose deux. Cette opposition qui est entre deux
classes sociales ignore l’émergence de la classe
moyenne. Les études de stratification sociale
inspirées de l’approche de Weber diffèrent

dans le nombre de classes ou de strates distinguées. Par exemple, la nomenclature des professions
et des catégories socioprofessionnelles.

UNE CATÉGORIE D’ANALYSE DÉPASSÉE ?


Elle est en tout cas attaquée de plusieurs côtés. La thèse de
« la fin des classes sociales » de Nisbet en 1959 déclare que
les sociétés individualistes et/ou post-industrielles sont des
arguments fondés sur les transformations politiques,
économiques et culturelles. De plus, il y a une émergence des
nouveaux registres d’inégalité : des inégalités ethniques, des
inégalités de genre et des inégalités générationnelles.
Cependant, il y a aussi une thèse de la « moyennisation » de
la société de Mendras en 1988 : une massification scolaire,
une baisse des inégalités économiques et une généralisation
d’une culture « moyenne ».

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

LE « RETOUR » DES CLASSES SOCIALES

En matière de revenu, le large renflement


de la courbe au niveau de la médiane (100)
permet de révéler une forte classe
moyenne, située à égale distance des
extrêmes.

Du côté des patrimoines, au contraire, il


n’existe pas de classe moyenne, dans la
mesure où la population est largement
étirée entre l’extrême opulence et
l’extrême dénouement en termes
d’accumulation..

LES CLASSES SOCIALES AUJOURD’HUI

Marx distingue les « classes en soi » où les personnes ont un rapport commun vis-à-vis des moyens
de production, et les « classes pour soi » où une strate est organisée dans la poursuite active de ses
propres intérêts. Aujourd’hui, nous constatons paradoxalement une aggravation des inégalités de
classe et parallèlement un affaiblissement structurel, durable, de la conscience de classe des plus
dominés.

Les classes sans conscience de classe sont surtout parmi les classes populaires. Les classes
supérieurs / dominantes restent en revanche une « classe pour soi », capable de défendre ses
intérêts. Nous avons également un sentiment répandu d’appartenance à une classe moyenne aux
contours flous.

L’INÉGALITÉ SOCIALE AU PLURIEL

INÉGALITÉ, UNE PERSPECTIVE GLOBALE

L’Allemand prénomé Beck mettra en avant le nationalisme méthodologique qui est une
assimilation de la société de classe à l’État-Nation, c’est-à-dire que nous allons étudier les

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

phénomènes de classes à l’intérieur d’une société nationale et nous allons faire comme si elle est
limitée par des frontières, par exemple, la société belge, française, etc. Ce réflexe méthodologique
de limiter les analyses aux frontières nationales rend la sociologie aveugle à l’imbrication
transnationale des inégalités. Les inégalités dans l’Occident se basent ou sont imbriquées avec des
inégalités encore plus accrues dans des régions ou des États-Nations plus pauvres. Il est sans doute
vrai qu’un salaire minimum belge est très peu élevé, mais cela permet de consommer grâce aux
salaires encore plus bas dans le monde. Nous avons besoin d’une approche plus globale qui
s’appelle le cosmopolitisme méthologique et aura un regard sur les inégalités à l’échelle mondiale.

LA STRATIFICATION ETHNIQUE

L’ethnicité, comme Weber en a parlé, est un rapport social dans lequel le sentiment
d’appartenance (faire partie d’un « nous ») résulte d’un héritage culturel commun. Il cite
l’ascendance ou la religion commune, la langue partagée, les opinions ou coutumes collectives, ou
la similitudes physiques amplifiées de manière sélective (comme la couleur de la peau). Elle est
erronément prise comme un synonyme des minorités immigrées : se sont aussi des ethnies sub-
nationales (Limbourgeois, Namurois, Bruxellois, etc.). Au lieu de parler d’autochtones/allochtones,
il faudrait parler d’une majorité ethnique/des minorités ethniques.

La stratification ethnique est une division hiérarchique d’une société en strates innégales, peuplées
de divers groupes ethniques. Cette hiérarchie produit l’exclusion des minorités ethniques : sur le
revenu, le niveau d’éducation, le pouvoir organisationnel inférieur, et le prestige social inférieur.
Cette stratification ethnique est aussi liée aux différences régionales (plus/moins urbanisées) et
aux différences de classes (à travers l’emploi) : il y a une sur-représentation des minorités
ethniques dans les secteurs primaires (agriculture) et secondaires (industrie).

LA STRATIFICATION FONDÉ SUR LES DIFFÉRENCES DE GENRE

Selon Ivan Illich, le travail fantôme est une « masse d'efforts non rétribués, non reconnus, non
avoués, sans lesquels pourtant l'économie de la société industrielle n'existerait pas, car sa machine
s'en nourrit ». Souvent, c’est le « privilège » féminin. Par conséquent, plus de femmes travaillent
plus à temps partiel que les hommes (frein à la carrière professionnelle), il y a un effet sur l’emploi
hors domicile, c’est-à-dire qu’il y a une sur-représentation dans les secteurs des soins et de
l’assistance (ségrégation entre les sexes sur le marché du travail, mur de verre), et il y a une sous-
représentation des femmes dans les postes à responsabilté en raison de barrières
organisationnelles et culturelles.

Cette stratification est définie comme une inégalité sociale, objective et multiforme entre les
hommes et les femmes. Elle est venue sous l’attention sociologique qu’à partir de 1970, depuis la
deuxième vague féministe. Nous observons un caractère dual : une hiérarchie entre seulement
deux strates (homme/femme) dans laquelle l’homme est dominant. Le genre a une notion
différente du sexe qui a des différences anatomiques. Au sens large, le genre est l’ensemble des
relations par lesquelles les divisions sexuelles et les définitions de la masculinité et de la féminité

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

sont construites, organisées et maintenues. Au sens stricte, le genre est l’ensemble des définitions
socialement dominantes de la masculinité ou de la féminité.

Le patriarcat est, anthropoligiquement, « la loi du père », la domination des patriarches sur les
femmes et les hommes plus jeunes. En général, c’est une existence d’une domination masculine
durable dans la société. Selon Walby (1989), c’est « un système de structures et de pratiques
sociales dans lequel les hommes gouvernent, oppriment et exploitent les femmes » à travers le
travail rémunéré, le travail domestique, la sexualité, l’état, la violence et l’idéologie culturelle.

COURS XI
AVANT-PROPOS : DIFFÉRENTIATION SOCIÉTALE

SOCIOLOGIE, COMME DIAGNOSTIC DU SOCIAL

La question de référence de la sociologie est la suivante : dans quelle société vivons-nous ? Quelles
sont les caractéristiques fondamentales de notre société nationale ou régionale, mais aussi de la
société mondiale émergente ? La sociologie étudie la manière dont la société contemporaine est
structurée. Elle découvre également comment les caractéristiques trouvées façonnent les
trajectoires de vie et les opportunités des individus.

DIFFÉRENCIATION SOCIALE

La différenciation sociale est une structure, une caractéristique essentielle et durable du lien social
où il existe des différences entre les unités sociales, définissables par un principe unificateur.

TROIS FORMES DE DIFFÉRENCIATION


Durkheim en parle dans son travail : il parlera
DIFFÉRENCIATION DES TÂCHES (Durkheim) d’une différenciation qui va émerger grâce aux
professions spécialisées qui vont se développer.
La société se divise en strates horizontales et
inégales, c’est-à-dire qu’il y a un sommet et il y
a une base, et les deux n’ont pas le même
pouvoir : un strate détient le pouvoir et l’autre
DIFFÉRENCIATION SOCIÉTALE HORIZONTALE non. Quand on parle de ce genre de
différenciation, on parle généralement
d’inégalité entre les groupes. Ils peuvent être
définis par principe de classes, de genres ou
d’ethnies.
Weber l’a définie comme la rationnalisation du
monde moderne et a été supportée par
d’autres sociologues comme Bourdieu ou
DIFFÉRENCIATION SOCIÉTALE VERTICALE
Luhmann pour indiquer que les sphères
(Weber)
principales de la société vont obtenir une
propre logique, une propre rationnalité. C’est le
cas pour l’économie, la politique, etc.

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

Avec la société moderne et le résultat de ces trois (quatre normalement avec la différenciation
sédentaire non reprise dans les diapositives) types de différenciation, il existe entre eux des liens
transversaux. La différenciation des tâches se traduit par un large éventail de positions
professionnelles, lesquelles constituent à leur tour les unités de base des classes sociales. Une
profession (ou tâche) est généralement exercée dans le contexte d’un système fonctionnel ou
champ, tel que l’art, la science ou la politique.

L’ÉTAT ET LA LOGIQUE DES DROITS

LA SÉPARATION DU POUVOIR ET DE CELUI QUI L’EXERCE


Pour pouvoir parler d’un État, il est nécessaire de
concevoir un pouvoir comme transmissible, c’est-à-
dire, le pouvoir doit devenir un principe abstrait qui
se dissocie de la personne spécifique qui l’exerce.
Par contre, Louis XIV est l’opposition complète : on
ne parle pas d’un État dans la conception de ce
monde.
L’État de Louis XIV ne correspond pas aux critères de l’État moderne, c’est-à-dire qu’il n’y a avait
pas de pouvoir qui n’était pas lié à sa personne. Ce qui est assez révélateur de ce cas, c’est le rituel
qui accompagnait le Roi : chaque soir avant de s’endormir, il communiquait à son entourage à
quelle heure il voulait être réveillé et au moment de se réveiller, il était de nouveau entouré de son
entourage. Il n’y avait aucune séparation entre le public et le privé. Il était ainsi dans toutes les
situations Roi, même à peine réveillé, d’où la citation « L’État, c’est moi ».

LA SOUVERAINETÉ

La souveraineté est le droit exclusif d’aexercer l’autorité politique (législative, judiciaire et


exécutive) sur un territoire géographique ou une population. Ce pouvoir émergeant est conçut
avec la notion (Westphalienne) de l’état. Grâce aux traités de Westphalie (1648), il y a une
pacification de la guerre des Trente Ans en Allemagne et la guerre des Quatre-vingt Ans entre les
Pays-Bas et l’Espagne, avec un redécoupage des frontières territoriales selon deux principes :
l’inviolabilité des frontières et la non-ingérence dans les affaires intérieures des États souverains.
Ces traités ont été la base d’un système international d’États considérés comme ayant une valeur
juridique égale, la communauté internationale. Elle a été initialement identifiée comme une
personne, puis s’est détachée et s’est redéfinie comme un principe abstrait.

La notion recouvre deux dimensions. La première est l’idée de principe fondateur : c’est un
principe abstrait et non personnalisé d’autorité (ce qui fait qu’on reconnaît une légitimité à un
pouvoir et que l’on accepte l’application des lois). C’est ce qu’on appelle la souveraineté interne. La
deuxième est l’idée d’indépendance absolue : c’est l’indépendance de principe par rapport à une
autorité extérieure. C’est ce qu’on appelle la souveraineté externe. Ces deux dimensions servent à
mettre fin aux tentatives d’imposer une autorité supranationale aux États européens.

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

Aujourd’hui, la souveraineté a été redéfinie/relativisée par la pratique. D’un côté, nous connaissons
le droit d’ingérence pour des raisons humanitaires, surtout mis en pratique depuis la guerre
froide : c’est le droit d’une ou plusieurs nations de violer la souveraineté d’un autre état. Ce droit
est en déclin ces dernières années, après les critiques de néocolonialisme/impérialisme et des
réflexes nationales (cfr. Trumpisme). La deuxième instance sous laquelle la souveraineté a été
redéfinie, c’est l’Union Européenne où il y a eu un transfert (partiel) du pouvoir vers un niveau
supranational. Ceci suscite le retour des partis politiques dits « souverainistes » dans plusieurs États
membres.

LE MONOPOLE DE VIOLENCE LÉGITIME

Dans notre conception moderne de l’État, à la base, il y a une conviction pour pouvoir vivre
ensemble, nous avons besoin de règles de conduite communes, édictées dans des lois. Donc, la
possibilité du conflit-même doit être gérable par ces lois. Nous allons attribuer à l’État la possibilité
de faire des lois et nous allons missioner de faire régner l’ordre de la loi. C’est l’autorité politique
centrale qui détient le monopole de la violence légitime (Max Weber).

Tout d’abord, l’État a la possibilité de recourir à la violence pour faire appliquer la loi par des forces
de l’ordre (la police ou l’armée). Ensuite, c’est une violence légitime : ce pouvoir ne s’exerce pas
d’une manière arbitraire. Elle doit se dérouler dans les limites autorisées par la loi et les droits de
l’individu. De plus, elle sert à garantir la conformité à la loi, en cas de besoin. Enfin, seulement l’État
détient ce pouvoir et les autres sources sont considérées illégitimes ou risquées (police privée,
mercenaire,...).

APPAREIL ADMINISTRATIF

Pour pouvoir fonctionner, chaque État doit avoir un corps d’agents spécialisés que l’on appelle les
fonctionnaires qui ont une propre formation, ont un mécanisme de recrutement et ont un statut
d’emploi à soi.

LE MONOPOLE DE PRÉLÈVEMENT FISCAL

Au départ, pour assurer les fonctions régaliennes (fonctions attribuées au Roi) en souveraineté, il
fallait avoir une sécurité intérieure (la police et la justice), une sécurité extérieure (l’armée, la
diplomatie, les affaires étrangères). Ces fonctions pouvaient parfois inclure la monnaie (la banque
centrale). Au cours du XXe siècle, ces fonctions ont été élargies à travers l’augmentation des
prélèvements fiscaux qui ont permis le développement d’un État social. Il aura une recette majeure
qu’il utilisera pour des dépenses publiques en matière d’éducation et de santé, pour des revenus de
remplacement et de transfert (retraites, chômage, minima sociaux,...), et s’impliquera ainsi dans la
vie économique.

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

LA REDISTRIBTION MODERNE

Ce qui va caractériser l’État social est la redistribution moderne. Elle est construite autour d’une
logique de droits et d’un principe d’égalité d’accès à un certain nombre de biens jugés
fondamentaux. Par conséquent, il y aura maintenant des financements de services publiques au
lieu de transferts explicites. Ceci est justifié par la Déclaration d’indépendance américaine de 1776
et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789.

LA CONSTRUCTION ÉTATIQUE

QUATRE DYNAMIQUES
Nouvelle ordre juridique, ouvrant la vie à la citoyeneté et la
DYNAMIQUE DES DROITS
démocratie, entendu comme état de droit.
Homogénéisation culturelle, autour de la langue, la religion et
DYNAMIQUE DE LA NATION
l’histoire partagée.
Extinction lente de l’aristocratie, remplacée par la bourgeoisie ;
DYNAMIQUE DES CLASSES Émergence du mouvement ouvrier ; Apparition de la classe
moyenne comme arbitre principal.
Expansion visible dans, a) le colonialisme européen, b) l’annexion
DYNAMIQUE IMPÉRIALISTE
territoriale à travers la guerre.

LA LOGIQUE DU/DES DROIT(S)

Nous allons analyser trois textes fondateurs de la démocratie moderne : la Déclaration


d’indépendance américaine (1776), la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen
(1789) et la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948). Néamoins, ces textes n’ont
aucune universalité par nature, c’est-à-dire qu’ils sont issus d’un processus historique et
globalisant. De plus, ils correspondent au besoin de normes universelles face aux risques de
violence inhérent à l’exercice du pouvoir et sont sujet aux évolutions interprétatives au fil des
siècles.

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

POINTS COMMUNS ENTRE LE TEXTE DE 1776 ET CELUI DE 1789

Nous constatons un basculement du fondement social : nous allons d’une source transcendante
de la norme, c’est-à-dire un fondement collectif situé en haut et garanti par les puissances de l’au-
delà, à une source immanente de la norme, qui est une représentation d’un fondement situé en
bas : l’individu est désormais premier et le pouvoir surgit de l’intérieur même de la société et non
plus du dehors.

De plus, nous constatons un ton solennel, mais différent des grands textes religieux : ils ont un
genre juridique où il n’y aucun mythes, ni paraboles, ils n’ont pas de fonction révélatrice, et ils n’ont
aucun respect d’une tradition mais inventent une nouvelle norme comportementale.

Ces textes sont un signe d’un changement de rapport que l’humanité entretient vis-à-vis d’elle-
même. C’est une première historique : jamais, avant, dans notre civilisation, des normes ont été
édictées par les hommes pour les hommes. Le droit moderne est, en fait, l’expression (et l’ancrage)
juridique de cette nouvelle conception de l’individu comme un sujet de droit. Ceci fonctionnera
comme la base d’un nouvel ordre politique : c’est une démocratie entre des égaux, qui assure des
libertés de base à chacun.

Nous pouvons remarquer que ce droit est une pétition de principe, c’est-à-dire qu’il réclame des
choses mais il reste un hiatus entre ces textes et la réalité de l’époque. De plus, il y a une différence
entre le droit et le fait et la condition pour passer de l’un à l’autre suppose de traduire le droit en
droit positif (règles juridiques en vigueur). Quand on parle de droits « naturels », on parle de
« naturel » comme des droits qui cherchent à cacher le fait qu’ils tirent leur justification en eux-
mêmes, inaliénables, universels. Ils y cachent une tension centrale concernant les limites du droit :
jusqu’où doit aller l’égalité des droits ? Quand on parle de droit universel, on ne parle pas
nécessairement d’une expression de consensus.

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

LES DÉCLARATIONS DE 1776 ET 1789 LA DÉCLARATION DE 1948


En 1776, il y a une volonté d’émancipation vis-à-
vis d’une puissance externe (le Royaume-Uni à Cette déclaration officialise l’existence de deux
cette époque) ; En 1789, il y a un mouvement nouvelles catégories de droits : le droit social et
d’émancipation interne (avec une portée plus les droits culturels (ouvrant au droit des
universelle) ; C’est une conception libérale ou minorités). C’est une conception qui vise à la
classique des droits de l’homme et met l’accent réalisation concrète des facultés incluses dans
sur les libertés individuelles (droits civils et les droits classiques.
politiques).

Il y a donc un changement de perspective. Dans le droit social, tout d’abord, le sujet est un homme
concret : les conditions d’existence déterminent les droits qui sont reconnus. Ensuite, dans le droit
social, le droit est moins universel : il concerne surtout les catégories sociales moins favorisées.
Enfin, nous constatons une mutation des devoirs de l’État : l’optimisme libéral ne suffit pas et
l’action de l’État y est requise. Le droit classique est lorsque l’État reconnaît la légitimité et
n’entrave pas (un droit de...) et un droit social est lorsque l’État garantit la tenue de sa promesse
(un droit à...).

Par conséquent, nous avons une bi-dimensionnalité des droits de l’homme : d’un côté, nous avons
une composante individualisante (indépendance du contexte), et d’un autre, nous avons une
composante socialisante (dépendance du contexte, intervention ératique). De plus, en théorie, il
n’y a pas d’opposition et en pratique, il est difficile à concilier : la société libérale tend à négliger les
droits sociaux (USA) et la société collectiviste tend à négliger les droits civils et politiques (Russie).

L’ÉTAT SOCIAL

LE DROIT SOCIAL

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Le droit social est, tout d’abord, un droit collectif : il s’applique à l’ensemble des citoyens en raison
de leur condition sociale. Ensuite, ce droit est contre la fiction du contrat : il reconnaît le caractère
asymétrique du contrat de travail. Enfin, il protège le travailleur contre les risques de sa
marchandisation. Ce droit social joue un rôle correcteur par rapport à d’autres droits : le droit de
grève est un correctif par rapport à la liberté d’entreprendre ; le droit de travail est un correctif par
rapport à la liberté d’embaucher et licencier.

De plus, le droit social régule les tensions entre les intérêts divergents pour toute sorte de conflit,
qui y inclut la lutte des classes, et la redéfinition juridique de l’opposition entre la bourgeoisie et le
prolétariat comme un conflit entre les employeurs et les salariés.

L’ÉTAT SOCIAL OU L’ÉTAT PROVIDENCE

L’État providence, ou l’État social, est une forme ératique qui se met en place après la Seconde
Guerre mondiale, par laquelle l’État réalise le programme d’égalisation des conditions énoncées
dans les textes fondateurs de la logique des droits. Il sert à apaiser des conflits sociaux par la mise
en place de droits sociaux, est une réalisation partielle et il est un remplacement séculier de la
providence divine, est trop aléatoire (charité) et est sélectif (bons et mauvais pauvres).

L’État social est un instrument par lequel sera réalisée (partiellement) la promesse de partage des
bienfaits de la croissance sur laquelle repose la légitimité de la société industrielle. C’était une
adaptation politique au contexte de guerre froide et de conflits sociaux et politiques, une condition
de survie pour les démocraties capitalistes (« péril communiste »).

De plus, cet État est une stratégie de la « démocratie industrielle » : c’est une extension de la
gestion démocratique de la vie politique à la gestion de la vie économique et sociale. Il y a
également un élargissement de la zone d’influence de l’État : la construction de l’État social
permet à l’État de s’imposer comme un acteur clé de la dynamique économique à côté du patronat
et des syndicats. L’État social est en parallèle avec la doctrine économique keynésienne.

L’ÉTAT SOCIAL, UNE POLITIQUE KEYNÉSIENNE

John Maynard Keynes (1883 – 1946) était un économiste anglais. Il a plaidé pour l’intervention de
l’État dans le domaine économique et sa théorie keynésienne fait de l’État social le moyen de
renflouer l’économie lorsque l’affaiblissement de la demande met l’économie en crise.

LA CRISE DE L’ÉTAT SOCIAL

L’État social a eu une apogée lors des Trente Glorieuses mais depuis, il est en crise. D’abord, il y a
eu une crise financière : dans un contexte de crise économique, l’augmentation des dépenses
sociales et la diminution des recettes entraînent des problèmes de financement. Mais il y a aussi
une crise de légitimité : l’État social est critiqué, ce qui va permettre à un retour du libéralisme
économique sur la scène politique. Le libéralisme économique est une doctrine fondée sur la

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dénonciation d’un rôle trop actif de l’État et sur la valorisation des vertus régulatrices du marché.
Parallèlement, avec le retour de ce libéralisme économique, il y a une crise du keynésianisme.

Par conséquent, l’État social est en déclin : nous basculons d’un mécanisme correcteur nécessare
pour combattre les « externalités » du marché vers « l’État n’est pas la solution à notre problème,
l’État est le problème » (Reagan). Nous avons une ouverture croissante économique (dérégulation)
et une compétition sur le marché internationale.

LES RÉFORMES LIBÉRALES DE L’ÉTAT

CRITIQUE SOCIO-POLITIQUE DE L’ÉTAT SOCIAL

TRIPLE CRISE
Comment assurer le financement d’un système structurellement
CRISE FINANCIÈRE
déficitaire ? (Critique de sa durabilité.)
Budgets massifs, mais manque de résultats. (Critique de sa lourdeur
CRISE D’EFFICACITÉ
bureaucratique.)
Qui est responsable pour l’avenir des individus ? Responsabilisation
CRIDE DE RESPONSABILITÉ de l’état ou déresponsabilisation individuelle ? (Critique de
l’assistanat.)

CRITIQUE PROPHÉTIQUE DE TOCQUEVILLE

Tocqueville avait déjà donner une critique sur la « dépendance infantile » dans laquelle l’État place
ses ayants-droits : « Au dessus d’eux s’élève un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d’assurer
leur existence et de veiller sur leur sort; il est absolu, détaillé, prévoyant et doux; il travaille
volontiers à leur bonheur, mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur
sécurité, prévoit et assure leur besoin, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige
leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages : que ne peut-il leur ôter entièrement le
trouble de penser et la peine de vivre ». Nous apercevons dans cet extrait une distinction entre la
société et l’État : la responsabilité bouscule entièrement et exclusivement vers le dernier. L’État est
le seul responsable de notre avenir : n’est plus protecteur de la sécurité de tous mais gérant du
progrès.

ÉTAT-PROVIDENCE AU RISQUE DE SUR-CHARGEMENT

Ce type d’État tend vers une inflation des attentes. Il y a une croissance des demandes adressées à
l’État : l’État social favorise des tendances inflationnistes qui, à leur tour risquent de les ruiner. C’est

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aussi une tendance généralisée : il est présent dans les autres sphères sociétales, comme par
exemple la médecine et l’éducation.

DE L’ÉTAT SOCIAL À L’ÉTAT SOCIAL ACTIF

À cause de ce risque de surchargement de cette crise de financement, il y a eu une redéfinition


majeure de l’État social qui est devenu un État actif. Cet État vise toujours la protection sociale,
mais suivant un principe d’activation de bénéficiaire de l’aide sociale. Nous allons viser une
responsabilisation individuelle et non pas seulement celle de l’État. Il y aura, de plus, une plus forte
prévention des risques, plutôt que d’attendre leur apparition. Enfin, on augmentera les possibilités
d’inclusion, plutôt que d’assurer un revenu. L’objectif principal est rétablir le rapport entre les
actifs et les inactifs pour assurer l’équilibre financier du système.

Il y aura donc une remise en cause du principe de démarchandisation : l’objectif du système est de
remettre les personnes au travail en les remarchandant à travers, premièrement, la
conditionnalisation de l’intervention publique. Il y aura une contractualisation au lieu du principe
assurantiel précédent : il y aura une stipulation des conditions, ce sera révocable et révisable et il y
aura des droits et des obligations mutuelles entre les parties. Nous avons besoin en permanence
d’une nécessité d’une démonstration d’ « employabilité ».

Deuxièmement, afin que l’État social actif se réalise, il y aura une individualisation de l’aide. Nous
basculons d’une logique collective avec une définition collective des droits (des droits identiques
pour tous figurant dans la même catégorie), vers une logique individuelle où il y aura un nouvel
accent sur l’accompagnement personnalisé (une appréhension de l’individu comme une singularité
qui sera moins comme un représentant d’une catégorie prédéfinie).

Il est clair que cette redéfinition de l’État social actif correspond à un besoin objectif de
financement : le système va perdurer et nous aurons besoin d’un équilibre entre le actifs et les
inactifs. De plus, sur le plan du principe, un partage, une dissolution de la responsabilité, ce n’est
pas mauvais mais dans la réalité des choses, on voit que cette activation va porter des problèmes
graves. Par exemple, nous voyons dans le tableau ci-dessus, le rapport entre le nombre de
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chômeurs et les offres d’emploi qui sont disponibles. Pour chaque annonce, il y a une concurrence
assez élevée et cela varie de région en région, sutout à Bruxelles où nous voyons une forte
concurrence entre les demandeurs d’emploi. Pour chaque annonce, il y a presque cinquante
personnes qui cherchent un emploi. Nous comprennons que si l’accent ou si le droit social devient
conditionnel sur cette recherche de travail, nous contribuerons à l’augmentation de la pauvreté, car
les allocations (ici, le chômage) deviennent conditionnelles à la recherche du travail et qui vont
diminuer au cours du temps, le plus nous restons au chômage, le moins sera notre allocation. Les
limites objectives de disponibilité de l’emploi va mettre un frein à cette activation et c’est cela qui
va porter en réalité à la recherche d’un emploi.

COURS XII
AVANT-PROPOS : LES MOUVEMENTS SOCIAUX

Les mouvements sociaux existent afin de mobiliser des intérêts hors du processus démocratique. Ils
se définissent comme « un effort organisé pour obtenir un changement de nature sociale »,
indépendemment de sa taille, de son objectif ou de son succès. Au sens large, ils incluent les
groupes religieux, les groupes ethniques, mais aussi des groupes délinquants ou idéologiques. Leur
point focale sont les institutions et organisations publiques, mais aussi les entreprises privées ou les
personnages connus.

ACTIVITÉS

Les activités des mouvements sociaux sont les suivants : la mobilisation (rassemblements, marches
et parades) pour souligner leur importance ; des demandes coordonnées (lettres, etc.) pour
atteindre leur groupe ciblé ; la publicité pour faire passer le message au grand public ; la
désobéissance civile pour dénoncer les injustices ; la violence, si elle est jugée nécessaire pour
obtenir leur but.

STRUCTURE

Les mouvements sociaux n’ont aucune hiérarchie claire (mais souvent, ils ont des porte-paroles).
De plus, plusieurs groupes sont sans coordination ou de consensus.

COMMENT EXPLIQUER LEUR ÉMERGENCE ?

THÉORIE DE LA PRIVATION RELATIVE

La théorie de la privation relative est la plus en vogue et elle s’explique par un décalage entre ce
que des personnes estiment de mériter et ce qu’ils ont. Ainsi, un sentiment va émerger en se
comparant aux autres personnes dans une situation similaire. Par exemple, c’est le cas avec les
sufragettes françaises et le droit de vote aux États-Unis, et le terrorisme en Occident.

THÉORIE DE LA MOBILISATION DES RESSOURCES

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La théorie de la mobilisation des resources souligne le sentiment de privation qui ne suffit pas
comme un facteur explicatif des mouvements, mais a un besoin d’expliquer leur capacité d’unir et
d’organiser. Ainsi, cette théorie se base plutôt sur une optique matérialiste et il y aura une
centralité de l’accès au ressources au meneurs pour coordonner les activités, au moyens de
communication, au moyen financier, au contacts dans la sphère publique (médias, instances
publiques,...) et aux moyens de transport. Cette centralité est beaucoup plus accessible dans les
pays riches.

LA MOBILISATION, UN ENJEU PRINCIPAL

Aucun mouvement existe sans implication continue des adhérents. Afin de mobiliser, il faut
convaincre et pour cela, on sensibilise en multipliant les intérêts et les problématiques. Par
exemple, l’environnement comme problème naturel, morale, sanitaire, social, etc. De plus, afin de
convaincre, il faut mobiliser : les personnes qui s’investissent davantage développent des
croyances en phase avec la cause. Souvent, il n’y a pas de convictions tranchées avant l’adhésion et
la participation aux actions renforce les croyances, et non pas l’inverse.

CRITÈRES DE SUCCÈS

William Gamson a développé ces critères-ci et a déduit que les résultats obtenus et leur légitimité
détermine le succès des mouvements.

RÉSULTATS MANQUE DE RÉSULTATS


Apporter une réponse
LÉGITIME Récupérer le mouvement.
totale.
ILLÉGITIME Prendre les devants. S’effondre.

LA DYNAMIQUE NATIONALE

DÉFINITIONS
Groupe homogène sur le plan culturel, dont le territoire est défini et qui peut
LA NATION prétendre à une existence politique ératique. C’est une unité culturelle et un projet
politique et idéologique, et il y a une délinéation territoriale.
Ensemble des individus qui partagent un héritage culturel (langue, histoire,
L’ETHNIE coutumes, symboles,...). C’est une unité culturelle uniquement et elle ne suppose
pas la délimitation d’un territoire.

IDENTIFICATION NATIONALE OU ETHNIQUE


IDENTITÉ « Ce dans quoi je me reconnais et dans quoi les autres me reconnaissent ».
Processus qui favorise l’unité d’un groupe et entraîne les individus à se
IDENTIFICATION conformer aux valeurs communes à travers des éléments symboliques (les
drapeaux), des éléments subjectifs et des éléments intersubjectifs.

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ÉTAT-NATION

L’État et la nation sont deux unités sociales séparées au départ : l’idée de la nation renvoie vers
une unité culturelle, et l’État renvoie à une forme de gouvernance. Au XIXe siècle, il y a eu un
mouvement de rapprochement. Selon le principe « une culture, un toit politique », l’État-nation
est né : c’est une nouvelle forme d’organisation sociale qui associe étroitement l’idée d’unité
culturelle et celle de la forme politique ératique. C’est un phénomène typiquement moderne.

L’État-nation y rajoute un critère supplémentaire à la définition de l’État :

CONVERGENCE ENTRE L’ÉTAT ET LA NATION

L’État-nation n’est pas un processus naturel, mais cette idée est entretenue par les mouvements
nationalistes (c’est un mythe national). En réalité, la convergence est le fruit du nationalisme : la
nation est issue du nationalisme, et non pas l’inverse. C’est le mouvement politique qui a oeuvré
pour la convergence entre la culture et la société politique. L’idéologie de l’État-nation est qu’une
bonne gouvernance ne peut être obtenue que par son propre peuple.

DEUX CONCEPTIONS

LA NATION-GÉNIE LA NATION-CONTRAT
CONCEPTION ALLEMANDE CONCEPTION FRANÇAISE
(OU ROMANTIQUE) (OU RÉVOLUTIONNAIRE)
La nationalité est comme un fait de la nature. La nationalité est comme un fait de volonté. La
La nation est une réalité organique liant nation est un « vouloir-vivre ensemble », le
certains hommes à une terre, à des morts, à une produit d’un libre contrat passé entre des
langue, à un passé commun : c’est une individus : c’est une conception civique-
conception ethnique-culturelle. Cette politique. Cette conception est axée sur le
conception est axée sur le passé, et insiste sur présent, et insiste sur la dimension rationnelle,
la dimension affective, identitaire et sur l’idée de liberté. La vocation de la nation,
déterministe. La nation est vue comme une est, selon eux, de disparaître et le
réalité indépassable. cosmopolitisme est comme un horizon.

D’OÙ VIENT LE NATIONALISME ?

FACTEURS POLITIQUES

Au niveau politique, le nationalisme provient de la logique des droits des peuples à vivre ensemble
ou à affirmer leurs particularismes. Ainsi, il y a une constitution des forces armées et de la police : il
y a une création d’un sentiment national par la désignation d’ennemis (intérieurs ou extérieurs) et
il y a une massification des conflits.

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FACTEURS CULTURELS

Au niveau culturel, nous avons une unification culturelle (la culture est dominante) et linguistique
(marginalisation du patois) à travers l’enseignement devenu obligatoire et à travers les médias et
leur capacité de rassembler toute la population.

FACTEURS SYMBOLIQUES

Au niveau symbolique, le nationalisme apparaît grâce au récit de la nation avec l’écriture de


l’histoire « vraie » et d’une imposition d’une mémoire nationale.

FACTEURS ÉCONOMIQUES

Au niveau économique, nous avons une standardisation, une unification culturelle (exo-éducation)
pour répondre aux besoins de la société industrielle et unification territoriale pour obtenir un
marché suffisamment grand.

ÉTAT-NATION, VERS UNE RECOMPOSITION ?

L’État-nation est aujourd’hui dépassé par le bas (régionalisation) et par le haut (mondialisation)
dans des configurations post-nationales résultant dans un dépérissement sans dépassement de
l’État-nation. Par exemple, l’immigration mondiale est une mise en question de l’unité culturelle.
Elle montre l’État-nation comme une forme politique qui engendre de l’exclusion parce qu’elle ne
définit des individus « libres et égaux » que dans le cadre juridique des appartenances sociales
nationales. Par conséquent, il y a une montée des tensions « raciales », de l’extrême droite et des
populismes ethno-identitaires (« chauvinisme du bien-être »).

RACE ET ETHNICITÉ

RACE ETHNICITÉ
NATURE DES
La biologie. La culture.
CATÉGORISATIONS
Les personnes extérieures avec Les membres du groupe avec l’
GROUPE QUI CATÉGORISE l’ « assignation » et l’identité « auto-identification » et
subie. l’identité choisie.
Oui, avec une hiérarchisation
IMPLICATIONS MORALES Non, par nécessairement.
très nette.
Oui, il y a des rapports de
DIMENSION POLITIQUE Non, pas nécessairement.
domination et de pouvoir.

RACISME

Le racisme est le fait de définir un ensemble humain par des attributs naturels, à en déduire des
caractéristiques intellectuelles et morales qui valent pour chacun des membres de cet ensemble,
quelles que soient leur action et leur volonté. Il prolonge éventuellement ces représentations par
des pratiques d’infériorisation et/ou d’exclusion.

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DU NATIONALISME AU RACISME D’ÉTAT

TROIS RÉGIMES POLITIQUES PRATIQUANT LE RACISME D’ÉTAT AU XXe SIÈCLE

Les trois régimes politiques qui ont pratiqué le racisme au XX e siècle ont été l’Allemagne nazie
(1933 – 1945), les États du Sud des États-Unis (ségrégation raciale jusqu’en 1964), et l’Afrique du
Sud sous l’apartheid (1948 – 1991). Ils avaient tous les trois en commun, sur le plan idéologique, un
racisme explicite (pureté de race), une hiérarchie présentée comme naturelle, et sur le plan
économique, des restrictions des opportunités pour le groupe ségrégué.

LE GÉNOCIDE

Selon Fein, en 1993, un génocide est une action continue (1) et réfléchie (2). Il est commis par un
responsable (3) qui vise à détruire physiquement une collectivité (4), directement (5) ou
indirectement (6). De plus, cette action est indépendante (7) de la reddition de la victime ou d’une
quelconque menace de sa part. Selon Sémelin, en 2002 : « Ce processus de violence, loin d’être
anarchique, est canalisé, orienté, voire construite contre tel et tel groupe. Il prend concrètement
la forme d’une action collective, impulsée, le plus souvent par un État (et ses agents), qui ont la
possibilité d’organiser cette violence ».

LE GÉNOCIDE COMME PROCESSUS

Le génocide n’est pas seulement un crime et un événement, c’est également un processus social.
Avant le génocide, il y a une préparation de la violence physique par une violence symbolique (qui
passe notamment par la propagande, la manipulation de l’opinion). On entend par symbolique le
fait de nous faire renvoyer au domaine des représentations, et par la violence, l’imposition des
catégories de perception. Les personnes propagent une représentation des choses, d’un problème,
ou du monde et font adopter cette représentation, y compris (et surtout) par les personnes qui
n’ont aucun intérêt à l’adopter.

La violence symbolique vise à déprecier l’autre, à accréditer l’idée qu’il pose un problème, qu’il
représente une menace pour le groupe dominant. Pour ce dernier, ce discours contribue à rendre
légitime la violence physique qui suivra et la dépréciation de l’identité d’autrui permet aussi de
valoriser sa propre identité. Cependant, du côté de la victime, ce discours affecte son estime de
soi, sape son identité.

La violence symbolique repose donc sur l’imposition de catégories de perception du monde social.
Mais le propre de la violence symbolique (cf. Bourdieu) est qu’il s’agit d’une violence qui s’exerce
sur une personne et à laquelle elle participe elle-même, notamment en acceptant la définition qui
lui est imposée de sa situation, de son identité.

Avant le génocide, il y a une progression croissante dans l’intensité de la violence symbolique et


physique : de l’exclusion à l’élimination. Par exemple, en 1933, il y a une mise au pas des
opposants politiques et de divers groupes juifs sont écartés de l’accès à la fonction publique. En

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1935, la « Loi de Nuremberg » a été votée (ségrégation raciale, discrimination). En 1938, il y a le


pogrom de « la Nuit de Cristal », ensuite la création des ghettos juifs en 1939, et enfin, en 1942, la
« solution finale de la question juive » (déportations massives dans les camps d’extermination) a
été mise en place.

Après le génocide, il y a eu des enjeux de mémoire importants aux plans politique et identitaire
tant pour le génocidaire que pour la victime : « Qui sommes-nous ? Qu’avons-nous fait ? Comment
éviter pour que cela ne se reproduise ? ». Il y a à la fois un devoir de mémoire, un travail de
mémoire et un abus de mémoire. Il y a eu également des enjeux de justice avec le procès des
principaux criminels nazis : le procès de Nuremberg en novembre 1945 à octobre 1946, et le procès
d’Adolf Eichmann (1961).

EICHMANN OU « LA BANALITÉ DU MAL »

L’ouvre d’Hannah Arendt appuie sur le fait qu’il faut dépasser les
interprétations en termes de « folie destructrice » ou de « monstruosité ».
Selon Arendt, l’un des principaux organisateurs de l’Holocauste, Eichmann, est
un simple bureaucrate. De dernier, lors de son procès, a déclaré : « Je ne
faisais qu’obéir aux ordres et à mon devoir de soldat ». Quant à Arendt, elle
cite : « Il eût été réconfortant de croire qu’Eichmann était un monstre ». La
normalité des tortionnaires est en réalité beaucoup plus terrifiante. Bref, les
génocides modernes ne sont pas des complots sadiques, mais des crimes
administratifs et légaux.
LA SOUMISSION DE L’AUTORITÉ

Voici une expérience de S. Milgram, Obedience to Authority: An


Experimental View (1974). L'expérimentateur (E) ordonne à
l'enseignant (T), le sujet de l'expérience, de donner ce que l'enseignant
(T) croit être des chocs électriques douloureux à un apprenant (L), qui
est en fait un acteur et un complice. Le sujet est amené à croire que
pour chaque mauvaise réponse, l'apprenant recevait des chocs
électriques réels. Si, à un moment ou à un autre, l'enseignant
manifestait le désir d'interrompre l'expérience, l'expérimentateur avait
pour instruction de donner des indications :

1. Continuez s'il vous plaît ou Poursuivez s'il vous plaît ; 2. L'expérience exige que vous continuiez ; 3.
Il est absolument essentiel que vous continuiez ; 4. Vous n'avez pas d'autre choix, vous devez
continuer.

« L’ÉTAT AGENTIQUE »

Le principal résultat de cette expérience est que 65% des volontaires n’ont pas hésité à obéir aux
ordres qu’on leur donnait, allant jusqu’à envoyer des décharges potentiellement mortelles (450

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volts) à une personne sans défense. Milgram explique que la soumission à l’autorité s’explique par
l’ « état agentique » : « Une condition de l’individu qui se considère comme l’agent exécutif d’une
volonté étrangère, par opposition à l’état autonome dans lequel il estime être l’auteur de ses
actes ». Ainsi, l’expérience de Milgram montre la pertinence de l’hypothèse d’Arendt.

LA DYNAMIQUE IMPÉRIALISTE

L’impérialisme se défini comme une doctrine politique de conquête, visant la formation d’un
empire ou d’une domination (militaire, politique, culturelle) à travers l’annexion de pays
limitrophes et la colonisation. C’est une dynamique qui contrevient à la dynamique nationale et
qui va donc s’appuyer et se légitimer en recourant à la doctrine raciste : « Quel Etat-nation
pourrait songer à conquérir en toute bonne conscience des peuples étrangers, puisqu'une telle
bonne conscience suppose que la nation conquérante ait la conviction d'imposer une loi supérieure à
des barbares? Or la nation considérait sa loi comme l'émanation d'une substance nationale unique,
sans validité au-delà de son propre peuple et des frontières de son propre territoire » (Arendt,
1994).

L’IMPÉRIALISME, DE L’ÂGE D’OR À LA DÉNONCIATION

À la fin du XIXe siècle, c’est l’âge d’or de l’impérialisme, non seuelement en raison d’une fièvre
expansionniste, mais aussi au plan idéologique : l’impérialisme est vu comme une fierté, une
« mission civilisatrice » dans l’intérêt des « races arriérées ». En 1899, c’est le début d’une nouvelle
phase dans l’usage du mot « impérialisme » : l’événement déclencheur était la guerre des Boers qui
était une conquête d’un territoire occupé par une population d’origine européenne. À partir de là,
l’impérialisme est perçu comme un phénomène économique plutôt que culturel. La vision négative
de l’impérialisme était qu’il soit un parasitisme, une prédation économique. Cette vision a été
reprise et théorisée par les marxistes et Lénine : L’impérialisme, stade suprême du capitalisme
(1916).

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L’IMPÉRIALISME AUJOURD’HUI

Le terme désigne désormais de façon large tout rapport de domination établi par une nation ou
pays sur un ou plusieurs autres pays. L’impérialisme culturel est la domination culturelle des États-
Unis au niveau mondial, par exemple.

ÉTAT EN CRISE : DÉMOCRATIE ET LES NOUVEAUX MÉDIAS

LA FACE OBSCURE DE NOTRE RATIONALITÉ

Des sociétés de la connaissance mais aussi, paradoxalement, des sociétés


de la crédulité. Comment est-ce possible? Les sociétés modernes sont
basées sur la confiance : les connaissances étant considérables, il est
impossible de tout maîtriser soi-même, d'où la nécessité de « croire par
délégation » (faire confiance). Comme Tocqueville l’a dit : « Il n'y a pas de
si grand philosophe dans le monde qui ne croie un million de choses sur la
foi d'autrui, et ne suppose beaucoup plus de vérités qu'il n'en établit. Ceci
est non seulement nécessaire, mais désirable ». Le problème d’aujourd'hui
est que la confiance dans les institutions est d'une part croissante des
citoyens qui semble altérée : la science, les médias, les responsables
politiques, la médicine, ...

LES RAISONS DE LA DÉFIANCE

Des « nouvelles conditions du marché de l'information », selon Bronner, sont le fruit d'un double
processus de démocratisation. D’adord, celui de la libéralisation avec une concurrence accrue
entre les médias, ensuite, l'avènement du Web facilite l'expression de la parole de tout un chacun.
La possibilité de mettre à disposition une offre sur le marché cognitif s’est radicalement
démocratisée. De plus, c’est la fin du monopole de la diffusion de l'information publique : avant,
les professionnels de l'information opéraient un tri dans le flux entre les informations qui

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VANDEN BROECK Pieter INGE11BA LESPO1113

pouvaient être diffusées et celles qui le devaient, selon des normes d'évaluation que chacun
pouvait comprendre.

INTERNET, LA DÉMOCRATISATION DE LA DÉMOCRATIE

Internet fait écho aux valeurs de liberté et d'égalité, à des revendications contenues dans la
déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des
pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut parler,
écrire, imprimer librement ». Internet a été perçu comme venant démocratiser ces principes, qui
deviennent une réalité concrète et accessible à tous. Par exemple, Time Magazine a créé une afiche
avec la citation suivante : « L'âge de l'information fait de VOUS la personne de l'année ». De même
pour Umberto Eco qui déclare : tout le monde a « le même droit à la parole qu'un lauréat du prix
Nobel. C'est l'invasion des imbéciles ».

LE NUMÉRIQUE COMME AMPLIFICATION

Souvent on présente les logiques introduites par les TIC comme radicalement nouvelles, en réalité
elles se présentent souvent comme une amplificaIon de phénomènes préexistants car le
numérique pénètre l’ensemble de nos activités sociales. Cela dit, il serait tout aussi faux de penser
que le numérique se réduit à un changement superficiel des phénomènes existants, car en leur
donnant une plus large portée, l’amplification produit aussi de nouvelles choses.

REVERS DE LA MÉDAILLE

La somme astronomique de choses publiées en ligne et la difficulté de réguler l'information sur


Internet met à mal les règles habituelles du débat raisonnable. Nous basculons d'un contrôle
éditorial a priori (classiquement, cf. journalisme) au contrôle éditorial a posteriori (sur Internet).
L'abondance d'information nuit aux connaissances, noyées dans le flux. Dès lors, « l'individu peut
être facilement tenté de composer une représentation du monde commode mentalement plutôt que
vraie », selon Bronner.

LES RAISONS DE CROIRE (ET DE REJETER LES PRODUITS DE LA CONNAISSANCE)

Il est parfaitement compréhensible de ne pas être rationnel tout le temps. Les produits de la
connaissance entraînent souvent un « inconfort mental » en raison de leur complexité plus grande
à celle du sens commun. La pente naturelle de notre esprit (loi du moindre effort) nous incite donc
à croire à des idées plus simples, souvent fausses. Par ailleurs, on peut être tenté de croire pour ré-
enchanter le monde, car les produits de la connaissance impliquent souvent une forme de
désenchantement.

Les croyances se maintiennent aussi, car le biais de confirmation pèse sur la logique ordinaire. Le
biais de confirmation désigne le fait que l’on a tendance à prêter davantage attention aux
événements qui remplissent nos attentes, qui confirment ce que l’on pense a priori. Nous n’avons

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pas toujours la motivation nécessaire pour devenir des individus connaissants : c’est ce qu’on
appelle l’avarice cognitive.

INTERNET ET LES « BULLES DE FILTRAGE »

Les individus ont tendance à persévérer dans leur croyance en raison des pentes naturelles de
l’esprit, mais il a aussi des « bulles de filtrage » d’Internet. Ces bulles de filtrage personnalisent les
informations que nous obtenons en utilisant, par exemple, un moteur de recherche (en fonction de
notre historique, notre pays, notre langue, etc.). L’idée est de tenir compte des préférences des
internautes pour les orienter vers des informations censées les intéresser prioritairement. Le
problème est que cela tend à renforcer le biais de confirmation.

SOCIOLOGIE DES ALGORITHMES

Sur internet, la connaissance est perdue dans un océan de données. Pour


accéder aux données qui nous intéressent nous avons besoin de moteurs de
recherche pour mettre de l'ordre dans ce chaos et donc d'algorithmes. Les
algorithmes sont des instructions informatiques ordonnées qui permettent
de transformer les données initiales en un résultat. Ils sont de nouveaux
« gatekeepers » de l’information numérique. Ils ne sont pas neutres. Il existe
quatre grandes manières de classer l’information qui correspondent aux
différentes familles de calcul qui cohabitent dans les services du Web.

LES CAUSES MULTIPLES DE LA « CRISE DÉMOCRATIQUE »

LA « FIN DE L’HISTOIRE » OU LE TRIOMPHE DE LA DÉMOCRATIE

Depuis la fin de la Guerre Froide, pour susciter l’adhésion, la démocratie ne peut plus se contenter
de se présenter comme un système meilleur (ou « moins pire » que celui des régimes
communistes).

LE CAPITALISME

Nous avons d’abord une panne de l’ascenseur social : il y a un accroissement des inégalités
économiques au sein des sociétés démocratiques. Ensuite, nous connaissons un déclin de l’État
souverain : la souveraineté ératique sur l’économie est remplacée par la souveraineté de
l’économie sur l’État.

RETOUR DE BÂTON CULTUREL (CULTURE BACKLASH)

Il y a un raidissement identitaire parmi une partie précarisée des classes populaires et des petites
classes moyennes contre la « bien-pensance » ou « politiquement correct », suite aux actions et
revendications des mouvements sociaux « postmatérialistes ».

POROSITÉ ENTRE LE PERSONNEL POLITIQUE ET HAUTES SPHÈRES DE L’ÉCONOMIE

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Les problèmes éthiques, les conflits d'intérêts, les affaires de corruption et les divers scandales
alimentent la défiance et les stéréotypes négatifs sont à l'encontre de la politique et le rejet sans
nuance des responsables politiques (« qu'ils s'en aillent tous! »). Comme Montesquieu l’a dit, le pire
qui puisse arriver à une démocratie, c'est l'effacement de la vertu.

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