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CHAPITRE 3 : SOCIOLOGIE DU MILIEU PAYSAN : DE LA

SOCIALISATION A L’INTEGRATION DANS LES SOCIETES RURALES


Introduction

La sociologie rurale de manière empirique se propose d'éclairer la compréhension des


individus dans un milieu rural. Comme le milieu rural fait partie intégrante d'un ensemble plus
vaste qu'est la société globale, la sociologie rurale s'intéresse aussi à l'étude de la société
globale, ce qui permet de mieux comprendre le milieu rural dans sa structuration, son mode de
production, ainsi que le phénomène de socialisation et d’intégration qui se produit dans cet
univers particulier.

Ainsi, dans le cadre de ce cours réservé aux techniciens Supérieur en agriculture (TSA),
les phénomènes de socialisation et d’intégration constituent les points focaux dont le but ultime
est de facilité leur pénétration dans le monde rural par la socialisation, l’intégration d’une part
et d’autre part de saisir « la question rurale »1.

Section I- Qu’est-ce que la sociologie rurale

En entrée de jeu, il faut bien constater que le milieu rural a toujours été une
préoccupation secondaire pour la sociologie qui s'est plutôt instituée avec le développement des
milieux urbains et industriels, phénomène historique majeur que cette discipline s'est donne
comme mandat de comprendre. On dit souvent que la sociologie est la fille de la Révolution
française ou de la Révolution industrielle ; ce sont les problèmes sociaux liés à ces mutations
sociales qui ont inspiré les précurseurs, comme les classiques de la sociologie de Auguste
COMTE à Max WEBER en passant par Karl MARX et Emile DURKEIM.

A- Historique de la sociologie
La sociologie rurale se constitue comme science durant la période allant du début du 20ès
jusqu’à la crise des années 1930. Une rétrospection sur la discipline montre qu’elle a vu le jour
en France. Les premiers travaux ont été réalisés par M. Weber vers la fin du 19ès, s’interrogeant
sur le monde agricole et Edmond Brunner qui va se consacrer à l’étude de 140 villages portant
sur l’agriculture mécanisée en 1920. C’est au tournant de la deuxième guerre mondiale que la
sociologie rurale moderne va se développée avec la protestation et la remise en question des

1
La "question rurale" veut désigner l'équivoque du "rural" comme réalité empirique et comme objet construit
d'une théorie dans les disciplines qui en rendent compte et qui nous en parlent avec des notions ou concepts comme
"société rurale", "société paysanne", "paysannerie", "monde rural", "milieu rural".
réformes agraires ayant secouées les campagnes Américaines. Ce mouvement portait sur le
malaise paysan. Dans ce premier pas de l’étude sociologique du milieu rural, Henri Mendras et
Marcel Jollivet apparaissent comme pionnier. Dans le domaine de l’enseignement de la
sociologie rurale, c’est l’institut d’étude politique de Paris qui a fait l’œuvre de pionnier en la
matière. Le cours a été d’abord confié aux géographes en 1948-1949 avant de revenir à Henri
Mendras dans ses travaux sociologie de la campagne française.

B- Objet d’étude de la sociologie rurale


La sociologie rurale a pour objet d’étude les sociétés paysannes c’est-à-dire les structures
morphologiques des paysanneries leurs transformations et leurs facultés d’adaptation à la
société planétaire régionale, nationale… Ainsi, cinq grands thèmes majeurs ont organisé le
questionnement des sociologues ruraux, tout à la fois successivement et de façon constamment
récurrente, donc en parallèle, avec des pondérations variables et des énoncés également
variables selon les périodes. C’est la raison pour laquelle elle est fille de son temps.

Le premier dans le thème d’étude de la sociologie rurale porte sur les rapports et même de
façon plus précise dans le langage de l'époque, sur l'opposition villes-campagnes. Cette
thématique va permettre à la sociologie rurale va donc reprendre à son compte des questions de
civilisation, de croissance rapide débattues en sociologie urbaine.
Le deuxième thème porte sur les transformations de l'agriculture, de l'exploitation agricole,
du travail de l'agriculteur, mais aussi compte tenu du lien étroit entre l'exploitation de la famille
agricole. On est là en plein dans le domaine de la politique agricole, qui occupe une place
croissante dans la vie politique à partir des années 1950 jusqu'à nos jours.
Le troisième thème, qui est déjà contenu dans le premier et qui accompagne totalement le
second est celui de la place des paysans, puis des agriculteurs. Elle est clairement posée par les
leaders du mouvement social des « jeunes agriculteurs ».

Le quatrième thème porte sur le développement local, avec les politiques d'aménagement
rural, et avec aujourd'hui les débats sur le devenir des campagnes dans le cadre d'une politique
d'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Un dernier thème doit enfin être évoqué, celui de l'environnement. C'est le dernier-né, même
si des antécédents multiples peuvent lui être trouvés. Du point de vue du « discours social »,
c'est incontestablement un thème récent. Cette thématique met en exergue la production
industrielle et la gestion des ressources naturelle, des énergies renouvelables, la qualité des
produits agricoles, des espaces ruraux qui n’ont pas tardés à devenir des sujets enrichissant chez
les sociologues ruraux.

C- Rapport entre sociologie rurale et les autres sciences sociales et singulièrement la


sociologie générale

La sociologie rurale est une branche de la sociologie qui s’intéresse aux sociétés rurales
dans leur entièreté et dans leur rapport avec le reste du monde. Autrement dit, elle est l’étude
scientifique des phénomènes sécrètes dans le monde rural et dans la société globale. La
sociologie rurale étudie les rapports sociaux qui sont voilés dans les faits économiques, les
rapports des ruraux avec leur environnement naturel, les rapports de ruraux entre eux, et avec
les autres. Elle s’intéresse aux études de sociabilité, de l’intégration sociale, de pouvoir, de la
politique au village, de la dynamique sociale. Les sociologues ruraux analysent les acteurs
sociaux et leurs stratégies locales, la vie quotidienne en milieu rural, les institutions et les
cultures (Bernard Kayser, 1989)
Par ailleurs, la sociologie rurale est le « carrefour des sociologies » ou « hybridation des
savoir ». Voici par exemple ce qu'écrivait Henri Mendras en 1958 « Le “milieu” rural est un
champ d'investigation pour toutes les sciences sociales et son étude ne saurait constituer une
discipline autonome. Les géographes qui analysent les relations entre l'homme et le milieu
naturel et la distribution spatiale des phénomènes humains ont tout naturellement commencé
par se pencher sur la campagne. L'économie rurale est une branche (l'une des plus anciennes)
de l'économie politique. L'histoire sociale, s'attachant à un passé où l'agriculture était l'activité
de la plus grande partie des hommes, fait une large place à la description de la vie paysanne.
Les ethnologues étudient des structures dites “archaïques” dans lesquelles la recherche ou la
production de la nourriture occupent tous les hommes. Enfin, citadins et ruraux intéressent
également le psychologue, le démographe, etc. Étant des hommes comme les autres, les ruraux
relèvent de chaque science sociale. Cependant, ils vivent dans un milieu particulier qui requiert
une certaine spécialisation chez le chercheur, et parfois une problématique différente. Le
sociologue rural, comme l'ethnographe, doit donc connaître les méthodes et les techniques de
toutes les autres sciences sociales, à moins qu'il ne s'assure le concours d'une équipe de divers
spécialistes ». On trouve là une profession de foi qui renvoie à ce que l'on appelle volontiers
l'interdisciplinarité des « ruralistes ». La démarche du « ruraliste » a l'ambition d'intégrer toutes
les dimensions du social, le temps, l'espace, le local et le global. Il s'agit là d'une démarche que
l'on qualifierait aujourd'hui d'holistique (ou holiste).
D- Importance de l’enseignement de la sociologie rurale dans les écoles d’agriculture
De nos jours, l’importance de la sociologie rurale n’est plus à démontrer. Le cours de
sociologie rurale est dispensé dans les universités et instituts supérieurs d’agriculture... Les
idées sont défendues en la matière pour expliquer des mutations profondes et rapides qui
déstructurent et restructurent les sociétés rurales.
Primo, pour mieux agir et intervenir dans les milieux ruraux, les pouvoirs publics (Etat) et
ses partenaires privés et associatifs, nationaux et étrangers recourent aux études de sociologie
rurale pour surmonter les résistances paysannes, pour comprendre les facteurs à la base de la
stagnation des sociétés rurales, pour induire les transformations sociales profondes et rapides.
Secundo, les sociologues ruraux font partie des équipes chargées d’élaborer les programmes
de développement rural, de récolter les données susceptibles de servir à la planification
nationale. Bref, les sociologues ruraux fournissent des données qui permettent aux dirigeants
de prendre des décisions en rapport avec le programme à effectuer pour une communauté rurale
donnée.
Tertio, la sociologie rurale meuble l’esprit des apprenants (e)s en leur fournissant des
concepts, des théories et outils méthodologiques pour analyser et expliquer les comportements
des paysans, pour comprendre les facteurs qui commandent les actions humaines sans
préjudices, pour étudier les changements survenus dans les régions agricoles, pour analyser
l’impact de l’industrie dans les campagnes pour y avoir introduit de niveaux modes de vie, de
nouvelles conceptions du travail agricole. La sociologie rurale permet d’expliquer les types de
résistance à l’innovation, les canaux d’invention et de diffusion d’une technologie agricole, etc.
E- Enjeux de la sociologie pour un TSA
Par son évolution l'agriculture est une activité qui exige un lot de connaissances techniques.
Le rôle de technicien que doit jouer le producteur agricole suppose qu'il
sait utiliser les meilleurs produits, les meilleures techniques de culture, les instruments les plus
appropriés. Le technicien est celui qui met en application les découvertes faites par les
chercheurs dans le domaine agricole (nouvelles méthodes de production, nouveaux engrais
chimiques, nouvelles machineries, etc. ...). Ce n'est pas lui qui fait directement ces recherches,
mais il est au courant de ces recherches et adopte les inventions nouvelles selon qu'elles sont
appropriées à son type d'exploitation agricole.
Naturellement, étant lui-même engagé dans le travail de production agricole, l'agriculteur
n'a pas toujours le temps de se documenter sur ces découvertes. Il fait appel à des spécialistes,
par exemple les agronomes, le sociologue ruraliste, le géographe ruraliste de qui il peut obtenir
les informations pertinentes. En demandant des conseils et en se tenant bien informé,
l'agriculteur évite de reproduire des erreurs commises par d'autres. Dans le passé, les
agriculteurs se méfiaient souvent des agronomes, sociologue ruraliste, le géographe ruraliste.
Aujourd'hui, ils leur reconnaissent un rôle de consultant et de conseiller. Par ailleurs, la
vulgarisation devrait être davantage au service des producteurs et répondre à leurs besoins réels.
Section II : Approche conceptuelle
I. Socialisation
1. Définition

La socialisation désigne les processus par lesquels les individus s'approprient les normes,
valeurs et rôles qui régissent le fonctionnement de la vie en société. Elle a deux fonctions
essentielles : favoriser l'adaptation de chaque individu à la vie sociale et maintenir un certain
degré de cohésion entre les membresde la société. Nous pouvons mobiliser ici la définition de
G. Rocher relative à la socialisation. Celle-ci est présentée comme un « processus par lequel la
personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socioculturels de
son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence d’expériences et
d’agents sociaux significatifs, et par là s’adapte à l’environnement social où elle doit vivre ».
Cette définition très large nous permet à ce stade de considérer que la socialisation :
 est un processus d’acquisition par l’individu d’éléments constitutifs des systèmes
culturel et du milieu dans lequel il vit ;
 induit un façonnement particulier de la personnalité d’un individu ;
 se situe entre contrôle social et ouverture.

La socialisation permet d’opérer un « aller-retour » permanent entre la société et


l’individu, ce dernier construisant par ce biais son identité. Celle-ci possède effectivement deux
dimensions, qui sont liées au besoin de personnalisation et de conformité sociale. Plus
précisément, l’acquisition d’une identité a pour objectif de révéler la personnalité dans des
sociétés d’individus, mais aussi faire en sorte qu’elle soit suffisamment « apte à la société »,
pour protéger l’individu de lui-même, ainsi que la société de l’individu.
Comme le précisait déjà Durkheim, la socialisation indique qu’il existe à la fois un désir d’«
être personnel » et d’« être social ». L’identité d’un individu est alors ce qui en constitue le
pont, à travers ce que l’on nomme l’« identité-ipse » (se distinguer) et l’« identité-idem » (se
rassembler autour de points communs). Mais la socialisation n’est pas un processus mécanique,
il y a toujours des aspects « ouverts » en son sein, notamment dans la socialisation familiale :
si la socialisation forme un tout cohérent, elle n’en possède pas moins des éléments internes
hétérogènes
2. processus de socialisation
2.1. La socialisation primaire

La socialisation primaire correspond à la période de l'enfance. Au cours de cette phase,


quatre instances de socialisation (la famille, l'école, le groupe des pairs et les médias) vont
contribuer à structurer la personnalité sociale du futur adulte. La famille constitue l'instance
principale de socialisation et son action s'avère primordiale pour la structuration ultérieure de
la personnalité. C'est en effet dans le cadre du milieu familial que se forge le système de
dispositions à partir duquel seront filtrées toutes les autres expériences de la vie sociale. Cette
action prépondérante de la famille s'explique par trois facteurs essentiels: d'abord, elle
intervient dès le premier âge de la vie au moment où la personnalité de l'enfant est la plus
malléable ; ensuite, elle est particulièrement intense en raison des contacts quotidiens entre
enfants et parents; enfin, elle se déroule dans un climat affectif qui rend l'enfant particulièrement
réceptif aux apprentissages nouveaux. Cependant, pour É. Durkheim, les relations au sein de la
famille sont justement trop influencées par les sentiments personnels pour permettre à l'enfant
d'apprendre les règles générales et impersonnelles que requiert de lui La société. L'éducation
par l'école, définie par Durkheim comme la socialisation méthodique de la jeune génération par
la génération adulte, est seule susceptible d'inculquer, par la discipline de vie qu'elle instaure,
les normes et valeurs qui constituent le fond commun de la société. L'enfant se socialise
également de manière plus informelle dans le cadre du groupe des pairs, au contact de ses
camarades d'école ou de voisinage, en même temps qu'il subit l'influence à distance des médias
dont l'impact réel est d'ailleurs difficile à apprécier.
2.2.La socialisation secondaire

Elle intervient à la fin de l'enfance et permet aux individus, dont la personnalité est déjà
en grande partie constituée, de s'intégrer à des groupes particuliers entreprise, association, parti
politique, syndicat, etc. L'intégration de l'individu dans ces sous-mondes spécialisés » suppose
en effet l'acquisition de normes et de valeurs spécifiques ainsi que l'apprentissage de rôles
particuliers qui sont liés directement ou indirectement à la division du travail dans nos
sociétés. Ces adaptations nouvelles se surajoutent aux acquisitions premières et permettent à
l'individu de relativiser les normes et les valeurs inculquées au cours de la socialisation
primaire. Elles peuvent conduire à une restructuration en douceur de la personnalité.
2.3.La resocialisation
D'une tout autre nature est la resocialisation dans les « institutions totales », comme l'armée,
la prison, l'asile, ou encore les camps de concentration, si bien décrite par E. Goffman. Elle se
manifeste d'abord par une volonté de couper brutalement l'individu de sa vie sociale antérieure
par la mise en œuvre de rituels d'admission (coupe de cheveux, douche, changement de
vêtement, attribution d'un numéro matricule, etc.) qui le dépossèdent de tous les marqueurs de
son ancienne identité sociale. Elle se caractérise ensuite par une prise en charge totale de la
personne, un contrôle permanent du temps et de l'espace et une soumission complète aux
représentants de l'institution. Ce contrôle planifié des moindres détails de l'existence peut
déboucher sur une destruction de la personnalité. Il sécrète de la part des individus des
adaptations secondaires qui peuvent être dysfonctionnelles par rapport aux buts de l'institution.
Goffman cite, par exemple, le cas du prisonnier qui commande des livres non pas pour se
cultiver mais « pour impressionner favorablement la commission de libération sur paroles, ou
pour ennuyer le bibliothécaire, ou tout simplement pour recevoir un paquet ».
3. Quelques approches de socialisation

Nous parlons ici des approches culturalistes et interactionnistes.


3.1. Approche culturaliste

En ce qui concerne la première, indiquons qu’elle se centre à insister sur le poids de la


culture d’une société dans la définition de la personnalité individuelle. La socialisation a donc
pour but de faire intérioriser par l’individu la culture du groupe. Ce dernier est ainsi « plus fort
» que ses parties, et c’est bien par la socialisation qu’il doit le demeurer.
Kardiner parle par exemple de « personnalité de base » présente dans chaque individu du
groupe, car elle représente la structure de base fondamentale de ce groupe, façonnée par sa
culture. Pour la survie du collectif, il est alors fondamental que cette « personnalité de base »
se transmette de générations en générations. D’où également l’importance des différents rites,
qui rappellent la place, le rôle et le statut de chacun par rapport au groupe.
3.2. Approche interactionniste

L’approche interactionniste prend justement le contre-pied de cette vision culturaliste. Elle


montre que la socialisation est un processus de tous les jours, où l’individu, en procédant par
imitation des autres, apprend à se positionner et à faire sien le monde social. Le but de la
socialisation est de s’adapter à chaque circonstance de la vie quotidienne, ce qui justifie le focus
des sociologues interactionnistes sur les micro-interactions de la vie quotidienne.
II. Intégration sociale

1. Définition

La notion d’intégration est aujourd’hui chargée de sens si différents qu’elle est difficile à
utiliser de manière rigoureuse. Le concept d’intégration avait été défini par Émile Durkheim, il
y a un siècle, dans son œuvre inaugurale, De la division du travail social : ce vrai concept était
intégré à une théorie du «vouloir-vivre ensemble» qui était alors fondatrice à la fois dans la
sociologie universitaire et dans l’État-providence. Depuis lors, ce concept a été actualisé, en
particulier par la sociologie de l’immigration et par la sociologie politique, au cours des
dernières décennies. Dès lors, l’intégration est donc définie comme un processus ethnologique
qui permet ç une personne ou à un groupe de personnes de se rapprocher et de devenir membre
d’un autre groupe plus vaste par l’adoption de ses valeurs et normes de son système social.
De manière générale, l’intégration est la résultante d’un processus d’apprentissage et de
développement qui implique: n une fonctionnalité dans l’exécution de rôles sociaux appropriés
à son groupe d’âge (travailleur, étudiant, ami, partenaire amoureux, citoyen) et à ses capacités;
o une appartenance à des groupes dont le fonctionnement respecte les règles, les valeurs et les
normes, morales et légales, ainsi que des relations adéquates, stables et réciproques avec ces
groupes (dimension objective) dans lesquelles on se sent apprécié et investi en tant qu’individu
(dimension subjective).
2. Quelques facteurs de l’intégration TPE
2.1.Le travail
2.2.La famille

Section III : SOCIOLOGIE DE L’ACTION ET LOGIQUE D’INSERTION :


VIVRE LE MILIEU PAYSAN
Dans le cadre de cet aspect du cours, nous allons nous atteler sur la socialisation et
l’intégration en milieu paysanne Nord-Cameroun.
I. Sociétés paysannes et socialisation
Selon le dictionnaire de sociologie, Giles Ferréol et al définissent la socialisation comme «
processus par lequel les individus apprennent les modes d’agir et de penser de leur
environnement, les intériorisent en les intégrant à leur personnalité et deviennent membre de
groupe où ils acquièrent un statut spécifique ». Pour Muriel Darmon, la socialisation renvoie à
l’ « l’ensemble des processus par lesquels l’individu est construit on dira aussi « formé », «
modelé », « façonné », « fabriqué », « conditionné » par la société globale et locale dans
laquelle il vit, processus au cours duquel l’individu acquiert « apprend », « intériorise » «
incorpore », « intègre » des façon de faire, de penser et d’être qui sont situées socialement ».
Les sociétés paysannes sont les lieux où l’arbre à palabre, la famille régulent les rapports
sociaux. La socialisation dans les sociétés paysannes du Nord Cameroun est un phénomène
pratique qui s’opère au niveau de la terre, des organisations et de la culture d’entre aide…

1- La terre dans les sociétés traditionnelles


La conception traditionnelle consacre l’investissement symbolique de la terre, l’interdit
aliéné et sa vénération. Dans toute société paysanne, la terre est l’élément central car, sans la
terre, on ne saurait parler du paysan. L’équation paysan égal terre veut dire que toute la vie
paysanne part de la terre et a pour finalité la terre. Que ce soit chez les Toupouri, les Mafa ou
chez les Guiziga, la terre est un bien commun à une famille à partir duquel elle tire ses
ressources les plus précieuses du fait de la pratique des activités agricoles. De ce fait, elle est la
mère nourricière. Elle répond à toutes les valeurs qui sont dues pour une société agricole. La
terre appartient aux premiers occupants, généralement à ceux dont les ancêtres l’ont défrichée
en premier. Le titre foncier n’est pas l’apanage de ces sociétés, car, elle obéit encore à la logique
paysanne qui est celle d’occupation de vastes parcelles pour les activités agricoles et selon le
lignage. Un peu partout dans les sociétés paysannes, le tombeau d’un grand-père ou d’un père
dans un terrain fait office de borne et de signe garanti pour l’héritage de ses descendants. La
possession du terrain se fait par héritage du père à l’enfant, par don et par achat de gré à gré.
Les terres se prêtaient ou s’empruntaient sans qu’il ait de réelle contrepartie (monétaire ou en
nature), le plus souvent sur la base des relations familiales, ou sur la base du maintien des
bonnes relations sociales et des notions d’équité pour que tous les membres de la communauté
villageoise puissent disposer d’un minimum de terrain afin de mener des activités productives.
La terre est un bien sacré appartenant à Dieu, un cadeau du ciel. Elle est intimement liée aux
relations sociales entre les agriculteurs, aidés ou contrariés dans leur lutte pour leur nourriture
par les « dieux ».
2- Les organisations paysannes

Dans les sociétés du Nord-Cameroun, les organisations paysannes sont fondées sur le
principe de la solidarité communautaire qui lie les individus face à la pénurie. Ces organisations
entendent promouvoir le mieux être à travers des stratégies novatrices. Elles prennent des
configurations multiples qui vont de tontines aux GIC et passant par des coopératives. Dans le
Nord-Cameroun, ce n’est qu’en 1973 que les premiers embryons de regroupement paysan sont
apparus notamment la coopérative artisanale de Djingliya dans le Mayo Tsanaga, le mouvement
des riziculteurs de Yagoua. L’objectif des organisations est de prévaloir la parole paysanne dans
la mesure où de telles organisations embrassent surtout les champs sociaux. Elles sont des
structures à l’intérieure desquelles les paysans s’activent à créer des activités rentables pour
eux. C’est le cas de Nawoyang à Doukoula où face à la pénurie de légumes en saison sèche, les
femmes ce sont organisées un GIC dont l’objectif est de créer des jardins afin de pallier la
situation. Ce sont des arènes qui permettent de comprendre l’idée de la réinventivité et de la
découverte des activités agropastorales que les paysans cherchent à promouvoir. Elles sont
l’expression d’une culture paysanne en acte.
3- Entraide communautaire
Dans les sociétés rurales Nord Cameroun, l’entraide reste omniprésente, voire essentielle
pour certains systèmes de production, et elle est souvent associée à des fêtes, des cérémonies et
des rituels. Elle est une forme d’échanges de service en travail et en moyens d’exploitation entre
agriculteurs à l’exclusion de toute contrepartie soit pécuniaire, soit en nature. Il existe un terme
spécifique pour désigner l’entraide, et souvent diverses terminologies pour en décliner la variété
: Torla en Toupouri, takahayè en Mafa,…Ces groupes sont constitués de jeunes, femmes,
hommes moins vieux, du village qui proposent leurs services contre une rétribution collective,
en grande partie en nature (alimentation et boissons). Ils pratiquent l’entraide entre les membres
pour les travaux agricoles qui requièrent une somme de travail importante (labour, récolte),
dépassant les capacités de la concession. On peut ainsi, en termes d’anthropologie économique,
qualifier l’entraide agricole comme une forme de réciprocité positive. Il s’agit d’une relation
économique qui donne lieu à une prestation de travail et d’une relation sociale symétrique, une
relation affective et privilégiée entre proches : famille, voisins, parents ou amis. Mais, en dépit
de ses limites et de ses difficultés, l’entraide de réciprocité se maintient dans un monde rural de
plus en plus dominé par le libre-échange, précisément parce que, au-delà des prestations
matérielles, elle assure également la production de valeurs sociales et symboliques.

II- Le milieu rural et intégration au Nord Cameroun

Le milieu rural est un champ par excellence au sens Bourdieusien d’exercice du pouvoir et
des conflits entre les différents postulants du pouvoir. C’est un milieu comparé selon J-M Ela
« à une marmite qui bout » ainsi, pour dire que jeunes, femmes, chefs, retraités et fonctionnaires
chacun en ce qui le concerne cherche à tirer l’épingle du jeu. Cette réalité est saisie à travers la
sociologie de l’action d’Alain Touraine

1. La nature des relations entre agriculteurs et éleveurs

Lorsqu’on parle des entités élevage et agriculture dans le Nord Cameroun, on évoque d’une
manière ou d’une autre les islamo-peuls connus sous le vocable « civilisation de la vache » et
les Kirdi ou non musulman connu également sous le nom de « civilisation du mil ». Le Nord
Cameroun est une zone d’élevage par excellence. Sans oublier que là où les hommes
s’installent, ils ont aménagé des espaces pour l’agriculture. Même si certains ne s’y livrent pas
entièrement parce que marqués davantage par une autre activité, l’agriculture n’est pas
totalement éliminée de leur subconscient. Le cas du peuple mbororo est bien significatif à cet
égard. C’est un peuple donc le rythme de vie rime avec le déplacement fréquent avec leur bétail.
Ils ne s’installent dans un environnement que lorsque les circonstances ne permettent pas les
mouvements d’un endroit à un autre lors de la saison pluvieuse. En saison sèche, ils sont
astreints à migrer à cause justement de la raréfaction du pâturage. Ce qui les conduit à
rechercher les endroits où ils puissent faire paître leurs bêtes.
Mais lorsque les disponibilités sont à la portée des bêtes, ils se sédentarisent le temps que
la situation ne les permettent plus. Ces individus ne peuvent véritablement pratiquer de
l’agriculture. Certains d’entre eux se livrent épisodiquement à remuer un tout petit lopin de
terre afin de se procurer de légume ou autre produit le temps de leur mobilisation. Ce n’est
véritablement pas de l’agriculture. Ils font du troc avec les agriculteurs pour leur
approvisionnement en céréales. Ces mêmes éleveurs itinérants sont importants à bien des égards
pour les agriculteurs car, ils contribuent quelques peu à améliorer la productivité des champs à
travers leur fréquent passage sur ledit champ. En effet, il arrive très souvent que des paysans
autorisent certains éleveurs à camper sur un espace donné surtout après les récoltes. Les bêtes
y laissent de la bouse qui va apporter des nutriments indispensables à la régénération des sols.
Les bêtes se nourrissent des résidus des plantes post récoltes et fournissent du lait au villageois.
Dans ces conditions, tout le monde est gagnant.
L’agriculture nécessite souvent des espaces où la présence des bêtes est souvent proscrite.
L’éleveur, lui, veut continuer à errer avec ses bêtes pour les nourrir. Cela occasionne des
fréquentes frictions qui peuvent conduire à des morts d’hommes relevés partout surtout dans la
zone de Rey Bouba et dans l’Adamaoua. A Ngaoundéré dans certaines zones comme Yambaka,
Kognoli ou Tindiri, les éleveurs sont sensibles et réfractaires à toute activité agricole. Lorsqu’un
agriculteur défriche une petite parcelle de champ pour ensemencer le maïs ou le manioc, une
fois pris connaissance, les éleveurs alertent l’autorité administrative sur ce qu’ils feront du
champ. Loin de là, certains espaces sont des propriétés privées des « éleveurs à souliers vernis
», d’où il n’est pas permis de taper un bœuf ni de le caresser quand bien même il est dans votre
cours en train de dévaster vos biens. Avec la prolifération des armes à feu, certains éleveurs
n’hésitent pas de faire usage pour protéger leurs animaux et surtout pour faire comprendre à
certains agriculteurs qu’ils ne sont pas des enfants de cœur. Pour eux, la survie de leurs bêtes
passe avant tout.
2. Le règne des chefs traditionnels ou (le Primus inter pares) sur les paysans et les
administrateurs

Le rapport entre paysans et chefs traditionnels n’est pas du tout pacifique. Il est
généralement conflictuel car, il se fonde sur la gestion du foncier. Le foncier n’est pas basé sur
la relation entre l’homme et la terre (in situ), mais sur la relation entre les hommes à propos de
la terre et des ressources qu’elle porte. Le foncier est fondamentalement un rapport social qui a
des dimensions économique, politique, juridique, technique institutionnelle. Il met en jeu les
rapports sociaux internes à la société rurale locale, mais aussi les rapports entre l’administration
et les paysans. Il y a jamais ou presque de terres « vacantes et sans maître » sur lesquelles aucun
contrôle coutumier ne s’exerce. Dans le cas du projet Nord-Est Bénoué, le « maitre de terre »
descendant des fondateurs, détenant un contrôle territorial d’origine magico religieuse sur un
espace est habilité, lui seul à autoriser le défrichage. Se fondant indûment sur l’islam et la
crédulité de leurs victimes, des personnes se présentant comme « propriétaires » ou « maîtres »
jouissent sans contrepartie du labeur d’autres personnes en vertu de liens historiques hérités de
leurs parents et qu’elles entendent parfois transmettre à leur descendance. Qu’il s’agisse de
l’agriculture ou de l’élevage, la ponction s’opère à tous les niveaux.

Au demeurant, au Nord-Cameroun, c’est davantage le retour des chefs traditionnels sur la


scène sociopolitique et le maintien subséquent des pesanteurs socioculturelles qui favorisent la
persistance de l’exploitation des paysans. Quel que soit le village dans lequel vous vous rendez,
il vous suffit d’aller présenter vos salutations au chef du village, et si vous en exprimez le désir,
mois d’une heure avant votre arrivée, tous les chefs de famille sont réunis sous l’arbre à palabre
et vous pouvez dès lors sans autre forme de préparation aborder les problème les plus essentiels
: l’eau, l’agriculture, l’élevage, la santé disait Guy Belloncle.
Par ailleurs, les agents de l’État en service dans certains villages sont considérés par les
chefs traditionnels comme des invités. De ce fait, ils doivent se comporter comme tels, c’està-
dire éviter de contrecarrer les décisions de ces chefs, car cela serait interprété comme une
ingérence dans les affaires intérieures du lamidat. L’on comprend mieux alors l’attitude d’un
préfet devant le lamido de Rey Bouba. Dans un article intitulé « La République à genoux », le
journal Mutations relate une scène qui s’est déroulée le 26 mai 2003 et qui a défrayé la
chronique :« On peut voir le représentant personnel du chef de l’État et de ses ministres, un
administrateur civil principal, c’est-à-dire la crème du personnel de commandement, en tenue
de commandement, tout en sueur, l’échine courbée, les mains jointes en signe de soumission,
le derrière en l’air et les genoux au sol, devant un représentant, fier, souriant et dominateur de
l’aristocratie féodale la plus primitive ! Et ce sous le regard appréciateur voire approbateur
de son patron le MINATD (Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation).

Ici, plus qu’ailleurs, le vocable laamiido (ou lamido) par lequel on désigne le chef
traditionnel en fulfulde (la langue peule) au Nord Cameroun, revêt tout son sens et son contenu.
Littéralement « l’intronisé », le terme de laamiido provient du mot laamu, signifiant
alternativement pouvoir, autorité ou règne selon le contexte dans lequel il est employé. Il revêt
tout d’abord une connotation répressive, véhicule une idée de domination, valorise l’obéissance
envers le chef et le recours à la force pour briser toute forme de résistance. C’est ainsi que parmi
les lamidats peuls du Nord-Cameroun, ceux de Rey Bouba, de Mindif ou de Tchéboa réputés
pour la main de fer qui y caractérise l’exercice du pouvoir ont de tout temps été considérés
comme les grands lamidats du septentrion camerounais. Comme le pensait Montesquieu, « le
pouvoir arrête le pouvoir », c’est ce qui corrobore avec cette boutade : le pouvoir « Le pouvoir
mange les hommes », aimait à rappeler le lamido Ahmadou Bouhari de Mindif.

3. Rapport entre Kirdi et les islamo peuls dans les Sociétés paysannes Nord Cameroun

L’intégration selon Durkheim est comprise comme le sentiment d’appartenir à un groupe.


Dans chaque milieu social, différentes entités humaines coexistent et établissent entre elles des
rapports divers. Cette réalité n’échappe nullement au regard sociologique. Que ce soit en milieu
urbain ou rural, l’on assiste à la cohabitation de bon nombre de groupe qui reflète soit leur
ethnie, soit leur religion…Les rapports qu’entretiennent les différents groupes dans leur « vivre
ensemble », leur « être ensemble » en bref le « social » se traduit par l’exposition différentielle
des activités socioculturelles reflétant leur identité. Ainsi, dans le contexte Nord Cameroun, on
assiste à la domination des islamo peuls sur les peuples Kirdi. Un regard rétrospectif sur
l’histoire de cette partie du territoire nous renseigne sur les faits qu’ont subis les Kirdi
notamment le Jihad qui a permis la vassalisation systématique de certains peuples à l’exemple
des peuples Guizga, Mousgoum… Cette domination se traduit par le système lamidal ou le
lamidalisme selon Motazé Akam imposé par les islamo peul et institutionnalisé par l’Etat aux
peuples Kirdi. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, les structures sociales du grand Nord
obéissent à la hiérarchie islamo peul notamment le lamido, le Lawan et le Djaoro. Tout ceci a
occasionné des lignes de clivage au sein de la communauté villageoise comme le souligne
Motaze Akam « la dynamique des stratifications sociales est liée au Nord du Cameroun par
deux facteurs fondamentaux : l’islam et le commerce, la prédominance du mode de production
capitaliste et la culture du coton ».

D’autre part, on assiste à l’acculturation des peuples Kirdi qui intègrent au fil des temps des
habitudes et des attitudes des islamo peuls. Cela est visible chez les femmes Kirdi à travers le
port de voile bref l’accoutrement, le commerce des confitures d’arachide (bacourou,
toungousa). Chez les hommes, on assiste au commerce des bétails, au port des gandouras, signe
de pouvoir. Partout dans les sociétés paysannes Nord Cameroun, la langue fulfulde est utilisée
est véhiculée pour le commerce et pour une meilleure intégration. C’est dans les zones à
vocation agricole de Touboro que ce phénomène est visible.
4. Les habitudes alimentaires
Dans les sociétés paysannes du Nord Cameroun, le repas est chargé de symbolisme et de
représentation. Dans cet univers, l’alimentation est d’une importance capital dans la mesure où,
au-delà du mangé, il se dégage plusieurs autres significations comme le remarque J-M Ela «
[…] dans cette civilisation, le repas est un fait culturel et humain d’une importance décisive à
cause du symbolisme des éléments qui le compose. ». En effet, les paysans savent comment s’y
prendre pour faire face aux nombreuses sollicitations alimentaires. Dans le sahel, des arbres,
des plantes, des herbes, des écorces sont analysés sur toutes leurs formes pour aboutir enfin à
une exploitation judicieuse, des propriétés ainsi mises à nu pour le bien être de toute la
communauté.
Tout comme un singe qui sait éviter un piège ou qui sait choisir un fruit comestible,
l’homme du terroir traditionnel a pris le temps d’ausculter son environnement immédiat. En
matière d’alimentation, chaque société paysanne a son identité et des représentations de ce
qu’elle consomme. Un plat du mil rouge accompagné avec la sauce tasba préparée avec du
niébé et du sel gemme sans pate d’arachide ni sel encore moins le cube maggi dans une
communauté villageoise toupouri peut être apprécié par un Massa et désapprécier par un
Guidar. Or, chez les Bainawa, la sauce Tasba ne peut sortir de la cuisine sans qu’on n’y mette
de la patte d’arachide. Par ailleurs, dans l’Adamaoua, un Gbaya n’aura pas d’appétit lorsqu’on
lui présente du couscous autre que le manioc dépourvu de viande. Or presque chez tous les
peuples du Nord, le mil rouge, comme le souligne J-M. Ela, « signifie tant de chose pour nous
». Il s’est imposé dans les habitudes alimentaires et constitue ipso facto l’ingrédient
incontournable pour les rituels ou mieux encore l’eucharistie chez ces peuples.

Toutes ces différenciations sont liées à la nature qui impose ou mieux définit l’alimentation
de l’homme. Elle offre les denrées en fonction du climat. C’est la raison pour laquelle au sahel,
on parle de la « civilisation du mil », et sous d’autres cieux, ce sont les tubercules. Dans la zone
de Rey Bouba, les migrants du Mayo-Danay s’habituent crescendo à la nourriture du maïs
lorsque le mil rouge, jaune ou blanc se raréfie. Ainsi, la diversité des spéculations contribue,
de manière importante, à la disponibilité et à l’équilibre des biens de consommation comme le
dit R. Levrat « Arachides, haricots, niébé, sésame, oseille de Guinée qui permettent d'équilibrer
l'alimentation », au sahel. Toutes ces différences alimentaires sont liées soit à la culture, soit à
l’histoire du peuple. Aucune nourriture n’est mauvaise. Toutes sont bonnes à consommer à
condition de dépasser certains poncifs d’une part et l’ethnocentrisme d’autre part.
5. Esquisse d’une sociologie du mil

Pour comprendre le rapport entre le mil, le sorgho et la société nord-camerounaise en


général , il faut intégrer les éléments d’une sociologie alimentaire en faisant appel à une
anthropologie alimentaire et aux cultures culinaires de cette zone soudano-Sahélienne, en
rapport avec ses écosystèmes, la nature de ses climats, sa pédologie , ses coutumes et habitudes
alimentaires pour comprendre que contrairement aux zones de forêts et de savanes herbacées,
le Nord du Cameroun représente le sahel ou les cultures de mil et sorgho dans l’agriculture de
consommation ou d’autosubsistance sont historiquement incontournable. Ainsi prévaut dans le
septentrion camerounais une agriculture d’autosubsistance comme principale culture sur
laquelle reposent les sociétés. En d’autres termes, l’alimentation est ici un déterminant
fondamental servant à l’approche sociologique d’une société. Le mil et sorgho sont les
composantes de la culture agricole nord-camerounaise et déterminant ainsi la nature des
sociétés paysannes comme étant fondées inextricablement avec ses acteurs sur le mil. Ainsi
l’autonomie de toute société paysanne étant définie par ses cultures qui font d’elles de
civilisations spécifiques, les paysanneries nord-camerounaises ont ainsi dans leurs
morphologies le mil comme constituant primordial. Le mil est un vécu de valeur (sociologique
et anthropologiquement parlant), les causeries naissent, et les jeunes apprennent le mil est
préservateur (car n’ayant jamais entrainé des conséquences pédologiques désastreuses) de
l’avenir du foncier et il renvoie à une école informelle dans cette communauté paysanne.
6. Esquisse d’une sociologie de la vache

Comme le mil, la vache est un élément de culture qui est le symbole de l’élevage ou du
pastoralisme dans les sociétés paysannes du nord-Cameroun. La vache exprime le pâturage, le
phénomène de transhumance voire toutes les activités liées au pastoralisme mais le pastoralisme
peut être considéré comme celui du premier degré pour la simple raison qu’il est comme le mil
voué à l’autoconsommation. Il n’était pas tellement élevé. C’est une conséquence de la
conquête peuhl au Nord-Cameroun au 19e siècle c.à.d. aux termes de leurs victoire politique
sur les non-musulmans, les Foulbé sont à l’origine du grand pastoralisme d’abord en termes de
nombre de têtes, ensuite en termes de grandes transhumances qui ont posées les premiers jalons
des relations entre le Nord-Cameroun comme territoire conquis et les pays de la vallée du Nil
d’où sortaient les grands Foulbé. Le grand pastoralisme s’exprime également par le fait que
c’est cette activité qui est à l’origine de l’économie au Nord Cameroun et non le coton
contrairement à la littérature africaniste puisque les grands éleveurs vont vendre leurs têtes non
seulement aux pays voisins mais aussi dans les grands marchés Ouest africains et les pays du
mil. Ceci se comprend dans la mesure ou la culture musulmane ou l’islam est une religion
prééminente, le commerce reste une activité incontournable. La civilisation de la vache est celle
qui initie tous les changements, toutes les dynamiques dans les sociétés paysannes nord
camerounaises. Le grand élevage va prospérer non seulement dans les espaces de savane
humide du septentrion qu’on peut appeler les plaines mais aussi dans les montagnes ou les
montagnards vont devenir les grands bergers. Avec le pastoralisme, naissent les conflits entre
les éleveurs et les agriculteurs, c’est la problématique des espaces disputés. Jean
Bourtrais « compétition foncière et développement au Nord du Cameroun : la plaine de Mora ».
C’est le pastoralisme qui va introduire dans les sociétés paysannes du Nord Cameroun la
dimension politique et sociale de la cohabitation entre les musulmans et les non musulmans.
Les conséquences de la conquête musulmane amènent ces derniers à rechercher le contrôle
absolu du social (de la société) et se faisant propriétaire de toutes les bonnes terres du salariat
agricole, mais aussi plus important, dominant toutes les relations de pouvoir dans les espaces
sociaux (grands chefs, lamibé, djaoro, lawan…). Ils (les non-musulmans) se font courtiers sur
toutes les instances de la société auprès du pouvoir politique moderne basé à Yaoundé. Le
pouvoir musulman s’engage dans un processus d’islamisation du grand Nord (sous le régime
Ahidjo) a contribué à transformer les sociétés nord camerounaises. Le pastoralisme est la
première activité paysanne qui initie les dynamiques paysannes.

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