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LA JUSTICE FISCALE

I / La notion de justice fiscale est d'une particulière complexité et elle suscite


souvent des commentaires ironiques sur sa relativité. Il est bien évident que la
justice fiscale est relative comme toute justice. Elle dépend des conceptions
idéologiques et politiques et varie donc suivant les temps et les lieux. Il ne
s'ensuit pas pour autant qu'elle soit pure illusion.

A/ La justice fiscale est un idéal, c'est-à-dire une représentation collective


impliquant une tension vers un but, et l'ironie qu'elle engendre n'est souvent
qu'une réaction d'amertume. La justice fiscale est désirée par ceux-là mêmes qui
en nient la signification. En tant que représentation collective, la justice fiscale
est déjà une réalité: si elle n'est pas dans les œuvres des hommes, du moins est-
elle présente en leur conscience. Mais elle est difficile à définir et plus encore à
réaliser.

B /La justice fiscale se définit cependant plus aisément que la vertu de justice,
car son objet est limité et subordonné. La justice fiscale requiert la conformité
des principes et des conditions d'application du système fiscal aux normes
éthico-politiques reconnues comme valables dans une société donnée.

Une des normes dominantes des sociétés contemporaines est celle d'égalité,
entendue au sens non pas d'égalitarisme, mais d'égalité juridique, d'égalité de
traitement pour des situations objectivement définies. Elle implique, en matière
fiscale, l'universalité de l'impôt, la proportionnalité de celui-ci aux facultés
contributives et, enfin, l'absence de comportement discriminatoire des autorités
fiscales.

II/ II n'est pas contesté de nos jours que l'impôt est dû, en principe, par toutes les
unités économiques, et en définitive par tous les citoyens.

A / Cette notion d'universalité de l'impôt ne remonte qu'à la Révolution


française. Sous l'Ancien Régime, le système fiscal comportait nombre de
privilèges, tout au moins en matière d'impôts directs. Ainsi s'explique que
Bodin, Sully, Colbert, Hobbes, animés d'un souci de justice, aient marqué leurs
préférences pour les droits sur les marchandises. Bien que récente, la notion
d'universalité est maintenant bien établie dans les législations fiscales modernes.

B / Sans doute existe-t-il en matière d'impôt sur le revenu et de droits de


succession notamment, des abattements à la base mais tous ceux qui ont un
revenu ou hérité d'un capital dont le montant ou la valeur est inférieur à
l'abattement bénéficient de l'exonération.

Certaines catégories d'unités économiques, certains types d'activité peuvent


bénéficier d'exemptions fiscales. Mais il peut s'agir là de dérogations légitimes
au principe d'universalité si ces exemptions totales ou partielles, permanentes ou
temporaires, sont consenties à des fins d'intérêt général, notamment de
développement économique social ou culturel.

Les exceptions à l'universalité peuvent d'ailleurs être un moyen d'assurer


l'égalité sur un plan plus élevé. Mais il arrive fréquemment que l'administration
fiscale déroge aux dispositions d'un texte législatif ou réglementaire au profit de
certaines catégories de contribuables. Ces « tolérances administratives peuvent
concerner tout un secteur économique; c'est ainsi que, jusqu'en 1963, en France,
les profits de construction réalisés par les sociétés ont été de fait exonérés. Mais
elles ont généralement une portée plus limitée et procèdent souvent de l'idée que
la renonciation à la perception de la recette est moins onéreuse pour le service
que l'application stricte de la règle fiscale. Il n'en reste pas moins que ces
tolérances créent des privilèges au profit des catégories de contribuables
auxquels elles bénéficient et cela de façon d'autant plus choquante que les
administrés qui se voient refuser l'application de celles-ci ne peuvent en principe
invoquer aucun droit devant le juge1.

III/ Si la notion d'universalité est simple et claire, le principe de la


proportionnalité de l'impôt aux facultés contributives est en revanche
particulièrement complexe.

La proportionnalité de l'impôt aux facultés contributives implique, d'une part,


que les personnes ayant de mêmes facultés contributives paient un montant égal
d'impôt (équité horizontale) et que celles qui ont des facultés contributives
différentes acquittent une somme d'impôt différente (équité verticale)

Dans la mise en œuvre de ce principe il faut distinguer entre les impôts qui
s'appliquent à des échanges et ceux qui atteignent les revenus et les biens.

1
Sur l’ensemble de cette question, cf, supra, titre premier, et J.-C Martinez, op . cit . , p.113 et s.

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