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BACCALAURÉAT GÉNÉRAL

Session 2019
FRANÇAIS – EPREUVE ANTICIPÉE – SÉRIES ES-S
ÉLÉMENTS D’AIDE À LA CORRECTION

QUESTION DE CORPUS

En quoi le personnage central de ces quatre extraits est-il un objet de fascination pour
les autres personnages ?

On attend :
- une réponse à la question, illustrée par des citations correctement insérées et
bien choisies ;
- une structure claire : une courte introduction (la présentation des documents
n’est pas exigible), un développement en au moins deux paragraphes, une
rapide conclusion ;
- au moins deux éléments de réponse clairement identifiés dans des
paragraphes distincts ;
- l’exploitation de l’ensemble des textes du corpus.

On valorise :
- une réponse particulièrement complète, qui prenne en compte tous les
éléments qui montrent la fascination pour la figure de l’étranger, de l’autre dans
ces textes ;
- l’élégance du style ;
- une organisation particulièrement pertinente de la réponse.

On pénalise :
- l’absence d’organisation de la réponse, une réponse qui ne croiserait pas
suffisamment les documents entre eux ;
- l’absence de citations ou leur mauvaise insertion ;
- l’absence d’exploitation d’un ou de plusieurs documents ;
- une maîtrise de la langue particulièrement fautive.

Eléments de réponse sans exhaustivité :


1. personnage fascinant car inconnu, nouveau et donc objet de discours ;
tous les narrateurs des romans, ou ceux qui lui servent de relais comme
dans le texte de Claudel, ne parlent que de lui ou ne pensent qu’à lui ;
comme tous les textes sont en focalisation interne, les narrateurs passent
par des comparaisons, des périphrases qui soulignent le mystère autour
de ce personnage :

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 chez Giono, M. Joseph est le sujet de conversation de pratiquement
toute la petite ville (l’importance du pronom personnel « on », les lignes
36 et 40) ;
 chez Simon, le début de l’extrait souligne cette idée : « je ne pouvais
m’empêcher d’imaginer l’autre… » (l.1), « qui avait défrayé la
chronique » l.2, « dont les gens comme le notaire n’avaient
probablement pas encore fini de parler » (l.2/3) ; la description très
minutieuse de ce qu’il possède quand il est arrivé l.18/26 ;
 chez Claudel, même chose dans le 1er paragraphe, notamment dans la
1ère phrase qui définit la fascination dans un rapport de cause/
conséquence avec l’intensif « tellement » et avec l’emploi du terme
d’ « apparition » l.1 et 20 d’autant plus que ce mot est imputable à deux
instances différentes (le personnage du paysan, le narrateur) ;
 chez Mauvignier, « on » ne parle que du seul personnage de Bernard
dans tous les paragraphes, et cela de manière de plus en plus précise
(on passe du surnom de « Feu-de-Bois » au prénom véritable) et
l’apparition du narrateur l.30/31 confirme que le personnage sera le
personnage central du récit, car il a laissé une empreinte indélébile.

2. personnage fascinant car objet central de chaque extrait, objet d’un intérêt
réel, qui dépasse la simple curiosité de la nouveauté ; le personnage est
mystérieux car radicalement différent des autres de la communauté ;
personnage qui suscite à cause de cela une forme, légère, d’inquiétude
(logique de la fascination dans le mélange entre attirance et rejet), une
forme de méfiance comme si ce personnage était doté de pouvoirs
presque magiques :
 chez Giono, l’identité du personnage d’emblée est sujette à caution avec
le groupe « un homme que tout le monde appelait M. Joseph » (l.1/2),
de même que l’origine de ses ressources (l.14) et le choix des Cabrot
pour se loger (l.36) : M. Joseph comme une énigme potentiellement
inquiétante (il arrive à dompter les indomptables Cabrot l.34/35) ;
 chez Simon, l’absence de nom de ce personnage, appelé « l’autre » l.1,
la longue parenthèse centrale l.4 à 18 qui semble échouer à le décrire
totalement et qui se clôt sur le groupe de l’ « oiseuse énigme du bien et
du mal » soulignent son « inquiétante étrangeté » ;
 chez Claudel, le pittoresque coloré du personnage qui arrive est nuancé
par le fait qu’il vient sur un cheval alors que dans ce village, il n’y en a
plus (tout le 2ème paragraphe) et dans le discours du paysan il est
comparé l.26/27 à la figure inquiétante, surnaturelle du « génie » ou à
celle du « Teufeleuzeit » ;
 chez Mauvignier, la fascination pour le personnage se voit dans la
marginalité du personnage qui s’oppose aux personnages ordinaires
présents à la fête (sa tenue, son hygiène, sa réapparition).

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3. personnage fascinant car il obsède littéralement les narrateurs :
 chez Giono, cette obsession se devine chez le narrateur dans l’intérêt
très fort qu’il porte au physique, aux vêtements de M. Joseph
(paragraphes 2 et 4) et dans l’emploi récurrent du personnel « on », qui
renvoie à tous les notables de cette petite ville qui ne cessent de se
questionner sur lui, même trois mois après son arrivée (la transition entre
le paragraphe 3 et 4 manque de logique puisqu’on continue, au bout de
trois mois, à encore s’interroger sur M. Joseph) ; la remarque sur les
« petits souliers craquants » du personnage laisse supposer qu’il a été
plusieurs fois suivi ;
 chez Simon, la forme du texte et de la pensée du narrateur ne cesse de
questionner le personnage de « l’autre », de tourner autour de lui dans
une incapacité à s’en détacher : le narrateur rajoute souvent une
précision nouvelle au portrait de cet « autre » sans pour autant parvenir
à totalement le définir, à finir son portrait (image du puzzle) ;
 chez Claudel, ce caractère obsédant de la figure de l’étranger se voit
dans les prises de parole du paysan, à travers la description qu’il fait de
ce personnage et de ses gestes (l’imparfait duratif sur le verbe
« regarder » l.26, la précision dans la description du chapeau l.29/30),
ces remarques montrant son grand étonnement, sa sidération ;
 chez Mauvignier, l’obsession de la figure du narrateur pour Bernard se
lit dans le fait que le texte, littéralement, ne parle que de lui et évacue à
la marge les autres personnages (dans le 4ème paragraphe) ; elle se voit
dans l’image rémanente qu’il laisse dans la mémoire du narrateur qui
semble alors ne pas s’en expliquer les raisons « je reverrai chaque
scène en m’étonnant de les avoir si bien chacun en mémoire, si
présentes. » (l.30/31) et dans l’idée que cette relation est symbolique de
celle de l’auteur pour son personnage, comme si le « je » ne pouvait se
détacher de ce personnage.

COMMENTAIRE

Vous ferez le commentaire de l’extrait du texte Des Hommes de Laurent Mauvignier


(texte D).

On attend :
- un commentaire organisé autour d’un projet de lecture cohérent ;
- une introduction situant le document et annonçant un plan de commentaire
problématisé ;
- un développement composé au minimum de deux parties et de deux sous-
parties clairement identifiables ;
- une conclusion qui synthétise les remarques principales dégagées du
développement composé.

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On valorise :
- un plan particulièrement pertinent ;
- la finesse des analyses et la justesse des interprétations.
On pénalise :
- la juxtaposition des remarques sans lien logique ;
- la paraphrase, l’absence d’analyses stylistiques et de références à la nature
poétique du texte ;
- les contresens manifestes ;
- un commentaire indigent et trop court ;
- une langue mal maîtrisée et fautive.

Eléments de réponse : Comment cet extrait (cet incipit) construit-il le personnage de


Bernard, lui donne une épaisseur, une réalité, un passé ? Par quels moyens dans ce
texte, le personnage de Bernard/Feu-de-Bois est-il constitué comme personnage
central du récit ? En quoi la constitution du personnage est-elle profondément
moderne ?
On acceptera d’autres problématiques et d’autres plans, notamment ceux qui
organiseront le commentaire autour de la logique de l’incipit dans un premier temps
(les informations habituelles données par l’auteur au début de ce roman) et de son
originalité, sa modernité, ses spécificités formelles dans un deuxième.
Proposition de corrigé
I- Une narration déconcertante :
1. ambiguïté quant au narrateur, à la fois externe et intra-diégétique et
omniscient et extra-diégétique :
- double statut du narrateur : le paragraphe 4 le définit comme un
personnage témoin, un des invités de l’anniversaire de Solange (« fêtant
avec nous tous, cousins, frères, amis »), qui aurait alors sur le
personnage de Bernard un regard externe et également comme
omniscient, posture classique du narrateur, dans le 1er paragraphe « et
il a été surpris que tous les regards ne lui tombent pas dessus » ;
- ce double statut dessine une double spatialisation du narrateur à la fois
à l’intérieur et à l’extérieur du cadre du roman ; ce double statut est à
mettre en relation avec l’emploi du futur qui, paradoxalement, indique la
connaissance préalable qu’a le narrateur du passé du personnage
(« Aujourd’hui, on dira qu’il ne sentait pas trop mauvais » l.6), comme si
le narrateur changeait de statut durant cet extrait, en se rapprochant de
plus en plus près de Bernard (ce qu’indique la description très précise et
minutieuse de son nez l.15/16) ;
- cette ambiguïté se voit dans les termes que le narrateur emploie pour se
désigner (le « on », le « nous », le « je » à la fin de l’extrait), comme si le
narrateur advenait progressivement, passait d’un statut (l’invité de la fête

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d’anniversaire) à la figure d’un auteur profondément marqué par celui qui
va devenir son personnage (« moi aussi je reverrai chaque scène en
m’étonnant de les avoir chacune si bien en mémoire, si présentes »
l.30/31).
2. les strates temporelles qui définissent un cadre spatio-temporel à la fois
précis, reconnaissable et indéfinissable :
- 1ère phrase avec horaire précis ; le cadre spatio-temporel clair (les
soixante ans de Solange dans la salle des fêtes, pas loin de chez Patou) ;
le moment (l’hiver), le lien de tous ces éléments avec les temps habituels
du récit (le passé) : ce moment est clairement mis en valeur par les
seules références temporelles précises : l’horaire l.1, « ce samedi » l.26 ;
- L’époque est clairement identifiable (les années 80 ou 90) avec des
références contextuelles (la cravate « en Skaï » l.4, sa « Mobylette »
l.21) ainsi que le cadre spatial, la campagne française (avec la salle des
fêtes, le déplacement en Mobylette) ;
- l’emploi récurrent du futur, associé au « on » qui dessine une temporalité
déconcertante pour le lecteur, énigmatique, inhabituelle (l.25 « Mais ce
n’est pas à ce moment-là, mais après bien sûr… ») en mettant en valeur
ce « moment » et ce qui s’est passé ;
- lecteur à la fois en terrain connu (Bernard est devenu un clochard, cette
réalité fait partie de son univers) et inconnu ; lecteur déstabilisé et face à
une réalité qui est en train de se construire : le texte apparaît alors
comme une mise en abyme de l’acte d’écrire puisque ce qui est présenté,
ce n’est pas un univers diégétique fini mais en voie de construction (work
in progress).
3. l’horizon d’attente qui dessine le projet de cet auteur : redonner un passé
à Bernard, une forme de dignité, d’humanité :
- cet incipit, de par son caractère déconcertant, peut susciter l’intérêt du
lecteur, notamment sur ce qui s’est passé durant cette fête d’anniversaire
et qui pourra justifier la fin du texte : quelles sont ces scènes dont le
narrateur va se souvenir presque malgré lui ;
- le projet du narrateur sera alors de « combler les trous » dans le
personnage de Bernard, d’expliquer les raisons de la double identité ;
- la double description faite du personnage (Bernard derrière Feu-de-Bois,
la vérité de l’être derrière l’apparence presque stéréotypée d’un
clochard) peut se lire comme la volonté de lui redonner une forme de
dignité et d’humanité par un regard plus clairvoyant et empathique : « On
se rappellera qu’il n’a pas toujours été ce type… » l.12/13 ; « Et cette
fois, si on y prêtait attention, on verrait les traves du peigne… » l.17/18.

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II- La figure du personnage :
1. double identité (Feu-de-Bois/ Bernard) du personnage qui l’apparente à
une figure connue, celle d’un individu déchu socialement :
- personnage clairement défini comme un clochard avec toutes les
caractéristiques afférentes : l’odeur l.6 et 9, la saleté l.9, le rapport à la
nourriture l.7, les ravages physiques l.15/17, le surnom emblématique
l.8 ;
- personnage cependant présenté différemment dans la temporalité de la
fête ; il est alors associé à sa véritable identité (Bernard) et rattaché à sa
famille (sa sœur Solange) : les nouveaux vêtements dans le 1er
paragraphe avec une volonté d’être bien habillé (veste et pantalon
assortis, la cravate), les cheveux peignés l.18, la propreté l.19, la
sobriété et l’amabilité l.19/20 ;
- ce second personnage est souvent annoncé par des formules négatives
(« on dira qu’il ne sentait pas trop mauvais » l.6, « On se rappellera qu’il
n’a pas toujours été ce type… » l.12/13) : cela crée un rapport
d’opposition entre l’identité et la personnalité du personnage (Bernard)
et ce qu’il est devenu après (Feu-de-Bois) et donc une tension entre ces
deux identités, tension qui sera l’objet du roman en en expliquant les
causes ;
- cette double identité dessine un parcours de vie, de l’ordre de la
déchéance sociale, parcours que la suite du texte évoquera et qui donne
au personnage une épaisseur romanesque et humaine touchante.
2. personnage au centre de tous les regards :
- point de vue extérieur sur le personnage dit à travers la récurrence du
verbe « voir » ou de verbes de regard dont il est l’objet : « On l’observera
en douce » l.13, « On le verra » l.14, « on verrait » l.18, « On l’avait vu »
l.21, répétitions qui mettent en valeur par opposition le dernier verbe « je
reverrai chaque scène » l.30, qui introduit un point de vue plus large,
celui de l’écrivain, sur le personnage lors de cette fête, comme si ce
dernier, parce qu’écrivain, avait un regard d’une acuité plus nette que
les autres invités ;
- l’ensemble des convives ne cesse de regarder Bernard (dans le 2ème et
le 4ème paragraphe avec l’utilisation de l’indéfini « on » ou de « certains »
l.8) ;
- ce regard extérieur se modifie et gagne en profondeur quand le « on »
devine Bernard derrière Feu-de-Bois : « On n’ironisera pas » (sous-
entendu « pour une fois ») l.6, « On se rappellera qu’il n’a pas toujours
été ce type… » l.12/13, la connotation attentive du verbe « observer »
l.13, « Si on n’y prêtait attention… » l.17/18 : cette opposition entre deux
identités opposées suggère la complexité humaine du personnage et lui
donne une dimension profondément humaine.

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3. personnage associé dans cet extrait à un moment bien précis, la fête
d’anniversaire de Solange :
- l’épisode de la fête n’est pas évoqué puisque les quatre premiers
paragraphes évoquent l’arrivée de Bernard/ Feu-de-Bois et le dernier fait
référence à l’après de cette fête, à ce qui s’est passé et qui n’est pas
raconté, avec la répétition du groupe « à ce moment-là » (l.25 et 29) : le
lecteur peut supposer qu’il s’est passé quelque chose autour ou à cause
du personnage de Bernard et que cet évènement, ce moment, est d’une
extrême importance ;
- la fête d’anniversaire organisée dans la salle des fêtes donne également
une indication sur le milieu social avec notamment les « nappes en
papier » l.27, avec les connotations sociales des prénoms (Bernard et
Solange), le choix de la Mobylette comme véhicule ;
- ce moment passé sous silence est mis en valeur par sa force rémanente
dans la mémoire du narrateur par le groupe « en m’étonnant » l.30 et par
une double caractéristique concernant sa précision « si bien en mémoire,
si présentes » l.30/31 : indirectement, c’est le personnage de Bernard
qui est alors mis en valeur car il a frappé, quasi littéralement, l’esprit du
narrateur, d’où l’emploi du « je ».
- on peut peut-être lire dans cette ellipse les raisons qui ont poussé le
narrateur à s’intéresser au personnage de Bernard, à écrire son histoire
et donc, à devenir auteur, comme s’il y avait une imbrication très forte
entre personnage et auteur, le premier préexistant au second (et non pas
le contraire) : cela questionne la dimension fictionnelle de ce projet et
celle du personnage qui semble appartenir à la réalité.

DISSERTATION

Un personnage de roman doit-il être mystérieux pour intéresser le lecteur ?

On attend :
- une réponse proposant une réflexion organisée autour d’étapes dans la
réflexion, elles-mêmes fermement argumentées ;
- un plan organisé au moins en deux grandes parties ;
- des exemples tirés du corpus de textes et de la culture littéraire du candidat ;
- la cohérence entre arguments et exemples ;
- une expression claire, précise et nuancée.

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On valorise :
- des exemples personnels employés à bon escient ;
- l’exploitation de connaissances littéraires pertinentes en lien avec l’objet
d’étude ;
- une réflexion nuancée et progressive ;
- une expression particulièrement soignée.

On pénalise :
- l’absence de prise en compte du sujet ;
- l’absence de plan cohérent, la simple juxtaposition d’arguments ou d’exemples ;
- l’absence d’exemples développés ;
- une orthographe et une syntaxe fautives.

Éléments de réponse
Le sujet pose le problème de l’intérêt que le lecteur peut éprouver pour le personnage,
et pour le roman qu’il est en train de lire ; proposition de démarche possible :

Un personnage mystérieux, peut-être plus qu’un autre, peut susciter l’intérêt du


lecteur :
1. un personnage mystérieux peut susciter chez le lecteur un réel intérêt, une
grande curiosité, le désir d’en savoir plus sur lui ; le dévoilement de l’identité
d’un personnage mystérieux, la résolution du mystère qui l’entoure peuvent
constituer un puissant procédé de captation du lecteur de la part de l’auteur et
entraîner un réel plaisir de la lecture. Exemples : le personnage de Joseph
Balsamo, comte de Cagliostro dans le roman éponyme de Dumas ; celui de M.
Joseph dans le roman de Giono, celui de l’étranger dans le roman de Claudel ;
2. un lecteur peut éprouver un intérêt, nouveau pour lui, à s’identifier à ce genre
de personnage, par rapport à d’autres figures romanesques plus classiques,
plus délibérément positives, voire trop transparentes, stéréotypées. Exemples :
le personnage d’Athos par rapport à celui de d’Artagnan dans les Trois
Mousquetaires de Dumas, le personnage de Ferragus dans le roman éponyme
de Balzac, celui de Fantômas dans les romans de Souvestre et Allain ;
3. un personnage mystérieux, secret, complexe, en plus de susciter l’intérêt
romanesque du lecteur, peut l’intéresser car ce type de personnage peut servir
pour l’auteur de révélateur de la société dont il parle : à travers lui, le romancier
donne à voir au lecteur sa propre vision du monde qui peut enrichir ou modifier
la sienne. Exemples : le personnage de Vautrin dans les romans de Balzac, de
Jean Valjean/ M. Madeleine dans Les Misérables de Victor Hugo, de Charlus
chez Proust, de Saccard dans La Curée de Zola qui, parce que mystérieux,
devient le symbole pour l’auteur de l’affairisme haussmannien.

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Cependant, ce type de personnage peut facilement trouver ses limites :
1. ce type de personnage peut se révéler finalement décevant, en deçà des
attentes du lecteur et de l’intérêt qu’il avait suscité au départ, il peut n’être en
réalité qu’une pure construction artificielle, sans réelle épaisseur, finalement
assez banal dans ses motivations. Exemples : le personnage d’Odette dans Un
Amour de Swann de Proust qui se révèle n’être finalement qu’une cocotte pour
le personnage de Swann qui joue le rôle du lecteur ; le personnage d’Isabelle
dans le roman éponyme de Gide dont tout le monde parle mais qui n’est en
réalité qu’une vulgaire voleuse ; le personnage du criminel dont tout le monde
pense qu’il est un véritable génie du mal dans le roman policier Les Dents du
tigre de Maurice Leblanc et qui n’est en réalité qu’un infirme pathétique ;
2. un personnage trop mystérieux, trop déconcertant, trop opaque, qui ne présente
que peu de prises d’accroche pour le lecteur, peut finalement ne pas intéresser
ce dernier, voire le décourager devant trop d’étrangeté ; ou un personnage trop
éloigné du lecteur si bien que celui-ci ne s’y reconnaît en rien, même de manière
minimale et peut n’éprouver que peu d’intérêt pour ce dernier. Exemples : le
personnage de Meursault dans L’Étranger de Camus qui garde son mystère
jusqu’au bout et peut alors rebuter le lecteur ; le personnage du narrateur dans
le roman Les Bienveillantes de Jonathan Littell qui, parce qu’il est
perpétuellement dans la construction de lui-même, dans la manipulation, est
trop glissant et difficile à cerner.

Mais il existe d’autres types de personnages, pas forcément mystérieux,


énigmatiques, intrigants, qui peuvent intéresser un lecteur :
1. un personnage fascinant par ses caractéristiques morales, psychologiques, par
ses compétences, ses savoir-faire, sa manière de concevoir la vie, les relations
avec les autres, son humour, son entrain, son charme, son charisme ;
personnage que le lecteur a plaisir à retrouver, dont il aime suivre et partager
les aventures, même s’il est éloigné du lecteur ; personnages souvent
récurrents dans la littérature policière par exemple. Exemples : le personnage
de Vango dans le roman éponyme de Timothée de Fombelle, celui d’Arsène
Lupin dans les romans de Maurice Leblanc ;
2. personnage proche émotionnellement du lecteur par l’âge, par des
caractéristiques physiques (même handicap, même défaut, même structure
familiale), par les problèmes à affronter et les épreuves à passer (1er amour,
deuil, rupture sentimentale, entrée dans la vie active, choix moraux, etc.) ; par
le processus de l’identification avec ce type de personnage, qui n’a rien d’un
personnage héroïque ou parfait, le lecteur peut parvenir à mieux se connaître,
se comprendre, s’accepter à travers la fréquentation d’un personnage
romanesque qui lui ressemble. Exemples : le personnage de Marcel lors de sa
rupture avec Albertine chez Proust, les personnages des adolescents
amoureux dans Corniche Kennedy de Maylis de Kérangal et La Blessure la

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vraie de François Bégaudeau, le personnage d’Amélie face à l’entrée dans la
vie active dans le roman Stupeur et tremblements d’Amélie Nothomb.
3. Personnage modèle qui incarne des valeurs auxquelles le lecteur peut adhérer,
qui devient une sorte de guide moral, d’idéal à atteindre ; ce type de personnage
peut permettre au lecteur, par une incitation positive, à se fixer des objectifs et
à les atteindre. Exemples : le personnage de Mathilde dans Un long dimanche
de fiançailles de Sébastien Japrisot, qui incarne une forme absolue d’amour,
celui de Charonne dans Je viens d’Emmanuelle Bayamack-Tam qui s’impose
dans une monde hostile grâce à son optimisme et à sa vitalité.

ÉCRITURE D’INVENTION

Un soir, lors d’un repas chez le narrateur, le personnage de M. Joseph dans Le Moulin
de Pologne de Jean Giono (texte A) prend longuement la parole pour lui expliquer à
quel point il est conscient de l’intérêt qu’il suscite, de ce que l’on dit de lui et à quel
point cela l’amuse.
Racontez cette scène.

On attend :
 une copie conséquente en termes de longueur ;
 une copie qui respecte clairement tous les attendus du sujet :
- présence des personnages de M. Joseph et du narrateur,
- écriture qui respecte la logique narrative du texte de Giono, récit à la
première personne,
- cohérence dans le personnage de M. Joseph et respect de ce que l’on sait
de lui et des réactions qu’il a suscitées lors de son arrivée ;
- récit clairement présenté comme un texte romanesque : paragraphes,
alinéas, dialogues directs et/ou indirects clairement insérés dans la
narration ;
- une prise de parole prépondérante du personnage de M. Joseph ;
 une copie qui propose clairement une séquence finie, avec par exemple un
commentaire final du narrateur, une morale donnée par l’un de deux
personnages, une référence à la fin du repas, au départ de M. Joseph ;
 une copie qui montre des qualités d’écriture, notamment dans le discours de M.
Joseph : recours à l’ironie ; phrases bien construites ; descriptions bien menées
des Cabrot, des habitants de cette petite ville (le narrateur, le clerc de notaire
et ses deux sœurs), des parties de bésigue ; évocations des lieux mentionnés
(l’impasse des Rogations, la maison des deux vieilles filles, éventuellement une
allusion au domaine du Moulin de Pologne).

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On valorisera :
 les copies qui indiqueront, dans un paragraphe narratif préalable ou par des
allusions dans la narration, les circonstances de ce repas ;
 les copies qui indiqueront les nouveaux rapports entre le narrateur et M.
Joseph ;
 les copies qui utiliseront à bon escient différents types de discours rapporté
(direct, indirect, indirect libre) ;
 les copies qui donneront une épaisseur romanesque au personnage du
narrateur (malgré le peu d’informations sur lui dans le texte de départ).

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