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LE POLAR AFRICAIN

Le monde tel qu'il est ou le monde tel qu'on aimerait le voir

Karen Ferreira-Meyers

De Boeck Supérieur | « Afrique contemporaine »


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2012/1 n° 241 | pages 55 à 72
ISSN 0002-0478
ISBN 9782804170011
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2012-1-page-55.htm
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Le polar africain
Le monde tel qu’il est ou le monde
tel qu’on aimerait le voir
Karen Ferreira-Meyers

Le polar africain est un phénomène nouveau. Il se divise en deux


catégories  : d’une part, les romans qui font une représentation de
la réalité et, d’autre part, ceux qui reproduisent les aspirations du
continent. Selon la critique littéraire, la littérature africaine est un
miroir à travers lequel se reflète la vie en Afrique dans ses différen-
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tes composantes et sa diversité. Il ne s’agit pas uniquement de dire,
mais de dire vrai, de situer dans le registre du vraisemblable une
thématique qui relève de l’abject. Dans ce jeu des représentations,
le roman policier affiche sa singularité au détriment des autres gen-
res, notamment à travers un intertexte explicite avec divers discours
sociaux. Le présent article trace l’historique de l’apparition et de la
divulgation du roman policier africain de langue européenne, franco-
phone, anglophone et lusophone, afin de pouvoir analyser la produc-
tion contemporaine.
Mots clés : Roman policier – Littérature africaine – Représentations sociologiques – Réalités contemporaines

La littérature africaine écrite est un phénomène relativement


récent. Le roman policier, au sein de cette littérature, est un
phénomène encore plus nouveau : les critiques attestent que les
débuts du roman policier anglophone et lusophone se situent
dans les années 1970, alors que pour le polar lusophone le lec-
teur a dû attendre le début du troisième millénaire. Dans le
présent article, nous traçons l’historique de l’apparition et de la
divulgation du roman policier africain de langue européenne,
francophone, anglophone et lusophone, afin de pouvoir analyser la production
contemporaine. Les romans policiers africains publiés à la fin du xx e siècle et
au début du xxi e siècle sont à classer en deux grandes sous-catégories : ceux qui
font une représentation plus ou moins fiable de la réalité et ceux qui reprodui-
sent les rêves et les aspirations du continent africain. Évidemment, la notion de
« représentation » dépend de la question posée dans la problématique. L’œuvre

Titulaire d’un doctorat sur les département des langues modernes Elle s’intéresse aux romans
autofictions féminines des x x e et x xi e entre 1998 et 2010, elle est policiers francophone,
siècles, Karen Ferreira-Meyers aujourd’hui coordinatrice des anglophone et lusophone
travaille depuis 1993 pour l’université langues modernes et de linguistique (karenferreirameyers@gmail.com).
du Swaziland. Directrice du pour l’Institut d’éducation à distance.

Le polar africain 55
littéraire est une forme de « re-présentation » dans la mesure où elle présente
autrement la réalité de l’univers. La critique littéraire défend souvent la thèse
selon laquelle la littérature africaine est un miroir à travers lequel se ref lète la
vie en Afrique dans sa globalité, ses différentes composantes et sa diversité.
Cette étude se propose de vérifier cette hypothèse à travers quelques romans
policiers africains choisis.

Le lecteur africain/non-africain : quand et où entre-t-il dans le jeu ?


Que le polar africain d’aujourd’hui permette à ses lecteurs « de prendre la “tem-
pérature” du réel social et politique de leurs pays, sans se prendre la tête, en
se laissant aller au plaisir de fictions souvent bien menées » (Delas, 2010), nul
n’en doute. Mais qui sont ces lecteurs1 ? En France, selon une enquête du minis-
tère de la Culture, effectuée tous les dix ans, sur les pratiques culturelles des
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Français, le roman policier est devenu le genre de livres le plus lu. En revanche,
déterminer qui sont les lecteurs du polar africains n’est pas aisé, très peu d’étu-
des de ce genre sont poursuivies.
Pour paraphraser Borges (1985) selon qui « le roman policier a créé un
type spécial de lecteurs », quels lecteurs le roman noir a-t-il créé ? Comme le
souligne Anissa Belhadjin (2009), le lecteur de roman noir « sait » qu’il lit un
récit à intrigue, appartenant à un genre cadré par des stéréotypes thématiques.
Ce « savoir » crée une attente particulière, car le genre programme sa lecture,
à partir de ce que Dufays (1994) appelle le « précadrage typo-générique », qui
se fait à partir des seuils de l’œuvre 2 . Dans la « lecture noire », tout fonctionne
du côté de la réception, comme si une sorte de grille de lecture structurait les
attentes du lecteur. En accord avec Saint-Gelais (1997), selon qui « les proces-
sus de lecture, loin de présenter un caractère homogène, sont génériquement
différenciés, de sorte qu’on puisse parler de […] lecture policière  », certains
indices du texte enclenchent donc ce processus.
Achille Ngoye (1998) parle de sa réception auprès des lecteurs de la façon
suivante : « L’accueil d’ Agence Black Bafoussa a été très cordial. La “Série noire”
a été créée il y a plus de cinquante ans et a un lectorat assez fidèle. Nombre de
ses lecteurs ne manquent aucune parution. Il y a bien sûr la curiosité pour un
Africain qui écrit des polars. Les Africains aussi ont réagi cordialement. J’ai été
reçu dans beaucoup d’émissions africaines. » Sa réf lexion montre que même les
auteurs ne savent que très vaguement qui les lisent et pourquoi.
Le fait que le Sénégal organise, en février  2000, le premier festival
« Polar à Dakar » et que « Lire en fête au Mali », en 2004, porte sur le roman
policier, prouve qu’il y a un intérêt croissant du lecteur africain pour ce genre

1. Voir l’étude de deux sociologues : 3. Par exemple, en 2009, l’université polars lors d’un colloque de trois
Collovald et Neveu (2004). du Witwatersrand, à Johannesburg, jours.
2. Nom de l’auteur, édition, collection en Afrique du Sud, a rassemblé des
de publication, illustration. universitaires et des auteurs de

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d’écriture (en Afrique du Sud, le polar se vend aussi aux lecteurs sud-africains).
Enfin, l’organisation de colloques autour du roman policier témoigne de l’in-
térêt porté par les universitaires à ce domaine 3 . Comme le dit Saint-Gelais
(1997, p. 793), « un roman policier est moins un “objet” qu’un “dispositif ” dont
le fonctionnement passe par l’intervention active du lecteur  ». L’intrusion de
multiples situations, objets et stéréotypes liés à des environnements africains
spécifiques rendent la compréhension difficile, surtout pour un lecteur qui ne
partage pas la culture ou la langue de l’auteur. Ce qui nous permet de dire que
plusieurs œuvres doivent avoir un lectorat africain ou sinon ils ne se vendraient
pas.
Les auteurs contemporains de polars africains emploient délibérément
l’immense popularité du genre pour atteindre les lecteurs de tous les horizons
de la vie. En revanche, les lecteurs du polar africain ne résident pas souvent
dans le pays dans lequel se situe l’histoire racontée. Ainsi, par exemple, les
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Sud-Africains sont hésitants encore à utiliser leur temps et leur argent sur
les œuvres d’auteurs sud-africains. Comme se lamente Mike Nicol (2011)  :
« Souvent, nous devons être ratifiés par une publication à l’étranger avant que
les lecteurs locaux achètent nos livres. »

Le polar africain : définition


Malgré la présence d’énigmes et d’investigations au cœur de grandes œuvres
africaines – par exemple dans Les Méduses (1982) ou Ces fruits si doux de l’ar-
bre à pain (1987) de Gérard-Félix Tchicaya –, indiquant une réception favorable
des stratégies clés du roman policier, le récit policier a longtemps été connoté
négativement en Afrique. Fanny Brasleret (2007, p. 10) explique que la raison
est double  : «  Considérée comme une sous-littérature dans les pays franco-
phones comme dans l’Hexagone, cette catégorie romanesque était de surcroît
taxée de divertissement bourgeois par l’intelligentsia africaine. » Les origines
du sous-genre littéraire du roman policier africain anglophone seraient, d’après
Cheryl Dash (1977), à trouver dans le roman policier Fella’s Choice (1974) écrit
par le Nigérian Kole Omotoso qui, en tant que « première histoire de détective
africain » relate les tribulations de son héros, un type à la James Bond avec des
attributs de caméléon.
Pour le polar francophone, Kesteloot (2001, p.  280) voit l’inaugura-
tion africaine du genre dans les années 1970, alors que, dans un article publié
dans le numéro 136 de Notre librairie en 1999, Ambroise Kom souligne qu’« il
aura fallu attendre 1998 pour que se confirme véritablement la naissance d’un
roman policier africain  ». Néanmoins, le lecteur est témoin de plusieurs pro-
ductions policières dans les années  1980 et 1990 avec des auteurs sénégalais,
tels que Modibo Keita et Assé Gueye, les Camerounais Jean-Pierre Dikolo et
Simon Njami, ainsi que les Congolais Jean-Pierre Makouta-Mboukou et Achille
F.  Ngoye dont les deux récits s’ouvrent sur un homicide, respectivement celui
de Danga, un ressortissant de la république imaginaire du Kalina, expatrié

Le polar africain 57
en France, également membre actif du POK (Parti d’opposition kalinais) dans
Agence Black Bafoussa et celui de Tsham Sakayonsa, major de l’armée zaïroise
dans Sorcellerie à bout portant.
L’assassinat initial enclenche l’investigation, policière dans le premier,
privée dans le second. Alors qu’au début la plupart des romans étaient publiés
en France, aujourd’hui les auteurs de polars francophones sont de plus en plus
édités en Afrique : on a recensé des romans au Togo, en RDC, au Mali, au Gabon,
au Bénin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Dans le monde littéraire
lusophone, le détective Jaime Bunda de Pepetela (son nom de famille signifie
« derrière, fesses », en portugais) est un des personnages les plus originaux. Sa
première apparition dans Jaime Bunda, agente secreto (2001) a en même temps
marqué la genèse du genre du roman policier en Angola. Entre-temps, un autre
auteur angolais célèbre, José Eduardo Agualusa, s’est joint à Pepetela grâce à
trois polars. Dans La Saison des fous (2003), le narrateur, un journaliste, s’in-
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terroge sur la vie de Lidia do Carmo Ferreira, poétesse et historienne angolaise,
ultime rejeton d’une suite incroyable d’incestes, disparue mystérieusement en
1992 à Lunda, capitale de l’Angola, dix-sept ans après l’indépendance de cette
ancienne colonie portugaise d’Afrique. Reconstruisant son passé, il entraîne le
lecteur, à travers l’histoire d’une femme, dans les histoires multiples et cruelles
du mouvement nationaliste qui conduit l’Angola à une indépendance suivie des
terribles épreuves d’une guerre civile. Dans Le Marchand de passés (2006),
Agualusa transporte le lecteur à Luanda, à la fin de la guerre révolutionnaire,
où Félix Ventura, le bouquiniste albinos, exerce une activité étrange  : il crée
de faux passés qu’il vend aux nouveaux riches, des entrepreneurs prospères,
des hommes politiques, des généraux et à la bourgeoisie angolaise naissante.
Félix leur construit des généalogies f latteuses, des portraits d’ancêtres, des
mémoires brillantes. Il en vit bien, jusqu’à l’arrivée d’un mystérieux étranger à
la recherche d’une identité angolaise. Alors, le passé envahit le présent et tout
bascule. Dans La Guerre des anges (2007), les morros et les favelas de Rio sont
en f lammes, la police, sous couvert de répression du trafic de drogue, a mitraillé
une procession religieuse et tué des enfants. Francisco, un ancien colonel de la
Sécurité en Angola, installé au Brésil pour fuir les pièges d’un amour féroce et
les tourments de sa mémoire, vend des armes. Un journaliste angolais plonge
dans l’histoire à la recherche de réponses aux questions que peu de gens veulent
se poser. Le commissaire, qui démissionnera devant l’absurdité des mesures
prises par les politiques, définira ces événements non comme une émeute mais
comme une révolte d’esclaves.

Pourquoi écrire et publier des romans policiers africains ?


Afin de répondre à cette question complexe, nous proposons de passer en revue
quelques fonctions de ce genre. Ainsi, Lydie Moudileno (2003) identifie les deux
grandes fonctions des premiers jets de la littérature policière africaine (roman
d’espionnage 4)  : « plaire » et « interpréter le réel pour ses compatriotes ».

58  L’Afrique dans la littérature Afrique contemporaine 241


Une sélection de célèbres romans policiers africains 1/5
L’archer Atumbi tue Sérigne Ladji, homme riche
et débauché. La police mène son enquête sur ce
meurtre, mais l’archer n’est pas arrêté. La série
des meurtres s’enchaîne avec la mort de Badou
Traoré, propriétaire de la société Traoré taxis et tous
transports, de Papa André Koh, directeur du Service
d’aide aux désespérés et président de l’organisation
du Match de l’année, de Solo Dambo, directeur général
Modibo Sounkalo Keita de l’Office de stockage des céréales et de Sanko
L’Archer Bassari Kamaga, le conseiller du ministre.
Karthala, 1984 L’angoisse commence à s’emparer de la ville. La police
ne met toujours pas la main sur l’assassin. Seule
l’enquête menée par le journaliste Simon (détective
privé) permet au lecteur de percer le mystère. Keita
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s’attaque à la misère généralisée par la ­d ésertification
dans les pays du Sahel, ainsi qu’à l’inconscience et
l’irresponsabilité des dirigeants.

Le narrateur est un espion français proche de la


retraite, Jacques de Camuet, faisant équipe avec un
membre de la CIA, M. Morrecone, dans la traque d’un
dangereux terroriste, Bassirou Bèye, un physicien noir
africain de génie.
La chasse à l’homme commence par une pêche
aux renseignements au Sénégal auprès du géniteur
cinéaste, et par l’infiltration d’un bel agent, ­d anseuse
Assé Gueye dans le civil. La nature de la menace que constitue
No Woman no Cry le projet de Bèye se précise et vient faire écho à
L’Harmattan, 1986 l’Apartheid. Du statut de génie du mal, Bassirou Bèye
passe à celui de défenseur de la veuve et de l’orphelin
noirs.

Le roman Athlètes à abattre fait la démonstration


que sport et affairisme ne font pas bon ménage.
Au village olympique, les athlètes du monde
entier ­s’entraînent d’arrache-pied. Deux athlètes
ougandais, Kaweta et Ate Guimana, sont victimes
d’un empoisonnement auquel le premier ne survivra
pas. Plus tard, la police découvre de la drogue dans la
chambre des deux hommes et quelques jours après,
Jean-Pierre Dikolo dans celle d’une dizaine d’autres athlètes africains.
Machines à découdre À quelques jours des jeux, cette découverte a l’effet
A.B.C., 1976 d’une bombe.
Dans Machines à découdre la machination entraîne le
lecteur dans un imbroglio économico-politique, avec la
question du trafic d’armes.

Le polar africain 59
« Plaire » renvoie à la fonction ludique, alors qu’« interpréter » fait penser aux
fonctions pédagogique, idéologique et initiatique. Fendler (cité par Sadkowski,
2007, p. 241) insiste sur la présence de problèmes sociaux, politiques et moraux
dans les polars antillais de Patrick Chamoiseau et de Raphaël Constant, et les
romans policiers africains de Moussa Konaté et d’Achille Ngoye. L’humour, l’iro-
nie, la caricature et le sarcasme de certains auteurs postcoloniaux de romans
policiers africains servent à « adoucir » la dénonciation des injustices, des pré-
jugés sociaux et de l’âpreté des rapports entre les représentants du pouvoir et
la communauté. Plusieurs auteurs de polars africains utilisent le comique et
l’autodérision pour alléger une image souvent très sombre, voire indicible, de la
réalité quotidienne africaine.
Si le lecteur choisit souvent un roman policier pour ses aspects de diver-
tissement et de distraction, ce dernier transmet aussi une connaissance spé-
cialisée, condensée et standardisée de plusieurs des innombrables domaines
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de l’activité humaine qui peuvent parfois paraître «  exotiques  » aux yeux des
lecteurs occidentaux 5 . « Notre monde est magie et mystère » déclare Soga-13,
le détective de Sorcellerie à bout portant (Ngoye, 1997, p. 125). Achille Ngoye et
Abasse Ndione rendent compte dans leurs écrits de la prégnance du surnaturel
au sein des sociétés africaines. Croyances dans les présages, recours à l’art divi-
natoire des « cauris » qui « dévoilent ce qui est caché, révèlent le passé et pré-
disent ce qui doit arriver » (Ndione, 1997, p. 269), aux pouvoirs protecteurs des
« marabouts, autrement dit féticheurs ou guérisseurs » (Ngoye, 1996, p.  221)
et à ceux malfaisants des sorciers (Ngoye, 1997, p. 116-118) y sont représentés.
« Cette forte présence de l’irrationnel dans un genre qui chante les victoires
de la raison bouscule l’édifice policier », selon Brasleret (2007, p. 14). Dans son
second roman, Sorcellerie à bout portant, Ngoye joint à une représentation
classique des crimes et délits celle, plus inédite, de sacrifices humains lors de
rites de sorcellerie. De plus, «  [l]’occultisme joue un rôle capital  » (Ndione,
1997, p. 187) non seulement dans le déroulement de l’investigation, mais égale-
ment dans la résolution de l’énigme. Dans La Vie en spirale d’Abasse Ndione,
l’accident et l’arrestation d’Amuyaakar s’expliquent soit par un complot, soit
comme le résultat de la perte de son gri-gri protecteur, aggravée par l’oubli
des recommandations du féticheur. Par ailleurs, dans Agence Black Bafoussa,
le décès de Jim Bafoussa, directeur de la société de spectacles du même nom,
peut être considéré comme un homicide programmé ou comme le résultat d’une
malédiction consécutive à la mort de son protégé.

4. Selon Moudileno, les premiers d’un espace caractérisé par son l’univers urbain, les intérêts
romans policiers africains entrent opacité, où prolifèrent donc les internationaux ».
dans la catégorie des romans énigmes, le sexe, la violence, les 5. Nous pensons notamment au
d’espionnage sériels. Leur popularité intérêts financiers, la corruption, la thème de la sorcellerie (par exemple,
serait due aux ingrédients de l’univers présence policière, mercenaire et dans les romans policiers d’Achille
colonial, notamment « la vision paramilitaire et les organisations de Ngoye, de Bolya Baenga et
manichéenne du monde, le mystère type maffieuses, les trafics illicites, de Mongo Beti).

60  L’Afrique dans la littérature Afrique contemporaine 241


Une sélection de célèbres romans policiers africains 2/5
Dans ce polar, l’association paradoxale entre un
agrégé de médecine, un bandit de grand chemin, une
manière d’Arsène Lupin négro-africain, et un
« Homme Dieu », que l’amour du bandit pour sa fille
angoisse, mène à une histoire de greffes du cœur, par
une équipe internationale de savants.
Athanase Makarios est l’Homme aux pataugas,
la version africaine de Robin des bois, le brigand
Jean-Pierre Makouta-Mboukou bienfaiteur des pauvres. En effet, l’Homme
L’Homme aux pataugas aux pataugas vole les dignitaires qui se sont
L’Harmattan, 1992 scandaleusement enrichis en volant l’argent destiné
au bien-être du peuple. Opérant de nuit, il dévalise
tous les dignitaires du régime dont le président de la
République lui-même. L’argent volé est investi dans la
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construction des fermes mais surtout dans celle d’une
clinique moderne où les pauvres seront soignés.

Agence Black Bafoussa conte les embarras de


l’inspecteur Cardoso, portugais né en Angola, et de
son supérieur Jacques Mayotte, tous deux chargés de
l’enquête sur la mort de Danga, opposant au régime
autocratique du maréchal-président et retrouvé
mort dans son appartement d’une cité de la banlieue
parisienne.
Dans Sorcellerie à bout portant (1998), des sacrifices
Achille Ngoye d’animaux se mêlent aux meurtres ritualisés. Ce
Agence Black Bafoussa deuxième roman se situe au Zaïre où son personnage
Gallimard, 1996 principal retourne à l’occasion de l’enterrement de
son frère, prétendument décédé dans un accident de
voiture. Mais il se passe des choses étranges lors de ce
« retour au pays natal » après quinze ans d’absence et
les soupçons ne tardent pas à se manifester, d’autant
que le défunt appartenait à un corps d’élite chargé de
« missions de pacification », ce qui n’était pas du goût
de tout le monde.
Ballet noir à Château-Rouge (2001) retrace l’histoire
de Djeli Diawara, en possession de faux papiers.
Ceux-ci retirés, il se retrouve à la rue, sans travail,
et surtout sans plus de quoi nourrir les siens restés
au pays tandis que lui se contentait de survivre. Le
réseau de fabrication de faux papiers est mis au jour,
impliquant un chef de la préfecture et un mafieux
africain chargé de repérer la clientèle. Ce dernier
est à la tête de plusieurs trafics mêlant drogue,
proxénétisme, faux billets.

Le polar africain 61
Parmi d’autres fonctions, ludiques, pédagogiques, il semble que la fonc-
tion de dénonciation soit la plus présente. Il est donc compréhensible que la
tendance générale du roman policier vise à la vraisemblance réaliste.

La représentation de la réalité à travers la fiction ou la mimèsis littéraire


« Lester de plus en plus les histoires d’une charge vériste 6 .  » Montrer la
réalité du quotidien africain fait partie du vœu de didactisme des auteurs de
partager les connaissances qu’ils ont de l’Afrique, les savoirs sociaux et politi-
ques qui servent de «  révélateurs objectifs aux vices d’une société sclérosée  »
(Fernandez Recatala, cité par Naudillon, 2006, p. 2). Naudillon souligne que le
désir pédagogique est omniprésent chez le Congolais Achille Ngoye, par exem-
ple. Il y a dans ses romans policiers, notamment dans Sorcellerie à bout por-
tant, « le souci de remonter à l’archéologie du savoir, à la source des événements
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qui ont mené au présent, avec la mise en valeur du fonctionnement intime du
pouvoir, le tout fondé sur des faits reconnus dans certains textes d’analyse poli-
tique de la société congolaise aux prises avec Mobutu » (2006, p. 13).
Les auteurs d’Afrique du nord, tels l’Algérien Yasmina Khadra, le
Marocain Driss Chraïbi ou le Tunisien Jamel Ghanouchi7, écrivent des romans
noirs dans lesquels les enquêtes policières deviennent les prétextes à un témoi-
gnage sociopolitique sur les différentes sphères de leurs sociétés. Ainsi, les
cinq romans 8 de la série policière de Driss Chraïbi, dont l’inspecteur Ali est
le personnage principal, mêlent dans l’espace romanesque reportages, essais,
réf lexions, nouvelles journalistiques, opinions et découvertes pour critiquer la
société nord-africaine contemporaine.
Le pillage de l’or ghanéen constitue le thème principal du roman policier
Mission spéciale (2000), écrit par Kwasi Koranteng et Valérie Morlot. Philip
Amangoua Atcha (2010) lit le roman policier Les Naufragés de l’intelligence
(2000) de Jean-Marie Adiaffi comme une fresque de la société ivoirienne dans
laquelle l’effondrement des valeurs, la corruption politique et policière et la
décadence sociale sont analysées. Dans La Fille vierge (2003), Dominique Titus
passe sous la loupe la société béninoise. Ce roman offre au lecteur un mélange
d’actualité mondiale, de tradition africaine et de modernité dans l’enquête
policière de Bruno Dupont, un jeune Européen ayant quitté son Paris natal
pour aller se « réfugier » en Afrique, au pays du vaudou, afin de se débarrasser
d’une malédiction qui le traque partout : Bruno attire toutes les femmes comme

6. Dubois, 1992, p. 52. en tant que joueur d’échecs dans une Faut-il s’en étonner ? On sait qu’ici
7. Le Fou du roi (2002) est trame unique révélant que ce recueil l’énigme policière, l’écriture et
un recueil de nouvelles policières de nouvelles est construit l’analyse psychologique sont des
de l’écrivain et mathématicien comme un véritable roman prétextes au jeu.
tunisien Jamel Ghanouchi. Ces autobiographique. L’atmosphère 8. L’Inspecteur Ali (1991), Une place
nouvelles s’articulent autour d’une créée autour du narrateur au soleil (1993), L’Inspecteur Ali à
narration « quasi mathématique » est par ailleurs étrange, Trinity College (1996), L’Inspecteur
caractéristique du personnage les personnages et les intrigues Ali et la CIA (1998) et L’Homme qui
central du livre qui s’investit sont presque tous décalés… venait du passé (2004).

62  L’Afrique dans la littérature Afrique contemporaine 241


l’aiguille d’un aimant. En 2006, Kangni Alem publie une de ses nouvelles, inti-
tulée Une histoire américaine, où le racisme, l’ethnisme et la xénophobie sont
attaqués dans un récit policier. En 2007, Janis Otsiemi, auteur gabonais de lit-
térature dite « blanche », publie son premier polar, intitulé Peau de balle, dans
lequel, au-delà de l’intrigue policière, tout un pan des travers de la société gabo-
naise contemporaine est dévoilé : misère de la jeunesse sans emploi, violence,
corruption des forces de l’ordre. Les deux suivants, La vie est un sale boulot
(2009) et La bouche qui mange ne parle pas (2010), poursuivent dans la même
veine : corruption, magouille omniprésente, réussite de quelques-uns, violence
de la rue, désespoir, police, poids du pouvoir, débrouille et meurtres rituels.
Certes, certains auteurs de roman policier sont plus connus que d’autres.
Ainsi, les Sud-Africains Deon Meyer et L.F.  Despreez, le Sénégalais Abasse
Ndione, le Malien Moussa Konaté (et son inspecteur Habib), l’Algérien Yasmina
Khadra (et son commissaire Llob), et le Marocain Driss Chraïbi (et son inspec-
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teur Ali) font partie des plus célèbres. D’autres auteurs, tels que Boubacar Boris
Diop, ont déjà une renommée littéraire quand ils entament l’écriture de romans
policiers. Ainsi, Diop publie Kaveena (2006) alors qu’il est déjà considéré
comme l’un des écrivains majeurs de l’Afrique francophone. Dans ce récit, le
lecteur rencontre Asante Kroma, chef de la police, qui découvre dans un bunker
le cadavre du chef d’État en fuite, N’Fa Tandine. Gardant pour lui l’information,
il s’installe dans le bunker et cherche à comprendre les relations qu’entrete-
naient l’ex-président, le Français Castaneda qui dirige officieusement le pays, et
Mumbi, une proche de Tandine dont la fille a été violée et tuée.
D’autres, tels que Kwei Quartey, Sunjata et Alphonse Nonregma doivent
encore faire leur renommée. Dans son premier roman, Épouses et Assassins
(Wife of the Gods), en 2009, Kwei Quartey crée son personnage principal, Darko
Dawson, inspecteur de la police d’Accra, chargé de se rendre à Ketanu, un vil-
lage éloigné au bord de la Volta, en pleine brousse, afin d’élucider le meurtre
d’une jeune étudiante, Gladys Mensah, qui participait à un programme de lutte
contre le sida. Quartey dresse un tableau en clair-obscur de la société gha-
néenne et donne un bon aperçu de la vie quotidienne d’un pays tiraillé entre des
pratiques ancestrales et l’avènement d’une certaine modernité. En abordant les
questions de la polygamie, des liens familiaux, du sida, de la condition des fem-
mes, du poids des traditions et des superstitions, l’auteur offre une exploration
de la société ghanéenne. Kalachnikov Blues (2009), du Guinéen Sunjata, est
un premier essai, drôle et grinçant, sur les trafics d’armes au fond de la Guinée
forestière. Enfin, Alphonse Nonregma avait déjà écrit L’ Apatride (1996), un
roman policier retraçant les tribulations d’un Burkinabè en Côte d’Ivoire, ref let
de la nouvelle Afrique, celle de ces personnages qui, comme Sana, pour réaliser
des ambitions souvent déraisonnées, ne reculent devant rien, pas même devant
un assassinat, pas même devant une malédiction paternelle.

La conscience révélatrice d’une société malade. Dans sa «  Radioscopie


d’un itinéraire dans le roman policier africain  », Sylvère Mbondobari analyse

Le polar africain 63
comment le roman policier africain, en l’occurrence les productions littérai-
res de Bolya Baenga et d’Achille Ngoye, mêle la thématique de la « migritude »
– néologisme attribué à Jacques Chevrier combinant « Négritude » et « émi-
gration » – de l’exil, de l’immigration et de l’émigration à d’autres thématiques
plus « classiques ». Il insiste sur la capacité du roman policier à livrer une
image in media res, en prise directe avec une réalité sociale, celle de la marge.
« L’immigration est pour ces auteurs une expérience existentielle doublée d’une
expérience littéraire où l’imaginaire, producteur d’un sens du monde, donne à
lire les silences, les peurs refoulées, les préjugés ravageurs, les heurs et mal-
heurs, mais également les espoirs d’individus restés souvent anonymes. En
revanche, dans ce vaste champ thématique, le polar africain propose une recon-
figuration de l’espace sur lequel se détache le sujet immigré, entraînant de facto
un détournement du regard vers un espace hors champ, l’espace de la marge. »
Selon Mbondobari, le polar africain postcolonial est une forme d’écri-
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ture qui pose autrement les questions d’immigration. Le roman policier doit
être la tribune publique où le débat prend place. La plupart des textes s’inscri-
vent dans la veine de la morale sociale en vigueur au sein de la société. Selon
Naudillon, le roman policier a plusieurs devoirs, dont l’un est « de faire avouer
cette société africaine, de plonger dans ses plus profonds retranchements, dans
ses secrets les plus honteux – corruption, gabegies, violences gratuites, crimes
de toutes natures – ses collusions et collaborations avec l’ancien colon » (2006,
p. 14). Le roman policier doit permettre l’émergence d’une raison critique pour
faire face aux démons des sociétés africaines, tel le racisme et le tribalisme, les
déviances sexuelles, le manque de valeurs, notamment dans les zones nouvel-
lement urbanisées et des peuples aux prises avec l’imaginaire sorcier du vil-
lage. Comme le dit Vanoncini, «  un grand nombre de romans n’utilisent plus
la trame policière comme matrice globalement organisatrice du texte, mais
comme une passerelle guidant vers les aspects et problèmes les plus divers du
monde actuel : étude sociologique d’un milieu, analyse idéologique des modes
d’existence modernes, mise au jour des refoulements de la conscience histori-
que d’une communauté, portrait psycho-pathologique d’une société aliénée  »
(1993, p. 104-105).

Le porte-parole de la condition féminine. Le statut de la femme dans le


roman policier africain, notamment dans la francophonie, copie son statut réel
au sein de plusieurs sociétés africaines. Ainsi, Brasleret relève que « la femme
africaine n’est, dans les écrits de Ngoye et Ndione, nullement maître de son
existence  » (2007, p.  18-19), comme l’illustre l’exemple de Maisha à qui les
Anciens ont imposé son mariage avec Kizito. Au cœur des sociétés africaines,
la fonction première de la femme est de procréer, d’assurer la perpétuation de la
tribu. Une veuve sans enfant comme Maisha peut être rejetée du clan. Elle peut
devenir un élément perturbateur des rapports entre les familles, de la cohésion
sociale, d’où la nécessité de la remarier à un proche du défunt  : « Qu’elle ait
enfanté et contribué de la sorte à la pérennité du clan, la tribu l’aurait gardée ne

64  L’Afrique dans la littérature Afrique contemporaine 241


Une sélection de célèbres romans policiers africains 3/5
Jusqu’au dernier (2002) retrace l’histoire de l’inspecteur
Mat Joubert, de la Brigade des vols et homicides du Cap
qui, depuis la mort de sa femme, ne s’intéresse plus à
rien. Jusqu’à l’arrivée de son nouveau chef, le lieutenant
Bart de Wit, formé à Scotland Yard, qui l’oblige à cesser
de fumer, à maigrir et à consulter une psychologue, et
à travailler mieux sur deux enquêtes importantes : un
certain « Monsieur Mon Cœur » qui détrousse une à une
les succursales de la banque Premier et des meurtres
Deon Meyer
perpétrés à l’aide d’un Tokarev, arme dont se servaient
Les Soldats de l’aube
les guérillas marxistes de l’Angola, ou d’un Mauser, tout
Points, 2003 (adapté pour droit sorti de la guerre des Boers.
la télévision en 2005) Dans Les Soldats de l’aube, Zatopek van Heerden,
un ancien policier dont la vie a basculé après la mort
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de son coéquipier, est contacté par une avocate dans
une affaire de meurtre pour retrouver un testament. Au
fur et à mesure que l’enquête avance, on découvre le
passé de Zatopek.
Dans L’Âme du chasseur (2005) Thobola « ptit »
Mpayipheli est un ex-agent des services secrets
africains mis à la retraite lors du changement de
régime politique. Un jour, la fille d’un ex-frère de
lutte lui demande son aide. Son père a été enlevé
et les ravisseurs menacent de l’exécuter s’ils ne
reçoivent pas ce qu’ils veulent (un disque dur) dans
les 72 heures. Thobola s’embarque alors sur une
motocyclette « empruntée » au concessionnaire où il
travaille maintenant.
Avec Le Pic du diable (2007) Meyer s’attaque au
monde de la pédophilie sud-africaine.
13 heures (2010) parle des heures mouvementées
dans la vie d’un policier du Cap, Benny Griessel, qui
doit résoudre le meurtre d’une jeune fille près de Long
Street. À cela s’ajoutent les rivalités entre flics, une
chanteuse sur le déclin alcoolique accusée de meurtre,
des magouilles suspectes dans l’industrie du disque
et une jeune touriste américaine pourchassée par de
mystérieux agresseurs.
Dans La Mémoire courte (2006) l’inspecteur
Francis Zondi se trouve à Soweto (Afrique du Sud),
un endroit où ont toujours rôdé d’inquiétants
fantômes, où le combat pour survivre a ses règles.
Le Noir qui marche à pied raconte une deuxième
histoire de l’inspecteur Zondi, surnommé « Bronx »
par ses collègues à cause de son bref passage
au FBI, qui continue sa poursuite de la racaille de
Johannesbourg et des townships du Gauteng ;
Louis-Ferdinand Despreez
il s’agit d’enfants disparus dans cet épisode.
Le Noir qui marche à pied
Phébus, 2008

Le polar africain 65
fût-ce que pour élever ses babouins. Cela n’étant pas le cas, elle risquait d’être
renvoyée dans sa famille, f lanquée de masques chargés d’obtenir restitution
immédiate de la dot, chose qui provoquerait une levée de boucliers, vu que les
siens objecteraient son long marrida pour renâcler » (Ngoye, 1997, p. 226).
L’acte de procréation est pensé uniquement du point de vue masculin.
D’un côté, le corps de la femme africaine est sacrifié à l’autel des plaisirs de
l’homme. De l’autre, la femme est souvent la victime du crime. Un exemple
suffit  : en 2010, Florent Couao-Zotti publie Si la cour du mouton est sale, ce
n’est pas au porc de le dire, un roman policier dans lequel une jeune femme est
retrouvée mutilée sur la berge de Cotonou. Deux policiers bienveillants tentent
de démêler cette affaire. Pendant ce temps une femme propose à un homme
d’affaires libanais d’échanger de l’argent contre une valise de cocaïne. À chaque
chapitre, le narrateur et le point de vue sur l’histoire changent et on découvre
progressivement le lien qui unit les deux affaires.
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En plus du mariage forcé et de l’excision, plusieurs écrivains, tels Ngoye,
Ndione, mais aussi McCall Smith dans sa série autour de Mma Ramotswe,
abordent la problématique de la polygamie. Le point de vue de Ndione (cité
dans Ndong, 2008), qui reste ouvert à la polygamie, peut être résumé par ses
propres mots : « Je ne peux pas être contre ce que Dieu a autorisé. Mais il
faut d’abord des conditions matérielles », estime-t-il. Dans La Gazelle et les
Exciseuses (2004), Christian Mambou nous livre l’histoire d’Ayite, une adoles-
cente promise en mariage à un vieux polygame, qui décide, à la veille de son
excision et avec le soutien de sa mère, de prendre la fuite. Cependant, les nota-
bles du village, pour qui une telle dérobade représente une offense aux règles de
la communauté et à la mémoire des ancêtres, ne l’entendent pas de cette oreille.
S’organise alors une longue traque contre la fugitive. Bien qu’on ne puisse pas
complètement insérer ce roman dans le genre du roman policier, la fugue et
les poursuites qui s’ensuivent donnent à ce roman certaines caractéristiques
policières.

Le réalisme social et politique de Yasmina Khadra. Le réalisme dans le


roman policier algérien a été analysé par Beate Bechter-Burtscher dans sa
thèse de doctorat (1998). Vu comme une étape principale du développement
du polar algérien, le réalisme est un trait de l’écriture de Yasmina Khadra. Le
contenu de ses œuvres, l’action – et en particulier les réf lexions du commis-
saire Llob, le personnage principal de ses romans policiers, le « f lic spirituel »
comme il s’appelle lui-même – se concentrent sur des problèmes sociaux, écono-
miques ou politiques auxquels la société algérienne est confrontée à la fin des
années 1990. Khadra insiste sur la violence et l’installation d’une véritable mafia
politico-financière au cœur du système, en écho à l’actualité meurtrière de l’Al-
gérie. Dans sa thèse, Maleski (2003) explique que les romans de Khadra, écrits
simultanément aux événements les plus violents en Algérie, mettent en scènes
des meurtres particulièrement sanglants. «  Faisant directement référence au
contexte marqué par les actions terroristes, Khadra choisit de dépeindre un

66  L’Afrique dans la littérature Afrique contemporaine 241


Une sélection de célèbres romans policiers africains 4/5
La Vie en spirale explore la consommation
et le trafic de « yamba » (nom local du cannabis),
aussi bien par les jeunes sans emploi, par les officiers
de police ou par les blancs présents au Sénégal.
Ramata (2000) emmène le lecteur à travers l’histoire
politique et sociale du Sénégal. Derrière un bar miteux,
par un soir pluvieux, on retrouve le corps d’une vieille
Sénégalaise. Un homme, qui a connu sa déchéance,
Abasse Ndione raconte son histoire. Ramata Kaba a eu une existence
La Vie en spirale peu commune. Mariée sans amour à un riche politicien
Gallimard, 1998 qui l’adule, elle ignore les plaisirs de la chair. Elle les
découvre dans les bras de Ngor Ndong, fils de Ngor
Ndong qui a trouvé la mort par sa faute, battu à mort
par des policiers trop zélés. Il est vrai qu’au Sénégal,
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malgré un système politique régi par des élections
libres, la corruption règne.

Flics à la Brigade criminelle de Bamako, le


commissaire Habib et son adjoint Sosso sont
confrontés à trois meurtres au cyanure dans le quartier
pauvre de Banconi, à l’apparition d’une vague de faux
billets et à une émeute populaire.
Dans L’Honneur des Keïta (2002) le meurtre d’un
marabout expédie les deux limiers au fin fond de
la brousse malienne. Habib et Sosso affrontent
Moussa Konaté quotidiennement le lucre, le crime et la misère
La Malédiction du Lamantin humaine. Misère, violence, corruption, hiérarchisation
Fayard, 2009 traditionnelle des rapports sociaux, influence des
castes et des rapports familiaux et toute-puissance
d’un rapport magique au monde, viennent compliquer
la tâche de nos deux flics.
L’Empreinte du renard (2006) se situe au cœur du
pays des Dogons, attachés à leurs traditions, vivant
en marge de la société et redoutés pour la puissance
de leur magie : une série de morts bizarres alerte les
autorités maliennes.
Le Lamantin de La Malédiction du Lamantin
est le dieu du fleuve Niger, qui s’est vengé en
causant deux morts surnaturelles. À la saison sèche,
une ethnie réputée pour sa connaissance des
mystères du monde aquatique, les Bozos, s’installe sur
l’îlot de Kokrini. Dépêchés sur les lieux comme
la loi l’exige, le commissaire Habib et son fidèle
Sosso doivent affronter la foule des villageois et
bientôt le pays entier.

Le polar africain 67
tableau particulièrement sombre et agité, le crime dépassant le strict cadre
de l’enquête. » Par ailleurs, de nombreuses actions criminelles surviennent en
marge des enquêtes : voitures piégées, attaques terroristes… « Dans les romans
noirs algériens, les personnages adoptent, à l’inverse, un certain fatalisme face
aux atrocités meurtrières commises, et ce, non sans susciter l’émoi du lecteur,
conscient que la fiction proposée s’inscrit dans une perspective tragiquement
réaliste ; un réalisme attesté dans le texte notamment par des passages perçus
comme de véritables témoignages sur l’horreur quotidienne, et ce, d’autant que
le lecteur, notamment le lecteur français, à qui s’adressent d’un point de vue
éditorial ces romans, manque de ce genre d’informations.  » Beate Burtscher-
Bechter (1998) souligne l’importance de la série policière de Khadra : « Aux
yeux de Yasmina Khadra, c’est le devoir des artistes et des intellectuels, parti-
culièrement celui des écrivains, de suivre, surtout dans la situation actuelle, les
progrès à l’intérieur du pays et d’attirer l’attention sur les changements. C’est
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exactement ce que Yasmina Khadra fait dans ses romans, elle tâte le “pouls de
la terre”, et elle devient un “sorcier” et un “sourcier” (Morituri), qui éclaire, de
façon critique, les événements actuels. »

Un univers sans rêves ni illusions. Parallèlement à l’enquête se développe


la critique sévère du commissaire Llob contre les conditions de vie et de loge-
ment inhumaines à Alger, doublée d’une révolte face à une jeunesse algérienne
frustrée, sans perspectives, et face à une société ignorante. Le rêve peut diffici-
lement faire son apparition dans le monde décrit par les auteurs de polars, car
la traite des êtres humains, la prostitution, le viol collectif et les bandes crimi-
nelles en forment le décor principal. La production anglophone sud-africaine
est un bon exemple : en 2006, Margie Orford publie Like Clockwork, sorti en
français sous le titre Les Captives de l’aube (2008), un roman policier dont l’his-
toire se situe dans la ville du Cap contemporain et décrit l’enquête menée à la
suite de recherches sur le trafic des femmes et d’une série de meurtres de jeunes
filles 9 . Dans Blood Rose, l’auteur s’attarde à la vie des mendiants, des enfants de
la rue et des orphelins du sida en Namibie alors que Daddy’s Girl (2010) explore
l’impitoyable guerre des gangs qui divise Cape Town en territoires occupés.
Exhibit A (2009) de Sarah Lotz se concentre sur un viol et sur la corruption de
la police rurale et les préjugés des petites villes. Chameleon (2008) de Barbara
Erasmus évoque le suicide, la mort d’un enfant, la grossesse non désirée, le sida,
l’infertilité, l’infidélité, l’argent et le statut social. En 2008, Random Violence
de Jassy Mackenzie essaie de résoudre le meurtre d’une femme divorcée qui
ressemble plus à un détournement raté, un de ses nombreux crimes insensés de
la nouvelle Afrique du Sud. La traduction française du titre du roman policier
A Beautiful Place to Die (2008) de Malla Nunn, Justice dans un paysage de

9. Le thriller psychologique d’Angela policiers décrits ci-dessus, des contemporains, tels que les meurtres
Makholwa Red Ink (2007) se problèmes sud-africains les plus en série.
préoccupe, comme les romans

68  L’Afrique dans la littérature Afrique contemporaine 241


Une sélection de célèbres romans policiers africains 5/5
Son premier roman policier Le Dingue au Bistouri
(1990) débute une série, qu’on peut caractériser
par une analyse systématique de la crise algérienne,
dans l’esprit d’une investigation menée avec
beaucoup de sensibilité et de sagacité. Dans la série
policière de Khadra, Brahim Llob, le commissaire
de police qui approche la soixantaine, mène les
enquêtes. Il y pratique un humour désabusé
Yasmina Khadra et un peu lourdaud et une indépendance d’esprit
L’ Automne des chimères qui déplaît à la hiérarchie. À la manière des
Folio, 1998 séries télévisées, il dirige une équipe qui lui voue un
culte et qu’il protège des sanctions même
quand elles seraient méritées. Llob ne dissimule pas
ses convictions.
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L’Inspecteur Ali met en scène un policier,
personnage récurrent dans l’œuvre de Driss Chraïbi,
« mais ce dont il est question est plutôt son auteur, un
écrivain marocain qui pourrait être le double parfait
de Driss Chraïbi lui-même ». Derrière cette mise en
abîmes autour du personnage de l’écrivain, on ressent
la volonté de Chraïbi d’écrire sur sa longue carrière
bibliographique et de se poser une multitude de
Driss Chraïbi questions sur son devenir, son succès
L’Homme qui venait du passé et sa motivation réelle d’écrire, mais aussi sur le conflit
Folio, 2004 Orient-Occident présent dans la famille même du
personnage.
L’Inspecteur Ali à Trinity College (1995) raconte la mort
suspecte d’une belle princesse marocaine, étudiante
en Angleterre, et qui embarrasse Scotland Yard.
L’Inspecteur Ali et la CIA (1996), cinquième enquête,
est une satire de la société américaine.
L’enquête de L’Homme qui venait du passé mène
l’inspecteur Ali bien hors des frontières de son pays,
jusqu’en France, aux États-Unis, en Suisse et en
Afghanistan où il sera amené à enquêter à la fois
sur des barons de la drogue, des financiers sans
scrupules et des islamistes terroristes.

Le polar africain 69
rêve, représente cette absence de rêve : alors que le décor dans lequel se situe
le roman policier africain forme un paysage de rêve, ce qui est recherché par
l’écrit n’est pas le rêve, mais la justice.

Les aspirations et les rêves africains dans la paralittérature du polar 10


Le polar africain, qu’il soit francophone, anglophone ou lusophone, ne parle de
rêve africain que dans le sens où l’Africain, décrit dans les romans policiers,
est à la recherche d’un monde matérialiste meilleur, mais ne s’occupe pas d’as-
pirations spirituelles11. Les auteurs africains du roman policier pratiquent, en
introduisant une rupture dans les formes de représentations, un nouveau type
d’écriture romanesque, à la lisière du sérieux et du désinvolte, du comique, du
dramatique et de l’ubuesque, dans un genre réinventé où le fantastique conta-
mine le réel, où la norme est en permanence mise à l’épreuve.
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Par exemple, les romans policiers sud-africains publiés entre 2000 et
2010 illustrent cette absence de rêverie et d’aspirations. Ils incluent tous la plu-
part des atrocités que les Sud-Africains, vivant en milieu urbain, rencontrent
de manière quotidienne : meurtres, drogues, alcools, viols, détournements, vio-
lences et destructions. Si le lecteur essaie de « distiller » des rêves à partir de
ces narrations, ce ne sont que des rêves d’un monde en sécurité, moins violent
et plus compatissant, qui peuvent en découler. Mais l’écrivain ne permet pas au
lecteur de rêver, surtout face à une réalité crue, rude et sans pitié, comme celle
décrite dans les romans policiers sud-africains récents.
C’est dans la version plus douce, moins hard, de la littérature policière,
que le lecteur peut trouver les traces des rêves et aspirations des peuples afri-
cains. Ainsi, les divers cas à résoudre par Mma Ramotswe de l’ Agence n° 1 des
dames détectives, écrit par Alexander McCall Smith, offrent au lecteur une
vision des aspects sociaux d’une société africaine. McCall Smith explore les
conf lits émergents entre les valeurs traditionnelles de la société botswanaise et
les inf luences de la modernité importée des villes sud-africaines frontalières et
éclairent certains aspects du rêve africain.

Conclusion
La critique littéraire contemporaine considère souvent le roman policier
comme un mode de représentations qui « permet de plonger dans des milieux
sociaux dont [les] autres romans ne parlent pas comme ceux du banditisme et
de la drogue  » (Konaté, cité par Marsaud, 2005). Il ne s’agit pas uniquement
de dire, de pointer des non-dits, mais de dire vrai, de situer dans le registre du

10. Rohrbach (2007, p. 52) explique 11. Notre analyse (2010) de l’aspect 12. Ethnopolar : le terme aurait été,
comment l’utilisation du label religieux et de son absence totale selon Naudillon, utilisé pour la
« paralittérature » a longtemps dans le roman policier africain récent première fois pour qualifier le roman
empêché le roman policier à être pris va dans la même direction. de Tobie Nathan, Saraka bô, paru en
au sérieux. 1992.

70  L’Afrique dans la littérature Afrique contemporaine 241


vraisemblable une thématique qui relève de l’abject. Dans ce jeu des représen-
tations, le roman policier affiche ainsi sa singularité et son esprit propre au
détriment des autres genres, notamment au travers d’un intertexte explicite
avec divers discours sociaux.
Depuis les années 1970, l’aspect sociologique joue, sur le plan interna-
tional, un rôle de plus en plus important dans le roman policier, et c’est surtout
dans le roman noir que depuis une trentaine d’années apparaît le dévoilement
d’une problématique politique ou sociale parallèlement à l’enquête du détective.
Les romans policiers africains offrent au lecteur une exploration socio-écono-
mique et politique des diverses sociétés dans lesquelles ils se situent, ou comme
le décrit Naudillon, les romans policiers francophones africains mettent en
branle un imaginaire «  où le savoir scientifique (méthodologie policière), la
sociologie (Aïda Mady Diallo), le philosophique et le politique (Mongo Beti)
ou l’anthropologique (mythe, rituels sacrificiels : Bolya/Ngoye) ont leur part »
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(2006, p. 14). Certaines descriptions du polar africain vont jusqu’à parler d’eth-
nopolars ou d’anthropolars12 puisque l’homme serait, dans ces écrits policiers,
présenté sous sa complexité sociale, culturelle, ethnographique et historique.
Le polar interroge les enjeux politiques et épistémologiques de l’ethnicisation
de l’autre quand il a pour cadre les banlieues et les populations migrantes
(Ngoye, Bolya) en décrivant les trajectoires sociales et spatiales, les expressions
communautaires, les processus identitaires et les formes d’hybridation, voire
de créolisation des porteurs de signes ethniques (Naudillon, 2006, p. 13).
Les intrigues des polars africains ne forment pas les parties les plus
intéressantes de ces narrations. En revanche, l’information sociologique que
l’auteur veut partager avec son lecteur (ce qui inclut les préoccupations concer-
nant la mondialisation, les alliances stratégiques, les diamants, le braconnage
d’ormeau, le trafic de drogue international, la course aux armements, la cor-
ruption politique, la fraude et les scandales) devient quintessentielle. Nous
avons exploré quelques narrations et nous pouvons conclure que les Africains
représentés dans ces romans ne rêvent pas encore à l’avenir, ils sont coincés
dans le présent.

Le polar africain 71
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