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IV.

5 LA MISE A L'EQUILIBRE CALCO-CARBONIQUE


IV.5.1. GÉNÉRALITÉS

IV.5.1.1. LES EAUX NATURELLES

Lors de son passage dans l’atmosphère, l'eau dissout les gaz contenus dans l’air
(oxygène, azote, dioxyde de carbone). Au cours de son infiltration dans le sol, elle va
solubiliser des ions en quantité d’autant plus importante que ceux-ci sont
solubles (Na+/Mg2+/Ca2+/Fe2+/Cl-/SO4 /HCO3 /NO3 ).
2- - -

Bien souvent, la concentration en dioxyde de carbone de certaines eaux naturelles est


supérieure aux valeurs données par la loi de Henry selon le tableau IV.5.1. Au lieu de
mesurer des concentrations de 0,5 à 1 mg/L en eau pure qui correspondent à
l'état d'équilibre avec l’atmosphère, il peut être trouvé jusqu’à 100 mg CO2/L, voire
plus. Ceci résulte d’une activité bactérienne de consommation des matières organiques
présentes dans le sol (humus). Le dioxyde de carbone dissous dans l’eau forme l’acide
carbonique
et va, par son acidité, contribuer à accroître le « pouvoir dissolvant » de l’eau, notamment
vis-à-vis des composés alcalino-terreux (calcium et magnésium).

TABLEAU IV.5.1. CONCENTRATION EN OXYGÈNE, AZOTE ET DIOXYDE DE CARBONE (EN MG/L)

DANS LES EAUX À DIFFÉRENTES TEMPÉRATURES, EN ÉQUILIBRE AVEC L’ATMOSPHÈRE À 760 MM DE MERCURE

TEMPÉRATURE
0 10 15 20 25
DE L’EAU ( °C)

Oxygène 13,9 10,8 9,7 8,8 8,1

Azote 23,5 18,6 16,8 15,4 14,3

Dioxyde de
1.06 0.7 0,59 0,53 -
carbone

La nature de la structure géologique du sol qui recueille, draine et stocke l'eau


contribue à déterminer la composition minérale de celle-ci : les massifs granitiques peu
solubles vont être associés à des eaux peu chargées en sels, mais qui pourront contenir
beaucoup de CO2 (en fonction de la qualité des couches supérieures). A l’inverse les
zones calcaires et karstiques vont produire des eaux à fortes concentrations ioniques,
tableau IV.5.2.

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TABLEAU IV.5.2. DURETÉ DES EAUX DES PRINCIPAUX COURS D’EAU, FLEUVES ET RIVIÈRES

EXPRIMÉE PAR LE TITRE HYDROTIMÉTRIQUE (TH) EN DEGRÉ FRANÇAIS ( °F)

COURS D’EAU DURETÉ (TH EN °F) COURS D’EAU DURETÉ (TH EN °F)

La Vézère 0,5 à 1 La Loire 3 à 22

Le Gave de Pau 2 à 2,5 Le Doubs 17 à 23

La Vienne 1,5 à 3 La Meuse 13 à 24

La Creuse 2à3 Le Rhin 13 à 25

L’Aulne 4à5 L’Indre 14 à 25

La Mayenne 4à8 La Sarthe 11 à 26

Le Gouet 5à6 La Saône 17 à 27

Le Lot 5à9 La Seine 17 à 29

La Vilaine 7à9 La Marne 19 à 29

Le Cher 4 à 10 Le Rhône 15 à 30

L’Adour 8 à 12,5 L’Orne 15 à 32

Le Tarn 10 à 12 La Somme 26 à 28

L’Allier 4 à 15 L’Aisne 25 à 29

La Garonne 10 à 18 L’Oise 20 à 38

IV.5.1.2. LES EAUX DOUCES ET LES EAUX DURES

Les eaux douces et dures sont classées selon les concentrations en différents éléments
tels que les cations calcium (Ca2+), magnésium (Mg2+) et ions hydronium (H3O+) et les
anions bicarbonate (HCO3 ), carbonate (CO3 ) et hydroxyde (OH ).
- 2- -

Les paramètres qui permettent de quantifier les différentes concentrations de ces


principaux ions sont les suivants :
> Le titre alcalimétrique (TA) correspond à la somme des teneurs en ions
hydroxyde et carbonate exprimé en degré français ( °F).

TA = [CO3 2-] + [OH - ]


> Le titre alcalimétrique complet (TAC) correspond à la somme des teneurs en
ions hydroxyde, bicarbonate et carbonate exprimé en degré français ( °F).

TAC = [HCO3 -] + [CO3 2-] + [OH - ]


+

> Le pH = 10-log [H3O ]

> La dureté calcique : TCa = [Ca2+] exprimé en degré français ( °F).


> La dureté magnésienne : TMg = [Mg2+] exprimé en degré français ( °F).

36 RÉGLEMENTATION ET TRAITEMENT DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION HUMAINE • CHAPITRE 4


Le titre hydrotimétrique (TH) ou dureté totale est égal à la somme des duretés calcique et
magnésienne TH = TCa + TMg.
Les titres et duretés s’expriment en France en degré français ( °F) avec la relation :
1° F = 1/5 milliéquivalent/L. Ainsi un degré français de TA ou de TAC équivaut à 10 mg/L
de CaCO3 (deux équivalents par mole de carbonate, un équivalent par
mole d'hydrogénocarbonate). Un degré français de dureté magnésienne équivaut à 12
mg/L de magnésium et un degré français de dureté calcique à 20 mg/L de calcium.
Par définition, les «eaux douces» sont des eaux qui contiennent peu de sels de calcium
ou de magnésium et les « eaux dures » en contiennent des quantités élevées.
A titre d’exemple, une eau ayant un TH de 1 °F est dite « douce » alors qu’une eau ayant
un TH de 30 °F est dite « dure ».
Comme la majorité des sels de calcium dans les eaux provient de la dissolution
du carbonate de calcium (CaCO3), le TAC d’une eau sera généralement caractéristique
de sa dureté.
En résumé, il sera retenu que les valeurs caractéristiques de la dureté d’une eau sont le
TAC, le TH, le TCa et le TMg.

IV.5.1.3. LES EAUX AGRESSIVES ET LES EAUX INCRUSTANTES

Avant même d’entrer dans une interprétation théorique des phénomènes


de dissolution/précipitation (cƒ. paragraphe IV.5.3), il peut être logiquement déduit que
les eaux faiblement chargées en sels ont un potentiel important de dissolution des
matériaux avec lesquels elles sont en contact (récipients, tuyaux…).
A l’inverse, les eaux riches en sels ont la possibilité de laisser déposer les moins solubles de
ceux-ci et ont tendance à former des dépôts donnant lieu à la constitution de cristaux
à l’interface solide-liquide.
A une minéralisation donnée (TH et TAC définis), Tillmans a montré qu’il existe un pH dit
pH de saturation (pHs) ou pH d’équilibre au-delà duquel il va être observé une
précipitation des ions calcium et bicarbonate sous forme de carbonate de calcium. Ce
précipité (couche de Tillmans) joue un rôle protecteur des parties métalliques vis-à-vis de
l’eau. Les eaux peuvent donc être classées en fonction de la valeur de leur pH par rapport
à leur pHs :
> Si le pH est supérieur au pH d’équilibre, les eaux ont tendance à déposer du
CaCO3, elles sont dites entartrantes ;
> Si le pH est inférieur au pH d’équilibre, les eaux ont tendance à dissoudre du
carbonate de calcium, elles sont dites agressives.
En résumé : pour une minéralisation donnée, c’est le signe de la différence pH-pHs qui va
permettre de définir si une eau est « agressive » ou « incrustante ».
Il sera vu, ultérieurement, que la valeur du pHs d’une eau augmente lorsque son TAC
(donc sa minéralisation) diminue.

LES PRINCIPAUX TRAITEMENTS DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION 37


Pour un pH donné, une eau peu minéralisée aura un pH < pHs (elle sera
agressive), tandis qu’une eau plus minéralisée aura un pH > pHs (elle sera entartrante) ;
ceci explique une certaine « corrélation » entre eau douce et eau agressive ou eau
dure et eau incrustante, malgré des significations différentes.

IV.5.1.4. LES ENJEUX

Tous les ouvrages de traitement et de distribution étant soumis à l’action de l’eau en


fonction du caractère évoqué ci-dessus, les enjeux des traitements de « mise à l’équilibre
» sont multiples :
> Protection de la santé des consommateurs :
• Réduction du risque de dissolution des métaux, tels que le plomb ou le
cuivre (protection par la couche de Tillmans),
• Elimination des risques « d’eaux rouges » au robinet du consommateur
(dues à la dissolution du fer),
• Meilleur maintien du résiduel de chlore dans les réseaux (la dégradation
des ouvrages de distribution entraîne une consommation élevée du
désinfectant),
• Diminution des risques de fuite ce qui confère au réseau une meilleure
« intégrité », soit une moindre vulnérabilité vis-à-vis des intrusions d’eaux
souillées externes.
> Sauvegarde du patrimoine :
• Protection contre la corrosion entraînant fuites et casses,
• Protection contre l’entartrage responsable des augmentations de pertes
de charge et des dépenses d’énergie supplémentaires.

IV.5.2. OBJECTIFS

L’objectif pour toute eau sortant d’une usine de traitement d'eau est d’être à l’équilibre
voire légèrement incrustante.
Cependant, la valeur du pHs étant inversement proportionnelle à la minéralisation (TAC
et TCa), pour garantir la condition ci-dessus, mais en respectant des valeurs de
pH compatibles avec la potabilité de l’eau (pH < 8,5) ou avec la dissolution
d’autres sels (plomb à pH < 7,5), on est également amené à produire une eau
qui, en terme de minéralisation, ne soit ni trop douce, ni trop dure.
Il est évident que les traitements qui vont être décrits ci-après, s’adressent pour la plupart
aux eaux douces qu’il convient de reminéraliser, cependant les désordres entraînés par
des eaux trop dures (entartrage/dissolution de plomb) peuvent contraindre le
traiteur d’eau à en réduire la minéralisation.
Les eaux douces doivent être reminéralisées de manière à leur conférer un pouvoir
tampon évitant les variations brutales de pH.

38 RÉGLEMENTATION ET TRAITEMENT DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION HUMAINE • CHAPITRE 4


La dureté minimale de l’eau (TAC = 8 °F) de l’eau et un pH de saturation (avec pH ≥
pHs+0,2 - eau légèrement entartrante) de l’ordre de 8 (compatible avec une désinfection
correcte par le chlore) permettront la formation de la couche de Tillmans
protectrice vis-à-vis de la corrosion des canalisations de fer. Ces deux valeurs liées à la
troisième fixent
la dureté calcique à 8 °F. Il s’agit du respect de la règle dite des « trois-huit ».
La teneur en oxygène dissous devra être supérieure ou égale à 5 mg/L.
Pour les eaux dures, les objectifs vis-à-vis de la dureté, du potentiel corrosif et d’équilibre
de l’eau, qui sont à respecter, sont :
> TAC < 15 °F
> TH < 15 °F
> pH ≥ pHs+0,2
Si les deux plages délimitées ci-dessus ne sont pas identiques, c’est tout simplement que
la région des eaux « moyennement minéralisées » s’étend de 8 à 15 °F (TAC et TH).
Pour des raisons de consommation de réactifs, on se limite à la borne inférieure pour les
eaux douces et à la borne supérieure pour les eaux dures.

L’indice de Larson est égal au ratio des concentrations ([Cl-]+[SO42- ])/[HCO3- ] lorsque les
concentrations sont exprimées en degré français ou en milliéquivalent.
Un indice de Larson faible (0,4-0,8) caractérise une eau dite stable. Un indice supérieur à
1 est caractéristique d’une eau corrosive.

IV. 5.3. THÉORIE :

IV. 5.3.1. LES IONS EN PRÉSENCE

> Les « ions constitutifs » : H3O+ et OH-


> Les ions principaux : Ca2+, Mg2+, HCO3 - et CO3 2-
> Les ions secondaires : Na+, K+, Fe2+ et Cl- , SO4 2-, NO3-, SiO3 2-

IV.5.3.2. LES ÉQUILIBRES

Parmi l’ensemble de ces ions, quatre équilibres majeurs régissent leurs


concentrations réciproques :
a) L’égalité des charges électriques (respect de l'électroneutralité) :

[H3O+]+2[Ca2+]+2[Mg2+]+[Na+]+[K+] = [OH-]+[HCO3 -]+2[CO3 2-]+[Cl- ]+[NO3- ]+2[SO42- ] (1)

b) L’ionisation de l’eau :
2 H 2O H3O+ + OH- (2)
Avec [H3O+].[OH-] = Ke = 10-14,0 soit pKe = -log Ke = 14,0 à 25 °C et 14,17 à 20 °C.

LES PRINCIPAUX TRAITEMENTS DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION 39


c) La dissociation de l’acide carbonique :
CO2 + H2O H2CO3 (3)

H2CO3 HCO3 - + H3O + (4)

HCO3- + H2O CO3 2- + H3O+ (5)


Avec K1 = [H3O+].[HCO3-]/[H2CO3] = 10-6,39 soit pK1 = 6,39 à 20 °C

K2 = [H3O+].[ CO32- ]/HCO3-] = 10-10,37 soit pK2 = 10,37 à 20 °C

d) L’équilibre de la dissolution ou précipitation du carbonate de calcium


Ca2++CO32- CaCO3(s) (6)

Avec Ks = [Ca2+].[CO32- ] = 10-8,45 soit pKs = 8,45 à 20 °C

Remarque : D’autres équilibres, mettant en jeu des acides faibles, peuvent intervenir.
C’est le cas de la silice (SiO2), de l’hydrogène sulfuré (H2S) ou des acides humiques qui
seront négligés car représentant des cas particuliers.

IV.5.3.3. LES MÉTHODES D’APPROCHE DE L’ÉQUILIBRE CARBONIQUE,


LES REPRÉSENTATIONS

Si l’on tient compte de l’ensemble de ces relations, il est possible d'évaluer, par
des abaques, voire de calculer par des itérations successives, l’ensemble des
concentrations des différents ions à partir de quelques données analytiques.
De nombreux auteurs ont développé leurs méthodes : Frankin et Maréquaux, Tillmans,
Hallopeau et Dubin, Legrand et Poirier sont parmi les plus connus.
L’objectif est toujours le même : Définir un plan de représentation avec des axes liés à un
paramètre (pH) ou à une somme de paramètres (TAC/Carbone total) et sur ce
plan, tracer le point représentatif des eaux « à l’équilibre calco-carbonique » : ce
point dit courbe d’équilibre, délimite le plan en deux parties, les eaux agressives (pH <
pHs) et les eaux entartrantes (pH > pHs).
Comme cela a déjà été mentionné, c'est à Tillmans que l’on doit la notion de protection
des métaux par une couche protectrice de carbonate de calcium (d’où le nom de couche
de Tillmans) et c’est à Langelier que l’on doit la notion de pH comparée au pHs, d’où la
définition de l’indice de Langelier : IL ou Is (indice de saturation).
IL = pH-pHs
si IL > 0 : eau incrustante
IL < 0 : eau agressive
IL = 0 : eau à l’équilibre
Quant à la méthode de Hallopeau et Dubin, c’est l’une des plus « intuitives », elle consiste
à représenter les eaux dans le plan de coordonnées, pH = f (TAC).

Rappelons que par définition, TAC = [HCO3 ] + 2 [CO3 ] + [OH ], lorsque les concentrations
- 2- -

sont exprimées en moles/L.


Si l’on exprime le TAC en degré français et les concentrations en HCO3-, CO32- et OH- en
mole/L, on obtient :

TAC ( °F) = 5000 ([HCO3- ]+2[CO32- ]+[OH- ])

et la concentration en CO2 en mg/L,


[CO2] = [H2CO3].44000
puis en combinant les équations ci-dessus :

1) [HCO3-] =

2) [CO32-] = 10 pH-pK’2. [HCO3- ]

3) [OH-] = 10 pH-pK’a

4) [CO2] = 10 pK’1-pH
.[HCO3 -].44.10 3

5) pHs = (pK’2-pK’s) + log [1+2.10(pHs - pK’2)]-log

+ 4-logTCa

Il est ainsi possible de calculer :


> Le CO2 à partir du pH et du TAC (ou le pH à partir du CO2 et du TAC),
> Le pHs à partir du TAC et du TCa (relation 5).
Cependant, les valeurs des différents pK dépendent de la température et de la
force ionique de l’eau ; il est donc nécessaire de faire appel soit à des abaques,
soit à des formules (Debye-Hückel) qui permettent de tenir compte de
l’influence de la minéralisation d’eau.

Ainsi, en fonction de la salinité de l’eau (Cl-, SO4 2-, Na+…), il peut être calculé la force
ionique d'une eau :

où Ci est la concentration en élément « i » et Zi, sa charge ionique (ou valence)

puis

Connaissant les valeurs de pKa, pK1, pK2 et pKs en fonction de la température, il peut être
recalculés les pK’, après chaque modification de salinité de l’eau (injection de réactif).
FIGURE 4.5.1. DOMAINE D'EXISTENCE DES EAUX DOUCES ET DURES EN FONCTION DU PH ET DU TAC

Le point figuratif d’une eau et la courbe des eaux dont le pH est égal à pHs pour des
TAC variables peuvent être représentées. Cette courbe est une droite si les abscisses
sont en coordonnées logarithmiques et les ordonnées en coordonnées linéaires, c’est
la courbe d’équilibre du CaCO3.
Le demi plan inférieur est le lieu des eaux agressives et le demi plan supérieur le lieu des
eaux incrustantes, figure 4.5.2.

IV.5.3.4. CO2 LIBRE - CO2 AGRESSIF - CO2 ÉQUILIBRANT

Une eau à l’équilibre (pH = pHs) contient une quantité souvent faible, mais non nulle, de
CO2, celui-ci est dit équilibrant.
Une eau agressive ayant un pH inférieur au pHs contiendra plus de CO2 qu’une eau à
l’équilibre, le CO2 agressif est donc défini comme la différence entre le CO2 libre et le CO2
à l’équilibre.
La figure 4.5.2. représente différents moyens pour réduire le CO2 libre, soit par
élimination physique (aération/stripping) soit par neutralisation chimique
(chaux- carbonate).
Il convient donc de définir le moyen de mise à l’équilibre pour pouvoir calculer la valeur
du CO2 agressif correspondant à cette hypothèse.
FIGURE 4.5.2. REPRÉSENTATION DE LA CORRECTION DU PH PAR DIFFÉRENTS MOYENS PHYSIQUE ET CHIMIQUES

EAU BRUTE PHS1 PHS2 PHS3

pH 6,5 8,6 8,15 7,87

TAC ( °F) 5 5 8.72 12,0

TCa ( °F) 5 5 8.72 12,0

CO2 (mg/L) 34.1 0,26 1.30 3.36

CO2 agressif (à TAC constant) = 34,1 - 0,26 = 33,84 mg/L CO2


CO2 agressif vis-à-vis de la chaux = 34,1-1,3 = 32,80 mg/L CO2
CO2 agressif vis-à-vis de CaCO3 = 34,1 - 3,36 = 30,74 mg/L CO2
L’aération est la voie qui conduit à la différence la plus élevée, on parle de CO2 en excès.
Pour les autres chemins, on parlera d’agressivité vis-à-vis d’une espèce chimique donnée
(le « test au marbre » étant par exemple le moyen d’accéder au CO2 agressif vis-à-vis du
CaCO3 : en France il est exprimé en mg CO2/L, dans les pays anglo-saxons il est traduit en
« CaCO3 solubilisable »).
CaCO3 + CO2 + H2O Ca (HCO3)2
100 g 44 g
Ca CO3 solubilisable = CO2 agressif.100/44
IV.5.4. TRAITEMENTS UTILISABLES

IV.5.4.1. LES TRAITEMENTS DE NEUTRALISATION OU DE REMINÉRALISATION DES EAUX

Tous les procédés visant à réduire la concentration en CO2 sont envisageables pour
amener une eau à l’équilibre, ils sont représentés sur la figure 4.5.3. suivante :

FIGURE 4.5.3. DIFFÉRENTES MÉTHODES DE REMISE À L'ÉQUILIBRE D'UNE EAU


Hélas, un traitement de ce type ne peut avoir que des effets temporaires limités car le
CO2 est particulièrement labile et les variations de pression subies par l’eau lors de
son transport dans le réseau peuvent contribuer à sa disparition.
En outre, toute élévation de température va raviver le phénomène de précipitation en
déplaçant la courbe d’équilibre.
2. Décarbonatation
Il a été observé que des eaux trop dures présentent un pH d’équilibre tellement bas qu’il
ne permet pas la formation de carbonate de plomb et qu’il est impossible de garantir le
seuil prévu par la limite de qualité de 10 µg/L pour le plomb lorsque le réseau
est constitué de tuyauteries et accessoires comportant ce métal !…
Il est donc préconisé d’effectuer une décarbonatation.
Les réactifs utilisables sont :
> La chaux : Ca (OH)2 + Ca (HCO3)2 2 CaCO3(s) + 2 H2O
> La soude : 2 NaOH + Ca (HCO3)2 Na2 CO3 + CaCO3(s) + 2 H2O
Si l’eau a une dureté « permanente » suffisamment importante (liée aux chlorures ou aux
sulfates), le carbonate de soude (Na2CO3) peut-être utilisé :
Na2CO3 + CaSO4 CaCO3(s) + Na2SO4

Il peut être observé qu’avec la chaux, les baisses de TAC (2 HCO3- ) et de TCa (1 Ca2+) sont
équivalentes. Par contre avec la soude, l’abaissement du TCa est double (1 Ca2+) de celui
du TAC (1 HCO3- ) mais il est compensé par une augmentation du TNa (remplacement de
1 Ca2+ par 2 Na+).
Autrement dit, avec la soude, le calcium est mieux éliminé que les bicarbonates mais
l’eau est enrichie en sodium ! Par contre s’il est fait référence à la variation du
TCa, il est produit deux fois moins de précipité de carbonate de calcium par addition de
soude, mais l’eau est plus « salée ».
Avant de choisir un réactif de traitement il conviendra :
> de calculer qu’elle sera la composition de l’eau obtenue,
> de vérifier que les concentrations ioniques ne sont pas modifiées de façon
« négative » (indice de Larson).

46 RÉGLEMENTATION ET TRAITEMENT DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION HUMAINE • CHAPITRE 4


IV.5.5. PROCÉDÉS MIS EN OEUVRE

IV.5.5.1. ELIMINATION DU CO2


La solubilité du CO2 en équilibre avec l’atmosphère étant voisine de 1 mg/L, une aération
plus ou moins forcée a donc pour effet de réduire la concentration en CO2 en excès en
l'amenant vers cette valeur.
Les traitements envisageables sont les suivants :
> Cascade : chute de 1 à 2 m dans le cas d'un résiduel de 10-15 mg CO2/L
> Pulvérisation : sur une hauteur de 2 à 5 m dans le cas d'un résiduel de 5-10
mg CO2/L
> Aération par diffusion, « moyennes » bulles :
> Rapport des débits gaz/liquide de 1 à 2 pour un résiduel de CO2 de 10-15 mg/L
> Ventilation forcée en colonne à garnissage :
> Rapport des débits gaz/liquide de 10 à 100, pour un résiduel inférieur à 5 mg
CO2/L
> Stripping en couche fine
> Rapport des débits gaz/liquide de 500 à 1000 pour un résiduel inférieur à
1 mg CO2/L

IV.5.5.2. REMINÉRALISATION PAR AJOUT DE DIOXYDE DE CARBONE ET DE CHAUX

La réaction mise en œuvre est la suivante :


2 CO2 + Ca (OH)2 Ca (HCO3)2
2 x 44 74 162 (soit 10 °F en CaCO3)
Pour augmenter la minéralisation de 1 °F, il faut apporter à l’eau :
8,8 mg/L de CO2 et 7,4 mg/L de chaux pure.
a) Le CO2 : Industriellement le dioxyde de carbone est livré en bouteilles sous
forte pression (très faibles capacité) mais plus généralement dans des containers
réfrigérés dits à « basse pression ».
b) La chaux : Suivant l’origine, la pureté peut varier de 80 à 95 %, il est évidemment
nécessaire d’en tenir compte dans le calcul des quantités à mettre en œuvre
mais également dans la façon dont le produit va être utilisé.
En effet, la chaux est préparée sous forme de suspension de lait de chaux (barbotine) à
des concentrations de 50 à 100 g/L. Si elle est injectée telle quelle, toutes les impuretés
vont être retrouvées dans l’eau traitée.
A titre d’exemple, avec un produit ayant une pureté de 90 %, si l’on souhaite
augmenter la dureté d’une eau de 8 °F, il serait nécessaire d'injecter 59,2 mg/L de chaux
pure soit environ 66 mg/L de chaux commerciale, ce qui entraîne la formation de
6,8 mg/L de matière en suspension.
Traditionnellement, la reminéralisation était réalisée à l’aval des filières conventionnelles,
c’est-à-dire après décantation et filtration sur sable, il n’était donc pas concevable
d’envisager une telle dégradation de la qualité de l’eau juste avant distribution. Il a donc
été fait appel à des saturateurs de chaux. Le saturateur est en fait un décanteur destiné
à produire une eau de chaux saturée (ou proche de la saturation), limpide, à partir d’eau
claire et du lait de chaux.
Plus récemment, il a été observé que la floculation des eaux douces pose le problème du
contrôle de pH. En effet, le faible pouvoir tampon de ces eaux permet rarement
de maintenir le pH dans une zone compatible avec la précipitation optimale du
coagulant sans que l’on ait à rajouter un réactif neutralisant (la chaux).
Or, il est très difficile de contrôler ce pH et de le stabiliser lorsque l’on est tributaire de
l’injection de deux réactifs dont les concentrations des solutions mères ou les débits des
pompes doseuses sont susceptibles de variations.
Il a donc été proposé de mettre à profit l’emploi du CO2 sur l’installation pour utiliser
celui-ci comme moyen de contrôle du pH de floculation. Cette solution a de multiples
avantages et notamment :
> L’ajout de CO2 et de chaux de pré-minéralisation augmente le pouvoir tampon
de l’eau et contribue à la stabilisation du pH,
> L’utilisation de chaux en tête permet d’injecter celle-ci sous sa forme « brute
» de lait de chaux, les impuretés de celle-ci participant alors favorablement à
la densification du floc qui est en général très léger sur ce type d’eau,
> Le contrôle du pH permet une élimination optimale des matières organiques
et un respect plus confortable des normes en coagulant dissous (aluminium
surtout).
On sait par ailleurs que le pH optimum de floculation d’une eau est une caractéristique
particulière de chacune des eaux et il est assez courant de constater que les eaux peu
minéralisées qui peuvent être chargées en matières organiques dissoutes (voir l’origine
du CO2 dans les eaux) ont des pH de floculation très bas (5,5 voire 5,0). Si l’on
souhaite respecter cette valeur et augmenter par ailleurs le TAC pour conférer à l’eau un
meilleur pouvoir tampon, il apparaît que la concentration en CO2 libre dans l’eau
floculée va augmenter proportionnellement à l’augmentation de TAC ; il peut être
donc craint des pertes de CO2 car celui-ci est particulièrement labile.
Par contre, un certain nombre de processus intervenant à l’aval de la décantation
requièrent une eau à pH plus élevé (précipitation du manganèse, nitrification biologique
des ions ammonium). On devra donc se poser la question du choix de la place
de la reminéralisation : soit en amont du décanteur, soit entre le décanteur et les filtres.
Une solution élégante consiste à prévoir les deux possibilités en laissant à l’opérateur le
choix des conditions optimales en fonction des caractéristiques de l’eau brute qui ont
tendance à évoluer au cours des saisons.
Dans cette hypothèse il sera toujours gardé une dose minimale de CO2 en tête afin de
contrôler le pH et l'on ménagera un point unique de mélange des réactifs (chaux et CO2)
entre le décanteur et les filtres, ceci afin de permettre un contrôle efficace du pH dans le
but d’éviter la redissolution de l'aluminium.
On veillera également à ce qu’avant la filtration le pH de l’eau soit inférieur au pH
d’équilibre afin d’éviter tout risque d’entartrage du matériau filtrant et des buselures.
c) Temps de contact :
Le temps de contact dépend de la température et de la concentration de l’eau ou du lait
de chaux. Il varie en général de 2 à 8 minutes.
d) Contrôle du procédé : On l’aura compris, l ‘efficacité du procédé « chaux/CO2 » est
tributaire d’un grand nombre de paramètres :
> La qualité de l’eau brute : pH, TAC, matières organiques, température…,
> La qualité des réactifs et la concentration des solutions mères,
> Le débit des réactifs, en particulier la stabilité des pompes doseuses
Son utilisation a donc été traditionnellement réservée aux grandes stations de traitement
d’eaux de surface pour lesquelles une clarification s’impose (en plus de
la reminéralisation) et qui, de ce fait, jouissent d’une instrumentation et d’un personnel
de contrôle plus adapté.
Une reminéralisation d’eau distillée (Bahreïn) a été réalisée, dans laquelle le procédé
« CO2/eau de chaux saturée » s'effectue par des injections « on-line ».
Les paramètres à prendre en compte pour vérifier l’efficacité du procédé sont :
> Pour l’eau brute : température, pH, TAC, TCa, et résistivité,
> Pour l’eau décantée : pH, TAC, TCa,
> Pour l’eau traitée : pH, TAC, TCa, turbidité et résistivité.

IV.5.5.3. REMINÉRALISATION PAR AJOUT DE DIOXYDE DE CARBONE


ET NEUTRALISATION PAR DU CALCAIRE

a) Réaction : la réaction théorique est la suivante :


CO2 + CaCO3 + H2O Ca (HCO3)2
44g 100g 18g 162g soit 10° F
Pour augmenter la minéralisation de 1 °F, il faudra utiliser en théorie : 4,4 mg/L de CO2
et 10 mg/L de CaCO3
Réactifs :
Le carbonate de calcium utilisé couramment en France est une forme particulière
de carbonate intéressante pour sa réactivité liée à son état physique. D'autres
formes pourraient être utilisées mais les temps de contact définis ci-après devront être
adaptés en conséquence car ils conditionnent grandement l’efficacité du procédé.
Le lithotamne (Lithothamnium Calcareum) est constitué de débris d’algues fossiles
de type corallien dont il existe des gisements importants au large de la Bretagne.
Après dragage, ces algues sont lavées, séchées au four puis concassées et classées en
différentes granulométries par criblage.
Ceux-ci sont disponibles soit en sacs de 40 kg, soit en vrac livrés par container. Ils sont
alors stockés en silo et manutentionnés soit par air pulsé ou mieux avec de l’eau
(hydro-éjecteur).
La constitution chimique est assez peu variable avec une part prédominante en carbonate
de calcium, et quelques 5 % en carbonate de magnésium.
Les réactions de neutralisation sont donc :
Ca CO3 + CO2 + H2O Ca (HCO3)2
Mg CO3 + CO2 + H2O Mg (HCO3)2
Ce qui fait qu’en fonction du rapport CaCO3/Mg CO3 et du pourcentage de pureté du
produit commercial, la consommation de calcaire peut varier de 2,2 à 2,4 g par g de CO2
neutralisé.
Rappel : la théorie conduit à 100/44 = 2,27 g de calcaire/g de CO2
L’utilisation de produits à base de magnésie (MgO) a parfois été proposée :
> « MAGNO »
CaCO3, MgO + 3 CO2 + 2 H2O Ca(HCO3)2 + Mg (HCO3)2
> « AGDOLITE »
CaO, MgO + 4 CO2 + 2 H2O Ca (HCO3)2 + Mg (HCO3)2
Ces produits sont beaucoup plus réactifs et nécessitent donc des volumes plus faibles que
la NEUTRALITE, cependant la présence de bases libres ne permet pas de contrôler le pH
qui peut s’élever au-delà du pHs et rendre l’eau fortement entartrante
notamment pendant les périodes d’arrêt prolongé ou de baisse du débit par
rapport au débit nominal.
Leur utilisation n'est envisageable que dans des cas très particuliers et moyennant une
exploitation à débit régulier fixe et un contrôle accru…
Le tableau IV.5.3 suivant regroupe les consommations envisageables pour les différents
réactifs ainsi que leur action sur la minéralisation des eaux.
TABLEAU IV.5.3. CONSOMMATION ET VARIATIONS DE TH ET TAC SELON LES RÉACTIFS UTILISÉS

CONSOMMATION ACCROISSEMENT DU
ACCROISSEMENT DU TH
RÉACTIF (G PAR G DE CO2 TAC ( °F PAR G
( °F PAR G DE CO2 )
NEUTRALISÉ) DE CO2)

Chaux
0,84 g 0,1136 0,1136
Ca(OH)2 (74g)
Soude
0,91 g 0 0,1136
NaOH (40g)

Na2CO3 (106 g) 2,41 0 0,227

CaCO3 (100 g) 2,27 0,227 0,227

« NEUTRALITE »
2,37
(CaCO3/MgCO3) 0,228 0,228
2,2 à 2,4
à 93,6 %
« MAGNO »
1,06 0,1515 0,1515
(CaCO3 ; MgO)

Il est à noter que les valeurs ci-dessus ont été calculées pour des produits purs (sauf pour
la NEUTRALITE) et qu’il convient d’y appliquer un coefficient, en fonction de la pureté du
produit commercial et du degré d’hydratation pour Na2 CO3.
c) Mise en contact :
> Le carbonate de calcium pulvérulent (très finement divisé) a été utilisé par
injection d’une « barbotine » dans l’eau contenant le CO2 à neutraliser.
Cette méthode n’est applicable que pour les eaux de surface qui requièrent
une clarification et l’emploi d’un décanteur.
Un décanteur à lit de boue est alors particulièrement adapté car il concentre la
suspension et permet des temps de contact élevés (30-45 min).
En outre, les impuretés de carbonate contribuent à lester le floc, ce qui leur confère une
meilleure décantabilité. Plus généralement, les « calcaires marins » en grains sont mis
en contact dans des réacteurs où l’eau à traiter percole à travers un lit de matériau.
L'efficacité de tels systèmes dépend donc de :
> La porosité et densité du produit utilisé qui influe sur la réactivité,
> La granulométrie,
> La température,
> Le temps de contact.
Pour une eau et un matériau donnés, c’est le réacteur de volume le plus important qui a
la meilleure efficacité. Cependant, pour des considérations économiques, des volumes
trop élevés ne peuvent être proposés, de plus si la vitesse de percolation devient trop
faible, la formation de passages préférentiels dans le lit filtrant et une baisse de
l’efficacité peuvent être observées.
Le tableau IV.5.4 ci-après, donne un exemple d’abaques disponibles pour le
dimensionnement des réacteurs : la démarche est toujours la même, la quantité de CO2
à neutraliser est définie en fonction de la qualité de l’eau brute et de la minéralisation à
atteindre. Le graphe (ou la formule) indique le temps de contact minimum à respecter.
Le résultat est exprimé soit en temps de contact (min) soit en débit hydraulique
spécifique (V.V-1.h-1). Cette dernière valeur représentant le débit d’eau exprimé en m3.h-1
traité par m3 de produit neutralisant.
Le passage d'une expression à l’autre se fait par la relation :
Temps de contact (min) = 60/(V.V-1.h-1)
Compte tenu de la dispersion des courbes, l’observation de ce tableau pourrait
faire penser qu’il y a des « optimistes » et des « pessimistes », en fait, il est nécessaire
de se rappeler que les paramètres de dimensionnement d’un réacteur de
dissolution sont multiples et rarement indiqués :
> la porosité et la granulométrie du produit,
> la température de l’eau lors des essais.
Mais il est une notion essentielle qu’il faut avoir à l’esprit et qui permet de relativiser, c’est
la notion de pH et de CO2 à l’équilibre.
L’objectif du traiteur d’eau est de produire une eau dont le pH est légèrement supérieur
au pHs (+ 0,1 à + 0,2 unité pH) or, par contact avec un carbonate de calcium (sans base
libre), il est impossible de franchir la limite de la courbe d’équilibre.
Les études de Tillmans et Mundlein, corroborées par de nombreux essais pilotes,
montrent que la vitesse de neutralisation du CO2 diminue quasi exponentiellement au fur
et à mesure que l’on s’approche de l’équilibre, figure 4.5.4.
FIGURE 4.5.4. ABAQUES EXPÉRIMENTALES DE TILLMANS ET MUNDLEIN
FIGURE 4.5.5. RELATION ENTRE VITESSE DE FILTRATION ET TENEUR EN CO2 LIBRE

Il peut être imaginé que les courbes évoquées ci-dessus ont été tracées non pas avec
l’objectif (inaccessible) d’atteindre l’équilibre (CO2 agressif = 0), mais avec un objectif de
0,5-1 ou 1,5 mg/L de CO2 agressif après contact.
Pour le dimensionnement d’une installation industrielle, le même raisonnement peut être
suivi et, sachant que l’eau ne sera pas amenée au-delà de l’équilibre, il
conviendra d’envisager un traitement complémentaire par addition de soude ou de
carbonate.
d) Consommation de calcaire : autonomie et lavage
Le fait que le produit utilisé se dissolve au fil du temps a deux conséquences :
> La diminution du volume de produit entraîne une diminution du temps de
contact. Il est donc nécessaire d’envisager des rechargements périodiques,
> La dissolution progressive des grains entraîne la formation de fines qui ont
tendance à colmater le matériau, ce qui implique un lavage régulier.
Autonomie
Le calcul de l’autonomie s’effectue en prenant en compte la quantité de CO2 que l’on
souhaite neutraliser (qui correspond à une consommation de CaCO3) et la fréquence des
rechargements admissibles. Cette fréquence varie en fonction des
conditions d’exploitation :
> Accessibilité du site,
> Réacteurs métalliques ou béton,
> Stockage en silo ou en sacs,
> Manutention par sacs ou hydraulique.
Des fréquences variant d’une fois par semaine à une fois par trimestre sont acceptables.
Le volume calculé précédemment est le volume minimal avant rechargement. Le volume
« utile » dans le réacteur correspondra à la somme des volumes : Vd minimal +
Va correspondant à l’autonomie souhaitée.
Il peut être également envisagé de « stocker » le produit dans les filtres, ce qui peut
faire l’économie d’un silo ou d’une aire supplémentaire de stockage et contribue à la
sécurité, sans nuire à l’efficacité.
1) Lavage :
L’efficacité de la neutralisation est directement liée au temps de contact. On
pourrait penser que la dissolution des grains entraînant leur diminution de taille,
l’efficacité irait en croissant car la surface spécifique des grains augmente. Il n’en est
rien car le produit de départ est très poreux et la surface interne des pores est bien
supérieure à la surface périphérique. De plus, les grains fins ont tendance à s’hydrater
fortement ce qui les rend floconneux et colmatant.
Il est ainsi observé un colmatage progressif des espaces intergranulaires et la formation
de passages préférentiels qui diminuent le temps de contact effectif.
Pour remédier à cet état de fait, il est impératif de procéder à un lavage efficace qui ne
peut être obtenu qu’en présence simultanée d’air et d’eau ; un lavage à l’eau seule ayant
tendance à accentuer les « renards » tandis que l’air a pour effet de casser les amas
de grains et de parfaire l’homogénéité du matériau.
d) Traitements complémentaires
Neutralisation :
Il a été vu précédemment qu'il n’est pas envisageable de produire une eau dont le pH est
supérieur au pHs par simple contact avec un carbonate de calcium, on peut tout au plus
s’en rapprocher en augmentant le temps de contact. Selon les besoins du maître
d’œuvre, une injection complémentaire de soude ou de carbonate de sodium peut être
réalisée ; Généralement le poste sera dimensionné pour neutraliser de 2 à 5 mg
CO2/L (voir tableau des consommations de réactifs).

Désinfection :
La mise en place d’une neutralisation sur calcaire peut s’accompagner d’une dégradation
de la qualité bactériologique des eaux produites et ceci pour deux raisons :
> La reminéralisation a pour conséquence d’élever le pH or l’efficacité
désinfectante du chlore diminue lorsque le pH s’élève ; celui ne doit pas
dépasser 8,
> La NEUTRALITE est un matériau poreux qui peut être le siège d’une activité
biologique d’autant plus importante que l’eau à traiter contient des matières
organiques et des germes.
Pour pallier ces deux inconvénients, on s’attachera à :
> Contrôler la qualité bactériologique du produit à la livraison et en cours
de stockage,
> Eviter les pollutions extérieures en protégeant les filtres si besoin
(couverture…),
> Effectuer des lavages efficaces à fréquence fixe indépendamment de la perte
de charge (au moins une fois par semaine),
ARBRE DE DÉCISION

Objectif :
TAC = 8 °F
TCa = 8 °F
pHs ~ 8
pH ≥ pHs + 0,2
Calcul du CO2 « nécessaire » : CO2n
CO2n = ∆TAC ( °F) x 4,4 en mg CO2/L

Calcul du volume minimal de NEUTRALITE : V min = f(CO2 nécessaire)


Calcul de la consommation de NEUTRALITE : q = 2,4 * CO2 nécessaire en g/m3
d’eau traitée
Calcul du volume des réacteurs : V = V mini + (q x Débit x autonomie x 10-3) Le
calcul ci-dessus correspond à une densité apparente du produit de 1.

LES PRINCIPAUX TRAITEMENTS DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION 57


IV.5.5.4. LA DÉCARBONATATION ET L’ADOUCISSEMENT

Trois types de procédés sont envisageables : la précipitation, l'échange d'ions et la


séparation membranaire.

IV.5.5.4.1. La précipitation
a) La précipitation chimique est le procédé le plus ancien. Il consiste à introduire
un
réactif alcalin qui transforme le CO2 et les HCO- 3en CO32- qui, en présence de Ca2+,

précipitent sous forme de CaCO3.


Il existe cependant un grand nombre de réactifs alcalins qui conduisent hélas à
des résultats différents ! Ainsi si l'on ajoute de la chaux on précipite autant de calcium
que de bicarbonate, avec la soude on élimine deux fois plus de calcium que de
bicarbonate mais on enrichit l'eau en sodium ; avec le carbonate de sodium on
peut précipiter le calcium lié aux chlorures et aux sulfates (dureté permanente).
Réactions en jeu pour la décarbonatation :

Avec le CO2 libre :

La chaux réagit avec le dioxyde de carbone libre pour donner du bicarbonate de calcium :
2 CO2 + Ca(OH)2 Ca(HCO3)2 (1)
Avec le bicarbonate de calcium :
La chaux réagit avec les bicarbonates originellement présents dans l'eau et ceux formés
à partir du dioxyde de carbone :
Ca(HCO3)2 + Ca(OH)2 2CaCO3(s) + 2 H2O (2)
Avec le bicarbonate de magnésium :
Si en outre l'eau contient des ions HCO3- pouvant être considérés comme liés à des ions
Mg2+, en d'autres termes, si TCa < TAC, l'addition de chaux provoque la réaction :
Mg2+ + 2HCO3- + Ca(OH)2 Mg2+ + CO32- + 2 H2O + CaCO3(s) (3)

Le carbonate de magnésium ainsi formé est un produit soluble, mais si l'on ajoute un
excès de chaux, ce carbonate va se retrouver transformé en magnésie insoluble
(solubilité d'environ 1 °F). On a alors la réaction :
Mg2+ + CO32- + Ca(OH)2 CaCO3(s) + Mg(OH)2(s) (4)

La réaction globale de (3) et (4) s'écrit alors :


Mg(HCO3)2 + 2 Ca(OH)2 Mg(OH)2(s) + 2 CaCO3(s) + 2 H2O (5)
On peut remarquer que d'après la réaction 2, une mole de chaux est nécessaire
afin convertir totalement une mole de bicarbonate de calcium en produits insolubles,
alors que deux moles de chaux doivent être mise en jeu pour obtenir le même
résultat à partir d'une mole de bicarbonate de magnésium. Cette loi conditionne les

58 RÉGLEMENTATION ET TRAITEMENT DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION HUMAINE • CHAPITRE 4


doses de chaux
à mettre en œuvre, que nous verrons plus loin.

LES PRINCIPAUX TRAITEMENTS DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION 59


Avec les autres sels de magnésium :
Lorsque le magnésium est lié à des sulfates et des chlorures (TH > TAC), il faut cette fois
une mole seulement de chaux par mole de MgCl2 ou MgSO4 pour précipiter la magnésie,
suivant la réaction :
Mg(SO4 ou Cl2) + Ca(OH)2 Mg(OH)2(s) + Ca(SO4 ou Cl2) (6)
Suivant cette réaction on voit que la magnésie précipite mais que la dureté n'est
pas modifiée. Il convient d'utiliser du carbonate de soude si l'on souhaite précipiter le
calcium.
Les cas les plus simples sont donc :
Décarbonatation partielle (ou totale) à la chaux :

Consommation de chaux = 7,4

TAC = ∆TCa
∆ [Na+] = 0
Production de boue = 20 ∆TCa
Décarbonatation partielle à la soude :

Dose de soude = 8

∆TAC =

∆Na+ =

Production de boue = 10.∆TCa (mais 20 ∆TAC)


b) On peut également réaliser une précipitation par génération d'ions hydroxyde (OH-) à
la surface d'une électrode au cours de l'électrolyse de l'eau. Il s'agit de
l'électrodécarbonatation.
Les réactions de base sont :
> à l'anode : 3 H2O 2 H 3O+ + 2 e - + 1/2O2(g)

> à la cathode : 2 H2O + 2 e- H2(g) + 2OH-


Si le fluide entre les deux électrodes est mélangé, les ions H3O+ et OH- se neutralisent et
l'électrolyse se réduit à la production d'hydrogène et d'oxygène.
Au contraire, si une séparation est réalisée avec un écoulement laminaire, à proximité de
la cathode, les ions OH- vont transformer les bicarbonates en carbonates qui vont
précipiter avec le calcium :

HCO3 - + OH - CO3 2- + H2O


(5°F) 61 + 17 60 + 18
CO32- + Ca2+ CaCO3(s)

60 + 40 (10°F) 100
à proximité de l'anode, les ions H3O+ vont transformer les bicarbonates en dioxyde de
carbone :

HCO3 - + H3O + CO2(g) + 2 H2O

(5 °F) 61 + 19 44 + 36
La moitié des bicarbonates est éliminée à l'anode et la moitié à la cathode, tandis que les
carbonates précipitent à la cathode et le CO2 se dégage à l'anode.
Le bilan global, pour une variation de 1 °F, est le suivant :
∆TAC = ∆TCa = 1 °F
∆CO2 = 4,4 mg/L
Production de boue = 10 mg/L
L'opération conduit à une production de CO2 qu'il convient d'éliminer si l'on ne veut pas
avoir une eau traitée trop agressive.
Les réactions électrochimiques évoquées ci-dessus se limitent aux réactions avec les ions
prépondérants dans une eau, néanmoins la présence de chlorures par exemple,
peut entraîner une production de chlore qu'il convient d'éliminer (injection de
bisulfite, filtration sur CAG), mais il faut être attentif à la présence de matières
organiques dans l'eau brute qui peut induire la formation d'haloformes ou
d'autres dérivés chlorés générateurs de mauvais goûts (chlorophénols).

IV.5.5.4.2. L'échange d'ions


Les résines échangeuses d'ions sont des substances, qui se présentent sous l'aspect de
très fines billes, dont la constitution chimique est essentiellement un polymère possédant
de très nombreuses ramifications ou des terminaisons radicalaires.
Suivant qu'il s'agit de groupements acides ou basiques, ceux-ci vont pouvoir permuter
des ions positifs ou négatifs avec le liquide dans lequel ils sont immergés.
Un échangeur de cations est assimilable à un acide de la forme R-H et un échangeur
d'anions à une base de la forme R-OH.
Suivant la « forme » de la terminaison radicalaire, on aura :
> des « acides forts » : R-SO3H
> des « acides faibles » : R-CO2H
> des « bases fortes » : R-OH
> des « bases faibles » : R-NH3 + OH
Après saturation (lorsque tous les radicaux ont permuté leurs ions), il est possible
d'inverser l'échange en procédant à un déplacement à partir d'une solution de
régénération concentrée.
Dans le cas qui nous concerne deux applications peuvent être réalisées avec des résines :
> l'adoucissement,
> la décarbonatation.
a) L’adoucissement :
La résine mise en œuvre est un échangeur de cations (acide fort) sous la forme R-Na (ou
R=Na2).
L'échange correspond aux relations suivantes :

La régénération se fait avec du chlorure de sodium :


2 NaCl + R=Ca R=Na2 + CaCl2
2 NaCl + R=Mg R=Na2 + MgCl2
Tous les sels sont échangés en sels de sodium, il y a donc lieu de pratiquer un by-pass
partiel de l'installation de résines, de façon à pouvoir contrôler la concentration finale en
calcium.
On rappellera en effet que le carbonate de sodium n'a aucun effet de protection des
parties métalliques car il est totalement soluble et que l'ion sodium n'est pas souhaitable
à des concentrations trop élevées dans l'eau potable.
b) Décarbonatation sur résines :
La résine utilisée ici est une résine carboxylique faible. Celle-ci a la propriété de ne fixer
que les cations (Ca2+, Mg2+) liés aux bicarbonates en libérant le dioxyde de
carbone correspondant sous forme de CO2, les cations liés aux anions d'acides forts
(chlorures, nitrates, sulfates) n'étant pas fixés sur cette résine.
Elle est sous la forme R-CO2H (ou R=(CO2H)2). Les réactions d'échange correspondent à :

La régénération se fait avec un acide (HCl ou H2SO4) :


2 HCl + R=(COO)2=Ca R=(COOH)2 + CaCl2
2 HCl + R=(COO)2=Mg R=(COOH)2 + MgCl2
L'eau traitée contient tout les sels de calcium et de magnésium liés aux acides forts et le
CO2 correspondant aux bicarbonates, il convient donc de réaliser un dégazage
pour ramener l'eau vers son équilibre calco-carbonique et de prévoir un by-pass partiel
afin de distribuer une eau qui contienne suffisamment de bicarbonates et de calcium.
Ce procédé est relativement « polluant » car il nécessite pour la régénération un excès
plus ou moins important d'acide qui doit être neutralisé avant rejet.
Il existe un procédé (CARIX) qui met en œuvre un lit mélangé dans lequel une résine
acide faible assure l'échange des ions Ca2+ et Mg2+ liés aux bicarbonates et une résine
basique forte (sous la forme R-HCO3) qui fixe les anions SO4 , Cl et NO3 .
2- - -

Ce procédé se dit « écologique » dans le sens où la régénération se fait avec le dioxyde


de carbone (CO2), cependant la régénération requiert un grand excès de CO2 qui, pour
être récupéré, entraîne la mise en œuvre d'une filière relativement complexe de dégazage
et de recompression.

IV.5.5.4.3. La séparation membranaire


Les membranes représentent un procédé de traitement pour lequel une barrière physique
s'oppose au passage de particules ou d'ions tout en laissant passer l'eau (cƒ. chapitre IV.6).
Les membranes sont classées selon leurs tailles de pores ou selon leur pouvoir de coupure
(en dessous d'un certain seuil il ne s'agit plus d'un effet de « tamisage » mais de
« diffusion » à travers la membrane).
Les membranes capables d'arrêter les ions sont les membranes d'osmose inverse et de
nanofiltration (ou osmose basse pression).
Pour faire diffuser l'eau à travers elles, il convient de vaincre une certaine pression, qui
est due, d'une part à la pression transmembranaire, et d'autre part à la pression
osmotique (celle-ci résultant de la concentration en ions dans la solution).
Il existe également des membranes semi-perméables qui sont spécifiques de certains ions
et qui, sous l'effet d'un courant électrique, assurent le déplacement de ces ions,
permettant ainsi de concentrer ces derniers dans une partie du liquide tandis que l'autre
partie est « épuré » : cette technique est l'électrodialyse.
a) L'osmose inverse :
En osmose inverse tous les ions peuvent être arrêtés par la membrane ; le taux de capture
dépend évidemment de la membrane et de la pression appliquée, mais également du
taux de « conversion » souhaité, c'est à dire du pourcentage de perte admis
(volume d'eau dans lequel on retrouve les ions concentrés).
Pour diminuer les pertes il est possible d'opérer en plusieurs étages, les membranes d'un
étage traitent le rejet de la précédente.
En production d'eau potable, le recours à une osmose inverse peut se justifier si l'eau
comporte, en plus du calcium et des bicarbonates, une concentration élevée en
ions chlorure ou sulfate. En effet, après une précipitation chimique, l'indice de Larson
risque d'être trop élevé.
De même, la présence d'ions toxiques difficiles à éliminer par des voies conventionnelles
tels que le nickel, le sélénium peut justifier le choix de cette technologie.
b) La nanofiltration :
La nanofiltration fait appel à des membranes dont le seuil de coupure est plus faible que
les précédentes, ce qui se traduit par des passages de sels beaucoup plus importants.
La rétention des ions est plus ou moins proportionnelle à leur taille et à leur
charge, cependant le phénomène se complique par le fait que la charge ionique globale
doit être maintenue.
En supposant, par exemple, que les ions sulfate et calcium soient retenus en priorité, si
ils sont à une concentration très différente dans l'eau brute, on assistera à une diffusion
compensatoire d'un ion représentatif de la charge en défaut.

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