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Risque de burn-out
dans une organisation
matricielle
Écartelé entre votre supérieur hiérarchique et un chef de projet, vous êtes dans
un état d’épuisement avancé.
ce projet sur la sécurisation du réseau. Outre votre intérêt pour ce sujet, c’était aussi une
opportunité pour être plus « visible » dans cette entreprise, de rencontrer d’autres
interlocuteurs et de travailler en lien direct avec le patron de la DSI avec lequel vous
aviez plutôt un bon contact. Vous avez vite déchanté ! Coincé entre votre souci d’assurer
le travail quotidien de l’agence (interventions informatiques et management de l’équipe)
et votre envie d’apporter toute votre expertise à ce projet, vous êtes proche du burn-out.
Une spirale infernale est en place dans laquelle se mêlent votre perfectionnisme, la
crainte d’un jugement négatif, votre difficulté à dire « non » et surtout un déni sur les
conséquences de la situation (fatigue physique, fort niveau de stress, sautes d’humeur et
difficultés de concentration, repli sur soi).
C’est votre entretien annuel de la semaine dernière qui va faire office de déclic
salutaire : votre responsable hiérarchique a été très critique sur votre travail depuis
quelques mois. Il vous a reproché la fréquence de vos absences et déplacements, le
manque de délégation, des pannes récurrentes, des délais d’intervention trop longs, votre
manque d’investissement auprès de l’équipe, l’échec d’un recrutement. Pour lui, votre
contribution au projet de sécurisation du réseau n’est pas une excuse et ne doit pas vous
prendre plus de 20 % de votre temps (« Vous ne savez pas vous organiser ! »).
Pour vous qui faites régulièrement des journées de 13 heures pour absorber une
charge de travail qui représente quasiment deux temps pleins, un fort sentiment d’in-
justice vient s’ajouter à une sensation d’épuisement que vous commencez à admettre.
. Pour votre manager hiérarchique (N+2 de votre équipe). Il n’a pas apprécié que
prendre appui sur les ressources en interne, il est ravi d’avoir « recruté » l’un des meilleurs
informaticiens de l’entreprise (vous). Il n’a pas proposé de descriptif précis des tâches car il
compte bien essayer de vous faire contribuer le plus possible à la réussite de ce projet. Il est
dans une logique de « toujours plus » : il demande beaucoup, vous donnez beaucoup, tant
mieux ! Pourvu que cela dure et que votre chef accepte ce quasi-détachement à mi-temps...
. Pour l’équipe que vous managez. Vos collaborateurs voient bien que vous êtes
moins présent et disponible depuis quelques mois. Cela ne leur pose pas vraiment de
problèmes. Ils font passer en priorité les interventions qui les passionnent le plus et
assurent la maintenance informatique quotidienne comme ils l’ont toujours fait : dans
l’urgence. La situation est plus difficile pour votre adjoint. Vous lui déléguez de plus en
plus de missions, sans pouvoir anticiper ni l’accompagner. Autant dire qu’il partage votre
pression et votre stress.
1) Selon un article de L’Usine Nouvelle du 10 juillet 2010, « La réforme du Fret SNCF sur les rails », le Fret SNCF avait abandonné
son organisation matricielle pour revenir à une chaîne de commandement allégée qui, selon Luc Nadal, son nouveau directeur,
permet « une plus grande réactivité dans les prises de décision et une meilleure productivité ». C’est une des toutes premières
fois qu’une grande entreprise reconnaît que l’organisation matricielle n’est pas la panacée.
Le déni
La même réalité n’est pas vécue par tout le monde de la même façon. Mais cette
subjectivité inévitable devient un mécanisme de défense quand l’inconscient l’amplifie et
l’utilise pour justifier certains comportements inefficaces et répétitifs.
L’analyse transactionnelle a développé le concept de « méconnaissances » (cf. Aaron et
Jacqui Schiff au début des années 1970). On parle ici de « méconnaissances argumentées ». Il
ne s’agit pas d’une simple perception tronquée de la réalité mais d’une construction person-
nelle de cette réalité à laquelle la personne tient et qu’elle est prête à justifier. C’est pourquoi
il est souvent si difficile de faire prendre conscience à quelqu’un qu’il est en plein déni.
Comme tout mécanisme de défense, le déni remplit une ou plusieurs fonctions : cela
nous permet de ne pas remettre en cause notre vision du monde, de ne pas toucher à nos
croyances, à notre cadre de référence, de ne pas admettre qu’on se trompe... C’est aussi
un excellent moyen pour ne pas voir ou ne pas résoudre un problème.
Cette « belle mécanique » comporte quatre niveaux de méconnaissance :
– 1er niveau : la personne nie les faits (« Non, je ne suis pas resté travailler très tard
hier soir... ») ;
– 2e niveau : la personne reconnaît les faits mais pas leurs conséquences ; elle nie
qu’ils posent problème (« Ok, il était peut-être 21 heures mais ça ne me gêne pas,
je n’avais rien de particulier à faire... ») ;
– 3e niveau : la personne reconnaît les faits et leurs conséquences mais nie l’existence
d’une solution possible (« Tout le monde était déjà parti et il fallait que ce soit prêt
pour aujourd’hui... ») ;
– 4e niveau : la personne reconnaît les faits, leurs conséquences et l’existence de
solutions possibles mais elle nie sa capacité personnelle à agir différemment et
donc à contribuer au changement (« Tant que mes deux chefs ne se mettront pas
d’accord, c’est moi qui continuerai à faire le pompier ! »).
Entraînée dans la spirale du burn-out, prisonnière d’un mécanisme de déni parfaite-
ment au point, la personne va avoir beaucoup de mal en s’en sortir toute seule. Il lui
faudra absolument de l’aide.
peut tous encaisser ponctuellement une surcharge de travail, même sans recevoir
beaucoup de signes de reconnaissance en échange. Ce n’est pas de cela dont il
s’agit ici : vous êtes dans un engrenage qui dure et n’a aucune raison de s’arrêter à
court ou moyen terme.
. de chercher à « surcompenser ». À l’impression de ne pas y arriver s’ajoute un
sentiment de saturation. Il ne manquerait plus que votre envie de bien faire et votre
perfectionnisme vous amènent à penser que c’est vous qui n’êtes peut-être pas à la
hauteur. Le syndrome « un peu plus de la même chose » vous guette... C’est le
cercle vicieux par excellence : augmenter encore vos heures de travail, prendre
des substances psychoactives pour tenir le coup, etc. Ces comportements ne
feraient que renforcer le système, ne provoqueraient aucun changement chez
vos deux managers et surtout vous plongeraient un peu plus dans le burn-out.
. de vous replier sur vous en pensant que c’est de votre faute. Le sentiment d’injustice
qui a suivi votre entretien annuel va peut-être vous aider à sortir du déni : l’organisa-
tion matricielle dysfonctionne vraiment et vous fait souffrir. Attention cependant de
ne pas tomber dans une forme de culpabilité en prenant à votre charge l’entière
responsabilité de ce perpétuel inachèvement. Un double rattachement hiérarchique
et fonctionnel comporte, par essence, de nombreux risques de dérapages ; rejeter le
blâme sur vous (ou sur d’autres) n’aidera en aucune façon à sortir de cette situation.
. de vous rapprocher d’un des deux managers et de marquer ouvertement votre
très compliqué. Plus on a été longtemps dans le déni, plus il est difficile de recon-
naître que l’on « fait partie du problème »... et donc de la solution. Vous n’y arriverez
pas tout seul. Acceptez d’en parler à ceux qui vous tendent la main, à un médecin
du travail ou dans le cadre d’une cellule d’écoute psychologique.
.réorganiser votre charge de travail. Elle est objectivement élevée et doit être
revue. Dans la foulée de votre entretien annuel, vous pouvez retourner voir votre
manager et lui dire clairement comment vous vivez les choses. Il sera ensuite
nécessaire d’organiser une réunion à trois (avec le chef de projet). Après avoir
décrit factuellement votre charge de travail, alertez-les sur les conséquences d’un
échec possible sur les deux tableaux. Balayez ensemble les zones de flou, les
conflits de priorités les plus fréquents, les télescopages d’emploi du temps, les
délégations envisageables, les arbitrages nécessaires, le reporting minimum, etc.
Avec leur accord, vous devrez absolument abandonner certaines tâches et orga-
niser votre temps de travail autrement. Définissez ensemble votre feuille de route
et prenez rendez-vous pour des « points téléphoniques » réguliers à trois.
. optimiser les avantages à avoir deux patrons. Qui dit deux chefs dit deux person-