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Le transport de marchandises
00I-VIDebut.fm Page II Mercredi, 4. octobre 2006 11:54 11
Éditions d’Organisation
Groupe Eyrolles
61, bld Saint-Germain
75240 Paris Cedex 05
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Michel Savy
LE TRANSPORT
DE MARCHANDISES
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Sommaire
Introduction générale ..................................................................................... 1
Une branche technique majeure ............................................................... 2
Un process industriel .................................................................................... 3
Un système complexe ................................................................................... 4
Une activité sociale ....................................................................................... 8
Démarche pour l’étude du transport ......................................................... 10
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Introduction générale
1. Une marchandise est « une chose mobilière pouvant faire l’objet d’un commerce, d’un marché ». Le
transport est « le fait de porter pour faire parvenir en un autre lieu ; manière de déplacer ou de faire
parvenir par un procédé particulier, véhicule, récipient, etc. ». Cf. Petit Robert, Dictionnaire alphabétique
et analogique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1970. La question des définitions, et
notamment celle du fret, sera reprise dans le chapitre consacré à la « Nature du transport ».
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
La branche des transports couvre en effet un champ bien plus large puisqu’elle
comprend aussi le transport de voyageurs : le transport de marchandises n’est qu’un
sous-ensemble du transport et, si l’on voulait isoler une sous-branche du transport de
marchandises, la délimitation en serait méthodologiquement difficile (ainsi,
certaines entreprises, comme la SNCF ou Air France, produisent les deux prestations,
parfois avec les mêmes outils). À l’inverse, la branche des transports a une envergure
trop étroite puisqu’elle ne concerne que le transport marchand, vendu comme une
marchandise. Elle ne couvre pas les trafics assurés de manière interne par des entre-
prises agricoles, industrielles ou commerciales qui utilisent leurs propres moyens
(leur propre personnel et leurs propres véhicules) et, étant à la fois productrices et
consommatrices des opérations de transport dont elles ont besoin, ne font pas appel
au marché du transport. Cette caractéristique du transport – le partage entre marché
et autoproduction/consommation – se rencontre dans d’autres domaines : par
exemple, les traitements informatiques se partagent entre ceux qui sont fournis par
des entreprises spécialisées (et qui appartiennent à la branche des services informa-
tiques) et ceux qui sont produits à l’intérieur des entreprises utilisatrices, quelle que
soit la branche de la comptabilité nationale à laquelle elles appartiennent. La
branche des transports est donc à la fois plus large et plus étroite que le champ qui
nous intéresse ici.
N’étant ainsi, ni une technique homogène, ni une branche industrielle, le transport
de marchandises est une activité économique.
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Introduction générale
UN PROCESS INDUSTRIEL
Transporter des produits, les déplacer dans l’espace, est une opération matérielle qui
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UN SYSTÈME COMPLEXE
La complexité du transport de marchandises tient à la multiplicité des éléments qui
le composent, dont l’agencement réclame un ajustement technique et un réglage
spatio-temporel fin dont dépend l’efficacité d’ensemble du dispositif. À cette multi-
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plicité des éléments correspond souvent une multiplicité des agents impliqués, qui
doivent coordonner leurs interventions en dépit de leurs intérêts distincts sinon
contradictoires. En outre, certains de ces acteurs relèvent de la sphère privée des
entreprises, et d’autres de la sphère publique des collectivités locales ou étatiques.
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Introduction générale
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Introduction générale
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3. Voir : Livre blanc. La politique européenne des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix, Bruxelles,
Commission des communautés européennes, réf. COM (2001) 370.
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Introduction générale
soulèvent plusieurs types de questions, appelant des réponses, et donc des options,
différentes : s’agit-il de gérer au mieux le stock d’équipements existant ? d’assurer le
financement du développement des réseaux ? d’internaliser les coûts externes, pour
que les décisions microéconomiques prennent en compte les effets sociaux qu’elles
entraînent ? de modifier la répartition des trafics entre les différents modes ?
Enfin, l’intervention publique touche au fonctionnement du marché du fret, même si
les instruments de gestion administrative que furent naguère l’attribution des
licences de transporteur ou la tarification routière obligatoire ont aujourd’hui
disparu en France, comme les mesures homologues dans les autres pays européens.
L’accès à la profession de transporteur routier reste réglementé (et soumis à une triple
condition d’honorabilité, de capacité financière et de capacité professionnelle fixée
par une directive européenne), la séparation entre transport pour compte propre et
transport pour compte d’autrui continue de protéger les transporteurs permanents
(pour compte d’autrui) d’une concurrence occasionnelle mais déséquilibrée, la tari-
fication à des prix « anormalement bas » est prohibée, etc. La réglementation
sociale, en particulier pour ce qui touche le temps de travail et la rémunération des
conducteurs routiers, joue un rôle important dans le fonctionnement d’ensemble du
secteur, affecte la force concurrentielle respective des divers modes de transport, fixe
l’aptitude de la profession à attirer de nouveaux salariés, etc. Le terme de régulation
désigne l’ensemble de ces dispositions réglementaires et fiscales, visant à préserver
un équilibre dynamique entre les éléments du système en dépit de problèmes réma-
nents et de conflits périodiques. La régulation est l’expression synthétique et la
méthode d’une politique des transports.
Bien sûr, une interaction intense relie le fonctionnement du secteur et sa relation
avec l’environnement social, politique et économique dans lequel il s’inscrit. C’est
cette interaction même que la Commission européenne, dans son dernier Livre
blanc, se fixe pour ambition de modifier avec le thème controversé du « décou-
plage ». L’objectif serait de remettre en cause la corrélation entre croissance écono-
mique et croissance du transport, de conserver l’une et de limiter, voire d’annuler ou
même d’inverser l’autre, alors même que le transport est partie prenante aux
méthodes de gestion par flux tendus et à l’internationalisation de la production et
des échanges qui sont au cœur du modèle actuel de développement. En 1975, une
question analogue s’était posée pour l’énergie pétrolière, dont la consommation
était étroitement corrélée à la croissance économique depuis plusieurs décennies.
Trente ans plus tard, on peut constater que le découplage de ces deux grandeurs a
été opéré avec succès.
Il faut toutefois mesurer à la fois la difficulté et le coût éventuel de cet objectif : si le
trend actuel en Europe occidentale est d’une élasticité du transport de fret (mesuré
en tonnes-kilomètres) par rapport à la production de l’ordre de 1 (10 % de crois-
sance engendrent 10 % d’augmentation du transport), passer à une élasticité nette-
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ment inférieure, voire nulle, requiert des mesures radicales et donc difficiles techni-
quement et politiquement. Les associations de chargeurs, notamment, y voient une
menace à la libre circulation des marchandises, et à tout le moins, un risque de
renchérissement des produits européens et une perte de compétitivité internationale
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de leurs activités4. Mais d’ores et déjà, de grands industriels envisagent ces questions
de façon plus positive et lancent des études et des expérimentations visant à réduire,
toutes choses égales par ailleurs, leur consommation de transport5. Pour généraliser,
le moment venu, ces expériences, toute une panoplie de mesures devra être mise en
œuvre : incitations et interdictions, taxations et subventions, innovations réglemen-
taires, techniques et organisationnelles, comme on l’a fait naguère pour l’énergie.
Les influences de la sphère politique sur le fonctionnement du système de fret sont
donc multiples et puissantes – il y a un ministre des transports dans tous les gouver-
nements – et un responsable de haut niveau, ingénieur ou manageur, doit en
connaître les implications opérationnelles immédiates, mais aussi en comprendre la
logique de long terme et les intégrer à sa vision stratégique.
4. Sur les points de vue des « partenaires sociaux » relatifs aux enjeux du transport, voir le numéro spécial
de la revue Après-demain, n° 432, mars 2001.
5. Voir : SAVY, Michel, Tendances et perspectives du transport de marchandises, Paris, ILEC, 2002.
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Introduction générale
objets auxquels elle s’applique. Si les techniques sont mises au service de finalités
économiques au sein d’une organisation, la notion de réseau, figure typique d’orga-
nisation du transport, permet d’appréhender cette double dimension technique et
économique. Les structures de l’industrie du transport seront alors abordées sous
l’angle traditionnel du découpage par modes de transport puis, de manière dyna-
mique, à la lumière des recompositions qui se déroulent depuis quelques années.
L’intime coopération des chargeurs et des transporteurs constitue le transport comme
un dispositif plus intégré que la rencontre de l’offre et de la demande qui caractéri-
serait un simple marché. Aussi bien, surmontant alors la séparation provisoirement
adoptée entre consommation et production du transport, envisagera-t-on alors dans
le quatrième chapitre le système de fret, qui s’élargit aujourd’hui à la logistique.
La dimension politique est partie prenante à l’encadrement du système, et les politi-
ques publiques de transport seront explorées dans un cinquième chapitre, dans leurs
principales dimensions : fourniture et exploitation des infrastructures, réglementa-
tion technique et sociale, fiscalité, etc. La notion de régulation, fréquemment solli-
citée aujourd’hui, vise à rendre compte de la diversité et de la cohérence des
moyens d’intervention nécessaires pour assurer le fonctionnement d’un dispositif,
dont le marché est pourtant le principe organisationnel.
Les perspectives analysées dans un sixième chapitre et la conclusion, s’efforceront
enfin de poursuivre la réflexion, dans une vision à moyen et long termes indispen-
sable pour envisager un domaine à évolution longue comme le transport de fret.
Elles souligneront les enjeux sociaux et économiques qui s’offrent au choix des
agents économiques comme des décideurs publics.
La bibliographie concluant le volume n’a pas d’ambition d’exhaustivité mais, au
contraire, s’efforce de choisir, parmi une littérature très vaste, les références les plus
utiles pour étayer et prolonger cette présentation de l’économie du fret.
Notre ambition est de présenter et expliquer le transport de marchandises comme un
système complexe, dont les diverses composantes interagissent en obéissant les unes
et les autres à des déterminants techniques, et à des finalités économiques et sociales
diverses. L’accent est donc mis sur la définition des notions fondamentales et à leur
exploitation, à l’identification des acteurs et de leurs logiques, convergentes ou
contradictoires. S’il s’adresse à des professionnels ou des étudiants, des ingénieurs
ou des manageurs, qu’ils soient en position de concevoir un projet global nouveau
ou une de ses composantes, d’en assurer l’exploitation ou la gestion, comme
producteur ou comme consommateur du transport, cet ouvrage reste général. Les
fonctionnaires soucieux de calcul économique public pour évaluer la rentabilité
d’une infrastructure, les ingénieurs industriels à même d’utiliser les outils de la
recherche opérationnelle pour simuler des réseaux, ou encore les manageurs
voulant mettre en œuvre les méthodes de gestion logistique trouveront ailleurs, dans
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La nature
du transport
L’étude du système du fret commence par le noyau central du dispositif, l’acte de
transport lui-même. La question de la nature du transport semble triviale et est rare-
ment évoquée au fond. Pourtant, les réponses que l’on y apporte sont déterminantes
pour l’interprétation des problèmes économiques et politiques les plus larges.
1. LE CHAMP DU TRANSPORT
La définition générale du « transport de marchandises » semble ne pas poser de diffi-
culté. L’expression fait partie du vocabulaire banal. Pour le dictionnaire, le transport
est le « fait de porter pour faire parvenir dans un autre lieu »1. Quant à une marchan-
dise, c’est une « chose mobilière pouvant faire l’objet d’un commerce, d’un
marché ». Transporter des marchandises, c’est ainsi déplacer des choses destinées à
être vendues et achetées.
Pour autant, les deux termes de « transport » et de « marchandise » méritent d’être
examinés de plus près.
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En outre, la saisie des flux de transport repose sur des pratiques administratives et
statistiques qui laissent à l’écart, ou traitent différemment, des flux de transport
importants mais particuliers.
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La nature du transport
alimente les statistiques. En revanche, les transports de produits agricoles assurés par
des véhicules « normaux » entrent bien dans les comptes de transport.
Le transport des déchets, à commencer par les ordures ménagères, porte générale-
ment sur de courtes distances et est un élément d’une chaîne de collecte et de traite-
ment particulière, ressortissant à une branche industrielle intégrée différente du
transport. Quant aux déchets agricoles (plusieurs dizaines de millions de tonnes par
an en France), lorsqu’ils ne sont pas traités en bord de champ, ils sont pour une large
part transportés par les agriculteurs eux-mêmes, et donc non mesurés. N’est consi-
déré comme du transport que l’acheminement des déchets opéré indépendamment
de leur traitement.
L’activité postale2 consiste bien à déplacer des biens dans l’espace et, par essence,
mérite le nom de transport. En mettant à part, parmi les postiers, ceux qui assurent
une fonction financière (chèques postaux, caisse d’épargne, etc.), la Poste est en
France le premier transporteur de marchandises, que ce soit en termes de chiffre
d’affaires, de nombre d’objets traités, d’effectifs employés (environ 200 000
personnes, sans compter les sous-traitants extérieurs), sinon en termes de tonnage…
Pour autant, la Poste est traditionnellement du ressort du ministère des Postes et des
Télécommunications, et la valeur économique de sa production relève d’une
branche de la comptabilité nationale distincte de la branche des transports.
Mais la remise en cause partielle du monopole public, l’entrée d’opérateurs privés
sur certains segments du transport postal (les plis et colis urgents notamment) et,
réciproquement, le développement des activités postales dans le domaine concur-
rentiel (la messagerie, l’express), atténuent la séparation historique entre les mondes
du transport et de la Poste. Cette coupure réglementaire et professionnelle n’a
d’ailleurs pas la même netteté dans tous les pays. Les rapprochements, alliances,
fusions, mais aussi les mises en concurrence d’entreprises postales et d’entreprises
de transport, s’accélèrent aujourd’hui à l’échelle européenne et mondiale. La Poste
néerlandaise (TPG) et surtout la Poste allemande (DP AG) sont désormais les
premiers opérateurs de fret européens. La question postale est en outre un enjeu
économique et politique de poids, pour la définition des « services universels »,
c’est-à-dire des futurs services publics européens, par les instances communautaires.
Enfin, le transport assuré par les ménages, avec des véhicules utilitaires de petite
taille ou de simples voitures particulières, est ignoré de l’analyse courante du trans-
port. S’il entre dans la sphère de l’autoconsommation finale, il joue pourtant un rôle
non négligeable. Dans ses formes modernes, le grand commerce est largement orga-
nisé autour d’une clientèle motorisée, et le transport final de produits par les
ménages, entre les grandes surfaces et leur domicile, se substitue au transport profes-
sionnel de livraison des magasins de proximité, dont l’activité régresse.
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2. Toujours selon le Petit Robert, la Poste est le « service d’acheminement et de distribution du courrier
(d’abord par malles puis par chemins de fer) ». C’est aussi « (depuis la IIIe République) l’administration
publique (…) ayant le monopole du service de la correspondance, accessoirement des transports (valeurs
déclarées, colis postaux, etc.) et qui se charge aussi d’opérations bancaires ».
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
3. « La circulation, c’est-à-dire la course effective des marchandises dans l’espace, est résolue par le transport.
D’un côté, l’industrie des transports constitue une branche autonome de la production, et par conséquent
une sphère spéciale de placement du capital productif ; d’un autre côté, elle se distingue en ce qu’elle appa-
raît comme la continuation d’un procès de production à l’intérieur du procès de circulation et pour lui ».
MARX, Karl [circ. 1870], p. 140.
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La nature du transport
production
transport
fabrication marché
circulation
fourniture
fabrication
transport
fourniture
fabrication
transport
fourniture
approvisionnement
fabrication
transport
approvisionnement
À l’inverse, il est des cas où, même découpée en étapes multiples situées dans des
endroits différents, la fabrication relève d’une seule firme. Les produits vont alors d’un
établissement de transformation au suivant à l’intérieur du périmètre commercial de
l’entreprise, de la même façon qu’ils vont d’un atelier à l’autre dans le périmètre
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
On peut pousser plus loin la description, car le cycle économique ne se réduit pas à
une filière linéaire d’amont en aval, en prenant en compte :
• d’une part, la diversité des modes de distribution qui, pour les biens durables du
moins, ne se limitent pas à la première vente, mais comprennent aussi des flux
permanents liés au service après-vente (maintenance, modifications du produit
pendant sa durée d’utilisation avec le « soutien logistique intégré ») ;
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• d’autre part, le fait que, depuis longtemps mais d’une façon de plus en plus orga-
nisée et contrôlée, la circulation des objets ne s’arrête pas à leur vente ou à leur
consommation (après celle-ci, les biens durables usés ou obsolètes et les déchets
sont ramassés, triés puis détruits, recyclés ou réutilisés selon les cas).
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La nature du transport
Toute une logistique « de retour » vient boucler la relation circulaire qui relie le
monde de la production à son environnement naturel.
gestion de production
fabrication
approvisionnement distribution
service vente
matières premières
après-vente
recyclage
consommation
élimination
déchets
traitement
façon satisfaisante. Le fret désigne un produit envisagé sous l’angle de son transport
(sous le régime du transport pour compte d’autrui), tout comme le mot passager
désigne une personne quand elle est transportée (par d’autres moyens que les siens
propres).
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
« Fret » est un mot riche, puisqu’il met en scène plusieurs des principaux acteurs du
système de transport : transporteur et chargeur (propriétaire de la marchandise),
mais également propriétaire-loueur et locataire du véhicule, ce dernier pouvant être,
selon les cas, un chargeur ou un transporteur. Il ne faut pas s’effrayer de cette
richesse de sens, qui ne pose aucun problème dans la pratique. Quand un chargeur
estime que « les frets sont trop hauts », chacun comprend qu’il parle des prix de
transport, tandis que quand un transporteur « manque de fret », c’est une cargaison
et un client qu’il recherche. La recherche du « fret de retour » est l’obsession justi-
fiée des transporteurs, car elle conditionne grandement leur productivité globale, et
donc leur compétitivité.
FRET n. m. est probablement un emprunt (XIIIe s.) au néerlandais vrecht, vracht « prix du
transport » (cf. allemand fracht et anglais freight ; l’ancien provençal freit vient du fran-
çais). (…)
– D’abord en droit maritime, fret désigne le prix du transport par mer de marchandises
(XIIIe s.) – aujourd’hui aussi par route, par avion –, par métonymie et couramment la
cargaison elle-même (1596), le prix de location d’un navire (1606) et le louage d’un
bateau de transport utilisé au transport de marchandises (1681, à fret), puis s’applique à
tout moyen de transport. La variante frettage a disparu.
– Le dérivé frêter v. tr. signifie d’abord (XIIIe s.) « équiper un moyen de transport » puis
(1639) « donner en location (un navire, puis tout moyen de transport) », en concurrence
avec noliser, et « prendre à fret » (1690) ; il est utilisé abusivement pour son complé-
mentaire (comme louer, qui a les deux valeurs).
– Le préfixe affrêter v. tr. d’abord (1322) « équiper un navire », signifie aujourd’hui
(depuis 1639) « prendre (un navire, puis XXe s., un avion, etc.) en location ».
– Sur frêter ont été dérivés frêtement n.m. (déb. XVe s.) et frêteur n. m. (1609 ; fin XVIe s.,
adj.).
– Sur affrêter ont été construits affrêtement n. m. (1366) « équipement » puis « location
(d’un navire) » (1584) et affrêteur n. m. (1678).
Fret, au sens de location d’un véhicule, a eu plus de succès que le mot nolis, qui en
est synonyme.
NOLIS n. m. XVe siècle, nolit. Emprunté, par l’intermédiaire du latin naulum, « fret », du
grec naulon, lui-même dérivé de naus, « bateau ». Fret ou louage d’un navire et, par
extension, de tout moyen de transport pour une distance ou une durée déterminée.
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La nature du transport
2. LE PROCESSUS DE TRANSPORT
Pour appréhender l’essence du transport, il convient d’en étudier le processus4,
l’« épaisseur » matérielle et le déroulement. Le déplacement des objets s’accomplit
selon une séquence d’opérations. Le transport est le processus qui permet de vaincre
l’espace avec du temps.
La caractérisation du transport n’est pas une question nouvelle et l’usage établi
consiste à le ranger parmi les services. Cette désignation se réfère au caractère maté-
riel du transport (ou, plutôt, à son caractère prétendument immatériel) et semble
ainsi tirer sa force de l’objectivité des sciences physiques. Nous dirons pourquoi
cette approche est, de notre point de vue, erronée et, en entrant dans l’épaisseur du
processus du transport, nous montrerons qu’il s’agit d’une activité industrielle. Nous
montrerons ensuite que c’est, en revanche, sous l’angle économique et juridique –
et donc historique et social – qu’une partie du transport revêt effectivement les
caractères d’un service.
4. Selon le Petit Robert, un processus est un « ensemble de phénomènes conçu comme actif et organisé
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dans le temps ».
5. Pour le Petit Robert, l’industrie est, selon un sens dérivé de l’« habileté à faire quelque chose »,
l’« ensemble des activités économiques ayant pour objet l’exploitation des richesses minérales et des
diverses sources d’énergie ainsi que la transformation des matières premières (animales, végétales ou miné-
rales) en produits fabriqués ».
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
6. Cf. parmi mille exemples, l’article « Services » du Thesaurus de l’Encyclopedia Universalis (Paris, 1968) :
« Ce qui distingue les biens des services, c’est le fait que les biens sont des objets physiques ayant un
volume et un poids et qui peuvent être accumulés dans l’espace, alors que les services consistent en
mouvements qui se succèdent dans le temps. On peut stocker des biens mais non des services ».
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La nature du transport
7. La part de la branche des transports dans la FBCF de l’ensemble des branches (formation brute de capital
fixe, mesurant les investissements) est nettement supérieure à sa part dans la production totale : le transport
est caractérisé par sa haute intensité capitalistique, sans même prendre en compte les infrastructures, four-
nies par ailleurs.
© Groupe Eyrolles
En outre, le transport se caractérise par l’importance de ses consommations intermédiaires (la valeur des
biens et services consommés par le processus) dans sa production. À ce titre encore, le procès de transport
relève bien du domaine industriel, et la branche du transport se démarque profondément d’une branche
telle que le commerce à laquelle elle est parfois assimilée par erreur.
Voir BERNADET (1998).
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
nécessaire mais, du fait même de son poids capitalistique, souvent pris en charge
par la puissance publique.
Du reste, certaines productions de biens très « lourdes » se réduisent pour l’essentiel
à des opérations de déplacement de matière dans l’espace : produire du sable, du
charbon, du pétrole brut, c’est les transporter de leur gisement à leur lieu d’utilisa-
tion (finale ou productive), sans guère modifier leurs propriétés physico-chimiques
ni morphologiques mais bien en modifiant leurs coordonnées spatiales. Fondamen-
talement, le transport ne se différencie pas de ces opérations éminemment indus-
trielles que sont les opérations de manutention qui consistent bien à déplacer des
produits dans l’espace et qui animent les chaînes de fabrication jusqu’à en être
parfois l’axe organisationnel central (le convoyeur de la chaîne d’assemblage des
grandes industries manufacturières).
Passant des considérations « naturelles » aux considérations sociales, on observe
qu’un objet n’a pas la même utilité, la même valeur d’usage, selon qu’il est ou non
mis à la disposition de ses utilisateurs potentiels. Il y a des pays où les excédents de
certaines régions agricoles ne peuvent, faute de moyens de transport, alimenter des
régions en famine. Transformer un sac de blé en le transportant de sa région de
récolte à son lieu de consommation a changé sa valeur d’usage, son « utilisabilité »
concrète. À proprement parler, s’agit-il toujours du même sac de blé ?
Pour reprendre l’analogie – infondée ! – souvent faite entre transport et commerce,
on note que l’échange marchand d’un bien s’opère par un simple jeu d’écriture,
sans modifier en rien ses caractères physiques. Il n’en va pas de même du transport8.
Il est vrai que l’échange s’accompagne souvent d’un déplacement du bien échangé.
L’usage du bien dépend en effet de sa localisation et l’acquéreur ne peut consommer
la marchandise dont il s’est rendu propriétaire que pour autant qu’elle lui est concrè-
tement disponible. Pour que l’échange marchand puisse déboucher sur la consom-
mation, une ultime transformation du produit est alors nécessaire. Cette intervention
n’est pas liée au changement de propriétaire, mais à l’usage ultérieur que ce change-
ment autorise, et l’acheminement du bien du lieu de sa fabrication (ou de son entre-
posage) jusqu’au lieu de sa consommation est une opération de transport, et non de
commerce. La confusion est, il est vrai, ancienne. Dès l’Antiquité, les marchands
furent les premiers transporteurs, tout comme ils furent les premiers financiers, et
toutes ces activités se confondaient dans leur fonds de commerce. Un tel amalgame
n’est plus de mise aujourd’hui, quand les distributeurs confient le transport à des
sous-traitants extérieurs et se concentrent sur leur métier propre : l’achat et la vente.
8. On ne peut donc qu’être en désaccord avec les comptables nationaux qui, dans la définition de leur
nouvelle base méthodologique (la base 95) et pour traiter désormais le transport de marchandises « sous
forme de marges », précisent que « Le nouveau traitement est conforme aux prescriptions internationales,
© Groupe Eyrolles
qui accordent à l’activité de transport un statut semblable à celui du commerce : elle ne transforme pas le
bien, mais lui ajoute une valeur » (Les transports en 1998, 36e rapport de la commission des comptes de
transport de la Nation, Service économique et statistique, ministère de l’Équipement, des Transports et du
Logement, septembre 1999, p. 25). La notice ne dit pas comment le transport peut ajouter de la valeur à un
bien sans le transformer…
24
013-048Chap1.fm Page 25 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
La nature du transport
De façon plus générale, on peut classer les opérations techniques d’intervention sur
des objets à des fins économiques, c’est-à-dire les opérations de production, en trois
catégories :
• la fabrication (à quoi l’on assimile l’extraction pour les matières premières, la
culture pour les produits agricoles) ;
• le transport ;
• le stockage.
Toutes ces opérations se déroulent dans le temps. Ni la fabrication, qui modifie la
composition et/ou la forme des objets, ni le transport, qui les déplace dans l’espace,
ne sont des opérations instantanées9. Quant au stockage, sa fonction consiste préci-
sément à déplacer les objets dans le temps tout en en préservant les qualités. Toutes
sont des opérations matérielles, qui requièrent de la main-d’œuvre, des équipe-
ments, des consommations intermédiaires, des savoir-faire, etc. On verra en outre
qu’elles ajoutent au produit une valeur supplémentaire, modifient (augmentent) sa
valeur d’échange. Une filière de production peut se décomposer en une suite
d’opérations de transport, de stockage et de fabrication. Il convient donc de souli-
gner que les opérations de production ne se limitent pas à la seule fabrication (ou, ce
qui revient au même, que la fabrication n’est pas toute la production) !
9. Le transport de produits périssables fera donc appel à des moyens plus rapides que le transport de
produits stables. Si les caractéristiques du produit sont évolutives, on utilisera des moyens propres à
maîtriser cette évolution (comme les navires porte-conteneurs réfrigérés pour le transport des bananes entre
les Antilles et l’Europe).
25
013-048Chap1.fm Page 26 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
est déterminée, comme celle de toute autre marchandise, par la valeur des éléments
de production consommés en lui (force de travail et moyens de production), en ajou-
tant la plus-value créée par le surtravail des ouvriers occupés dans l’industrie des
transports. De même, au point de vue de sa consommation, cet effet utile se comporte
26
013-048Chap1.fm Page 27 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
La nature du transport
Par analogie avec d’autres secteurs économiques, tels que la confection, l’impri-
merie, etc., on peut caractériser le transporteur comme un façonnier et le chargeur
comme son commanditaire. Cette posture, qui distingue entre la disposition du
produit et sa propriété, se marque notamment sur la responsabilité des divers agents
à l’égard de la marchandise et implique à la fois le développement de toute une
branche du droit11 et de toute une branche de l’assurance. Le transporteur se voit
confier des biens dont il n’est pas propriétaire, à la différence d’un industriel « ordi-
naire » qui peut connaître un sinistre dans sa propre installation frappant des
produits lui appartenant. L’intérêt du transporteur, dans le cas d’une avarie, ne coïn-
cide pas avec celui du chargeur. Les démarches juridiques, le contentieux et le
règlement des litiges font partie de l’activité normale d’une entreprise de transport.
L’assurance est une composante indispensable du transport terrestre, aérien et mari-
time, national et international, soumis à bien des aléas et frappé de nombreux acci-
dents ou avaries à la marchandise.
On note enfin que les auteurs qui ont désigné l’ensemble du transport comme un
service, au point d’y voir un caractère essentiel, ont implicitement supposé que tout
transport est assuré par un agent économique particulier, le transporteur façonnier
qui vend sa prestation sur le marché du fret. Supposer que toute opération de trans-
port fait l’objet d’une transaction marchande, c’est laisser de côté la grande masse
des trafics assurés à l’intérieur des firmes, pour leur propre compte, et qui ne passe
pas par le marché. C’est limiter l’activité de transport à la seule production de la
© Groupe Eyrolles
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013-048Chap1.fm Page 28 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
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013-048Chap1.fm Page 29 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
La nature du transport
volume
de production
et de consommation
consommation
sous-capacité
production
surcapacité
t
Les avantages de cet ajustement ex post entre production et consommation, en
termes d’engagement des hommes et des machines, sont évidents et considérables.
Les capacités humaines et matérielles sont utilisées à plein, le régime de production
stabilisé permet la permanence de la main-d’œuvre et l’accumulation des savoir-faire,
les réglages fins en termes de qualité et de productivité, etc.
Rien de tel n’est possible avec le transport, non stockable et non transportable. L’ajus-
tement de la production et de la consommation doit s’opérer immédiatement, hic et
nunc, dans le temps et dans l’espace. Le lissage des capacités de production est
impossible, et il faut donc gérer comme tels les pointes et les creux de trafic. Par
nature, le transport a dû depuis toujours assurer cette propriété aujourd’hui associée
aux techniques de gestion les plus modernes : la flexibilité.
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
J+2
A J+3
A A
D
Pour la partie du transport qui est régie par le marché du fret, l’ajustement de l’offre
et de la demande pose des problèmes particulièrement aigus et sollicite plusieurs
professions spécialisées pour en démultiplier les mécanismes. Les diverses sortes
© Groupe Eyrolles
30
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La nature du transport
31
013-048Chap1.fm Page 32 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Consommation maximale
(2)
(1)
Consommation minimale
Entre ces deux extrêmes, les professions et les pouvoirs publics sont à la recherche
permanente d’une régulation satisfaisante, combinant mesures techniques, régle-
mentaires, fiscales, selon une judicieuse combinaison d’intervention et d’incitation.
Il fut un temps, pas encore ancien, où les pouvoirs publics avaient même établi,
dans la plupart des pays d’Europe, une tarification obligatoire pour le transport
routier de marchandises, limitant délibérément les marges de fluctuation des prix
pour amortir les effets des mécanismes du marché.
pouvoirs publics de ces pays une capacité d’intervention qu’ils n’ont pas sur les acti-
vités manufacturières implantées au loin. Cela concerne notamment le respect de la
réglementation technique, sociale ou environnementale. En matière de sécurité
maritime par exemple, des accidents successifs ont amené les États européens à
32
013-048Chap1.fm Page 33 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
La nature du transport
renforcer leurs exigences et leurs contrôles dans la zone de leur ressort, et même à
élargir le périmètre de celle-ci.
Il reste que si le procès de transport n’est pas délocalisable, les facteurs de produc-
tion du transport sont mobiles, plus que pour d’autres industries puisque, outre la
main-d’œuvre, les machines aussi sont mobiles ! On observe des pratiques qui
s’apparentent à la délocalisation, comme l’immatriculation de véhicules ailleurs que
dans leur pays d’utilisation (véhicules routiers, mais aussi maritimes ou aériens), la
domiciliation du siège d’entreprises à l’étranger (pour des raisons sociales et
fiscales), l’emploi de main-d’œuvre étrangère (extérieure à l’Union européenne), le
recours direct et la sous-traitance à des entreprises étrangères, etc. Mais il s’agit de
jouer des réglementations, de leurs différences et de leurs failles pour biaiser les
règles de la concurrence, sans délocaliser le process lui-même. Quant à la mobilité
des facteurs (hormis les installations qui constituent les nœuds des réseaux), elle
contribue à la concurrence du marché en rendant toute position locale assez aisé-
ment contestable par un nouveau venu potentiel.
33
013-048Chap1.fm Page 34 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
dans les délais convenus (et selon le prix contractuel). Tout retard ou erreur
entraîne une perte de temps et une perte pécuniaire superflue pour le transpor-
teur : recherches, désorganisation des réceptions et manutentions, réclamations,
litiges, etc.
• d’autre part, tout défaut touchant la prestation se répercute sur le produit trans-
porté, même quand celui-ci ne subit pas de détérioration physique, et il entraîne
un déficit pour le chargeur (expéditeur et/ou destinataire).
Un retard de livraison est particulièrement sensible dans une économie marquée par
la variabilité de la demande, par la diminution du volume des stocks et par l’accélé-
ration de leur rotation, par l’association à toute marchandise d’un taux de disponibi-
lité constitutive de sa compétitivité sur le marché (un acheteur choisira parfois un
produit immédiatement disponible, même s’il ne répond pas exactement à ses désirs
initiaux, de préférence à un produit préférable mais disponible avec un délai plus ou
moins long et plus ou moins connu). Une livraison retardée, ce peut être une chaîne
de production immobilisée faute d’approvisionnement, une vente manquée faute de
distribution, une machine immobilisée faute de pièces détachées, etc.
Quand les industriels ne vendent plus des produits « secs », mais des produits
assortis de leur maintenance (on songe aux systèmes informatiques, avec les clauses
précisant les délais garantis d’intervention en cas de panne), un défaut dans le trans-
port devient un défaut dans le produit – service vendu. Les enjeux correspondants
sont souvent bien supérieurs au coût du transport et au coût direct de la pièce trans-
portée. C’est pourquoi les industriels n’hésitent pas, en cas de problème, à utiliser
des moyens de transport très coûteux pour acheminer des produits de faible valeur
apparente, quand ceux-ci sont nécessaires au fonctionnement de tout un dispositif :
les constructeurs automobiles affrètent couramment des taxis, voire des avions ou
des hélicoptères, pour transporter une caisse de pièces de peu de valeur intrinsèque,
si leur retard risque d’entraîner l’arrêt d’une chaîne de montage.
Ces problèmes se retrouvent bien sûr quand la marchandise n’est pas simplement en
retard mais a proprement disparu, par suite d’une perte ou d’un vol (fléau endé-
mique de la messagerie, surtout pour les produits « sensibles » que, pour cette
raison, on transporte sous des emballages aussi discrets que possible).
La simultanéité de la production et de la consommation du transport est donc ici
encore au centre du problème. Comment se prémunir contre les défauts d’un
process ? On ne peut, comme on le fait dans l’industrie manufacturière, contrôler la
qualité d’un matériau ou d’un composant avant de l’intégrer au produit final et, en
écartant les fournitures défectueuses, préserver la qualité de la production effective.
Le contrôle de qualité des produits, à la réception et à l’expédition, fait du reste
partie des prestations « logistiques » que certains transporteurs offrent à leurs clients,
en sus du transport proprement dit.
© Groupe Eyrolles
34
013-048Chap1.fm Page 35 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
La nature du transport
3. TRANSPORT ET PRODUCTION
Opération productive, le transport apporte une valeur additionnelle, valeur d’usage
et valeur d’échange, aux marchandises auxquelles il est appliqué, qui s’incorpore
aux autres composantes de la valeur que sont la fabrication, l’entreposage, sans
omettre les productions médiates que sont les activités de recherche, d’études, de
commercialisation, d’assurance, etc.
Dans une économie marchande marquée par la spécialisation et la division du
travail, le transport est partiellement intégré aux diverses branches mais, pour la
part qui est prise en charge par des capitaux spécifiques, il forme une industrie
particulière.
Cette industrie a pour clients d’autres industries : les trois quarts des ventes de la
branche des transports vont à des entreprises, pour qui elles constituent des consom-
© Groupe Eyrolles
35
013-048Chap1.fm Page 36 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
12. RICARDO, David [1817], Principles of political economy and taxation, Harmondsworth, Penguin Books,
1971. Passages soulignés par nous : chapitre 1, section 3, p. 67.
36
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La nature du transport
37
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
T/2
Schéma 1.6 Vitesse de transport et immobilisation du capital
S’il ne s’agit pas d’expédier un bien isolé, mais un lot de biens identiques,
consommés de façon régulière par le marché de destination, la quantité à expédier
doit correspondre au volume consommé jusqu’à la livraison suivante. Si un seul
© Groupe Eyrolles
navire fait la noria, la durée à prendre en compte est le double du temps de transport
(l’aller et le retour). Le capital immobilisé est la somme du stock roulant et du stock
de distribution, l’un et l’autre proportionnels au temps de transport.
38
013-048Chap1.fm Page 39 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
La nature du transport
stock roulant
stock de distribution
T 2T
Schéma 1.6 bis Vitesse de transport et immobilisation du capital
(flux régulier d’envois multiples)
stock roulant 1
stock de distribution 1
navire 1 S/2
navire 2 S/2
On peut bien sûr combiner ces deux solutions, en jouant à la fois sur la vitesse et sur
la fréquence.
Considérons enfin que, pour certaines productions, le stock à expédier doit être
constitué peu à peu, selon les capacités de fabrication du bien considéré et leur
disponibilité. Le stock d’expédition est alors, lui aussi, sensible à la vitesse et à la
fréquence du transport.
stock roulant
stock d'expédition stock de distribution
© Groupe Eyrolles
39
013-048Chap1.fm Page 40 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Le coût total de production d’un bien peut alors se représenter selon un graphe en
forme d’« entonnoir », où apparaît le coût de fabrication ex works (départ, sortie
d’usine) auquel s’ajoute le coût de transport, proportionnel à la distance parcourue.
Au point P, éloigné du lieu de fabrication A par la distance d, CP est égal à la somme
40
013-048Chap1.fm Page 41 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
La nature du transport
coût de production
a coût de transport
coût de
Cf fabrication
A d P
Schéma 1.9 Coût de production et distance
A P0 B
41
013-048Chap1.fm Page 42 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
A P1 P0 B
P2 A P1 P0 B
exemple :
« Dès lors qu’un marché plus vaste est ouvert à tout type d’industrie par le transport
maritime et fluvial que par le transport terrestre, c’est le long des côtes et le long
des berges des rivières navigables que l’industrie (…) commence à se subdiviser et à
42
013-048Chap1.fm Page 43 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
La nature du transport
progresser, et ce n’est fréquemment pas avant une longue période que ces améliora-
tions s’étendent aux régions intérieures du pays »13.
Le coût de transport joue en effet un rôle de barrière de protection non tarifaire à
l’égard des productions locales. Dans l’état (1) du graphique ci-dessous, le fabricant A
est compétitif sur le marché P1 - P2, malgré un coût de fabrication supérieur à celui de
son concurrent lointain B. L’abaissement du coût de transport rend les produits
d’origine lointaine compétitifs par rapport aux productions locales, et celles-ci
peuvent alors être condamnées à disparaître. Dans l’état (2), alors que ni les coûts de
fabrication de A ni ceux de B n’ont changé, la baisse des coûts de transport confère
aux produits de B un coût de production total inférieur au seul coût de fabrication
de A, qui n’est plus compétitif, même sur son marché local. La fabrication issue de B
supplante celle de A, qui doit disparaître et être remplacée par d’autres spécialisa-
tions. « La division du travail progresse avec l’extension du marché résultant de la
baisse des coûts de transport », est-on tenté de dire en parodiant Adam Smith.
État 1
P2 A P1 P0 B
État 2
A P0 B
13. SMITH, Adam [1776], The Wealth of Nations, Harmondsworth, Penguin Books, 1970, Livre 1, chapitre 3,
« Que la division du travail est limitée par l’extension du marché », p. 122.
43
013-048Chap1.fm Page 44 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
données françaises portant sur une durée d’un siècle et demi. Il s’agit de la recette
commerciale moyenne par tonne-kilomètre transportée par chemin de fer depuis les
années 1840 jusqu’aux années 1990.
Dans une première période, qui va à peu près jusqu’à la première guerre mondiale,
le chemin de fer est le mode dominant en France. Son prix, que l’on estimera assez
étroitement lié à son coût, peut être retenu comme indice représentatif de
l’ensemble des transports, ferroviaires et autres.
Dans la seconde période, de la guerre à nos jours, la route devient à son tour domi-
nante et le fer est contraint d’aligner ses tarifs sur les tarifs routiers. Indirectement, les
tarifs ferroviaires restent donc représentatifs de l’ensemble des transports terrestres.
Enfin, les prix publiés sont en francs courants, francs or jusqu’à la guerre puis francs
non convertibles. Pour les transformer en un indice en francs constants, indépendant
des évolutions du niveau général des prix, on a conservé le tarif en francs or
jusqu’en 1914 et utilisé les tables d’inflation publiées par l’INSEE pour la seconde
période. En quelque 150 ans, le coût de transport terrestre en France a été divisé
par un facteur 10. Une telle chute n’atteint pas le rythme de baisse des coûts des
composants électroniques (la « loi de Moore » postule le doublement tous les
18 mois des performances des circuits intégrés et la baisse consécutive de leur coût
et de leur prix). Mais elle suffit à provoquer un mouvement de réallocation spatiale
de la production, à l’échelle nationale14 et à l’échelle mondiale. La baisse des coûts
des transports intercontinentaux, qui se poursuit aujourd’hui avec la mise en service
de navires porte-conteneurs d’une taille et d’une productivité de plus en plus
grandes, est un des moteurs de la « globalisation » de l’économie.
0,14
0,12
0,10
Indice
0,08
0,06
0,04
0,02
0
1841
1853
1865
1877
1889
1901
1913
1925
1937
1949
1961
1973
1985
Années
Source : calculs à partir de données SNCF en francs constants
(francs or jusqu’en 1914, puis francs déflatés selon l’indice INSEE).
Schéma 1.14 Prix du transport ferroviaire : évolution historique
© Groupe Eyrolles
Bien sûr, la forme réelle des graphes précédemment dessinés pour représenter la
relation entre coût de production et espace dépend de la valeur des paramètres
44
013-048Chap1.fm Page 45 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
La nature du transport
Coûts Prix
coût de Cf
fabrication
A
Schéma 1.15 Péréquation tarifaire du coût de transport
peut être acheminé de son usine de fabrication vers un « stock fournisseur ». Il peut
ensuite, groupé avec d’autres, passer au « stock distributeur » d’un commerçant.
Enfin, être acheminé vers son lieu de commercialisation finale à travers la logistique
de distribution du détaillant. Au bout du compte, le produit considéré aura traversé
45
013-048Chap1.fm Page 46 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
trois fois le territoire de référence, quel que soit son lieu de commercialisation finale,
même proche de son lieu de fabrication. Il n’y a alors pas lieu, ni économiquement,
ni commercialement, de différencier le prix en fonction du coût de transport.
stock
fournisseur
fabrication
stock
vente finale distributeur
46
013-048Chap1.fm Page 47 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
La nature du transport
Co t
CGA
CGB
CFB
CFA
P B A temps
Schéma 1.17 Coût de production généralisé et délai de transport
47
013-048Chap1.fm Page 48 Mardi, 3. octobre 2006 11:37 11
049-090Chap2.fm Page 49 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
2
La mobilité
des marchandises
Si la production et la consommation de transport sont les deux faces indissociables
d’un même processus, il semble artificiel de tenter de les distinguer à présent. C’est
pourtant ce que l’on fera pour faciliter l’identification et la description des éléments
du dispositif, en gardant à l’esprit le caractère provisoire de cette séparation : la fin
recherchée est bien la saisie de l’interaction de l’ensemble des facteurs et de leur
fonctionnement comme système.
49
049-090Chap2.fm Page 50 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
par des entreprises spécialisées, ce n’est pas le cas du transport. Il est difficile de
lancer une production sidérurgique ou pharmaceutique sans être sidérurgiste ou
pharmacien, mais il est facile pour beaucoup d’entreprises agricoles, industrielles
ou de services, de se doter de moyens de transport de marchandises (principalement,
50
049-090Chap2.fm Page 51 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
Consommation
cargaison
chargeurs
auto production /
(demande)
consommation
de transport
marché du transport
transport argent
véhicule
transporteurs
(offre)
Compte propre Compte d'autrui
Production
51
049-090Chap2.fm Page 52 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
française et européenne produit en effet des statistiques de qualité, qui donnent des
flux de transport de marchandises une image suffisamment détaillée et précise pour
que l’on puisse remonter, par l’analyse de ces données, des phénomènes à leur
cause et identifier, de manière hypothético-déductive, les mécanismes économiques
sous-jacents aux faits observés et mesurés.
Si, pour des raisons pratiques évidentes, les sources statistiques françaises seront
plus fréquemment sollicitées, des comparaisons internationales viendront tout à la
fois nuancer ce qu’une approche nationale aurait de trop spécifique et aider à
dégager des conclusions d’une plus large validité : les explications des comporte-
ments économiques en matière de fret ne s’arrêtent pas aux frontières nationales.
2. SOURCES ET DONNÉES
De façon délibérée, la démarche consiste à utiliser les informations relatives aux
flux de marchandises en ignorant provisoirement la manière dont ces dernières sont
acheminées (les moyens de transport utilisés). C’est bien la consommation du trans-
port, et pas encore sa production, qui est d’abord analysée.
1. Voir ALLAZ, Claude, Transport aérien et GOUVERNAL, Elisabeth, Transport maritime, in SAVY (dir.), 2006.
52
049-090Chap2.fm Page 53 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
Pour le transport maritime, la masse des produits ainsi ignorés est plus grande, mais
la France se caractérise par la faiblesse du cabotage national par comparaison avec
d’autres pays européens, tandis que les importations maritimes intercontinentales
portent, pour la moitié environ, sur le trafic très particulier des produits pétroliers.
L’omission de ces données par la base SITRAM serait fâcheuse si notre objet était la
description de tous les flux intéressant l’économie française. Mais il s’agit ici de
comprendre des mécanismes, et les flux terrestres dûment enregistrés se prêtent bien
à l’exercice. On ne manquera pas, par ailleurs, de mentionner les rôles des trans-
ports aérien et maritime, leurs enjeux et leurs perspectives.
Les informations de SITRAM sont recueillies auprès des transporteurs ou des
gestionnaires d’infrastructures et non auprès des expéditeurs ou des destinataires.
C’est en quelque sorte une entrée traditionnelle par l’offre de transport, et non une
entrée « logistique » par la demande. Aussi recueille-t-on de façon précise les
données touchant la nature des produits transportés (quand ils ne sont pas dans des
colis de messagerie ou des conteneurs ou caisses mobiles de transport combiné,
« opaques » pour le transporteur et donc pour le statisticien), les tonnages trans-
portés, les lieux de chargement et de déchargement, les moyens de transport
utilisés. Mais on ne dispose d’aucune information sur la taille ou le poids des envois
individuels, sur leur valeur, ni sur la nature du trajet complet qu’ils accomplissent
(trajet unique de bout en bout ou, au contraire, acheminement dans une chaîne à
maillons multiples, associant éventuellement plusieurs modes de transport). De
même ne connaît-on pas la nature de l’expéditeur ni ses pratiques logistiques. Il
aura fallu une enquête complètement différente (l’Enquête auprès des chargeurs
menée par l’INRETS – Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité
– pour saisir ce type de données, qui date de l’année 1988 et est en cours de mise à
jour sous le nom d’Enquête ECHO : Envois chargeurs opérateurs).
Sans examiner ici la manière dont l’organisation des flux fait appel aux différentes
techniques de transport (la répartition modale étant abordée dans le chapitre suivant,
consacré à la production du transport), il convient de souligner que les flux du trans-
port routier, largement majoritaires parmi les flux terrestres, sont appréhendés en inter-
rogeant les propriétaires d’un certain nombre de véhicules tirés au sort dans le fichier
des « cartes grises », c’est-à-dire des immatriculations. Ceci permet de connaître à la
fois le transport routier pour compte propre (organisé par des chargeurs avec leurs
propres moyens pour leurs propres besoins et aussi dénommé « transport privé ») et le
transport routier pour compte d’autrui (organisé par des entreprises de transport et
aussi dénommé « transport public »). Ne sont retenus que les véhicules de moins de
15 ans, l’expérience montrant que les très vieux véhicules utilitaires ne sortent guère
du garage, quand ils n’ont pas physiquement disparu sans que le fichier des immatri-
culations en soit averti. Ne sont également retenus que les véhicules de plus de 3,5 t
de poids total en charge autorisé. Les véhicules utilitaires légers, bien plus nombreux
© Groupe Eyrolles
que les véhicules lourds mais utilisés de façon bien moins intense, pour un transport
portant sur des charges plus légères et généralement sur des distances plus courtes, ne
sont pas pris en compte. Leur rôle n’est pourtant pas négligeable, notamment pour les
enlèvements et les livraisons des opérations de messagerie.
53
049-090Chap2.fm Page 54 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
54
049-090Chap2.fm Page 55 Mercredi, 4. octobre 2006 8:52 08
7 Engrais
8 Produits chimiques
8A Produits chimiques de base
8B Pâtes à papier et cellulose
8C Autres produits chimiques de base
9 Machines, véhicules, objets manufacturés
et transactions spéciales
9A Matériel de transport et matériel agricole
9B Machines et articles métalliques
9C Verre, faïence, porcelaine
9D Autres articles manufacturés
55
049-090Chap2.fm Page 56 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
quelques sondages plus ponctuels en donnent, ici et là, des ordres de grandeur.
D’autre part, mais cette critique renvoie à l’appréhension de la production du trans-
port plus que de sa consommation, la mesure de l’activité du transport par le
tonnage ou le tonnage kilométrique donnerait une image très déformée de la valeur
56
049-090Chap2.fm Page 57 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
2. Cette question sort du champ académique et prend même un ton polémique. Elle touche en effet à des
intérêts importants. Anticipant sur le plan de l’ouvrage, elle amène à entrer déjà dans l’analyse de la
production du transport, et en particulier à aborder le thème du partage modal, c’est-à-dire de la répartition
du fret entre les divers modes de transport. Aux yeux des partisans de l’utilisation exclusive des unités
© Groupe Eyrolles
monétaires, l’utilisation d’unités physiques aurait pour conséquence de donner au chemin de fer une
importance artificiellement gonflée par rapport à son importance réelle (donnée à leur avis par les unités
économiques). Cette présentation du chemin de fer influencerait les décideurs politiques en les amenant à
accorder trop de moyens (mal employés) à ce mode, au détriment du transport routier.
3. Entre mille exemples, voir CEMT [2005].
57
049-090Chap2.fm Page 58 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
500 km
(1)
(2)
© Groupe Eyrolles
50 km 400 km 50 km
Les mesures en tonnes sont ainsi sensibles aux ruptures de charge, puisque la charge
transportée est comptée à chaque chargement – déchargement, alors que les mesures
en tonnes-kilomètres sont insensibles aux ruptures de charge.
58
049-090Chap2.fm Page 59 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
Si l’on calcule des distances moyennes de transport, le trajet direct a une longueur de :
5 000/10 = 500 km, tandis que les segments de la chaîne ont une longueur moyenne de :
5 000/30 = 166,6 km.
On peut dire que la première mesure reflète mieux une réalité géographique, la
distance séparant l’origine et la destination ultime du transport.
La deuxième mesure reflète mieux l’organisation du transport lui-même.
59
049-090Chap2.fm Page 60 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
National
Importations Exportations
Transit
Une enquête spécifique du SESP pour l’année 1999 permet toutefois d’avoir un ordre
de grandeur de l’importance respective du pavillon français et du pavillon étranger
dans l’ensemble des flux routiers, ceux-ci étant mesurés en tonnes-kilomètres. Ces
chiffres montrent que le pavillon étranger assure environ 24 % de l’ensemble des
transports routiers de marchandises sur le territoire national, répartis entre flux inter-
nationaux (importations et exportations, pour environ 10 %) et transit (pour 14 %). Le
pavillon français se répartit entre le transport national (soit 68 % du total, avec un
cabotage sous pavillon étranger encore négligeable au temps de l’enquête) et le
transport international (8 %).
© Groupe Eyrolles
60
049-090Chap2.fm Page 61 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
National : F = 68 % ; E = ε
International : F = 8 % ; E = 10 %
Transit : F = ε ; E = 14 %
0 Produits
218 065 10,5 % 3,7 27 297 13,4 % 125
agricoles
1 Denrées
223 318 10,7 % 3,8 32 133 15,8 % 144
alimentaires
2 Combustibles
10 806 0,5 % 0,2 1 734 0,9 % 160
minéraux
3A Produits
664 0,0 % 0,0 53 0,0% 80
pétroliers bruts
3B Produits
88 203 4,2 % 1,5 9 908 4,9% 112
pétroliers raffinés
© Groupe Eyrolles
4B Minerais et
déchets pour 20 173 1,0 % 0,3 899 0,4 % 45
la métallurgie
61
049-090Chap2.fm Page 62 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
5A Produits
métallurgiques 26 925 1,3 % 0,5 5 646 2,8 % 210
non ferreux
5B Produits
métallurgiques 5 172 0,2 % 0,1 1 162 0,6 % 225
ferreux
6A Minéraux bruts
et matériaux 926 867 44,6 % 15,7 35 708 17,5 % 39
de construction
6B Matières
premières pour
4 659 0,2 % 0,1 685 0,3 % 147
l’industrie
chimique
8A Produits chimiques
14 206 0,7 % 0,2 3 808 1,9 % 268
de base
8B Pâtes à papier et
8 212 0,4 % 0,1 1 242 0,6 % 151
cellulose
8C Autres produits
chimiques 21 214 1,0 % 0,4 4 246 2,1 % 200
de base
9A Matériel
de transport 36 344 1,7 % 0,6 6 680 3,3 % 184
et agricole
9B Machines
et articles métal- 32 665 1,6 % 0,6 5 297 2,6 % 162
liques
9C Verre, faïence,
15 659 0,8 % 0,3 1 695 0,8 % 108
porcelaine
9D Autres
articles 354 268 17,1 % 6,0 58 299 28,6 % 165
manufacturés
62
049-090Chap2.fm Page 63 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
30 %
25 %
20 %
15 %
10 %
5%
0%
Produits Combustibles Produits Minerais Produits Matériaux de Engrais, Produits
agricoles minéraux pétroliers (4) métallur- construction chimie manufacturés
(0,1) (2) (3) giques (5) (6) (7,8) (9)
France UE-15
Source : SITRAM et EU Energy and transport in figures,
Statistical pocketbook 2002, European commission, 2004.
Schéma 2.4 Structure du trafic de transport terrestre par groupes
de produits France et Union européenne, % t.km, 2002
4. Il a été convenu de ranger parmi les produits manufacturés les produits transportés en colis, conteneurs et
© Groupe Eyrolles
caisses mobiles, et donc le trafic des réseaux de messagerie et de transport intermodal (notamment le trans-
port rail – route de conteneurs, semi-remorques et caisses mobiles) : les « boîtes » sont opaques pour les
transporteurs, qui ne savent pas quelle marchandise ils chargent sur leurs véhicules. Même si tous les
produits ainsi conditionnés ne sont pas des produits manufacturés, cette convention comptable était sans
doute la moins mauvaise possible.
63
049-090Chap2.fm Page 64 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
64
049-090Chap2.fm Page 65 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
60
50
40
% du total 30
20
10
0
0-49 50-149 150-199 500-
distance (km)
t t. km
Source : calculs à partir de EU Energy and transport in figures,
Statistical pocketbook 2003, European commission 2003.
Schéma 2.5 Structure du trafic de transport terrestre, t et t.km, tous produits
et tous modes confondus, par classes de distance, Union européenne, 2001
Dans le même temps, les transports locaux sont souvent la partie préalable ou
conclusive d’un acheminement de longue distance. Et, en termes de trafic,
l’appréciation de la répartition du transport entre les classes de distance quand on
le mesure en tonnes-kilomètres (unité qui renvoie aux véhicules-kilomètres, c’est-
à-dire à l’usage des infrastructures, à leur éventuelle congestion et aux diverses
nuisances qui s’y attachent) montre une répartition différente : 80 % des tonnes-
kilomètres correspondent à des trajets supérieurs à 100 km.
Les leçons politiques à tirer de ce simple constat sont importantes :
• d’une part, il est loisible d’envisager d’autres répartitions modales du transport à
longue distance : les 25 % des tonnes ainsi acheminées représentent 80 % des
tonnes kilomètres. Ce volume de transport renvoie à l’enjeu politique et social du
trafic correspondant, exprimé en véhicules-kilomètres, et il est techniquement et
économiquement pertinent d’essayer d’organiser ces transports en utilisant moins
le mode routier et davantage les solutions plus respectueuses de la sécurité et de
l’environnement ;
• d’autre part, l’importance des flux de courte distance désigne le rôle indispen-
sable du transport routier de marchandises, seul à même d’assurer la desserte
fine du territoire. Il ne suffit pas de voir une file de camions sur une route pour
pouvoir en faire un train, dès lors qu’une forte part d’entre eux ne parcourt que
quelques kilomètres. Le succès éventuel de solutions alternatives à la route pour
les acheminements longs ne fera donc pas disparaître la masse du trafic routier
local et la nécessité d’une politique spécifique pour en traiter les effets.
© Groupe Eyrolles
65
049-090Chap2.fm Page 66 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
30,7
1,3 1,3
Transport terrestre 0,3
4,0 1,7
Transport maritime
66
049-090Chap2.fm Page 67 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
180,0
160,0
140,0
120,0
100,0
80,0
60,0
40,0
20,0
0,0
B IRL NL L S A FIN DK P D F UK E I EL EU 15
67
049-090Chap2.fm Page 68 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
68
049-090Chap2.fm Page 69 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
L’organisation des transports joue donc un rôle primordial dans la localisation des
activités. Les fondateurs de la « science régionale » – l’économie spatiale et la
géographie économique – faisaient même du transport le facteur déterminant, voire
exclusif, des implantations, qu’il s’agisse des activités agricoles (déterminées par la
valeur relative et la périssabilité des produits, à une époque où le transport frigori-
fique n’existait pas), ou des activités industrielles dont le lieu optimal correspondait
au barycentre de leurs sources d’approvisionnement et de leurs marchés de
débouché, pondérés du volume et du prix de transport des flux correspondants.
Cantillon (1755), van Thünen (1826) et Alfred Weber (1909) furent les fondateurs de
cette analyse5. L’influence des transports dans l’organisation spatiale de la produc-
tion – question plus vaste, qui ne se réduit pas à la seule décision de localisation des
activités – perdit de son importance dans la littérature du XXe siècle, privilégiant
d’autres facteurs pour rendre compte de la répartition des sites : disponibilité et
qualification de la main-d’œuvre pour la segmentation de l’industrie fordiste, redé-
couvertes des effets d’agglomération et des « milieux » pour la production flexible
de biens et de services6.
Pour autant, le transport n’est pas devenu tellement facile à organiser, rapide et bon
marché que sa contrainte ait disparu dans l’organisation spatiale de la production.
La preuve en est la prééminence des flux à courte distance dans l’ensemble des flux,
malgré les tendances à l’intégration européenne et à la mondialisation qui président
au développement économique général. Désormais imbriqué dans une activité plus
large, la logistique, sur laquelle on reviendra, le transport participe pleinement de la
vitalité des territoires, de leur compétitivité et de leur attractivité7.
5. Cf. LAJUGIE, Joseph, DELFAUD, Pierre et LACOUR, Claude, Espace régional et aménagement du territoire,
Dalloz, 1979.
6. Cf. SAVY, Michel et VELTZ, Pierre (dir.), Les nouveaux espaces de l’entreprise, La Tour d’Aigues, Éditions de
© Groupe Eyrolles
l’Aube, 1993.
SAVY, Michel et VELTZ, Pierre (dir.), Économie globale et réinvention du local, La Tour d’Aigues, Éditions de
l’Aube, 1995.
7. Cf. SAVY, Michel, Logistique et territoire, Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétiti-
vité du territoire, Documentation française, 2006.
69
049-090Chap2.fm Page 70 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
(A-C)
(1) A C
Destination A B C D Total
Origine
A X
Total Σ1
Dans la situation [2], le tonnage X apparaît trois fois : en tant que transport intrarégional
A-A, que transport interrégional A-C et enfin que transport intrarégional C-C. Le poids
© Groupe Eyrolles
de l’ensemble des transports intrarégionaux dans le transport total (soit la somme des
trafics de la diagonale (A-A) + (B-B) + (C-C)… dans le total Σ) en sera augmenté d’autant.
70
049-090Chap2.fm Page 71 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
Destination A B C D Total
Origine
A X X
C X
D
Total Σ2
Il n’y a pas là d’erreur de calcul, mais un choix de méthode8, validé par les directives
européennes. On retiendra que nombre de transports à courte distance (mais sans
savoir dans quelle proportion) sont la partie locale d’un acheminement de bout en
bout de plus grande ampleur.
8. L’Enquête auprès des chargeurs de l’INRETS, en 1988, avait précisément choisi de suivre les expéditions
d’un bout à l’autre de leur chaîne d’acheminement.
9. Cf. SAVY, Michel (2000) et BECKER, Dominique (prés.), Le Développement des implantations logistiques en
France et ses enjeux pour les politiques d’aménagement, Conseil général des ponts et chaussées, ministère
de l’Équipement, mars 2003.
71
049-090Chap2.fm Page 72 Lundi, 9. octobre 2006 4:19 16
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
• d’autre part, une répartition différente des flux sur le territoire, où la moitié Est du
pays joue un rôle plus actif et où l’Ile-de-France est le pivot d’échanges inter-
régionaux où s’entremêlent activités de fabrication et activités de distribution.
72
049-090Chap2.fm Page 73 Lundi, 9. octobre 2006 4:19 16
d’une matrice des flux agrégés, de pays à pays, pour l’ensemble des modes terrestres
et pour le mode maritime. Ces éléments montrent bien la place et le rôle spécifique
des différents pays, dont la France, dans le système d’échanges européen.
73
049-090Chap2.fm Page 74 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Cette carte très schématique (les liens ne relient pas des régions, d’origine à destina-
tion, mais des barycentres de pays) fait apparaître la concentration des échanges les
plus intenses dans un segment assez étroit de l’Europe occidentale, la partie septen-
trionale de la « banane bleue ». France, Belgique, Allemagne, Pays-Bas et Royaume
© Groupe Eyrolles
Uni engendrent les transports les plus massifs. On constate notamment que la nature
insulaire de la Grande Bretagne ne l’isole pas vraiment des flux européens. Malgré
leur position excentrée, l’Italie et l’Espagne donnent également lieu à des transports
substantiels, dont l’enjeu de transport et d’environnement est d’autant plus important
74
049-090Chap2.fm Page 75 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
qu’il porte sur de longues distances. Enfin, la Suède et la Finlande, sans oublier la
Grèce, doivent disposer d’un système de transport suffisamment puissant pour ne pas
souffrir de leur position périphérique.
De par sa position géographique, mais aussi son poids économique et démogra-
phique, la France est partie prenante aux principaux flux de transport internationaux
en Europe occidentale. À cet égard, elle ne semble nullement marginalisée par
rapport au grand isthme Nord-Sud reliant le Rhin au Pô. Le renforcement d’itiné-
raires de transit Nord-Sud plus efficaces que ceux empruntant le territoire français et
l’élargissement vers l’Est pourraient à terme modifier cet état de choses. On peut
toutefois s’interroger sur le bénéfice à attendre de certains transits. Ne créent-ils pas
plus de nuisances que d’avantages économiques ? La politique suisse qui, tout en
favorisant le mode ferroviaire, réussit aussi à détourner nombre des traversées vers
ses voisins français et autrichien, apporte une réponse.
La relative régularité du lien entre densité de valeur des produits et distance de trans-
port se retrouve dans tous les pays. La statistique américaine présente l’avantage de
mentionner la valeur des marchandises transportées (mesurée en dollars par tonne) à
côté des informations telles que le tonnage et le nombre de tonnes-kilomètres, pour
75
049-090Chap2.fm Page 76 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
1 000
800
Distance (miles)
600
400
200
0
1 10 100 1 000 10 000 100 000
– 200
Densité de valeur du produit ($/t, échelle logarithmique)
Source : U.S. Department of Transportation, Bureau of Transportation Statistics,
U.S. Department of Commerce, Transportation 1997 Commodity Flow Survey
(Washington, DC : December 1999)
large. La concurrence dans l’espace porte en effet, toutes choses égales par ailleurs,
sur le coût total de production, qui comporte deux éléments : d’une part le coût de
fabrication (auquel on peut assimiler et ajouter le coût d’entreposage) en sortie
d’usine, d’autre part le coût de transport. Les usages commerciaux et les prix reflètent
76
049-090Chap2.fm Page 77 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
ces écarts de coût de production : le prix d’un produit « départ » est couramment
plus faible que le prix du même produit « rendu ». Si les deux prix sont identiques,
c’est que l’expéditeur effectue une péréquation dans la répercussion du coût de
transport dans le prix de ses produits à ses divers clients, proches et lointains.
Coût de fabrication et coût de transport ne sont donc pas indépendants, leur fixation
résulte de la recherche d’un optimum global. Le lien entre coût de fabrication et
coût de transport résulte de la disposition spatiale de l’appareil de production, que
l’on peut envisager à travers la question de sa concentration ou de sa dispersion :
pour fabriquer un produit et desservir un territoire donné, vaut-il mieux concentrer
la fabrication dans un petit nombre d’installations de grande taille (à la limite, une
usine unique), ou la répartir entre un nombre relativement grand d’installations de
taille modeste réparties sur le territoire ?
Chaque formule a ses avantages et ses inconvénients :
• la concentration spatiale de la fabrication, qui autorise sa concentration tech-
nique, est nécessaire à l’obtention d’économies d’échelle, un des moteurs les plus
puissants de la productivité : une unité de produit fabriquée dans une installation
de grande taille a généralement un coût de fabrication moindre que si elle est
fabriquée dans une des multiples installations de petite taille ;
• en revanche, la concentration de la fabrication en un nombre réduit de sites
allonge, et donc renchérit, les transports, tant pour l’approvisionnement (inputs)
que pour la distribution (outputs).
L
1 site n sites
Compte tenu des paramètres techniques et économiques propres au produit consi-
déré, le nombre optimal n* de sites de production pour desservir le territoire considéré
est intermédiaire entre 1 (forts rendements de fabrication mais grandes distances de
transport) et n (transports de courte distance mais faible productivité de fabrication).
© Groupe Eyrolles
77
049-090Chap2.fm Page 78 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
produit à l’autre. Pour des produits de haute valeur spécifique (mesurée en euros par
tonne), les avantages de la concentration poussent à réduire le nombre de sites, y
compris à l’échelle internationale : pour les circuits électroniques, par exemple,
quelques usines, voire une seule, suffisent à alimenter la demande mondiale. Pour
les produits pondéreux, à faible valeur spécifique, un grand nombre de sites sera
plus efficace : pour les matériaux de construction par exemple.
Coût de transport
1 2 3 n* n Nombre de sites
(1)
Coût (2)
de production Coût de fabrication
unitaire Coût de production total
(1) et / ou de stockage
Coût de transport
(2)
(2) (1)
1 2 3 n Nombre de sites
© Groupe Eyrolles
78
049-090Chap2.fm Page 79 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
350
y = 0,1928x + 8,243
R2 = 0,872
Transport de fret
300
Italie France
250
Espagne
200
Royaume Uni
150
100
Pays Bas
50
0
0 500 1000 1500 2000 2500
PIB
Schéma 2.12 Activité économique et transport de fret, 2002
© Groupe Eyrolles
10. Livre blanc. La politique européenne des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix, Commission
des communautés européennes, COM (2001) 370, septembre 2001.
79
049-090Chap2.fm Page 80 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Un tel résultat ne fait-il que confirmer une évidence ? Un grand pays (par son poids
économique) engendre plus de transport qu’un petit. Pour éliminer l’effet de taille et
comparer ainsi, toutes choses égales par ailleurs, le Luxembourg et l’Allemagne, on
peut calculer les mêmes indices per capita.
8
Finlande
7
Espagne
Belgique
6
Suède y = 3E-05x + 3,5823
2
Pays Bas Allemagne R = 0,0139
5
Fret / hab.
Italie Autriche
France
4
Luxembourg
Danemark
3
Royaume Uni
2
Portugal
Grèce Irlande
1
0
0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 45 000 50 000
PIB / hab.
Schéma 2.13 Niveau de développement et intensité du transport de fret, 2002
80
049-090Chap2.fm Page 81 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
11. Notamment, Annuaire rétrospectif de la France 1948-1988, INSEE 1990, puis les volumes annuels de
comptes de la Nation.
12. Mémento des statistiques de transport, SESP (ex-OEST), ministère de l’Équipement, annuel.
81
049-090Chap2.fm Page 82 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
350
300
250
200
150
100
50
0
1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
82
049-090Chap2.fm Page 83 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
240 240
160 160
140 140
120 120
100 100
80 80
80 130 180 230 280 330 80 100 120 140 160 180 200 220 240 260 280
Il reste que le transport montre une grande instabilité, avec des fluctuations allant en
général dans le même sens, mais avec une bien plus grande amplitude, que celles
de la production industrielle, comme le montre le graphique suivant représentant les
fluctuations relatives annuelles des deux indices [(Xn − Xn−1)/Xn−1]. Les professionnels
de la logistique, chargeurs comme transporteurs, connaissent cette caractéristique
du marché du fret, à l’ajustement toujours imparfait. Elle est à l’origine de disposi-
tions importantes comme le rôle notoire des professions d’intermédiaires et tout un
pan de la politique publique de régulation du marché.
© Groupe Eyrolles
83
049-090Chap2.fm Page 84 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
1,25
1,20
1,15
1,10
1,05
1,00
0,95
0,90
0,85
0,80
78
84
66
68
80
62
64
74
86
94
98
72
82
70
76
88
90
92
96
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
84
049-090Chap2.fm Page 85 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
13
11
1
0
-1
-3
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
Schéma 2.18 Élasticité annuelle Transport/Production industrielle
85
049-090Chap2.fm Page 86 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Sans pouvoir se fonder sur des données aussi détaillées, une analyse de plus long
terme encore a été menée, qui enrichit la connaissance des liens entre volume
d’activité économique et volume de transport. Le graphique ci-dessous montre,
d’évidence, un lien général entre la croissance de l’un et de l’autre. Des fluctua-
tions de longue période (selon les cycles de Kondratiev ?) apparaissent pourtant.
Alors que le volume de transport croît plus vite que l’ensemble de la production
pendant une longue phase allant approximativement de 1850 à 1885, les taux de
croissance des deux grandeurs sont les mêmes de 1885 à 1950, période elle-même
marquée par une phase ascendante puis par la crise des années 1930. Au
contraire, de 1950 à nos jours, on constate un relatif décollage (pour ne pas dire
découplage !) de la croissance économique et de la croissance du fret, qui
s’accentue à partir des années 1980 correspondant à la crise des industries lourdes
et à la substitution de l’énergie nucléaire au pétrole et au charbon que l’on a déjà
identifiées. Ces restructurations sont acquises et leurs effets ne se produiront pas
deux fois.
Mais, pour les temps à venir, d’autres facteurs peuvent venir modifier de nouveau
la liaison entre production et transport. Si le coût de transport continue de baisser
(du fait de la poursuite des gains de productivité de la production du transport, par
la route ou par d’autres techniques), et si les échanges internationaux continuent
de croître (à l’intérieur et à l’extérieur de l’Europe), le volume de transport devrait
continuer son expansion. On ne peut, toutefois, exclure des évolutions inverses,
avec le renchérissement possible du transport du fait de la congestion des infras-
tructures, de la pénurie mondiale du pétrole, de politiques de taxation visant à
limiter les flux ou à percevoir sur certains d’entre eux, et notamment les flux
routiers, les ressources nécessaires à la mise en place de solutions alternatives,
plus sûres, moins polluantes et contribuant moins à l’effet de serre, sans compter
le risque d’une crise économique ou politique internationale qui se répercuterait
évidemment sur la production et les échanges de tous les pays d’Europe, notam-
ment la France. Chaque phase de développement est caractérisée par un rôle
particulier joué par le transport. Quel sera le prochain régime de régulation de
l’économie ? Le graphique suivant, dont il faut souligner que l’échelle est logarith-
mique et tend ainsi à « écraser » visuellement les écarts absolus entre les deux
courbes analysées, aboutit ainsi davantage à une vision ouverte, pour ne pas dire
incertaine, de l’avenir…
86
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1000 1
100
MM t-km
pic du programme
0,1
PIB
électro-nucléaire
trente
10 glorieuses
1 0,01
1840 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020
année
t-km réelles PIB
Source : SAUVANT, Alain, in SAVY (2006)
L’évolution des volumes de transport dans les cinq pays montre de fortes différences,
touchant non seulement leur poids absolu (l’économie allemande pèse plus lourd que
l’espagnole, surtout depuis la réunification) mais aussi leur rythme de croissance. Le
Royaume-Uni et la France connaissent un rythme de croissance du transport inférieur à
celui des autres pays de l’échantillon, l’Espagne et l’Italie un rythme supérieur. D’un côté,
une restructuration lourde (allant même, dans le cas britannique, jusqu’à une désindus-
trialisation marquée), de l’autre, une économie en expansion, tirée par l’ouverture vers
l’Europe, expliquent ces différences. Le rythme d’évolution du transport en France tend,
pour les dernières années, à s’accélérer et à ressembler à celui des autres pays.
Compte tenu des données disponibles et en reprenant la date charnière de 1985
établie avec le cas français, on peut comparer l’élasticité du transport par rapport au
PIB calculée pour deux périodes : 1970-1985 et 1985-1997, pour chaque pays. Très
disparates lors de la première période, les taux se rapprochent nettement lors de la
seconde. Les restructurations de l’industrie lourde française sont accomplies et les
perspectives d’évolution du transport en France sont maintenant plus robustes, en ce
que les phénomènes spécifiques qui écartaient ce pays de la trajectoire moyenne
© Groupe Eyrolles
87
049-090Chap2.fm Page 88 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
450
400
350
300
Allemagne
250
200 France
Espagne
150 Italie Royaume Uni
100
50
0
1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000
Schéma 2.21 Transport de marchandises (intérieur, en t.km) Allemagne, Espagne,
France, Italie, Royaume-Uni, 1970-1997
1,8
1,6
1,4
1,2
0,8
0,6
0,4
0,2
0
Allemagne Espagne France Italie Royaume Uni
1985/1970 1997/1985
© Groupe Eyrolles
88
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Le régime actuel est-il pérenne ? À l’horizon de 20 ans, qui est celui de la réalisation
d’une infrastructure de transport, on peut penser qu’il est loin d’avoir épuisé ses
capacités de développement et qu’il se poursuivra. Pour autant, l’évolution du
système de transport ne sera pas nécessairement, ni même possiblement, le prolon-
gement linéaire du passé. Il faut en effet tenir compte de l’interaction entre la
consommation du transport, dont il a été seulement question jusqu’ici, et de sa
production. La dynamique de la production des déplacements de produits rétroagit
en effet sur la dynamique de leur usage et sera abordée au chapitre suivant.
© Groupe Eyrolles
89
049-090Chap2.fm Page 90 Mardi, 3. octobre 2006 10:01 10
091-214Chap3.fm Page 91 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
3
La production du transport
Les raisons pour lesquelles il convient d’envisager la consommation de transport
avant la production ont déjà été établies et ont fondé le chapitre précédent. Il
demeure que la production du transport, que l’on aborde maintenant, est évidem-
ment nécessaire à sa consommation et que les deux opérations sont deux aspects
d’un même processus. La production de transport peut être envisagée à la fois sous
l’angle technique et sous l’angle économique, la notion d’organisation faisant le lien
entre les deux approches.
91
091-214Chap3.fm Page 92 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
infostructure
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infrastructure
Schéma 3.1 Structure générale des réseaux
92
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La production du transport
A B
sites d'origine et de destination
cargaison
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véhicule
infrastructure
Schéma 3.2 Structure en couches des systèmes de transport
93
091-214Chap3.fm Page 94 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Si l’on restreignait le transport au marché du transport, on pourrait dire que les deux
couches inférieures relèvent principalement de l’offre de transport tandis que les deux
couches supérieures relèvent de la demande. On sait que ce découpage entre fonctions
et entre agents n’est pas le seul à régler le mouvement des produits, du fait du régime du
transport pour compte propre qui établit entre les couches d’autres découpages et
d’autres associations. Dans tous les cas, le processus de transport procède de l’inter-
action de l’ensemble des couches, par-delà la distinction entre « offre » et « demande ».
On peut ainsi successivement porter sur ce diagramme un regard analytique puis
synthétique. Pour commencer, chaque couche est passible d’un examen particulier,
que l’on peut mener en répondant à quelques questions : qui décide ? qui finance ?
qui réalise ? qui exploite ?
Angle technique
Techniquement, les divers types d’infrastructures déterminent entièrement le
système de transport qui leur est attaché et désignent autant de modes correspon-
© Groupe Eyrolles
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091-214Chap3.fm Page 95 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
Angle économique
Économiquement, ces investissements ne peuvent en général être valorisés comme
un capital privé particulier. Il faudrait à cet effet que les péages perçus auprès des
utilisateurs par les propriétaires soient d’un niveau suffisant, capable de rembourser
l’amortissement des ouvrages et leur frais d’exploitation, mais aussi les lourdes
charges financières accumulées tout au long de l’acquisition des terrains et des
travaux. Les intérêts intercalaires s’étalent sur un délai très long, qui sépare les
premières dépenses des premières recettes tirées de leur exploitation, en compa-
raison avec les branches de l’industrie ou du commerce. Rares sont les axes de trafic
susceptibles d’engendrer une demande suffisamment abondante et solvable pour
assurer un tel équilibre entre dépenses et ressources. Quand ils existent, de tels arcs
correspondent à des points de passage quasi obligé particuliers (un pont, un tunnel)
qui forment un sous-ensemble d’un réseau plus large dont le financement est pris en
charge par la collectivité publique.
En outre, les infrastructures sont, aussi longtemps qu’elles ne sont pas saturées, un
monopole naturel : il est économiquement moins coûteux que l’intégralité des
échanges entre deux zones s’effectue sur une infrastructure unique que sur deux
infrastructures parallèles et concurrentes. Or tout monopole appelle une régulation,
surtout s’il est privé : les concessionnaires d’infrastructures ne sont pas libres de fixer
à leur convenance le mode d’exploitation et la tarification de l’ouvrage qu’ils
gèrent. Les tarifs s’en trouvent limités par la puissance publique, qu’elle se préoc-
cupe d’un principe politique – l’exercice du droit d’aller et venir, qui suppose la
mise à disposition d’une infrastructure au moindre prix possible – ou du développe-
ment général. La contradiction est dont forte : indispensables au développement
économique et social, les infrastructures ne peuvent être financées dans leur
ensemble selon les critères usuels de rentabilité du capital.
Il faut de plus souligner que les infrastructures linéaires (routes, voies ferrées, etc.) ne
sont pas toujours utilisées exclusivement pour le transport de marchandises (tandis
© Groupe Eyrolles
95
091-214Chap3.fm Page 96 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
souvent l’élément majoritaire dans leur usage et prépondérant dans les décisions
d’investissement. Le transport de fret est dans cette optique une sorte de « produc-
tion fatale » et il bénéficie ainsi d’une infrastructure que, isolé, il ne saurait justifier
et susciter. On constate qu’il n’existe pratiquement pas d’infrastructure routière de
quelque importance réservée au fret. Cet aspect du dispositif renforce encore
l’ouverture du système de fret, son interdépendance avec des déterminants et des
processus sociaux plus larges.
D’un point de vue d’économie collective, l’analyse a été très tôt faite des externalités
positives associées aux infrastructures, de leurs effets propices au développement
économique général. Adam Smith remarquait déjà que le développement du marché
(soit, à ses yeux, le renforcement du mécanisme central de la croissance) correspondait
à son développement spatial, le long des côtes et des voies d’eau, c’est-à-dire le long
des axes de transport efficaces de son époque : l’abaissement du coût de transport
diminue la protection des productions locales à l’égard de la concurrence de produits
provenant de sites de fabrication éloignés. Les considérations spatiales sont bien, en
matière de transport, consubstantielles des considérations économiques. Aussi bien les
objectifs des politiques publiques d’infrastructures relèvent-ils de considérations
d’aménagement du territoire. En outre, les infrastructures sont couramment des
« biens publics », au sens précis de biens qui ne sont pas détruits par leur consomma-
tion, et que l’optimum collectif recommande donc d’offrir gratuitement aux usagers,
du moins tant qu’ils ne sont pas touchés par la congestion.
Angle politique
Politiquement, le caractère non rentable et néanmoins indispensable des infrastruc-
tures explique leur prise en charge par les États. Cette pratique remonte, dans
l’histoire, bien avant le développement du capitalisme. Les préoccupations politi-
ques et militaires – et pas seulement économiques – sont toujours présentes dans les
créations d’infrastructures, qu’il s’agisse de couvrir le territoire de façon fine et de le
soumettre ainsi au contrôle régalien, ou d’acheminer à longue distance les forces
armées et leur logistique ou des denrées stratégiques. Cette tâche étatique se répartit
entre tous les niveaux institutionnels. Les communes sont les premières à assurer un
maillage homogène de chemins vicinaux, même dans les zones faiblement
peuplées. Les départements, les régions placent les infrastructures et les services de
transport au premier rang de leurs plans de développement et d’aménagement.
Les États et l’Union européenne soutiennent aujourd’hui certaines liaisons tran-
seuropéennes, même quand d’autres projets, d’envergure nationale, semblent
plus rentables : un projet politique est souvent un pari sur l’avenir, dont le calcul
économique usuel, avec de forts taux d’actualisation qui marquent une préfé-
rence pour le court terme, ne peut intégrer la logique2.
© Groupe Eyrolles
2. Les réseaux transeuropéens, comme condition nécessaire de la cohésion économique, sociale et poli-
tique de l’Union, figurent explicitement parmi les objectifs du traité de Maastricht.
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091-214Chap3.fm Page 97 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
97
091-214Chap3.fm Page 98 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Or, les différents modes de transport ont à cet égard des performances très inégales
(l’avion et la route émettent davantage de gaz carbonique par unité de trafic –
tonne-kilomètre ou passager-kilomètre – que le rail, le fleuve ou la mer). Le choix
des infrastructures apparaît ainsi comme la décision en amont qui en déclenche, en
cascade, bien d’autres.
Toute une branche de l’économie appliquée, celle du calcul économique, s’est
développée pour apprécier l’opportunité de tels équipements, en distinguant leur
rentabilité socio-économique pour la collectivité et leur rentabilité financière pour
leur investisseur direct. Les préoccupations attachées aux infrastructures de transport
et à leurs effets internes et externes se font aujourd’hui de plus en plus nombreuses
et complexes et ce calcul s’est enrichi et affiné pour s’efforcer de les prendre en
compte. Il montre aussi ses limites et fait l’objet de débats intenses, que l’on réexa-
minera en abordant, dans un autre chapitre, la dimension proprement politique du
système de transport.
1.1.3 Le véhicule
Le véhicule est « ce qui sert à transporter ». Il arrive que le véhicule se confonde
avec l’infrastructure, dans le cas d’une bande convoyeuse ou d’un oléoduc, ou que
certaines marchandises se déplacent sans véhicule, comme du bois flotté descen-
dant une rivière. Laissant de côté ces cas particuliers, on observe d’abord que le
type de véhicule est cohérent avec l’infrastructure utilisée : le couple infrastructure
– véhicule constitue le mode de transport. En outre, le véhicule se compose d’une
partie matérielle mais aussi d’une partie humaine : d’une machine et d’un conduc-
teur, ou plus généralement d’un équipage3. Le véhicule peut être automobile au
sens propre du terme (camion, avion, navire), ou être alimenté en énergie par le
réseau d’infrastructure dans le cas du chemin de fer électrifié4. Enfin, certaines tech-
niques dissocient le véhicule moteur (tracteur routier, locomotive, pousseur fluvial)
et le véhicule porteur (semi-remorque ou remorque, wagon, barge).
La fabrication des véhicules de transport utilitaires est une activité importante, qu’on
mesure par son chiffre d’affaires ou par ses emplois, même si elle n’atteint pas la
taille de l’industrie automobile, proportionnée à un marché de consommation de
masse. L’innovation en matière de véhicules est un élément puissant d’évolution de
l’ensemble du système de transport, tandis que l’innovation sur l’infrastructure et,
surtout depuis quelques années, sur les systèmes de régulation qui renforcent l’inter-
action entre le véhicule et l’infrastructure, ne doit pas être négligée.
L’entretien des véhicules représente un poste substantiel de leur coût d’exploitation.
Il peut constituer une activité interne à l’entreprise transporteuse, ou être confié à un
© Groupe Eyrolles
3. Les cas d’automatisation du pilotage des véhicules de transport de marchandises sont encore exception-
nels, en dehors de certains engins de manutention circulant dans des enceintes limitées (terminaux
portuaires de conteneurs ou entrepôts).
4. Le réseau routier est, lui aussi, le support de la distribution de l’énergie nécessaire à ses propres utilisa-
teurs, mais d’une manière moins immédiatement intégrée.
98
091-214Chap3.fm Page 99 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
5. Alors que la location de véhicule avec conducteur ressortit bien à l’industrie du transport, la location
sans chauffeur, relativement fréquente, répond à une logique plus générique touchant au financement des
actifs utilisés par l’entreprise. La location se pratique couramment pour d’autres équipements industriels,
pour des matériels de bureau (ordinateurs, photocopieurs), sans compter le domaine foncier et immobilier.
6. Par exemple, une part notable du transport ferroviaire est assurée par des « wagons de particuliers ».
Dans le jargon cheminot, cette expression désigne les wagons appartenant à des chargeurs ou, plus
souvent, à ses sociétés de location de wagons. On y oppose les « wagons réseau » appartenant à l’opérateur
ferroviaire. Quant à la traction, elle reste encore le fait des compagnies ferroviaires. L’ouverture des réseaux
ferrés à de nouveaux opérateurs permet, outre de nouvelles compagnies de transport ferroviaire « pour
compte d’autrui », l’apparition de compagnies ferroviaires relevant d’entreprises industrielles ou de distri-
bution (on connaît déjà les cas de BASF en Allemagne et la tentative d’Ikea en Suède). Il s’agit toutefois de
© Groupe Eyrolles
compagnies au sens plein du terme, elles ont une raison sociale alors que le « garage » routier d’un char-
geur industriel ou commercial ne constitue pas une filiale distincte.
7. L’analyse du mot « fret » et de son étymologie avait déjà introduit la notion de location du véhicule (en
l’occurrence un navire, dans le contexte hollandais du XIIIe siècle) avant que le sens du mot s’élargisse en
désignant le prix du transport ou la cargaison elle-même.
99
091-214Chap3.fm Page 100 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
1.1.4 La cargaison
© Groupe Eyrolles
La cargaison se caractérise par divers paramètres, inégalement saisis par les enquêtes
statistiques. Les deux données saisies dans la base SITRAM sont, on l’a vu, la nature
de la marchandise (repérée dans la Nomenclature des statistiques de transport) et le
poids de chaque expédition. Ces données sont agrégées dans les chiffres diffusés.
100
091-214Chap3.fm Page 101 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
L’enquête détaillée sur le transport routier, qui alimente SITRAM, recueille en outre,
pour ce mode, des renseignements sur le conditionnement des marchandises ainsi
transportées (vrac liquide, vrac solide, grands conteneurs, autres conteneurs, palettes,
marchandises préélinguées, unités mobiles, animaux vivants, autres).
On pourrait souhaiter connaître d’autres caractéristiques des envois : leur taille, leur
valeur8, leur température (ambiante ou contrôlée), leur caractère dangereux éven-
tuel, etc. En effet, dans certaines branches du transport, l’intensité et la complexité
des opérations, et donc leur coût, ne sont pas seulement liés au poids de l’expédi-
tion et celui-ci constitue une information relativement pauvre pour en rendre
compte. On conçoit que le transport de grands vracs industriels se mesure convena-
blement en tonnes et en tonnes-kilomètres mais que ces unités de mesure soient mal
adaptées, ou du moins très insuffisantes, pour faire l’analyse économique du trans-
port de courrier ou de colis. Le coût économique d’une livraison de messagerie est
en effet presque identique pour un pli de quelques dizaines de grammes et pour un
colis de quelques kilogrammes.
Quoi qu’il en soit, le conditionnement procède d’un arbitrage économique et tech-
nique pour assurer l’adéquation entre le véhicule et la cargaison. On peut envisager
que cette compatibilité procède entièrement du véhicule, conçu pour être apte à
transporter certaines marchandises nues, en vrac. Le véhicule est alors relativement
spécialisé, car il ne convient qu’à une famille de produits (on ne transporte pas des
animaux vivants dans des bennes, ni du sable dans des bétaillères…).
La spécialisation peut plus simplement résulter de l’affectation du véhicule à un
nombre limité de produits, quand le transport successif de produits différents peut
en altérer la qualité ou la pureté (ainsi, des produits chimiques ou agroalimentaires
qui ne peuvent se succéder sans précaution dans une même citerne). Il est fréquent
que la spécialisation du véhicule aboutisse à un usage asymétrique, chargé dans un
sens et vide au retour, faute de pouvoir trouver une seconde marchandise assurant
un fret de retour et compatible avec le véhicule. Un véhicule vide ne produit rien,
même si ce coût est fatal, et la recherche de fret est un critère primordial de produc-
tivité et de compétitivité pour un transporteur public.
À l’inverse de la spécialisation du véhicule, on peut envisager que le produit soit
emballé de telle sorte qu’il puisse emprunter un véhicule banal (tel qu’un simple
fourgon). Il est alors plus facile d’utiliser le véhicule dans le sens aller et dans le sens
retour, ou selon un dispositif plus complexe en cas de trafics triangulaires et autres.
Il convient en somme de trouver le compromis satisfaisant entre, d’une part, le coût
d’un emballage qui permet la polyvalence du véhicule et, d’autre part, la spécialisa-
tion du véhicule et l’économie d’emballage. La fréquence de répétition de l’opéra-
tion envisagée est un paramètre influent de ce calcul. Une opération exceptionnelle
© Groupe Eyrolles
8. À cet égard, le transport international présente l’intérêt de donner lieu à des recueils d’information plus
détaillés que le transport intérieur : le passage d’une frontière réclame en effet la déclaration de la valeur de
la marchandise transportée, et l’on verra combien celle-ci diffère d’un trafic à un autre et d’une solution de
transport à une autre.
101
091-214Chap3.fm Page 102 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
ne justifie pas l’acquisition, voire la construction sur mesure, d’un véhicule spécia-
lisé, qu’en revanche une opération répétée peut justifier. Ce choix intervient dans le
partage entre transport pour compte propre et transport pour compte d’autrui,
comme on le verra plus loin.
La question de la propriété de la marchandise pose évidemment des problèmes
importants, et justifie l’entrée en jeu d’acteurs supplémentaires à côté du couple
chargeur – transporteur. Alors qu’un industriel « normal » est propriétaire des
produits qu’il acquiert, transforme et commercialise, un transporteur public trans-
forme des objets qui ne lui appartiennent pas. La question de responsabilité est donc
ici lourde d’enjeu, d’autant que le transport se déroule dans un milieu ouvert et non
dans l’enceinte d’un établissement, et qu’il est donc soumis au double aléa de la
circulation et du climat, sans compter les risques de détérioration des biens lors des
manutentions, les pertes et les vols9 lors du transport ou des périodes de tri et de
stockage, etc.
Le droit du transport constitue ainsi un domaine particulier et très important du
droit10, avec depuis longtemps une dimension internationale.
9. Les vols porteraient couramment sur des montants de plusieurs pour cent du chiffre d’affaires dans les
© Groupe Eyrolles
entreprises de messagerie, mais celles-ci préfèrent ne pas « communiquer » sur cette question.
10. On parle ici de droit privé, à côté d’un droit public du transport touchant à l’usage des infrastructures,
au code de la route, etc.
11. La « fortune de mer » est une clause classique des contrats d’assurance maritime.
12. Cf. BERTHELOT, Florence, « Droit du transport routier », in SAVY (dir.), 2006.
102
091-214Chap3.fm Page 103 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
13. A contrario, l’acheminement à longue distance représente parfois une faible part de la valeur totale du
transport de bout en bout. Pour la messagerie terrestre en Europe, on estime que le transport sur les lignes
de traction longue représente seulement entre le quart et le tiers du coût de production total, le reste corres-
pondant aux opérations locales d’enlèvement et de livraison, au traitement statique dans les agences et
plates-formes et aux opérations commerciales et de gestion.
103
091-214Chap3.fm Page 104 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
ces interfaces.
Ces phénomènes se déroulent sur un territoire, et on a déjà dit que le transport est
une industrie essentiellement spatiale. Les sites d’expédition et de réception de la
marchandise s’inscrivent dans l’archipel des localisations de la firme qui en est
104
091-214Chap3.fm Page 105 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
propriétaire, mais également dans la configuration des sites des fournisseurs et des
clients. La géographie des flux est le double de la géographie des lieux. La spéciali-
sation des sites permet les économies de productivité et le développement. Elle
suppose l’échange entre sites complémentaires, et donc la circulation des produits
dans l’espace. Une géographie de la logistique est ébauchée14, bien que les géogra-
phes étudient plus volontiers les réseaux d’infrastructures ou de services que les flux
de marchandises quand ils s’intéressent au transport, tandis que les spécialistes de la
logistique développent une connaissance sectorielle ignorant généralement la
dimension spatiale.
105
091-214Chap3.fm Page 106 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
problème complexe. Il s’agit, en temps réel et dans l’espace, d’affecter au mieux les
conteneurs disponibles aux demandes des chargeurs (en minimisant notamment les
transferts de conteneurs vides), d’accélérer leur rotation, etc.
Un exemple comparable est fourni, en transport terrestre, par la gestion des parcs de
palettes. Un cas plus spécifique est celui des bacs en plastique permettant de trans-
porter des pièces détachées de l’industrie automobile en faisant l’économie de
l’emballage. Il s’agit ici aussi de gérer ce parc (chaque bac est muni d’un code-
barres identificateur), de nettoyer les bacs sales, d’affecter les bacs en bon état dans
le temps et dans l’espace, d’éliminer les bacs détériorés, etc. La filiale de transport
du groupe automobile PSA, Gefco, propose cette prestation à d’autres clients que sa
maison mère (constructeurs électriques par exemple, qui ont des soucis compara-
bles en matière d’emballage), ajoutant ainsi une couche supplémentaire à son
procès technique et à son offre commerciale.
A B
sites d'origine et de destination
cargaison
conditionnement
véhicule
infrastructure
Schéma 3.3 Le conditionnement, couche du dispositif de transport
telle erreur survenait par rapport au programme de transport initialement prévu (par
exemple, si une erreur de tri aboutit à mal orienter un colis dans un réseau de
messagerie). Enfin, ce suivi des envois s’inscrit dans un dispositif plus large de
gestion logistique, parfois partagé par le chargeur et son prestataire et piloté à l’aide
106
091-214Chap3.fm Page 107 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
A B
sites d'origine et de destination
cargaison
Information
véhicule
infrastructure
107
091-214Chap3.fm Page 108 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
modes et notamment du mode routier. En France, la séparation des rails et des trains
a pris la forme de la création de Réseau ferré de France (RFF), établissement public
propriétaire du réseau et responsable de son entretien, de son développement et de
son exploitation, la SNCF et d’autres opérateurs à venir devant lui verser un péage
pour l’utilisation des voies.
A B
sites d'origine et de destination
cargaison
véhicule
}
compagnie
ferroviaire
intégrée infrastructure
Schéma 3.5 Chemin de fer intégré
A B
sites d'origine et de destination
cargaison
}
transport
pour compte
propre véhicule
infrastructure
Schéma 3.6 Transport pour compte propre
Délibérément, les couches du schéma ont été désignées par des choses. L’interac-
tion entre deux niveaux adjacents de couches se traduit par un procès :
• l’interaction de l’infrastructure et du véhicule constitue le trafic. Il se mesure, le
plus souvent, en véhicules-kilomètres (indépendamment donc du chargement des
véhicules et du mouvement des marchandises ainsi accompli, mouvement nul si
les véhicules sont vides). Le trafic importe bien sûr au gestionnaire d’infrastruc-
ture, pour dimensionner les nouveaux projets en fonction des prévisions retenues,
pour gérer les capacités existantes (par la gestion de l’accès, la tarification
d’usage, l’organisation des services de surveillance, de secours, etc.). Le trafic
importe aussi aux usagers, en particulier quand l’infrastructure est saturée. Pour la
route, chaque usager supplémentaire subit alors un ralentissement de son propre
parcours et inflige simultanément un ralentissement aux autres usagers. Pour le
© Groupe Eyrolles
chemin de fer ou les pistes d’aéroports, la limite de trafic admissible n’est pas
modulable, elle se mesure par un nombre maximal de « sillons » ou de « slots »
au-delà duquel les contraintes de sécurité interdisent d’aller. Il se produit alors un
phénomène de file d’attente ;
108
091-214Chap3.fm Page 109 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
A B
sites d'origine et de destination
logistique
cargaison
Information transport
véhicule
trafic
infrastructure
Schéma 3.7 Procès d’interaction entre couches
Enfin, par-delà les relations entre couches adjacentes, on peut identifier un fonction-
nement interdépendant plus large, reliant l’ensemble des couches. Par exemple, les
finalités socio-économiques (qui forment la couche supérieure du schéma) sont
fréquemment évoquées pour apprécier la pertinence d’une modification des carac-
téristiques de l’infrastructure (la couche inférieure). Ces éléments seront repris avec
l’examen du dispositif comme un système intégré, dans un chapitre particulier.
109
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
les points d’entrée et de sortie du réseau et les lieux d’agencement des arcs, que
ceux-ci appartiennent à la même technique ou relèvent de modes de transport diffé-
rents. Le coût de production et la qualité de service du transport se jouent tout
autant dans les nœuds que dans les arcs du réseau, et l’on verra que certaines
grandes entreprises ont aujourd’hui tendance à concentrer leurs investissements
dans les nœuds, lieux de contrôle du dispositif, et à se dégager des arcs, du moins
pour ce qui est de leurs investissements matériels. Mais, si la finalité est toujours de
rejoindre le point de départ et le point d’arrivée, les modalités pour y parvenir
varient considérablement d’un transport à un autre et se traduisent par différentes
morphologies dans l’agencement du réseau.
arc
nœud
Les réseaux se prêtent bien à toute une analyse formelle, et l’on peut notamment
définir et mesurer leur connexité (leur aptitude à relier entre eux des points du
réseau), leur connectivité (la multiplicité des itinéraires menant d’un point à un autre,
gage de robustesse en cas d’incident, de congestion locale, etc.), leur nodalité, etc.16
d’arcs simples, reliant une origine à une destination, et sans autre relation immé-
diate les uns avec les autres. Bien sûr, une interaction efficace entre les arcs du
110
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La production du transport
réseau existe néanmoins et doit être accomplie pour gérer les moyens de transport :
il faut minimiser les parcours à vide en assurant chaque fois que possible un « fret
de retour » et, à défaut, en organisant une triangulation des trajets limitant les
mouvements sans chargement.
Dans d’autres cas, la taille du lot est inférieure à la capacité du véhicule, ou du
moins du plus grand véhicule autorisé. Il faut alors effectuer un arbitrage, de nature
essentiellement économique. Si la rapidité, la sécurité ou la sûreté attendues le
commandent, le transport s’effectuera en droiture, même pour un lot de petite taille
n’utilisant qu’une faible part de la capacité disponible (configuration [1] de
nouveau). On parle alors de « course » et l’on connaît de nombreux exemples
d’utilisation de moyens rapides et coûteux pour acheminer des objets de faible
valeur intrinsèque, mais dont la disponibilité est un enjeu important : composant
manquant pour alimenter le programme de production d’une usine, pièce détachée
nécessaire pour réparer une machine ou un ordinateur, etc.
Hormis ces cas, la productivité du transport et donc son coût et, s’il s’agit d’un trans-
port pour compte d’autrui, son prix, dépendent d’un bon remplissage des véhicules.
Il faut alors que le lot considéré s’ajoute à d’autres pour constituer une cargaison
d’une masse suffisante. Ceci peut s’obtenir en faisant accomplir au véhicule de
transport un circuit de ramassage, regroupant plusieurs lots avant d’accomplir un
trajet d’une certaine longueur (configuration [2]).
Si les lots sont petits et donc nécessairement très nombreux pour remplir un véhi-
cule, dans le cas de colis notamment, l’organisation est plus complexe encore. Il
s’agit de concilier la fragmentation des lots et la préservation de la productivité, par
la massification des envois. Dans les réseaux de messagerie, plusieurs véhicules de
petite taille assurent la collecte des objets dans une aire de départ donnée. Ils
convergent vers un point de transfert où les objets ainsi regroupés sont chargés dans
un véhicule de grande taille assurant la traction de longue distance. Au terme de ce
parcours, une opération inverse d’éclatement des objets par de petits véhicules
assure la livraison dans la zone de destination (configuration [3]). Le dispositif de
collecte et de distribution prend, en plan, la forme caractéristique d’une marguerite.
Les points de transfert – de « rupture de charge » – constituent naturellement des
nœuds du réseau, équipements techniques et immobiliers où s’effectuent, non
seulement les opérations de manutention (tri, chargement et déchargement), mais
aussi la connexion des arcs du réseau : boucles locales de pré et de postachemine-
ment et lignes longues de la traction. Il s’ensuit que la distance parcourue par un
objet est parfois bien plus longue que la distance à vol d’oiseau (distance A – B dans
le diagramme [3]). Pour autant, le coût d’un tel transport, pour chacun des lots ainsi
massifiés, est bien inférieur à celui d’une course directe.
Enfin, si les échanges économiques ne se limitent pas aux flux entre deux bassins
© Groupe Eyrolles
111
091-214Chap3.fm Page 112 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
(1) A B
ramassage
(2)
livraison
collecte A B
traction
(3) ligne à longue
distance
boucle locale
(4)
morphologie plus polarisée, les arcs sont moins ramifiés et convergent vers des axes
lourds reliant un nombre limité de nœuds majeurs : le réseau est hiérarchisé et
distingue généralement les arcs et nœuds de vocation locale et les arcs et nœuds de
connexion longue. Ce modèle aboutit à sa forme ultime quand un point nodal
112
091-214Chap3.fm Page 113 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
unique joue un rôle de pivot central dans l’ensemble du dispositif, selon le principe
du « hub and spokes » (c’est-à-dire le moyeu et les rayons d’une roue de charrette).
Le principe du hub consiste à faire passer tous les envois à travers un site d’inter-
connexion unique, une installation de tri située au centre du réseau, de façon à
massifier les expéditions dans un nombre réduit de véhicules et à desservir un plus
grand nombre de paires d’origine–destination. Ce type de réseau est initialement
apparu dans le transport aérien de voyageurs aux États-Unis où, à la suite de la
déréglementation, les principales compagnies se sont chacune organisées autour
d’un aéroport principal. Il s’est ensuite appliqué au fret, pour le transport express de
courrier et de paquets, mais aussi pour la messagerie terrestre et même le transport
maritime (avec l’émergence des « main ports » alimentant le « feedering »), etc.17
Les effets de massification des envois du point nodal comparés au transport direct
(au prix d’une rupture de charge et d’un allongement du parcours) sont aisément mis
en lumière. Pour relier, un à un, n points dans l’espace, n (n-1) arcs sont nécessaires.
Si ces n points sont mis en relation à travers un hub unique, il suffit que chacun soit
relié à celui-ci par deux arcs (un dans chaque sens), soit 2n arcs. Le nombre d’arcs
d’un réseau polarisé est proportionnel au nombre de points desservis, tandis que
dans un réseau maillé ce nombre croît comme le carré du nombre de points.
Pour relier 20 villes entre elles, il faudra 20 x 19 = 380 véhicules dans un cas,
20 x 2 = 40 véhicules dans l’autre.
Schéma 3.10 Réseau maillé Schéma 3.11 Réseau avec point nodal
© Groupe Eyrolles
17. Le transport intermodal rail-route a lui aussi connu de tels dispositifs en Europe, mais ceux-ci ont été
récemment abandonnés. Ne subsistent que les services en navettes, formés de trains lourds faisant l’aller et
le retour directement entre deux bassins économiques.
113
091-214Chap3.fm Page 114 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Un exemple très simple montre comment les transporteurs peuvent jouer de l’effet
de hub18. Quatre points formant un triangle équilatéral et son centre sont reliés par
un réseau maillé, puis par un réseau organisé selon le principe du point nodal. On
fait l’hypothèse que le trafic total du réseau est le même dans les deux cas, soit deux
véhicules sur chaque arc dans la première configuration. Il s’ensuit que chaque arc
du réseau polarisé aura un trafic de six véhicules dans le même intervalle de temps.
A A
6
2 2 2
D D
2 2 6 6
B C B C
A 2 A
Schéma 3.12 Réseau maillé Schéma 3.13 Réseau avec point nodal
Le transporteur peut alors jouer de cette massification pour arbitrer entre qualité de
service et coût de production, ou combiner ces deux effets.
Il peut estimer que :
• 6 = 6 x 1 : les véhicules restent les mêmes que précédemment mais, au lieu d’une
fréquence de 2, le service a une fréquence de 6. Par exemple, au lieu d’un départ
deux fois par semaine, le service est d’un départ chaque jour ;
• 6 = 2 x 3 : la fréquence des départs est inchangée, mais les véhicules sont trois
fois plus grands, ce qui se traduit par une productivité renforcée (avec donc une
baisse de coût que, selon l’état du marché, le transporteur peut rétrocéder en tout
ou partie à son client chargeur en baissant le prix du transport) ;
• 6 = 3 x 2 : l’opérateur combine les deux effets de qualité et de productivité, avec
une augmentation des fréquences en passant de 2 à 3 dessertes pendant le même
intervalle et en doublant la taille des véhicules.
Le choix de la morphologie du réseau dépend de la structure du transport à assurer,
de la nature des biens et notamment de la taille des lots qu’ils constituent. Un trans-
port de lots de grande taille s’organise en réseau maillé. Pour un tel transport, le
facteur de traction, proportionnel à la distance, représente en effet la plus grosse
part du coût total et c’est donc sur sa minimisation que repose la construction du
plan de transport. En revanche, pour des lots de petite taille, les opérations de
© Groupe Eyrolles
18. Exemple emprunté à A. BONNAFOUS, qui fait de Lyon le centre du triangle Rotterdam – Barcelone –
Milan, in Circuler demain.
114
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La production du transport
115
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Il ne faudrait pas, enfin, oublier qu’au réseau physique ainsi caractérisé s’ajoute un
réseau « invisible », mais non immatériel, le réseau de l’information. Dans une
messagerie moderne, chaque envoi fait l’objet d’un suivi individuel, chaque étape
de son acheminement est saisie et cette information est transmise à une banque de
données centrale :
• enlèvement (1) ;
• groupage et chargement sur un véhicule de traction longue (2) ;
• dégroupage (3) ;
• livraison (4) ;
• jusqu’à l’information à l’expéditeur de l’arrivée de son envoi (5).
On peut ainsi repérer la situation de l’objet, qu’elle soit ou non conforme au
programme initialement prévu. La réparation des erreurs s’en trouve facilitée, de
même que l’avertissement du client ou du destinataire en cas de retard de la
livraison, pour lui permettre de prendre des dispositions limitant les conséquences
fâcheuses du retard (modification du programme de production industrielle en fonc-
tion de la disponibilité des pièces, par exemple). Dans certains cas, le rôle du réseau
d’information est plus fort encore, un signal d’erreur pouvant être transmis pour
corriger une erreur au moment où elle est commise : quand on charge un colis dans
le mauvais véhicule de correspondance, par exemple.
Les systèmes d’information représentent désormais un élément important des dispo-
sitifs de transport. Ils servent à la fois au pilotage du procès de transport, comme il
vient d’être dit, ils sont aussi des éléments de contact commercial avec le client
(celui-ci peut installer sur son propre système les logiciels du transporteur auquel il
fait appel, et faire lui-même les tâches de saisie des données nécessaires au trafic
qu’il lui remet, suivre les étapes d’acheminement de son envoi, etc.). Les systèmes
d’information permettent enfin de nourrir l’appareil de gestion d’informations
nombreuses, propres à de multiples exploitations (de l’analyse financière à la tenue
de tableaux de bord de la qualité). Les investissements en systèmes d’information ne
sont pas proportionnels à la taille de la firme qui les construit ou les utilise, et cet
effet d’économie d’échelle avantage les grandes entreprises ou les regroupements
d’entreprises19.
Le dispositif technique du transport n’est pas seulement un problème d’ingénieurs, il
influence directement l’organisation du marché du transport et des entreprises. Il
intéresse évidemment les chargeurs, pour qui la connaissance précise du procès est
la seule manière d’apprécier le traitement auquel leurs envois sont soumis et son
adéquation à leurs besoins et leurs contraintes. Il est de façon plus directe encore le
fait des transporteurs, l’organisation technico-commerciale du marché établissant
une relative cohérence entre trois aspects du système :
© Groupe Eyrolles
116
091-214Chap3.fm Page 117 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
Banque
de
données
1
4
2
3
B livraison
A enlèvement
traction
groupage
dégroupage
© Groupe Eyrolles
117
091-214Chap3.fm Page 118 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
20. Le transport de fret par les ménages et pour leur propre consommation est généralement négligé.
Pourtant, la consommation d’énergie du déplacement automobile du consommateur de son domicile au
lieu de vente est du même ordre de grandeur que celle de toute la distribution physique du produit
acheté, de son lieu de fabrication ou d’importation en Europe à son lieu de vente au détail.
© Groupe Eyrolles
21. Les transports de marchandises, SITRAM résultats généraux, ministère de l’Équipement, des Transports et
du Logement, Service Économie, Statistique et Prospective, annuel.
22. Les entreprises de transport, Enquête annuelle d’entreprise, ministère de l’Équipement, des Transports et
du Logement, Service Économie, Statistique et Prospective, annuel.
23. EU Energy and transport in figures, Statistical pocketbook, European commission, annuel.
118
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La production du transport
119
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
locaux.
Qu’il s’agisse de desservir ou de franchir, la densité de population demeure un
élément clef, qu’il renvoie à la finalité de la desserte ou aux capacités à financer les
moyens de franchissement. Aussi bien les pays européens étudiés sont-ils, dans les
120
091-214Chap3.fm Page 121 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
rg
ni
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Fin
Fin
Au
Pa
Po
Be
Es
Da
xe
ya
Al
Lu
Ro
Une « loi » se dégage de ce graphique : les pays les plus denses, à gauche, ont à
supporter une charge d’infrastructure par habitant bien moins lourde que les pays
peu denses, rangés à droite. Autour de cette loi, des écarts significatifs se distinguent
néanmoins. Parmi les pays denses, le Royaume-Uni est comparativement peu doté,
même en matière de routes. Parmi les pays peu denses, la Suède et plus encore la
Finlande ont accompli un effort remarquable d’équipement.
Dans cet ensemble, la France est dans une position moyenne mais plutôt favorable :
quel que soit le mode de transport considéré, sa dotation par habitant est supérieure
à la moyenne européenne (avec selon les modes un avantage de 20 % à 50 % par
rapport au taux moyen). Ce constat ne suffit pas à évaluer si cette dotation est suffi-
sante, compte tenu des spécificités du territoire national, des pratiques de transport
de voyageurs et de marchandises qui y prévalent, des fonctions de transit interna-
tional qu’il assume. Il suffit encore moins à estimer si cette dotation sera suffisante
dans les années à venir, compte tenu des projections de transport élaborées par les
© Groupe Eyrolles
121
091-214Chap3.fm Page 122 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
lie
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122
091-214Chap3.fm Page 123 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
8000
Pays Bas
7000
6000
5000
y = 15,88x - 537,02
Belgique
R 2 = 0,7746
Routes
4000
3000 Italie
France Allemagne
2000
Danemark
Autriche Royaume Uni
Finlande Portugal
1000
Grèce
0 Espagne
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450
-1000
Population
Source : calculs à partir de EU Energy and transport in figures,
Statistical pocketbook 2001, European commission, 2001
Schéma 3.18 Densité de population et densité de routes
123
091-214Chap3.fm Page 124 Lundi, 9. octobre 2006 4:22 16
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
> 8.0
4.0 - 8.0
2.0 - 4.0
0.0 - 2.0
0.0
124
091-214Chap3.fm Page 125 Lundi, 9. octobre 2006 4:22 16
La production du transport
De 1970 à 1999, soit sur une trentaine d’années, les pays de l’Union européenne ont
fait un important effort d’équipement pour se doter d’autoroutes accompagnant et
autorisant la croissance du trafic routier (voitures particulières en majorité mais aussi,
pour ce qui nous intéresse ici, véhicules utilitaires). Alors que la longueur du réseau
125
091-214Chap3.fm Page 126 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Royaume-
1 183 3 476 19 330 16 984 1 631 1 153
Uni
Source : Eurostat
Tableau 3.2 Évolution des infrastructures de transport en Europe, 1970-1999
126
091-214Chap3.fm Page 127 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
grosses réparations) y est inclus ou non. En outre, la ventilation des dépenses entre
divers niveaux d’administration varie d’un pays à l’autre, et différencie notamment
les pays centralisés et les pays fédéraux, qui parfois ne consolident pas les
dépenses des diverses instances. Aussi bien, les chiffres suivants se limitent-ils
délibérément à une agrégation des données couvrant plusieurs pays européens :
aucun ne saurait être tenu pour un chiffrage rigoureux, mais leur addition donne
une idée vraisemblable d’une structure et d’une tendance d’ensemble. Tirés d’une
présentation publique de données de la CEMT24, ils couvrent six pays d’Europe
occidentale : Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni, pour
la période 1991-1998. Ils sont exprimés en valeurs monétaires constantes, hors
inflation, et ramenés à un équivalent en euros avant leur agrégation.
Sur la période couverte, on observe un tassement absolu du montant des investisse-
ments. Si l’on considère que la croissance économique, quoique ralentie, restait
positive, la part des investissements en infrastructures mesurée en parts de PIB a
donc décru de façon plus marquée encore :
• certains observateurs s’en alarment ;
• d’autres soulignent que les techniques de construction ont fait des progrès, et que
l’on obtient donc aujourd’hui davantage d’ouvrages que jadis pour la même
dépense (mais ils ignorent le surcoût lié aux préoccupations d’inscription dans le
site et de réduction des nuisances qui marquent désormais les projets) ;
• d’autres encore estiment que les gros efforts d’équipement ont été accomplis (le
réseau autoroutier français couvre désormais l’ensemble du territoire national,
seuls quelques maillons manquent encore) et qu’il suffit maintenant d’accompa-
gner la croissance, sans oublier l’entretien du stock existant.
Dans cette enveloppe, on constate une évolution. La réduction des dépenses touche
principalement le réseau routier, tandis que les autres modes montrent un profil de
dépenses plus stable. En conséquence, la part de la route dans les infrastructures a
décliné de 71 % du total en 1994 (année où ce pourcentage culmine pendant la
période couverte) à 61 % en 1998, tandis que celle du rail passait de 17 % à 26 %,
celle des ports de 2 % à 3 % et enfin celle des aéroports de 6 à 7 %. On regrettera
sans doute la difficulté à disposer de données récentes et homogènes sur une ques-
tion d’un tel intérêt économique et politique…
© Groupe Eyrolles
24. Conférence européenne des ministres des transports. Colloque de l’association TDIE, Paris, 14 avril
2003.
127
091-214Chap3.fm Page 128 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
70000,00
60000,00
50000,00
40000,00
30000,00
20000,00
10000,00
0,00
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998
128
091-214Chap3.fm Page 129 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
129
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
De 1970 à 2000, la part du rail dans le volume total de transport mesuré en tonnes-
kilomètres a régressé de 30 % à 12 %, celle de la voie d’eau de 11 % à 6 %, tandis
que la route passait de 51 % à 72 %. Il ne faut pas toutefois en conclure à l’effon-
drement absolu du rail, comme on l’entend parfois énoncer : le rail a arrêté son
déclin absolu pendant les années 1990 et depuis, maintient à peu près son volume
de trafic, mais celui-ci stagne dans un total qui augmente.
350
300
250
200
t.km
150
100
50
130
091-214Chap3.fm Page 131 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
A
NL
P
L
N
UK
DK
E
F
I
15
IR
FI
EU
Route Rail Voies navigables Oléoducs
Schéma 3.24 Partage modal des pays membres de l’Union européenne, 2000
131
091-214Chap3.fm Page 132 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
80
70
60
50
%
40
30
20
10
0
1970 1975 1980 1985 1990 1995 1998
Route Fer Voie navigable Oléoduc
Schéma 3.25 Partage modal en France, 1970-1998
132
091-214Chap3.fm Page 133 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
Pour les échanges intracommunautaires, la route est le mode le plus utilisé (45 %
des tonnes et 62 % de la valeur), mais la mer joue également un rôle notoire avec
28 % des tonnes et 22 % de la valeur, avant le fer ou la voie d’eau. La part de la voie
maritime est encore supérieure si elle est mesurée en tonnes-kilomètres, comme il
apparaîtra sur le graphique comparant la structure du transport en Europe, aux États-
Unis et au Japon. On sait que les autorités communautaires souhaitent développer
le transport maritime intra-européen, avec la formule des « autoroutes de la mer ».
Quant à la voie aérienne, elle joue un rôle beaucoup plus limité à l’intérieur de
l’Europe que pour ses échanges avec le reste du monde : sauf pour l’express, les pré
et postacheminements continentaux du transport aérien intercontinental s’effectuent
essentiellement par la route.
Pour ce qui est des échanges extra-communautaires, on note l’importance prépon-
dérante du transport maritime, en tonnage (70 % du total) et en valeur (41 %). Le
transport aérien, s’il ne représente que 0,3 % des tonnages, représente néanmoins
25 % de la valeur de ces échanges, et arrive ainsi avant la route (21 %). On observe
que la densité de valeur des produits transportés, mesurée en euros par tonne, varie
dans un rapport de 1 à 700 entre la voie d’eau et les oléoducs d’une part, et le trans-
port aérien d’autre part ! En revanche, les densités de valeur des produits transportés
© Groupe Eyrolles
par mer, route et rail sont du même ordre de grandeur et vont dans le sens d’une
concurrence/substituabilité relative de ces trois modes.
133
091-214Chap3.fm Page 134 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
134
091-214Chap3.fm Page 135 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
Coûts de structure
14 % Carburant
Assurances + taxes 21 %
3%
Péages
5%
Salaires + charges
+ frais de route
36 %
Source : CNR
Pour faciliter les calculs aux utilisateurs de ses données, le CNR regroupe ces éléments
(qui procèdent déjà chacun d’une agrégation de plusieurs postes) en trois termes addi-
tionnables : un terme kilométrique (représentant environ 35 % du coût total dans les
conditions d’exploitation envisagées) et deux termes liés au temps, sur un rythme
horaire (36 %) et journalier (29 % en y incorporant les frais de structure).
On peut ainsi considérer que le coût du transport routier varie linéairement avec la
distance, l’ensemble des coûts variables : salaire du conducteur, consommation
© Groupe Eyrolles
d’énergie, usure et entretien du véhicule, péages, etc. lui étant à peu près propor-
tionnels. Il demeure qu’une part non négligeable des coûts est indépendante de la
distance de transport accomplie : trajet à vide entre le lieu de garage du véhicule et
son lieu de mise à disposition du chargeur, mise en état du véhicule, opérations de
135
091-214Chap3.fm Page 136 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
8000
7000
6000
coût
5000
4000
3000
2000
1000
0
0 200 400 600 800 1000 1200
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distance
136
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La production du transport
Indépendamment de tous les autres éléments, la route est donc plus avantageuse
que le rail pour les courtes distances, tandis que c’est l’inverse que l’on observe
pour les longues distances. Bien sûr, d’autres éléments entrent en ligne de compte
dans le partage modal, comme la taille des lots, le délai souhaité par l’expéditeur
ou le destinataire, etc., et le rail ne détient pas l’intégralité du marché du fret à
longue distance, tant s’en faut. Il reste que les plages de concurrence effective
entre le rail et la route ne sont pas aussi vastes que l’observation inattentive du
trafic routier le laisserait croire. Il ne suffit pas d’une file de camions sur une route
congestionnée pour faire un train : à courte distance, la route coûte bien moins
cher que le train, alors que la plus grosse part du transport routier est à courte
distance, comme on le sait.
90
80
70
60
coût / km
50
40
30
Route
20
10
Rail
0
0 200 400 600 800 1000 1200
distance
Il ne faudrait toutefois pas attribuer tous les écarts de prix entre modes concurrents
à une rémunération par le marché d’un écart de qualité de service, comme on le
lit souvent. Le graphique suivant compare le coût routier et le coût ferroviaire.
Mais, au lieu de représenter le coût total (avec une forme linéaire : y = ax + b), il
représente le coût kilométrique (avec une forme hyperbolique : y/x = a + b/x). Si le
domaine principal de pertinence de la route est la courte distance, et si celui du fer
est la longue distance, il n’est pas étonnant de constater que le coût kilométrique
© Groupe Eyrolles
137
091-214Chap3.fm Page 138 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Si le prix moyen de la route est près de quatre fois supérieur à celui du fer, cela ne
tient pas pour l’essentiel à la propension des chargeurs à payer plus cher une
meilleure qualité de service : dans le schéma, ceux-ci choisissent toujours le mode
le moins coûteux !
25. La mobilité physique de la marchandise (son déplacement dans l’espace) requiert du temps, et en
suspend l’usage. Elle se traduit par l’immobilisation financière du capital correspondant (son incapacité à
dégager un profit), dont le « coût d’opportunité » est égal au profit que ce capital aurait pu dégager s’il avait
été placé, pendant le même temps, sur le marché financier.
138
091-214Chap3.fm Page 139 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
coût
A''
CTG A
CTG B B''
CTB
B'
CTA
A'
P B A temps
Schéma 3.28 Coût généralisé de transport (1)
© Groupe Eyrolles
139
091-214Chap3.fm Page 140 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
En revanche, si la pente des droites A’A’’ et B’B’’ est plus faible que précédemment,
le transporteur A offrant un coût de transport CTA inférieur à CTB est, malgré un
temps de transport plus long, compétitif en termes de coût de transport généralisé :
CGTA est inférieur à CGTB.
A
coût
CGTB B''
CGTA
CTB A'' B'
CTA A'
P B A temps
26. Pour dire les choses autrement et dans le cas français, l’analyse de la matrice des échanges interrégio-
naux montre que 72 % du tonnage transporté figure sur la diagonale de la matrice, c’est-à-dire ne franchit
pas les frontières d’une région ! Encore l’enquête Transport routier de marchandises du SESP ne tient-elle
pas compte des véhicules utilitaires légers, qui sont utilisés sur des distances moyennes plus courtes encore.
140
091-214Chap3.fm Page 141 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
les tonnages les plus importants est entre 50 et 150 km, et pour le chemin de fer
c’est la classe entre 150 et 500 km.
La faiblesse de la distance moyenne de transport explique évidemment l’usage
intensif de la route qui, partout en Europe, assure les tonnages les plus importants. Il
faut toutefois apporter une nuance à ce constat : les données statistiques disponibles
ne portent que sur les trajets (d’un chargement à un déchargement de véhicule),
elles ne renseignent pas sur les chaînes de transport associant plusieurs maillons de
bout en bout. Or, qu’il s’agisse de chaînes routières ou de chaînes multimodales, les
opérations routières de courte distance sont fréquemment le pré ou le postachemi-
nement d’une chaîne de longue distance. Les relations économiques effectives sont
ainsi à plus longue distance que le seul examen de la longueur des maillons le
donnerait à croire. En outre, les distances de transport mesurées dans les deux
graphiques européens examinés concernent les transports nationaux : la longueur
de bout en bout des liaisons internationales n’est pas prise en compte, l’appareil
statistique européen est encore bien incomplet…
70
60
50
40
%
30
20
10
0
0-49 50-149 150-499 500-
Route Rail VN
Source : EU Energy and Transport in Figures,
Statistical Pocketbook 2002, European Commission, 2002
© Groupe Eyrolles
Schéma 3.30 Répartition du tonnage de chaque mode par classe de distances, 2001
(en % pour chaque mode)
141
091-214Chap3.fm Page 142 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Il faut insister sur l’intensité du transport routier local qui se traduit par des files de
camions plus ou moins continues et préoccupe légitimement les élus locaux. La
question politique d’un transfert vers d’autres modes est couramment posée. La faible
longueur des trajets accomplis interdit de transférer les transports routiers locaux sur
des modes alternatifs, qui nécessiteraient de toute façon des opérations routières
terminales d’accès aux sites ferroviaires ou fluviaux ! Le débat sur l’opportunité d’un
transfert, en revanche, est pertinent pour les transports à longue distance.
La part du transport total assurée par chaque mode est ainsi différente selon les classes
de distance. Le chemin de fer ne représente que 2 % des tonnages transportés à moins
de 50 km, tandis qu’il représente 19 % des tonnages transportés au-delà de 500 km.
Quand on sait que le transport international représente couramment la moitié du
transport ferré et que le graphique considéré ne prend en compte que les transports
nationaux, la part du fer sur les liaisons à longue distance est sans doute sous-estimée :
faudrait-il l’évaluer à quelque 30 % ? L’enjeu économique, environnemental et poli-
tique du fer en Europe prend alors plus de relief27.
120
100
80
%
60
40
20
0
0-49 50-149 150-499 500-
Route Rail VN
Source : EU Energy and Transport in Figures,
Statistical Pocketbook 2002, European Commission, 2002
Schéma 3.31 Partage modal par classe de distances, 2001 (en % pour chaque classe)
© Groupe Eyrolles
27. Cf. SAVY Michel, « Transport de fret : le rail ou la route ? », Sociétal, n° 49, PUF, 3e trimestre 2005, pp. 73-78.
142
091-214Chap3.fm Page 143 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
Pour ce qui est de l’influence de la valeur du produit transporté sur le partage modal,
on a vu que ce critère n’était connu en Europe que pour les transports internationaux
et permettait de classer les modes en trois catégories :
• la voie d’eau et l’oléoduc spécialisés dans le transport de produits à très faible
valeur (de l’ordre de 100 €/t, même si le transport fluvial de conteneurs connaît un
réel développement) ;
• la route, le rail et la voie maritime pour les produits de valeur intermédiaire (de
l’ordre de 1 000 €/t) ;
• l’avion pour les produits les plus précieux (plus de 60 000 €/t).
Cette spécialisation se retrouve sur le marché américain, où les enquêtes enregistrent
la valeur des produits transportés, sinon la valeur de l’opération de transport28.
100 000
10 000
$ / t (échelle log.)
1 000
100
10
1
Tous modes Air Multimodal Route Voie d'eau Rail Pipeline Autres
Source : U.S. Department of Transportation, Bureau of Transportation Statistics,
based on 1993 and preliminary 2002 Commodity Flow Survey data
plus additional estimates from Bureau of Transportation Statistics
Schéma 3.32 Densité de valeur du fret, par mode de transport (États-Unis, 2002)
Dans une certaine mesure, ces décalages désignent une marge de manœuvre à long
terme pour les acteurs du système de transport d’Europe de l’Ouest : si le marché
28. Une enquête de recherche telle que l’enquête ECHO devrait prochainement fournir de telles données.
143
091-214Chap3.fm Page 144 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
100 %
90 %
80 %
70 %
60 %
50 %
40 %
30 %
20 %
10 %
0%
Europe 15 USA Japon
Si elle montre une affectation modale très différente, la statistique américaine montre
toutefois une spécialisation modale très proche de l’européenne, avec une part
prépondérante de la route dans les transports à courte distance, et des chemins de fer,
des oléoducs et de la voie d’eau dans les longues distances.
Le partage modal peut ici se calculer selon trois unités : les tonnes, les tonnes-
kilomètres et la valeur des produits transportés, auxquelles correspondent en effet
des pondérations très différentes.
© Groupe Eyrolles
144
091-214Chap3.fm Page 145 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
1 400
1 200
1 000
800
miles
600
400
200
0
Air Route Rail Navigation Grands Voie Oléoduc : Oléoduc :
côtière lacs d'eau brut raffiné
Source : U.S. Department of Transportation, Bureau of Transportation Statistics
Schéma 3.34 Longueur moyenne des trajets, par mode, États-Unis, 1999
70,0
60,0
50,0
40,0
%
30,0
20,0
10,0
0,0
© Groupe Eyrolles
145
091-214Chap3.fm Page 146 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
100
milliards de t-km
10
0
1830 1880 1930 1980
Quant à la part qu’ont prise les divers modes à la production de ce transport, elle a
connu plusieurs transformations profondes successives. Au début du XIXe siècle, le
transport terrestre se partage entre la route (route hippomobile et d’une faible
productivité), la voie navigable utilisée chaque fois que possible et enfin la naviga-
tion côtière. L’apparition du chemin de fer bouleverse rapidement le système, le
transport devient tout à la fois beaucoup plus rapide et beaucoup moins onéreux. Le
fer s’impose comme le mode dominant, jusqu’à la période de la première guerre
mondiale. Puis la route connaît un nouveau dynamisme – automobile – qui se cons-
tate encore de nos jours. Cette tendance longue est-elle appelée à se prolonger
durablement ?
© Groupe Eyrolles
146
091-214Chap3.fm Page 147 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
80,0%
croissance de la route
70,0%
60,0%
croissance du fer
parts modales
50,0%
40,0%
30,0%
20,0%
10,0%
0,0%
1820 1840 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020
année
tandis que l’externalisation est le fait de l’entreprise donneuse d’ordre qui exclut
une fonction de son champ d’activité sinon de son champ de préoccupation.
Dans le système général de fret, l’externalisation est un phénomène à plusieurs
niveaux. Il désigne d’abord l’arbitrage, par un chargeur, entre compte propre et
147
091-214Chap3.fm Page 148 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
A X Y Z
B
Si X et Y décident tous deux d'externaliser le transport en le confiant à un même presta-
taire, Z, et à condition bien sûr que les marchandises et les véhicules soient compatibles,
celui-ci n'aura besoin que de 4 véhicules, au lieu de 6, pour acheminer l'ensemble de
leur fret, avec un coefficient de parcours en charge de 100 %.
Le compte d'autrui permet de partager des moyens, d'améliorer la productivité et
d'abaisser le coût du transport. Le compte propre permet une organisation du transport
plus autonome, mieux adaptée aux spécificités du chargeur et de ses produits.
© Groupe Eyrolles
Pour mettre en lumière les critères effectifs de partage entre transport pour compte
propre et transport pour compte d'autrui, on s'appuiera sur le cas du transport routier
(bien que le partage entre les deux régimes se retrouve aussi, mutatis mutandis, pour
148
091-214Chap3.fm Page 149 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
les autres modes de transport). L'enquête annuelle sur le transport routier de marchan-
dises (TRM) du Service économie, statistiques et prospective (SESP) du ministère de
l'Équipement couvre en effet l'intégralité du transport routier, compte propre et
compte d'autrui, et renseigne sur les données suivantes :
• le volume de transport ;
• le parc de véhicules utilisé ;
• le conditionnement des marchandises transportées ;
• le type de parcours accompli.
Cette abondance de données permet de comparer compte propre et compte d’autrui
et d’entrer ainsi dans les mécanismes d’externalisation.
t 58,3 41,7
• Quand le transport est mesuré en tonnes, le compte propre représente environ les
trois quarts du compte d’autrui, et son rôle n’est rien moins que marginal. Le
marché des transports est loin de répondre à l’intégralité des besoins des char-
geurs, qui n’externalisent ainsi qu’une part de leur fret ;
• Quand le transport est mesuré en tonnes-kilomètres, les proportions sont très
différentes, puisque le compte d’autrui est quatre fois plus important que le
compte propre. Le partage entre compte propre et compte d’autrui est en effet
fortement lié à la distance de transport. Jouant un rôle substantiel en deçà de
© Groupe Eyrolles
149
091-214Chap3.fm Page 150 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
450 000
400 000
350 000
300 000
tonnes
250 000
200 000
150 000
100 000
50 000
0
< 25 25-50 50-100 100-150 150-200 200-300 300-400 400-500 500 et +
distances en km
CA CP Total
Source : Enquête TRM, SESP, 2004
Schéma 3.38 Répartition du transport routier par classe de distance (tonnes), 2003
La différence de distance moyenne entre les deux régimes de transport renvoie à des
différences de nature des transports ainsi réalisés, comme va le confirmer l’examen
des autres variables disponibles.
150
091-214Chap3.fm Page 151 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
La ventilation des camions par taille (au-delà de 3 t de charge utile) montre, de même,
que la flotte du compte propre est composée de davantage de camions de petite taille,
tandis que le compte d’autrui trouve sa productivité par l’utilisation de camions plus
lourds et, comme on l’a vu, d’ensembles articulés (tracteur et semi-remorque).
151
091-214Chap3.fm Page 152 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
152
091-214Chap3.fm Page 153 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
153
091-214Chap3.fm Page 154 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
t (%) CA CP Total
Vrac liquide 53,1 46,9 100,0
On constate notamment que le compte d’autrui assure une part largement majoritaire
du transport de produits conditionnés (en conteneurs, en palettes), tandis que les
produits en vrac se répartissent de façon plus égale entre les deux régimes de transport,
et qu’enfin des produits très liés à une profession particulière, les animaux vivants par
exemple, sont massivement transportés avec les moyens du compte propre.
T (%) CA CP
Circuits 8 14
Navettes 46 61
© Groupe Eyrolles
Autres 46 26
154
091-214Chap3.fm Page 155 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
Secteur des
64 25 82 54
transports dont :
TRM 54 20 1 33
auxiliaires 7 4 2 5
Autres secteurs
36 75 18 46
dont :
industrie 6 18 1 9
construction 7 2 0 4
commerce 7 31 1 14
autres services 16 25 16 19
29. Repris dans le rapport annuel des Comptes des transports de la Nation pour 2004.
155
091-214Chap3.fm Page 156 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
156
091-214Chap3.fm Page 157 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
Toutes ces analyses reposeront sur l’Enquête annuelle d’entreprise (EAE) établie par le
SESP, qui permet ainsi une approche en termes d’économie industrielle, c’est-à-dire
d’économie de la branche du transport routier (le transport pour compte propre n’est
pas ici saisi, puisqu’il est inclus dans les diverses branches auxquelles appartiennent
les chargeurs qui le mettent en œuvre). On envisagera ensuite la branche connexe de
l’organisation du transport de fret et enfin celle de l’entreposage (non frigorifique).
30. Tous les chiffres qui suivent sont extraits de l’Enquête annuelle d’entreprise du SESP pour l’année 2003,
dont les références figurent dans la bibliographie.
31. Un autre phénomène, que l’on analysera en détail, est l’implication des grandes entreprises et des
groupes dans des fusions-acquisitions de grande envergure.
157
091-214Chap3.fm Page 158 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
90
80
70
60
50
%
40
30
20
10
0
0 à 9 salariés de 10 à 49 salariés 50 salariés et plus
La faible taille moyenne des entreprises de transport routier n’est pas propre à la
France, comme le montre le graphique suivant qui couvre les pays membres de
l’Union européenne à 15. On y lit un gradient du Sud au Nord, la fragmentation de la
branche du transport routier étant la plus forte en Espagne, en Italie et au Portugal –
mais aussi en Finlande – et moindre au Luxembourg et aux Pays-Bas, champions du
transport européen. Le chiffre concernant la Grèce est un peu surprenant (et n’est pas
repris dans certaines sources européennes…). Quoi qu’il en soit, la taille moyenne des
entreprises de transport routier en France est supérieure à la moyenne européenne.
Il faut souligner que ces données portent sur les entreprises et non sur les groupes
(dont les plus gros peuvent rassembler et coordonner plusieurs dizaines de firmes).
Par exemple, il est fréquent que chaque agence locale d’une entreprise de messa-
gerie constitue une filiale de la maison mère, juridiquement distincte mais effective-
ment incluse dans le dispositif commercial et technique du réseau. Il faut ainsi
chercher une notion plus pertinente, sous l’angle financier et opérationnel, que la
notion administrative d’entreprise32. Enfin, l’examen des structures de la branche du
© Groupe Eyrolles
32. L’expression d’« entreprise-réseau » désigne précisément ces modes d’organisation où les frontières opéra-
tionnelles d’une grande firme, ou d’un grand groupe, ne se limitent pas à ses bornes financières mais incluent
aussi, de manière plus ou moins explicite et pérenne, des fournisseurs, des « alliés », voire des clients…
158
091-214Chap3.fm Page 159 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
14
12
10
0
NL L EL A F UK S IRL B D DK P FIN I E EU 15
Schéma 3.40 Taille moyenne des entreprises de transport routier
dans l’Union européenne
159
091-214Chap3.fm Page 160 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
source technique pour des rendements croissants avec le volume de production, une
grande entreprise est-elle simplement « homothétique » à une petite et montre-t-elle,
à un facteur de taille près, les mêmes fonctionnements ?
Pour éclairer cette question, on pourra commenter divers indicateurs, tous calculés
en tenant compte de la taille des entreprises (ces dernières étant regroupées par
classes d’effectifs dans les enquêtes statistiques) : chiffre d’affaires par personne,
investissement par personne, taux de sous-traitance dans le chiffre d’affaires de
transport et enfin pourcentage des investissements consacré à d’autres immobilisa-
tions que du matériel de transport.
100
80
k
60
40
20
0
0 salarié 1 ou 2 de 3 à 5 de 6 à 9 de 10 à 19 de 20 à 49 de 50 à 99 de 100 à 249 250 salariés
salariés salariés salariés salariés salariés salariés salariés et plus
Les plus petites entreprises marquent un niveau de recettes par emploi nettement
inférieur à la moyenne de la branche. On verra que cela correspond largement à
une spécialisation technico-commerciale dans le transport de courte distance.
À partir de 6 salariés en revanche, les écarts de chiffre d’affaires par personne en
fonction de la taille de l’entreprise sont peu significatifs.
© Groupe Eyrolles
160
091-214Chap3.fm Page 161 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
4
k
0
0 salarié 1 ou 2 de 3 à 5 de 6 à 9 de 10 à 19 de 20 à 49 de 50 à 99 de 100 à 249 250 salariés
salariés salariés salariés salariés salariés salariés salariés et plus
Schéma 3.42 Investissement par personne selon la taille des entreprises de TRM
Hormis la césure entre très petites entreprises et reste de la branche, ces deux
premiers indicateurs ne montrent pas de forte différenciation des performances des
entreprises en fonction de leur taille, ce qui semble confirmer l’hypothèse d’absence
d’économie d’échelle présentée précédemment. Mais, s’il n’y a pas d’économie
d’échelle liée à la productivité directe des équipements employés, on va voir que
des différences organisationnelles, liées aux relations entre firmes à l’intérieur
même de la branche, donnent à la taille des firmes une grande influence sur leur
rôle dans le fonctionnement du marché du fret.
© Groupe Eyrolles
161
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
16,0
14,0
12,0
10,0
%
8,0
6,0
4,0
2,0
0,0
0 salarié 1 ou 2 de 3 à 5 de 6 à 9 de 10 à 19 de 20 à 49 de 50 à 99 de 100 à 249 250 salariés
salariés salariés salariés salariés salariés salariés salariés et plus
162
091-214Chap3.fm Page 163 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
35
30
25
20
%
15
10
0
0 salarié 1 ou 2 de 3 à 5 de 6 à 9 de 10 à 19 de 20 à 49 de 50 à 99 de 100 à 249 250 salariés
salariés salariés salariés salariés salariés salariés salariés et plus
163
091-214Chap3.fm Page 164 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
tivité sur le marché du fret dans le cas du transport pour compte d’autrui).
Le schéma alors présenté était quelque peu simplificateur, quand il envisageait qu’à un
trajet chargé de A en B pouvait éventuellement succéder un trajet chargé de B en A
(situation [1] ci-dessous). Il y a en effet peu de cas où le point de rechargement coïncide
164
091-214Chap3.fm Page 165 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
B
B B B'
A
A A'
A
A
Cette distinction technico-économique, à forte dimension spatiale, explique largement
les différences structurelles entre les sous-branches du transport routier de courte et
de longue distance. L’un utilise généralement des véhicules de plus petite taille, avec
un taux de chargement moyen assez bas du fait d’un taux élevé de trajet à vide, tandis
que l’autre assure sa productivité en mettant massivement en ligne des ensembles
routiers répondant aux cotes maximales de la réglementation (« maxicodes ») qu’il
© Groupe Eyrolles
s’agit de remplir au mieux. Les unités physiques de mesure du transport (t, t.km), assez
pertinentes pour analyser la longue distance, sont peu adaptées à l’analyse de la courte
distance, où il faudrait notamment pouvoir compter en nombre d’objets (à charger,
livrer, décharger) et pas seulement en poids.
165
091-214Chap3.fm Page 166 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Location de véhicules
La location de véhicules avec conducteur constitue une des quatre sous-branches du
transport routier de marchandises. Contrairement à la location sans chauffeur, qui
relève d’une logique plus financière qu’industrielle, la location avec chauffeur est en
effet immédiatement partie prenante à la production du transport et appartient bien à
l’industrie du transport proprement dit.
La pratique de la location est presque aussi vieille que le transport, si l’on se souvient
des divers sens du mot fret : prix de transport et, par extension, cargaison transportée
et prix de location d’un véhicule (sens attesté dès 1606). Le loueur, propriétaire du véhi-
cule, ne le met pas en œuvre directement dans une opération de transport, mais le
loue à un locataire.
Celui-ci peut être un chargeur, qui utilise le véhicule dans des conditions proches du
compte propre, décidant directement du programme de travail du conducteur et de
l’utilisation du véhicule. Le code du travail est en cohérence avec cet état de fait, puisqu’il
rend le locataire responsable de l’observation de règles telles que la limitation du temps
de travail et de conduite, en lieu et place de l’employeur formel du conducteur, qui
demeure le loueur. Les statistiques de transport rangent, elles aussi, le transport effectué
par un véhicule loué par un chargeur dans la classe du transport pour compte propre.
Le locataire peut également être un transporteur, qui dispose ainsi d’une capacité de
production sans avoir à embaucher de personnel ni acquérir d’équipement addi-
tionnel. Le transport correspondant est alors enregistré comme un transport pour
compte d’autrui. La location établit donc une distinction juridico-économique entre
propriété (le loueur touchant un loyer de la mise à disposition d’un tiers d’un capital qui
lui appartient) et possession (le locataire disposant, pour une utilisation productive,
d’un équipement dont il n’est pas propriétaire).
La location peut répondre à des préoccupations financières ou fiscales, certaines entre-
prises préférant affecter leurs investissements à des actifs spécifiques et disposer
d’équipements plus banals à travers la location. De son côté, en achetant les véhicules
en grandes quantités, le loueur peut bénéficier auprès des fabricants de véhicules
industriels de remises sur les tarifs officiels qu’un chargeur ou un transporteur de
moindre taille n’obtiendront pas, et en faire bénéficier les locataires.
La location a en outre une dimension plus immédiatement industrielle, quand le maté-
riel est entretenu par le loueur. La maintenance d’un parc de plusieurs dizaines, voire
plusieurs milliers de véhicules, est source d’économies d’échelle car il se prête à une
rationalisation particulière, la normalisation du parc permettant de raccourcir les
temps d’intervention et de réduire les stocks de pièces de rechange.
L’entretien peut en outre, selon les contrats, contenir le remplacement de pièces
d’usure représentant une part non négligeable du coût total de transport, comme les
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La production du transport
On note que la pratique de la location, assortie de l’entretien du matériel loué, n’est pas
l’exclusivité du domaine du transport. On la rencontre également dans des domaines
comme l’informatique, la photocopie et plus généralement d’équipements techniques
nécessitant une maintenance compétente. Il est fréquent que les loueurs soient les
fabricants du matériel loué eux-mêmes, qui maîtrisent ainsi le débouché commercial à
l’aval de leur filière industrielle et vendent un « produit-service » dont la compétitivité
face aux producteurs concurrents repose autant sur les qualités du service après-vente
que sur les caractéristiques du produit lui-même. En matière de location de véhicules,
on constate que tous les grands constructeurs ont des filiales de location.
Pour ces diverses raisons, la location joue un rôle non négligeable dans le fonctionne-
ment du système de transport dans son ensemble. Ses effets sur la structure de la
branche sont quelque peu contradictoires :
– D’une part, la location abaisse la barrière à l’entrée de la branche du transport,
puisqu’elle diminue le montant du capital dont doit disposer un candidat entrepre-
neur. Le nombre élevé de véhicules de petite taille loués, utilisés notamment pour les
enlèvements et les livraisons de la messagerie (opérations souvent assurées par des
artisans travaillant en sous-traitance pour le compte des grands réseaux) atteste ce
phénomène.
– D’autre part, la logique des économies d’échelle et le besoin de rassembler des finan-
cements conséquents ont donné naissance à des entreprises de location de grande
taille, surtout en comparaison avec la fragmentation de la branche des transporteurs
proprement dits. Il n’est pas étonnant que ces grands loueurs se considèrent volontiers
comme la fraction la plus moderne et industrielle du transport, voulant traiter d’égal à
égal avec les grands chargeurs et se démarquer, par la rigueur de leurs méthodes de
gestion, des petits transporteurs et de leur image archaïque.
Enfin, la location est un élément notoire de flexibilité dans un système où, on l’a déjà
souligné, l’ajustement de l’offre et de la demande est particulièrement difficile et lourd
d’enjeux. Elle transforme, pour le locataire, des coûts fixes en coûts variables. Ce n’est
pas le seul mécanisme disponible à cet effet, la sous-traitance à plusieurs degrés, éven-
tuellement organisée par les commissionnaires, est également un facteur évident
d’ajustement. Il reste que la capacité de transport que représente la location, avec sa
population de conducteurs professionnels et de véhicules entretenus, est sollicitée de
façon plus souple que dans le cadre du compte propre ou du compte d’autrui tradi-
tionnels : il n’est pas nécessaire de salarier un conducteur ni d’acheter un véhicule
pour augmenter le parc à la disposition d’un chargeur ou d’un transporteur confronté
à l’augmentation de ses flux ; et à l’inverse, il n’est pas nécessaire de licencier le
personnel ou de vendre les équipements si les flux viennent à diminuer.
L’apparition d’opérateurs ne disposant presque plus d’équipements en propre, dans le
domaine du transport maritime et aérien ou de la logistique notamment, montre que le
recours à la location s’inscrit dans les tendances contemporaines qui modifient l’indus-
trie du transport.
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091-214Chap3.fm Page 168 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
sont de grande taille, moins elles consacrent leurs investissements et leur main-
d’œuvre au transport proprement dit et plus elles commercialisent une prestation
dont elles confient l’exécution à des sous-traitants. Les plus grands transporteurs (à
titre d’activité principale dans leur chiffre d’affaires) sont donc également commis-
sionnaires de transport (à titre d’activité secondaire) : ils ont, à l’égard de leur client
chargeur, la responsabilité d’accomplissement d’un transport conformément aux
termes du contrat, mais ont le choix des voies et moyens les plus appropriés à la
bonne réalisation de cette prestation, qu’ils peuvent accomplir avec leurs propres
moyens ou déléguer à tel ou tel fournisseur. Il est donc nécessaire d’élargir le champ
professionnel à prendre en compte et d’adjoindre aux transporteurs proprement dits
les organisateurs de fret.
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La production du transport
Avec 2 900 entreprises pour 140 000 actifs, la branche des organisateurs de fret
n’est nullement négligeable, comparée à celle du transport routier. D’emblée, elle
apparaît aussi structurée de façon très différente, puisque la taille moyenne des
entreprises est ici de 47 emplois par entreprise, avec une proportion de salariés
supérieure à 99 %. Les 12 % d’entreprises comptant plus de 50 salariés regroupent
83 % des effectifs de la branche et réalisent 77 % de son chiffre d’affaires.
Par comparaison avec le transport routier et avec un montant d’investissement par
personne peu différent (3,5 K€ par personne et par an contre 3,6 K€), l’organisation
de fret se caractérise par un taux de sous-traitance très supérieur (56 % du chiffre
d’affaires contre 13 %). Il n’est dès lors pas étonnant de vérifier que le chiffre
d’affaires par personne est également très supérieur pour l’organisation de fret que
pour le transport (respectivement 190 K€ et 92 K€), puisqu’il comprend à la fois la
valeur ajoutée de l’entreprise et ses achats extérieurs. Il ne faut toutefois pas simpli-
fier outre mesure le tableau : les organisateurs de fret n’ont pas seulement une fonc-
tion organisationnelle et commerciale, ils conservent à titre secondaire une fonction
d’opération physique, y compris de transport, puisque la part de leurs investisse-
ments consacrée à du matériel de transport s’élève à 27 % : toute la « traction »
n’est donc pas sous-traitée.
Plutôt qu’une césure totale, c’est un passage graduel de l’activité de transport à
l’activité d’organisation du fret que l’on observe, les cas de mixité d’activité étant
nombreux. Cette mixité est plus grande encore à l’échelle des groupes, dont la poly-
valence peut s’appuyer sur la complémentarité de filiales spécialisées distinctes. Il
est alors judicieux d’analyser le transport routier et l’organisation de fret comme un
ensemble relativement intégré. Préalablement toutefois, on examinera une activité
distincte, selon la statistique, celle de l’entreposage (non frigorifié) qui relève sans
aucun doute de la prestation logistique.
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
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La production du transport
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
L’entreposage est un secteur bien moins fragmenté que le transport et sous-traite une
moindre part de son chiffre d’affaires. Les investissements par personne y sont nota-
blement plus importants et sont très marginalement consacrés à du matériel de
transport. Quant au personnel, il est sédentaire à 38 % chez les transporteurs et
organisateurs de transport et à 95 % chez les entrepositaires. Ces écarts structurels
sont suffisamment grands, quel que soit le paramètre envisagé, pour confirmer qu’il
s’agit bien de deux activités profondément différentes, dont l’association dans une
prestation logistique intégrée pose des problèmes de coordination de toutes sortes,
désormais au cœur de la gestion des grands groupes.
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La production du transport
Classification fonctionnelle
Plusieurs classifications sont possibles pour ordonner cet ensemble touffu, constitué
de très petites entreprises locales comme de groupes de taille mondiale, où foison-
nent des appellations multiples, parfois pittoresques et archaïques, qui plus est diffé-
rentes d’un mode de transport à l’autre, voire d’une région à l’autre37. Les auxiliaires
peuvent, sur tout ou partie de la chaîne de transport, exercer des fonctions de
natures différentes :
• technique : c’est le cas des manutentionnaires (eux-mêmes généralement spécia-
lisés selon les modes de transport), qu’ils assurent le chargement ou le décharge-
ment d’un véhicule, le transfert d’un véhicule à un autre (éventuellement d’un
mode à un autre), l’empotage ou le dépotage de conteneurs, etc.
• commerciale : c’est le cas des groupeurs qui achètent du transport en gros à des
transporteurs pour le revendre au détail aux chargeurs. Par exemple, ils réservent
un certain nombre de places sur un porte-conteneurs et s’efforcent de les remplir
avec les conteneurs isolés qu’ils auront commercialisés. Cette fonction commer-
ciale peut se redoubler d’une fonction technique : un groupeur de petits lots (LCL,
less than container load) devra aussi empoter et dépoter les conteneurs ;
• administrative : outre le traitement des documents accompagnant, souvent de
façon obligatoire, les objets transportés (lettre de voiture, connaissement, borde-
reau de chargement, etc.), le franchissement des frontières par le transport interna-
tional appelle diverses opérations douanières, fiscales, de contrôle phytosanitaire,
etc. L’auxiliaire de transport se double alors souvent d’un commissionnaire en
douane (qui effectue ces démarches pour le compte de son client) ;
• financière : il est fréquent que l’auxiliaire effectue, pour le compte de son client, le
paiement de diverses taxes (pour l’importation d’une marchandise par exemple).
Bien sûr, il sera rémunéré pour l’avance de ce « débours » et remboursé de cette
avance, qui constitue aussi une prise de risque car le montant en est bien supérieur
à celui de la recette commerciale et a fortiori de la marge bénéficiaire. L’apprécia-
tion de la solvabilité d’un client fait partie des compétences d’un auxiliaire ;
• organisationnelle : la configuration maximale est celle où l’auxiliaire assure la
fonction d’architecte d’une chaîne de transport de bout en bout (à la différence
des auxiliaires cantonnés à la liaison entre deux maillons de la chaîne). Il en coor-
donne les éléments pour fournir à son client une prestation intégrée, mais ne
produit avec ses propres moyens que quelques opérations techniques, voire
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aucune.
37. N’est-il pas délicieux, pour le connaisseur, de distinguer l’acconier des ports méridionaux du stevedore
des ports septentrionaux ?
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Classification marchande
Cette classification fonctionnelle se double d’une classification marchande : l’auxi-
liaire peut intervenir pour le compte du transporteur (dans le monde maritime, il
peut être « au service du navire », en tant qu’agent maritime, que courtier maritime
qui met en relation le fréteur et l’affréteur d’un navire loué, que courtier interprète et
conducteur de navire ou que consignataire de navire), pour le compte du chargeur
(« au service de la marchandise » comme transitaire maritime ou consignataire de la
cargaison) ou encore en son nom propre.
Classification juridique
Une autre distinction encore a trait au statut juridique de l’auxiliaire, qui sépare le
commissionnaire du mandataire. Le commissionnaire est libre du choix des moyens
appropriés et responsable, envers son client, du bon accomplissement du transport :
il est son contractant unique et a une obligation de résultat, même si un dysfonction-
nement est le fait de l’un de ses sous-traitants. Il se distingue ainsi du mandataire
tenu envers son client par des obligations de moyens et non de résultats. Le commis-
sionnaire est généralement rémunéré de façon forfaitaire (conformément à sa posi-
tion de responsabilité dans le choix des solutions les plus appropriées) tandis que le
mandataire est rémunéré au pourcentage (puisqu’il ne choisit pas les moyens et doit
seulement s’assurer de leur mise à disposition). Selon les contrats, et souvent pour le
même client, un auxiliaire peut être commissionnaire dans un cas, mandataire dans
un autre. Pour tout simplifier, les usages professionnels désignent couramment par
transitaire un commissionnaire spécialisé dans le transport international alors que,
dans le vocabulaire juridique, il s’agit d’un mandataire…
L’examen des structures de la branche du transport, que complétera plus loin
l’analyse de la stratégie des plus grands groupes, montre l’importance croissante du
commissionnaire de transport. Fonctionnellement, c’est un intermédiaire, un agent
économique assurant comme un service marchand, une production spécifique, le
fonctionnement des mécanismes du marché en mettant en contact l’offre (les trans-
porteurs) et la demande (les chargeurs) : c’est la main visible du marché. Concep-
teur, organisateur, contrôleur et « commercialisateur » d’une prestation complète, il
est en position centrale dans l’organisation des chaînes, et il n’est pas surprenant que
les entreprises les plus puissantes tendent à se dégager du transport proprement dit,
ou du moins du transport limité à l’acheminement par un mode isolé d’un point à un
autre, pour se porter vers l’organisation du fret, la commission de transport, éven-
tuellement élargie à la logistique.
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La production du transport
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
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La production du transport
secteur du transport. Celui-ci serait ainsi clivé en deux univers distincts quant à la
taille des firmes mais, plus profondément encore, quant à leur marché et leur mode
de gestion. Les petites entreprises seraient le monde de l’artisanat autant que du
salariat, avec une gestion traditionnelle et peu rigoureuse. La disparition de la TRO
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
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La production du transport
externe est, pour gagner des parts de marché, le chemin technique le plus rapide,
même s’il ne conduit pas toujours au succès économique. La statistique nationale
reflète assez mal ces tendances qui ont une ampleur plus large. C’est donc à partir
de l’approche monographique des plus grands groupes présents sur le marché euro-
péen qu’elles seront explorées ci-après.
Le rôle direct des plus grands opérateurs n’est pas négligeable (pour le transport
routier stricto sensu, on a noté qu’en France les 2,6 % des entreprises qui comptent
plus de 50 salariés réalisent 41 % du chiffre d’affaires, alors que pour l’organisation
du transport de fret, les 12 % des entreprises de plus de 50 salariés réalisent 77 %
du chiffre d’affaires). À travers la sous-traitance, les plus grosses entreprises mobili-
sent aussi nombre d’entreprises plus petites et exercent donc une influence structu-
rante pour le reste de la branche. Elles sont souvent des interlocuteurs privilégiés
pour les plus gros chargeurs, qui souhaitent dans tous les domaines réduire le
nombre de leurs fournisseurs, ou du moins de leurs fournisseurs de premier rang.
En outre, les grandes entreprises et les groupes auxquels elles appartiennent ont une
compétence technologique et organisationnelle supérieure à celle de la majorité des
PME. C’est chez elles que sont expérimentées les nouvelles méthodes dont certaines,
plus tard, se diffuseront dans l’ensemble de la branche. Parmi leurs compétences spéci-
fiques est enfin l’aptitude à associer des métiers différents dans une prestation intégrée,
alors que les PME sont généralement attachées à une spécialité plus étroite voire à une
« niche ». La rencontre entre la demande logistique et l’offre des prestataires tend donc
à renforcer les plus gros d’entre eux. Pour autant, comme on le verra, ils n’ont pas tous
le même profil, la même taille ni la même stratégie.
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
tions d’enseigne. Ainsi, le lancement d’Euro Express vise à unifier le réseau technique et
commercial de messagerie de paquets sur le marché européen. La fusion du transport
et de la logistique atteint un niveau inégalé avec l’acquisition d’Exel, leader mondial de
sa spécialité, en 2005, pour former un groupe de quelque 500 000 salariés dans le
monde, avec un chiffre d’affaires de 55 milliards d’euros.
180
091-214Chap3.fm Page 181 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
Le courrier
Le critère du seul chiffre d’affaires total inclut, pour les groupes postaux, l’énorme
masse du courrier, dont l’importance est liée à la taille du pays d’origine du groupe
(Poste allemande, néerlandaise, etc.). Si l’on fait la part de ce dernier paramètre, on
est frappé par la place qu’a conquise la Poste néerlandaise dans le domaine du
transport et de la logistique, en quatrième position après les grands pays que sont
l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
Le courrier de base est, dans l’Union européenne, sous le régime du service
public (service d’intérêt économique général, dans le vocabulaire communau-
taire), même quand l’entreprise postale est privatisée, et les limites et les moda-
lités de la libéralisation de ce marché ne sont pas arrêtées. La question est notam-
ment celle des obligations de couverture territoriale faites aux nouveaux entrants,
pour éviter un écrémage des segments les plus rentables (le courrier des entre-
prises dans les zones métropolitaines) qui laisserait à la charge des opérateurs
historiques les missions d’équité sociale et spatiale. Par ailleurs, l’interférence
entre l’activité de courrier (dans le domaine du monopole de service public) et
l’activité de transport et de logistique (dans le domaine de la concurrence) est
périodiquement évoquée, certains opérateurs privés accusant les entreprises
postales de biaiser la concurrence en transférant des subventions croisées de
l’activité de courrier vers les autres activités.
Outre cette question de politique de la concurrence, on peut s’intéresser à
l’économie des réseaux proprement dits : pour la vente des services et pour les
opérations physiques de collecte et de distribution, il y a de réelles économies
d’envergure entre le courrier et la messagerie de colis, en provenance et à desti-
nation des entreprises comme des particuliers. Certains messagers voudraient
voir les Postes contraintes de livrer leurs colis, comme un opérateur historique
du téléphone est contraint de mettre les boucles locales à la disposition de ses
concurrents. La concurrence dans le transport ne peut ignorer les notions de
réseau et de territoire.
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Le transport et la logistique
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La production du transport
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Logistique Transport
Source : Logistiques Magazine, n° 203, décembre 2005
Schéma 3.47 Principaux groupes de transport et de logistique en Europe, 2004
La logistique
Si l’on ne retient que la logistique, la hiérarchie est différente, mais surtout provisoire.
Les chiffres les plus récents tiennent compte de l’acquisition de Tibett and Britten,
naguère parmi les quatre premiers opérateurs logistiques d’Europe, par Exel, mais ne
tiennent pas encore compte de la fusion probable d’Exel et de DHL Logistics. De
même, si l’on observe la place d’ACR Logistics, né du retrait du groupe Hays du
secteur logistique, on ne sait pas encore les conséquences de la décision annoncée
de TNT de se retirer de la logistique, qui passait jusqu’alors pour une des spécificités
de sa stratégie, pour se concentrer sur le courrier, l’express et la messagerie.
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
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CA Europe
Source : Logistiques Magazine, n° 203, décembre 2005
qu’opérateurs locaux hors de leur pays d’origine. Sans accorder aux chiffres disponibles
une précision excessive (le découpage et la présentation des activités différant d’un
groupe à l’autre), on peut comparer ci-après les principaux messagers et transporteurs,
les logisticiens et enfin des transitaires (commissionnaires, etc.).
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091-214Chap3.fm Page 185 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
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Office Post Post Mail Express
Source : www.hoovers.com
Schéma 3.49 Principaux groupes postaux et de messagerie américains,
japonais et européens (CA, 2003)
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Source : Logistiques Magazine, n° 203, décembre 2005
Schéma 3.50 Principaux opérateurs logistiques dans le monde, 2004
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
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Source : Logistiques Magazine, n° 203, décembre 2005
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091-214Chap3.fm Page 187 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
DHL (DPWN) D X
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
DSV DK X
Dachser D X
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Hellmann D X
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091-214Chap3.fm Page 189 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
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Post
La Poste X X
Royal Mail X X
TNT Post
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Group
Exel X X
Schenker X X X X
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091-214Chap3.fm Page 190 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Kühne & X X X
Nagel
Panalpina X X
Géodis X X X X
Gefco X X X X
Wincanton X X
DSV X X X
Dachser X X X
ABX X X X X
Hellmann X X
Quant à la Poste britannique, elle s’est récemment orientée vers une alliance
avec la Poste néerlandaise.
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091-214Chap3.fm Page 191 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
bout en bout, et non sur le seul segment central qui, s’il couvre la distance la plus
longue, ne représente couramment que la moitié, voire moins, du coût de la presta-
tion complète. Les armateurs maritimes, avec le carrier haulage, tentent de maîtriser
la chaîne de transport de bout en bout, face à l’organisation des chargeurs ou des
191
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
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La production du transport
193
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
1 2 3 4 5
Respect des Pick and pack Retours de produits Tests des produits Gestion des
contrats de (sortie de stock, chaînes de produc-
vente consolidation de tion (supply chain
commandes) management)
194
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La production du transport
195
091-214Chap3.fm Page 196 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
emporté, chaque spécialité étant exercée sur un périmètre géographique plus large
(une part de l’Europe, l’Europe entière, tel ou tel marché américain ou asiatique,
voire le monde entier pour certaines spécialités et certains groupes).
Aujourd’hui, cette segmentation semble à son tour dépassée. Les plus grands clients
réclament en effet des prestations composites, incluant plusieurs spécialités. Il faut
alors établir une structure transversale aux découpages par métiers, combinant la
recherche de solutions logistiques (avec la mise en place d’une fonction de bureau
d’études intervenant en amont de la fourniture de la prestation proprement dite), le
développement de programmes informatiques adaptés et enfin la gestion centralisée
des rapports commerciaux avec les principaux clients internationaux, les « grands
comptes ».
D’autres formes d’organisation apparaîtront sans doute, le caractère matriciel du
dispositif permettant une lecture plutôt attentive, selon les besoins, au découpage
par métiers ou au découpage géographique, ce dernier connaissant une évolution
vers le haut (des marchés nationaux aux marchés « régionaux », au sens des grands
sous-ensembles du monde que forment l’Europe, l’Amérique du Nord, etc.). Mais
d’autres logiques sont aussi à l’œuvre, comme celle distinguant les opérateurs dotés
de moyens propres (les TPL, third party logisitics) et ceux qui fondent exclusivement
leur compétence sur l’organisation et la commercialisation et se définissent comme
des sociétés sans actifs (4PL, fourth party logistics). Le débat est ouvert sur la perti-
nence de cette dernière stratégie, sans doute adaptée à la découverte d’un marché
nouveau mais qui n’est peut-être que transitoire. La structure d’organisation des
prestataires renvoie en tout cas à celle de leurs clients, selon une interaction étroite
typique d’une relation de service.
Une manière de contourner cette difficulté serait de passer par une mesure du
transport en unités d’œuvre physiques (tonnes, tonnes-kilomètres, voire véhicules-
kilomètres) et d’affecter une valeur monétaire à l’ensemble de ce volume de
production sur la base des informations fournies par le seul marché du fret (pour
196
091-214Chap3.fm Page 197 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
compte d’autrui). Mais on vient de voir combien le transport routier pour compte
propre diffère, techniquement et de façon organisationnelle, du transport pour
compte d’autrui. La productivité, du travail comme du capital, y est très différente,
et appliquer aux unités d’œuvre du compte propre la valeur du compte d’autrui
serait simpliste. Une autre méthode, qui sera appliquée ici, consiste à passer par le
détour de l’emploi.
Toutefois, si la mesure de l’emploi peut passer pour une approximation de la valeur
ajoutée du transport, elle ne mesure pas la valeur de sa production entière, qui
inclut les consommations intermédiaires marchandes (mais aussi non marchandes,
comme on verra). Il faut alors se référer à une notion de filière du transport de fret,
c’est-à-dire de toutes les activités qui contribuent à la production du transport, qui
donne la mesure de la place du transport dans le système productif tout entier. Elle
est considérable.
39. Source : NOLIN, Alain et MABILE, Sylvie, « Les transports en 2003 », INSEE Première, n° 993, décembre
2004.
197
091-214Chap3.fm Page 198 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
manutention 1,4
entreposage 4,5
Les mêmes sources répartissent aussi les emplois correspondants, mais de façon
plus sommaire. En effet, plusieurs entreprises de transport acheminent aussi bien des
personnes que du fret (parfois à bord des mêmes véhicules) et il est donc impossible,
pour un observateur n’ayant pas accès à la comptabilité analytique interne des
entreprises, d’affecter les emplois entre ces spécialités complémentaires.
© Groupe Eyrolles
198
091-214Chap3.fm Page 199 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
transport aérien 79 7
Non salariés 54 5
3.1.2 Caractéristiques
Quoi qu’il en soit, l’effectif total de la branche (hors agences de voyages) est supé-
rieur à un million d’emplois, sans répartition entre fret et voyage. Pour effectuer
cette répartition, si l’on applique à l’emploi la proportion mesurée ci-avant pour le
volume de production et relative à la part du fret dans la totalité de la branche, le
fret mobilise environ 700 000 emplois de la branche du transport.
Les caractéristiques des emplois de transport sont assez typées40, puisqu’il s’agit
d’emplois :
• majoritairement masculins : dans une proportion moyenne de 80 %, plus élevée
encore pour le seul transport de fret ;
• salariés pour 95 % : contrairement à une image souvent véhiculée par les médias,
les travailleurs indépendants – les artisans routiers – ne sont qu’une faible mino-
rité. Il en va autrement en Espagne ou en Italie (où l’on compte plusieurs
centaines de milliers de padroncini) ;
• en termes d’âge, avec moins de salariés jeunes (17 % seulement ont moins de
30 ans) et moins de salariés âgés (20 % seulement ont plus de 50 ans) que dans
la moyenne des branches ;
• correspondant à un travail à temps complet (pour 92 % des effectifs) ;
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199
091-214Chap3.fm Page 200 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
• avec une durée du travail supérieure à la moyenne (pour 1,5 heure par semaine
pour l’ensemble de la branche, le maximum relevant du transport routier de
marchandises avec une durée moyenne de 44 heures par semaine, contre
36 heures pour les autres modes de transport) et avec des horaires irréguliers et
atypiques (la nuit, le week-end, avec des couchers hors du domicile, etc.) ;
• comparativement peu diplômés : malgré une tendance à l’élévation des niveaux,
la proportion de salariés issus de l’enseignement supérieur reste en retard pour
l’ensemble des spécialités du transport, sauf pour le transport aérien. En revanche,
la formation continue est importante dans les transports (avec notamment la
formation obligatoire établie en France et aux Pays-Bas pour les chauffeurs
routiers, élargie aujourd’hui à l’ensemble de l’Union par une directive euro-
péenne). Le transport est désormais un des principaux domaines d’emploi ouvrier.
Ceci vaut aussi pour la logistique, où les emplois de manutention et d’emballage
sont nombreux.
• enfin, recevant une rémunération inférieure à la moyenne, surtout pour le trans-
port routier de marchandises. Le salaire moyen annuel net était de 21 100 € en
2003, avec un écart allant de 17 000 € pour le transport routier de marchandises à
34 000 € pour le transport aérien.
Le taux de satisfaction dans l’emploi occupé41 dans le transport reflète cette situa-
tion caractérisée par des conditions de travail et des rémunérations généralement
inférieures à celles des autres activités. Il est calculé sur la base de six indicateurs
clefs relatifs à la trajectoire professionnelle, la formation professionnelle, l’écart
salarial entre hommes et femmes, les accidents du travail, le temps partiel subi et la
transition entre emploi, chômage et inactivité. Pour une moyenne de 85 % de satis-
faits pour l’ensemble des secteurs, ce taux culmine dans le secteur de l’énergie
(96 %). Viennent ensuite les activités financières (90 %), l’éducation, la santé,
l’action sociale (90 %) et les administrations (87 %). En fin de liste, on trouve les
industries des biens de consommation, les activités immobilières et les services aux
entreprises (82 %). Les secteurs les plus mal classés par les services aux particuliers
et les transports (81 %)42.
41. Source : BRUNET François, « Un enjeu : la qualité de l’emploi », in Données sociales, INSEE, 2002.
42. Ces appréciations sont confirmées par une autre enquête, fondée sur un découpage selon les profes-
sions et non selon les secteurs d’activité, mesurant dans quelle proportion les facteurs de satisfaction ou
d’insatisfaction l’emportent dans le travail. En tête de ce classement et parmi 25 rubriques viennent le
clergé, les métiers de l’information, des arts et des spectacles, les chefs d’entreprise, les cadres supérieurs
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La production du transport
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
de travail des conducteurs routiers devrait réduire les écarts entre les pays, tandis
que l’entrée en service du chronotachygraphe électronique devrait renforcer les
moyens de contrôle de son application.
Ce constat sur l’emploi dans le transport, lourd de contradictions avec tout à la fois
un besoin croissant et une pénurie de main-d’œuvre, pose une question importante
de politique sectorielle, mais aussi de politique sociale et de l’emploi plus générale.
Deux scénarios contrastés encadrent le champ des possibilités :
• dans un scénario pessimiste (le qualifier ainsi relève clairement du jugement de
valeur), le transport routier, principal employeur du transport terrestre, évoluerait sur
le modèle des pavillons de complaisance pour le transport maritime avec l’appel
massif à une main-d’œuvre mobile d’autant meilleur marché que l’on pratiquerait
le dumping social et la fraude avec les règlements. Une telle évolution serait toute-
fois contradictoire avec les exigences de fiabilité des organisations logistiques
modernes, tout en mettant en péril l’équilibre fragile des entreprises du secteur ;
• un autre scénario, optimiste, serait celui d’une sortie de la situation « par le
haut », propre à rétablir l’attractivité des métiers du transport pour les jeunes
générations avec le renforcement de la formation, l’élévation des qualifications
(tout en sachant que les métiers du transport et de la logistique ne sont pas tous
qualifiés, et peuvent ainsi offrir un débouché à des salariés à faible bagage
scolaire), le rapprochement des conditions de travail et de rémunération de celles
des métiers « normaux ». La compétitivité du transport européen se jouerait alors
sur la qualité et la différenciation des prestations et non sur le seul critère des
coûts et des prix. À cet égard, la compétitivité du pavillon néerlandais, réputé
pour le haut niveau de diplôme et de salaire de ses chauffeurs routiers, est un
signe encourageant.
à la branche du transport.
43. Voir SAVY, Michel et HORN, Catharina, « L’emploi dans le transport de marchandises et la logistique : une
évaluation temporelle en France et en Allemagne », Cahiers scientifiques du transport, n° 45, 2004.
202
091-214Chap3.fm Page 203 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
203
1982 1990 1999
204
Milliers d’emplois
Emplois Emplois Total Emplois Emplois Total Emplois Emplois Total
spécifiques de support spécifiques de support spécifiques de support
Total 616 189 805 662 153 815 680 215 895
091-214Chap3.fm Page 204 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
_ (%)
Emplois Emplois Total Emplois Emplois Total Emplois Emplois Total
spécifiques de support spécifiques de support spécifiques de support
Total 7% _ 19 % 1% 3% 42 % 10 % 10 % 14 % 11 %
Source : Calculs réalisés à partir du recensement général de la population, 1982, 1990 et 1999
Tableau 3.21 Emploi de transport de marchandises, France
© Groupe Eyrolles
© Groupe Eyrolles
Source : Calculs réalisés à partir de la Statistique fédérale des emplois, 1982, 1990 et 1999
Tableau 3.22 Emploi de transport de marchandises, Allemagne (Länder de l’Ouest)
La production du transport
205
091-214Chap3.fm Page 206 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Ces calculs montrent, pour l’essentiel, que le transport de fret est une activité forte-
ment utilisatrice de main-d’œuvre, avec près de 900 000 emplois dans les deux
pays, soit environ 4 % de l’emploi total. Dans un contexte général de baisse de
l’emploi industriel, l’emploi de transport de fret se maintient (il augmente en France
et diminue légèrement en Allemagne) : les gains de productivité et l’augmentation
du volume de transport s’équilibrent, et le transport ne se délocalise pas…
La part relative des emplois spécifiques et des emplois de support montre une évolu-
tion différente en Allemagne et en France, sans qu’une explication simple de ce
phénomène complexe se présente à un tel niveau d’agrégat macroéconomique :
gains de productivité par réduction des postes « improductifs » ? A contrario, déve-
loppement des fonctions logistiques complémentaires du transport stricto sensu ?
Enfin, le mouvement d’externalisation du transport trouve ici sa mesure. Il est indis-
cutable (en 1982, il y avait davantage d’emplois de transport hors de la branche
transport que dans les entreprises de transport, c’est le contraire aujourd’hui), mais
n’est pas total, loin s’en faut.
206
091-214Chap3.fm Page 207 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
207
208
1982 1990 1999
Milliers d’emplois
Emplois Emplois Total Emplois Emplois Total Emplois Emplois Total
spécifiques de support spécifiques de support spécifiques de support
Industrie du transport 473 145 618 509 118 627 541 171 712
Autres industries 868 265 1 133 978 225 1 203 937 296 1 233
Total 1 341 410 1 751 1 487 343 1 830 1 478 467 1 945
091-214Chap3.fm Page 208 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Industrie du transport 8% _ 19 % 1% 6% 46 % 14 % 14 % 18 % 15 %
Total 11 % _ 16 % 5% _1% 36 % 6% 10 % 14 % 11 %
© Groupe Eyrolles
© Groupe Eyrolles
Industrie du transport 403 102 505 485 100 585 574 48 622
Autres industries 1 035 262 1 297 1 034 214 1 248 950 80 1 030
Total 1 438 364 1 802 1 519 314 1 833 1 524 128 1 652
091-214Chap3.fm Page 209 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
Total 6% _ 14 % 2% 0% _ 59 % _ 10 % 6% _ 65 % _8%
209
091-214Chap3.fm Page 210 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Ces appréciations des volumes d’emplois, de leur répartition entre métiers spécifiques
et métiers de support et de leur tendance inégale à l’externalisation montrent enfin que,
dans l’ensemble des activités logistiques, le transport garde des traits suffisamment forts
pour fonder une activité distincte, ainsi qu’un domaine académique particulier…
210
091-214Chap3.fm Page 211 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
– les matières premières (310 000) et les services (137 000) consommés par
l’industrie automobile ;
44. Source : L’industrie automobile française, analyses et statistiques, CCFA, édition 2005.
211
091-214Chap3.fm Page 212 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
6 % pour les véhicules industriels. S’y ajoute la circulation des véhicules étrangers,
soit environ un tiers supplémentaire pour les véhicules industriels. L’ensemble des
212
091-214Chap3.fm Page 213 Mardi, 3. octobre 2006 10:28 10
La production du transport
213
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215-260Chap4.fm Page 215 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
4
Le système de fret :
le rôle des entreprises
De par la complication de son dispositif technique, doublée du nombre et de l’inter-
action des multiples acteurs économiques et politiques qui y sont associés, on a pu
constater combien le transport de marchandises forme un système complexe. Après
l’analyse du noyau même que constitue l’opération de transport, il convient mainte-
nant d’élargir le propos à un ensemble plus large : dans le présent chapitre, en
prenant en compte dans toute son épaisseur la relation entre les deux parties
prenantes principales au procès de transport, le chargeur et le transporteur, marquée
par le renforcement de la gestion logistique ; dans le chapitre suivant, de manière plus
large encore, en considérant le rôle des pouvoirs publics, tout à la fois partenaires
techniques de l’industrie du transport (notamment par la fourniture des infrastructures)
et régulateurs du cadre institutionnel du marché du transport.
1. RELATION CHARGEUR-TRANSPORTEUR
1.1 Une relation de service
Dans le cas où le process industriel du transport est assuré par l’entreprise même qui
le consomme, qu’elle soit agricole, industrielle ou commerciale à titre principal, il y
a unicité d’acteur et unité d’organisation. L’activité de transport est alors entièrement
immergée dans l’entreprise qui est à la fois chargeur et son propre transporteur, elle
contribue à sa production globale et la part correspondante du chiffre d’affaires, des
effectifs et des investissements n’est identifiable qu’à travers la comptabilité analy-
tique de la firme, si elle existe et si elle est accessible à l’observateur extérieur. Le
© Groupe Eyrolles
transport privé ne constitue pas une activité de service fournie par un prestataire,
mais une étape dans le processus de production interne de l’entreprise, parmi
d’autres. Au niveau macroéconomique de la comptabilité nationale, la production
du transport en compte propre est incluse dans la production des diverses branches
215
215-260Chap4.fm Page 216 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Dans tous les cas, le service ne se réduit pas à la relation directe entre deux agents,
le producteur et le consommateur du service. Cette relation interpersonnelle
n’existe que pour permettre l’existence et le traitement d’un troisième élément,
l’objet du service. La relation de service passe ainsi par une médiation, constituée
216
215-260Chap4.fm Page 217 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
intervention usufruit
traitement contrôle
transformation propriété
transport maîtrise logistique
objet
information
personne
cargaison
Schéma 4.1 Relation de service
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1. Ce schéma est dérivé de celui de Jean GADREY, dans L’économie des services, La Découverte, 1996, repris
dans GADREY (2003).
217
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
218
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219
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Dans ce dernier cas, selon les termes convenus entre les contractants, la marchan-
dise peut changer de propriétaire avant ou après l’opération de transport. Quoi qu’il
en soit, les deux acteurs interviennent sur le transport et leur comportement peut
grandement contribuer à en améliorer ou au contraire à en dégrader l’efficacité. Par
exemple, un destinataire négligent ou défaillant obligera le transporteur à attendre
de façon improductive avant de pouvoir décharger son véhicule, ou à repasser en
cas d’absence. Qui supportera les conséquences économiques de cette conduite,
notamment dans le cas où le transport est commandé et payé par l’expéditeur et que
le destinataire n’est pas partie au contrat de transport ?
La loi française essaie, depuis peu, d’obliger le destinataire à indemniser le trans-
porteur en cas de délai excessif, mais elle est d’une application difficile et limitée.
contrat de transport
transporteur fournisseur
transport expédition
réception
acheteur
Schéma 4.2 Expéditeur, transporteur, destinataire (dans le cas de la vente d’un produit)
220
215-260Chap4.fm Page 221 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
auxiliaire
mission
affrètement mandat
transporteur chargeur
organisation
du transport
exécution propriété
du transport maîtrise logistique
cargaison
A B sites d'origine
et de destination
{ chargeur } cargaison
intermédiaire
véhicule
{ transporteur }
infrastructure
Schéma 4.4 Intermédiation entre chargeur et transporteur
Une des finalités économiques de cette intermédiation a déjà été énoncée : la néces-
sité, et simultanément la difficulté d’assurer la flexibilité du dispositif de transport,
d’ajuster le moins mal possible, dans le temps et dans l’espace, la mobilité souhai-
table des marchandises et la capacité de transport disponible. À travers un commis-
© Groupe Eyrolles
221
215-260Chap4.fm Page 222 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
L’exemple ferroviaire
Le développement du fret ferroviaire souffre ainsi des hiatus entre réseaux européens
aux caractéristiques techniques différentes (qu’il s’agisse d’écartement des rails, de
gabarit et de charge à l’essieu, d’alimentation électrique, de signalisation, etc. : le
jargon communautaire parle alors d’un défaut d’interopérabilité).
L’exemple routier
À l’intérieur du monde routier, les ruptures relèvent davantage d’une logique
d’exploitation que d’une contrainte strictement technique, comme pour le passage
d’un véhicule léger de collecte locale à un véhicule lourd d’acheminement à longue
distance dans un réseau de transport routier de messagerie.
A B sites d'origine
et de destination
{ chargeur } cargaison
intermédiaire
unité de transport
{ transporteurs }
infrastructures
(discontinues)
Schéma 4.5 Intégration multimodale
© Groupe Eyrolles
222
215-260Chap4.fm Page 223 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
A B sites d'origine
et de destination
{ chargeur } cargaison
intermédiaire
(chaîne)
véhicules
(maillons)
{ transporteurs }
infrastructures
Schéma 4.6 Intégration caténaire (unimodale)
demande logistique
cargaison
ajustement commercial
ensemblier
ajustement opérationnel
(gamme d'offre)
véhicule
infrastructure
223
215-260Chap4.fm Page 224 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
commercial). Cette division n’empêche pas, mais au contraire, appelle une coopéra-
tion entre ces deux catégories d’acteurs, dans un rapport de force qui détermine la
maîtrise du transport.
224
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Chartes-parties
En transport maritime, la charte-partie est le document constatant l’affrètement mari-
time et définissant les obligations des parties à ce contrat. Sa définition juridique
précise les rôles des uns et des autres et la durée de leur engagement. Une fois encore,
le droit éclaire l’économie.
L’affrètement est un contrat de louage de biens et/ou de services par lequel un proprié-
taire ou exploitant de navire (le fréteur, owner) s’engage, moyennant rémunération, à
mettre ce navire à la disposition d’un tiers (l’affréteur, charterer) qui l’utilisera soit pour
des transports publics, soit pour le transport de ses propres marchandises, ou qui
encore le sous-affrétera. Or, il existe une série d’affrètements différents et bien définis :
– affrètement au tonnage : convention par laquelle un armateur s’engage à mettre un
ou plusieurs navires à la disposition d’un transporteur en vue de transporter, dans un
délai fixé, un tonnage déterminé ou déterminable ;
– affrètement au voyage (trip charter) : contrat par lequel un fréteur met, en tout ou
partie, un navire à la disposition d’un affréteur en vue d’accomplir un ou plusieurs
voyages ;
– affrètement à temps (time charter) : contrat par lequel le fréteur s’engage à mettre un
navire armé à la disposition d’un affréteur pour un temps déterminé ;
– affrètement coque nue (bareboat charter) : contrat par lequel le fréteur s’engage,
contre paiement d’un loyer, à mettre pour un temps défini, à la disposition d’un affré-
teur, un navire déterminé, sans armement ni équipement, ou avec un équipement et
un armement incomplets.
225
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
226
215-260Chap4.fm Page 227 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
227
215-260Chap4.fm Page 228 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
coût optimal compte tenu de la qualité de service adéquate à ses besoins. Sous
l’angle technique, le transport doit donc être non seulement efficace (au sens de la
réalisation des performances attendues) mais efficient (au sens de l’économie des
moyens mis en œuvre).
228
215-260Chap4.fm Page 229 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
coût de transport
qualité de service
ventes
qualité de service
compromis optimal
et prix du produit égaux face à la concurrence (par exemple, si celui-ci est un distri-
buteur pharmaceutique, avec quelle fréquence doit-il être en mesure de livrer les
officines ?).
229
215-260Chap4.fm Page 230 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Le coût de transport d’un même produit est en effet très différent selon que le produit
est transporté en une seule fois ou par lots fragmentés, de manière rapide ou lente,
plus ou moins fiable, etc. Par exemple, les livraisons à un point de vente peuvent avoir
lieu chaque mois, chaque semaine, chaque jour, chaque heure, voire plus fréquem-
ment encore. Quelle réponse de son propre marché le chargeur peut-il en attendre ?
Quand la qualité de service initiale est mauvaise, et se reporte donc fâcheusement sur
l’utilité du produit, toute amélioration entraîne une réponse positive du marché. Mais,
une fois atteint un certain niveau, l’augmentation des ventes ne compense plus le
surcroît de coût d’une qualité de service désormais inutilement élevée. Le compromis
optimal correspond ainsi à l’écart maximal entre la courbe des coûts de transport (et,
par extension, la courbe des coûts logistiques) et la courbe des ventes.
230
215-260Chap4.fm Page 231 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
• une deuxième partie des besoins de transport (zone [2] du graphique) correspond à
un flux permanent et volumineux, mais marqué par d’importants déséquilibres
dans le temps ou dans l’espace. Par exemple, les flux ne sont pas égaux sur les
deux directions d’une même ligne de transport, du fait de la localisation des sites
de production et des marchés. Le chargeur peut alors avoir avantage à créer une
entreprise de transport autonome. D’un point de vue légal, cette filiale est un trans-
porteur pour compte d’autrui comme un autre, qui peut donc transporter, d’une
part, les produits que lui confie sa maison mère et, d’autre part, les produits
collectés sur le marché du fret auprès d’autres chargeurs (zone [2’]). Le contrôle de
la firme permet de lui donner une disposition exactement conforme aux besoins de
son chargeur principal en termes d’implantation des plates-formes, des itinéraires
et des fréquences de desserte (comme le ferait une organisation en compte propre).
En sus, les clients additionnels viennent compléter le chargement des véhicules,
assurer un fret de retour, combler les fluctuations saisonnières, et faire jouer toutes
les économies d’échelle et les économies d’envergure dans l’utilisation des entre-
pôts, la mise au point et l’exploitation des systèmes d’information, etc. Les revenus
additionnels ainsi récoltés contribuent à la rentabilité de la filiale de transport ;
• les besoins plus variables encore (zone [3] du graphique) font appel à des moyens
plus clairement externalisés et flexibles fournis par des transporteurs indépen-
dants. Le caractère volumineux et récurrent du transport autorise un véritable
partenariat entre chargeur et transporteur, avec des contrats à long terme fixant le
volume, le service et le prix de manière relativement stable, au terme d’un appel
d’offres lancé sur la base d’un cahier des charges élaboré, et avec une mise en
œuvre pilotée conjointement par le fournisseur et son client à travers des indica-
teurs de performance adéquats, etc. Entreprises indépendantes de ce donneur
d’ordres, les transporteurs ont tout loisir d’équilibrer leurs flux avec d’autres
clients (zone [3’]) et de restituer à leurs différents chargeurs une part des gains de
productivité correspondants, à travers des tarifs avantageux ;
• enfin, les flux les plus irréguliers (zone [4] du graphique) sont traités sur une base
de contrats « spot », de courte durée, avec des fournisseurs occasionnels.
transport
(2')
(2) filiale
© Groupe Eyrolles
231
215-260Chap4.fm Page 232 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
2. TRANSPORT ET LOGISTIQUE
La logistique compte désormais parmi les grandes fonctions autour desquelles se
structurent l’organisation et le fonctionnement des entreprises. Ses rapports avec le
transport sont étroits et complexes, voire ambigus. Selon certaines acceptions, la
logistique désigne une série d’opérations de traitement matériel des produits, péri-
phériques à leur fabrication. Le transport est alors un élément de la logistique. Selon
d’autres, c’est une méthode de gestion des flux, et notamment des flux d’informa-
tion, et le transport, process physique banal, lui est extérieur et n’est qu’une des
variables, au demeurant pas toujours la plus importante, qu’elle gouverne. Entre le
stratégique et l’opérationnel, le symbolique et le physique, l’abstrait et le concret,
c’est-à-dire, quant au fond, entre le noble et le vil, on retrouve une vieille coupure
antidialectique. Ici, notre propos est évidemment non de séparer, mais de relier ces
deux aspects contradictoires de la même réalité.
232
215-260Chap4.fm Page 233 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
façon des robinets et des lavabos des problèmes de calcul de l’école primaire, les
flux et les stocks de marchandises se mesurent et entrent dans des modèles de simu-
lation et d’optimisation. Dans une université américaine, un cours de logistics est
principalement un cours de recherche opérationnelle, de mathématiques appliquées
à la modélisation de la gestion des opérations logistiques, à des fins stratégiques ou
opérationnelles : identification du chemin le plus court (ou le plus rapide, ou le
moins coûteux), localisation d’usine et d’entrepôts, affectation des lieux d’expédi-
tion et des lieux de livraison dans un réseau de distribution, gestion de flottes de
véhicules, choix d’itinéraires de tournées, etc. Réciproquement, le problème emblé-
matique de la recherche opérationnelle, le problème du voyageur de commerce, est
en effet un problème logistique.
Se constituant graduellement comme un outil puis une démarche gestionnaire, la
logistique est ainsi devenue, à côté de la finance ou du marketing, une branche des
sciences du management, appréhendant l’entreprise comme un système de flux – de
produits, d’informations – passibles d’une gestion spécifique. Cette démarche s’est
d’abord appliquée à l’intérieur des firmes. C’est une démarche transversale au
découpage usuel des étapes de production et de distribution qui décompose et
sépare approvisionnements, fabrication et ventes en séquences juxtaposées. La
démarche logistique se rapproche ainsi de la démarche de qualité, car un fonction-
nement plus cohérent et plus fiable de l’entreprise permet de réagir plus vite et plus
aisément face à un environnement plus instable. Une telle notion est opérationnelle,
pour dégager les compromis satisfaisants entre les pratiques ou les aléas de chaque
étape de l’élaboration d’un produit et de chaque fonction. Une vision plus ambi-
tieuse encore de la logistique apparaît alors, elle ne traite pas seulement de la
gestion des flux, mais de la gestion par les flux et acquiert alors un statut stratégique,
pour établir un mode de régulation globale de l’entreprise.
© Groupe Eyrolles
233
215-260Chap4.fm Page 234 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
entreposage
90
transport (externe)
80
gestion des stocks
70
60
expéditions
50
distribution
40
transport (entre
établissements)
30
commandes
20
transport (sur site)
10
emballage
0
programmation
de la production
Source : European Logistics Association
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234
215-260Chap4.fm Page 235 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
fournisseurs
ordres
d'approvisionnement
fabrication
ordres
de production
stock industriel
commandes
commerciales
stock de distribution
ordres de livraison
plates-forme
de distribution
ventes
consommateurs
© Groupe Eyrolles
235
215-260Chap4.fm Page 236 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
2. Cf. SAVY, Michel, « Les plates-formes logistiques », Logistiques Magazines, octobre 2005.
236
215-260Chap4.fm Page 237 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
et dans l’organigramme des firmes. Les réponses varient, en fonction des branches et
des produits et selon que l’accent est plutôt mis sur les tâches d’exploitation ou sur
le contrôle et l’orientation.
Quant à la gestion de l’ensemble des opérations logistiques de manière intégrée, c’est
une tendance forte, vantée par les consultants spécialisés et déjà pratiquée par de
grandes firmes internationales. Toutefois, dans la plupart des entreprises plus banales,
on distingue encore les logistiques d’approvisionnement, de fabrication, de distribu-
tion, de maintenance et d’après-vente, et enfin la logistique de retour avec la récupé-
ration et le recyclage.
Dans le vocabulaire toujours mouvant des grandes entreprises industrielles et de distribu-
tion internationales, le mot de supply chain tend aujourd’hui à supplanter celui, déjà un
peu passé de mode, de logistique, qui tend ainsi lui-même à revenir à son sens premier
d’ensemble d’opérations physiques. On ne se débarrasse pas aisément du transport…
• un dispositif logistique qui contribue pour une part égale à la valeur ajoutée mais
qui, dispersé, partiellement itinérant et externalisé, est souvent perçu, bien à tort,
comme une source de frais plus que de valeur. On en mesure pourtant les enjeux,
en termes de satisfaction des clients, de concurrence et de rentabilité.
237
215-260Chap4.fm Page 238 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Quant à la composition de ce coût, une enquête de 1992 distinguait sept postes, classés
de l’amont à l’aval de la filière représentative de la moyenne de l’échantillon étudié. Elle
montrait :
• d’un côté, que la logistique aval représentait une part plus importante du coût
logistique que la logistique amont. D’ailleurs, un des intitulés anglais qui désigna
pendant un temps la logistique fut physical distribution et, aujourd’hui encore, les
emplois de logisticiens sont plus nombreux dans la distribution que dans la four-
niture industrielle et la fabrication ;
• d’un autre côté, que parmi les divers types de coût, le transport représentait le
poste le plus lourd : si l’on additionnait le transport d’approvisionnement (12 %)
et le transport de distribution (32 %) c’était, avec 44 %, presque la moitié du coût
logistique total qui relevait du transport.
35
30
25
20
15
10
0
n
am ge
s
t
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st fina t
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n
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co
co
io
o
tr
st
pr
en
ge
ap
d'
Ces ordres de grandeur sont confirmés par une enquête plus récente, de 2001, qui
retient huit postes de coûts : le transport amont représente environ 8 % du coût
logistique total et le transport de livraison 33 %, soit 41 % pour l’ensemble.
© Groupe Eyrolles
238
215-260Chap4.fm Page 239 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
35,0
30,0
% du coût logistique
25,0
20,0
15,0
10,0
5,0
0,0
n
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ro
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pp
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a
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Tr
oppose les transporteurs entre eux. Parfois, au contraire, c’est la technicité du trans-
port qui justifie l’intervention de spécialistes. Dans d’autres cas encore, c’est le
mécanisme des économies d’échelle et des économies d’envergure qui permet à un
prestataire tiers d’accomplir l’opération de transport à un coût de production
239
215-260Chap4.fm Page 240 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
moindre que celui qu’obtiendrait un chargeur avec ses propres moyens. Si le poste
du transport est le plus important du coût logistique, il en est aussi, contradictoire-
ment, le plus fréquemment externalisé.
90
80
70
60
50
(%)
40
30
20
10
0
Transport Entreposage Manutention Préparation Conditionnement Production Achats
de commande emballage approvisionnements
Variable d’une branche à l’autre et, à l’intérieur d’une branche, d’une entreprise à
l’autre, l’externalisation logistique est ainsi une tendance. Elle se diffuse de façon diffé-
renciée à travers l’Europe. Un gradient montre une avance générale des pays du Nord
de l’Europe par comparaison avec ceux du Sud. Le Royaume-Uni garde sa spécificité
240
215-260Chap4.fm Page 241 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
France 29,0 29
Royaume-Uni 25,5 38
Italie 16,1 14
Benelux 11,6 26
Scandinavie 8,9 22
Espagne 7,9 20
Autriche 3,8 21
Irlande 1,0 26
Portugal 0,9 18
Grèce 0,8 12
© Groupe Eyrolles
241
215-260Chap4.fm Page 242 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Stratégie et organisation
logistique
11 %
Manutention
16 %
Achats
approvisionnements
13 %
Emballage
15 %
Transport
15 %
Source : AFT-IFTIM, Enquête sur les besoins en emplois et en formation dans la logistique, 2002.
Le même échantillon a été interrogé sur les opérations logistiques externalisées par
les chargeurs industriels.
242
215-260Chap4.fm Page 243 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
1% 1% 1% 0%
2%
2%
3%
4%
Transport et distribution
6% Entreposage / Stockage
Emballage / préparation
Manutention
Gestion des stocks
8% Etiquetage
53 % Conseil en stratégie et organisation
Achats / Approvisionnements
Co-manufacturing
Inventaire
Ordonnancement
Facturation
19 %
Source : AFT-IFTIM, Enquête sur les besoins en emplois et en formation dans la logistique, 2002.
Schéma 4.13 Décomposition par fonctions de la logistique externalisée
par les entreprises industrielles
243
215-260Chap4.fm Page 244 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
12
10
8
(%)
0
Sélection Optimisation Propriété Pilotage Gestion Étude de Différenciation
et achat du réseau des stocks des prestataires commerciale positionnement retardée
des transports de distribution (définition d'entreposage des stocks
des transferts
de propriété)
évidente, puisqu’il s’agit d’une fonction transversale qui, par construction, vient
empiéter sur les découpages verticaux traditionnels entre la fabrication, les ventes,
les finances, le système d’information, etc. Une enquête menée par une association
de logisticiens en 1996 (mais les données de cette nature sont rares) montrait à la
244
215-260Chap4.fm Page 245 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
fois la diversité des places faites à la logistique dans l’organisation des entreprises et
le niveau hiérarchique qui lui est assigné, parfois moins élevé que les manuels de
logistique ne le préconisent.
17 %
opérationnelle
et fonctionnelle
opérationnelle
59 %
24 % fonctionnelle
13 %
direction
du service
spécifique
direction générale
ou autre direction
45 %
© Groupe Eyrolles
42 % autre
fonctionnement
245
215-260Chap4.fm Page 246 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
15 %
direction générale
4%
direction industrielle
4%
direction commerciale
6%
45 % administration
3%
17 %
participe à
la stratégie
36 %
à l'aval de la stratégie
non stratégique
autre
© Groupe Eyrolles
44 %
246
215-260Chap4.fm Page 247 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
encore les liens techniques entre le transporteur et son client, et conforte ainsi la
relation de service dans cette coproduction qu’est essentiellement le transport.
247
215-260Chap4.fm Page 248 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Co-manufacturing
2%
Ordonnancement
5%
Achats /
Entreposage / Stockage
Approvisionnements
15 %
6%
Conseil en stratégie et
organisation logistiques
7%
Manutention et Conduite
Etiquetage d'engins de manutention
7% 14 %
Facturation
8%
Emballage / préparation
de commandes
Inventaire 13 %
10 %
Gestion des stocks
13 %
Source : AFT-IFTIM, Enquête sur les besoins en emplois et en formation dans la logistique, 2002
Schéma 4.15 Décomposition des prestations hors transport offertes par des prestataires
Ne sait pas :
13 %
Plus de 75 % :
12 %
De 50 à 75 % :
5%
Moins de 25 % :
De 25 à 50 % : 61 %
9%
© Groupe Eyrolles
Source : AFT-IFTIM, Enquête sur les besoins en emplois et en formation dans la logistique, 2002
Schéma 4.16 Part des prestations logistiques hors transport dans le chiffre d’affaires
des prestataires du transport et de la logistique
248
215-260Chap4.fm Page 249 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
3. LA MAÎTRISE DU TRANSPORT
De la multiplicité des modalités techniques et organisationnelles de production et de
consommation des opérations de transport peut sans doute se dégager une image de
confusion. Il semble que l’on rencontre toutes les situations et leurs contraires pour
ce qui touche aux critères d’internalisation ou d’externalisation, aux relations
directes entre chargeur et transporteur ou au passage par un intermédiaire, à la four-
niture de prestations limitées au transport ou élargies à des services logistiques voire
manufacturiers de plus en plus riches, à la fragmentation et à la concentration des
entreprises prestataires, etc. Aucune logique générale ne peut-elle être mise en
lumière, ordonnant ce panorama apparemment chaotique ?
port pour compte propre et suppose résolue par ailleurs la question de la masse des
équipements productifs que sont les infrastructures publiques (leur réalisation, leur
mise à disposition).
249
215-260Chap4.fm Page 250 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
250
215-260Chap4.fm Page 251 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
Concept de maîtrise
On définira ainsi la maîtrise (du transport) comme la faculté d’un des agents, membre
parmi d’autres du système de fret, de déterminer l’organisation de la production-
consommation du transport conformément à ses propres intérêts techniques et/ou
économiques.
La maîtrise peut appartenir au « chargeur » (l’expéditeur de la marchandise, qui généra-
lement choisit les modalités du transport et en paie le prix). Dans d’autres cas, c’est le
destinataire qui détermine l’organisation du fret, même s’il n’en est pas toujours l’ache-
teur formel. Dans d’autres cas encore, c’est un opérateur de transport ou un intermé-
diaire qui joue le rôle central, les clients du transport s’inscrivant dans les contraintes
fixées par le dispositif d’offre du transport. Dans les circonstances où l’exercice de la
maîtrise appartient le plus souvent aux chargeurs, les professionnels parlent d’un
« marché acheteur », tandis que la maîtrise par les transporteurs relèverait d’un
« marché vendeur » de transport.
La détermination de la maîtrise du transport peut prendre des formes directes ou indi-
rectes, explicites ou implicites, et s’inscrit toujours dans le jeu des relations entre
acteurs du système, entre entreprises.
tions physiques de production logistique) couvrant la vente des produits finis par
les fabricants ultimes aux distributeurs commerciaux (eux-mêmes souvent répartis
en strates successives de vente en gros et en détail).
251
215-260Chap4.fm Page 252 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Incoterms
Les Incoterms (pour International commercial terms, termes du commerce interna-
tional) constituent des définitions précises des modalités du commerce international
et sont couramment utilisés dans les contrats internationaux. Ils sont établis et diffusés
par la Chambre de commerce internationale (CCI) depuis 1936 et périodiquement
remis à jour (la version actuelle date de 2000)3. Ils permettent, plutôt que d’élaborer un
© Groupe Eyrolles
252
215-260Chap4.fm Page 253 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
accord spécifique à chaque nouveau contrat, avec les coûts de transaction et de litige
correspondants, de choisir rapidement un type de contrat fixant sans ambiguïté les
responsabilités et obligations des parties quant à l’acheminement des marchandises.
On note la place considérable qu’y occupent les questions de transport.
Les Incoterms se présentent comme des diagrammes linéaires reliant, de l’amont à
l’aval, un vendeur (exportateur d’un bien) à un acheteur (importateur) au moyen d’un
préacheminement terrestre, suivi d’un passage au port d’exportation, d’un transport
maritime, d’un passage au port d’importation et enfin d’un postacheminement aboutis-
sant à la livraison du produit. Ils portent principalement sur trois dimensions de la
transaction : la charge de l’organisation du transport, la responsabilité quant au risque
couru par la marchandise et enfin le paiement du coût du transport et des opérations
afférentes.
Les 13 Incoterms figurant sur les tableaux synoptiques de la Chambre de commerce
internationale s’échelonnent entre deux types extrêmes et sont ici résumés de façon
succincte. En tête du tableau, le contrat EXW (Ex works : départ usine) affecte toute
l’organisation du transport à l’acheteur, puisque le vendeur se contente de fournir le
produit disponible à la sortie de ses propres installations. En queue du tableau, selon
un contrat DDP (Delivery duty paid : rendu droits acquittés) c’est le vendeur qui
assume tous les frais et tous les risques jusqu’à destination finale.
Entre ces deux formules, les Incoterms FOB et CIF sont fréquemment utilisés et servent
de référence pour les statistiques du commerce international. Un contrat FOB (Free on
board : franco bord) affecte l’organisation, le risque et le coût du transport à la charge du
vendeur jusqu’au port d’exportation, et à la charge de l’acheteur ensuite. Un contrat CIF
(Cost, Insurance and Freight : coût, assurance et fret) affecte l’organisation du transport
et son coût au vendeur jusqu’au port d’importation, et à l’acheteur ensuite (mais ce
dernier a la responsabilité du risque sur la marchandise à partir du port d’exportation).
L’existence même des Incoterms met en lumière l’importance et la complexité du
transport dans le transport international, d’autant que s’y mêlent inévitablement les
questions de manutention, d’assurance, d’accomplissement des formalités administra-
tives et de paiement des droits de douane, etc. Elle valide aussi la notion de maîtrise du
transport : vendre ex works est sans doute une manière pour le vendeur de se dégager
de tous les risques liés au transport, mais c’est également renoncer à exercer toute
influence sur l’organisation de celui-ci, en dépit des conséquences qui s’ensuivront sur
la qualité et sur le coût total de la marchandise. À l’inverse, vendre DDP, ou à tout le
moins CIF, permet à un vendeur d’organiser l’acheminement de son produit jusqu’à
son client, de contrôler les coûts et de faire de cette compétence un argument de vente
supplémentaire. Deux industriels concurrents peuvent ainsi vendre des produits
comparables, avec des coûts de fabrication proches, et se départager par le coût et la
qualité du transport. Pour les contrats importants, l’acheteur et le vendeur se disputent
souvent la maîtrise du transport, et cette négociation se conclut par la désignation de
l’Incoterm reflétant l’accord obtenu en fonction de leur rapport de force.
C’est ainsi la maîtrise du transport qui explique que le pavillon national d’un pays
© Groupe Eyrolles
donné est généralement plus fort, face à ses concurrents, sur les flux d’exportation (où
il est promu par les industriels du pays, chargeurs des marchandises vendues) que sur
les flux d’importation.
253
215-260Chap4.fm Page 254 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Les industriels ne livrent plus des milliers de magasins avec de petits véhicules,
mais quelques dizaines de « plates-formes » centrales de distributeurs, au moyen
de semi-remorques complètes. À partir de ces plates-formes, les distributeurs orga-
nisent eux-mêmes la livraison de leurs points de vente (supérettes, supermarchés et
hypermarchés).
Quant aux opérations logistiques correspondantes, elles ont également basculé :
certains distributeurs les assurent avec leurs propres moyens et considèrent ainsi
qu’elles appartiennent à leur cœur de métier (à côté de l’achat et de la vente, bien
sûr). Mais d’autres les externalisent vers des opérateurs tiers. Cette solution plus
flexible incite en outre aux gains de productivité, puisque des prestataires peuvent
réaliser des économies d’échelle en traitant dans les mêmes entrepôts et les mêmes
véhicules des produits provenant de fabricants concurrents les uns des autres voire,
mais le cas est plus rare, des produits destinés à des distributeurs concurrents.
Globalement, un rapport de force favorable aux distributeurs face aux industriels
© Groupe Eyrolles
s’est établi. Sauf pour quelques produits vedettes, un distributeur peut sans risque
« déréférencer » (ou menacer de le faire) un fournisseur jugé trop cher, tandis qu’à
l’inverse la perte d’un grand distributeur est pour un fabricant un événement grave,
voire mortel.
254
215-260Chap4.fm Page 255 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
4. Voir SALAIS et STORPER (1993). Pour l’analyse de ces « mondes » sous l’angle des organisations logistiques
voir : BURMEISTER, Antje, « Juste-à-temps, stratégies logistiques et rôle du transport », Cahiers scientifiques du
transport, n° 38, 2000.
255
215-260Chap4.fm Page 256 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
• le monde professionnel est représenté par des produits dédiés à une demande
précise, produits à partir de facteurs de production spécifiques. La production
mobilise des savoirs spécialisés et localisés ;
• le monde immatériel concerne la production à partir de ressources spécialisées,
mais pour une demande générique. C’est en particulier la création de produits
nouveaux, issus de processus d’innovation et d’apprentissage.
Non seulement un type d’organisation logistique répond à chacun de ces « mondes »
mais ceux-ci se définissent essentiellement par leurs principes logistiques, par les
liens d’informations et de produits qui les relient à leur marché.
Ce n’est donc pas tant de leurs caractères intrinsèques que de leurs rapports avec
leurs fournisseurs et clients que dépend l’aptitude des entreprises industrielles ou
de distribution à maîtriser leurs flux de transport. Plusieurs paramètres entrent en
ligne de compte, notamment la régularité (ou l’intermittence) de la relation, ainsi
que les différences de taille des entreprises impliquées dans l’échange. Si les four-
nisseurs sont des sous-traitants réguliers, appartenant au monde industriel des
produits standards, les transports seront techniquement organisés selon les
demandes de l’entreprise donneuse d’ordres, qu’elle paye elle-même le transport
(comme c’est la tendance avec la pratique de l’achat des fournitures « départ
usine ») ou qu’elle en laisse la charge formelle à son fournisseur. Si par contre le
fournisseur est un équipementier de premier rang, relevant plutôt du monde flexible
ou professionnel, il peut exercer la maîtrise du transport et en imposer les effets à
certains de ses clients occasionnels ou de moindre importance. En effet, une firme
de petite taille dépend potentiellement des prescriptions d’une grande, qu’il s’agisse
de fourniture ou d’approvisionnement, et l’on observe parfois un certain mimétisme
dans le choix des transporteurs par les chargeurs, quand la possibilité en existe.
Ainsi, une entreprise manufacturière moyenne préfère souvent traiter avec une
entreprise de transport de taille comparable pour que les discussions commerciales
et le suivi des opérations se déroulent à des niveaux hiérarchiques homogènes dans
les deux structures. Ce mimétisme vise, à travers l’identité de taille, une proximité
organisationnelle entre le transporteur et le chargeur.
256
215-260Chap4.fm Page 257 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
d’information qui figure parmi les actifs spécifiques de ces entreprises. En outre, leur
gamme de service s’élargit, pour certains, à la logistique. Leur aptitude à externaliser
une large part des opérations (selon une sous-traitance de second rang du point de
vue du chargeur, laissant ainsi à leurs fournisseurs la charge des investissements et de
257
215-260Chap4.fm Page 258 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
258
215-260Chap4.fm Page 259 Mardi, 3. octobre 2006 10:23 10
industriel transporteur
a)
b)
c)
d)
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Le système de fret :
le rôle des pouvoirs publics
Avec l’étude du jeu des entreprises, la construction du système de fret, même en y
incluant la logistique, n’est nullement achevée. Plus que la plupart des autres acti-
vités économiques, et même si aucune n’y échappe entièrement, le transport est en
effet marqué par l’importance de l’intervention de l’État1. Le transport a une dimen-
sion politique qui lui est constitutive et qu’il faut maintenant appréhender. On a déjà
souligné qu’il y a un ministre des Transports dans tous les gouvernements, alors que
des activités aussi nobles et utiles que la boulangerie ou l’électronique n’en justifient
pas le poste.
Si les pouvoirs publics interviennent massivement et sous des formes multiples (les
transports sont historiquement liés aux « travaux publics »), ils ne sont pas des
acteurs du système comme les autres. À travers eux, c’est la société tout entière qui
est impliquée, comme mandataire de ses représentants politiques et des fonction-
naires qui administrent leurs décisions, et comme destinataire de leurs actions.
Ceci vaut du moins pour les pays démocratiques, notamment l’ensemble de
l’Union européenne. C’est dire que traiter de l’intervention des pouvoirs publics
dans le transport renvoie, ne serait-ce qu’implicitement, au rôle général de l’État
dans les sociétés capitalistes développées à démocratie parlementaire, à la ques-
tion de sa faculté déclarée et effective à incarner et prendre en charge les intérêts
collectifs, de ses rapports avec les intérêts particuliers pris en charge par les autres
agents, de son contrôle éventuel par tel ou tel groupe social et des luttes qui y
président, de son autonomie relative et de la logique propre de sa bureaucratie
(sans que ce terme soit ici péjoratif), etc. Il est alors difficile de demeurer dans une
démarche scientifique positive, l’exercice relève inévitablement de la philosophie
politique, avant même l’économie politique. Par exemple l’école libérale,
aujourd’hui hégémonique en matière d’analyse économique dans les pays déve-
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1. Sauf mention contraire, État s’entend ici au sens générique et recouvre toutes formes d’institutions publiques :
administration centrale, collectivités territoriales, instances communautaires ou leurs émanations.
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Par comparaison avec les autres équipements productifs, les infrastructures se carac-
térisent par la masse considérable des investissements qu’elles mobilisent et leur
caractère souvent indivisible : une route, a fortiori un pont, n’est utile que quand elle
est réalisée de bout en bout. La rentabilité financière de ces investissements est
généralement faible, ou ne s’établit que sur le très long terme. Elle doit en outre inté-
grer la durée de construction des ouvrages, qui requiert des mises de fonds impor-
tantes sur plusieurs années (avec les frais financiers qui y sont associés), alors que les
recettes espérées d’un éventuel péage ne commenceront à apparaître qu’à l’achève-
ment de l’ouvrage et à sa mise en service, avec généralement une lente montée en
régime du trafic. Les capitaux privés ne s’engagent donc que de façon exception-
nelle dans la réalisation d’infrastructures, la plupart des réalisations relèvent, sous
diverses formes, des financements publics.
La récente réétatisation de Railtrack, société gestionnaire de l’infrastructure
ferroviaire au Royaume-Uni, vient conforter ce constat.
De plus, les infrastructures terrestres sont inscrites sur le territoire et doivent y
disposer d’une emprise continue. Le mécanisme du marché foncier ne suffit généra-
lement pas à assurer la vente de leurs terrains au maître d’ouvrage par tous les
propriétaires concernés, sauf à les laisser user de leur monopole de la propriété du
sol jusqu’à obérer la faisabilité économique de tout nouveau projet. La réalisation
d’une route, d’un canal ou d’une voie ferrée passe donc par une procédure d’expro-
priation menée par l’État au nom de l’utilité publique.
Les infrastructures de transport sont des monopoles naturels car il serait inefficace de
réaliser et mettre en concurrence des installations desservant, en parallèle, les
mêmes itinéraires. Le monopole de gestion est alors inévitable et, dans le cas de sa
gestion par un opérateur privé, prend la forme d’une concession étroitement
contrôlée par la puissance publique ou, plus souvent encore, d’une gestion publique
directe (d’autant qu’en absence de saturation de l’infrastructure, la théorie margina-
liste recommande la gratuité de l’usage, ce qui ne facilite pas la rémunération d’un
investisseur privé). En deçà du seuil de congestion, l’utilisation d’une infrastructure
par un véhicule ne fait pas obstacle à son utilisation par un autre : l’infrastructure
entre dans la définition d’un bien public.
Enfin, la contribution des infrastructures au développement économique fait l’objet
d’un constat ancien, qui les désigne comme relevant des « conditions générales de
la production », c’est-à-dire des éléments préalables sans lesquels le mouvement de
croissance économique dans son ensemble est ralenti voire empêché (cette analyse
aboutit à une acception macroéconomique de la notion d’effet externe). Le finance-
ment public des infrastructures se justifie donc par les effets de développement qu’il
déclenche ou du moins autorise4.
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4. Cf. IZQUIERDO, Rafael, in CEMT (2005). Des travaux économétriques ont mesuré ex post le bien-fondé de
tels investissements, voir FRITSCH (1999).
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Cette question, qui pourrait faire l’objet de longs développements, établit un lien
entre développement économique et transport par l’intermédiaire du territoire.
L’extension du système de transport s’est longtemps inscrite, particulièrement en
France, sous la rubrique de l’« effet structurant des infrastructures » à l’égard de
l’activité des régions desservies et, de façon plus large, de leur organisation spatiale :
par l’amélioration de son accessibilité, la dotation d’une région avec une infrastruc-
ture nouvelle la rend plus attractive pour les capitaux extérieurs, elle abaisse les
coûts de production totaux de ses consommations et de ses productions, elle
contribue ainsi à son développement économique, voire le déclenche. L’argument
ayant été utilisé au-delà du raisonnable, une polémique s’est ouverte sur la perti-
nence de la notion même d’effet structurant.
Il est aujourd’hui admis que, dans un pays développé et déjà largement équipé,
une infrastructure additionnelle ne déclenche pas à elle seule le développement
d’une région, mais qu’elle en renforce la possibilité dès lors que des projets
susceptibles d’en tirer parti, et des acteurs pour les promouvoir, se mettent en
place. Dans tous les cas, l’infrastructure est une condition nécessaire, mais non
suffisante, du développement économique.
La congruence territoriale du système de transport et du système économique
s’observe, à larges traits, pour chaque phase que découpe la succession des
modèles productifs5. La phase d’expansion économique des années 1970 – l’apogée
de la production fordiste – fut aussi une phase d’intense réallocation spatiale des
activités industrielles, elle n’aurait pas été possible sans une évolution adéquate du
système de transport (infrastructures et services), même si le transport n’en fut pas
pour autant le moteur. De même, la phase actuelle de production flexible est
marquée par la métropolisation des activités et s’appuie sur une organisation en
réseau dans laquelle tous les moyens de communication, parmi lesquels le transport
de fret et la logistique, jouent un rôle primordial. Cette relation de congruence n’est
pas pour autant un phénomène simple. Dans un premier temps, quand les infra-
structures sont rares, ou quand les infrastructures modernes sont rares à l’intérieur
d’un réseau plus ancien (comme les autoroutes dans le réseau routier ou les lignes à
grande vitesse – LGV – dans le réseau ferroviaire), la pénurie de ces équipements
leur confère un réel pouvoir structurant sur le territoire6. Mais, au fur et à mesure
que les réseaux se développent, leurs effets se nuancent :
• d’une part, ils drainent un volume croissant de marchandises (mais tout autant de
personnes, d’énergie ou d’informations pour d’autres sortes de réseaux) et jouent
pleinement leur rôle dans le modèle de production en place ;
5. Voir : SAVY, Michel et VELTZ, Pierre, Les nouveaux espaces de l’entreprise, La Tour d’Aigues, Éditions de
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l’Aube, 1993, ainsi que : Économie globale et réinvention du local, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube,
1995 et VELTZ (1996).
6. Cf. PLASSARD (2003). Un rapport du Plan permit jadis d’écrire « C’est la pénurie qui structure », in
PRUD’HOMME, Rémy et SAVY, Michel, Rapport du Comité d’aménagement du territoire du VIIIe Plan, La Docu-
mentation française, 1980.
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7. Voir : SAVY, Michel, « TIC et territoires : le paradoxe de localisation », Cahiers scientifiques du transport,
n° 33, 1998.
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8. Pour lutter contre les effets de la surcapacité de la flotte dont elle venait de faire le constat, une organisa-
tion professionnelle du transport routier proposait récemment d’élever le poids total autorisé en charge des
véhicules de 40 t à 44 t, augmentant ainsi la charge utile maximale de quelque 20 % !
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Ce domaine demeure, en dépit des investigations qui lui ont été consacrées, d’une
grande complexité comme le montre l’exemple des polluants. Il faut en effet
concevoir toute une chaîne de phénomènes interdépendants, chacun assorti
d’hypothèses et d’évaluations délicates : on doit, successivement, savoir mesurer
le volume d’une émission de polluant, apprécier ses effets physiques sur l’environ-
nement (et notamment sa concentration ou sa dispersion selon la configuration du
lieu, la situation météorologique, etc.), passer de la mesure de la présence des
agents toxiques à celle de leurs effets sur les hommes (et tenant compte de leur
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traitement possibles, leur efficacité relative et leur coût, pour effectuer enfin la
monétarisation des dommages (coût de remède, coût d’évitement, coût du préjudice
résiduel mesuré par diverses méthodes dites de préférences déclarées, de préfé-
rences révélées, etc.) et inclure enfin cette évaluation monétaire dans un calcul
économique intégrant tous les effets, directs et externes. Il n’est alors pas étonnant
que les chiffres établis par les experts reconnus varient parfois de 1 à 10 !
Quant à l’évolution de ces nuisances, le progrès technique, mis en œuvre à travers
une réglementation imposant des normes de plus en plus sévères, s’est avéré efficace
dans le domaine des pollutions locales. Pour les moteurs diesels équipant les poids
lourds et en 20 ans seulement – de 1988 à 2008 – les taux d’émission de NOx et de
CO auront été divisés par 7, celui d’hydrocarbures par 10 et celui de particules par 18.
Au fur et à mesure du renouvellement du parc de véhicules et en dépit de
l’accroissement de la circulation, la qualité de l’air connaît aujourd’hui une
amélioration sensible, même si les habitants sont persuadés du contraire !
Tableau 5.1 Évolution des normes européennes d’émission des moteurs diesel
de marché « corrigé », intégrant les effets externes (c’est-à-dire ajoutant aux coûts
directs les coûts sociaux engendrés par le transport), concilierait la liberté de décision
microéconomique et la prise en compte des enjeux collectifs. Malheureusement, la
fixation de ce prix soulève, on l’a vu, de nombreuses difficultés méthodologiques.
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11. La discussion sur le fond est ouverte quand on lit sous la plume du vice-président du Conseil général
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des ponts et chaussées, à propos de l’utilisation du calcul économique dans l’évaluation des projets et dans
l’élaboration d’une politique des infrastructures : « Le but est d’ébranler les certitudes de tous ceux qui ne
font confiance qu’à leurs indicateurs de performance ou de richesse, à leurs calculs ou à leurs évaluations
économiques et financières, pourtant de plus en plus contestés et remis en cause. Plus on compte, plus on
compte mal, car on ne compte pas tout. », MARTINAND. (2003).
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12. Ce constat mérite d’être nuancé : la création d’emplois dans la branche du transport résulte partielle-
ment de l’externalisation des emplois du transport pour compte propre, et le solde pertinent doit être
calculé au niveau de l’activité de transport tout entière et non de la branche.
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tations des patrons et des salariés), 1997, 2000, 2003 (où la grève des salariés ne
parvint pas à prendre l’expansion attendue), 2004 (où le mouvement de certains
patrons fut enrayé). Ces conflits ne sont pas une exception française, des événe-
ments analogues, et parfois simultanés comme lors d’une récente hausse générale
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13. Un rapport de l’administration notait que, compte tenu de l’allongement des procédures d’instruction
des dossiers, il faut entre 14 et 20 ans pour réaliser un projet de quelque importance, depuis les études
préliminaires à la mise en service de l’ouvrage. Voir : Inspection générale des finances et Conseil général
des ponts et chaussées, Rapport d’audit sur les grands projets d’infrastructures de transport, 2003.
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attachées à des horizons de plus en plus lointains, et dès lors de plus en plus
incertains. Quelle que soit leur qualité intrinsèque, les prévisions concernant le fret
dont disposent les décideurs sont en outre généralement exprimées en tonnes-kilo-
mètres, c’est-à-dire selon l’unité exprimant le mieux – le moins mal – le volume de
transport. Or, ce sont de données de trafic dont on aurait besoin, mesurées en
véhicules-kilomètres. La question de la conversion des tonnes-kilomètres (le trans-
port) en véhicules-kilomètres (le trafic) ne doit donc pas être ignorée.
La question des infrastructures est aussi débattue sous un autre aspect, celui de leur
exploitation et de leur mise à disposition des utilisateurs. Quelle est la tarification
assurant au mieux l’utilisation du stock existant, ou permettant de financer tout ou
partie de son extension, ou prenant en compte des effets externes « internalisés » par
son entremise ? Parmi les divers modes de tarification, on distingue la gratuité, le
péage, la vignette forfaitaire. Faut-il, par exemple, que le péage couvre le coût social
marginal (c’est la position théorique de référence de la Commission européenne), le
coût social marginal de développement ou le coût complet d’exploitation des infras-
tructures ? Ces questions sont généralement débattues de manière générale et
abstraite, alors qu’elles n’ont pas la même pertinence pour tous les modes de trans-
port : la capacité d’une ligne ferroviaire, fixée à un nombre fini de sillons, tout
comme celle d’une piste d’aéroport caractérisée par un nombre maximal de slots, ne
relèvent pas d’une analyse marginaliste et appellent donc d’autres principes de tari-
fication que le coût social marginal. Les interrogations sortent du champ théorique
pour nourrir des enjeux politiques et économiques considérables. La durée qu’il a
fallu pour négocier une directive européenne sur la tarification des infrastructures et
le caractère timoré de son contenu final illustrent la difficulté de ces débats et les
divergences qui demeurent.
Le problème est d’autant plus complexe qu’il est dynamique : il ne s’agit pas seule-
ment de gérer au mieux la situation existante mais de se donner les moyens
d’affronter les problèmes futurs qui déjà se dessinent. La croissance soutenue, sinon
« soutenable », des trafics bute sur la saturation des infrastructures et pose le
problème de leur extension. Entre la grandeur des besoins ainsi identifiés et les
contraintes de la rigueur budgétaire que l’Europe s’est imposée à travers son pacte de
stabilité, la contradiction est frontale. Peut-on y chercher des solutions par l’emprunt
(il n’est pas choquant qu’une part du financement d’équipements de très longue vie
soit reportée sur les générations futures, qui en seront utilisatrices), par le finance-
ment privé ou du moins l’association de financements publics et privés, selon des
formules convenables de « partenariat » qui sont encore à découvrir ou à préciser ?
Le financement extrabudgétaire des autoroutes par le régime des concessions a bien
fonctionné en France pendant des décennies mais son extension est désormais
limitée par l’interdiction des « adossements » qui assurait un financement croisé,
allant des tronçons anciens et rentables vers les tronçons nouveaux et moins renta-
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bles. Le recours au pur financement privé n’est pas évident, l’exemple du tunnel sous
la Manche ayant montré que les infrastructures ne correspondent pas aisément aux
critères de rentabilité rapide et sûre que cherchent les épargnants.
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Dans certains pays, la filiale routière des chemins de fer a été entièrement priva-
tisée et a un comportement autonome de son ancienne maison mère (c’est
maintenant le cas pour le SERNAM français vis-à-vis de la SNCF ou de l’ABX
belge vis-à-vis de la SNCB), elle a parfois même été acquise par un groupe
étranger (ASG en Suède naguère racheté par Danzas pour le compte de la
Deutsche Post). Dans d’autres, la société ferroviaire reste un actionnaire de
poids, même si les synergies techniques et commerciales entre la filiale et la
maison mère ne sont pas évidentes (Géodis en France). Le cas allemand mérite
d’être souligné : après l’avoir vendue à un groupe de commerce international, la
DB – première entreprise ferroviaire de fret en Europe avec son extension multi-
nationale Railion – a racheté son ancienne filiale Schenker et en a fait le gestion-
naire commercial de l’ensemble de son fret, y compris celui qui passe par la
voie ferroviaire. Imagine-t-on en France la SNCF confiant son fret à Géodis ?
S’il pèse peu en termes de tonnages transportés, le mode aérien joue un rôle impor-
tant pour certains segments spécifiques du fret, le général cargo intercontinental et
l’express. On a vu que 25 % du commerce extérieur extra-communautaire, en
valeur, passe par la voie aérienne. Malgré de nombreuses restructurations, nulle-
ment stabilisées aujourd’hui, les États demeurent souvent des actionnaires impor-
tants, voire majoritaires, des entreprises aériennes généralistes présentes simultané-
ment sur le marché du voyage et du fret. Quant aux spécialistes du fret aérien,
certains sont désormais dans le giron des groupes postaux.
À ce rapide inventaire, il faut en effet ajouter les groupes postaux. Historiquement
séparé du secteur du transport, le secteur de la Poste connaît une mutation rapide.
Son activité de monopole du courrier représente une part déclinante de son activité,
d’autant que les limites en sont progressivement réduites au profit d’une ouverture
graduelle à la concurrence orchestrée par la Commission européenne. Son activité
concurrentielle, longtemps limitée au marché du paquet, tend donc à s’élargir. Pour
se préparer à une libéralisation plus grande encore plutôt que de la subir passive-
ment, les groupes postaux ont adopté une stratégie résolument offensive en se
portant sur le marché du transport, à travers leurs propres filiales (souvent de droit
privé, comme Chronopost en France) ou, plus encore, à travers la prise de contrôle
d’entreprises de transport et de logistique existantes, jusqu’à devenir les principaux
opérateurs de ce nouveau secteur (les Postes allemande, française, britannique et
néerlandaise arrivant en tête, en termes de chiffre d’affaires consolidé). Paradoxale-
ment, la volonté communautaire de libéralisation du marché du transport et de la
Poste a ainsi déclenché une étatisation massive (mais peut-être provisoire) de
l’actionnariat des groupes les plus puissants.
Cette extension du domaine public ne va pas sans polémique. Certains opérateurs
privés accusent les entreprises publiques de financer, par les bénéfices tirés de leurs
activités réservées au titre du monopole service public, l’achat d’entreprises privées,
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2.3 Fiscalité
Présente dans tous les secteurs, la question de la fiscalité trouve dans le transport, et
surtout dans le transport routier, une importance particulière. C’est un domaine
compliqué, de surcroît fortement marqué par les particularités nationales : c’est ici
que les différences d’un pays à l’autre, même à l’intérieur de l’Union européenne,
sont les plus fortes. Nous nous contenterons ici de poser quelques questions clefs,
sans entrer dans les chiffres ni les détails techniques.
L’impôt sur les bénéfices des sociétés, la TVA ou la taxe professionnelle, touchent
l’industrie du transport routier comme toutes les autres industries, mais s’y ajoute une
fiscalité spécifique avec la TIPP (Taxe sur les produits pétroliers, de l’ordre de 80 % du
prix final du produit à la consommation), la taxe à l’essieu (censée compenser l’usure
infligée aux infrastructures, mais son montant est bloqué depuis de nombreuses années),
la taxe sur les assurances, etc. D’autres principes de taxation sont périodiquement
avancés, les partisans d’un développement durable préconisent ainsi l’instauration
d’une « écotaxe » pénalisant la production de gaz carbonique (en Allemagne, cette taxe
additionnelle existe déjà et s’accompagne d’une réduction globalement égale des
charges sociales, pour apparier souci environnemental et création d’emploi). La ques-
tion dépasse le transport de fret et touche l’activité, plus importante, des déplacements
de personnes, et l’on envisage la création d’un « gazole professionnel » moins imposé
que celui des automobiles. Toute évolution en la matière s’avère politiquement sensible,
comme on l’a vu à l’automne 2000 où quelques jours de blocage des routes par les
transporteurs qui protestaient contre une hausse des prix des carburants ont eu raison
des velléités « écologiques » de plusieurs gouvernements européens. Qu’en sera-t-il à
l’avenir, alors que la perspective de hausse des prix du pétrole semble durable ?
Une autre question récurrente est l’analyse du bilan des dépenses et des ressources de
l’État dans ses relations fiscales avec le secteur du transport. Le transport routier de
marchandises est-il la « vache à lait » de l’État ? Couvre-t-il, à travers l’impôt s’ajoutant
à ses dépenses directes, ses coûts sociaux ? Quel est le périmètre couvert par de telles
estimations, quelle méthode a-t-on suivi pour chiffrer les effets pris en compte ? Si les
avis des experts divergent, la discussion n’est pas seulement d’ordre scientifique. On
peut en rapprocher la question du financement des nouvelles infrastructures qu’appelle
la croissance des trafics. Outre les recettes de péage, déjà évoquées, certains propo-
sent d’y affecter une part de la TIPP en arguant que le secteur est ainsi capable
d’autofinancer sa croissance, y compris le développement des modes alternatifs à la
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route (voie d’eau, rail, cabotage maritime, transports intermodaux) souhaités dans tous
les discours politiques mais bien peu effectifs quand on observe les chiffres du trafic ?
Une telle dérogation à la règle de l’unicité du budget et à celle de la non-affectation de
l’impôt est-elle fondée, surtout quand elle porte sur des montants considérables ?
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
2.4 Réglementation
Quelles que soient ses finalités (par exemple, la sécurité), la réglementation a aussi
des répercussions économiques et sociales importantes. On ne citera que pour
mémoire la réglementation technique, à commencer par le code de la route. L’effort
d’harmonisation technique est lourd d’enjeux industriels, mais a progressivement
permis une norme européenne des poids et dimensions des véhicules15. On notera le
délai étonnamment long pour adopter un chronotachygraphe électronique réputé
inviolable…
La réglementation sociale, en revanche, demeure avec l’harmonisation fiscale le
chantier européen le moins achevé.
14. Voir : Les charges fiscales et sociales dans le transport routier de marchandises en Europe, dossier de
l’OPSTE n° 3, CNT, décembre 2001, téléchargeable sur www.cnt.fr.
15. Le projet est avancé de porter le poids total autorisé en charge (PTAC) de 40 à 44 t, sans qu’une étude
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globale en apprécie encore les enjeux, quant à l’équilibre du marché du transport routier, du déplacement
de la concurrence avec les autres modes dont les pouvoirs publics déclarent souhaiter l’expansion, de la
sécurité, de la consommation énergétique, de la congestion, etc. Une rupture plus radicale, mais que la
technologie des constructeurs autoriserait d’ores et déjà, serait l’adoption de « super-camions » de 60 t,
comme il en circule déjà en Finlande, sans compter les « trains routiers » australiens de 100 t.
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Le transport routier, dont on sait qu’il domine le marché du fret continental, est
régi par un droit du travail dérogatoire du droit commun en matière de durée du
travail.
Source : « Ces chiffes qui font mal », L’Officiel des transports, n° 1749, 17 avril 1993
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
très vite toutes les occasions, voire de l’intuition spéculative, une qualité typique du
chef d’entreprise de transport. De plus, la fragmentation de l’industrie du transport
dans un marché très concurrentiel favorise une culture professionnelle individualiste
chez les entrepreneurs. De ce fait, la rigueur de l’encadrement réglementaire et le
poids des prélèvements sociaux et fiscaux fournissent une explication facile aux
dysfonctionnements du marché. La stabilité des textes est à la fois réclamée pour
permettre aux entreprises de prendre des décisions en fonction d’un environnement
stabilisé et dénoncée comme l’effet d’une rigidité archaïque. Il s’ensuit un rapport
ambigu à l’État, tour à tour dénoncé pour son carcan bureaucratique et appelé à la
rescousse en cas de problème. Rien qui favorise chez les professionnels la formation
de perspectives de long terme et la définition consensuelle d’un intérêt général,
fondements souhaitables de l’intervention publique…
16. Avec toutes ses limites, ce livre n’aurait pas été possible, ou aurait eu un contenu très abstrait, s’il n’avait
pu s’alimenter de statistiques concernant les transports permettant d’identifier sûrement les phénomènes
principaux et d’en rechercher l’explication.
17. Dans le pays qui incarne l’économie de marché, les États-Unis, les publications statistiques de l’admi-
nistration fédérale sont gratuites.
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Il faut souligner à cet égard les règles déontologiques qui s’y attachent :
• d’une part, certaines enquêtes sont désignées comme obligatoires et les entre-
prises refusant d’y répondre sont passibles d’amendes (on peut penser que, sur le
fond, leurs responsables n’ont pas compris l’avantage qu’ils peuvent retirer de la
connaissance de leur propre industrie) ;
• d’autre part, l’administration s’engage à ne diffuser aucune information qui
permette d’identifier tel ou tel agent individuel, le « secret statistique » garantit la
confidentialité et permet ainsi la sincérité des réponses.
On observe enfin que, recevant de nouvelles compétences en matière d’infrastruc-
tures et de services, les collectivités régionales commencent souvent par se doter
d’un observatoire régional des transports pour fonder leur action sur une connais-
sance minimale du domaine.
au secteur, par exemple sur le parc de véhicules. La situation est encore pire pour ce
qui touche aux prix et à l’emploi. Aucun texte ne fait obligation aux États d’observer les
prix (en niveau ou en évolution), l’emploi ni les rémunérations.
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
La diffusion est effectuée par Eurostat, qui recueille les données auprès des services
statistiques nationaux. Au délai de recueil, inévitablement fixé par le pays le plus lent,
s’ajoute le temps de production d’une valeur ajoutée par les services d’Eurostat, ce qui
allonge d’autant le décalage entre les événements et les chiffres.
La situation actuelle est donc transitoire : elle est meilleure pour le fret, malgré son
caractère assez monomodal, que pour les voyageurs. La compatibilité des méthodes
d’un pays à l’autre n’est pas encore assurée, des solutions plus efficaces s’établiront
progressivement, avec l’expérience. La nécessité d’un système statistique européen
efficace se renforce avec l’internationalisation des flux et des opérateurs de transport,
qui limite chaque jour davantage la pertinence de données seulement nationales.
L’information nourrit le comportement de tous les acteurs mais aussi les études,
qu’elles soient destinées aux pouvoirs publics eux-mêmes pour éclairer leur action à
venir puis en faire le suivi et le bilan, ou qu’elles aient une finalité moins immédiate
et s’adressent à d’autres lecteurs, acteurs sociaux ou simples citoyens18. Ces deux
cibles ne sont pas exclusives : diffuser largement une étude préparant ou présentant
les choix publics, c’est faire de la politique au sens le plus noble du terme.
Ces études ont des caractères variés : description, analyse, explication des phéno-
mènes observés, mais aussi identification des tendances, des dysfonctionnements et
des enjeux, ou encore évaluation et préconisation d’interventions et de mesures
diverses. Le transport forme un système évolutif et requiert de la part des acteurs
publics et privés une anticipation sur les réalités à venir, les prévisions tiennent donc
une place importante dans les études de transport. Compte tenu des horizons excep-
tionnellement longs qu’il faut prendre en compte pour les éléments les plus inertes
du système – les infrastructures mais aussi, désormais, des problèmes naguère
ignorés tels que l’effet de serre ou les réserves mondiales de pétrole – la prévision
n’est pas possible et fait place à la prospective.
La prospective est un exercice non scientifique (car non « falsifiable ») mais ici indis-
pensable car, s’efforçant de cadrer le champ des avenirs possibles, désirables et indé-
sirables, elle aide à formuler des préférences et des choix. On observe la production,
la discussion, la remise à jour périodique de telles études, à long, moyen et court
terme, qui nourrissent le débat politique sans s’y substituer. Le dispositif d’étude et
d’expertise de l’État est pour partie interne à son administration, pour partie externe.
Les ministères hébergent en leur sein des départements des études, des conseils de
référence pour l’élaboration de leur doctrine (comme le Conseil général des ponts et
chaussées en France, qui vient de fêter son bicentenaire), ainsi qu’un appareil plus ou
18. Par comparaison avec l’Union européenne et sa Commission, la Conférence européenne des ministres des
© Groupe Eyrolles
transports (CEMT) apparaît comme une organisation intergouvernementale peu puissante, en termes de
compétence et de moyens d’intervention directe. De ce fait, elle est un lieu d’échanges plus ouvert, où s’élabo-
rent par le débat les idées politiques qui seront plus tard mises en œuvre par les instances responsables. Il est
significatif que les publications principales de la CEMT soient un annuaire statistique paneuropéen et les actes
de « tables rondes » réunissant, sur des questionnements communs, des experts originaires de nombreux pays.
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
successifs (licence après 3 ans, master après 5 ans et doctorat après 8 ans d’études
universitaires) facilite la circulation des étudiants et des enseignants, et la recon-
naissance internationale des formations et des diplômes.
Les enjeux de la formation, professionnelle ou générale, se mesurent d’abord à l’aune
des effectifs concernés : quelque 800 000 emplois en France, soit 4 % de la main-
d’œuvre totale, sont engagés professionnellement dans le transport de marchandises
et la proportion atteint environ 12 % si l’on considère l’ensemble des activités logis-
tiques, et plus encore pour l’ensemble de la filière de transport et de logistique
comprenant aussi la fabrication et l’entretien des infrastructures et des matériels,
l’énergie, l’assurance, etc. À l’enjeu direct de l’emploi s’ajoute l’enjeu de la qualité et
de l’efficacité des opérations de transport, facteur d’efficacité de l’ensemble du
système productif et d’attractivité du territoire19, qui repose largement sur la compé-
tence de la main-d’œuvre à tous les niveaux de qualification.
On a déjà observé que les transporteurs européens les plus compétitifs ressortis-
saient aux pays ayant mis en place une formation de haut niveau et non à ceux où
les salaires sont les plus bas : dans l’« économie de la connaissance » qui devrait se
mettre en place et fonder la compétitivité de l’économie européenne des années à
venir (selon la formule de la « stratégie de Lisbonne » arrêtée en 2000 par un Conseil
européen des chefs d’État et de gouvernement), la formation est une ressource de
long terme primordiale. Ceci vaut, bien sûr, pour une industrie de traitement rigou-
reux des flux telle que le transport moderne.
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le rôle de conciliation voire d’arbitrage à qui, dans un secteur où les conflits sociaux
ne sont pas rares, revient souvent la puissance publique de tenir dans la négociation
entre employeurs et employés, relève d’une mission de régulation plus ample.
Enfin, dans un environnement qui se complexifie et où la décentralisation prive les
administrations centrales d’une part de leurs prérogatives traditionnelles, l’État
conserve et renforce son rôle propre d’animation, de fédération des initiatives, de
capitalisation et de valorisation des informations et des expériences, de diffusion des
« bonnes pratiques ». Toutes les ressources cognitives précédemment passées en
revue contribuent à cette mission.
L’ensemble de ces outils d’intervention publique, multiples et hétérogènes, ne
forment pas spontanément un tout cohérent. Ils doivent s’ordonner autour d’orienta-
tions qui puisent, dans la panoplie des instruments disponibles, les moyens de leur
mise en œuvre et ainsi leur donnent sens.
parfois commode de prétendre n’avoir pas de responsabilité dans une décision dont
l’application serait mal accueillie par tel ou tel groupe d’intérêts.
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Dans ce qui reste de politique nationale, et qui n’est tout de même pas négligeable
car on y trouve l’essentiel des questions d’infrastructures, des questions sociales et
des questions fiscales, la référence à la politique européenne est forte :
• d’une part, la comparaison avec les autres membres de l’Union, qu’il s’agisse par
exemple de la dotation en équipements ou de la compétitivité des entreprises
(benchmarking), est désormais pratique courante et fournit des arguments de
poids pour justifier une décision nationale21 ;
• d’autre part, un pan de l’action politique nationale consiste précisément à contri-
buer à l’élaboration de la politique commune pour pousser, selon les pays et les
circonstances, à une action plus attentive aux questions sociales, ou à l’environ-
nement, ou à la libre concurrence, etc.
Élément capital dans le fonctionnement des économies modernes, le transport doit
faire face à une contradiction permanente entre une société toujours plus exigeante
en matière de mobilité et une opinion publique qui supporte de moins en moins les
nuisances liées au transport. Face à un trafic croissant, la Communauté ne peut
répondre seulement par la construction de nouvelles infrastructures et l’ouverture
des marchés à la concurrence. Un système de transport moderne doit désormais être
durable, d’un point de vue économique, social et environnemental (Livre blanc,
2001). Compte tenu de ce double enjeu de croissance et de durabilité, l’Europe
définit une politique commune des transports.
Cette politique s’efforce de fixer le mode de fonctionnement d’ensemble du système
de fret, sa régulation qui englobe la réglementation mais ne s’y limite pas22. Elle
touche en premier lieu le jeu des mécanismes du marché, qui président à la produc-
tion et à la consommation d’une grande part des transports et sont, selon la doctrine
de l’Union et de son socle constitutionnel, préférables à tout autre mode d’organisa-
tion sauf dérogation explicite. L’importance de la place donnée aux mécanismes de
marché doit être soulignée. Aux yeux des responsables européens, elle constitue en
effet le principal moyen stratégique, quoique procédural et non substantiel23, pour
atteindre leurs buts. Les mécanismes de concurrence sont tenus pour les plus effi-
caces pour gouverner les relations entre entreprises mais également pour atteindre
des objectifs sociétaux. En tout état de cause, le marché demeure un artefact, dont le
fonctionnement suppose une organisation et un contrôle.
signifie donc déréglementation. Et l’on peut espérer que cette dernière (qui prend plus souvent l’aspect d’un
allégement de la réglementation que de sa véritable disparition) n’entraîne pas nécessairement la dérégula-
tion, c’est-à-dire le dérèglement du système de transport !
23. Voir LASCOUMES, Pierre et LE GALÈS, Patrick (dir.), Gouverner par les instruments, Presses de la Fondation
nationale des sciences politiques, 2004.
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Le marché ne résout pour autant pas tous les problèmes. La question des infrastruc-
tures, composante structurante des systèmes de transport, relève d’une logique
mixte, et largement publique. Enfin, par définition, les effets externes – positifs et
négatifs – ne sont pas du ressort du marché mais de l’action publique. À ces divers
titres, les instances communautaires se soucient des grands investissements à
réaliser, de leur financement, des règles d’usage des infrastructures et de leur tarifi-
cation mais aussi, dans une perspective de mobilité durable, du rôle des différents
modes de transport et des moyens d’inciter les usagers à un comportement allant
dans le sens des objectifs fixés. Sous l’angle des réseaux transeuropéens de transport,
cette politique a enfin une dimension géographique propre.
On s’efforcera de présenter les finalités et les champs d’action principaux de la poli-
tique européenne des transports, sans entrer dans les dispositions réglementaires ou
financières qui emplissent bien des milliers de pages de publications communau-
taires… Cette présentation reprendra souvent le vocabulaire des textes officiels.
Cette conformité ne saurait en interdire une lecture critique…
24. Comme le montrent, par exemple, la lenteur et la difficulté à appliquer la réforme des chemins de fer en
Europe.
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
des professionnels routiers, alimenté par une extension continue du réseau d’infra-
structures qui leur était offert, n’a cessé depuis les années 1920 de prendre des parts
de marché au mode ferroviaire.
Pour autant, l’encadrement du transport routier est longtemps resté très contraignant.
Pour s’en tenir à la période d’après-guerre, les textes de 1949 sont pratiquement
restés en vigueur jusqu’en 1986. L’accès au marché était conditionné à l’attribution
de licences de transport, attachées à chaque véhicule pour un type donné de trans-
port (« zone courte », « zone longue » selon la distance parcourue autour du point
d’attache), contingentées selon l’appréciation par l’administration des besoins de
capacité du marché et de ses conditions d’équilibre. La rareté relative de ces
licences, qui pouvaient être transmises d’un détenteur à un autre, leur avait conféré
une valeur patrimoniale, avec l’apparition d’un véritable marché de vente et de
location. Certaines de ces licences n’étaient du reste pas détenues par des transpor-
teurs, mais par de purs investisseurs qui tiraient de leur location à des transporteurs
effectifs un revenu financier.
Les prix du transport routier n’étaient pas libres, mais au contraire réglés par la TRO
(Tarification routière obligatoire). Cette tarification, qui s’appliquait aux lots d’une
taille importante et pour les marchandises courantes (y échappaient par exemple la
messagerie de colis ou les produits périssables), était extrêmement détaillée
puisqu’un tarif était fixé pour chaque couple de zones origine - destination en fonc-
tion de la distance à parcourir et de la nature du trajet (en plaine ou en montagne,
etc.). En concertation avec les professions, l’État fixait une « fourchette » à l’intérieur
de laquelle devait se maintenir la négociation des prix. Dans la fourchette de prix,
c’est le prix minimal, le prix plancher et non le prix plafond, qui importait.
À la différence des législations historiques sur le montant des loyers ou sur le prix du
pain, les pouvoirs publics ne visaient pas, en matière de transport, à empêcher les
producteurs de profiter d’une situation de pénurie pour gonfler excessivement leur
tarif. Au contraire, une fois établie une surcapacité chronique et nécessaire de l’offre
de transport (sauf à menacer l’activité économique d’un risque d’étranglement),
l’action publique visait à limiter la baisse des prix que les acheteurs de transport, les
chargeurs, auraient été momentanément en mesure d’obtenir selon l’état du marché.
La tarification obligatoire soutenait les prix à un niveau supérieur à celui qu’aurait
établi un marché pleinement concurrentiel.
En outre, la séparation entre compte propre et compte d’autrui, dont l’explication
économique a déjà été présentée, contribuait aussi à préserver un niveau de rému-
nération minimal des entreprises de transport routier public.
L’ensemble de ces mesures faisait du transport un secteur économique fortement
administré. À la même époque, la réglementation du transport était plus forte encore
aux États-Unis où, par exemple, les licences de transport routier valaient pour une
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25. L’étude de la dynamique de la demande a montré que la date d’inflexion, au terme de la croissance
extensive des « Trente Glorieuses », était assez précisément 1975.
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matière d’internalisation des coûts externes des transports dans l’Union européenne ».
Il aborde plusieurs thèmes : les externalités dans les transports, les coûts des infrastruc-
tures et de leurs encombrements, les accidents, la pollution de l’air, le bruit… À la fin
de chacun de ces thèmes, la Commission propose quelques orientations.
L’objectif affiché de ce document est d’engager un débat sur la manière dont les
instruments tarifaires peuvent contribuer à résoudre les principaux problèmes de
transport (encombrements, accidents, pollution). Il part du constat selon lequel
chaque mode de transport a des effets secondaires indésirables tels que la détériora-
tion des infrastructures, les encombrements, les accidents ou la pollution, effets dont
le coût est négligé par le système de prix et de taxes, et est en revanche répercuté,
de manière souvent mal mesurée, sur des tiers. La Commission a donc cherché à
mesurer l’ensemble des coûts externes liés aux transports, à définir des méthodes
permettant d’exprimer ces coûts en termes de prix et faire des propositions quant
aux moyens d’imputer ces prix équitablement. Dans ce document, elle prône
l’instauration d’un régime de tarification efficace et juste rapprochant les tarifs et les
coûts. En matière de sécurité, les mesures prônées dans le Livre Vert sont ainsi les
suivantes :
• l’harmonisation plus complète de l’enregistrement et de l’évaluation des données
sur les accidents de la route26 ;
• une action sur les primes d’assurance ;
• une harmonisation des pratiques et des critères en matière de règlement des
litiges ;
• une évaluation de la sécurité relative des voitures particulières et une incitation à
concevoir et fabriquer des voitures plus sûres.
Toutes ces réflexions ont abouti, quelques années plus tard, à l’élaboration d’un
Livre blanc sur la politique des transports.
26. On retrouve la notion de fonction cognitive des institutions publiques, déjà soulignée.
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polluants ou les réseaux les moins congestionnés. Le Livre Blanc développe en outre
les orientations suivantes :
• une harmonisation de la fiscalité des carburants professionnels, en particulier
pour le transport routier ;
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Ces retards dans les transports aériens, pris dans leur globalité, engendrent une
surconsommation de kérosène de l’ordre de 6 %. Le fret reste davantage concerné par
la congestion routière et ferroviaire qui, dans les années 1990, est devenue endémique
dans certaines régions et sur certains axes en Europe.
Selon le Livre blanc, le réseau transeuropéen de transport souffre d’une congestion
chronique et croissante. 7 500 km de routes, soit 10 % du réseau, sont quotidienne-
ment affectés par des encombrements. 16 000 km de voies ferrées peuvent être
considérés comme des goulets d’étranglement, soit 20 % du réseau. La congestion
ferait courir le risque sérieux d’une perte de compétitivité de l’économie euro-
péenne. Les coûts externes de la congestion due au seul trafic routier représentent
environ 0,5 % du PIB communautaire28. Les prévisions de croissance du trafic d’ici
2010 indiquent que si rien n’est entrepris, la congestion sur les routes devrait
augmenter de manière significative (la congestion n’étant pas proportionnelle au
trafic, mais cumulative). Les coûts correspondants devraient ainsi plus que doubler
pour atteindre 80 milliards d’euros par an, soit approximativement 1 % du PIB
communautaire. Pour autant, supprimer totalement la congestion n’est un objectif ni
réaliste ni souhaitable : il supposerait un surinvestissement en infrastructures (pour
créer des capacités utilisées seulement quelques jours par an) sans pertinence
économique par comparaison avec d’autres utilisations des mêmes ressources.
La saturation de certains grands axes est en partie liée aux retards dans la réalisation
du réseau transeuropéen. Celui-ci vise par ailleurs, dans les zones où les flux sont
trop faibles pour rentabiliser les infrastructures selon les critères financiers sinon
socio-économiques, à desservir néanmoins les régions périphériques et enclavées.
Le Conseil européen d’Essen a identifié en 1994 une série de grands projets priori-
taires, qui ont été complétés par la suite par des schémas directeurs adoptés par le
Parlement européen et le Conseil, servant de base à l’Union européenne pour cofi-
nancer le réseau de transport transeuropéen. Son coût total a été estimé à l’époque à
environ 400 milliards d’euros.
Le développement d’un réseau transeuropéen, introduit par le traité de Maas-
tricht, n’a pas encore porté tous ses fruits. Seul le cinquième des infrastructures
prévues dans les orientations communautaires arrêtées par le Conseil et le Parle-
ment européen a été réalisé à ce jour.
Ces besoins considérables en termes d’investissements n’ont pas été satisfaits par des
emprunts au niveau de la Communauté comme la Commission l’avait préconisé en
1993. La proposition d’un grand emprunt communautaire reste pendante. Le
manque de capitaux publics et privés doit être surmonté par des politiques inno-
vantes de tarification et de financement des infrastructures. Les financements publics
doivent être plus sélectifs. Ils doivent se concentrer sur les grands projets nécessaires
au renforcement de la cohésion territoriale de l’Union (c’est-à-dire en privilégiant les
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28. Cf. PRUD’HOMME, Rémy, in Transport and Economic Development, 119th Round Table, CEMT, 2002.
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projets transfrontaliers), ainsi que sur les investissements qui optimisent la capacité
des infrastructures et concourent à la suppression des goulets d’étranglement.
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est généralement amené par troisième rail (cette technique a quasiment disparu sur
le continent mais reste répandue en Grande-Bretagne).
Nuisances environnementales
La priorité de la Commission est de réduire les nuisances à l’environnement causées
par l’utilisation des transports, tant les nuisances sonores que la pollution de l’eau et
de l’air.
Comme le Livre vert sur « la sécurité des approvisionnements » de novembre 2000
l’avait souligné, la consommation énergétique des transports représentait, en 1998,
28 % des émissions de CO2, le principal gaz à effet de serre. D’après des estimations
récentes, si rien n’est entrepris pour renverser la tendance de croissance du trafic, les
émissions de CO2 dues au transport devraient augmenter d’environ 50 % entre 1990
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Cet objectif, introduit par le traité d’Amsterdam, doit être atteint par l’intégration des
considérations environnementales dans les politiques communautaires.
Dans ce contexte, la Commission européenne souhaite que les efforts déjà entrepris,
en particulier dans le domaine routier, pour la préservation de la qualité de l’air et la
lutte contre le bruit soient poursuivis afin de répondre aux impératifs environnemen-
taux et aux préoccupations des citoyens, sans remettre en cause la compétitivité du
système de transport et de l’économie. L’élargissement de l’Union va avoir un
impact non négligeable sur la demande de mobilité des marchandises. Il
implique plus d’efforts pour réaliser le découplage progressif entre croissance des
transports et croissance économique, mais aussi un rééquilibrage modal souhaité
par le Conseil européen de Göteborg, qui prônait une politique de transports écolo-
giquement viables. En outre, le Conseil encourageait l’utilisation des modes de
transport respectueux de l’environnement ainsi que l’internalisation complète des
coûts sociaux et environnementaux dans le système de prix. De fait, l’évolution du
partage modal au profit de la route est constante depuis plus d’un demi-siècle, au
point qu’aujourd’hui le transport de marchandises par rail est menacé de marginali-
sation. Ce n’est pourtant pas une fatalité des économies modernes, comme le
montre l’exemple des États-Unis.
Selon le Livre blanc de la Commission, la croissance économique se traduira tendan-
ciellement par une augmentation des besoins de mobilité estimée à 38 % pour les
marchandises à l’horizon 2010, et si l’on prolonge la tendance à un doublement d’ici
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2020. L’élargissement entraînera une explosion des flux de transport dans les
nouveaux pays membres, en particulier au niveau des zones frontalières. La saturation
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des grands axes, l’accessibilité des régions périphériques et la mise à niveau des infras-
tructures des pays candidats nécessiteront des investissements massifs. C’est dans ce
contexte qu’il faut considérer la stratégie de découplage progressif entre croissance de
l’économie et croissance des transports sur laquelle repose le Livre blanc.
Le contenu à donner au découplage n’est pas toutefois pas clairement défini dans le
Livre blanc : s’agit-il de diminuer le flux des cargaisons transportées (mesurés en
nombre d’expéditions ou en tonnes), à niveau d’activité économique constant ? De
diminuer le volume de transport (que l’on peut mesurer, serait-ce de façon impar-
faite, par le nombre de tonnes-kilomètres) ? Ou de diminuer le trafic, qui s’exprime
par le nombre de véhicules-kilomètres ?
• dans le premier cas, c’est la mobilité comme telle qui est visée, ce qui suppose la
recherche d’un mode d’organisation sociale et spatiale engendrant moins de
déplacements de produits ;
• dans le deuxième, l’indicateur pris en compte combine la mobilité des biens
d’une part, la distance de leurs déplacements d’autre part, et l’on sait que c’est
l’allongement des distances qui induit l’augmentation des transports et non celui
de la quantité de biens transportés. Infléchir l’évolution du transport renvoie donc
à la question de la répartition spatiale des activités (de résidence, de production,
de consommation, etc.), et à leur degré de polarisation ou a contrario de disper-
sion plus étale dans l’espace ;
• enfin le troisième cas, qui vise la diminution du trafic, met en œuvre la conversion
des tonnes-kilomètres en véhicules-kilomètres, et introduit donc les paramètres
supplémentaires que sont la taille des véhicules, leur taux de remplissage, leur
taux de parcours à vide : autant de marges de manœuvre pour progresser.
À ces trois acceptions du découplage entre lesquelles il ne choisit pas, le Livre blanc
semble parfois substituer l’ambition, plus modeste, de diminuer le seul transport
routier. La route s’est imposée par ses grandes capacités d’efficacité et de souplesse
au fur et à mesure que se mettaient en place les infrastructures qui lui sont dédiées,
mais c’est aussi le mode qui pose les plus forts problèmes de congestion et de
nuisances locales et globales. Reporter tel ou tel flux de la route vers le rail, la voie
d’eau ou la voie maritime participe-t-il du découplage ? Cela revient à découpler la
croissance économique et la croissance des nuisances liées au transport (et non la
croissance du transport lui-même). En ce cas, la question du découplage se ramène
à la question plus traditionnelle (et loin d’être résolue) de la répartition des flux entre
les différents modes de transport.
Le Conseil européen de Göteborg a placé le rééquilibrage entre modes de transport au
cœur de la stratégie de développement durable. Il est clair que cet objectif ambitieux
ne pourra raisonnablement pas être atteint au cours de la prochaine décennie. Les
mesures présentées dans le Livre blanc constituent une première étape vers un système
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de transport durable que l’on peut espérer atteindre d’ici une trentaine d’années (selon
les termes du Panorama des transports périodiquement édité par la Commission).
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Les principes d’attribution de telles licences, comparables aux conditions d’accès aux
professions de transporteur routier, touchent l’honorabilité (pas de condamnation
pénale, de faillite, d’infraction grave au droit du transport, du droit social ou du travail),
la capacité financière, la capacité professionnelle, l’assurance. Est enfin posé le prin-
cipe de transparence et de non-discrimination.
La directive 95/19 traite de la « Répartition des capacités d’infrastructure et perception
des redevances d’utilisation ». La directive 91/440 avait établi un droit d’accès au trafic
international, selon un système non discriminatoire et uniforme de répartition et de
perception. Or, il faut ménager une souplesse suffisante pour l’utilisation optimale de
l’infrastructure. Il convient de préciser les priorités autorisées pour les services publics,
de couvrir les dépenses d’infrastructure, de fixer les critères généraux de fixation des
redevances et de procédure de répartition. La sécurité fait l’objet d’un certificat délivré
par le gestionnaire de l’infrastructure, tandis qu’une instance indépendante de recours
traite des éventuels conflits d’intérêt.
Premier paquet (présenté en 1998, adopté en 2001)
La directive 2001/12 revient sur le « Développement des chemins de fer communau-
taires » et modifie ainsi la 91/440 (plusieurs autres modifications suivront, au fil des
ans !). Sur la base de l’expérience, la nouvelle directive revient sur les conditions
d’accès équitables et non discriminatoires, sur la séparation de fonctions essentielles
ou sur la création d’un organisme de contrôle des chemins de fer, sur la séparation des
comptes de profit et pertes, et des bilans.
En d’autres termes, la réforme a eu lieu mais ses effets se font attendre et la Commis-
sion et le Conseil cherchent les points de blocage et les manières de relancer
l’ouverture des réseaux. À ce titre, la séparation des fonctions liées à la sécurité (avec
éventuellement la création d’un organisme de contrôle) est identifiée comme un
motif de réticence à l’ouverture des réseaux, qui appellera un traitement particulier.
La directive 2001/12 revient de nouveau sur le « Développement des chemins de fer
communautaires », et dispose que pendant une période transitoire de sept ans (jusqu’en
2008), les droits de trafic international seront étendus au « Réseau transeuropéen de fret
ferroviaire » (RTFF) et ensuite à l’ensemble du réseau. Elle ouvre une faculté de droits
d’accès plus large pour le fret combiné. Elle enjoint de donner aux gestionnaires d’infra-
structures un statut indépendant de l’État, de séparer les comptes des services de voya-
geurs et de fret, de disposer d’organismes indépendants régulant la concurrence. Est
enfin prévue une évaluation des effets de ces mesures, dans un rapport de la Commission
(pour que la réforme soit jugée selon ses résultats et non selon des critères idéologiques).
La directive 2001/13 modifie la directive 95/18 concernant les licences des entreprises
ferroviaires en définissant les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent
obtenir une licence pour exploiter des services de fret ferroviaire sur le RTEFF. La direc-
tive fixe le cadre des conditions financières, économiques et de sécurité, auxquelles les
entreprises ferroviaires doivent se conformer pour obtenir une licence.
La directive 2001/14 sur la « Répartition des capacités d’infrastructure, tarification et
© Groupe Eyrolles
sécurité » revient encore sur les directives 91/440 et 95/19, qui « n’ont pas empêché
d’importantes disparités ». Elle demande à chaque réseau de diffuser l’information sur
les droits d’accès dans un document unique, se soucie d’un meilleur équilibre entre les
modes, de l’utilisation optimale de l’infrastructure et de la réduction des coûts, d’un
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Pour ce qui est de la grande vitesse, la directive 96/48 avait déjà fixé les Spécifications tech-
niques d’interopérabilité (STI) et créé l’Association européenne pour l’interopérabilité
ferroviaire, fixé les caractéristiques du système ERTMS (European rail traffic management
system) et les paramètres fondamentaux de la grande vitesse. Pour ce qui est du système
conventionnel, la directive 2001/16 définit les STI prioritaires : le contrôle-commande et la
signalisation, les applications télématiques au service du fret, l’exploitation et la gestion
du trafic, l’amélioration des wagons pour le fret, la réduction des nuisances sonores.
La réforme ferroviaire est alors affectée par une intervention du Parlement européen
pour un nouveau calendrier bénéficiant de l’expérience acquise et intégrant la création
d’une Agence. L’interopérabilité est en effet nécessaire à la mise en œuvre du paquet
ferroviaire « Infrastructure » de 2001, et demande à être élargie à l’ensemble du réseau.
Le règlement 881/2004 résulte de cette intervention en « instituant une Agence ferroviaire
européenne », en estimant que, onze ans après son lancement officiel « la réalisation du
marché intérieur dans le secteur ferroviaire ne fait que débuter », avec la mise en place
d’un cadre commun pour l’accès à l’infrastructure, les licences, la répartition des capa-
cités, la tarification, dès lors que les transports internationaux de fret sont ouverts à la
concurrence depuis mars 2003. Mais cela suppose une régulation technique commune
contrôlée par l’autorité publique en matière d’interopérabilité et de sécurité, avec un
équilibre entre autorités publiques (détenteurs d’une légitimité démocratique) et acteurs
du marché (détenteurs de l’expertise) au niveau européen. Une telle démarche ne doit
pas passer par un engagement direct de la Commission (la tâche est trop technique) mais
par la création d’une Agence ad hoc (préconisée par ailleurs dans le Livre blanc de 2001).
La directive 2004/51 reprend à nouveau le titre : « Développement des chemins de fer
communautaires », puisque c’est encore une modification de la directive initiale 91/440 !
Elle réaffirme la doctrine : la concurrence sur le marché redonnera vigueur et compétiti-
vité au fret ferroviaire, avec de nouveaux opérateurs, de nouveaux services et un équilibre
financier. Si le processus est en retard, c’est que le cadre réglementaire n’était pas prêt.
De son côté, dans le cadre de la procédure de codécision, le Parlement montre sa
volonté d’affirmation et, en fonction de sa composition, pousse à un rythme de libéra-
lisation plus rapide que celui que le Conseil, constitué des représentants des États,
croit judicieux. Dans le cadre d’une navette (procédure de conciliation) avec la
Commission sur le paquet « Infrastructure », il demande une accélération de l’ouver-
ture des réseaux, se fondant sur les expériences d’alliances entre opérateurs pour le
franchissement des Alpes, d’apparition de nouveaux entrants en Allemagne et ailleurs,
de la croissance du fret ferré au Royaume-Uni. Ainsi, la période de transition pour le
fret international, fixée précédemment à 2008 et limitée au RTFF, est supprimée et le
cabotage ferroviaire est autorisé sans plus attendre.
Troisième paquet (présenté en 2002)
Persévérant dans ses efforts pour « poursuivre l’intégration du système ferroviaire
européen » (selon les termes de sa communication), la Commission lance en 2005 un
troisième paquet avant même que le deuxième soit définitivement adopté. Il
comprend deux projets de directive et deux projets de règlement.
© Groupe Eyrolles
La première directive devrait être une nouvelle mise à jour de la directive 91/440 et porter
notamment sur l’ouverture des marchés des services internationaux de voyageurs à
l’horizon 2010, la seconde sur la création d’un certificat unifié de conducteur de locomotive.
306
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Les projets de règlement portent sur « les droits et obligations des voyageurs ferroviaires
internationaux » et sur la qualité du fret ferroviaire (« les compensations en cas de non-
respect des exigences de qualité contractuelles applicables aux services de fret ferroviaire »).
Pourtant, les résultats de cette réforme, après 15 ans d’efforts, ne sont pas convaincants : le
fer continue à perdre des parts de marché face à la route, démentant de façon répétée les
discours des responsables politiques. Va-t-on voir enfin l’apparition de nouveaux opéra-
teurs sur une large échelle ? Comment les opérateurs historiques réagiront-ils, comment
se situeront-ils face à la stratégie de la DB qui renforce encore sa filiale internationale
Railion ? Quelle restructuration du secteur peut-on en attendre ? Cela permettra-t-il enfin
d’amorcer ce « rééquilibrage modal » si longtemps annoncé ?
30. Voir SAVY, Michel, dans Transport/Europe, n° 13-14, avril 2005 et Réflexe, n° 14, décembre 2005, et
TOUBOL, Armand, « Transport intermodal », in SAVY (dir.), 2006.
307
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
19 %
Rail
Pré et post-acheminements
9% routiers
56 % Manutention
Autres coûts
16 %
Source : RECORDIT
Schéma 5.2 Structure des coûts du transport rail-route
31. La Commission économique pour l’Europe des Nations unies définit le transport intermodal comme
© Groupe Eyrolles
« l’acheminement d’une marchandise utilisant deux modes de transport ou plus, mais dans la même unité
de chargement ou le même véhicule routier ».
32. Les textes communautaires définissent le transport combiné comme un « transport de marchandises qui
utilise la route pour la partie initiale ou terminale du trajet et recourt au rail, à la voie d’eau ou au transport
maritime sur un segment supérieur à 100 kilomètres ».
308
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publiques et les États. Tous doivent être situés dans l’Union européenne ou dans
l’espace économique européen. Le programme est opérationnel pour la période
2003-2010. Un budget global de 75 millions d’euros est proposé pour la période
allant de 2003 à 2006. Marco Polo comprend trois modes d’intervention :
309
261-330Chap5.fm Page 310 Mardi, 3. octobre 2006 10:26 10
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
• une aide au démarrage de nouveaux services de fret non routier qui devront être
viables à moyen terme. Les coûts de création d’un nouveau service peuvent être
cofinancés à hauteur de 30 % ;
• un soutien au lancement des services ou de systèmes d’intérêt stratégique pour
l’Europe. Ce serait, par exemple, la création d’autoroutes maritimes ou de services
internationaux de fret ferroviaire de qualité, gérés au moyen d’un guichet unique.
Le taux maximal de l’aide est de 35 % ;
• une stimulation des actions de coopération sur le marché de la logistique du fret.
Le taux maximal est de 50 %.
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Schéma 5.3 Trafic TC des réseaux ferroviaires de l’UE (15) + Suisse (1991 à 2003)
en millions de tonnes-UIC
Le transport intermodal bute en effet sur de réelles difficultés, outre son inévitable
complexité organisationnelle. Les opérateurs sont généralement sous-capitalisés ou en
déficit, peu à même d’investir et de développer une activité peu rentable. L’arrivée de
nouveaux entrants, recherchée par la réforme ferroviaire européenne avec l’ouverture
© Groupe Eyrolles
310
261-330Chap5.fm Page 311 Mardi, 3. octobre 2006 10:26 10
(en tenant compte des coûts externes) que financière (du fait de sa rentabilité pour les
opérateurs). Pour autant, cette justification politique trouve ses limites budgétaires. On
sait par ailleurs que le renchérissement de l’énergie pétrolière et du transport routier ne
suffirait pas à remettre le transport intermodal dans le marché : sa croissance ne résul-
tera pas d’une modification de son environnement, mais de ses progrès propres.
Entre les espoirs mis dans le transport intermodal et les réalités des chiffres, l’écart
est ainsi tel que l’on peut parler de crise. Le transport combiné n’est pas à l’échelle
des problèmes de « développement durable » qui motivent l’intérêt que l’on lui
porte, et il se développe mal en dépit des soutiens publics qu’il reçoit.
311
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
550
500
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
Schéma 5.4 Trafic de conteneurs maritimes de l’UE (15) en millions de tonnes
(1985-2003)-CEMT
40
35
Allemagne
30
Autriche
Belgique
25
Espagne
France
20 Italie
Pays-Bas
15 Royaume-Uni
Suède
10 Suisse
0
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
Schéma 5.5 Trafic TC des principaux réseaux ferroviaires européens (1991 à 2003)
en millions de tonnes-UIC
312
261-330Chap5.fm Page 313 Mardi, 3. octobre 2006 10:26 10
massifs, et suffisamment distants pour que les avantages du rail, du fleuve ou de la mer,
en termes de coût kilométrique, puissent contrebalancer le surcoût des opérations
terminales par comparaison avec le transport routier de bout en bout. Intellectuelle-
ment séduisantes, les formules de hub and spokes, visant à massifier des flux en les
faisant transiter par un point de tri central unique, se sont montrées trop fragiles et ont
été (provisoirement ?) abandonnées. C’est sur de simples navettes faisant la noria entre
deux points fixes, associant productivité et qualité de service (à condition de disposer
des sillons ferroviaires adaptés), que le transport rail-route se développe aujourd’hui.
Construction, accès et tarification des infrastructures, fiscalité, réglementation du
travail, normalisation technique et interopérabilité, ouverture et régulation des
marchés du transport, réglementation des émissions et des nuisances : les pouvoirs
publics ont à jouer simultanément sur une vaste gamme de moyens pour soutenir le
développement d’une solution intermodale qui associe, chacune pour ses qualités
particulières, les diverses techniques de transport.
Le développement du transport intermodal est aussi une affaire d’entreprises : gestion-
naires d’infrastructures, transporteurs ferroviaires, routiers, fluviaux ou maritimes,
opérateurs intermodaux spécialisés, chargeurs et commissionnaires, etc. Les transpor-
teurs routiers, notamment, montrent depuis longtemps leur intérêt pour le transport
intermodal qui n’est pas le concurrent, mais le complément de la route. En effet, dans
un transport rail-route de bout en bout, la valeur ajoutée des pré et postachemine-
ments routiers est du même ordre de grandeur que celle de la traction ferroviaire.
L’utilisation du transport intermodal facilite le respect de la réglementation du temps
de conduite et de travail des chauffeurs, il assure sur les bonnes liaisons où il est offert
un service rapide et fiable, il allège la circulation sur les grands axes (mais non dans les
zones urbaines). Les entreprises routières ou leurs organisations professionnelles ont
créé des opérateurs de transport rail-route spécialisés, aujourd’hui les plus dynami-
ques en Europe, et sont parties prenantes à plusieurs projets actuellement à l’étude.
La majorité des flux terrestres européens, ne serait-ce que la masse primordiale des
transports locaux, continuera d’être assurée par la route et non par le transport inter-
modal. Utile sur quelques axes en Europe, celui-ci ne constitue pas la solution unique
à tous les problèmes ! À supposer que son volume double en dix ans (objectif très
ambitieux…), le transport intermodal ne diminuerait pas le transport routier, il en
ralentirait seulement la croissance. La recherche d’une « mobilité durable » passe
donc aussi, nécessairement, par l’évolution du transport routier lui-même.
une bande côtière de 20 milles. Par extension, on désigne par cabotage toute la
navigation maritime intra-européenne.
En Europe, le cabotage maritime assume 41 % du transport de marchandises (en
t.km), mais ce trafic est principalement composé de vracs (et notamment de produits
313
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Source : TDIE
© Groupe Eyrolles
314
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établies en 1996.
Toutefois, les schémas de RTE sont des documents d’orientation, sans véritable force
de prescription. Couvrant généreusement les territoires des États membres de projets
d’équipements nouveaux et puissants, du moins « sur le papier », ils résultent de
315
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
l’addition des souhaits des uns et des autres plus que d’un arbitrage (techniquement
et politiquement difficile) établissant des priorités, c’est-à-dire des préférences.
Évidemment, les financements disponibles sont très en deçà des montants néces-
saires à la réalisation des projets affichés. De fait, la subsidiarité demeure forte en
matière d’infrastructures (on a pu estimer que, malgré les sommes affectées aux
régions prioritaires au titre de la politique régionale ou de la politique de cohésion,
les fonds européens n’assurent que 10 % du financement des infrastructures, 90 %
restant du ressort des États membres et de leurs divers niveaux administratifs33). Cette
modestie contraste avec la vigueur de la politique de la concurrence, qui s’impose
aux États quand il s’agit de la libéralisation du marché du transport, de l’attribution
des concessions de service public ou des appels d’offres pour réaliser des ouvrages.
trafic.
• Les mesures relatives au réseau de voies navigables intérieures comprennent :
316
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317
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
1. Train à grande vitesse/transport combiné Nord-Sud 8. Lien multimodal Portugal-Espagne-Europe centrale Rail
Schéma 5.7 Projets « spécifiques » adoptés en 1996 (liste dite d’« Essen »)
318
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List 0 : Essen/Dublin rail projects (2010) List 1 : Inland waterways projects (2010)
List 1 : Priority rail projects (2020)
List 2 : Inland waterways projects for the long term
List 2 : Priority rail projects for the long term
© Groupe Eyrolles
List 0 : Essen/Dublin road projects (2010) List 1 : Sea motorway projects (2020)
List 1 : Priority road projects (2020)
319
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Projets prioritaires du CGM (2003) 564 Villes importantes Tronçons inclus dans le Programme à démarrage rapide
< 50 000 habitants La numérotation correspond aux projets prioritaires du document COM (2003) 564
© Groupe Eyrolles
Rail
Route 50 000 - 99 999 habitants
Voies ferrées
Navigation intérieure 100 000 - 249 999 habitants
Routes Gallao
Autoroute de la mer
250 000 - 499 999 habitants
Train à grande vitesse > 500 000 habitants Autoroutes de la mer Voies de navigation intérieure
320
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321
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
34. Cf. SAVY, Michel, « Les plates-formes logistiques », numéro spécial 20 ans de logistique, Logistiques
Magazines, octobre 2005.
322
261-330Chap5.fm Page 323 Mardi, 3. octobre 2006 10:26 10
est spécialement aménagé et géré pour accueillir des activités logistiques, voire leur
être réservé, on parle de plate-forme (par exemple, à Garonor). Enfin, on peut observer
la réalisation de plusieurs plates-formes dans un même périmètre, constituant un pôle
logistique (par exemple, à Sénart). À une échelle géographique encore plus large, on
parle d’aire logistique (par exemple, le long du corridor rhodanien).
A ire
Pôle
établissement
Une plate-forme logistique est ainsi une zone d’activité spécialisée dans la logistique
et les activités liées. C’est un site aménagé, c’est-à-dire un équipement comprenant
ses installations propres et ses branchements sur les réseaux d’infrastructures qui le
desservent. Ce site est inscrit dans un territoire. Une plate-forme logistique résulte
ainsi d’un jeu d’acteurs qui se déroule dans un temps long (Sogaris fêtait en 1997
son trentième anniversaire).
Même si nombre d’implantations d’établissements logistiques se réalisent encore de
façon dispersée, le choix d’un site spécialisé est de plus en plus fréquent, pour
plusieurs raisons :
• d’une part, les contraintes d’urbanisme et de sécurité se durcissent et poussent les
localisations vers des sites désignés, répondant aux exigences réglementaires et
planificatrices ;
• d’autre part, la conception, la réalisation et l’exploitation des équipements et des
zones logistiques sont devenus le fait de professionnels de plus en plus compétents,
que les investisseurs et les opérateurs ne peuvent plus ignorer. À la spécialisation
© Groupe Eyrolles
spatiale répond ainsi une spécialisation des métiers, dont la plate-forme assure la
coopération et la synthèse.
323
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
324
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chargeur
gestionnaire de PF
bureaux d'étude
opérateur
constructeurs
fournisseurs
infrastructures
infrastructures investisseur
promoteur
établissement
aménageur
site
En lisant le schéma de bas en haut, on constate combien, tout comme leur motiva-
tion, le rapport des acteurs au territoire et au temps n’est pas le même. Les aména-
geurs sont les plus durablement ancrés, ils font un pari sur le long terme et doivent
accompagner le site tout au long de sa vie (pour sa construction, sa desserte, sa mise
en exploitation mais aussi pour la formation de ses salariés, pour leur logement, etc.).
Les investisseurs s’engagent pour plusieurs années, au moins le temps de l’amortisse-
ment de leur investissement, mais concluent avec leurs locataires des baux limités à
3, 6 ou 9 ans. Enfin, les opérateurs sont contraints de s’adapter au marché instable de
la prestation, avec des contrats avec leurs clients n’excédant pas toujours un an.
Graduellement, tout au long de cette énumération, on est aussi passé des acteurs
publics aux sociétés d’économie mixte puis enfin aux entreprises privées.
325
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
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35. À l’échelle européenne, on sait que les Livres blancs de la Commission – par exemple celui sur les
transports de 2001 – engagent l’ensemble du Collège des commissaires et pas seulement le commissaire en
charge du secteur directement concerné. À l’échelle nationale française, la liste des grands projets d’infra-
© Groupe Eyrolles
structures assortis de leur ordre de priorité est décidée lors d’un Conseil interministériel d’aménagement et
de développement du territoire, pour lui donner une solennité et une pérennité particulières. Le dernier en
date remonte à décembre 2003, mais certains de ses choix essentiels, quant aux modalités de financement
des projets, furent remis en cause dès l’année 2005 sans même que la majorité gouvernementale eût
changé.
327
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
328
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spatial. Il est fréquent que les avantages se distribuent sur un périmètre très large
(comme pour les usagers d’un tunnel alpin ou d’un aéroport international, répartis
sur toute l’Europe voire au-delà, sans compter les bénéficiaires indirects de ces
échanges), tandis que les inconvénients les plus vifs se concentrent dans un voisi-
nage limité (hormis l’effet de serre, qui est global). La rationalité des choix et la
démocratie ne consistent donc pas à organiser des referendums locaux, mais à
trouver le juste compromis entre toutes les parties, proches et lointaines, avec si
nécessaire les compensations évitant que les intérêts de certains soient sacrifiés à
l’intérêt des autres, ou même à l’intérêt collectif.
objectifs arrêtés et la pertinence des solutions, mais aussi pour faire le suivi et le
bilan des efforts déjà accomplis (même si de telles évaluations ex post sont trop
rares), pour mesurer leur efficacité (rétrospective) et justifier ainsi leur prolongement
(prospectif).
329
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
330
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6
Perspectives
Au terme de sa construction, composante par composante, le système de fret appa-
raît dans toute son ampleur. C’est à l’évidence un système complexe. À l’interaction
entre les entreprises, avec ses dimensions techniques, économiques et sociales,
s’ajoute l’interaction entre les entreprises et les pouvoirs publics, qui adjoint la poli-
tique aux autres dimensions. Les pouvoirs publics sont, dans les sociétés démocrati-
ques, théoriquement mandataires d’un « intérêt général » intéressant la société tout
entière, son fonctionnement interne comme son environnement. Où sont les bornes
d’un tel champ ?
Activité sociale (sociétale), avec tout à la fois des mutations rapides et de fortes iner-
ties, le transport est en effet l’objet d’une incessante interrogation. Quels problèmes
faudra-t-il affronter demain ? Quelles décisions prendre dès à présent pour préparer
l’avenir ? L’analyse de l’économie du transport débouche inévitablement sur le
terrain, bien peu scientifique, de la politique et de la prospective.
Le tableau suivant ne prétend pas réunir le simple intitulé de tous les éléments cons-
tituant le système de transport, mais seulement identifier quelques points clefs de
son fonctionnement et, surtout, de son évolution. Qu’il s’agisse d’éléments en chan-
gement intense ou d’enjeux particulièrement importants, ils sont rangés en trois
grandes catégories : le procès de production/consommation du transport, les acteurs
du transport, l’environnement sociétal du transport.
Demande de flux tendus, frag- Arbitrage compte propre/compte Libéralisation des investisse-
mentation des envois, délais d’autrui ments et des échanges mondiaux
331
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Recherche, innovation
L’avenir n’est plus ce qu’il était, en ce qu’il ne sera pas le simple prolongement des
tendances passées, mais l’a-t-il jamais été ? L’incertitude qui frappe les projections à
long terme dans une période de changement qualitatif de l’environnement mondial,
de mutation de variables clefs de la vie sociale, la difficulté à définir un intérêt
collectif quand se renforcent à la fois l’individualisme des citoyens et la diversité des
niveaux de légitimité qu’induisent la décentralisation et la subsidiarité, le décalage
© Groupe Eyrolles
entre les ambitions affichées et les moyens budgétaires disponibles, rendent les pers-
pectives très incertaines.
C’est un facteur exaltant de liberté politique, c’est aussi un facteur de risque qui
freine les choix. Raison de plus pour développer une analyse à long terme. Quelle
332
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Perspectives
1. Les liens entre mondialisation et système de fret ne sont pas mécaniques. Par exemple, les armements
chinois pour le transport de conteneurs comptent maintenant parmi les premiers du monde, tandis que les
États-Unis ne semblent pas souffrir de la faiblesse de leur industrie maritime. En revanche, les premières
entreprises mondiales de messagerie express sont américaines et il n’en est pas de chinoises.
333
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Commerce Production
Source : OMC
Schéma 6.1 Commerce et production de marchandises dans le monde, 1950-2003
© Groupe Eyrolles
2. Symptôme significatif : la plupart des pays participent désormais aux institutions internationales promou-
vant l’ouverture des marchés. Le commerce international relevant des pays membres du GATT – puis de
l’OMC – représentait 53 % des importations mondiales en 1948, il en représente 96 % en 2003.
334
331-362Chap6.fm Page 335 Mardi, 3. octobre 2006 10:48 10
Perspectives
Produits manufacturés
1000
Produits des industries
extractives
Produits agricoles
100
1950 55 60 65 70 75 80 85 90 95 2003
Source : OMC.
Le graphique est en échelle logarithmique
Schéma 6.2 Commerce mondial des marchandises
par grand groupe de produits, 1950-2003
© Groupe Eyrolles
335
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
336
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Perspectives
ses échanges externes : en 1963 (soit quelque 16 ans après la création du marché
commun), 56 % des importations des pays d’Europe occidentale provenaient d’un
autre de ces pays, la proportion est montée à 67 % en 2003 (le commerce intracom-
munautaire est désormais le double du commerce extra-communautaire !).
120
100
80
60 Import
Interrégional
40 Import
Intra-Europe
occidentale
20
0
1963 1973 1983 1993 2003
Source : OMC
Schéma 6.3 Origine des importations d’Europe occidentale
Dans le même temps, les pays d’Europe occidentale n’ont cessé d’exporter majori-
tairement les uns vers les autres, avec une proportion supérieure à 60 % dès 1963 et
qui se maintient aujourd’hui.
Dans la même période d’intégration économique régionale, la composition du
commerce international des pays européens se transformait. Les produits manufac-
turés représentent désormais près de 80 % du total des importations européennes.
La même tendance marque les exportations, avec une prééminence plus forte
encore pour les produits manufacturés.
L’intensification des échanges commerciaux intra-européens résulte d’une nouvelle
sorte de division des tâches, qui n’est pas sans conséquences géographiques et
donc, sans conséquences sur la répartition des flux. À la traditionnelle spécialisation
sectorielle des économies nationales, jadis mise en lumière par David Ricardo (le
drap anglais s’échangeant contre le vin portugais), s’est substituée une spécialisation
© Groupe Eyrolles
intrasectorielle plus fine, que l’on dénomme alors diversification. Les échanges entre
pays portent désormais sur les mêmes produits, ils ont un caractère de flux croisés
intrasectoriels. En outre, la fabrication des produits complexes est répartie entre
plusieurs sites, qui peuvent être localisés dans des pays différents. Les échanges
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
80%
60%
40%
20%
0%
1963 1973 1983 1993 2003
Produits agricoles Produits des industries extractives Produits manufacturés
Source : OMC
Schéma 6.4 Composition par produits des importations
des pays d’Europe occidentale, 1963-2003
Pourtant, la persistance d’un important effet frontière ne donne pas encore aux
échanges intra-européens une place identique à celle des échanges domestiques3.
Mais l’abaissement progressif des barrières de langue, de conception et de présenta-
tion des produits, la constitution de réseaux de distribution et d’équipements logisti-
ques transfrontaliers réduisent progressivement cet effet, et un fort potentiel d’inten-
sification des échanges reste ainsi à exploiter. La réduction de l’effet frontière a
également une incidence sur la localisation des activités logistiques, et notamment
de la logistique de distribution, traditionnellement plus sensible que la logistique
amont aux découpages nationaux. Une localisation en zone frontalière était naguère
périphérique, et donc loin du barycentre, pour une distribution nationale. Dans une
perspective d’Euro-régions logistiques, elle peut au contraire devenir très judicieuse.
© Groupe Eyrolles
3. Toutes choses égales par ailleurs, les échanges entre deux régions appartenant à des pays européens
différents, y compris des pays limitrophes comme la France et l’Allemagne, sont environ 7 fois inférieurs à
ce qu’ils seraient si les régions appartenaient au même pays. C’est ce que l’on dénomme l’effet frontière.
338
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Perspectives
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
340
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Perspectives
L’avenir du fret résultera largement de l’interaction entre ces deux dimensions et des
rapports de force qui y présideront.
Dans cette perspective, et sans engager un exercice exhaustif, on examinera les
modifications des limites et des structures de l’industrie du transport, considérée
341
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
dans son ensemble et par comparaison avec l’évolution générale des industries de
service. Puis, compte tenu de son poids politique particulier (plus que proportionnel
à la part qu’il prend à l’ensemble des transports !), on envisagera les avenirs possi-
bles du transport ferré de fret. Enfin, la durabilité du transport sera examinée à
travers l’exemple rétrospectif du transport routier, qui donne un contenu tangible à
la notion controversée de découplage.
342
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Perspectives
343
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Source : RECORDIT
Schéma 6.5 Coût direct et coût total du transport intermodal rail-route et du transport
routier en Europe, situation actuelle
344
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Perspectives
longues distances, par rapport à la route, les avantages en termes d’effets externes
venant de surcroît justifier le soutien des autorités publiques à une telle solution.
345
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Source : RECORDIT
Schéma 6.6 Coût direct du transport intermodal rail-route et du transport routier en
Europe, situation réformée à long terme
serait-ce que pour la desserte locale qui représente les tonnages les plus importants.
À long terme en revanche, l’exemple américain montre que d’autres possibilités
existent, si les conditions nécessaires sont mises en place. Le chemin de fer est
aujourd’hui, en matière de fret, dans une situation analogue à celle qu’il a connue,
346
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Perspectives
pour les voyageurs, il y a 40 ans. Certains estimaient alors que cette technique du
XIXe siècle avait atteint son apogée, que l’avenir appartenait à l’automobile d’une
part, à l’avion de l’autre. C’est le choix que firent les Américains ou les Britanniques.
Une autre réponse, ferroviaire, fut le TGV, inspiré du défi du Shinkansen japonais,
qui fit la synthèse des innovations disponibles. Son lancement fut effectif, en France
puis plus tard en Europe, après le signal déterminant du premier choc pétrolier.
Cette percée technique et commerciale permit de modifier radicalement les termes
de la concurrence intermodale et de remettre le fer dans le marché, pour les trans-
ports de personnes à moyenne distance et sur un réseau spécialisé limité à quelques
axes primordiaux. Aujourd’hui, le modèle de production traditionnel du fret ferro-
viaire européen a atteint ses limites et ses améliorations incrémentales ne sont pas à
la hauteur des problèmes posés. Un nouveau choc exogène viendra-t-il déclencher
les décisions nécessaires à une vraie réforme ?
8. Voir : Activité économique et trafic routier de fret : le cas français (projet REDEFINE : Relationship
between demand for freight-transport and industrial effects), SES (ministère de l’Équipement, des Transports
et du Tourisme), 1998.
347
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
celles-ci font l’objet, et établir ainsi les tonnages transportés, tous modes confondus
puis par la seule route. Pour le mode routier, la connaissance des distances
moyennes de transport et de leur évolution permet de convertir les flux (en tonnes)
en volumes de transport (en tonnes-kilomètres). Reste à passer du transport au trafic
(en véhicules-kilomètres) : il faut à cette fin établir la taille moyenne d’un charge-
ment routier et son évolution, en fonction de la taille des véhicules et de l’efficacité
de leur utilisation, c’est-à-dire de l’aptitude des transporteurs à bien les remplir (et en
particulier à trouver du fret de retour ou à organiser des circuits triangulaires propres
à limiter les parcours à vide, improductifs).
Le tableau suivant reprend les étapes du calcul convertissant le volume de produc-
tion et de consommation de biens en France en trafic routier. Le calcul mesure la
dynamique du phénomène par les taux d’évolution de chaque variable entre 1980
et 1995. La production en valeur (en francs, à l’époque de l’étude) est d’abord
convertie en quantité physique. Le développement des produits de haute densité de
valeur explique que, à valeur constante, le poids de la production nationale décline.
Plusieurs éléments de variation s’ajoutent les uns aux autres mais, de l’augmentation
de la fréquence des traitements logistiques dont les marchandises font l’objet et des
gains de part de marché de la route par rapport aux autres modes, s’ensuit une quasi-
stabilité du flux routier exprimé en tonnes.
Dans le même temps, la distance moyenne de transport a substantiellement
augmenté, si bien que le transport exprimé en tonnes-kilomètres a connu une
croissance notoire. Quelle fut sa traduction en termes de trafic routier, mesuré en
véhicules-kilomètres ? Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte : taille des
véhicules, coefficient de chargement et de parcours en charge. Le résultat final de
ce calcul est qu’une augmentation de quelque 43 % du transport a été assurée
avec une augmentation de 3 % seulement du trafic ! Même si la quantification
associée à tel ou tel maillon de cette chaîne de calcul peut être discutée, les
conclusions qualitatives sont convaincantes : l’amélioration de l’efficacité du
transport routier de marchandises au long de ces 15 années, sous l’aiguillon de
l’innovation technique et organisationnelle, de l’externalisation du compte propre
vers le compte d’autrui et de l’avivement de la concurrence, a été considérable.
Pour établir des prévisions de trafic et apprécier les besoins en infrastructures
nouvelles, on ne saurait pour autant prolonger indéfiniment les tendances ainsi
identifiées pour les années passées : il est des erreurs que l’on ne corrige pas deux
fois, et les gains d’efficacité additionnels sont d’autant plus difficiles que l’on a
déjà progressé.
© Groupe Eyrolles
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Perspectives
production
consommée et
exportée en
F:
+ 99 %
densité de valeur
(F / t):
+ 172 %
production en t
- 27 %
coefficient de
mouvement
(t transportées /
t produites)
tonnes transportées
somme de tous modes + 17 %
- 19 %
partage
modal route
tonnes transportées + 10 %
par route
-1%
distance moyenne
de transport routier
tonnes-kilomètres
+ 51 %
du transport routier
de marchandises
+ 43 %
chargement moyen
+ 26 %
véhicules-km
+3%
de chargement du parc
+6% + 20 %
Schéma 6.7
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
9. Voir DABLANC, Laetitia, Le transport de marchandises en ville, Éditions Liaisons, 1998, et DUFOUR, Jean-
Guy et PATIER, Danièle, « Du transport de marchandises en ville à la logistique urbaine », in SAVY (dir.), 2006.
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Perspectives
351
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
quelque 25 mètres, au lieu des 16,5 mètres actuels pour les semi-remorques et des
18,75 mètres pour les ensembles constitués d’un camion et d’une remorque, aurait
des effets très discriminants sur la desserte du territoire, une large part du réseau
viaire étant impropre au passage d’ensembles de cette taille.
Pour autant, le progrès technique incrémental dont bénéficie le transport routier
depuis plusieurs décennies se poursuivra : les innovations qui seront en fonction dans
15 ans sont déjà dans les plans des constructeurs de véhicules et des équipementiers,
qu’elles touchent les moteurs, les chaînes cinématiques, les pneus, etc. Elles conti-
nueront à abaisser la consommation énergétique, diminuer les risques de panne,
espacer les opérations d’entretien, allonger la durée de vie des composants, etc.
Simultanément, les techniques de l’information et de la communication poursui-
vront leur pénétration des matériels et des outils de gestion du transport routier, le
suivi en temps réel des véhicules et des marchandises, et l’optimisation des tournées
et de l’allocation des conducteurs et des véhicules permettant une meilleure utilisa-
tion des capacités de transport. Tous ces progrès contribueront à renforcer la compé-
titivité du mode routier face aux modes alternatifs, si ceux-ci n’accomplissent pas
des gains d’efficacité au moins égaux.
initial antérieur à l’innovation à un état final où celle-ci est acquise, les tendances
caractéristiques de la phase centrale de la transition rapide ne peuvent se prolonger
indéfiniment, et mènent à une phase de stabilisation.
352
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Perspectives
Dans le domaine du fret, et alors que la littérature économique générale insiste sur
les bouleversements et les ruptures (même si la formule imprudente de la « nouvelle
économie » est déjà caduque et remplacée par la « globalisation »), il semble que
l’on entre, en Europe occidentale du moins, dans une telle phase. On constate tout
à la fois, un rythme de croissance inférieur à la moyenne mondiale et une élasticité
du volume de transport par rapport au volume de production qui diminue.
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
hausse du prix routier de + 0,78 % par an et, pour le second, à une baisse des prix
routiers de 0,44 % par an. L’un est plus propice à la croissance du transport ferro-
viaire, l’autre à celle du transport routier. Tous deux retiennent l’hypothèse de crois-
sance du PIB de 1,9 % par an et la mise en service à l’horizon 2025 de Perpignan-
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Perspectives
Transport 50 78 66 60
ferroviaire
La projection centrale est donc une croissance du transport de 1,5 % par an de 2002 à
2025, contre un taux de 1,8 % constaté entre 1990 et 2002. Ce ralentissement de la
croissance reflète la stabilisation relative du système de fret (qui entre dans la troisième
phase de la « courbe en S »). On observe ainsi que l’élasticité du volume de transport
par rapport au PIB serait de 0,8 entre 2002 et 2025, alors que le niveau constaté entre
1990 et 2002 était de 1,4. S’il n’y a pas de découplage du transport et de la croissance,
la croissance du fret devient inférieure à celle du PIB après lui avoir longtemps été
nettement supérieure.
La croissance du transport, comprise entre 35 % et 46 % de 2002 à 2025, se répar-
tirait entre les modes de façon très différente selon les scénarios. Dans le scénario
central, le fer assure 13 % de la croissance totale et augmente son activité de 32 %
entre 2002 et 2025, tandis qu’il assure seulement 7 % de la croissance totale et
augmente son activité de 20 % selon S2 et enfin assure 25 % de la croissance totale
et augmente son activité de 56 % selon S1.
Transport ferroviaire 28 16 10
© Groupe Eyrolles
355
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
De ces projections se dégage toutefois une relative stabilité du partage modal : ici
aussi, les mutations sont acquises.
Transport routier 65 82 80 83 85
Transport ferro- 30 16 18 15 13
viaire
Transport fluvial 5 2 2 2 2
356
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Perspectives
357
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
3.2. Prospective
Toutes les activités économiques et sociales font l’objet d’interrogations d’avenir.
Pour anticiper sur les marchés, les techniques, les décisions politiques, etc., tous les
responsables essaient de se projeter à un horizon plus ou moins lointain. Dans le
domaine du transport, le besoin d’anticipation est particulièrement fort.
358
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Perspectives
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
Dans tous les cas, les mutations sont à venir et, si elles n’adviennent pas avant une
vingtaine d’années, un tel délai n’est pas superflu pour s’y préparer : l’« après-
pétrole » est à l’étude. Les industriels de tous les segments de la filière des transports
sont engagés dans de telles réflexions, et notamment les grands producteurs de
matériel, d’infrastructures et de fournitures, notamment d’énergie. La continuité que
nous pronostiquons pour les années à venir ne vaut donc pas pour la période
suivante, qui connaîtra de véritables inflexions de tendances, procédant de l’effet
simultané de ruptures techniques (les nouvelles motorisations, les techniques de
l’information), économiques (la division internationale des activités et la répartition
modale des flux de transport) et politiques (si le développement durable s’impose
comme une norme internationale indérogeable).
© Groupe Eyrolles
11. Cf. ORFEUIL, Jean-Pierre, Transports, effet de serre et changement climatique, CRETEIL, URF, juillet 2004.
12. Par exemple, le projet Fret 2030 de la Direction des affaires scientifiques et techniques du ministère des
Transports et le rapport Transports 2050 du Conseil général des ponts et chaussées.
360
© Groupe Eyrolles
IDH (*) 0,935 0,921 0,908 0,924 0,909 0,931 0,923 0,924 0,928 0,934 0,775 0,718 0,571
Espérance 78 77 78 79 78 78 77 80 81 77 66 70 63
de vie
Automobiles 448 508 389 469 539 383 373 486 395 478 120 3 5
PC 315 297 119 222 192 360 303 462 287 511 37 12 3
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Émission
de CO2/p. 10,5 10,4 6,6 6 7,4 10,5 8,9 6 9,6 20,1 90,8 2,9 1,1
361
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363-366Conclu.fm Page 363 Mardi, 3. octobre 2006 10:30 10
Conclusion
Au terme de ce parcours, il est plausible de revenir, une dernière fois, sur la nature de
son objet même, le transport de fret. Du fait de son ampleur, de sa diversité, de sa
complexité, son étude reste incomplète quand elle est menée à travers les concepts et
selon les méthodes d’une seule discipline. Cela vaut d’abord pour la technologie
(l’étude des techniques) : les sciences de l’ingénieur se divisent en branches multiples
que le transport sollicite conjointement (génie civil, mécanique, génie informatique,
etc.). Mais, si elles président à la conception et à l’exploitation des réseaux, elles sont
au service de finalités sociales qu’elles ne déterminent pas (qualité de service,
productivité, rentabilité, efficacité socio-économique) et dont l’agencement se joue
sur un autre terrain que la technique. Cela vaut aussi pour l’économie, même si
certains de ses spécialistes, passés de l’économie politique à la science économique,
prétendent détenir la discipline capable d’éclairer tous les problèmes de la société. Il
faut au moins croiser ces deux approches, d’autant que les relations entre le système
de transport et son environnement social sont de plus en plus intenses1.
Le choix n’est donc pas entre le technicisme et l’économisme, d’autant que les
sciences, qu’elles soient dites exactes ou sociales, ne sont pas consensuelles. Les
sciences de la nature évoluent de façon discontinue : chaque changement de
« paradigme » propre à organiser, un temps, la science « normale » résulte de
l’affrontement de propositions contraires2. Quant aux sciences sociales, elles se divi-
sent volontiers en tendances différentes et parfois hostiles. L’adoption du langage et
de la formalisation des sciences de la nature ne les soustrait pas à la question
conflictuelle du choix des notions et des axiomes, d’autant que la modélisation y est
plus souvent une voie vers l’abstraction que vers la quantification et la vérification
expérimentale (« il y a plus de lettres grecques que de chiffres arabes dans les arti-
cles d’économie mathématique »3). À nos yeux, la production et la consommation,
saisies dans toute l’épaisseur matérielle et organisationnelle de leur processus, de
leurs déterminants et de leurs enjeux, importent tout autant que le mécanisme de
l’échange qui occupe le terrain de l’analyse économique standard.
De fait, presque tout le spectre des sciences exactes et des sciences sociales peut, à
titre principal ou secondaire, prendre le transport pour objet d’étude. Celui-ci est
abordé, dans le système universitaire, au titre de disciplines différentes et
nombreuses, celles qui structurent l’enseignement et la recherche à l’échelle inter-
nationale. Il existe d’excellents ouvrages conçus à l’intérieur de ce découpage
disciplinaire (mécanique des transports, géographie des transports, économie des
© Groupe Eyrolles
1. Ces lignes sont écrites par un ingénieur économiste, ou du moins par un détenteur d’un diplôme d’ingé-
nieur et d’un diplôme d’économiste…
2. Voir KUHN, Thomas, La structure des révolutions scientifiques, trad. française Flammarion, 1972.
3. Selon le mot de Rémy Prud’homme, professeur émérite à l’Université de Paris 12.
363
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
transports, droit des transports, etc.), et plusieurs d’entre eux sont cités dans la
bibliographie sélective en fin d’ouvrage.
Notre projet était de saisir le transport comme un système en embrassant ses princi-
pales dimensions. De cette ambition plus risquée résultent des imperfections plus
grandes. La géographie (le transport étant essentiellement une activité spatiale), la
sociologie (qu’elle s’intéresse, en particulier, aux organisations ou au travail), la
science politique (pour traiter des institutions ou des interventions des pouvoirs
publics et des citoyens), le droit (qui formalise les relations entre les acteurs) ont été
ponctuellement convoqués dans cette construction.
Quoi qu’il en soit, toute tentative individuelle de synthèse s’alimente d’une produc-
tion collective et d’échanges formels ou informels (à travers les publications mais aussi
la littérature grise des travaux non officiellement édités, les conférences, les sémi-
naires, les simples discussions). La subdivision de l’enseignement universitaire en
disciplines est recoupée par des programmes de formation, des laboratoires de
recherche, des colloques organisés autour du domaine du transport et y invitant toutes
les compétences. La question n’est pas de créer une nouvelle branche du savoir, la
science du transport, mais de faire converger les approches disciplinaires dans la
compréhension d’un objet commun. La notion de réseau, familière à l’analyse des
transports, est également pertinente ici, et pas seulement de façon métaphorique.
Cette diversité et cette complémentarité sont d’autant nécessaires que l’étude du
transport intéresse bien au-delà des cercles de spécialistes. Il y a, comme disent les
chercheurs, une réelle « demande sociale » de recherche sur le transport, destinée à
alimenter, parfois par des transmissions fort indirectes, un débat technique, écono-
mique mais aussi politique. Même si c’est souvent à l’occasion d’un événement
spectaculaire (un accident, une grève), les médias font une large place au transport (et
à vrai dire au transport de personnes plus encore que de fret) et en reflètent la dimen-
sion sociale. Un citoyen « ordinaire » ne s’intéresse guère aux vertus comparées de
l’aciérie selon les procédés Thomas, électrique ou à l’oxygène, alors qu’il a souvent
un avis sur l’usage du camion ou du train pour le transport de fret (la formation et la
justesse de cet avis sont une autre question). Le transport est en effet sur la ligne de
contact entre le monde technique et le monde social, la sphère privée et la sphère
publique, l’individu et la collectivité, les pratiques immédiates et la gestion du long
terme : le développement durable se définit, canoniquement, selon une triple dimen-
sion économique, sociale et environnementale. La diversité de la demande contribue,
en retour, à la diversité des directions et des disciplines de recherche, et au souci de la
mise en œuvre de leurs résultats. À côté des sciences fondamentales ou appliquées,
on note la forte implication des sciences de l’action, du management, qu’il s’agisse
de l’entreprise et de l’administration (la gestion) ou du territoire (l’aménagement),
dans un registre allant de la conduite des opérations quotidiennes à la stratégie.
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Conclusion
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Bibliographie
Le transport fait l’objet d’une vaste littérature et la bibliographie ci-après se veut
délibérément sélective. Il ne s’agit pas tant de faire montre d’érudition que de dési-
gner aux lecteurs, et notamment aux étudiants, des pistes de lecture choisies. De
toute manière, la littérature sur le transport de marchandises est très rare, comparée
à celle traitant du transport de personnes. Les ouvrages et articles qui n’ont servi
qu’à étayer un passage particulier du livre ont été cités en note de bas de page et ne
sont pas repris ici.
Ouvrages
ARTOUS, Antoine et SALINI, Patrice, Les opérateurs européens de fret et la mondialisa-
tion, INRETS, 2006.
BACCELLI, Oliviero, La mobilità delle merci in Europa, Egea, Milano, 2001.
BAUCHET, Pierre et RATHERY, Alain, La Politique communautaire des transports, Paris,
La Documentation française, 1993.
BERNADET, Maurice, Le Transport routier de marchandises, Economica, 1997.
BERNADET, Maurice, Les Transports en France. Repères chiffrés tirés des comptes des
transports de la Nation, Economica, 1998.
BLAUWENS, Gust, DE BAERE, Peter, VAN DE VOORDE, Eddy, Transport Economics, De
Boeck, Antwerpen, 2006.
BOITEUX, Marcel (prés.), Transports : choix des investissements et coût des nuisances,
Commissariat général du Plan, La Documentation française, 2001.
BONNAFOUS, Alain ; PLASSARD, François ; VULIN, Bénédicte (dir.), Circuler demain, La
Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 1993.
BONNAFOUS, Alain (prés.), Les transports et l’environnement, rapport du groupe de
travail du CNT, La Documentation française, 1999.
CEMT, 50 ans de recherche en économie des transports : l’expérience acquise et les
grands enjeux, 2005.
CROZET, Yves, Analyse économique de l’État, Armand Colin, 1997.
CURIEN, Nicolas et DUPUY, Gabriel, Réseaux de communication : marchés et terri-
toires, Presses de l’École nationale des ponts et chaussées, 1997.
© Groupe Eyrolles
367
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LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
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Bibliographie
Rapports officiels
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de l’Europe, Economica, 1999.
Commission des communautés européennes, Livre blanc. La Politique européenne
des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix, Bruxelles, réf. COM (2001)
370, 2001.
Conseil général des ponts et chaussées, Démarche prospective Transports 2050,
ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer, mars 2006.
DATAR, Schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et de
transport de marchandises, juillet 2001.
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367-370Biblio.fm Page 370 Mardi, 3. octobre 2006 10:39 10
Inspection générale des finances et Conseil général des ponts et chaussées, Rapport
d’audit sur les grands projets d’infrastructures de transport, 2003.
MARTINAND, Claude, Environnement et développement durable, Avis et rapports du
Conseil économique et social, Journal officiel, 18 mars 2003.
SESP (Service économie, statistique et prospective), La demande de transport en 2025,
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2004, DAEI, ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer,
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Sources statistiques
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dans l’Union européenne, données 1970-2001, Eurostat, 2003.
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2002, ECMT 2004.
European Commission, EU Energy and transport in figures, Statistical pocketbook,
annuel (2001 et sq.).
SESP (Service économie, statistique et prospective), Les transports de marchandises,
Banque de données SITRAM, ministère des Transports, de l’Équipement, du
Tourisme et de la Mer, annuel.
SESP (Service économie, statistique et prospective), Les entreprises de transport.
Enquête annuelle d’entreprise, ministère de l’Équipement, des Transports, du
Logement, du Tourisme et de la Mer, annuel.
Union routière de France, Faits et chiffres, statistiques du transport en France, URF,
2005.
Autres sources
SAVY, Michel et ZEGAGH, Dalila, Le système de fret en Europe, recherche pour le
PREDIT, IUP, Université de Paris 12, 2005.
Revue Après-demain, n° 432, mars 2001. Numéro thématique : « Les transports :
croissance économique, professions, congestion, environnement, sécurité,
France/Europe, objectifs et moyens ».
Conseil national des transports, Transport/Europe, bulletin de l’Observatoire des
politiques et des stratégies de transport en Europe, téléchargeable sur le site
www.cnt.fr
371-372 Index.fm Page 371 Mardi, 3. octobre 2006 10:49 10
Index
A Environnement 295, 296
Activité 1, 27, 50, 196, 202 Espace 23, 30, 40, 47, 76, 218
Auxiliaires 30 Externalisation 147, 194, 201, 207, 210,
225, 231, 239, 247
Externalités 8
B
Branche 1, 28, 50, 157, 196
F
Fabrication 76
C Filière 3, 5, 197, 211, 250
Calcul économique 11, 98, 271, 272, 328 Flexibilité 33
Cargaison 1, 93, 100, 216, 217 Flux 301, 348
Chargeur 3, 5, 20, 216, 217, 242, 251 Fret 19, 20, 55
Circulation 16, 26
Commission 188, 206
G
Commissionnaires 5, 148, 159, 168,
162, 257 Géographie 68, 105
Compte d’autrui 9, 51, 118, 231
Compte propre 9, 51, 118, 210, 230 H
Conditionnement 101, 105, 153, 175 Hub and spokes 7, 113, 313
Congestion 97, 124, 270, 297
Consommation 10, 47, 49, 89 I
Courrier 188 Incoterms 252
Coût 36, 40, 46, 76, 135, 228, 237 Information 92, 106, 116, 235, 352
Coûts externes 97, 294 Infrastructure 5, 92, 94, 118, 264, 275, 297
Intermédiaire 5, 220
D Intermodal 70
Découplage 9, 79, 300, 341 Intermodalité 95, 191, 295, 307
Délocalisation 33
Demande 50 L
Développement durable 300, 360 Libéralisation 291, 303
Distance 1, 64, 75, 135, 136, 140, 150, 165 Locataire 20
Durabilité 97 Location 19, 99, 166
Logistique 6, 7, 18, 50, 104, 109, 156,
E 181, 183, 188, 193, 206, 232, 264, 322, 341
Effet de serre 270, 299, 321 Loueur 20, 30
© Groupe Eyrolles
371
371-372 Index.fm Page 372 Mercredi, 4. octobre 2006 9:03 09
Marchandises 16 S
Marché 9, 11, 18, 27, 49, 51, 149, 174, Secteur 1
251, 258, 260, 268, 288, 341
Service 21, 22, 26, 33, 47, 92, 156, 213,
Messagerie 168, 176, 188, 226, 257
216, 228, 250, 342
Mobilité 10
Solution 166
Mode 52, 75, 94, 98
Mondialisation 335 Sous-traitance 162, 177, 240
Multimodalité 191 Spatial 260
Stockage 17
O Système 4, 11, 49, 215, 239, 251, 273,
331, 364
Offre 50
P T
Partage modal 118 Tarification 295
Politiques publiques 11, 341 Temps 23, 29, 46, 136, 218
Poste (la) 15, 179, 206 Territoire 269, 325
Pouvoirs publics 47 Trafic 7, 108, 301, 348, 357
Prestataire 236 Transport 7, 13, 76, 109, 181, 188, 206,
Prestation 6, 22, 47 210, 235, 301, 348, 357
Procès 108 Transport routier 157, 347
Processus 21, 25 Transporteur 3, 5, 20, 216, 217, 251
Production 10, 16, 17, 25, 26, 47, 89, 91
Prospective 284, 329
U
Unité 52, 56
R
Régulation 9, 32, 47, 260, 287, 288
Répartition modale 53, 129 V
Réseau 7, 11, 55, 91, 109, 158, 297, 315, Valeur 4, 23, 24, 35, 47, 49, 75, 143
341 Véhicule 93, 98, 150