Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
LE MONDE | 13.09.2018 à 14h00 | Par Gunther Capelle-Blancard (Professeur d’économie à l’université Paris-I-
Panthéon-Sorbonne (Laboratoire d’excellence-Régulation financière [LaBex ReF...
Tribune. La faillite de Lehman Brothers restera sans conteste le point d’orgue de la crise financière.
Personne n’imaginait vraiment que ce fleuron de Wall Street puisse disparaître si soudainement.
L’illustre banque d’affaires avait, certes, annoncé de lourdes pertes et faisait l’objet d’attaques
spéculatives. Mais cette faillite a stupéfait les marchés – tout comme l’escroquerie de Madoff ou
l’affaire Kerviel - Société générale, pour ne citer que les exemples les plus marquants. Mais
l’affolement des Bourses mondiales s’est mué, sous l’effet de la crise des subprimes, en krach
boursier dès l’automne 2008, puis en en récession.
Cocktail explosif
Couplé à l’apparition des réseaux sociaux et des nouvelles formes de communication, le trading
haute fréquence forme un cocktail explosif. Par exemple, en avril 2013, à la suite d’un piratage, un
faux Tweet annonçant une explosion à la Maison Blanche a été publié sur le compte de l’agence
Associated Press. L’annonce sera retweetée quatre mille fois en quelques minutes. Plus qu’il n’en
faut pour que les algorithmes des tradeurs se mettent en branle. Les marchés américains
s’effondrent : la perte, quoique temporaire, s’élève à près de 140 milliards de dollars.
Iniquité et instabilité
On pensait que le progrès technique, que ce soit pour accélérer la transmission des ordres ou pour
favoriser une meilleure dissémination de l’information, améliorerait le fonctionnement des marchés
financiers et le processus de découverte de prix. Mais, sans une régulation adéquate, il a surtout
favorisé l’iniquité et l’instabilité.
Une mesure phare pour lutter, au moins en partie, contre certaines dérives aurait été de mettre en
place un dispositif ambitieux de taxation des transactions financières, de type « taxe Tobin ». C’était
l’objectif de l’Union européenne dès 2010, mais son application est sans cesse repoussée. La
France a introduit dès 2012 une taxe, mais celle-ci est limitée aux grandes entreprises françaises et
ne porte que sur les opérations journalières, excluant de fait les opérations les plus spéculatives.
A vouloir aller toujours plus vite, les marchés financiers sont en passe de perdre leur raison d’être :
offrir aux investisseurs et aux entreprises une plate-forme d’échange de titres. Rien d’étonnant à ce
que la défiance à leur égard ne cesse de croître.