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Niger 2035

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Le chemin de la prosper1te
PARTIE 1 Documents de travail
31 juillet 2015

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PUBLICATION DE L’ATTRIBUTION DE CONTRAT DE CONSULTANT
POUR L’ELABORATION DE LA STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE CROISSANCE INCLUSIVE (SDDCI)
NIGER 2035

NOTE D’INFORMATION

Date de publication : Mai 2015


Pays : NIGER
Agence d’exécution : MINISTERE DU PLAN, DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DU DEVELOPPEMENT
COMMUNAUTAIRE
Nom du Projet : PROJET D’APPUI A LA MOBILISATION DES RESSOURCES INTERNES ET A L’AMELIORATION DE LA
GOUVERNANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE (PAMOGEF)
Numéro de Prêt : 2100150026102
Nom de la Demande de Propositions (DDP) : SELECTION D’UN CONSULTANT POUR L’ELABORATION DE LA
STRATEGIE DE DEVELOPPMENT DURABLE ET DE CROISSANCE INCLUSIVE (SDDCI) NIGER 2035
Méthode de sélection : SELECTION BASEE SUR LA QUALITE ET LE COUT (SBQC)

Date de publication de l’AMI : 02/10/2014


Date de publication de la DDP : 04/11/2014
Date d’ouverture des propositions techniques : 02/12/2014
Date d’ouverture des propositions financières : 24/12/2014
Date d’approbation par la Banque du projet de Contrat négocié : 04/03/2015

Nom de l’attributaire du Contrat : CENTENNIAL HOLDINGS GROUP


Nationalité: AMERICAINE
Adresse: THE WATERGATE OFFICE BUILDING, 2600 VIRGINIA AVENUE, N.W. SUITE 201, WASHINGTON, DC 20037
Montant du Contrat : CINQ CENT QUARANTE NEUF MILLIONS CINQ CENT MILLE (549 500 000) FRANCS CFA HT
Date de démarrage du Contrat : 25/03/2015
Durée d’exécution du Contrat : HUIT (8) MOIS
Synthèse de l’objet du Contrat: L’OBJECTIF GLOBAL DU CONTRAT EST DE CONTRIBUER A CONSTRUIRE UNE VISION
A LONG TERME ET FORMULER UNE STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT DE LA SOCIETE ET DE L’ECONOMIE
NIGERIENNE A L’HORIZON 2035.

Nombre total de soumissionnaires: SIX (6)

1) Nom : BUREAU D’ETUDE ET DE RECHERCHES POUR LE DEVELOPPEMENT (BERD)


Nationalité : BURKINABE
Adresse : 01 BP : 4873 OUAGADOUGOU 01 BURKINA FASO EMAIL : berd.ing@fasonet.bf
Notes techniques: 69,80/100 POINTS
Prix évalués : -
Notes finales: -
Classement: 4ème

2) Nom: CENTENNIAL HOLDINGS GROUP


Nationalité: AMERICAINE
Adresse: THE WATERGATE OFFICE BUILDING, 2600 VIRGINIA AVENUE, N.W. SUITE 201, WASHINGTON, DC 20037-
EMAIL: info@centennial-group.com
Notes techniques : 94,80/100 POINTS
Prix évalués : 631 879 032 FCFA HT
Notes finales : 88,30/100 POINTS
Classement : 1ER
3) Nom : FUTURIBLES INTERNATIONAL
Nationalité : FRANCAISE
Adresse : 47, RUE DE BABYLONE – 75 007 PARIS FRANCE EMAIL : croels@futuribles.com
Notes techniques : 23,90/100 POINTS
Prix évalués : -
Notes finales : -
Classement : 6ème

4) Nom : GROUPEMENT FUTURS AFRICAINS – PERFORMANCES MANAGEMENT GROUP


Nationalité : SENEGALAISE
Adresse : 15, BOULEVARD DJIBY M’BAYE DAKAR SENEGAL - EMAIL : info@performancesgroup.com
Notes techniques : 79,40/100 POINTS
Prix évalués : La proposition financière du groupement n’est pas conforme au format indiqué dans le DDP et les
formulaires pertinents requis n’ont pas été fournis.
Notes finales : -
Classement : 3ème

5) Nom : IDEA CONSULT INTERNATIONAL


Nationalité : TUNISIENNE
Adresse : IMMEUBLE EQUINOXE, BLOC B, RUE DE LA BOURSE 1053, LES BERGES DU LAC- TUNIS
EMAIL : idea@ideaconsult.com.tn
Notes techniques : 84,90/100 POINTS
Prix évalués : 393 672 594 FRANCS CFA HT
Notes finales : 87,92/100 POINTS
Classement : 2ème

6) Nom : ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS


Nationalité : FRANCAISE
Adresse : 62-64, RUE DE LISBONNE – 75 008 PARIS EMAIL : dominique.gautier@rolandberger.com
Notes techniques : 45,85/100 POINTS
Prix évalués : -
Notes finales : -
Classement : 5ème

N.B. : Tout consultant qui souhaite connaître les raisons pour lesquelles sa proposition n’a pas été retenue doit en
faire la demande à l’Agence d’exécution. En tout état de cause, la Banque se réserve le droit de faire examiner toute
réclamation d’un soumissionnaire à tout moment à la suite de l’attribution du marché.
Document de travail 1 :
Diagnostique population
et dynamiques démographies

Jean-Pierre Guengant, Ph.D.

John F. May, Ph.D.


Document de travail 1 : Diagnostique population et dynamiques
démographies

Table des matières


Introduction ......................................................................................................................... :.... 4

Évolution de la population et dynamiques démographiques ................................................ 4

Déterminants de la fécondité et contexte socio-culturel ......................................... 10

Politiques en population, santé et santé de la reproduction .................................. 16

Impact de la croissance démographique sur le développement

socioéconomique ............................................................................................................... 19

Conclusions ............................................................................................................................. 22

Références ........................................................................ ....................................................... 25


Introduction
En 2015, la population du Niger était estimée à plus de 19 millions d'habitants contre 3,3 millions
d'habitants en 1960. Au début des années 1960, la population nigérienne augmentait de 100 000
personnes par an; elle augmente aujourd'hui d'environ 750 000 personnes par an. Avec un taux de
croissance démographique annuel de 3,9 pour cent par an, le Niger devrait voir sa population
doubler en 18 ans environ et compter au moins 40 millions d'habitants en 2035. À terme, la
population du Niger devrait s'accroître de plus d'un million de personnes par an avant 2025, et de 1,5
million de personnes par an en 2035 (les principaux paramètres démographiques du Niger entre
2014 et 2050 sont présentés dans le Tableau Al de l'Annexe).
Cette croissance démographique très forte va se poursuivre du fait de trois facteurs-clés : la baisse
de la mortalité, le maintien de niveaux élevés de fécondité et l'effet de structure par âge. Tout
d'abord, il faut tenir compte de la poursuite escomptée de la baisse de la mortalité, surtout infantile
(moins d'un an) et juvénile (entre 1 et 4 ans). Plus de personnes vont survivre, ce qui entraînera une
augmentation de la croissance démographique. Ensuite, les niveaux de fécondité du Niger sont
toujours très élevés. Avec 7,6 enfants par femme en moyenne, le pays connaît actuellement la plus
forte fécondité du monde et la fécondité n'a pas commencé à y baisser. Enfin, l'extrême jeunesse de
la population (la moitié de la population est âgée de moins de 15 ans), contribue aussi à la forte
croissance démographique. C'est l'effet de structure par âge, soit le phénomène de l'élan
démographique, appelé aussi momentum de population.
Ces évolutions démographiques condUiront inexorablement à une augmentation des besoins
alimentaires, ainsi que des besoins en santé, en éducation et, surtout, en emplois de la population
nigérienne. Il ne sera pas facile de satisfaire entièrement cette forte demande, même en comptant
sur la poursuite d'une aide internationale importante. La maîtrise de la croissance démographique,
un objectif maintes fois réaffirmé (mais jamais atteint) par les gouvernements successifs du Niger
depuis 30 ans, apparaît donc absolument nécessaire pour accroître la satisfaction des besoins
essentiels de la population qui aujourd'hui ne sont pas encore pleinement satisfaits.
La maîtrise de la croissance démographique passera par la maîtrise de la fécondité. Cependant,
cette maîtrise de la fécondité, comme la nécessaire poursuite de la baisse de la mortalité des
enfants, ne se fera pas automatiquement. La maîtrise de la fécondité nécessitera une augmentation
rapide de l'utilisation de la contraception moderne par les femmes nigériennes, grâce à la mise en
œuvre de programmes efficaces de planification familiale, un changement majeur des mentalités
natalistes dominantes actuelles (création d'une demande plus forte pour une taille familiale réduite)
et, surtout, un net recul de l'âge au mariage des femmes, ce qui implique des changements législatifs
et leur mise en application. Tout cela exigera un engament courageux et résolu des autorités
nigériennes.

Évolution de la population et dynamiques démographiques


Selon les résultats définitifs du Recensement de la Population et de l'Habitat de décembre 2012
(RGP/H 2012), le Niger comptait alors 17 138 707 habitants {ActuNiger 2014) 1 . Sur base de ces
résultats, la Division de la population des Nations unies a estimé la population du Niger à la mi-2015

1
Voir aussi INS (Institut national de la statistique) «Présentation des résultats préliminaires du quatrième (4e)
Recensement général de la population et de l'habitat (RGP/H 2012), Niamey, avril 2013. http://www.stat-
niger.org/statistigue/file/rgph2012.pdf. Voir aussi, INS, « le Niger en Chiffres 2013 », novembre 2013, http://www.stat-
niger.org/statistigue/file/Affiches Depliants/Nigerenchiffres2013 versi.pdf.

4
entre 19,1 et 19,4 millions (Population Division 2014) 2. En 1960, année de son indépendance, le Niger
ne comptait que 3,3 millions d'habitants. Sa population a donc été multipliée par un facteur de 5,8
entre 1960 et 2015. Cette augmentation correspond à un taux d'accroissement moyen sur une
cinquantaine d'années supérieur à 3 pour cent par an. C'est la plus forte augmentation enregistrée
en Afrique de l'Ouest après celle de la Côte d'Ivoire (la forte croissance de cette dernière étant due à
l'immigration). La population nigérienne continue d'augmenter d'environ 750 000 personnes par an,
ce qui correspond à une croissance de la population tout à fait exceptionnelle de 3,9 pour cent par an
actuellement. Le maintien d'un tel taux de croissance conduit à un doublement de la population tous
les 18 ans.
La population de la Communauté Urbaine de Niamey {CUN) a dépassé le million d'habitants. Elle
était estimée en 2014 à 1,1 million d'habitants contre à peine 60 000 habitants en 1960 (Population
Division 2015) . Cependant, si on tient compte des zones suburbaines adjacentes mais situées à
l'extérieur des limites de la ville, « l'agglomération » de Niamey compte peut-être environ 1,5 million
de personnes (Banque mondiale 2015). La population de la CUN est ainsi aujourd'hui près de 20 fois
plus nombreuse qu'en 1960. Elle représenterait plus du tiers (39 pour cent) de la population urbaine
selon l'Institut national de la statistique du Niger (INS) (Institut National de la Statistique 2013) . La
population urbaine totale du pays était estimée en 2015 à 3,6 millions de personnes, et elle était
aussi près de 20 fois plus nombreuse qu'en 1960 (voir Figure 1). Selon les résultats préliminaires du
RGP/H 2012, la population urbaine représentait 15 pour cent de la population totale du pays, contre
18 pour cent selon l'estimation de la Division de la population des Nations unies 3 •

Figure 1: Évolution de la population du Niger de 1960 à 2015

30.0
- Population totale (Estimations NU, 2013)

- Population urbaine(Estimations NU, 2013)

- Population rurale (Estimations NU, 2013) 19.3


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Sources : Nations unies (2013), Institut national de la statistique (2015)

Le Niger reste donc un pays très majoritairement rural puisque cinq Nigériens sur six vivaient
toujours en zone rurale en 2012. De ce fait, la plupart des indicateurs sociodémographiques
disponibles pour l'ensemble du Niger sont essentiellement le reflet du monde rural. En dépit de la
croissance rapide des villes, la population rurale a été multipliée par cinq depuis 1960, et elle serait

2
Résultats pour les hypothèses dites basse et haute, et 19,3 millions pour l' hypothèse dite moyenne (Medium variant),
http://esa.un.org/unpd/wpp/index.htm.
3
On notera que les résultats préliminaires RGP/H 2012 suggèrent en 2012 des chiffres moins élevés pour la population
urbaine, inférieurs à 3 millions. Voir aussi « Le Niger en Chiffres 2013 ».

5
de 15,6 millions en 2015. Elle continue de croître rapidement au rythme de 3,5 pour cent par an
selon les estimations des Nations unies, mais un peu moins vite que la population urbaine qui croît
de 5 pour cent par an. Dans ce contexte, le Niger devrait rester majoritairement rural pendant
encore plusieurs décennies. C'est ainsi que malgré la croissance plus rapide des villes, les projections
d'urbanisation réalisées par les Nations unies en 2014 anticipent qu'en 2050, deux Nigériens sur trois
(65 pour cent) pourraient toujours résider en zone rurale (ces données seront révisées lorsque seront
publiés les résultats définitifs du RGP/H 2012).
Les trois-quarts de la population sont concentrés dans le Sud du pays, où l'on trouve les densités
de population les plus élevées du Niger. Avec 15 habitants au kilomètre carré au niveau national, la
densité de la population apparaît toujours faible en 2015. Cependant, la majeure partie du territoire
national qui est de 1,267 miHions de km 2 est désertique et peu habitée. Selon les résultats
préliminaires du RGP/H 2012, près de 13 millions d'habitants, soit les trois-quarts de la population
vivaient en fait dans cinq régions: Dosso, Maradi, Tillabéri, Zinder et Niamey, situées dans la bande
sud du pays qui est la zone la plus propice à l'agriculture. Dans ces cinq régions qui totalisent 253 284
km 2 , soit 20 pour cent de la superficie du pays, la densité moyenne était de 50 habitants au km 2 en
2012. Cependant, des densités plus importantes encore ont été observées dans plusieurs
départements (par exemple, à Matameye dans la région de Zinder, où la densité de population était
déjà supérieure à 100 habitants au km 2 en 2001).
Le premier moteur de la croissance exceptionnelle de la population nigérienne est la baisse
continue de la mortalité. La diminution spectaculaire de la mortalité des enfants en-dessous de cinq
ans et l'augmentation de l'espérance de vie à la naissance- il s'agit là d'une véritable révolution de la
survie - ont contribué à l'accélération de la croissance démographique ces dernières années,
jusqu'au niveau historique récent de 3,9 pour cent d'accroissement démographique annuel.
En 2015, l'espérance de vie à la naissance est proche de 60 ans (59 ans), contre 36 ans au début des
années 1960 (estimation de la Division de la population des Nations unies). Cette progression de près
de 25 ans d'espérance de vie à la naissance est le signe encourageant des progrès importants réalisés
en matière de lutte contre les maladies transmissibles imputables aux maladies infectieuses, à un
suivi prénatal insuffisant, à une mauvaise prise en charge des accouchements et à la malnutrition, qui
sont les causes principales des décès chez les enfants et chez les mères.
Au cours des 20 dernières années, le taux de mortalité des enfants avant cinq ans a été divisé par
trois, passant de plus de 300 décès pour 1 000 au début des années 1990 à 116 pour 1 000 en 2015
(voir Figure 2). Pour la période plus récente, il est probable que la gratuité des soins pour les mères
et les enfants instaurée en 2006 a favorisé la poursuite de cette diminution spectaculaire. Les
estimations pour 2015 par la Division de la population des Nations unies à partir des données
d'enquêtes donnent 51 décès pour 1 000 naissances vivantes pour le taux de mortalité infantile et
120 pour 1 000 pour la mortalité des enfants avant leur se anniversaire. Ces taux restent toujours
élevés. Ils signifient que sur les 200 000 décès estimés pour 2014, un quart (près de 50 000) sont des
décès d'enfants de moins d'un an, et plus de la moitié (110 000 décès) sont des décès d'enfants de
moins de 5 ans. Néanmoins, on anticipe que ces taux vont continuer de baisser, ce qui va continuer à
alimenter la croissance démographique.

6
Figure 2: Estimation de l'évolution de la mortalité avant 5 ans et
du nombre moyen d'enfants par femme de 1970 à 2015
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- Fécondité (estimations Nations unies 2013)
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1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015

Source : Nations unies (2013)

Les maladies transmissibles constituent les causes principales des décès chez les enfants et chez les
mères. Cependant, il reste encore beaucoup à faire puisqu'on a estimé en 2012 que 68 pour cent du .
total des décès au Niger étaient toujours imputables à ces causes largement évitables. On notera
aussi qu'on aestimé à 25 pour cent les décès imputables à des màladies non-transmissibles:
accidents cardia-vasculaires, accidents vasculaires cérébraux (AVC), diabètes, cancers, etc. Ce
pourcentage relativement élevé est la conséquence de l'allongement de la durée de vie. Il signifie
que le système de santé nigérien devra consentir des moyens de plus en plus importants à la
prévention et au traitement coûteux de ces maladies, tout en continuant à lutter contre les maladies
transmissibles. En ce qui concerne la mortalité adulte, il faut aussi souligner les succès notoires
concernant la lutte contre le VIH/Sida.
Malheureusement, on observe des pourcentages de malnutrition très élevés parmi les enfants
survivants de moins de cinq ans. En 2012, plus d'un enfant sur trois (36 pour cent) avait un petit
poids par rapport à son âge, et près d'un enfant sur deux (44 pour cent) avait une petite taille par
rapport à son âge. Le faible poids par rapport à l'âge peut être la conséquence de facteurs
conjoncturels: suite d'une maladie, déséquilibre nutritionnel temporaire, mais il peut être aussi la
conséquence d'une malnutrition chronique. La malnutrition chronique, appelée aussi retard de
croissance, se manifeste par une petite taille des enfants par rapport à leur âge. En 2012, elle
concernait 44 pour cent des enfants nigériens, contre 55 pour cent en 2006 et 54 pour cent en 2000.
Cependant, les données antérieures à 2000 indiquent des pourcentages d'enfants ayant une petite
taille par rapport à leur âge allant de 44 pour cent en 1985 à 47 pour cent en 1998 (Banque mondiale
2015). Malgré une certaine amélioration depuis 2006, le nombre d'enfants de moins de cinq ans
concernés reste élevé, puisqu'il devrait être en 2014 est de l'ordre de deux millions de personnes.
La persistance de ces fortes proportions d'enfants souffrant d'un retard de croissance est
extrêmement préoccupante. En effet, le retard de croissance en taille (plus fréquent que le petit
poids par rapport à l'âge) est révélateur de problèmes majeurs de malnutrition et de santé
rencontrés par l'enfant notamment entre 6 et 24 mois. Ce retard a des conséquences très graves à
long terme. Comme l'ont souligné plusieurs études, il affecte négativement les capacités cognitives
et l'état de santé des enfants concernés jusqu'à l'âge adulte. Une forte prévalence du retard de
croissance en taille est donc susceptible d'avoir des effets négatifs considérables et durables sur le

7
bien-être des citoyens et la productivité des économies (Banuqe mondiale 2010). Cette situation est
liée aux niveaux de fécondité élevés qui prévalent toujours au Niger comme l'indique les données
disponibles par zone de résidence et par régions en 2012.
Le deuxième moteur de la croissance exceptionnelle de la population nigérienne est le maintien de
la fécondité à des niveaux très élevés. En effet, la fécondité s'est maintenue au-dessus de 7 enfants
par femme en moyenne depuis 1960 (voir Figure 2). Elle était estimée à 7,1 enfants par femme entre
2001 et 2006 (INS/Macro 2007), selon les résultats des Enquêtes Démographiques et de Santé (EDS).
Il est à noter que les estimations de fécondité obtenues par ces enquêtes se réfèrent aux trois
années précédant les enquêtes. Cette fécondité de 7,1 enfants par femme est quasi identique à celle
estimée par les Nations unies pour le début des années 1960.
La baisse rapide de la mortalité infanto-juvénile n'a pas conduit à un début de baisse de la
fécondité, comme on aurait pu le supposer en se référant à la théorie de la transition
démographique (la transition démographique est le passage graduel de niveaux élevés à des niveaux
faibles de mortalité et de natalité). Contrairement à ce qui a été observé dans quasiment tous les
pays en développement, non seulement la fécondité n'a pas baissé ces dernières années au Niger,
mais elle a même augmenté de 7,3 à 7,6 enfants par femme ce qui fait du Niger le pays ayant la plus
forte fécondité du monde. Ce « record » est la conséquence de grossesses généralement très
précoces, peu espacées, très nombreuses et aussi tardives, ceci dans un contexte de faible utilisation
de la contraception.
Cet écart croissant entre une mortalité en baisse et une fécondité élevée quasiment constante
depuis 50 ans, explique l'augmentation continue du taux d'accroissement naturel de la population
nigérienne, qui est passé de 2,8 pour cent par an au début des années 1960, au chiffre tout à fait
exceptionnel de 3,9 pour cent en 2014. Cette évolution explique l'accélération de la croissance
démographique du pays, qui se traduit par l'augmentation rapide en valeur absolue du nombre de
naissances et du nombre de jeunes. Au cours des quelques 50 dernières années, le nombre annuel
de naissances est ainsi passé de moins de 200 000 en 1960 à plus de 900 000 en 2014 (voir Figure 3).
Selon les projections de la Division de la population des Nations unies, les naissances annuelles
devraient dépasser le million en 2017. Le nombre annuel de décès a augmenté moins vite du fait de
la diminution de la mortalité, passant de près de 100 000 en 1960 à près de 200 000 en 2014. Ainsi,
alors que la population nigérienne augmentait de moins de 100 000 personnes par an au début des
années 1960, elle augmente aujourd'hui de plus de 700 000 personnes par an. Conséquence de ces
évolutions, le nombre · d'enfants de moins de cinq ans et le nombre d'enfants de six à onze ans
scolarisable au primaire ont été multipliés par six, et le nombre de femmes de 15 à 49 ans en âge de
procréer a été multiplié par cinq.

8
Figure 3: Évolution de la population totale, des naissances, des décès,
et de l'accroissement annuel depuis 1960
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Source : Population Division (2014)

Cette croissance démographique très rapide et le maintien de la forte fécondité conduisent aussi à
une augmentation de la base de la pyramide des âges et à un rajeunissement de la population (voir
Figure 4) . La structure par âge très jeune de la population nigérienne contribuera aussi à la future
croissance démographique du pays. Les projections de la Division de la population des Nations unies
publiées en 2013 anticipent une population nigérienne d'au moins 40 millions d'habitants en 2035 .
Elles envisagent ensuite une population se situant entre 63 et 86 millions d'habitants en 2050, soit
trois à quatre fois plus qu'en 2014 selon les hypothèses de fécondité retenues. Le nombre annuel
moyen de naissances devrait lui aussi quasi doubler dans les prochaines 20 années et constituer une
charge croissante pour les services de santé ainsi qu'un défi pour la création de nouveaux emplois.

9
Figure 4 : Pyramides des âges de la population du Niger en 1960 et en 2015

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10-14 1
1
1
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0-4 1 J 1
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-2 .5 -2.0 -1.5 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5

Effectifs de chaque groupe d'âge en millions

Source : Nations unies (2013)

La croissance démographique très forte du Niger va se poursuivre durant plusieurs décennies. En


effet, si la première phase de la transition démographique, la baisse de mortalité qui correspond à la
réduction progressive du nombre des décès qui peuvent être évités, est relativement bien amorcée
· et va très probablement se poursuivre, il n'en va pas de même pour la fécondité. En effet, la seconde
phase de la transition démographique, à savoir la maîtrise de la fécondité, qui correspond à une
maîtrise consciente de la taille des familles, n'a pas encore commencé. Et compte tenu de
l'augmentation importante à venir du nombre de jeunes en âge de procréer (effet de structure par
âge), cela « garantit » au Niger la poursuite inéluctable d'une forte croissance démographique dans
les décennies à venir.

Déterminants de la fécondité et contexte socio-culturel


L'évolution future de la fécondité sera déterminante pour la croissance démographique du Niger
durant les prochaines décennies. Comme la mortalité, cette composante de la croissance
démographique est susceptible d'interventions en matière de politiques publiques. Moyennant de
bonnes stratégies de création de la demande et de bons programmes d'offre de planification
familiale, il est possible de faire fléchir les niveaux de fécondité. Cependant, les déterminants
proches de la fécondité ainsi que le contexte socio-culturel du Niger rendent ces interventions plus
difficiles à mettre en œuvre.
Parmi les déterminants proches de la fécondité (les facteurs biologiques et comportementaux),
une variable cruciale est l'entrée en union. L'âge médian au premier mariage des Nigériennes a un
peu augmenté, mais il restait de 16 ans en 2012, contre 25 ans pour les hommes dont les mariages
deviennent petit à petit plus tardifs. Le mariage intervient donc très tôt chez les femmes et est quasi

10
universel à partir de 20 ans; il est quasi universel chez les hommes à partir de 30 ans. Le profil par
âge de la fécondité s'établit comme suit: à 20 ans, les Nigériennes ont en moyenne un enfant (0,5 à
Niamey et 1,2 en zone rurale); à 35 ans, 5,8 enfants (4,2 à Niamey et 6,1 en zone rurale); et à 50 ans,
7,6 enfants (5,3 à Niamey et 8,1 en zone rurale). Après avoir atteint l'âge de 35 ans, les Nigériennes
ont encore un enfant de plus en zone urbaine et deux enfants supplémentaires en zone rurale.
L'importance de ces naissances tardives est souvent sous-estimée comparativement à l'attention
portée aux naissances chez les adolescentes.
Les campagnes contre les mariages précoces ont eu un certain effet puisque 28 pour cent des
femmes de 20-24 ans en 2012 ont déclaré avoir été mariées avant 15 ans, contre 50 pour cent, soit
deux fois plus, en 1992. Malgré cette avancée importante, trois Nigériennes sur quatre étaient
mariées avant 18 ans en 2012, et donc exposées à une grossesse précoce mettant en péril parfois
leur vie et souvent leur santé ainsi que celle de leur enfant. Il faut noter la diminution du
pourcentage de filles ayant des enfants ou enceintes à 15 ans, qui passe de 9,6 pour cent en 1992 à
6,6 pour cent en 2012. Toutefois, cette diminution a été compensée par des augmentations à 16 ans
et à 17 ans. Au total, le taux de fécondité des adolescentes de 15 à 19 ans est resté quasiment le
même entre 1992 et 2012 pour l'ensemble du pays, mais ce taux a légèrement augmenté en milieu
rural, et fortement diminué en milieu urbain où il est deux fois moindre.
Les normes et valeurs de la société valorisent une forte descendance ainsi que les femmes ayant
beaucoup d'enfants. Les nombres idéals moyens d'enfants donnés par l'ensemble des femmes de
15-49 ans sont non seulement très élevés, mais ils ont aussi augmenté d'un enfant entre 1992 et
2012. Les femmes en union donnent en 2012 un nombre idéal moyen de 9,5 enfants, et les hommes
mariés, un nombre idéal moyen de 13 enfants. Il y a certes des écarts entre femmes selon les
catégories, mais on notera que les jeunes femmes de 20-24 ans ayant un niveau d'éducation
secondaire ou plus (elles sont peu nombreuses), ont indiqué des nombres idéals moyens de 6,5
enfants, soit trois fois les nombres idéals (de 2 à 3 enfants) donnés aujourd'hui par les jeunes
femmes ayant le même niveau d'éducation dans la plupart des pays en développement. Finalement,
pour une fécondité observée proche de 8 enfants, le nombre de naissances « non ou mal planifiées »
est inférieur à un enfant.
Un autre phénomène qui reflète les normes traditionnelles est la polygamie. Un peu plus d'un tiers
des femmes nigériennes en union {36 pour cent) et un homme marié sur quatre vivaient en 2012 en
union polygame, et ces pourcentages ont peu varié au cours des 20 dernières années. Ces unions
polygames ne comptent que rarement plus de deux coépouses. Il est probable que la polygamie
favorise une fécondité plus élevée, à cause de la compétition entre coépouses, mais on n'a pas
mesuré avec précision l'effet de la polygamie sur la fécondité.
L'information sur l'existence de méthodes modernes de contraception s'est bien diffusée dans le
pays et dans toutes les catégories de population au cours des 20 dernières années. l'utilisation de
la contraception moderne parmi les femmes en union a également progressé, puisqu'elle est passée
de 2,3 pour cent en 1992 à 12,2 pour cent en 2012, mais à 8,3 pour cent seulement si l'on ne tient
pas compte de la « MAMA » (méthode de l'allaitement maternel et de l'aménorrhée) introduite
comme méthode moderne pour la première fois dans l'enquête EDS de 2012. Cela correspond à une
multiplication par sept du nombre d'utilisatrices de méthodes modernes, lesquelles seraient passées
de 72 000 en 1992 à 316 000 en 2012.
Toutefois, l'utilisation de la contraception au Niger en 2012 reste parmi les plus faibles du monde,
de même que sa progression, qui n'a été que de +O,SS point de pourcentage par an entre 2006 et
2012. Avec 93 pour cent d'utilisatrices, la pilule suivie par les injectables, deux méthodes de courte
durée, restent les méthodes les plus populaires. Le secteur médical public qui servait 85 pour cent

11
des utilisatrices de méthodes modernes reste aussi la source principale d'approvisionnement en
contraceptifs.
Il y a un déficit persistant de l'information donnée aux femmes nigériennes sur leur contraception
par les personnels de santé et autres prestataires, ainsi que le révèlent les données sur le choix
informé des méthodes de contraception dans les différentes enquêtes. Globalement, moins de la
moitié des utilisatrices ont déclaré avoir été informées de l'existence d'autres méthodes et des effets
secondaires de la méthode qu'elles utilisaient, et sur ce qu'il convenait de faire en cas d'effets
secondaires.
Le risque de grossesse au sein du mariage est atténué par l'allaitement prolongé des enfants et
l'abstinence après l'accouchement. Ces deux facteurs déterminent« l'infécondité postpartum »,soit
l'impossibilité de tomber enceinte juste après une naissance. En 2012, les mères nigériennes
reprenaient leurs relations sexuelles 4,0 mois après leur accouchement, contre 4,8 mois en 1992, et
le retour des règles (qui varie en fonction de la fréquence et de l'intensité de l'allaitement au sein)
intervenait aussi plus tôt. La durée moyenne de l'infécondité postpartum a ainsi diminué au Niger de
16,1 mois en 1992 à 14,7 mois en 2012. La pratique de la contraception pourrait compenser cette
augmentation de l'exposition au risque de concevoir. De fait, le pourcentage des naissances
intervenues moins de 24 moins après la naissance précédente a un peu diminué, de 27 pour cent en
1992 à 23 pour cent en 2012, mais il reste que près d'une Nigérienne sur quatre a toujours des
naissances trop rapprochées et donc présentant des risques de santé pour la mère et l'enfant.
Les mariages précoces et universels, la faible utilisation de la contraception et les intervalles trop
courts entre naissances expliquent l'augmentation de la fécondité au Niger. Celle-ci a augmenté de
7,1 enfants en 2006 à 7,6 enfants en 2012. Cette augmentation est marquée en milieu rural (+0,7
enfant), alors que la fécondité a diminué de 1,5 enfant en milieu urbain, en fait dans les zones
urbaines hors Niamey, car la fécondité à Niamey est restée stable à 5,3 enfants par femme.
L'hypothèse que cette augmentation récente de la fécondité soit la conséquence de la gratuité des
soins aux femmes enceintes et aux enfants, décidée en 2006, n'est pas à écarter. Cette mesure ne
semble pas en effet avoir été accompagnée, comme elle aurait dû, par une information sur les
risques de santé associés aux grossesses nombreuses et rapprochées, et sur la planification familiale
comme moyen d'atténuer ces risques.
L'augmentation future de l'utilisation de la contraception sera largement conditionnée par la
demande totale en planification familiale, laquelle est la somme des besoins satisfaits (les
utilisatrices d'une méthode quelconque) et des besoins non satisfaits. La demande totale exprimée
en planification familiale a progressé au Niger de 23 pour cent en 1992 à 30 pour cent en 2012.
Toutefois, ce niveau de demande fait partie des niveaux les plus faibles du monde, ce qui s'explique
par l'importance des besoins exprimés à des fins d'espacement, soit 85 pour cent du total, ainsi que
par Je nombre idéal d'enfants très élevé donné par les femmes nigériennes, comparativement à leurs
consœurs des autres pays africains (voir Figure 5). En fait, pour envisager une demande en
planification familiale d'au moins 60 pour cent, comme c'est le cas aujourd'hui dans la quasi-totalité
des pays en développement et émergents, il faudrait que la demande soit exprimée à plus de 50 pour
cent à des fins de maîtrise de la taille de la famille (contre 15 pour cent aujourd'hui), et que le
nombre idéal d'enfants soit de l'ordre de 4 à 5 enfants, soit deux fois moins qu'aujourd'hui.

12
Figure 5 : Demande en planification familiale et nombre idéal d'enfants chez les femmes en union
dans 36 pays d'Afrique subsaharienne et au Niger en 2006 et en 2012

90 . -----------------------------------------------.

80 +---~,-----------------------------------------1
70 +------.~~~~-- ..--------------------------~
60 +-------------~~~.-~----------------------~

50 +-------------------~~~---r----------------~
40 +-----------------~~~--~~---------r~~~~l

30 +---------------------~--~-------2~-=~~~

20 +---------------------~------------~~~~~~

2 3 4 5 6 7 8 9 10
Nombre idéal d'enfants (femmes en union)

Sources: STATcompiler (2012).

Dans les conditions actuelles, il paraît donc difficile d'atteindre une prévalence contraceptive
supérieure à la demande totale exprimée, soit 30 pour cent. Il est également difficile d'imaginer que
la satisfaction des besoins exprimés entraîne une baisse de la fécondité, puisque ces besoins sont
très majoritairement des besoins d'espacement des naissances. En effet, si la satisfaction des besoins
exprimés a progressé de 19 pour cent en 1992 à 45 pour cent en 2012, la fécondité n'a pas diminué
mais a, au contraire, augmenté. Les messages en faveur de la planification familiale mettent
d'ailleurs souvent l'accent quasi exclusivement sur l'espacement des naissances, qui est opposé à la
maîtrise de la fécondité comme le montre une affiche du programme de planification familiale (voir
Figure 6).

Figure 6 : Affiche de promotion de la planification familiale

t lo.. PL.+.NIFIC.+.nON
AM IUALE N 'EST
•. ... UNE LIMITATION
u ES NAISSANCES

MAIS UN lSPÂCEMEHT
ENTRE W HÂISSÂHCES

Source : Association Nigérienne pour le Bien-Etre Familial (ANBEF).

13
Parmi l'ensemble des femmes de 15-49 ans en union, 83 pour cent en 2012 souhaitaient continuer
à avoir des enfants. En 2012 comme en 1992, environ une femme sur trois a déclaré souhaiter avoir
un enfant bientôt (c'est-à-dire dans les deux ans) et une femme sur deux a déclaré souhaiter avoir un
enfant plus tard, c'est-à-dire espacer la prochaine naissance de deux ans ou plus. Mais à l'autre
extrême, le pourcentage de femmes ayant déclaré ne plus vouloir d'enfants est faible et il est resté
quasiment inchangé entre 1992 (9 pour cent) et 2012 (8 pour cent). Seules ces femmes, peu
nombreuses, sont des candidates potentielles pour des méthodes contraceptives de longue durée,
sauf si elles sont infécondes (stériles) ou précocement ménopausées.

le désir d'enfants supplémentaires ne diminue pas en fonction de l'augmentation du nombre


d'enfants vivants, tant le désir d'enfants est répandu au Niger. En 2012, 87 pour cent des femmes
qui avaient déjà 4 enfants vivants souhaitaient encore en avoir d'autres (32 pour cent dans les deux
ans, 53 pour cent plus tard), et ce pourcentage était en augmentation par rapport à 1992 où il était
de 80 pour cent (voir Figure 7). De même, toujours en 2012, 82 pour cent des femmes qui avaient
déjà 5 enfants souhaitaient en avoir d'autres, et ce pourcentage était aussi en augmentation par
rapport à 1992. Le désir d'autres enfants ne commence à fléchir quelque peu que parmi les femmes
qui ont déjà 6 enfants ou plus. Mais parmi ces femmes, 65 pour cent souhaitaient encore avoir des
enfants (alors qu'elles n' étaient que 48 pour cent à le souhaiter en 1992). Finalement, alors qu'en
1992 une femme sur trois (30 pour cent) parmi celles qui avaient déjà 6 enfants ou plus ne souhaitait
plus avoir d'autres enfants, elles n'étaient plus que 23 pour cent en 2012 à ne plus vouloir d'enfants.
Par ailleurs, parmi les hommes de 15-49 ans en union ayant déjà 6 enfants ou plus en 2012,
quasiment tous souhaitaient avoir d'autres enfants, 2 pour cent seulement ayant déclaré ne plus en
vouloir.

Figure 7 : Évolution entre 1992 et 2012 des pourcentages de femmes en union de 15-49 ans selon
qu'elles veulent un (autre) enfant bientôt, plus tard ou qu'elles ne veulent plus d'enfants, selon le
nombre d'enfants vivants qu'elles ont déjà

100
90 • ne veut plus
c
.Q 80
c
::J 70
c 60 stérile/
Q)
VI
Q) 50 stérilisée
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1992 1998 2006 2012

Sources : STATcompiler (2012) .

Près de la moitié des Nigériennes (42 pour cent) ont exprimé en 2012 l'intention d'utiliser une
contraception dans l'avenir, un avenir dont l'horizon temporel n'est pas précisé. On aurait donc
tort de croire que cette intention se traduira par une augmentation rapide de l'utilisation de la

14
contraception dans un futur proche. En effet, non seulement l'horizon temporel de cette intention
d'utilisation n'est pas précisé, mais cette intention d'utilisation correspond surtout à des besoins en
espacement chez des femmes dont le désir d'avoir des enfants reste très fort. Ce désir d'enfants a
même augmenté depuis 1992, y compris parmi les femmes ayant déjà 6 enfants et plus. En 2012, 65
pour cent de ces femmes souhaitaient encore avoir des enfants, contre 48 pour cent en 1992. Et
parmi les hommes ayant déjà 6 enfants ou plus, quasiment tous souhaitaient avoir d'autres enfants.
la forte fécondité et les normes et valeurs très natalistes observées au Niger sont généralement
expliquées par « les pesanteurs socio-culturelles>> et l'influence de l'Islam. Une étude qualitative
réalisée récemment sur la planification familiale au Niger, indique que l'espacement des naissances
est largement accepté et utilisé, car il permet aux femmes de se reposer (Project Planification 2014,
48). Cependant, la planification familiale reste perçue comme un concept étranger, quoique pas
nécessairement négatif. En fait, la planification familiale est principalement perçue comme
équivalent à l'espacement des naissances. Tous les participants aux divers groupes de discussions
organisés dans le cadre de cette étude ont déclaré qu'au final, le nombre d'enfants qu'ils auraient
dépendait d'Allah, et indiqué aussi qu'« Allah décide » de tout et qu'« Allah pourvoira aux besoins de
leurs enfants quel que soit leur nombre ». Il a aussi été indiqué que « Quand Allah décide qu'une
femme doit être enceinte, elle tombe enceinte » et qu'il faut prier pour la femme reste en bonne
santé tout au long de sa grossesse. Dans ces conditions, la signification des réponses sur le nombre
idéal d'enfants est limitée puisque le « nombre d'enfants était dans les mains d'Allah ». Finalement,
la planification familiale permet aux quelques femmes qui l'utilisent d'atteindre dans de meilleures
conditions un nombre idéal d'enfants toujours très élevé.
Le débat sur l'Islam et la maîtrise de la fécondité n'est pas nouveau. Il a donnée lieu d'ailleurs à un
ouvrage de référence « La planification familiale dans l'héritage de l'Islam », publié pour !a première
fois en 1992, et réédité en 2004, avec l'appui de I'UNFPA (United Nations Population Fund), sous la
4
direction d' Abdel Rahim Omran, Vice-Président de l'Université Al-Azhar du Caire (Omran 1992, 284) •
Ce livre est le résultat d'un vaste projet de recherche collectif associant les plus grands théologiens et
juristes islamiques représentant la majorité des pays musulmans. En s'appuyant sur le Coran, la
tradition orale, les différentes écoles de pensée et une série de grands théologiens ainsi que de
nombreuses citations, cet ouvrage réfute en particulier la thèse selon laquelle l'Islam est opposé à la
« prévention » des naissances. En fait, il existe des « ouvertures » qui permettraient d'avoir une
autre vision, moins fataliste, permettant à chacun de prendre ses responsabilités vis-à-vis de ses
enfants et de sa communauté. Certains marabouts ont déjà déclaré à ce sujet que « Le Coran dit que
nous ne pouvons pas empêcher les naissances. Nous ne disons pas le contraire, nous expliquons que
le nombre d'enfants doit être en adéquation avec les ressources disponibles. Le Coran ne dit pas qu'il
faut faire des enfants sans tenir compte de votre capacité à les élever >> (NIGER : Petites avancées
2010). Il faut souligner enfin que dans plusieurs pays à majorité musulmane, parmi lesquels
l'Indonésie, l'Égypte, la Tunisie et le Bangladesh, il a été possible de modifier assez rapidement les
normes et valeurs traditionnelles en matière de procréation, suite à un engagement résolu et
constant des autorités, ce qui a conduit aujourd'hui dans ces pays à des nombres moyens d'enfants
par femme inférieurs à 3 enfants.
Les données disponibles sur le statut de la femme au Niger soulignent leur dépendance
économique et la faiblesse de leur pouvoir de décision au sein du mén~ge et dans la société. La
plupart des femmes nigériennes exercent en plus de leurs activités domestiques une activité
économique, généralement dans l'agriculture. Toutefois, cette activité est peu ou pas rémunérée.

4
Voir le résumé en Français à http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers 0040-
7356 1994 num 35 137 4864 tl 0215 0000 2.

15
Selon les résultats de I'EDS de 2012, seulement un quart des femmes de 15-49 ans en union (27 pour
cent) ont déclaré avoir exercé au cours des 12 mois précédant l'enquête une activité contre
rémunération en argent ou contre rémunération en argent et en nature. Certes, la plupart d'entre
elles (85 pour cent) ont déclaré avoir décidé seules de l'utilisation de cette rémunération, mais elles
pensent que celle-ci est inférieure à celle de leur conjoint. Les hommes de leur côté décident
également seuls, à 81 pour cent, de l'utilisation de leurs gains. Dans la majorité des cas les femmes
ne possèdent pas de maison (61 pour cent) ou de terres (64 pour cent) en propre, et seulement 14
pour cent ont déclaré posséder seule une maison, et 22 pour cent en posséder une avec quelqu'un
d'autre (généralement le conjoint).
Concernant le rôle des femmes dans les prises de décisions importantes du ménage, les résultats
de I'EDS 2012 indiquent clairement que c'est l'homme qui décide. La décision finale est prise dans
plus des trois-quarts des cas par l'homme en ce qui concerne les soins de santé de la femme et les
achats importants du ménage. C'est aussi l'homme qui décide dans 60 pour cent des cas des visites
de la femme à sa famille. Seulement 4 pour cent des femmes ont déclaré prendre seules leurs
décisions concernant leurs propres soins de santé, et dans 18 pour cent des cas ces décisions sont
prises conjointement par l'homme et la femme. Par contre, dans trois cas sur quatre (73 pour cent)
les hommes prennent seuls les décisions concernant leùrs propres soins de santé.
La supériorité supposée des hommes, selon les normes sociales en vigueur, justifie aussi pour
nombre de Nigériennes les violences dont elles sont victimes. Les résultats de I'EDS de 2012
indiquent qu'environ la moitié d'entre elles trouvent normal qu'un mari batte sa femme si elle refuse
d'avoir des rapports sexuels et si elle argumente avec lui, ou encore si la femme sort sans le dire à
son conjoint ou si elle néglige les enfants. De manière intéressante, les mêmes questions posées aux
hommes en 2012 donnent des résultats différents, ceux-ci étant beaucoup moins nombreux à
déclarer (ou reconnaître) qu'il était normal qu'un homme frappe sa femme dans certains cas. La
première raison invoquée justifiant une telle attitude est que sa femme argumente avec lui (20 pour
cent), suivie par le fait qu'elle sorte sans le lui dire ou qu'elle néglige les enfants.
L'inégalité des femmes par rapport aux hommes est mesurée globalement par l' « indice
d'inégalité de genre », qui est un indice composite variant de 0 à 1, mesurant le déficit de progrès
résultant d'inégalités de genre dans les trois dimensions suivantes du développement humain : santé
reproductive (taux de mortalité maternelle et taux de fécondité des adolescentes), autonomisation
(pourcentage de femmes au Parlement et pourcentage de femmes ayant suivi un enseignement
secondaire ou supérieur), et marché du travail (taux d'activité des femmes dans la population active).
Le rapport 2014 du PNUD, donne pour le Niger en 2012 un indice d'inégalité de genre très élevé de
0,674, ce qui le place au 149e rang sur les 152 pays classés, après le Mali, mais devant l'Afghanistan
(0,705), le Tchad (0,707) et le Yémen (0,733) qui a l'indice d'inégalité de genre le plus élevé du
monde (PNUD 2014, 259). La place des femmes au sein du ménage et dans la société est donc
toujours à l'évidence au Niger un enjeu de pouvoir entre hommes et femmes, et aussi entre
générations,. à la croisée des chemins entre tradition et modernité, ce qui s'exprime, entre autres,
par les préférences plus élevées des hommes par rapport aux femmes en matière de fécondité.

Politiques en population, santé et santé de la reproduction


Les préoccupations des autorités nigériennes par rapport à la forte croissance démographique sont
anciennes. Il y a 30 ans déjà, le Président Seyni Kountché (1931-1987), dans un discours prononcé à
Matamaye en 1985, posait clairement la question de « comment concilier croissance économique et
démographique » dans le respect « des prescriptions sacra-saintes de l'Isla~ ». Il appelait déjà la
société nigé.rienne à se libérer « des pesanteurs socio-éducatives, du fatalisme, de l'absentéisme et

16
des fuites de responsabilité qui font obstacle à son épanouissement et à son équilibre » (Barrère et
coll. 1999, 39). Ce discours faisait suite à la création en 1984 d'un Centre National de Santé Familiale.
Il a été suivi en 1988 par la création au sein du Ministère de la Santé d'une Direction de la
planification familiale.
La première Politique Nationale de Population (PNP) du pays a été adoptée en 1992 sous forme de
loi, suite aux travaux du Comité technique interministériel sur la population mis en place en 1990
(Déclaration de politique 1992). Ces travaux ont conduit également à la création d'une Commission
nationale de la population (CONAPO), dépendant du Ministère du Développement social, de la
Population et de la Promotion de la Femme. La PNP de 1992 se fixait comme objectif la maîtrise de la
croissance démographique et des flux migratoires, et l'adéquation entre croissance démographique
et développement économique. L'augmentation du taux de prévalence contraceptive, aussi bien en
zone urbaine que rurale, figurait parmi les divers objectifs spécifiques retenus, mais sans objectifs
chiffrés.
La « Déclaration du gouvernement en matière de politique de population » (DGPP), adoptée en
Conseil des Ministres en février 2007, a remplacé la PNP de 1992 (Déclaration du gouvernement
2007). Elle a été complétée par un Plan d'actions de mise en œuvre, ainsi que par un document sur
les stratégies d'interventions couvrant la période 2007-2015. la DGPP de 2007 entendait
« contribuer à la réduction de la pauvreté grâce à l'acquisition d'une mentalité et de comportements
reproductifs aptes à induire au sein des populations une augmentation significative de l'utilisation de
la contraception et une réduction des mariages précoces ». Grâce à la mise en œuvre de quatre
programmes prioritaires, la DGPP de 2007 visait à atteindre en 2015 les résultats suivants : avoir 15 à
20 pour cent des couples utilisant une méthode efficace d'espacement de naissance (ce qui
correspond à une augmentation de la prévalence d'au moins un point de pourcentage par an); avoir
réduit d'un tiers la proportion des mariages précoces; avoir renforcé la pratique de l'allaitement
maternel prolongé; et avoir réduit de sept à cinq le nombre moyen d'enfants par femme, et de 3,3 à
2,5 pour cent le taux de croissance annuel de la population. Le Plan de développement sanitaire
(PDS) 2005-2009, comme le Programme national de santé de la reproduction 2005-2009, se fixaient
comme objectif d'atteindre 15 pour cent de prévalence contraceptive dès 2009 (Santé de la
population 2005, 65-66). Toutefois, le Plan stratégique de sécurisation des produits de la santé de la
reproduction (PNSSPSR) 2007-2010 n'a retenu qu'un objectif de réduction des besoins non satisfaits,
et la Feuille de route pour accélérer la réduction de la mortalité maternelle et néonatale au Niger
(2006-2015) n'a retenu aucun objectif concernant la contraception. Quant à la seconde « Stratégie
de développement accéléré et de réduction de la pauvreté » 2008-2012 (SDRP), elle ambitionnait de
faire du Niger (< un pays émergent, bâti sur une économie dynamique», et elle exprimait clairement
la volonté politique de maîtriser la forte croissance démographique du pays, en retenant l'objectif de
la DGPP de 2007 d'arriver à 6 enfants par femme en 2012 et à 5 enfants par femme en 2015
(Stratégie de développement 2012, 21).

Le Plan de Développement Sanitaire {PDS} 2011-2015, entend poursuivre le développement des


services en santé de la reproduction (SR) à travers des paquets d'interventions concernant en
particulier la planification familiale et la santé des adolescents et des jeunes (SAJ) (Plan de
Développement Sanitaire 2015, 21). Il est indiqué ainsi que l'extension des services passera
essentiellement par l'intégration effective de la planification familiale dans le Paquet minimum
d'activités (PMA) dans toutes les formations sanitaires publiques et privées, la promotion de la
distribution des contraceptifs à grande échelle et à base communautaire. Le PDS 2011-2015 entend
également contribuer à la création d'un environnement favorable à l'utilisation de la planification
familiale au travers la promotion d'activités de communication . pour le changement de

17
comportement (CCC)~ L'objectif retenu était d'arriver à un taux de prévalence contraceptive pour les
méthodes modernes de 20 pour cent en 2014-2015 contre 5 pour cent en 2006, selon les résultats de
I'EDS 2006.

Le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) 2013-2015 a confirmé la volonté


des autorités de maîtriser la forte croissance démographique du pays, ceci dans son axe 2
« Création des conditions de durabilité d'un développement équilibré et durable » (Plan de
Déeveloppment Economique 2013, 278). Ce document retient quatre programmes directement
inspirés de la DGPP de 2007 qui visent à : l} rendre effective l'utilisation des services de proximité en
santé de la . reproduction; 2) augmenter la prévalence contraceptive moderne; 3) réduire les
mariages précoces; et 4) maintenir la durée moyenne de l'allaitement maternel à 21 mois. L'objectif
retenu est d'arriver à une prévalence contraceptive moderne de 25 pour cent en 2015, contre 21,2
pour cent en 2010 (chiffre surestimé provenant probablement des statistiques de service), contre 5
pour cent en 2006. Cet objectif correspond en fait à la Cible Sb des Objectifs du Millénaire pour le
développement (OMD) (rendre l'accès à la médecine procréative universel d'ici à 2015), c'est-à-dire à
la satisfaction des besoins non satisfaits en planification familiale estimés à 25 pour cent lors de I'EDS
de 2006.

Enfin, un « Plan d'action 2012 - 2020 » pour la planification familiale au Niger a été adopté par le
Ministère de la Santé publique en juin 2012, dans le cadre du « Partenariat de Ouagadougou »
visant à accélérer la mise en œuvre de stratégies de planification familiale dans neuf pays
francophones d'Afrique de l'Ouest (Planification Familiale 2012, 23; Qu'est-ce que le Partenariat
2013). Ce Plan d'action 2012-2020 vise au moyen de diverses actions à passer d'une prévalence
contraceptive moderne estimée à 16 pour cent en 2010 à 25 pour cent en 2015, et à 50 pour cent en
2020. Ce plan est extrêmement ambitieux, car il correspond à une augmentation moyenne de la
prévalence contraceptive moderne de 1,8 point de pourcentage par an entre 2010 et 2015, et de
cinq points de pourcentage par an entre 2015 et 2020, soit un rythme d'augmentation tout à fait
extraordinaire, jamais observé ailleurs dans le monde. Le coût de ce plan vraiment très ambitieux a
été estimé à 64 milliards de Francs CFA (soit près de iOO millions d'euros) sur huit ans. Il doit
permettre de couvrir les besoins en contraception moderne de 850 000 femmes en 2015, et
d'environ 2 millions de femmes en 2020. Afin de mobiliser les ressources nécessaires pour ce plan,
une «Journée de plaidoyer et de mobilisation des ressources en faveur de la planification familiale
au Niger», présidée par le chef de gouvernement, a été organisée à Niamey en février 2013. Par
ailleurs, le « Forum population » qui s'est tenu à Niamey du 25 au 28 mars 2014, a rappelé dans ses
recommandations la nécessité de mettre en œuvre le Plan de Planification Familiale 2012-2020, et la
nécessité de mettre fin au mariage des enfants et d'éviter les grossesses non désirées chez les
adolescentes.

Dans la foulée de ce «Forum population,,, le président Mahamadou lssoufou s'est également


prononcé sur les questions de population et de développement. À l'occasion d'une visite à Maradi
les 13-14 m.ai 2014, le Président lssoufou a déclaré: «Nous devons procréer de manière responsable,
c'est-à-dire avec la pleine conscience que nous avons le devoir de nourrir, d'éduquer, de soigner les
enfants que nous mettons au monde» (Limitation des naissances 2014). Cette déclaration a
provoqué une réaction immédiate d'hostilité (Je 17 mai 2014) de la part des organisations
musulmanes qui ont indiqué: «Nous dénonçons les tentatives de dé~ourner et d'orienter les
recommandations d'un (récent) forum sur la population essentiellement vers la réduction du taux de
fécondité de la femme nigérienne». Toutefois, dans son message à la nation prononcé Je 2 août
2014, à l'occasion du 54e anniversaire de l'indépendance du pays, le Président a rappelé que: «La
maîtrise de la démographie est au centre des préoccupations du Gouverner:nent ». Il a également
souligné que : « si que si le Coran, en plusieurs de ses versets, évoque les richesses avant les enfants,

18
c'est qu'on doit faire des enfants qu'on est capable d'éduquer, de soigner et de nourrir» et il a
rappelé « la nécessité de procréer de manière responsable ».
La planification familiale occupe une bonne place dans les politiques publiques depuis une
trentaine d'années, mais les résistances à ce sujet sont toujours très vives. Pourtant, le Niger a
adopté en 2006 une loi sur la santé de la reproduction (loi No. 2006-16 du 21 juillet), reconnaissant à
tous le droit à l'information et à l'éducation concernant les avantages, les risques et l'efficacité de
toutes les méthodes de régulation des naissances (Article 5). Cependant, la loi précise que (seuls)
« les couples légalement mariés peuvent décider librement et avec discernement de l'espacement
des naissances et de disposer des informations nécessaires pour ce faire » (Article 3). Outre l'accent
quasi exclusif mis sur l'espacement des naissances et non sur la « la nécessité de procréer de
manière responsable » (et donc de maîtriser la taille des familles), il faut noter que la loi nigérienne
autorise toujours une fille considérée comme « suffisamment mûre » à se marier dès l'âge de 15 ans
(Rapport 2013, 2013). Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que l'avant-projet de statut personnel
-ou Code de la Famille - élaboré en 2011, conçu pour promouvoir et renforcer l'équité de genre
dans le pays (notamment en augmentant l'âge au premier mariage et en réduisant les injustices en
matière de répudiation et d'héritage) ait été abandonné sous la pression des associations islamiques.

Impact de la croissance démographique sur le développement socioéconomique


La forte croissance démographique, estimée à 3,9 pour cent par an, a ralenti le développement
socioéconomique du Niger et explique, en partie, la faiblesse de son « Indice de développement
humain ». L'IDH, préparé chaque année par les services du PNUD, est un indice composite mesurant
le niveau moyen atteint dans trois dimensions-clés du développement humain, à savoir le niveaU de
vie, la santé et la longévité (espérance de vie à la naissance) et, enfin, l'accès à l'éducation. L'IDH est
présenté sous la forme d'un score synthétique de ces trois dimensions, avec une valeur maximale de
1,000. Avec un indice de 0,337 en 2013 et publié en 2014, le Niger se situait au 187e rang parmi les
187 pays classés (Rapport 2014 du PNUD). Il n'empêche que depuis 1980 le Niger a réalisé des
progrès importants sur ces trois dimensions du développement humain. En 1980, I'IDH du Niger était
de 0,191. Cependant, les autres pays ont progressé plus rapidement. Les progrès du Niger ont été
freinés en partie à cause de son accroissement démographique très rapide. Le mauvais score du
Niger s'explique aussi, en partie, par les difficultés économiques qu'a connu le pays, surtout dans les
années 1980-1994 (voir Figure 8).
Cependant, la croissance économique est revenue au Niger au milieu des années 1990, ce qui a
permis de renouer avec une croissance du PIB par tête après des décennies de recul. Le taux moyen
de croissance économique de 6,3 pour cent par an enregistré pour la période 2010-2013, s'explique
par la bonne récole de 2012 ainsi que par le démarrage de la production de pétrole brut. Mais la
croissance démographique a absorbé les deux tiers de ces gains et la croissance moyenne du PIB par
tête n'a été que de 2,4 pour cent sur cette courte période (et seulement de 1,5 pour cent par an, si
l'on tient compte de la période 2005-2013; voir Figure 8).

19
Figure 8: Croissance du PIB et du PIB par tête de quelques pays Sahéliens, 1980-2013, en pour cent

10
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-4

Sources : Données de la Banque mondiale et calculs des auteurs.

la création de nouveaux emplois sera le défi majeur des 20 prochaines années au Niger. La Figure 9
montre le nombre des entrées annuelles sur le marché du travail. En 2015, l'économie nigérienne
doit créer 250 000 nouveaux emplois par an pour ses nouveaux arrivants. Étant donnée la structure
par âge actuelle du Niger, ce nombre fera plus que doubler dans les 20 prochaines années et va
atteindre 572 000 nouveaux emplois nécessaires par an en 2035. C'est une tendance incontournable,
car les futurs nouveaux entrants sur le marché du travail sont déjà nés. En même temps, la
population potentielle active (âgée 15-64) va augmenter de 9,1 millions de personnes en 2015 à 20,3
millions en 2035 (voir Figure 9) .

Figure 9 : Entrées annuelles sur le marché du travail,


population âgée 15-24 ans et 15-65 ans, 2015-2035 (variante moyenne)
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200
2015 2020 2025 2030 2035
0.0

Source : Population Division (2014)

20
Il va être de plus en plus difficile de produire localement les quantités de céréales suffisantes pour
nourrir convenablement une population en expansion très rapide, à cause de la qualité variable des
sols, de l'irrégularité des pluies et des techniques culturales actuelles. Ceci d'autant pl_~ que dans les
régions agricoles du Sud qui ont déjà des densités démographiques élevées, la croissance rapide des
besoins alimentaires conduit à une surexploitation des terres, ce qui contribue à leur dégradation.
Cette situation amène aussi une extension des superficies cultivées, ce qui alimente les conflits entre
agriculteurs ainsi qu'entre agriculteurs et éleveurs. En outre, le bois restant au Niger la principale
source d'énergie pour la cuisson des aliments, la croissance rapide de la population accélère le
déboisement, ce qui amplifie le ruissellement des eaux de pluie et aggrave encore davantage la
dégradation des terres cultivables.
Le nombre de Nigériens souffrant de malnutrition chronique a diminué, mais concerne toujours
plus de deux millions de personnes. Selon la FAO (Food and Agriculture Organization des Nations
unies), 2,3 millions de personnes (14 pour cent de la population) étaient concernées en 2010-2013.
De manière générale le nombre de médecins, d'infirmiers et d'infirmières est insuffisant, et
l'ensemble des dépenses consacrées à la santé ne permet pas encore d'assurer des services
satisfaisants pour l'ensemble de la population. Une part importante de ces dépenses (22 pour cent) a
été financée durant la période 2010-2012 par des sources extérieures, c'est-à-dire par des
organisations internationales, des partenaires bilatéraux et des organisations non gouvernementales
étrangères. Par ailleurs, environ la moitié de l'ensemble des dépenses de santé est directement
payée par les patients.
Il faut saluer la mise en place par le gouvernement en 2006, de la gratuité des soins pour les
femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans. Cette gratuité concerne les consultations
prénatales, la contraception, les césariennes, les cancers génitaux féminins et la prise en charge des
enfants de moins de 5 ans. Cette politique a permis de doubler la proportion de femmes enceintes
qui ont reçu au moins une fois des soins prénatals par un prestataire formé (83 pour cent en 2012),
et de doubler également la proportion de naissances dont l'accouchement s'est déroulé avec
l'assistance de personnel formé {29 pour cent en 2012, ce qui reste néanmoins faible). La politique
de gratuité des soins pour les mères et les enfants a donc prouvé son efficacité, mais selon l'OXFAM,
elle est aujourd'hui menacée faute d'un financement suffisant et de mécanismes efficaces de
remboursement aux services de santé des soins donnés gratuitement (Oxfam France 2013). Par
ailleurs, comme déjà mentionné, cette politique de gratuité des soins n'a pas été accompagnée d'un
effort corollaire important en direction de la planification familiale.
Malgré la progression des taux de scolarisation, le niveau d'éducation formelle de la population est
faible, y compris chez les jeunes, et il est toujours en défaveur des femmes. Selon les données de la
Banque mondiale, le pourcentage de la population adulte (15 ans et plus) sachant lire et écrire était
en 2012 de 15 pour cent, mais de seulement de 9 pour cent chez les femmes contre 23 pour cent
chez les hommes. De même chez les jeunes, le pourcentage des 15-24 ans sachant lire et écrire était
en 2012 de 24 pour cent, mais de seulement de 15 pour cent chez les femmes contre 35 pour cent
chez les hommes (soit plus du double). La scolarisation au primaire n'est toujours pas universelle, et
les taux de scolarisation au secondaire et au supérieur restent faibles, avec des écarts importants en
défaveur des filles. Au niveau secondaire, le taux brut de scolarisation était estimé en 2012 à 13 pour
cent pour les filles contre 19 pour cent pour les garçons. Les dépenses consacrées à J'éducation ont
représenté ces dernières années 19 pour cent des dépenses publiques, ce qui est appréciable. Mais,
du fait de la progression très rapide du nombre d'enfants scolarisés (ils ont été multipliés par cinq
entre 1992 et 2012 aux niveaux primaire et secondaire), la qualité de .l'enseignement s'est
détériorée, le système scolaire ayant de plus en plus de difficultés à gérer les arrivées massives de

21
nouveaux élèves. Pour le futur, si l'on suppose que les efforts importants consentis au cours des 20
dernières années puissent être poursuivis au même rythme, la scolarisation universelle au primaire
devrait pouvoir être atteinte avant 2050. Cependant, à cètte date, le taux brut de scolarisation au
secondaire ne devrait pas excéder 40 pour cent.
Faire face à une augmentation démographique aussi rapide suppose une rapidité exceptionnelle
d'adaptation tant des populations que des autorités, ainsi que des moyens considérables, lesquels
n'ont pas toujours été au rendez-vous dans le passé. La forte croissance de la population nigérienne
va se poursuivre pendant plusieurs décennies. Les projections de la Division de la population des
Nations unies publiées en 2013, anticipent en effet un doublement de la population d'ici 2035 (de 19
millions à la mi-2014 à au moins 40 millions d'habitants en 2035), puis la poursuite d'augmentations
rapides conduisant à des populations se situant entre 63 et 86 millions d'habitants en 2050 selon les
hypothèses de fécondité retenues (voir le détail de ces projections au Tableau Al en Annexe). La
poursuite d'une croissance aussi rapide de la population va nécessiter d'importants investissements
«démographiques» supplémentaires (notamment en santé, en éducation et dans l'agriculture) en
réponse aux demandes sociales croissantes correspondantes, demandes qui pourraient être de plus
en plus difficiles à satisfaire. La question de l'emploi sera également cruciale.
Une maîtrise effective de la fécondité pourrait contribuer à modérer l'augmentation des besoins,
notamment ceux des jeunes enfants, et permettre de dégager un espace budgétaire non
négligeable. Cependant, même en supposant un passage de 7,6 à 5,6 enfants par femme en 2035, les
effectifs des enfants de moins de 5 ans et de ceux de 5 à 14 ans en âge d'aller à l'école vont être
multipliés par deux. Toutefois, la couverture des besoins en santé des mères et des enfants n'étant
pas complète, et la scolarisation des enfants au primaire n'étant toujours pas universelle, il faudra
d'ici 2035 plus que doubler les moyens actuellement affectés à la santé des mères et des enfants, et
à la scolarisation de ces derniers au primaire. Cela permettra aussi de dégager les moyens
aujourd'hui consacrés à faire face au doublement en moins de 20 ans du nombre de grossesses,
d'accouchements et des effectifs de jeunes enfants. Ces moyens pourraient être utilement affectés à
la formation des nombreux jeunes déjà nés qui entreront sur le marché du travail d'ici à 2035.

Conclusions
La volonté maintes fois réaffirmée des autorités nigériennes de maîtriser la croissance
démographique du pays n'a eu jusqu'à présent aucun résultat et, en fait, c'est le scénario inverse, à
savoir une accélération de la croissance démographique, qui a été observé. Il faut souligner à ce
sujet que la maîtrise de la croissance démographique suppose le passage d'un régime
démographique traditionnel, avec des niveaux de mortalité et de fécondité non maîtrisés, à un
régime démographique dit moderne, avec des niveaux moindres, c'est-à-dire maîtrisés, de mortalité
et de fécondité. Pour atteindre ce résultat, la transition de la fécondité doit suivre assez vite celle de
la mortalité. Cela n'a pas été le cas au Niger, puisqu'au contraire la fécondité y a augmenté alors que
les taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a été divisé par trois au cours des 20 dernières
années.
Malgré quelques avancées en matière de planification familiale, les résultats globaux dans ce
domaine ont été très mitigés. Certes, le nombre d'utilisatrices de. méthodes contraceptives
modernes a été multiplié par sept entre 1992 et 2012 et les besoins satisfaits exprimés en
planification familiale ont progressé de 19 pour cent en 1992 à 47 pour cent en 2012. La demande
totale en planification familiale (somme des utilisatrices d'une méthode quelconque et des « besoins
non satisfaits » exprimés) a également progressé, passant de 23 pour cent en 1992 à 30 pour cent en
2012 (mais ce score est très faible comparé aux pays émergents où l'on trouve une demande totale

22
exprimée de 70 à 90 pour cent). Un autre point positif observé est la réduction des mariages très
précoces (avant 15 ans). Cependant, la prévalence de la contraception moderne en 2012 (8,3 pour
cent des femmes en union, méthode MAMA exclUe) reste l'une des plus faibles du monde, de m~me
que sa progression (seulement un demi-point de pourcentage par an). En outre, seulement 15 pour
cent de la demande totale pour la contraception exprimée au Niger l'est pour des raisons de maîtrise
de la taille de la famille, contre plus de la moitié dans la plupart des pays en développement. Au
total, les diverses actions de sensibilisation pour modifier les comportements procréateurs nigériens
et partant augmenter la demande en planification familiale ont bien eu quelques effets positifs ici et
là, mais elles n'ont pas réussi à faire fléchir les niveaux très élevés de fécondité.
Les normes et valeurs de la société nigérienne valorisant une descendance élevée et les femmes
ayant beaucoup d'enfants n'ont guère changé au cours des 20 dernières années. Le nombre idéal
moyen d'enfants indiqué par les femmes de 15-49 ans a même augmenté de 8,2 enfants en 1992 à
9,2 enfants en 2012. Et il atteint 9,5 enfants chez les femmes en union et 13 enfants chez les
hommes. Ceci est logiquement associé à des mariages et des naissances précoces, ainsi qu'à des
naissances à risques très nombreuses, mal espacées et aussi trop tardives, lesquelles obèrent le
budget santé du pays et des ménages à cause des urgences obstétricales provoquées par ces
grossesses à risques.
Le manque de coordination entre les diverses actions pour améliorer la santé de la mère et de
l'enfant ont eu un effet nataliste qui n'a pas été anticipé. On a oublié aussi que la maîtrise de la
fécondité s'opère principalement via l'augmentation de l'utilisation de la contraception moderne,
jusqu'à 60 à 85 pour cent des femmes en union, comme c'est le cas actuellement dans la plupart des
pays en développement et émergents. Les activités relativement nombreuses menées par les
autorités nigériennes et leurs partenaires au cours des 20 dernières années dans le domaine de la
population et de la santé de la reproduction ont eu quelques impacts positifs, ainsi que d'autres plus
limités, mais on peut parler aussi dans certains cas de contre-performances par rapport à l'objectif
affirmé des autorités nigériennes de maîtriser la croissance démographique du pays.
C'est donc d'un véritable scénario de rupture dont le Niger a besoin pour s'attaquer à ses niveaux
très élevés de fécondité. Les augmentations récentes du niveau de fécondité et des nombres idéals
d'enfants, qui sont associées à la faiblesse de la demande exprimée en planification familiale et à la
faiblesse de l'utilisation de contraception, appellent clairement à une redéfinition des actions en
matière de planification familiale et de santé de la reproduction. Dans le contexte général très
contraint du pays, les interventions en matière de planification familiale et de santé de la
reproduction devront faire l'objet le plus rapidement possible d'une réflexion en profondeur,
courageuse, sans complaisance ni tabous, et ceci au niveau de l'ensemble des acteurs publics et
privés du domaine.

23
Annexe

Tableau Al: Projections de la population totale, du nombre de naissances et de l'accroissement de


la population du Niger, 2014-2050, selon diverses d'hypothèses d'évolution de la fécondité
Hypothèse Hypothèse Hypothèse Hypothèse
moyenne basse haute constante
Population totale (millions)
en 2014 19,3 19,1 19,4 19,3
en 2035 41,6 39,6 43,6 44,3
en 2050 69,4 63,3 75,8 86,0
Espérance de vie à la naissance (années)
en 2010-2015 58,1 id. id. id.
en 2030-2035 65,8 id. id. id.
en 2050-2055 69,2 id. id. id.
Nombre moyen d'enfants par femme
en 2010-2015 7,6 7,3 7,8 7,6
en 2030-2035 6,4 5,9 6,9 7,6
en 2050-2055 4,6 4,1 5,1 7,6
Nombre annuel moyen de naissances (millions)
en 2010-2015 0,9 0,8 0,9 0,9
en 2030-2035 1,7 1,5 1,8 2,0
en 2050-2055 2,6 2,2 3,1 4,8
Accroissement annuel moyen (millions}
en 2010-2015 0,7, 0,7 0,7 0,7
en 2030-2035 1,4 1,3 1,6 1,7
en 2050-2055 2,3 1,8 2,8 4,3
Source : Population Division (2014)

.,

24

.tl

-- - ------------------------
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République du Niger.

26

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Document de travail 2 :
Pauvreté et inégalités
Mahmood Ayub


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Document de travail 2 : Pauvreté et inégalités

Table des matières

(~ontex te ..................................................................................................................................... 2

Incidence de la pauvreté .......................................................................................................... 2

Inégalité de revenu ................................................................................................................... 3

Inégalité des c.hances ................................................................................................................ 5

Opportunités humaines d'éducation ...................................................................................... 7

Opportunités htunaines de santé ...... ,..................................................................................... 8

Opportunités humaines d'accès aux s<~a·vices d'infrastructure de base .............................. 9

Accès à un ensemble de services de hase: l'lOB<< composite » ......................................... 11

~~volution des opportunités au Niger au cours de la période 1998-2008 ............................ 12

Situation des ob,jectifs du Millénaire pour le développement au Niger ............................. 13

Filet social de sécurité du Niger ............................................................................................ 14

Conclusions ct implications pour les politiques au cours des dernières années ............... 16

Références ............................................................................................................................... 19

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Contexte
L'expérience des pays, y compris de ceux qui réussissent en Afrique subsaharienne, indique qu'une
réduction durable de la pauvreté et la création d'une classe moyenne de bonne taille sont soumises à
au moins quatre conditions préalables. Premièrement, une croissance économique forte et soutenue
qui crée des emplois et accroît la participation de la main-d'œuvre à l'économie, y compris celle les
femmes. Deuxièmement, un accent sur le renforcement du capital humain {éducation, compétences,
santé, etc.) qui joue un rôle essentiel dans la réduction des inégalités intergénérationnelles et
l'élimination des « pièges de la pauvreté » résultant des défaillances du crédit, de la terre et d'autres
marchés clés. Troisièmement, la conception de filets sociaux de sécurité bien ciblés et efficaces,
garantissant que les pauvres et les plus vulnérables ne soient pas laissés à la traîne. Et quatrièmement,
l'existence ou la mise en place de solides institutions nationales et locales, pour assurer que la voix des
pauvres soit prise en compte et que les programmes de développement soient mis en œuvre avec
efficacité. Le fondement de ces institutions est un contrat social inclusif, reconnaissant que tous les
citoyens sont égaux et ont droit à une égalité des chances, et soutenu par une capacité administrative
suffisante pour fournir les services, appliquer le cadre juridique et suivre des règles claires de
redevabilité {Fukuyama & Guglielmina 2012).
Un objectif primordial de la planification économique et sociale du Niger est la réduction de la
pauvreté et le renforcement du capital humain du pays. Son plan de développement économique et
social (PDES) pour 2012-2015 se concentre sur l'obtention d'une croissance économique plus élevée, de
l'ordre de 8%, au cours de cette période, comme moyen d'améliorer sensiblement les conditions de vie
de tous les Nigériens. En particulier, l'objectif est d'assurer« une répartition plus équitable des fruits de
la croissance, de façon à créer des conditions favorables à l'émergence d'une classe moyenne
importante». La croissance économique devrait «être non seulement forte, mais aussi inclusive et
génératrice d'emplois, en particulier grâce à une meilleure compétitivité et à un environnement plus
favorable aux affaires».
Le PDES met l'accent sur l'amélioration du développement social en : i) veillant à ce que la population
ait un meilleur accès aux services sociaux de base, et ii) mettant en œuvre une politique de protection
sociale accompagnée d'un plan d'action approprié, ciblant les groupes les plus vulnérables.
Le présent chapitre se concentre sur l'incidence de la pauvreté et des inégalités au Niger et sur leur
évolution au fil du temps. Il fournit également des détails sur les opportunités humaines en matière de
besoins de base tels que l'éducation, la santé et les services d'infrastructure, en particulier
.
...
l'approvisionnement en eau, l'assainissement et l'électricité. Le chapitre examine aussi brièvement le
filet social de sécurité du pays, et la manière de le renforcer. Enfin, il résume les principales conclusions
et implications pour les politiques.

Incidence de la pauvreté
Selon les données de l'enquête 2011 auprès des ménages, environ 48" des Nigériens vivaient en
dessous du seuil de pauvreté. 1 Le visage féminin qe la pauvreté et des inégalités est évident dans la

1
le seuil de pauvreté du Niger est calculé en déterminant la dépense alimentaire nécessaire pour obtenir un
apport quotidien de 2 400 calories, et en ajoutant une dépense similaire dans les articles non alimentaires. Selon
cette méthode, l'incidence de la pauvreté est supérieure à celle établie pour le seuil de 1,25 dollar EU par jour (à
parité de pouvoir d'achat de 2005) définissant l'extrême pauvreté.

2
consommation par habitant, qui atteignait moins de 45 % dans les ménages dirigés par une femme. la
situation des femmes est aggravée par leur accès très réduit au crédit (17% de la demande contre 27%
pour les hommes en 2008), et leurs moins nombreuses possibilités d'emploi (27% d'accès, bien que les
femmes rep_résentent enviror:t 51 % de la population active) (Plan de Développement Economique 2013).
les données indiquent également que la pauvreté touche plus sérieusement les zones rurales
qu'urbaines : environ 55% des ménages ruraux sont 'pauvres contre un peu moins de 18% des ménages
urbains. Étant donné que la grande majorité de la population (plus de 80 %) vit dans les zones rurales,
près de neuf pauvres sur dix s'y retrouvent (Banuqe mondiale 2011). la pauvreté est également plus
marquée dans les ménages dont le chef de famille est une femme et est particulièrement sévère dans
les régions de Maradi, Dosso, Tahoua, et Tillaberri. l'effet sur la pauvreté des caractéristiques
individuelles ou familiales est généralement cumulatif: une femme vivant en zone rurale et membre
d'un ménage dirigé par une femme a la plus forte probabilité d'être pauvre.
Au cours de la dernière décennie, les relativement solides performances de la croissance au Niger, un
pe'~ plus de 5 % de moyenne, ont conduit à une certaine réduction de l'indice numérique de pauvreté
en 2005 et 2011. Malgré la grande volatilité de la croissance, causée principalement par des chocs
climatiques et des problèmes de sécurité dans le voisinage, avec un effet négatif sur les pauvres,
l'incidence de la pauvreté a chuté de cinq points de pourcentage entre 2005 et 2011, passant de 53,2 à
48,2 %. le recul de la pauvreté a été nettement plus marqué dans les centres urbains que dans les zones
rurales, où les variations saisonnières de la production agricole ont eu un impact majeur sur l'incidence
et la profondeur de la pauvreté. Toutefois, étant donné la rapide croissance démographique du pays, le
nombre absolu des pauvres a grimpé de 6,7 à environ 8 millions au cours de la même période.

Inégalité de revenu
Il existe un large consensus autour du fait que les principaux moteurs d'une croissance soutenue sont
des institutions politiques et économiques efficaces, une ouverture vers l'extérieur, la stàbilité
macroéconomique et le développement du capital humain. Il est aussi de plus en plus reconnu que
l'inégalité de revenu peut également, de façon indépendante, constituer un frein important à une
croissance soutenue. S'il est admis qu'une dose de « bonne inégalité » peut être une incitation à
l'investissement et à la croissance, trop d'inégalités peuvent s'avérer destructrices pour le processus de
croissance.
L'èxpérience de pays tels que la Chine et l'Inde, où la pauvreté absolue a été réduite dans des
proportions significatives, indique que l'inégalité de revenu y a augmenté et que l'accès aux services
de base y reste inégal. Une réflexion de fond y est en cours sur la manière d'assurer une croissance à la
fois en faveur des pauvres (réduisant la pauvreté) et inclusive (réduisant les inégalités). La recherche sur
la croissance sans équité indique que les inégalités peuvent i) amoindrir fimpact anti-pauvreté de la
croissance ; ii) réduire le taux de croissance lui-même ; iii) dépeupler la classe moyenne ; iv) dégrader la
capacité des institutions d'un pays, alimentant ainsi la corruption et la recherche de rente ; v) accroître
la criminalité et la violence, en particulier parmi les jeunes sans-emploi ; et vi) nuire à la stabilité sociale.
Même dans les pays qui ont enregistré des succès en Afrique et ailleurs, les progrès de la croissance
pourraient être compromis si les responsables ignorent l'inclusion dans leurs politiques et mesures
(Ahlers et coll. 2014).

3
Dans le cas du Niger, le problème n'est pas le niveau d'inégalité des revenus : son indice de Gini de 32
est nettement inférieur à (autrement dit meilleur que) 40, l'indice marquant généralement le seuil de
«forte inégalité». 2 Il se place dans la même catégorie que, pa r exemple, l' Espagne et la Belgique, des
pays avec un niveau beaucoup plus élevé de bien-être économique et social. Le problème au Niger est
davantage l' existence d' une pauvreté profonde et généra lisée qui, à des degrés divers, afflige presque
toutes les catégories de revenu.
En ce qui concerne l'évolution des inégalités de revenu au fil du temps, la baisse de l'indice numérique
de pauvreté au Niger n'a pas été accompagnée d'une réduction des inégalités. En fait, elles se sont
accrues entre 2005 et 2011. Un examen de la répartition de la consommation par décile souligne les
caractéristiques importantes de l' évolution des inégalités au fil du temps au Niger. Le Tableau 1 indique
qu'au cours de la période 2005-2007/2008, la consommation des ménages par habitant des deux déci les
i:" les plus pauvres a fortement diminué alors que celle des deux déciles les plus riches augmentait, avec un
taux d' environ 15% dans le décile le plus élevé. En revanche, au cours de la période 2007/2008-2011, la
moyenne des niveaux de consommation par habitant a augmenté pour l' ensemble des ménages, y
compris les plus pauvres. Toutefois, c'est dans les 10 % supérieurs que la consommation a le plus
augmenté. L' amélioration de l'indice de Gini global confirme ces tendances, en passant de 28,6 en 2005
à 31,3 en 2007/08 et à environ 32 en 201

Tableau 1 : Distribution de la consommation des ménages par décile, 2005-2011

Consommation moyenne par


Consommation habitant (1 000 FCFA, 2011) Structure de la consommation

Décile

1 92,1
2 117A 108,6 118A 5,7 5,0 5,3
3 134,2 127,8 137,9 6,5 5,9 6,0
4 150,2 147,8 155,0 7,3 6,8 6,9
5 167,0 168,6 175J 8,1 7,8 7,8
h 6 186J 192,9 198J 9,1 8,9 8,8

7 209,1 221,0 227,5 10,2 10,2 10,1

8 239,8 261,5 262,7 11J 12,2 11,6

9 291,6 321,6 323,8 14,2 14J 14A

10 469,7 538,1 564,3 22,8 24,8 25,0

Total/moyenne 205J 216,5 225,1 100,0 100,0 100,0


Source : Banque mondia le (2014a)

2
Pa r com modité, le coefficient de Gini est ut il isé ici sous la forme d'un pourcentage plutôt qu e d' un nom bre
co mpris entre zéro et un.

4
Quels ont été les principaux moteurs de cette évolution de l'inégalité de revenu ? Premièrement, 2008
a été marqué par une augmentation rapide des prix mondiaux des denrées alimentaires et du
carburant. Entre 2007 et 2008, les prix alimentaires ont augmenté de 20% au Niger, et les prix moyens à
la consommation de plus de 10 %. Les zones rurales étant moins monétisées, ce sont les zones urbaines
qui ont le plus souffert de la hausse des prix. En outre, reflétant les augmentations mondiales, les prix
intérieurs du pétrole ànt grimpé en 2010 et pendant la majeure partie de 2011, où le Niger a commencé
à produire et raffiner son propre pétrole. Ces hausses successives des prix des denrées alimentaires et
du carburant ont eu tendance à creuser les inégalités, en particulier dans les zones urbaines.
Deuxièmement, les changements dans la politique fiscale ont également contribué à accroître les
inégalités au cours de la période. En 2010, l'État a réduit Je taux marginal de l'impôt unique sur les
traitements et salaires (IUTS) d'environ 45% à 35 %. Cette réduction a profité aux salariés relativement
aisés, élargissant ainsi les inégalités à l'extrémité supérieure de la courbe de distribution de la
consommation. Dans l'ensemble, même si l'accroissement de la consommation des ménages les plus
riches semble avoir plus contribué à J'augmentation des inégalités qu'à la baisse de la consommation
des plus pauvres, cette dernière est de loin plus inquiétante du point de vue du développement.
Enfin, l'extrémité inférieure de la distribution du Niger a périodiquement été affectée par des chocs
dans le secteur de l'agriculture (inondations sporadiq..:es, sécheresses, organismes nuisibles et autres
menaces pour la production agricole). Par exemple, la sécheresse de 2009 a entraîné une baisse de
10% de la consommation de millet par habitant. En plus de réduire leur consommation de millet et
d'autres denrées alimentaires, les ménages ont également réagi en vendant leurs actifs productifs, et
dans certains cas, en allant même jusqu'à consommer le stock de semences réservé aux saisons
suivantes. Ces événements ont conduit à un appauvrissement des ménages. Une recommandation
importante découlant de ces tendances est que l'État doit nettement plus se concentrer sur la lutte
contre la pauvreté là où elle persiste - dans les zones rurales - en portant une attention accrue au
développement rural, aux politiques en faveur de l'agriculture et à davantage d'investissements dans les
infrastructures rurales, en particulier J'irrigation et les services de vulgarisation.

Inégalité des chances


Jusqu'ici, nous avons noté que l'indice numérique de la pauvreté du Niger est très élevé et masque de
grandes disparités entre les régions et entre les zones urbaines et rurales. Une grande partie du
dénuement observé peut être expliquée par une forte exposition aux chocs- dus à des phénomènes
naturels, tels que les épisodes climatiques, ou à des facteurs extérieurs, tels que le commerce ou un
voisinage instable - qui affectent les revenus et le bien-être matériel des citoyens. Ces grands écarts
dans les résultats concrets sont également en partie dus à la forte inégalité des chances passée.
Prolongée jusqu'à l'heure actuelle, elle peut engendrer d'importantes et pernicieuses différences
intergénérationnelles dans les résultats futurs, y compris les gains et la consommation, la profession, la
santé, et la capacité humaine en général. La compréhension de la nature de rinégalité des chances est,
par conséquent, essentielle pour comprendre les tendances de la pauvreté tant actuelle que future.
La présente section examine l'inégalité des chances chez les enfants du Niger, et la compare à celle
d'autres pays d'Afrique subsaharienne. Dans le présent contexte, les« opportunités ou chances» sont
définies comme l'aptitude à «construire un futur capital humain, directement (par des investissements

5
dans l'éducation et la santé) et indirectement (à l'aide d'infrastructures complémentaires telles que
l'eau potable, un assainissement adéquat, l'électricité, etc.) » (Banque mondiale 2015a). L'accès des
enfants à ces services fondamentaux n'est pas seulement un impératif moral, il améliore leurs chances
de développer leurs aptitudes cognitives et d'arriver à maximiser leur potentiel humain. Le principe
directeur est celui de l'égalité des chances qui veut que les acquis et les résultats d'un individu ne
dépendent que de ses efforts et de sa capacité innée.
Souvent, l'option p1·éférée des responsables des politiques a été le taux de couverture, ou proportion
de la population ayant accès à une opportunité donnée. Cette mesure ne tient toutefois pas compte de
l'inégalité entre les individus vivant dans des conditions différentes. Ainsi, si la moitié de la population a
accès à l'eau potable, le taux de couverture est de 50%, quelle que soit la façon dont les chances sont
réparties au sein de la population.
C'est pourquoi nous utilisons l'indice d'opportunité humaine (IOH}, une mesure pratique et intuitive
qui vérifie si les règles de jeu sont au même niveau pour tous les individus ou sont biaisées par les
circonstances. L'indice d'opportunité humaine est par conséquent un indicateur composite qui combine
deux facteurs: i) le niveau de couverture des opportunités de base nécessaires au développement
humain, telles que l'enseignement primaire, la santé, l'eau, l'assainissement et l'électricité, et ii) la
mesure dans laquelle la répartition de ces opportunités est affectée par des circonstances exogènes,
telles que le sexe, la situation géographique, le revenu ou les caractéristiques du ménage. lorsque les
individus de tous les groupes ont un accès égal, l'indice d'opportunité humaine est égal au taux de
3
couVerture. Plus l'accès diffère, plus I'IOH descend en dessous du taux de couverture.
L'indice d'opportunité humaine peut éclairer le débat sur les politiques en se concentrant sur deux
objectifs : premièrement, faire en sorte que le plus grand nombre possible de personnes disposent des
opportunités, et deuxièmement, affecter en priorité les opportunités nouvellement créées à ceux qui
sont désavantagés par les circonstances.
La présente section utilise des enquêtes démographiques et de santé (EDS) réalisées au Niger et
couvrant à peu près la période 1998-2008. l'EDS comprend de nombreuses informations sur les
indicateurs de santé et d'éducation des enfants et sur l'accès des ménages aux infrastructures de base.
Les données pour neuf autres pays d'Afrique subsaharienne sont également fournies à titre de
comparaison, en utilisant une méthodologie très similaire entre les pays et les années. les données de
I'EDS sont également aisément accessibles; les instruments d'enquête et d'autres documents ainsi que
les données sont disponibles gratuitement sur Internet.
Les opportunités reprises dans la présente section, et pour lesquelles des données sont disponibles
dans I'EDS, sont classées en « éducation», «santé» et<( infrastructures de base». Pour l'éducation,
nous utilisons la fréquentation scolaire en tant que variable de remplacement raisonnable pour l'accès à
l'éducation, et nous la mesurons séparément pour les enfants de 6 à 11 ans et de 12 à 15 ans. En
l'absence d'information sur les mesures directes du rendement scolaire au Niger et dans d'autres pays
d'Afrique subsaharienne, nous utilisons des indicateurs de début de J'école primaire à l'âge voulu et
d'achèvement de l'école primaire, qui reflètent en partie la qualité de l'enseignement.

3
À titre d'illustration, si sur 100 enfants d'une communauté, 50 sont riches et 50 sont pauvres, et si les 50 riches
sont inscrits contre seulement 30 pauvres, le taux de couverture est de 80, tandis que l'indice d'opportunité
humaine= 80*(1-20/80) = 60. Le rapport (20/80) est la« pénalité» imposée pour le manque d'équité dans
l'accès.

6
Pour la santé, deux opportunités sont utilisées: la vaccination complète chez les enfants d'un an, et
l'absence de retard de croissance chez les moins de trois ans. Le premier indicateur reflète
l'opportunité d'être protégé contre les maladies mortelles, mais évitables, tandis que le second indique
une alimentation suffisante.
Enfin, pour les services d'infrastructure de base, les opportunités sélectionnées sont l'accès à l'eau
potable, des installations sanitaires appropriées, et l'électricité.

Opportunités humaines d'éducation


La Figure 1 résume les indices d'opportunité humaine d'éducation au Niger et dans les pays d'Afrique
subsaharienne pour lesquels des données comparables sont disponibles. Les barres représentent les
IOH et les points le taux de couverture globale. L'écart entre les deux matérialise la «pénalité» due à
l'inégalité des chances entre les enfants désavantagés par des circonstances différentes.

Figure 1: Indice d'opportunité humaine d'accès à l'éducation (1998)


a) Fréquentation scolaire (6 à 11 ans) b) Fréquentation scolaire (12 à 15 ans)
100
100
80
80
60
60
40
40
20
20
0
0

- IOH - Couverture

c) École primaire commencée à l'âge voulu d) Cycle primaire achevé


80
60
60
40
40

20

0 lill 20

- IOH - Couverture

Source : STATcompiler (2012)

7
Comme on peut le constater, le Niger se classe au dernier rang des pays d'Afrique subsaharienne
sélectionnés pour toutes les opportunités d'éducation. Bien que le taux net de scolarisation au
primaire ait connu des progrès significatifs dans tous les quintiles, de gros écarts subsistent entre les
quintiles les plus pauvres et les plus aisés. De même, alors que le taux de scolarisation des filles au
primaire a augmenté en milieu urbain, l'inégalité d'accès entre les sexes demeure un problème majeur
dans les zones rurales. Si l'écart entre la scolarisation des garçons et des filles pauvres est de 2 points de
pourcentage dans les zones urbaines, il est de 15 points de pourcentage dans les zones rurales.
Une deuxième observation concerne l'accès à l'école {fréquentation) et la qualité de l'enseignement
(début de l'école à l'âge voulu et achèvement du cycle primaire). 4 À l'instar d'autres pays d'Afrique
subsaharienne, le Niger a dans l'ensemble de bien meilleurs résultats en fréquentation scolaire que dans
l'accès à l'école à l'âge voulu et l'achèvement de l'école primaire chez les 12 à 15 ans. Pour le deuxième
type d'opportunités, le faible indice d'opportunité humaine et la faible couverture suggèrent que la
qualité de l'enseignement, qu'ils reflètent dans une certaine mesure, constitue un sujet de
préoccupation important. Les écoles publiques nigériennes ne produisent pas des élèves équipés des
connaissances et compétences requises pour un développement économique accéléré. Les principaux
obstacles à la qualité de l'enseignement au Niger, tout comme dans de nombreux autres pays en
développement, sont les suivants : des installations scolaires insuffisantes, une mauvaise qualité
pédagogique, un déséquilibre dans l'accès et la rétention, fondé sur le sexe et la situation géographique
(taux élevés d'abandon chez les filles, prédominance des établissements et des services d'enseignement
dans les zones urbaines), un personnel enseignant et administratif en nombre et qualité inadéquats,
manque de matériel didactique et de fournitures scolaires, etc.

Opportunités humaines de santé


Les indicateurs utilisés ici sont la vaccination complète (utilisée comme variable de remplacement
pour une protection de base contre les maladies) et l'absence de retard de croissance (représentant
l'absence de malnutrition chronique). 5
La Figure 2 indique que la valeur de l'indice d'opportunité humaine pour la vaccination complète n'est
que de 21 pour le Niger, suivi seulement par le Nigéria et l'Éthiopie. Avec une valeur de 46, I'IOH lié au
retard de croissance est le plus mauvais parmi les autres pays d'Afrique subsaharienne sélectionnés. Le
degré de retard de croissance varie d'une région du Niger à l'autre, les incidences les plus élevées étant
observées à Diffa, Maradi et Zinder (environ 55%) et la plus faible à Niamey {20 %). L'éducation de la
mère est aussi une variable importante dans le degré de retard de croissance. Les enfants dont les
mères n'ont aucune instruction sont les plus touchés {45 %), tandis que ceux dont les mères ont achevé
l'école primaire et secondaire ont, respectivement, 40% et 23% de retard de croissance(lnstitut
National de la Statistique 2013) . Une raison encore plus fondar_!lentale est l'écart de productivité

4
Il s'agit ici d'un indicateur approximatif de la qualité de l'enseignement, utilisé en l'absence d'une notation des
acquis des élèves par des enquêtes (telles que SACMEQ Ill, PISA, etc.) au Niger et dans d'autres pays d'Afrique
subsaharienne. Le pays s'est classé 12e sur les 13 pays francophones pour lesquels les résultats des tests du
PASEC (évaluation internationale des compétences des élèves en français et en mathématiques) ont été
analysés.
5
L'expression« retard de croissance» désigne le fait d'avoir une petite taille pour son l'âge. Il s'agit d'un
indicateur de malnutrition chronique calculé en comparant le rapport taille-âge d'un enfant à celui d'une
population de référence d'enfants bien nourris et en bonne santé.

8
"

agricole existant au Niger entre les parcelles exploitées par des hommes ou par des femmes ; celles
exploitées par les hommes sont 19% plus productives que celles gérées par les femmes (Backiny-Yetna
& McGee 2015). Un accent sur l'accroissement de la productivité des parcelles exploitées par les
femmes aiderait à améliorer la nutrition et à réduire le retard de croissance de la prochaine génération.
La faible corrélation entre les deux IOH de vaccination et de retard de croissance suggère que les
déterminants de la performance d'un pays en matière de vaccination sont très différents de ceux
influençant la nutrition. La première est plus clairement liée à la qualité des services de santé de
l'enfant fournis par l'État, tandis que la seconde est un résultat composite de divers facteurs,
notamment les habitudes alimentaires.

Figure 2: Indice d'opportunité humaine de santé {1998)


a) Vaccination complète {1 an) b) Absence de retard de croissance {0 à 2 ans)

90 90
80 80
70 70
60 60

/~Il
50 50
40 40
30 30
20 20
10 10
0 0

- IOH - couvert ure - IOH - Couverture

Source: STATcompiler (2012)

Opportunités humaines d'accès aux services d'infrastructur~ de base


L'accès à des services répondant à des normes semblables à celles des régions plus avancées {eau
courante, toilettes à chasse d'eau et électricité) est très faible au Niger et dans la plupart des autres
pays d'Afrique subsaharienne. Il est donc plus réaliste d'utiliser une définition plus large et moins
exigeante de l'accès aux infrastructures de base (accès à l'eau courante, de puits et de pluie; présence
de toilettes à chasse d'eau ou de latrines à fosse ; et électricité). Cette définition de l'accès est plus
pertinente, étant donné que l'inégalité des chances n'a pas de sens lorsque la couverture est presque
nulle.

Sur base de cette définition élargie de l'accès, la Figure 3 montre que le Niger a le meilleur accès à
l'eau courante, de puits et de pluie parmi les autres pays d'Afrique subsaharienne de l'échantillon,
tant du point de vue de l'accès que de l'équité {indice d'opportunité humaine). 6 Il se classe par contre
dernier de tous ces pays d'Afrique subsaharienne en ce qui concerne l'accès à des toilettes à chasse
d'eau ou à des latrines à fosse (environ 10 %), et affiche une forte inégalité de couverture entre les
différents groupes (distance entre la barre et le point). L'accès aux latrines à chasse d'eau ou à fosse est

6
D'un autre côté, si on utilise la norme la plus restrictive, le Niger a l' un des IOH de santé les plus bas, ce qui
ind ique sa forte dépendance à l' eau des puits et de plu ie.

9
limité, même dans les centres urbains. Les latrines non couvertes sont les installations d' assainissement
les plus répandues à Niamey (un ménage sur deux en utilise). 7

Figure 3: IOH d'accès aux infrastructures de base (1998)

a) Accès à l'eau courante, de puits et de pluie b) Accès à des toilettes à chasse d'eau ou à des
latrines à fosse

100 100
80 80
60 60

40 40

20 20
0 0
~<- '!>'?> ~e, ' i.:~ ~~ ,:i.e, '!>'?> ~ ~ . q} q} ;...'?> ·,e ,:i.e ~,'1> •~ ~ ~'!>'?> ~<- è-'1>
~ '?>~ ·,OÇ .,~ ·~'lt ~ '?>~ ~ ~'ft ~,f/0 ~'10 ·:0'<§ ,oç ~ . ~ ~q; ~ rif '<' ,~
~,:io >Ji' ~ " '\)'.~"Q o"<+> ,_,'lt v '<;"<:- - ~"Q ~~ ,_,'lt ov ~
'\)'

- IOH - couverture - IOH - Accès à l'assainissement

c) Accès à l'électricité

60

Source : STATcompiler (2012)

En ce qui concerne l'accès à l'électricité, I'IOH du Niger est faible (moins de 10 %), et, comme dans
presque tous les autres pays d'Afrique subsaharienne, cet accès est biaisé en faveur des groupes aisés
et des zones urbaines: la proportion des ménages ayant accès à l' électricité n'est que de 5% dans les
zones rurales contre 62% dans les centres urbains. Selon le PDES, pendant la période 1990-2008, les
lampes à pétrole constituaient la principale source d'éclairage des ménages (45 %) et étaient utilisées
plus souvent dans les zones rurales que dans les ménages urbains. L' électricité est la deuxième source
d' éclairage et n' est utilisée que par environ 11 % des ménages, mais avec une disparité entre les
ménages urbains et ruraux, comme mentionné plus haut. L'expérience montre que l'accès limité à
l' électricité dans les zones rurales a un effet négatif sur le développement des activités génératrices de
revenus, la prestation des services publics, ainsi que l' éducation, la santé et les résultats

7
PDES.

10
démographiques. Une étude utilisant les données de six pays francophones d'Afrique centrale et
occidentale indique que l'absence d'électricité est l'un des principaux contributeurs à l'écart rural-urbain
des taux de mortalité infantile (les autres étant l'eau non potable et la mauvaise qualité des matériaux
d'habitation). 8

Accès à un ensemble de services de base: l'IOH «composite»


Jusqu'ici, l'accent a été mis sur la couverture et l'inégalité des chances des enfants prises une à la fois.
La prochaine question est la suivante : que peut-on dire des chances des enfants nigériens lorsque les
« opportunités » sont considérées comme le panier ou l'ensemble des services de base qui devraient
être disponibles pour un enfant d'un certain âge?
Deux valeurs de l'indice d'opportunité humaine sont générées, une pour les enfants d'un an, et l'autre
pour les 6 à 11 ans. Pour le premier groupe, l'accès à une combinaison de services comprend l'accès à
l'eau potable, un assainissement adéquat, la vaccination complète et l'absence de retard de croissance.
Pour les enfants de 6 à 11 ans, la combinaison comprend l'eau, l'assainissement et la fréquentation
scolaire. Ces deux indicateurs montrent comment l'accès aux services de base des enfants nigériens plus
âgés se situe par rapport à celui de la cohorte plus jeune du pays.
la Figure 4 montre I'IOH composite correspondant aux deux groupes d'âge au Niger et dans d'autres
pays d'Afrique subsaharienne pour lesquels des données sont disponibles. L'écart entre les deux IOH
de santé par pays et groupe d'âgé est principalement dû aux différences entre l'accès à la fréquentation
scolaire, d'une part, et à la nutrition et à la vaccination, d'autre part.

Figure 4 : IOH composite d'accès à un ensemble d'opportunités (2008)

50
40
30
20
10

·•••1
- Enfants d'un an -Enfants de 6 à 11 ans

Source : STATcompiler (2012)

Comme on peut le constater, dans chacun des deux groupes d'enfants nigériens, les IOH composites
sont les plus bas parmi ceux des autres pays d'Afrique subsaharienne. L'IOH des enfants d'un an

8
Van de Poel, E., O. O'Donnell etE. Van Doorslaer (2009). « What Exp/oins the Rural-Urban Gap in Infant
Mortality? » Demography 46 : 827-850

11
avoisine 2 pour le Niger (contre un sommet de près de 30 pour le Sénégal), et celui des 6 à 11 ans est de
3 (contre un sommet de 60 en Ouganda).
Ces résultats ont un certain nombre d'implications importantes pour les responsables nigériens des
politiques. Tout d'abord, à l'exception possible de l'accès à l'eau courante, de puits et de pluie, la
couverture de la plupart des autres opportunités est si faible au Niger qu'une attention des responsables
des politiques à la fois à l'équité et à l'extension de la couverture est susceptible de produire les
meilleurs résultats dans l'accroissement des chances. Deuxièmement, les responsables des politiques
devraient se concentrer davantage sur le manque d'accès aux opportunités de base d'infrastructure et
de santé, dans la mesure où elles constituent les déterminants peut-être les plus importantes de l'état
de santé de l'enfant et même de sa fréquentation et de ses résultats scolaires. Troisièmement, à mesure .
que les opportunités d'éducation s'améliorent pour les enfants nigériens, l'attention des responsables
des politiques devrait se concentrer davantage sur la qualité de l'apprentissage dans les établissements
scolaires. Plus généralement, les responsables nigériens des politiques devront faire un effort beaucoup
plus déterminé pour accroître l'accès et les opportunités afin de rattraper d'autres pays d'Afrique
subsaharienne.

Évolution des opportunités au Niger au cours de la période 1998-2008


Au cours de la période 1998-2008, des progrès statistiquement significatifs ont été réalisés ·dans
l'indice d'opportunité humaine pour la fréquentation scolaire, le début de l'école primaire à l'âge
voulu, la vaccination complète, l'accès à l'eau courante, de puits et de pluie ainsi qu'à l'électricité.
Cependant, l'achèvement du cycle primaire, l'assainissement et le retard de croissance se sont
détériorés.
Il existe peu de preuves de l'effet d'égalisation au Niger, l'effet d'échelle (extension de la couverture
des services) étant la préoccupation dominante. Ceci suggère que les mesures politiques ont plus visé à
accroître l'accès aux services en général qu'à le réorienter en faveur de groupes particuliers. Cette
approche est compréhensible étant donné qu'au Niger, même les groupes de revenus les plus élevés ont
un accès relativement faible aux services. 9
L'optimisme à propos de l'égalisation de l'accès dans des cas tels que la vaccination et l'électricité doit
être tempéré par la généralement petite taille des améliorations passée, qui suggère qu'une expansion à
grande échelle doit être entreprise pour l'accès aux services.
Enfin, il est évident qu'il existe une différence substantielle d'opportunités entre le Niger et d'autres
pays d'Afrique subsaharienne, et qu'elle s'est creusée avec le temps. La convergence avec d'autres
pays du continent nécessitera une action concertée des autorités nigériennes pour étendre les diverses
opportunités offertes aux enfants du pays. Le Tableau 2 montre qu'en pourcentage du PIB, les dépenses
publiques du Niger dans l'éducation et la santé figurent parmi 1es plus faibles de celles des pays
d'Afrique subsaharienne comparables. La faible priorité budgétaire accordée à l'éducation et à la santé,
principalement à cause du déclin économique du Niger au cours des années 1980 et 1990, a été au
moins en partie responsable des mauvais résultats dans ces secteurs. Même si des dépenses à la fois
d'éducation et de santé ont plus récemment augmenté au Niger, tant l'a!Jlpleur que l'efficacité de la

9
Par exemple, un tiers du quintile le plus élevé du Niger souffre d'un retard de croissance (Banque
mondiale 2012).

12
dépense dans le secteur social devront encore s' améliorer, en particulier à la lumière de
l'environnement dégradé de la sécurité.

Tableau 2 : Pays d' ASS sélectionnés :


Dépense publique dans l'éducation et la santé, 2010, en pourcentage du PIB
Pays Éducation Santé Total

Burundi 9,2 4,4 13,6


Rwanda 4,7 5,2 9,9
Niger 3,8 6,4
Gambie 5,0 2,8 7,8
Éthiopie 4,7 2,6 7,3
Mali 4,5 2,3 6,8
Ouganda 1,9 5,1
Source : Banque mondiale (201Sb)

Situation des objectifs du Millénaire pour le développement au Niger


Malgré l'amélioration de l'indice numérique de pauvreté, l'indice de développement humain 2014 du
10
PNUD classe le Niger en dernière position. De manière plus générale, le pays n'atteindra pas la
plupart des objectifs du Millénaire pour le développement (OMO) fixés pour 2015. Les OMD
d'élimination de l'extrême pauvreté et de la faim, de promotion de l'égalité des sexes, et de réduction
du taux de mortalité maternelle ne seront certainement pas atteints. Les inscriptions à l'école primaire
se sont améliorées, mais il subsiste d'importants problèmes de qualité et de rétention . De même, la
lutte contre le VIH/SIDÀ a enregistré des progrès, mais la forte mortalité due au paludisme persiste.
Avec des efforts supplémentaires, l'objectif de réduction de la mortalité infantile peut être atteint.
L' Encadré 1 résume la situation des différents OMD au Niger. Dans l'ensemble, le Niger s'en tire
relativement moins bien que la moyenne de l'Afrique subsaharienne, avec une meilleure probabilité
d'atteindre l'objectif visant la mortalité infantile, mais des chances moindres que celles des pays
d'Afrique subsaharienne d'atteindre les objectifs de scolarisation au primaire et de durabilité
environnementale.

10
L' indice de développement humain est basé sur trois composantes : la longévité (espérance de vie à la
naissance) ; l'éducation (années d' études) ; et le revenu (revenu national brut par habitant).

13
Encadré 1 : Situation des objectifs du Millénaire pour le développement au Niger
La situation actuelle des OMO au Niger est la suivante :
. i) OMO 1 {éliminer l'extrême pauvreté et la faim): l'incidence de la pauvreté et de la faim continue d'être
élevée, et cet objectif ne sera pas atteint.
ii) OMO 2 (assurer l'éducation primaire pour tous) : Bien que le taux de scolarisation au primaire se soit
considérablement amélioré, cet objectif ne sera pas atteint. De plus, l'éducation primaire souffre de
problèmes de .qualité et de rétention.
iii) OMO 3 (promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes): des progrès insuffisants ont
été réalisés dans la réduction des inégalités fondées sur le sexe et dans l'autonomisation des femmes,
malgré des avancées dans la diminution des disparités scolaires en garçons et filles et la mise en œuvre de
la loi sur les quotas dans les postes électifs et les nominations. Cet objectif ne sera pas atteint.
iv) OMO 4 (réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans) : les progrès doivent être consolidés dans
ce domaine pour atteindre cet objectif, qui peut être atteint.
v) OMO 5 (améliorer la santé maternelle): la mortalité maternelle est encore trop élevée et l'objectif ne
sera pas atteint
vi) OMO 6 (combattre Je VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies} :des gains importants ont été
réalisés dans la lutte contre le VIH/SIDA, mais la forte mortalité liée au paludisme persiste. Cet objectif ne
sera pas atteint.
vii) OMO 7 (assurer un environnement durable} : l'impact du changement climatique et le poids des
contraintes environnementales sur les ressources naturelles et l'économie nationale continuent à être
importants. Cet objectif ne sera pas atteint.
viii) OMO 8 (mettre en place un partenariat mondial pour le développement) :en dépit des engagements
internationaux à sout enir les pays en développement, au Niger, le ratio de l'aide publique au
développement par rapport au PIB et celui du service de la dette par rapport aux exportations indiquent
que le pays a du mal à profiter du partenariat mondial pour le développement.
Source : Plan de Développement Economique (2013)

Ce qui précède suggère que la stratégie à moyen terme du pays devrait se concentrer davantage sur
l'amélioration de la composition de la dépense publique en transférant des ressources vers le secteur
social. La détermination des coûts des services tels que l'éducation et la santé sera également
importante pour obtenir une meilleure image des financements intérieurs et extérieurs requis pour ces
services.

Filet social de sécurité du Niger


En plus d'un accès durable, suffisant et équitable aux services de base, un ingrédient clé de la
réduction de· la pauvreté et .des inégalités est l'existence d'un filét social de sécurité bien conçu et
financièrement soutenable. Les filets sociaux de sécurité sont des transferts non contributifs conçus
pour fournir un appui régulier et prévisible à des groupes pauvres et vulnérables ciblés. Ils sont une
composante de systèmes de protection sociale plus larges comprenant également une assurance sociale
contributive et des programmes facilitant l'accès des personnes aux services sociaux d'éducation, de
santé, de nutrition, etc.

14

·.~
Les systèmes d'assurance sociale du Niger ne couvrent qu'une infime fraction (moins de 5 %) de la
population active: la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) couvre les travailleurs du secteur privé
formel, tandis que le système de pensions (FNS- Fonds national de solidarité) couvre les fonctionnaires,
les militaires et les employés de l'administration loca le.
Le système de protection sociale du Niger s'est principalement concentré sur la fourniture d'une aide
d'urgence, généralement en cas de pénuries alimentaires. Des programmes d'aide sociale
comprennent des transferts non conditionnels en espèces, des repas scolaires et d'autres formes
d' appui dans le cadre du système scolaire, des services de nutrition et de santé, des distributions
gratuites (ou subventionnées) de denrées alimentaires, et des travaux publics (argent contre travail et
vivres contre travail) . Le total des dépenses engagées dans le filet social de sécurité du Niger représente
environ 0,4% du PIB, ce qui est plutôt faible par rapport à d'autres pays d' Afrique subsaharienne (voir
Figure 5). Il est également financé principalement (65 %) par des sources extérieures, une proportion
plus faible que dans des pays tels que le Burkina Faso, le Libéria et la Sierra Leone, mais
significativement plus élevée qu' au Mali et en Mauritanie (Figure 6) .
Figure 5 : Dépense totale dans les filets sociaux de sécurité, en% du PIB

5,0
4,5
4,0
<tl 3,5
ë: 3,0
~ 2,5

- • Il
'* 2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
- 1

Source : Banque mondiale (2014b)

Figure 6 : Financement extérieur en tant que source pour les filets sociaux de sécurité

lOO
90
80

-~ 11111
Source : Monchu k (2013)

15
La plupart des programmes de protection sociale du Niger sont mal ciblés. Approximativement la
même fraction des ménages bénéficie des transferts dans chaque groupe de consommation, quand elle
n'est pas légèrement plus élevée dans les groupes plus riches que dans les groupes plus pauvres
(Banque mondiale 2011).

Le renforcement du filet de sécurité est l'une des recommandations clés de politiques émises en 2009
par un rapport de la Banque mondiale pour réduire l'insécurité alimentaire tant chronique que
saisonnière. Selon ce rapport, malgré le fait que même pendant les années sans chocs négatifs, au
moins 20% de la population vivent dans un état d'insécurité grave et chronique, la plupart des
programmes de filets de sécurité ne sont déployés qu'en temps de crise. Le Niger ne dispose, par
conséquent, d'aucun système de filet de sécurité durable.
En réponse à ces préoccupations, le Gouvernement du Niger a, avec l'appui de la Banque mondiale,
développé le programme Filets sociaux par le cash transfert (FS-CT}. Sur base de tests des moyens ..
d'existence à l'aide de variables de remplacement (proxy means tests - PMT), ce programme aide à
lutter contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire chroniques et transitoires du pays. Une récente
étude basée sur une analyse empirique détaillée a conclu que le programme a réussi à cibler les
ménages présentant une plus grande insécurité alimentaire, et que parmi tous les indicateurs, la
sécurité alimentaire était plus élevée chez les bénéficiaires que chez les non-bénéficiaires (McBride et
coll. 2015).
En résumé, certains progrès ont été accomplis dans le renforcement du filet social de sécurité, mais le
ciblage doit encore être amélioré. Il faudrait également envisager de conditionner certains transferts à
des actions des bénéficiaires dans les domaines de l'éducation, de la santé, et peut-être même de la
démographie.

Conclusions et implications pour les politiques au cours des dernières


années
Stimulée par une croissance économique relativement forte, la pauvreté globale a reculé au Niger. Les
progrès réalisés sont toutefois fragiles, et la pauvreté reste très répandue, en particulier dans les
zones rurales et les ménages dont le chef de famille est une femme. Bon nombre de ménages sont très
vulnérables aux chocs imprévisibles et graves. En outre, en dépit de la légère baisse de l'incidence de la .
pauvreté observée depuis 2005, le nombre absolu des personnes pauvres continue d'augmenter au
Niger en raison de la rapide croissance démographique du pays, particulièrement élevée dans les
ménages les plus pauvres. Le nombre des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté est passé de
6,7 à environ 8 millions entre 2005 et 2011, soit une augmentation de près de 20%. Depuis 2011, les
troubles politiques en libye et dans d'autres pays voisins ont quelque peu exacerbé la situation en
réduisant l~s possibilités de migration des Nigériens vers --t'étranger. Cette restriction est
particulièrement grave, car plus de 60% des Nigériens migrants vers d'autres pays sont des jeunes, de
20 à 35 ans, et parce que les trois pays accueillant le plus grand nombre de Nigériens (deux tiers migrent
vers la Côte d'Ivoire, le Nigéria et la libye) ont également connu de graves problèmes politiques et de
sécurité. L'affaiblissement de cette soupape de sécurité tend à exacerber le problème déjà préoccupant
du chômage des jeunes.
Bien que les modestes améliorations des revenus et certains indicateurs sociaux soient
encourageants, ces tendances ne sont pas suffisantes pour permettre au Niger d'atteindre ses

16

Il
T
Il

objectifs liés à la pauvreté ainsi que la plupart des autres objectifs du Millénaire pour le
développement à la fin de cette année. Le pays reste également dernier au classement de l'indicateur
de développement humain du PNUD.
La croissance récente a certes été en faveur des pauvres (elle a réduit la pauvreté), mais pas inclusive
(elle n'a pas réduit les inégalités). En fait, l'indice de Gini global a grimpé de 28,6 en 2005 à 31,3 en
2007-2008 et à environ 32 en 2011. Mais même à ce niveau, l'inégalité est moins un problème que la
pauvreté généralisée et profonde qui afflige la plupart des catégories de revenu.
La réduction de la pauvreté est un_objectif critique du Plan de développement économique et social
du Niger en cours de mise en œuvre. Il prévoit l'élargissement de la classe moyenne nigérienne, définie
comme la population vivant au-dessus du seuil national de pauvreté, mais n'appartenant pas aux 10%
les plus riches de la population. L'objectif fixé était de faire passer la classe moyenne d'environ 30% de
la population en 2012 à environ 50% en 2015. Cet accroissement entraînerait une baisse de l'indice
.. numérique de pauvreté d'environ vingt points de pourcentage. En fait, au cours des six dernières
années, la pauvreté n'a reculé que de cinq points de pourcentage. Il apparaît clairement que des efforts
de réduction de la pauvreté plus concertés et complets devront être consentis.
Le taux de croissance démographique élevé est un important facteur compromettant les efforts de
réduction de la pauvreté. Les faibles pourcentages de réduction de la pauvreté sont submergés par
l'accroissement de la population, impliquant une augmentation du nombre absolu des pauvres au fil du
temps. Cette croissance démographique annihile également les gains en matière d'accès et d'équité .des
services dans des domaines tels que l'éducation, la santé et les infrastructures de base. Il n'existe
aucune preuve d'une convergence dans ces domaines avec d'autres pays d'Afrique subsaharienne.
Deuxièmement, la pauvreté au Niger est essentiellement associée à la ruralité (près de 9 pauvres sur
10 vivent en milieu rural), et les politiques en faveur de l'agriculture comprenant des investissements
accrus dans ce secteur et des changements dans la rentabilité des facteurs de production auront, par
conséquent, un impact positif sur la réduction de la pauvreté. l'initiative « 3N » (les Nigériens
nourrissent les Nigériens) est un programme potentiellement prometteur; il s'agit d'une stratégie de
développement rural à plusieurs volets, qui doit encore être complètement mise en œuvre.
Les données mettent également en évidence des variations régionales importantes dans les acquis
scolaires: par exemple, les taux de scolarisation sont non seulement plus faibles à Dosso et Maradi,
mais ils le sont tout particulièrement chez les enfants des zones rurales de ces deux régions. Ceci
Il
suggère qu'afin d'atteindre les enfants pauvres, une attention plus soutenue devrait être accordée à une
stratégie publique plus différenciée géographiquement.
Quatrièmement, la décomposition de l'évolution des opportunités au Niger révèle que la plupart des
améliorations sont dues à l'extension (visant à atteindre autant d'enfants que possible), avec
néanmoins un certain effet d'égalisation. À l'exception possible de l'accès à l'eau courante, de puits et
de pluie, la couverture de la plupart des autres opportunités est si faible au Niger qu'un accent sur
l'équité couplé à une extension de la couverture pourrait produire les meilleurs résultats en matière
d'accroissement des chances.
Cinquièmement, avec l'augmentation de l'accès des enfants à l'éducation, un accent plus fort devrait
être mis sur l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Bien que l'information sur les indicateurs
de qualité soit très limitée, les faibles taux d'achèvement des études laissent supposer une médiocre
qualité de l'enseignement.

17
Sixièmement, la mise en œuvre du PDES doit être accompagnée d'une étroite concentration sur les
interventions ciblant tes plus pauvres et les plus vulnérables, afin d'éviter que les mieux lotis ne
bénéficient de manière disproportionnée d'avantages tels que les intrants subventionnés, les terres
irriguées et les interventions de sécurité alimentaire. Un filet social de sécurité bien conçu, mieux ciblé
et financièrement soutenable est un outil important pour lutter contre la pauvreté.
Septième, un accent accru devrait être mis sur la création d'un espace budgétaire et l'augmentation
de la dépense.en faveur des pauvres. Les récents cadres des dépenses à moyen terme sont utiles pour
les discussions sectorielles, mais ne conviennent pas pour des réflexions budgétaires réalistes
spécifiques. Les dépenses prioritaires en faveur des pauvres doivent être complètement protégées de
toute coupure pendant la mise en œuvre du budget, et les fonds alloués doivent être libérés dans les
débuts du cycle budgétaire.
Enfin, et plus généralement, il faudrait mettre l'accent sur l'emploi source de croissance économique,
en particulier dans les secteurs potentiellement générateurs d'emplois, tels que l'agriculture, l'agro-
industrie, les métiers artisanaux et le secteur des services.
Il est clair que le Niger devra consentir un effort nettement plus concerté pour parvenir à une croissance
plus soutenue, inclusive et génératrice d'emplois, et pour développer son capital humain à un rythme
plus rapide qu'à l'heure actuelle pour assurer la convergence avec d'autres pays d'Afrique
subsaharienne.

.11

18

JI
\''
,,

Références
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http://www.statcompiler.com/.

19
Document de travail 3 :
Rattraper le grave retard dans la création
d'un capital humain de base :
une urgente nécessité

Birger Fredriksen

1
Document de travail3: Rattraper le grave retard dans la création d'un
capital humain de base : une urgente nécessité
Tab le des n1ati ères

'Introduction .............................................................................................................................. 2

Objet et structure du document ........................................................................................ 2

Messages clés de ce volet de diagnostic ....................................................................... 3

Une urgence nationale: S'attaquer au faible niveau de capital humain de base du Niger

.................................................................................................................................................... 5

Importance croissante du capital humain en tant que moteur du

développement ...................................................................................................................... 5

Une meilleure santé : un élément important du capital humain de base ............ 13

Principaux domaines où le faible capital humain du Niger entnn'e le développement .. 17

Transition démographique ............................................................................................... 17

Transformation économique ........................................................................................... 18

Productivité de la main-d'œuvre .................................................................................... 19

Fardeau des maladies ........................................................................................................ 21

Inégalités et exclusion ....................................................................................................... 22

Récolte des fruits du cercle vertueux intergénérationnel de l'éducation des

filles et des femrnes ............................................................................................................ 24

Rentarques de conclusion ....................................................................................................... 26

Références ............................................................................................. :.................................. 27


li
Introduction

Objet et structure du document


Le niveau de développement du capital humain de base du Niger est, à bien des égards, le plus bas du
monde. Le but de ce document est d'aider à sensibiliser les décideurs nigériens et leurs partenaires au
développement à l'urgente nécessité d'agir. Centré sur l'éducation, ce document met en évidence le
niveau actuel . de développement du capital humain par rapport à celui qui serait nécessaire pour
atteindre les objectifs nationaux de développement hautement prioritaires. Pour illustrer l'ampleur du
défi auquel le Niger est confronté, le document compare des indicateurs clés d'éducation et de santé du
Niger aux moyennes correspondantes, actuelles et passées, de l'Afrique subsaharienne (ASS) et d'autres
pays de la région. Ce volet de diagnostic de l'étude sera suivi par un travail visant à explorer l'impact
d'un scénario de« maintien du statu quo», ainsi que par une analyse des options dont dispose le Niger
pour rejoindre la moyenne des pays d'Afrique subsaharienne d'ici 2035. Pour y parvenir, le Niger devra
réaliser des progrès prodigieux dans le renforcement de son capital humain de base. Les deux scénarios
sont qualifiés, respectivement, de scénario de« maintien du statu quo» et de scénario de« rupture ».
le renforcement du capital humain de base est un processus cumulatif, qui requiert des efforts
soutenus à long terme. Il est important de garder cela à l'esprit en lisant ce document qui constate que
le Niger est confronté à une tâche gigantesque pour rejoindre en 2035 ne serait-ce que l'actuel niveau
moyen de développement du capital humain de l'ASS. Tout d'abord, malgré les progrès impressionnants
réalisés depuis l'année 2000 dans l'accès à l'enseignement primaire, le Niger enregistre toujours en
2015 le niveau d'alphabétisation des adultes le plus bas du monde (27% pour les hommes, 11% pour
les femmes). Il est en grande partie hérité du développement extrêmement faible de l'éducation au ·
moment de l'indépendance et des politiques inefficaces des années 1980 et 1990 {Encadré 1). Ensuite, le
Niger affiche la plus forte croissance au monde de la population en âge scolaire : 116% projetés pour la
période 2015-2035, par rapport à la moyenne de 46 % de l' ASS.
Sans mesures efficaces pour y remédier au cours de la prochaine décennie, ce faible niveau de capital
humain de base limitera sérieusement les perspectives de développement du Niger pour la
période 2015-2035 et au-delà. Si les tendances actuelles devaient se maintenir, deux adultes nigériens
sur trois-y compris au moins deux femmes en âge de procréer sur trois-risquent d'être illettrés en
2035, soit un taux d'alphabétisation des adultes inférieur à la moyenne de 1,ASS en 1980, et un << écart
de développement» de plus d,un demi-siècle.
La discussion est structurée comme suit. Après un résumé des messages clés, la Section 2 souligne
l'importance croissante du capital humain en tant que moteur du développement partout dans le
monde, et décrit l'état actuel de la santé et de l'éducation de la population nigérienne. La Section 3
analyse les façons dont le faible niveau de capital humain du Niger limite six aspects clés du
développement du pays: la transition démographique, la transformation économique, la productivité
de la main-d'œuvre, le fardeau des maladies, l'équité et la récolte des fruits du cercle vertueux
intergénérationnel de !,éducation des filles et des femmes.

Jt
\1"

Messages clés de ce volet de diagnostic


Historiquement, aucun pays n'a connu une croissance économique soutenue sans d'abord atteindre
un niveau de capital humain de base sensiblement supérieur à celui enregistré aujourd'hui au Niger.
En particulier, en ce qui concerne la santé et l'éducation, les enfants, les jeunes et les femmes du Niger
s'en tirent nettement moins bien que leurs homologues du reste de l'Afrique subsaharienne. En 2013, le
pays était dernier du classement des 187 pays de l'Indice de développement humain (IDH) du PNUD, 1
une position qu'il occupe presque chaque année depuis 1980. Elle reflète en particulier que le Niger a le
2
niveau d'alphabétisation des adultes le plus bas du monde. En 2015, les taux d'alphabétisation du
Niger sont inférieurs à la moyenne ae l' ASS pour 1970. De même, la durée moyenne de scolarisation des
Nigériens de 25 ans et plus (1,4 an en 2012) est à peu près égale à la moyenne de l' ASS pour 1970. Et
malgré les bons progrès réalisés dans l'accès à l'éducation depuis 2000, en 2012, 36% des enfants en
âge d'école primaire et 78% des enfants en âge du premier cycle du secondaire n'étaient pas scolarisés,
et en 2015, 73% des jeunes de 15 à 24 ans sont analphabètes.
,·Atteindre un seuil minimal d'éducation et de santé de base de la population est une étape du
développement dont aucune nation ne peut se dispenser. L'expérience montre que la qualité du
capital humain d'un pays est un facteur déterminant pour atteindre la plupart des objectifs de
développement et, en particulier, une croissance économique soutenue et partagée. Il existe également
de fortes interdépendances se renforçant mutuellement entre les différents types d'investissement dans
le capital humain. Par exemple, la lutte contre la malnutrition et les maladies infantiles infectieuses
promeut la fréquentation scolaire et l'apprentissage. L'éducation des filles et des femmes aide à récolter
les fruits du puissant cercle vertueux intergénérationnel associé à une meilleure santé et une meilleure
nutrition familiales; à réduire la mortalité maternelle et infantile; à diminuer la fécondité ; et à accroître
la participation et la productivité de la population active féminine. Enfin, l'éducation et la formation
jouent de multiples rôles dans la création des compétences et des institutions nécessaires pour soutenir
la génération de connaissances, l'adaptation et les innovations requises pour transformer les économies
traditionnelles et créer de nouvelles industries et nouveaux services capables d'être compétitifs dans
l'économie mondiale de plus en plus basée sur les connaissances.
La croissance démographique extrêmement élevée du Niger accentue le défi de la mise à niveau.
Malgré une bonne croissance économique au cours de la dernière décennie, le revenu par habitant est
aujourd'hui inférieur à celui enregistré au moment de l'indépendance. En 2012, 74 % des Nigériens
vivaient dans des conditions« d'extrême pauvreté» et 60% en dessous du seuil de pauvreté national.
. Une des raisons de cette situation est une croissance démographique en permanence très élevée, de
75% entre 1960 et 1980 (68% pour l'Afrique subsaharienne) et de 89% entre 1980 et 2000 (73% pour
l'Afrique subsaharienne). Au cours de la période 2015-2035, la population du Niger devrait plus que
doubler, pour une croissance de l'Afrique subsaharienne de 61 %, et la population en âge scolaire du
Niger devrait croître de 116 %, pour une moyenne de l' ASS de 46 %. En raison de sa lente transition

1
L'IDH est une mesure composite qui englobe i) l'espérance de vie, ii) la durée moyenne de scolarisation des
25 ans et plus, iii) la durée de scolarisation attendue des enfants en âge d'entrer à l'école, et iv) le RNB par
habitant (en PPA). Les données proviennent du PNUD (2014).
2
Les données relatives à l'alphabétisation citées dans ce document proviennent d'UNESCO (2015) qui, sur la base
des données de l'enquête auprès des ménages, a sensiblement révisé à la baisse les taux d'alphabétisation du
Niger par rapport aux estimations antérieures de l'UNESCO.

3
démographique et contrairement à de nombreux autres pays africains, le Niger ne bénéficiera d'aucun
« dividende démographique »au cours de la période 2015-2035.

L'extrêmement faible niveau d'éducation des femmes nigériennes représente une perte énorme en
termes de croissance potentielle et de bien-être pour les familles. En 2015, le taux d'analphabétisme
des femmes du Niger était le plus élevé du monde: 83% chez les femmes de 15 à 24 ans {31% en
moyenne pour l'Afrique subsaharienne) et 92 %chez les femmes de 25 ans et plus. L'éducation des filles
et des femmes est un instrument puissant de transformation socioéconomique. La libération de tout le
potentiel productif des femmes peut générer d'énormes dividendes, qui contribuent à rendre les
sociétés plus résilientes et plus prospères. En particulier, une meilleure éducation améliore la
productivité des femmes et leur permet d'acquérir un plus grand contrôle sur leur vie, notamment en
retardant l'âge du mariage et de l'accouchement, tout en accélérant ainsi la transition démographique.
L'éducation des mères est aussi étroitement liée à leur possibilité d'obtenir un emploi rémunérateur, et
leurs revenus sont plus susceptibles de bénéficier à la famille sous la forme d'un apport d'aliments, de
vêtements, de services de santé et d'éducation pour les enfants.
La priorité accordée à l'enseignement fondamental n'implique pas l'exclusivité. En plus de rattraper
son retard au niveau du renforcement de son capital humain de base, le Niger doit également
développer les compétences pointues requises au XXf siècle. Le Niger a la plus faible couverture de
l'enseignement second.aire de toute l'Afrique subsaharienne. Le Programme Sectoriel de l'Éducation et
de la Formation (PSEF) de 2014-2024 comprend des investissements dans le renforcement de
l'enseignement secondaire, l'enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) et
l'enseignement supérieur. Compte tenu des pénuries de compétences émergentes dans de nombreux
domaines, il est essentiel d'accélérer le développement d'un enseignement post-fondamental de
qualité. Cela dit, étant donné la taille très réduite du marché du travail pour ces compétences, les défis
de financement et de mise en œuvre posés par la génération de ces compétences sont moins
considérables que les efforts requis pour assurer la mise à niveau des compétences de base de
l'écrasante majorité de la population active engagée dans les secteurs informels agricole ou non. Vu la
rapide croissance de la demande d'un enseignement post-fondamental, il faudra un leadership
politique fort pour maintenir les arbitrages budgétaires en faveur de l'amélioration indispensable des
compétences de ceux qui n'ont pas achevé l'enseignement fondamental.
Au cours de deux prochaines décennies, le Niger sera confronté à de changements intérieurs sans
précédent et à des défis extérieurs majeurs, allant du changement climatique à l'insécurité régionale.
L'aptitude des pays à gérer ces changements d'une manière permettant de saisir les opportunités tout
en minimisant les risques dépendra de plus en plus de la qualité de leur capital humain. La constitution
du capital humain nécessaire est particulièrement complexe au Niger qui, dans un contexte de rapide
croissance démographique, doit s'attaquer en même temps à son lourd héritage de lente formation du
capital hum~in et à la génération des compétences et institutions de pointe nécessaires à la
compétitivité dans une économie mondiale basée sur les connaissances. Mais il n'existe pas d'autre
option. En plus de la nécessité de doter la population des compétences de base et de pointe requises et
en rapide évolution, le rôle joué par le savoir et l'innovation dans le processus de développement s'est
considérablement amplifié au cours des deux dernières décennies. Il est, par conséquent, essentiel que
les responsables des politiques du Niger prennent conscience du rôle crucial du capital humain dans la
détermination des perspectives de développement du pays, ainsi que la façon dont les besoins en
capital humain évoluent avec la croissance de l'économie.

ii
If

Une urgence nationale : S'attaquer au faible niveau de capital humain de


base du Niger

Importance croissante du capital humain en tant que moteur du développement


Le niveau d'éducation et de santé de la population est un déterminant de plus en plus fort des
perspectives de développement d'un pays. Le fait est démontré par l'expérience des pays qui ont réussi
à passer d'une économie duale-où la grande majorité de la population active est engagée dans les
secteurs informels agricole ou non-à une économie en rapide développement-où ta croissance
provient du secteur manufacturier et du secteur moderne des services. À tous les niveaux de revenu, les
pays remodèlent actuellement leurs systèmes éducatifs afin de mieux répondre à l'évolution de leurs
besoins de capital humain. Ce processus est particulièrement important pour le Niger, qui est encore
loin d'avoir établi la base de capital humain nécessaire pour soutenir la transformation économique
,. indispensable à une croissance économique soutenue. L'établissement de cette base constitue une
étape de développement fondamentale dont aucune nation ne peut se dispenser.
L'importance d'une main-d'œuvre bien formée et en bonne santé a été renforcée par l'intensification
spectaculaire du rôle joué par le savoir et l'innovation dans le processus de développement. Dans son
récent ouvrage phare sur les déterminants de la croissance économique et de l'amplification des
inégalités, Piketty (2014, 23) souligne que la conversion de la croissance économique entre les pays est
essentiellement un processus de diffusion et de partage des connaissances et que « [ ... ] la diffusion des
connaissances-n'est qu'en partie naturelle et spontanée. Elle dépend aussi pour une large part des
politiques éducatives, de l'accès à la formation et à l'acquisition de compétences appropriées, et des
institutions associées ».
L'importance accrue des connaissances et de l'innovation provient de nombreux facteurs, notamment
d'une meilleure compréhension des déterminants de la croissance économique, de l'émergence de
«l'économie du savoir», de la mondialisation, et de la révolution des TIC. Cette importance s'applique à
tous les secteurs parce que, comme indiqué à la section «Productivité de la main-d'œuvre»,
l'amélioration de la productivité dans un quelconque secteur dépend de plus en plus de l'aptitude à
innover et à utiliser de nouvelles connaissances. Ainsi, le rôle du savoir et de l'innovation va au-delà du
seul secteur moderne, qui est minuscule au Niger, en particulier en ce qui concerne la création
d'emplois, pour inclure les secteurs informels agricole ou non.
Par ailleurs, le concept de « savoir » dépasse les connaissances techniques pour inclure leur
application efficace et innovante au renforcement des capacités institutionnelles dans les différents
contextes nationaux. Par exemple, dans leur analyse du rôle de l'innovation dans la rapide croissance
économique de l'Asie de l'Est, Fan et coll. (2009, 1) soulignent que« le concept d'innovation englobe
non seulement l'innovation technologique [ ... ],mais aussi des formes non techniques[ ... ] telles que des
innovations organisationnelles ou institutionnelles. Celles-ci peuvent comprendre l'introduction de
nouvelles stratégies de gestion [ ... ], l'adoption de nouvelles politiques ou la création · de nouveaux
services [ ... ] et de communications améliorées[ ... ]». Au-delà de la nécessité de doter la main-d'œuvre
des compétences requises, les pays ont donc également besoin d'institutions de qualité, employant
des personnes bien formées et motivées, pour gérer les actuels processus de changement rapide et
sans précédent d'une manière permettant de saisir les opportunités tout en minimisant les risques.

5
Au cours de 10 à 15 dernières années, le Niger a fait des progrès dans la mise en place d'institutions
plus fortes, notamment une meilleure gestion macro-économique, l'élection d'un gouvernement
légitime en 2011 et l'extension des services de santé et d'éducation . La Banque mondiale (2013) observe
qu'« en dépit des chocs intérieurs et extérieurs significatifs subis au cours des dernières années,
l'économie du Niger a été globalement bien gérée ». Mais le rapport note également de graves
faiblesses dans de nombreux aspects de la gestion publique (x-xii). Une indication des possibilités
d'amélioration est le classement du Niger en 168e position sur 189 pays dans l'indice 2014 de « facilité
de faire des affaires (Doing Business) » de la Banque mondiale . Ainsi, pour mener à bien la
transformation économique et sociale majeure nécessaire pour faire mieux en 2015-2035 qu'au cours
des 20 dernières années, il faut impérativement un leadership politique visionnaire, soutenu par des
institutions fortes, capable de mettre en œuvre les ambitieux programmes et politiques requis. Cela
s'applique en particulier au secteur de l'éducation qui consomme plus d'un cinquième du budget de
l'État, présente de très faibles niveaux d'efficacité interne et de qualité de l'apprentissage, et est géré de
façon très fragmentée.
Le Niger entame la période 2015-2035 avec le plus faible niveau d'éducation du monde et,
3
notamment, le taux d'alphabétisation des adultes le plus bas (19 %) contre des moyennes de l' ASS de
30% en 1970 et 63% en 2015 (UNESCO 1998, 2015). La situation actuelle est due à la combinaison du
faible niveau d'alphabétisation au moment de l'indépendance et de la stagnation du taux de
scolarisation dans l'enseignement primaire (25 à 30 %) au cours des 20 années allant de 1980 à 2000
(Encadré 1 et Figure 1). Au moment de l'indépendance, le taux de scolarisation au primaire n'atteignait
que 6 %, le pays n'avait pas une seule école secondaire, et seul 1% des adultes était alphabétisé (la
moyenne de l' ASS était alors de 9 %).

Figure 1 : Impérative et urgente nécessité de rattraper le retard


dans la constitution des compétences de base

Figure 1 : Taux brut de scolarisation dans l'enseignement primaire 1960-2012 (en %)


120

100

80

60

40

20

0
1960 1970 1980 1990 2000 2012
- - ASS - -Sénégal As ie du Sud - Burkina - - Ma li - - Niger- - Éth iopie

3
Sauf indication contraire, l' expression« taux d' alphabétisation des adultes» fait référence à la population âgée
de 15 ans et plus.

6
Le rattrapage de ce retard est urgent et exigera des efforts considérables. la prochaine phase de notre
étude explorera l'ampleur des besoins. Nous nous bornerons ici à souligner la capacité limitée de
Vactuel système d'enseignement et de formation à élever de façon significative le niveau d'instruction
de la population des 15 à 64 ans d'ici 2035. Il est utile de diviser ce groupe en deux : les 15 à 44 ans en
2015, qui ont dépassé l'âge scolaire et auront entre 35 et 64 ans en 2035, et les personnes qui
atteindront l'âge scolaire entre 2015 et 2035 et seront âgées de 15 à 34 ans en 2035.
i. le groupe d'âge des 35 à 64 ans comprend 34% des personnes qui seront âgées de 15 à 64 ans en
2035. le taux d'alphabétisation de ce groupe n'est que d'environ 20% en 2015. Sans une extension
massive de la capacité à offrir des cours d'alphabétisation fonctionnels, ce taux a peu de chances de
s'améliorer d'ici 2035. Premièrement, les programmes d'alphabétisation existants sont axés sur le
groupe d'âge des 15 à 29 ans, et ont diplômé chaque année une moyenne de 20 950 personnes
entre 2002 et 2006, et de 22 810 pendant la période 2007-2012 (République du Niger 2013a, 43).
Cela correspond à environ 0,5 % du nombre d'analphabètes de 15 à 29 ans de chacune de ces
années. Deuxièmement, alors que le plan sectoriel 2014-2024 de l'éducation prévoit un
doublement des inscriptions à ces programmes entre 2011 et 2014, suivi d'une augmentation de
69% entre 2014 et 2024 (République du Niger 2013b, 31) Je nombre annuel de diplômés n'atteindra
toujours, au mieux, que 1 à 2 % de la population en pleine croissance des 15 à 29 ans. En outre,
actuellement, presque tout le financement des programmes d'alphabétisation dépend des fonds
assez imprévisibles de donateurs, ce qui conduit à d'importantes fluctuations annuelles des
inscriptions. Troisièmement, les occasions de maintenir les compétences d'alphabétisation acquises
par les participants étant limitées, il existe un risque réel que le taux d'alphabétisation de ce groupe
d'âge décline au lieu de croître au cours de la période.

ii. Le groupe d'âge des 15 à 34 ans comprend 66 % de la population qui aura 15 à 64 ans en 2035 et
sera passé par le système scolaire pendant la période 2015-2035. En ce qui concerne la
scolarisation, ce groupe peut être divisé en deux sous-groupes :
• les enfants en âge scolaire ne fréquentant pas l'école en 2015: En 2012, 36% des enfants en
âge d'école primaire et 78% des enfants en âge du premier cycle du secondaire n'étaient pas
scolarisés, soit au total 2 182 000 enfants (UNESCO 2015). le programme sectoriel2014.:_2024
prévoit que, d'ici 2024, 10 % des enfants de 9 à 14 ans bénéficieront de programmes informels
de la seconde chance (30). De toute évidence, cela ne couvrira qu'une infime partie du besoin
de compétences de base du vaste groupe des jeunes qui, chaque année, passent à côté des
compétences élémentaires en lecture, écriture et calcul.
• Taux élevé d'abandon scolaire et médiocre rendement de l'apprentissage : Seuls 60% des
enfants entrant en première année atteignent la 6e (un taux qui s'est maintenu entre 60% et
70% depuis les années 1970). En outre, selon la dernière enquête PASEC, 4 seuls 26 % des élèves
de 6e année ont acquis les compétences de base en lecturé, écriture et calcul (le taux le plus bas
des 13 pays concernés, pour une moyenne de 54%). Ainsi, même si tous les enfants étaient
scolarisés en 2015 (ce qui est peu probable, voir Figure 2), si le niveau d'abandon et le
rendement de l'apprentissage demeurent inchangés, le taux d'alphabétisation des jeunes

4
Programme d'analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN (PASEC). Ces tests ont été réalisés dans 13 pays
africains francophones, dont le Niger. Les résultats des tests de 2014 seront disponibles en 2016.

7
quittant l' enseignement primaire au cours de la période 2015-2035 ne serait que d' environ
20 %, le même que celui du groupe d'âge des 35 à 64 ans.

Figure 2 : Pourcentage des enfants jamais scolarisés dans les pays avec des taux supérieurs à 10 %

50% 46%

40%

30%

20%

10%

0%

Source : UNICEF 2015

8
Encadré 1: L'héritage de la lente progression du Niger vers l'enseignement primaire universel (EPU)

Le retard du Niger en matière de littératie et numératie de base est en grande partie dû à quatre facteurs :

a) L'héritage colonial: En 1960, le taux brut de scolarisation (TBS) dans l'enseignement primaire était de 6%
au Niger contre une moyenne (pondérée) de 38% pour l'Afrique subsaharienne, déjà nettement inférieure à
celle de l'Asie du Sud (57%), de l'Amérique latine (72 %) et de l'Asie de l'Est (97 %). Le Niger n'avait pas une
seule école secondaire et seul 1% de la population adulte était alphabétisée, contre -9% en moyenne pour
l'Afrique subsaharienne.

b) La crise économique qui a suivi 1980: Le TBS du Niger a augmenté pour atteindre 25% en 1980 (contre
80% en moyenne pour I'ASS), puis a stagné en dessous de 30% jusqu'aux alentours de 2000, pour ensuite
grimper rapidement et atteindre 71% en 2012. Les budgets inchangés de l'éducation, résultant du déclin
économique du Niger dans les années 1980 et 1990, et la faible priorité accordée à l'enseignement
fondamental sont des causes importantes de la stagnation enregistrée au cours des 20 années allant de 1980 à
2000.

c) La faible efficacité interne et le médiocre rendement de l'apprentissage : Le niveau des abandons est resté
élevé dans l'enseignement primaire depuis l'indépendance, avec seulement 60 à 70% de chaque cohorte
arrivant au bout du cycle. Comme mentionné dans le texte principal, les compétences en lecture, écriture et
calcul sont extrêmement faibles, même chez ceux qui terminent le cycle.

d) L'incapacité à résoudre le problème de l'alphabétisation des adultes : Dans les années 1960 et 1970, tout
comme d'autres pays d'Afrique subsaharienne, le Niger visait à alphabétiser ses adultes. Comme convenu lors
de la première conférence panafricaine des ministres de l'Éducation tenue à Addis-Abeba en 1961, la stratégie
consistait à atteindre I'EPU en 1980 et, parallèlement, à améliorer radicalement l'alphabétisation des adultes.
L'EPU n'a pas été atteinte en 1980, principalement parce que la population en âge scolaire de l'Afrique
subsaharienne avait augmenté quatre fois plus vite entre 1960 et 1980 que prévu en 1961. Les progrès vers
I'EPU ont cessé au début des années 1980 et les résultats des programmes d'alphabétisation étaient décevants
en raison de facteurs tels que la médiocre qualification des formateurs, l'utilisation limitée des langues locales,
le peu de pertinence du contenu pour les adultes, et le manque de financement. Comme mentionné dans le
texte, le Niger poursuit ses programmes d'alphabétisation, mais à une échelle trop modeste pour arriver à
limiter la croissance du nombre d'analphabètes.

Source: UNESCO (1993). UNESCO (2015). Fredriksen (1983).

En bref, le système éducatif actuel du Niger est loin d'avoir la capacité nécessaire pour améliorer
radicalement le niveau d'instruction de base de la population active d'ici 2035. Un tel changement
requerra une réforme substantielle des programmes d'alphabétisation fonctionnelle avec un contenu
pertinent pour le quotidien des populations rurales, ainsi qu'une amélioration massive de l'assimilation
et de l'apprentissage dans renseignement primaire et secondaire, premier cycle. En plus du manque
d'installations physiques et de financement, une telle mise à niveau est limitée par les faibles capacités
de gestion du secteur, encore aggravées par le fait que la responsabilité de l'enseignement et de la
formation est répartie entre six ministères différents. l'impact négatif sur la qualité de l'apprentissage

9
li

du manque d'intrants pédagogiques et de la mauvaise gestion des enseignants est encore exacerbé pa r
un programme de cours mettant l'accent sur le contenu et l'apprentissage par cœur, plutôt que sur
l'acquisition des compétences de base telles que la lecture, les mathématiques et la résolution des
problèmes. La situation est rendue encore plus difficile par la connaissance limitée des matières par les
enseignants, leurs faibles compétences pédagogiques et l' utilisation t rop limitée de la langue maternelle
comme moyen d' enseignement. Le programme sectoriel 2014-2024 identifie ces contraintes. La mise en
œuvre des mesures correctives prévues requerra toutefois une puissante volonté politique et un solide
financement, ainsi que le renforcement urgent de la capacité de gestion du secteur.
La très forte croissance démographique accentue fortement le défi de rattraper le retard dans le
renforcement du capital humain de base. Au cours de la période 2015-2035, la population en âge
scolaire du Niger devrait croître de 116% contre une moyenne de 46% pour l' ASS (Figure 3) . Le Niger
devra donc fournir plus de deux fois les efforts déployés par la moyenne des pays de l' Afrique
subsaharienne, rien que pour suivre le rythme de la croissance de sa population. Pratiquement tous les
pays en développement d'Asie et d'Amérique latine verront diminuer leur population scolarisée dans
l'enseignement fondamental, ce qui leur permettra de transférer des ressources de l'expansion
quantitative vers l' amélioration de la qualité et le développement de l' enseignement post-fondamental.

Figure 3 : Croissance de la population des 5 à 14 ans (%)


(Prévisions démographique des NU, variante moyenne)

150

100

50

0
Niger
1
Afrique SS Asie du Sud Améri que latine Asi d l'Est

-50
. 1975-:995 . 1995·20.!.5 • 20"-5·2035

Le Niger est encore plus en retard sur la moyenne de l' ASS en ce qui concerne le développement de
l'enseignement post-primaire. Le nombre moyen d'années d'études des Nigériens de 25 ans et plus
n' était que de 1,4 an en 2012, contre une moyenne de 4,8 pour l' Afrique subsaharienne (PNUD 2014). Il
place le Niger en avant-dernière position pou r le taux de scolarisation des adultes sur les 187 pays de
l' Indice de développement humain (IDH) du PNUD. Cette durée de la scolarisation correspond
pratiquement à la moyenne de 1,6 an enregistrée en 1970 pour I'ASS (Banque mondiale 1988). Elle
reflète la stagnation de l' enseignement primaire nigérien pendant les années 1980 et 1990 et le fait que
la rapide croissance des 15 dernières années n' a encore eu aucun effet sur le niveau d' instruction de la

10
population des 25 ans et plus. Elle est également représentative du fait que le Niger possède l'un des
systèmes d'enseignement secondaire et supérieur les moins développés du monde. En 2012, le taux
brut de scolarisation du Niger n'était que de 22% dans l'enseignement secondaire premier cycle et de
7% dans le second cycle de l'enseignement secondaire, par rapport aux moyennes respectives de 50%
et 32% de l'Afrique subsaharienne. L'écart était également important dans l'enseignement supérieur:
1,8% pour le Niger en 2012 par rapport à la moyenne de 8% de J' ASS. Le taux de scolarisation du Niger
en 2012 équivalait à la moyenne enregistrée pour l'Afrique subsaharienne en 1980.
La lente croissance de l'enseignement post-primaire au cours de la dernière décennie résulte des
arbitrages budgétaires opérés par le Niger en faveur de l'accélération des progrès vers les objectifs de
l'Éducation pour tous (EPT) en 2015. Étant donné le taux extrêmement bas en 1999 de scolarisation
dans l'enseignement primaire du Niger (31% par rapport à la moyenne de 80% de l'Afrique
subsaharienne) et du chômage croissant des diplômés de l'enseignement secondaire et supérieur, ce
choix était justifié.
L'État est de loin le plus important bailleur de fonds de l'éducation au Niger, suivi par l'aide extérieure
et les ménages. Grosso modo, aux alentours de 2010, le financement public représentait 75 à 80% du
financement de l'éducation, suivi par l'aide (15 à 20 %) et les ménages (5 à 10 %). La croissance
impressionnante de la scolarisation dans l'enseignement primaire nigérien depuis 2000 est
principalement due à une augmentation du financement public, rendue possible par la combinaison de
trois facteurs :
i. Reprise de la croissance économique par habitant, quoiqu'à un modeste niveau : le PIB a augmenté
de 4,4% par an entre 2002 et 2007 et de 5,5% entre 2007 et 2012. la population s'est, quant à elle,
accrue annuellement de 3,9 %, laissant ainsi peu de marge pour une croissance du revenu par
habitant;
ii. Priorité accrue à l'éducation: la part du PNB consacrée à l'éducation est passée de 3,3% en 1999 à
4,5% en 2012, moins que les moyennes pour l'Afrique subsaharienne de 3,9% en 1999 et 4,9 % en
2012, même si la part du budget de l'État consacrée à l'éducation (17,1% en 1999 et 21,7% en
2012) a dépassé les moyennes correspondantes de 14,8% et 18,4% pour l' ASS. Cela reflète le fait
que l'assiette fiscale très étroite du Niger entraîne un niveau comparativement faible de recettes
publiques;
iii. Part importante du budget de l'éducation consacrée à l'enseignement primaire: Cette part était de
56% en i999 et 56,6% en 2012, contre une moyenne de 43,8% pour l'Afrique subsaharienne.

Dernière du classement de l'Indice de développement humain (IDH) du PNUD, l'aide du Niger par
enfant en âge d'école primaire est inférieure à la moyenne de I'ASS (en 2012, 10 dollars EU par
rapport à 12 dollars EU). En dollars EU constants de 2012, le montant moyen annuel de l'aide (tous
niveaux d'enseignement confondus) reçu en deux ans de 2002 à 2003 s'élevait à 56 millions de dollars
EU contre 47 millions de dollars EU pour la période 2011-2012. les chiffres pour l'enseignement
fondamental étaient respectivement de 29 millions et 24 millions de dollars EU. Combinée à la rapide
croissance de la population en âge d'école, la diminution de l'aide au cours de cette période correspond
à une réduction d'un tiers de l'aide par enfant en âge d'école primaire.
Bien que les écoles publiques soient gratuites au Niger, les familles doivent souvent payer pour les
livres, le matériel et les uniformes. Les estimations 2015 de l'UNICEF indiquent que les ménages

11
financent environ 5% du budget de l'enseignement primaire, 10% du secondaire et 20% du supérieur,
moins que dans la plupart des autres pays d'Afrique subsaharienne à faible revenu.
la part des dépenses d'investissement dans la dépense totale de l'éducation a, en moyenne,
augmenté d'environ 14% pour 1999-2004 à 20% pour 2004-2008 (Banque mondiale 2013). Cette
hausse reflète le programme de construction et réhabilitation massives des écoles mis en œuvre en vue
d'accroître la scolarisation. la part des dépenses d'investissement est redescendue à 11 %au cours de la
période 2009-2011. Tout comme dans le secteur de la santé, une bonne partie des dépenses
d'investissement est financée par les bailleurs de fonds et parfois gérée directement par eux et, par
conséquent, non reprise dans le budget de l'État. En 2011, environ 82% du budget réel de l'éducation
destiné à l'enseignement primaire ont été utilisés pour payer les salaires des enseignants, et seulement
2,4% pour les manuels et autre matériel scolaire. Cette deuxième partie correspond vraisemblablement
à moins de la moitié des fonds nécessaires pour la fourniture en temps voulu d'un ensemble minimal de
matériel scolaire à tous les élèves. Au cours de la dernière décennie, cette part a considérablement
fluctué.
Enfin, l'exécution budgétaire est généralement assez faible dans le secteur de l'éducation du Niger,
atteignant en moyenne 85,4% pour la période 2008-2010. le niveau d'exécution varie beaucoup selon
la catégorie budgétaire : il est élevé pour les salaires et les transferts, mais faible pour le matériel, les
fournitures et la maintenance et, en particulier, les dépenses d'investissement.
Un des défis clés de la politique de l'éducation du Niger pour la période 2015-2035 sera de continuer
à considérer un enseignement fondamental de qualité pour tous comme sa principale priorité. Cette
priorité est imposée par la forte croissance démographique du Niger, son taux extrêmement bas
d'alphabétisation des adultes, l'augmentation des inégalités, et l'étroitesse des marchés du travail pour
les personnes ayant des compétences dépassant 9 à 10 années d'études. le maintien d'une priorité
budgétaire élevée à l'enseignement fondamental face à la demande sociale croissante d'un
enseignement post-primaire sera politiquement difficile: les personnes sans éducation de base-
souvent les pauvres ruraux-ont beaucoup moins d'influence politique que celles cherchant à accéder à
l'enseignement secondaire supérieur et à l'enseignement tertiaire.
~ priorité absolue accordée à l'enseignement fondamental n'est toutefois pas synonyme
- d'exclusivité. Au cours de la période 2015-2035, le Niger devra également mettre en œuvre son
programme sectoriel 2014-2024 pour l'éducation afin d'accélérer le développement de l'enseignement
post-primaire. Il est particulièrement urgent de mettre en œuvre l'extension prévue de
l'enseignement fondamental à la majeure partie du premier cycle de l'enseignement secondaire. le
programme sectoriel prévoit également une modeste expansion du deuxième cycle de l'enseignement
secondaire public (avec une intervention croissante du secteur privé) et le développement significatif de
l'enseignement et de la formation techniques et professionnels (EFTP) ainsi que de l'enseignement
supérieur dans les domaines les plus susceptibles de répondre aux -demandes du '!'arché du travail. la
génération des compétences allant au-delà de celles offertes par un enseignement fondamental de
bonne qualité de 9 à 10 ans est probablement moins un problème de financement que de i) refonte
massive des programmes de la seconde chance destinés à la majorité de la population dépourvue des
compétences de base en littératie et numératie ; ii) expansion de la capacité à faire face à la croissance
démographique élevée et extension de la durée de l'enseignement fondamental; et iii) réduction des
abandons et amélioration du rendement de l'apprentissage.

12
Une meilleure santé : un élément important du capital humain de base
Comme déjà expliqué, ce document se concentre sur la partie éducation et compétences du
renforcement du capital humain de base du Niger. Ce choix ne signifie en aucun cas que
l'investissement dans la santé n'est pas une composante clé de la constitution de capital humain. Ill' est.
Notre choix reflète plutôt le fait que, même si le Niger est mal classé pour de nombreux indicateurs de
santé élémentaires (Encadrés 2 et 3), son écart avec d'autres pays d'Afrique subsaharienne est
beaucoup plus large dans l'éducation et la formation de compétences que dans la santé.
Deuxièmement, comme nous le verrons plus loin, en raison de la forte interdépendance entre
l'éducation et la santé, le très faible niveau d'instruction de la population nigérienne, des femmes en
particulier, constitue une contrainte majeure à l'amélioration des conditions de santé. Troisièmement,
le domaine capital de la santé génésique sera abordé dans le volet sur la démographie de l'étude de
pontexte.
1
La mauvaise santé est une des principales causes de la pauvreté : elle diminue le bien-être des
pauvres et réduit leur capacité à participer au processus de croissance. L'amélioration de l'état de
santé de la population contribue directement au bien-être général, élève le niveau du capital humain et
agit positivement sur la productivité individuelle et la croissance économique. Les pauvres contribuant
pour une part importante au fardeau des maladies, l'amélioration des résultats de santé exige
d'accroître non seulement la qualité des soins, mais aussi l'accès des ménages pauvres aux services de
santé, et de réduire · les profondes inégalités d'utilisation de ces services entre les zones rurales et ·
urbaines.
De fortes interdépendances se renforçant mutuellement existent entre les différents types
d'investissement dans le capital humain. Par exemple,
• La lutte contre la malnutrition et les maladies infantiles infectieuses promeut à la fois la scolarisation
et l'apprentissage;
• L'éducation des filles et des femmes aide à récolter les fruits du puissant cercle vertueux
intergénérationnel d'une amélioration de la santé et de la nutrition familiales; d'une réduction de la
mortalité maternelle et infantile; d'une baisse de la fécondité; et d'une participation et d'une
productivité accrues de la population active féminine;
• L'enseignement et la formation jouent de multiples rôles dans la création des compétences et
institutions nécessaires pour soutenir la génération de connaissances, l'adaptation et les innovations
requises à la fois pour transformer les économies traditionnelles et pour créer de nouvelles
industries et nouveaux services compétitifs dans une économie mondiale de plus en plus basée sur
le savoir;
• La mesure dans laquelle et la durée pendant laquelle les personnes sont à même d'utiliser leurs
compétences dépend de leur état de santé et de leur espéran~e de vie. Dans des pays tels que le
Niger, le 1ourd fardeau des maladies réduit la productivité de la main-d'œuvre à travers les absences
au travail et un affaiblissement général, sape les capacités futures des travailleurs de demain en
pesant fortement sur les enfants, et consomme une part importante de ressources déjà limitées
pour des soins et traitements plutôt que pour des investissements dans la croissance de l'économie.

Il existe beaucoup d'autres interdépendances : par exemple, la croissance démographique


exceptionnellement élevée du Niger est une conséquence à la fois du succès obtenu dans la ·réduction
rapide de la mortalité et du manque de succès dans la réduction de l'extrême fécondité du pays.

13
Les maladies transmissibles sont de loin la cause la plus importante de décès au Niger, principalement
en raison des faiblesses dans les soins préventifs (Banque mondiale 2014}. Au cours de la
période 2005-2010, 90% des décès étaient dus à des maladies transmissibles ainsi que maternelles,
prénatales et nutritionnelles. Les problèmes de santé des femmes et des enfants méritent une attention
particulière (Encadrés 2 et 3). Le paludisme se classe au sommet de la morbidité. Il est également l'une
des principales causes de mortalité, en particulier chez les moins de cinq ans. En 2008, l'OMS a estimé à
184 pour 100 000 le taux de mortalité lié au paludisme du Niger, soit pratiquement le double de la
moyenne de I'ASS. Bien que des progrès aient été réalisés dans l'utilisation des moustiquaires, l'enquête
EDS 2012 a révélé que seuls 20% des moins de cinq ans et 7 % des femmes enceintes en avaient pour
dormir, et que seuls 29% des enfants morts de la malaria avaient reçu un traitement. Enfin, la
malnutrition demeure élevée chez les enfants (Encadré 2) et l'accès à l'eau potable, même s'il
s'améliore, reste inférieur à la moyenne de l'ASS.

Encadré 2 : Urgence de l'investissement dans les jeunes enfants du Niger


Le Niger fait partie des 10 pays du monde les plus mal classés pour la plupart des indicateurs clés relatifs à la
situation des enfants :

• Mortalité des moins de cinq ans: avec 114 pour 1 000 en 2012, le taux du Niger était le lOe plus élevé
du monde, au-dessus de la moyenne de 98 de l'Afrique subsaharienne. Cela dit, après être passé de
319 en 1970 à 326 en 1990, il s'est remarquablement amélioré au cours des 20 dernières années,
chutant en 2010 jusqu'à environ un tiers de la valeur de 1990.
• Malnutrition : 44% des Nigériens de moins de 5 ans accusaient un retard de croissance modéré ou
sévère. Ce taux est également le lOe du monde et supérieur aux 38% de la moyenne déjà élevée de
l'Afrique subsaharienne. Seule la moitié de la population du Niger avait accès à des sources
améliorées d'eau potable en 2011, et seulement 10% disposaient d'installations sanitaires
améliorées. Les valeurs de ces deux indicateurs font partie des trois ou quatre plus basses du monde.
Comme montré dans la Figure 4, la malnutrition diminue avec le niveau d'instruction des mères.
• Enseignement pré-primaire : À 6 % en 2012, le taux brut de scolarisation pré-primaire du Niger
atteignait moins du tiers des déjà faibles 20% de l'Afrique subsaharienne, contre 55 %en Asie du Sud,
68% en Asie de l'Est et 74% en Amérique latine.
Sources : UNICEF

14
j;

Figure 4 : Pourcentage des enfants en insuffisance pondérale, par niveau d'instruction des mères

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Encadré 3: Nécessité d'une attention particulière à l'amélioration de la santé et de l'éducation des femmes

Étant donné les solides preuves de l' impact de l'éducation des femmes sur leur propre santé, leur fécondité,
leur participation à la vie active et leur productivité, ainsi que sur l'éducation, la nutrition, la santé et les
possibilités futures de leurs enfants, le très faible niveau d' instruction des femmes limite considérablement les
perspectives de développement du Niger. En particulier :

• Avec 7,6 naissances par femme en 2013, le taux de fécondité du Niger était le plus élevé du monde
(Figure 5) et avait augmenté par rapport aux 7,4 naissances par femme de 1970. Les chiffres de la
même année pour l'Afrique subsaharienne étaient de 5,1 naissances par femme contre 6, 7 en 1970.
• Avec 205 naissances pour 1 000 femmes de 15 à 19 ans en 2013, le taux de fécondité des
adolescentes était aussi, et de loin, le plus élevé du monde, presque le double de la moyenne de 106
pour l'Afrique subsaharienne. Seuls trois autres pays du monde avaient un taux supérieur à 150 : le
Mali, l' Angola et le Tchad.
• L'âge médian du premier mariage des femmes nigériennes était de 16 ans en 2012 et le mariage est
pratiquement universel à partir de 20 ans.
• En raison de ces facteurs et d'une réduction remarquable des taux de mortalité des moins de cinq ans
(Encadré 2), le Niger affiche actuellement la croissance démographique la plus rapide du monde,
avec un taux de 3,9% (contre 2,8 % en 1970).
• le taux de mortalité maternelle du Niger est parmi les plus élevés du monde : à 630 pour 100 000
(en 2013), il se situait nettement au-dessus de la moyenne de l' ASS (510) .

Source : UNICEF {2014), PNUD {2014)

15
Il

Figure 5 : Taux totaux de fécondité des femmes dans 48 pays à revenu faible
et intermédiaire, 2008-2012, par niveau d'instruction
• Aucune instructione Primaire 0 Secondaire ou plus
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Source : UNICEF 2015

Le Niger a néanmoins enregistré des succès dans le secteur de la santé, avec une hausse significative
de l'espérance de vie à la naissance, qui est passée de 43 ans en 1990 à 57 ans en 2013. Ces succès
comprennent un accroissement de l'utilisation des services de soins, de 24% en 2005 à 58% en 2012,
principalement dû aux moins de cinq ans qui constituent les deux tiers des nouveaux patients. Une des
principales raisons en est l'introduction en 2006 des services de soins de santé gratuits pour les enfants
de cet âge. Elle explique probablement la majeure partie de la baisse prononcée de la mortalité des
moins de cinq ans (Encadré 2). Parallèlement, depuis 2000, le Niger a nettement étendu la couverture
vaccinale des enfants; le taux des petits de 12 à 23 mois complètement vaccinés a triplé entre 1992 et
2012, passant de 17% à 52 %. Ce taux reste néanmoins dans la moyenne de la sous-région et bien en
deçà du niveau requis pour une protection efficace. Il présente également de fortes fluctuations
géographiques, de 41% dans la région de Zinder à 73% dans celle de Niamey. Enfin, la déjà faible
prévalence globale du VIH au Niger a chuté de 0,87% en 2002 à 0,4% en 2012.

En bref, « même si, en moyenne, la santé des Nigériens s'est améliorée au fil des ans, elle reste l'une
des moins bonnes du monde» (Banque mondiale 2013, 89). Il est certes possible d'améliorer l'efficacité
de l' allocation des ressources en mettant davantage l'accent sur les résultats et en renforçant
l'exécution budgétaire, mais le grave sous-financement du système est un obstacle majeur au progrès.
La part de la dépense publique dans la santé a radicalement diminué, passant de 15% en 2006 à 7% en
2011. 5 En 2010, elle représentait près de 32% du financement total de la santé, le financement privé
6
48% et le financement extérieur environ 20%. La Banque mondiale (2013, 98) estime qu'en 2010, la
dépense totale publique et privée du Niger dans la santé (18 dollars EU par habitant) était inférieure à

5
Ce paragraphe est basé sur les informations de la Banque mondiale (2013, 2014).
6
La plupart des financements des bailleurs de fonds passent par les pouvoirs publics. Si on les ajoute au
«fina ncement public», la dépense dans les soins de santé est répartie plus ou moins uniformément entre les
sources publiques et privées, ces dernières étant largement les poches des ménages (41 % de la dépense totale de
santé) . Banque mondiale (2013).

16
celles d~autres pays de la sous-région (par exemple, la moitié de celle du Burkina et le tiers de celle du
Sénégal) et ne correspondait qu'au cinquième de la moyenne de I'ASS.

Principaux domaines où le faible capital humain du Niger entrave le


développement
Plusieurs récents rapports détaillés 7 sur le futur de l'Afrique saluent la forte croissance économique
enregistrée au cours des 10 à 15 dernières années, tout avertissant des grands défis à surmonter pour
assurer qu'elle soit durable et continue à améliorer les conditions de vie de la majorité. L'un de ceux
mis en évidence est le faible niveau de capital humain de l'Afrique subsaharienne. Comme indiqué plus
haut, cette observation est particulièrement pertinente pour le Niger, dont de nombreux aspects du
capital humain accusent un retard de trois ou quatre décennies par rapport à la moyenne de l' ASS. Cette
section met en évidence six domaines où le faible capital humain du Niger constitue un risque majeur
pour une croissance économique soutenue et partagée, en freinant le rythme de i) la transition
démographique; ii) la transformation économique; iii) l'amélioration de la productivité de la main-
d'œuvre; iv) la réduction du lourd fardeau des maladies; v) la réduction des inégalités et exclusions; et
vi) la récolte des fruits du cercle vertueux intergénérationnel de l'éducation des filles et des femmes.
Dans tous ces domaines, l'enseignement et la formation ont un rôle clé à jouer pour éliminer les
obstacles au progrès et permettre ainsi au Niger de répondre aux aspirations croissantes à une vie
meilleure de la population en pleine croissance de ses jeunes.

Transition démographique
la rapide croissance démographique intervenue entre 2015 et 2035 posera des défis majeurs aux
responsables des politiques nigériens en ce qui concerne la prestation des services d'éducation et de
santé, ainsi que la création d'emplois rémunérés. En matière d'éducation, le défi sera mis en évidence
dans la phase de ce travail analysant les scénarios de « maintien du statu quo » et de « rupture >> à
l'horizon 2035. Nous nous bornerons à rappeler ici que rien que pour absorber la croissance de la
population en âge d'école, le Niger doit augmenter son taux de scolarisation de 116% entre 2015 et
2035, contre 46% en moyenne pour I'ASS {Figure 3). D'autres régions en développement ne doivent pas
étendre leur capacité pour faire face à la croissance démographique et peuvent consacrer leurs
investissements à l'amélioration de la qualité et à l'enseignement post-fondamental.
Les pays en phase de transition démographique bénéficient normalement d'un dividende
démographique. Ils y parviennent en intégrant progressivement dans la population active de nouvelles
cohortes de jeunes et de personnes mieux éduquées dotées d'une productivité plus élevée, à mesure
que le taux de dépendance des enfants diminue en raison de la baisse de croissance de la population
des 0 à 14 ans avant le début de l'accroissement du nombre des plys de 65 ans. C'est aussi une phase où
de nombreuses femmes accèdent pour la première fois au marché du travail. Dans beaucoup de pays,
elle a conduit à une réduction progressive de la taille des familles ainsi qu'à une augmentation des
revenus et de l'espérance de vie. Combinée à des politiques publiques efficaces, la période de transition
démographique peut contribuer à une croissance économique plus rapide et à une amélioration du
niveau de vie, comme de nombreux pays d'Asie de l'Est l'ont montré de la façon la plus spectaculaire.

7
Notamment : Ahlers et coll. (2014) ; Rapport sur la transformation de l'Afrique {2014) ; Commission économique
des Nations Unies pour l'Afrique (2013); et Rapports du Comité d'experts sur les progrès de l'Afrique (2013, 2014).
17
li

Le Niger ne bénéficiera d'aucun dividende démographique pendant la période 2015-2035. La


transition démographique vient à peine de commencer, et la situation du pays s'apparente plus à un
«piège démographique» qu'à un« dividende)). le rapide déclin de la mortalité n'a pas encore été suivi
d'une baisse de la fécondité, parce que des facteurs tels qu'une pauvreté élevée permanente, de
puissantes traditions natalistes et la médiocre situation des femmes ont maintenu élevé l'actuel taux de
fécondité. le taux de dépendance du Niger devrait, par conséquent, rester très élevé pendant la
période : 112 % en 2015, 111% en 2025 et 105% en 2035, soit nettement plus que les moyennes de
l' ASS de 85% en 2015, 78% en 2025 et 71% en 2035. Dans les deux cas, mais surtout au Niger, ces taux
élevés s'expliquent par la forte dépendance des enfants plutôt que des personnes âgées (en 2015, la
première était de 106, contre 6 pour la seconde). 8 Par ailleurs, lorsqu'un dividende démographique est
généré, son ampleur dépend de l'aptitude à fournir à la population des jeunes une éducation et des
soins de santé de qualité, et de la capacité de l'économie à les employer de manière productive. Étant
donné la rapide croissance de la masse des jeunes, ces deux conditions constituent des défis majeurs.

Transformation économique
Pour parvenir à une croissance économique soutenue, le Niger doit accélérer la transformation
économique. De nouveau, comme pour le renforcement du capital humain de base, il s'agit d'une phase
de développement dont aucune nation ne peut se dispenser. Les deux sont étroitement liés: un lent
développement du capital humain limite la transformation économique et la convergence avec les
économies plus avancées; et une lente convergence économique entrave la croissance qui, à son tour,
restreint la création d'emplois, ainsi que les recettes de l'État disponibles pour financer l'éducation.
« Afin d'assurer une croissance durable qui continue d'améliorer la vie du plus grand nombre, les pays
doivent à présent promouvoir énergiquement la transformation économique )) (RTA 2014, 1). le rapport
observe que la récente croissance observée en Afrique subsaharienne résulte largement de la flambée
des prix des produits de base et de l'extraction des ressources, et que pour assurer une croissance
durable améliorant la vie du plus grand nombre, les pays doivent aujourd'hui promouvoir
énergiquement la transformation économique à l'aide d'une croissance DEPTH (en profondeur} passant
par i) la Diversification de la production ; ii) des Exportations plus compétitives ; iii) une Productivité
accrue de tous les intrants de ressources, en particulier la main-d'œuvre; iv) des Technologies
modernes; et v) un meilleur bien-être Humain en veillant à ce que la croissance renforce l'emploi formel
et une prospérité partagée.
Tout en reconnaissant qu'il n'existe aucune formule toute faite pour obtenir une croissance DEPTH, le
RTA souligne que d'après l'expérience des pays qui y sont parvenus, un des moteurs clés est une
main-d'œuvre éduquée, compétente et en bonne santé. Une main-d'œuvre de haute qualité contribue
à accroître la productivité dans les exploitations agricoles, les entreprises et les services de l'État;
améliore la capacité d'adaptation et d'innovation pour améliorer les processus, les produits et les
services ; et fournit les compétences techniques et de gestion- nécessaires au fonctionnement de
systèmes socioéconomiques de plus en plus complexes. De même, l'étude Afrique 2050 note qu'un
élément clé pour atteindre les objectifs ambitieux qu'elle suggère pour l'Afrique à l'horizon 2050 est
«une main-d'œuvre éduquée, qualifiée et en bonne santé [qui] renforcerait la transformation

8
Les taux de dépendance moyens sont également très élevés en Afrique subsaharienne, et leur diminution est
beaucoup plus lente que lorsque l'Asie de l'Est a effectué sa transition démographique. Par exemple, au cours des
20 années allant de 1970 à 1990, ce taux avait diminué de 83 à 44 en Corée.

18
économique de multiples façons. Elle augmenterait la productivité, renforcerait les capacités
d'adaptation et d'innovation, et fournirait les compétences de gestion nécessaires à l'exploitation de
systèmes de plus en plus complexes. Ces développements auraient pour effet non seulement de
multiplier les niveaux de revenu par habitant, mais aussi de réduire fortement les inégalités au niveau
des revenus et de la participation au processus politique » (Ahlers et coll. 2014, 12-13).
De toute évidence, des niveaux de développement et des structures économiques différents
requièrent des niveaux différents d'éducation et de formation. Toutefois, quelle que soit l'activité
économique d'un travailleur, celui-ci doit maîtriser un ensemble minimal de compétences de base,
notamment en calcul, lecture et écriture, pour améliorer sa productivité dans son occupation actuelle
et arriver à acquérir les compétences nécessaires pour accéder à des secteurs à plus forte productivité.
Comme exposé plus loin, même dans les secteurs considérés comme de croissance au Niger, la majorité
de la population active est analphabète.
Il

Productivité de la main-d'œuvre
La croissance de la productivité est capitale pour la création d'emplois et la réduction de la pauvreté,
et les qualifications et la bonne santé de la main-d'œuvre sont indispensables pour améliorer la
productivité. Combiné à un meilleur état de santé et d'éducation, l'accroissement des revenus, à son
tour, augmente l'équité, autonomise les femmes, accélère la transition démographique et renforce la
capacité de la société civile à amener les autorités à rendre des comptes. Piketty (2014, 23) souligne le
rôle des connaissances et des compétences dans la détermination de la productivité : « Le
développement des connaissances et des compétences est le mécanisme central qui permet à la fois la
croissance générale de la productivité et la réduction des inégalités, à l'intérieur des pays comme au
niveau international. C'est ce que nous constatons actuellement dans les progrès réalisés par un certain
nombre de pays anciennement pauvres, à commencer par la Chine. Ces économies émergentes sont en
train de rattraper leur retard par rapport aux pays développés. En adoptant les modes de production et
en atteignant les niveaux de qualification des pays riches, les pays moins développés ont rattrapé leur
retard de productivité et ont fait progresser leurs revenus nationaux ».
Depuis la révolution industrielle, la plupart des pays d'Afrique, y compris le Niger, n'ont pas bénéficié
des grands amplificateurs de la productivité tels que l'eau potable et l'assainissement, de meilleurs
soins de santé et une meilleure éducation, un accès facile à l'électricité et au transport et, plus
récemment, la révolution des TIC (Ahlers et coll. 2014, 25). La récente croissance du Niger résulte, en
grande partie, de l'entrée de personnes supplémentaires dans le secteur non formel agricole ou non, et
d'investissements dans le pétrole et l'exploitation minière. La nécessité de croissance est
particulièrement grande dans les zones rurales, où 80% de la population et 90 % des pauvres tirent
leurs revenus de l'agriculture et de l'élevage. Malgré la croissance moyenne de 5,2% enregistrée dans
ce secteur entre 2007 et 2012, le revenu par habitant n'y a augmenté que de 1,3 % par an, en raison
d'un taux annuel de croissance démographique de 3,9 %. Sur les 5,8% de croissance annuelle moyenne
du PIB enregistrés pour 2007-2012, 40% étaient imputables au secteur rural. Mais la productivité y
reste faible. Bien qu'il ne représente que 31 % de l'économie, le secteur moderne a connu une
croissance annuelle de 9% entre 2007 et 2012, contribuant pour près de la moitié à la croissance
globale du Niger au cours de la période (Banque mondiale 2013, 6-8). Toutefois, l'emploi dans le secteur
et ses liens avec d'autres parties de l'économie étant limités, l'impact de cette croissance sur la pauvreté
l'a également été (Banque mondiale 2013, 8).

19
la croissance de la productivité totale des facteurs (PTF) résulte de la combinaison d'une meilleure
productivité au sein d'un secteur et de la transition ascendante de la chaîne de valeur entre les
secteurs à productivité plus faible et ceux à productivité plus forte . Étant donné la part élevée de la
main-d' œuvre ain si que des pauvres engagée dans t'agriculture au Niger, une amélioration de la
productivité dans ce secteur est un moyen puissant d' accroître les revenus et de libérer de la main-
d' œuvre au profit de secteurs à plus forte productivité . Comme le signale le RTA (2014, 29}, « [ ... }dans la
plupart des épisodes d'industrialisation précédents, l' augmentation de la productivité agricole a permis
à l'agriculture de libérer de la main-d' œuvre au profit de l' industrie, de produire davantage de
nourriture pour modérer la hausse des prix des produits alimentaires dans les villes et, par conséquent,
les éventuelles hausses des salaires industriels, de fournir des matières premières aux industries de
transformation, d'accroître les exportations pour payer les intrants nécessaires à la transformation et
d'étoffer le marché intérieur des produits industriels>>. Il est possible que ce processus ait débuté au
Niger, mais, comme le suggère la structure de sa main-d'œuvre, il n' en est encore qu'à ses
balbutiements . En outre, étant donné la dépendance critique de l' agriculture nigérienne à la pluie, la
productivité varie considérablement en fonction des précipitations annuelles.
la création d'emplois pour faire face à la croissance rapide de la population active sera un défi
majeur. En 2015, le marché du travail nigérien a recueilli quelque 243 000 nouveaux arrivants, et ils
devraient être 572 000 par an à l' horizon 2035 . Cette croissance rapide du nombre de jeunes accédant
au marché du travail ne peut être considérée comme un atout que s'ils sont formés et que des emplois
rémunérateurs peuvent leur être offerts. Les deux seront probablement un défi considérable compte
tenu de la faiblesse du système d'enseignement et de formation et de l'étroitesse du ma rché du travail
en dehors du secteur informel.
9
le Niger a identifié les quatre secteurs suivants comme moteurs de la croissance :

i. Agriculture et élevage : Le secteur économique de loin le plus important du Niger est aussi celui où
les travailleurs ont le niveau de formation formelle le plus bas : 80% n'ont pas achevé
l'enseignement primaire et 60% n'ont jamais fréquenté l'école . Les compétences techniques
spécifiques ou une instruction supérieure y sont pratiquement inexistantes. Cette main-d' œuvre
largement ê!nalphabète ne facilitera pas l' innovation et l' adoption des nouvelles techniques
agricoles nécessaires pour s' attaquer à l'extrême insécurité alimentaire du Niger, dans laquelle 10 à
15 % de la population vivent en permanence, avec une forte dépendance à l' aide al imentaire. lors
des années de crise, cette proportion peut même atteindre plus ou moins 50 %. Seuls 12 % des
terres sont cultivables, et la production dépend de manière critique de précipitations irrégulières.
Tant les terres arables que l'eau sont déjà très rares et le deviendront encore plus à mesure que la
population se multipliera jusqu'à plus que doubler entre 2015 et 2035. Le manque d' éducation
limite également l' aptitude des agriculteurs à s'engager dans une production commerciale plus
rentable ou à obtenir un emploi dans un autre secteur.

ii. Exploitation minière et industries extractives : Il y a quelques années, plus de 70% des travailleurs
du secteur n'avaient pas terminé l'école primaire et seuls 14% avaient suivi un enseignement post-
primaire. les qualifications des superviseurs et des travailleurs formés sont faible s au Niger, en
particulier dans des domaines tels que l' électronique, l'électronique mécanique et électrique, ainsi

9
Sauf ind ication contraire, la description est basée sur Banqu e m ondiale (20 10, 13-19)

20
que l'automatisation et la maintenance industrielles. La situation est nettement meilleure dans le
secteur de l'uranium, où 30% des travailleurs ont reçu une formation technique et professionnelle,
en grande partie fournie par la compagnie d'exploitation de la mine.

iii . Tourisme et industrie d'accueil: En 2007, 41% des travailleurs de ce secteur n'avaient aucune
éducation formelle et 25% n'avaient qu'une éducation primaire . Moins de 1% avaient suivi des
études supérieures. Il ne s'agit donc pas du type de main-d'œuvre compétente susceptible de
fournir les services de qualité qui ont permis à de nombreux autres pays africains de se créer une
industrie moderne du tourisme . Cela est d' autant plus vrai que le type de tourisme de niche, haut de
gamme et spécialisé que le Niger pourrait offrir exigerait un personnel bien formé .

iv. Artisanat: Les données manquent sur les compétences dans le secteur de l'artisanat . Toutefois,
dans le secteur informel des services (incluant l'artisanat}, seuls 17% des travailleurs ont achevé des
études primaires et 1% seulement ont suivi une formation professionnelle. Dans ce secteur,
l' apprentissage «traditionnel » est la forme la plus courante de formation initiale pour les jeunes
qui ont peu ou pas d'instruction formelle. Comme dans la plupart des pays d'Afrique subsaharienne,
la formation est principalement organisée par de petites entreprises artisanales, souvent affiliées à
des groupements professionnels d'artisans. Comme souligné par Adams et coll. (2013, 24), les
problèmes de formation auxquels est confronté le secteur informel diffèrent largement de ceux du
secteur formel. Par exemple, la pauvreté étant élevée, les coûts d'opportunité de la formation sont
lourds; l'absence d'économies d'échelle handicape les coûts; la capacité de payer pour de la
formation est faible; et les petites entreprises ne disposent ni des connaissances spé cialisées ni du
personnel requis pour définir les besoins de compétences et concevoir une formation appropriée.
Comme dans d' autres pays d'Afrique subsaharienne, le système d'apprentissage traditionnel du
Niger souffre d'un certain nombre de faiblesses. Les autorités publiques ont lancé plusieurs
initiatives pour y remédier .

Enfin, une fois encore, l'amélioration de la productivité dans le secteur rural est essentielle à la
transformation économique du Niger, compte tenu de la part élevée du secteur dans l'emploi, la
pauvreté et l'insécurité alimentaire. Le Rapport 2014 du Comité d'experts sur les progrès de l'Afrique
met l'accent sur l'urgence d'une « révolution verte » et souligne que « la plupart des freins au
développement agricole pourraient être levés grâce à des réformes politiques nationales . Les
gouvernements africains doivent impérativement desserrer le frein à main qui paralyse depuis trop
longtemps la croissance agricole. Concrètement, ils doivent investir dans les infrastructures, éliminer les
obstacles au commerce régional et mettre en application les connaissances scientifiques afin d'ouvrir la
voie à une révolution verte 100% africaine» (2013, 83). Toutefois, « l'application des connaissances
scientifiques » exige la mise à niveau urgente des compétences de la main-d'œuvre : 4 travailleurs
agricoles sur 5 sont analphabètes au Niger.

Fardeau des maladies


Au Niger, le lourd fardeau des maladies réduit la productivité de la main-d'œuvre à travers les
absences au travail et un affaiblissement général, sape les capacités futures des travailleurs de demain
en pesant fortement sur les enfants, et consomme une part importante de ressources déjà limitées pour
des soins et traitements plutôt que pour des investissements dans la croissance de l'économie . En
part ic;ulier, comme nous l' avons vu, le taux élevé de malnutrition infantile du Niger fait peser une

21

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