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CFMR - Poly de Cours
CFMR - Poly de Cours
CONCEPTS FONDAMENTAUX
DE LA
MECANIQUE DE LA RUPTURE
Abderrahim ZEGHLOUL
2016-2017
Sommaire
Chapitre I – Introduction 1
La rupture est un problème auquel l’homme devra faire face aussi longtemps qu’il
construira des édifices ou fabriquera des structures. Ce problème est de plus en plus
crucial avec le développement, lié aux progrès technologiques, de structures complexes.
Les avancées dans la connaissance de la mécanique de la rupture permettent aujourd’hui
et plus précisément depuis le milieu du 20e siècle, de mieux prévenir le risque de
rupture.
Dans le premier cas, le risque de rupture peut être évité dès lors que la structure est bien
dimensionnée avec un choix de matériaux adaptés, et les chargements correctement
évalués.
1
transport du gaz naturel, facilitent les opérations de maintenance puisque l’intervention
sur ces conduites est opérée sur une faible longueur : on pince le tuyau de part et d’autre
de la zone d’intervention et ainsi, on provoque localement l’arrêt de l’écoulement du
gaz, sans qu’il soit nécessaire d’arrêter tout le système. Cependant, ce nouveau procédé
qui réduit incontestablement le coût de la maintenance, peut engendrer une rupture du
type 2. En effet, des fuites de gaz qui conduisaient parfois à des endommagements
importants apparaissaient régulièrement sur ces conduites. L’examen des zones de fuite
a montré que des fissures se développaient dans la partie pincée de la conduite ; ces
fissures initialement situées à l’intérieur de la paroi se propageaient sous l’effet de la
pression du gaz pour ensuite traverser la paroi et donc conduire à des fuites de gaz. Ces
accidents ne remettaient pas en cause le nouveau procédé de pinçage des conduites de
polyéthylène : l’utilisation de nouvelles nuances de polyéthylène, de densité plus faible,
réduisît ce risque de rupture.
Eviter la rupture n’est pas en soi une idée nouvelle : les concepteurs des structures de
l’Egypte des pharaons ou ceux de l’empire romain nous ont laissé des édifices que l’on
peut encore contempler (pyramides, ponts …). Les matériaux utilisés avant la révolution
industrielle étaient cependant limités pour l’essentiel au bois de construction, à la pierre
ou à la brique et au mortier. La brique et le mortier sont relativement fragiles lorsqu’ils
sont utilisés en traction. Pour ces raisons, toutes ces structures anciennes (pyramides,
ponts romains…) qui ont su résister au temps, étaient chargées en compression - en fait,
toutes les structures de l’époque précédant la révolution industrielle étaient conçues
pour des chargements en compression. Il a fallu attendre la révolution industrielle au
début du 19e siècle, avec l’utilisation de l’acier, pour pouvoir enfin concevoir des
structures capables de résister à des charges de traction. La comparaison des anciens
ponts romains avec les ponts modernes de structure métallique montre bien que les
premiers étaient effectivement chargés en compression alors que les seconds le sont
plutôt en traction.
2
L’utilisation de nouveaux matériaux ductiles (acier et autres alliages métalliques) pour
des chargements en traction conduisit cependant à quelques problèmes. Des ruptures se
produisaient parfois pour des niveaux de charges bien inférieurs à la limite d’élasticité.
Dans un premier temps, ces risques de rupture ont été réduits en surdimensionnant les
structures. Mais cette solution devint insatisfaisante compte tenu des nécessités d’une
part d’alléger de plus en plus les structures, et d’autre part de réduire les coûts. La
recherche en mécanique de la rupture devait donc être développée.
Les premiers essais de rupture ont été menés par Léonard de Vinci (1452-1519) bien
avant la révolution industrielle : il a montré que la résistance à la traction d’un fil de fer
variait inversement avec la longueur de ce fil. Ce résultat suggérait déjà que les défauts
contenus dans le matériau contrôlaient la résistance de celui-ci : plus le volume est
important (fil de fer long) plus la probabilité de présence de fissure est importante.
Cette interprétation qualitative fût précisée plus tard en 1920 par Griffith qui établit une
relation directe entre la taille du défaut et la contrainte de rupture. S’appuyant sur les
travaux d’Inglis, Griffith appliqua l’analyse des contraintes autour d’un trou elliptique à
la propagation instable d’une fissure. Il formula ainsi à partir du premier principe de la
thermodynamique, une théorie de la rupture : un défaut devient instable et conduit à la
rupture lorsque la variation d’énergie liée à une propagation du défaut atteint l’énergie
spécifique du matériau. Cette théorie prédit correctement la relation entre la contrainte
de rupture et la taille du défaut dans les matériaux fragiles. Cependant, dans les
matériaux ductiles et notamment dans les alliages métalliques, l’avancée d’un défaut
s’accompagne d’une importante dissipation d’énergie due à la plastification qui se
développe à l’extrémité d’une fissure, énergie dont la théorie de Griffith ne tient pas
compte (puisqu’elle ne considère que l’énergie de création de surface). Il a fallu attendre
les travaux d’Irwin en 1948 pour que l’approche de Griffith soit applicable aux
matériaux ductiles : Irwin inclut dans le bilan énergétique, l’énergie due à la
plastification.
3
Dès l’instant où la cause des ruptures était clairement identifiée, des plaques en acier de
meilleure ténacité furent fixes près des zones de forte concentration des contraintes pour
arrêter la propagation des fissures. On développa ensuite des aciers de forte ténacité et
on améliora le procédé de soudage ; c’est dans ces années après guerre qu’un groupe de
chercheurs dirigé par Irwin étudia en détail le problème de la rupture au laboratoire
national de recherche de la marine américaine.
Irwin considéra que les outils fondamentaux pour étudier la rupture existaient et proposa
en 1948, une extension de l’approche de Griffith aux matériaux ductiles en y incluant le
terme de dissipation d’énergie due à l’écoulement plastique près des extrémités d’une
fissure. Il développa ensuite en 1956 le concept de taux de restitution d’énergie à partir
toujours de la théorie de Griffith mais sous une forme facilement exploitable par les
concepteurs de structures. En 1957, s’appuyant sur les travaux de Westergaard sur
l’analyse des champs de déplacements et de contraintes élastiques près de l’extrémité
d’une fissure sous chargement donné, Irwin montra que ces déplacements et ces
contraintes pouvaient être décrits à l’aide d’un paramètre unique défini en liaison avec
le taux de restitution d’énergie. Ce paramètre issu de la mécanique linéaire de la rupture,
est le facteur d’intensité des contraintes (FIC).
La période entre 1960 et 1980 vit une intensification des recherches sur la rupture avec
deux écoles concurrentes. D’un coté, les tenants de l’approche par la mécanique linéaire
de la rupture et de l’autre, les partisans de la plastification développée à l’extrémité
d’une fissure. La mécanique linéaire de la rupture cesse d’être valable lorsqu’une
plastification importante précède la rupture. Pour tenir compte de l’effet de cette
plastification sur les champs de contraintes et de déplacements à l’extrémité d’une
fissure, plusieurs auteurs (Irwin, Dugdale et Barenblatt …) proposèrent une « correction
de zone plastique » : la taille de la fissure est alors augmentée de cette zone plastique
pour retrouver les champs de contraintes élastiques décrits par le FIC.
4
l’aide du paramètre J et développèrent une procédure standard pour l’utilisation de cette
intégrale dans des cas pratiques. Shih et Hutchinson proposèrent également une
méthodologie pour utiliser l’intégrale J non seulement pour décrire la ténacité mais
aussi pour la relier à la taille du défaut et au champ des contraintes appliquées. Shih
établit par la suite la relation existant entre l’intégrale J et le CTOD.
Si les recherches en mécanique de la rupture sont restées centrées entre 1960 et 1980 sur
l’effet de la plastification, elles se sont ensuite orientées vers l’étude des comportements
viscoplastique et/ou viscoélastique. Le premier type de comportement se rencontre à
température élevée, lorsque les phénomènes de fluage deviennent importants, alors que
le second type caractérise les matériaux polymères - de plus en plus utilisés dans
l’industrie. L’apparition des nouveaux matériaux composites nécessita également
l’utilisation des concepts de la mécanique linéaire de la rupture pour la description du
comportement de ces matériaux.
Deux approches sont utilisées pour le dimensionnement des structures (cf. figure I.1). La
première, la plus classique, repose sur la limité d’élasticité du matériau σ E , alors que la
seconde s’appuie sur le concept de ténacité K C issu de la mécanique linéaire de la
rupture (MLR).
Contrainte Limite
appliquée d’élasticité
a)
Contrainte
appliquée
Taille du Ténacité
défaut
b)
Figure I.1 : Comparaison de l’approche classique (a) et de l’approche utilisant la MLR (b)
5
Dans le premier cas, les structures sont dimensionnées pour que les contraintes
appliquées σ restent inférieures à la limité d’élasticité ( σ < σ E ). Un coefficient de
sécurité est en général introduit pour prévenir tout risque de rupture fragile ( σ < ασ E
avec α < 1 ). Cette approche, qui est entièrement décrite par les deux variables σ et σ E ,
fait donc abstraction de l’existence d’éventuels défauts sous forme de microfissures par
exemple.
Dans les deux prochaines sections, nous présentons brièvement ces deux études
alternatives pour ensuite, en préciser les hypothèses et en exposer les calculs.
L’approche énergétique est basée sur le postulat suivant : l’extension d’une fissure qui
conduit à la rupture se produit lorsque l’énergie fournie est suffisante pour vaincre la
résistance du matériau. Cette résistance se compose de l’énergie de création de surface,
de l’énergie de plastification de l’extrémité de la fissure, et éventuellement d’autres
types d’énergies dissipatives associées à la propagation d’une fissure.
Griffith fut le premier à proposer un critère d’énergie pour la rupture des matériaux
fragiles, critère ensuite étendu aux matériaux ductiles par d’autres auteurs (dont Irwin et
Orowan).
L’énergie de Griffith notée G (qu’on appelle aussi taux de restitution d’énergie), est
définie en liaison avec la variation d’énergie par unité de surface fissurée, associée à la
propagation d’une fissure dans un matériau linéaire élastique. La rupture se produit
lorsque G atteint une valeur critique GC . Cette valeur est en fait une mesure de la
ténacité du matériau.
Pour une fissure de longueur 2a (figure I.2) dans une plaque de dimensions infinies
(c’est à dire lorsque la longueur de fissure est très petite par rapport aux dimensions de
la plaque dans la plan de chargement) constituée d’un matériau de module d’Young E
et soumise à une contrainte nominale de traction σ ∞ , l’énergie de Griffith G par unité
de surface fissurée est donnée par :
π (σ ∞ ) a
2
G= Ι.1
E
6
σ∞
2a
πσ 2R a
GC = Ι.2
E
Notons que pour une valeur fixée de GC , la contrainte à rupture σ R varie avec 1/ a ;
de même, si les valeurs GC et σ ∞ sont fixées, la longueur de défaut critique aC à
laquelle la rupture se produit, est donnée par :
EGC
aC = Ι.3
π (σ )
∞ 2
La figure I.3 illustre bien la différence entre l’approche classique qui fait abstraction de
l’existence d’une fissure (le critère de rupture est σ ∞ = σ E ) et l’approche par la MLR
qui prend en compte la présence de la fissure ( σ ∞ proportionnelle à 1 a ). La zone de
non rupture située sous les deux courbes représentant les approches précédentes qui
montre chacune des deux zones limitées par la longueur de défaut a0 , correspond à une
approche particulière.
7
limite d’élasticité où la contrainte joue le rôle de force motrice dans un matériau dont la
résistance à la déformation plastique est donnée par la limite d’élasticité σ E .
Contrainte 1
à rupture σ ∞α
a
σ∞ =σE
La figure I.4 schématise l’ensemble des contraintes appliquées sur un élément centré en
un point M de coordonnées polaires (r , θ ) par rapport à l’extrémité d’une fissure
sollicitée en mode d’ouverture ou mode I.
Ces contraintes, pour le mode d’ouverture ou mode I indiqué sur la figure I.2, sont
décrites par les relations suivantes :
σ xx =
KI FG 1 − sin θ sin 3θ IJ
θ
2H 2K
cos
2πr 2
θF θ 3θ I
cos G 1 + sin sin J
K
σ yy = Ι.4
2H 2K
I
2πr 2
KI θ θ 3θ
τ xy = cos sin cos
2πr 2 2 2
8
Ces relations peuvent s’écrire sous la forme condensée suivante :
KI
σ ij = f ij (θ ) Ι.5
2πr
y σ yy
τ xy
σ xx
r
θ x
Les formules de calcul du FIC K I , que l’on peut trouver dans les manuels spécialisés,
sont établies pour différentes configurations de chargement,. Dans le cas décrit par la
figure I.2, le facteur KI est donné par :
K I = σ ∞ πa Ι.6
2
K I2 K IC
GI = et GIC = Ι.7
E E
Dans l’approche basée sur le concept de FIC de la MLR, la rupture se produit lorsque le
FIC K I atteint la valeur critique K IC - cette valeur correspond en fait à la ténacité du
matériau. Dans cette approche, le coefficient K I est la force motrice dans un matériau
dont la résistance à la rupture est caractérisée par la ténacité K IC . Le principe de
similitude est supposé vérifié comme dans le cas de l’approche énergétique.
Les deux démarches sont équivalentes, via les relations I.7, pour un matériau dont le
comportement est linéaire élastique.
La MLR permet le calcul de la durée de vie d’une structure soumise à des sollicitations
cycliques (phénomène de fatigue) ou sujette à des effets de corrosion sous tension,
puisque dans ce cas :
9
- la vitesse de propagation des fissures est caractérisée par un paramètre tel que le
FIC,
- et la taille critique de défaut à ne pas dépasser est directement liée à la ténacité
du matériau.
Par exemple, pour la fissuration par fatigue des alliages métalliques, la propagation de
fissure da/dN est généralement représentée par la relation empirique de Paris :
da
dN
b g
= C ∆K
m
Ι.8
Parce que les structures contiennent inévitablement des défauts de type fissure, défauts
en général inhérents aux procédés même de fabrication des composants, leurs
dimensions sont choisies de sorte que ces défauts ne puissent atteindre la taille critique
conduisant à la rupture brutale : il s’agit du concept de tolérance au dommage. La MLR
fournit les outils nécessaires pour déterminer cette taille critique (relation I.3) et suivre
la propagation de la fissure (relation I.8).
L’évolution au cours du temps (cf. figure I.5) de la taille d’un défaut (de type fissure de
fatigue ou de corrosion sous tension) illustre bien le concept de tolérance au dommage.
Taille du
défaut Rupture
brutale
Durée de vie en
Longueur service
admissible
a0
Temps
10
critique. La durée de vie de la structure est alors déterminée en calculant le temps
nécessaire pour que la longueur de défaut passe de a0 à la longueur admissible.
-La mécanique dynamique de la rupture (MDR), linéaire ou non linéaire, pour les
métaux sollicités à grandes vitesses de déformation – dans ces conditions, le
comportement peut aussi être viscoplastique.
Remarques
Considérons à présent, une plaque fissurée chargée jusqu’à rupture. La figure I.6
schématise la variation de la contrainte à rupture en fonction de la ténacité du matériau.
- Pour les matériaux à faible ténacité où la contrainte à rupture varie linéairement avec
le K IC (relation I.6), la rupture fragile est le principal mécanisme qui gouverne la
ruine de la structure. C’est la MLR qui décrit donc le mieux ce genre de
comportement.
11
- Pour les matériaux à très haute ténacité, la MLR n’est plus valable puisque les
propriétés d’écoulement du matériau gouvernent le mécanisme de rupture. Une
simple analyse de chargement limite permet alors de dimensionner les structures.
- Pour les matériaux à ténacité intermédiaire, la MNLR est souvent appliquée.
Contrainte
σ∞
à rupture
Analyse de 2a
chargement
MLR MNLR limite
Ténacité KIC
- La figure I.7a représente une fissure de bord de très petite dimension par rapport
à celles de la plaque : le problème est donc traité comme un problème en milieu
infini. La plaque est conçue dans un matériau dont le comportement est linéaire
élastique, de module d’Young E et de coefficient de Poisson υ .
12
Dans le cas le plus général, les contraintes σ ij en un point de coordonnées polaires
(r , θ ) par rapport à l’extrémité de la fissure, seront représentées par une fonction de
type :
σ ij = f (σ ∞ , σ E , E ,υ , a, r , L, rp , θ ) Ι.9
σ∞ σ∞ σ∞
L>>a L L
a a a
Zone
plastique
de taille rp
a) b) c)
σ ij = f1 (σ ∞ , E ,υ , a, r ,θ ) Ι.10
σ ij E r
∞ = F1 ( ∞ , ,υ , θ ) Ι.11
σ σ a
σ ij E r L
∞ = F2 ( ∞ , , , υ , θ ) Ι.12
σ σ a a
σ ij E σ E r L rp
∞ = F3 ( ∞ , ∞ , , , ,υ , θ ) Ι.13
σ σ σ a a a
13
où σ E et rp sont les deux autres variables additionnelles.
14
Chapitre II Elasticité plane en variables complexes
II.1 Introduction
Lorsqu'on étudie l'équilibre d'un solide élastique soumis à des forces ou des
déplacements sur sa surface, et à des forces de volume, on cherche à déterminer en
chaque point les contraintes et les déformations. Ces grandeurs s’expriment dans le cas
d’un solide par des tenseurs que l’on écrit sous forme matricielle. Ceux-ci sont
déterminés à partir des différentes relations qui lient les contraintes, les déformations et
les déplacements.
Cette démarche conduit à un système d'équations aux dérivées partielles qu'il s’agit
d'intégrer en tenant compte des conditions aux limites exprimées en termes de force
et/ou de déplacements sur la surface du matériau solide.
Les différentes relations dont on dispose sont les équations statiques exprimant
l’équilibre en volume et en surface, les équations géométriques définissant les
déformations et celles exprimant la compatibilité de ces déformations, et enfin les
équations de comportement données par la loi linéaire de Hooke pour la plupart des
matériaux métalliques sollicités dans le domaine élastique.
a- Equilibre en volume
→
div σ + f = 0
Cette égalité vectorielle s’écrit dans le système des coordonnées cartésiennes que l’on
considérera dans toute la suite :
σ ij , j + f i = 0 II.1
15
b- Equilibre sur les surfaces (conditions aux limites)
T ( P, n ) = F ( P ) ou σ ij n j = Fi II.2
u ( P) = U ( P) ou ui = U i II.3
avec
T ( P, n ) le vecteur contrainte en un point P de la surface du solide et n la normale
extérieure en P ;
F ( P ) la densité superficielle des forces appliquées sur la surface considérée ;
u ( P ) le champ des déplacements en un point quelconque du solide ;
U ( P ) le déplacement imposé au point P de la surface.
1 → t → 1
ε= ( grad u + grad u ) ou ε ij = (ui , j + u j ,i ) II.4
2 2
b- Equations de compatibilité
Six équations obtenues par permutation circulaire des indices (ijkl ) = (1212), (1213) .
σ = 2 µε + λeI
ou σ ij = 2 µε ij + λ eδ ij II.6
16
1+υ υ
ε ij = σ ij − sδ ij II.7
E E
E υE
µ= et λ = II.8
2 (1 + υ) (1 + υ )(1 − 2υ )
1+υ υ 1+υ υ E
ε ij = σ ij − sδ ij , soit e = ε kk = s − 3s ⇒ s = σ kk = e
e E E E 1 − 2υ
1+ υ υ E
I.7 devient alors ε ij = σij − . eδ ij
E E 1 − 2υ
soit :
E υE
σ ij = ε ij + eδ ij , d'où les relations I.8.
1+υ (1 + υ )(1 − 2υ )
2µ λ
σ ij = µ (ui , j + u j ,i ) + λ uk ,k δ ij
µ ( ui , j + u j ,i ), j + λ ( uk ,k δ ij ), j + f i = 0
µ ( ui , jj + u j ,ij ) + ( λuk ,ki ) + f i = 0
soit
( λ + µ ) u j , ji + µui , jj + f i = 0
∂e
(λ + µ ) + µ∆ui + f i = 0 II.9
∂ xi
17
∂ 2i ∂ 2i ∂ 2i ∂ 2i ∂ 2i ∂ 2i
où ∆ i= + + qui peut s’écrire aussi ∆ i = + + , est le laplacien
∂ x12 ∂ x22 ∂ x32 ∂ x2 ∂ y 2 ∂ z 2
et e = ε jj = u j , j la trace du tenseur ε .
Les relations II.9 sont appelées équations de Lamé-Navier ; elles permettent de résoudre
un problème d’élasticité en termes de déplacements.
Les relations permettant de trouver la solution en termes de contraintes vont être
établies au paragraphe suivant qui traite des états plans en élasticité.
Un état est dit plan si l'un des axes de référence est principal. On examinera deux cas
principaux : état de contraintes planes ou état de déformations planes.
L'état élastique d'un solide est un état de contraintes planes (par rapport au plan x,y),
si on a en tout point M du matériau :
σ xx σ xy 0
σ ( M )( x , y , z ) = σ xy σ yy 0 σ = σ ( x, y) ne dépend que de x et y.
0 0 0
C'est sensiblement l'état que l'on rencontre dans les structures minces planes, telles que
des plaques chargées dans leur plan.
Dans ces conditions, on a s = trace σ = σ x + σ y , et la loi de Hooke II.7 donne pour les
composantes non nulles du tenseur des déformations :
ε xx =
1
(σ xx − υσ yy ) 2 µε xx =
1
1+υ
( σ xx − υσ yy )
E
ε = 1 (σ − υσ )
yy E yy xx
2 µε yy =
1
1+υ
(σ yy − υσ xx )
⇔ II.10a
ε = 1+υ σ 2 µε xy = σ xy
xy
E
xy
υ
ε zz = − (σ xx + σ yy ) υ
2 µε zz = − (σ xx + σ yy )
E 1+υ
18
II.3.2 Etat de déformations planes
ε xx ε xy 0
ε ( M )( x , y , z ) = ε xy ε yy 0 ε = ε ( x , y )
0 0 0
Cet état de déformations planes existe dans les structures épaisses planes chargées dans
leur plan.
1+υ
ε xx = E ( (1 − υ )σ xx − υσ yy )
2 µε xx = (1 − υ )σ xx − υσ yy
1+υ
ε yy =
E
( (1 − υ )σ yy − υσ xx ) ⇔ 2 µε yy = (1 − υ )σ yy − υσ xx II.10b
1+υ 2 µ = σ xy
ε xy = σ xy
E
Conditions d'équilibre
∂σ xx ∂σ xy
+ +X =0
∂x ∂y
II.11
∂σ xy ∂σ yy
+ +Y = 0
∂x ∂y
19
Equations de compatibilité
∂ 2ε xx ∂ ε yy ∂ 2ε xx
2
+ − 2 =0
∂y 2 ∂x 2 ∂x∂y
II.12
∂ ε zz ∂ ε zz ∂ ε zz
2 2 2
= = =0
∂x 2 ∂y 2 ∂x∂y
∂2 ∂2 ∂ σ xy2
∂y 2 ( σ xx − υσ yy ) +
∂x 2 ( yy
σ − υσ xx ) = 2(1 + υ )
∂x∂y
∂ 2i ∂ 2i
soit en introduisant le laplacien ∆i= + pour les états plans
∂ x2 ∂ y 2
∂ 2σ xx ∂ σ yy2
∂ σ yy 2
∂ 2σ xx ∂ σ xy 2
∆σ xx − − υ + ∆ σ − − υ = 2(1 + υ )
∂x 2 ∂y 2 ∂y 2 ∂x 2 ∂x∂y
yy
∂ 2σ xx ∂ 2σ yy ∂ 2σ xy
∆ (σ xx + σ yy ) − (1 + υ ) + = 2(1 + υ )
∂x ∂y 2 ∂x∂y
2
∂ 2σ xx ∂ σ yy ∂ 2σ xy ∂X ∂ 2σ xy ∂Y
2
∂X ∂Y
∆ (σ xx + σ yy ) + (1 + υ ) + =0 II.13a
∂x ∂y
∂2 ∂2 ∂ σ xy
2
∂y 2
( (1 − υ )σ xx − υσ yy ) +
∂x 2
( (1 − υ )σ yy − υσ xx ) = 2
∂x∂y
∂ 2σ xx ∂ 2σ yy ∂ 2σ yy ∂ 2σ xx ∂ 2σ xy
(1 − υ ) ∆σ xx − −υ + (1 − υ ) ∆σ yy − − υ =2
∂x 2 ∂y 2 ∂y 2 ∂x 2 ∂x∂y
20
∂ 2σ xx ∂ 2σ yy ∂ 2σ xy
(1 − υ )∆ (σ xx + σ yy ) − + = 2
∂x 2 ∂y 2 ∂x∂y
∂ 2σ xx ∂ σ yy ∂ 2σ xy ∂X ∂ 2σ xy ∂Y
2
1 ∂X ∂Y
∆ (σ xx + σ yy ) + + =0 II.13b
1 − υ ∂x ∂y
Les relations II.13a et II.13b permettent de résoudre les problèmes d’élasticité plane en
termes de contraintes. Celles-ci sont les inconnues, alors que les composantes X et Y des
forces de volume sont les données. La méthode d’Airy utilisée pour cette résolution
considère que les forces de volume dérivent d’un potentiel, c'est-à-dire qu’il existe une
fonction V ( x, y ) tel que :
∂V ∂V
f = − grad V soit X = − et Y = −
∂x ∂y
∂ ∂σ
(σ xx − V ) + xy = 0
∂x ∂y
∂ ∂σ
∂y
( σ yy − V ) + xy = 0
∂x
∂G ∂G
σ xx − V = et σ xy = −
∂y ∂x
∂H ∂H
σ yy − V = et σ xy = −
∂x ∂y
∂G ∂H
Les deux expressions de σ xy impliquent que = , ce qui est toujours vrai si :
∂x ∂y
∂A ∂A
G= et H =
∂y ∂x
soit en définitive :
21
∂2 A
σ xx − V =
∂y 2
∂2 A
σ yy − V = II.14
∂x 2
∂2 A
σ xy = −
∂x∂y
∂ 2V ∂ 2V
∆ ( ∆A + 2V ) + (1 + υ ) − 2 − 2 =0
∂x ∂y
soit
∆(∆A) + (1 − υ )∆V = 0 II.15a
et
1 ∂ 2V ∂ 2V
∆ ( ∆A + 2V ) + − − =0
1 − υ ∂x 2 ∂y 2
soit
1 − 2υ
∆(∆A) + ∆V = 0 II.15b
1 −υ
Les forces de volume sont en général soit négligées (structures dont le poids intervient
peu sur les contraintes mises en jeu) auquel cas V = 0 , soit correspondent aux forces de
la pesanteur dans les structures pesantes (ponts, barrage…), qui s’expriment par :
f = ρg
En choisissant un repère de calcul tel que l’axe y soit la verticale ascendante par
exemple, on a alors :
f = − ρ gy = − grad V
d’où
V = V ( y ) = ρ gy + V0 et ∆V = 0
Dans ces conditions, les égalités II.15a et II.15b se réduisent à une relation unique :
∆ (∆A) = 0 II.16
22
Une fonction dont le laplacien est nul est dite harmonique et une fonction dont le
laplacien du laplacien est nul est dite bi harmonique.
La relation II.16 montre que la résolution d’un problème d’élasticité plane revient à
trouver une fonction d’Airy A = A( x, y ) bi harmonique.
Les polynômes de degré inférieur ou égal à trois sont des exemples de fonctions bi
harmoniques simples. Les polynômes de degré trois permettent de résoudre les
problèmes où les contraintes sont des fonctions linéaires de x et ou de y, comme celles
qui existent dans une poutre chargée en flexion simple par exemple.
α = α ( x, y ) = Re f ( z )
f ( z ) = α + i β avec z = x + iy et
β = β ( x, y ) = Im f ( z )
f ( z ) = f ( z ) = α − iβ
df ∂f ∂f
f '( z ) = = = −i
dz ∂x ∂y
∂α ∂β ∂α ∂β
+i = −i +
∂x ∂x ∂y ∂y
soit
∂α ∂β
= (1)
∂x ∂y
∂α ∂β
=− (2)
∂y ∂x
23
Les conditions (1) et (2) sont appelées conditions de Riemann-Cauchy.
∆α = ∆β = 0
Les parties réelle et imaginaire d’une fonction analytique sont donc harmoniques.
Inversement, toute fonction harmonique peut être considérée comme partie réelle ou
imaginaire d’une fonction analytique.
• Si f ( z ) est une fonction analytique, ses dérivées et ses primitives successives le sont
aussi.
Les fonctions einz , z n et ln z sont analytiques. Leurs parties réelle et imaginaire qui
sont des fonctions harmoniques, peuvent être déterminées.
df ∂f df ∂f df
= ineinz , = inein ( x + iy ) = et = − nein ( x +iy ) = i
dz ∂x dz ∂y dz
f ( z ) = e = e e = e ( cos nx + i sin nx )
inz inx − ny − ny
En échangeant n en –n, on voit que eny cos nx et eny sin nx sont également harmoniques.
Il en résulte que :
sinh ny sin nx , cosh ny sin nx , sinh ny cos nx et cosh ny cos nx , obtenues par
combinaison linéaire des fonctions harmoniques précédentes, sont également
harmoniques. Les fonctions sinh et cosh , appelés respectivement sinus et
cosinus hyperboliques, sont définies par :
e ny − e− ny e ny + e− ny
sinh ny = et cosh ny =
2 2
• f ( z ) = z n = ( x + iy )
n
24
df ∂f df ∂f df
= n ( x + iy ) = = in ( x + iy ) = i
n −1 n −1
= nz n −1 , et
dz ∂x dz ∂y dz
f ( z ) = z n = ( reiθ ) = r n einθ = r n (cos nθ + i sin nθ )
n
∂ 2 i 1 ∂i 1 ∂ 2 i
Le laplacien en coordonnées polaires est donné par ∆i= + +
∂r 2 r ∂r r 2 ∂θ 2
• f ( z ) = ln z = ln ( x + iy )
df 1 ∂f 1 df ∂f i df
= , = = et = =i
dz z ∂x x + iy dz ∂y x + iy dz
f ( z ) = ln z = ln ( reiθ ) = ln r + iθ
Lorsque A( x, y ) est une fonction d’Airy associée à un problème d’élasticité plane, elle
vérifie la condition [I.16], soit :
∆(∆A) = 0
f ( z ) = P + iQ
∂P ∂Q ∂P ∂Q
= et =−
∂x ∂y ∂y ∂x
∂P ∂P
Q = ∫ dQ = ∫ − dx + dy
∂y ∂x
25
1
• Si de plus on pose ϕ ( z ) = f ( z )dz = p + iq , ϕ ( z ) est alors analytique puisque
4∫
l’intégrale d’une fonction analytique l’est aussi.
∂p ∂q
∆p = ∆q = 0 avec P = 4 =4 = ∆A .
∂x ∂y
∂p1 ∂A ∂p ∂q ∂ 2 p1 ∂ 2 A ∂p ∂2 p ∂2q
= − p−x − y , = 2 −2 −x 2 − y 2
∂x ∂x ∂x ∂x ∂x 2 ∂x ∂x ∂x ∂x
∂p1 ∂A ∂p ∂q ∂ p1 ∂ A
2 2
∂ p
2
∂q ∂2q
= −x −q− y , = − x − 2 − y
∂y ∂y ∂y ∂y ∂y 2 ∂y 2 ∂y 2 ∂y ∂y 2
∂p ∂q
∆p1 = ∆A − x ∆p − y ∆y − 2 + = ∆A − P = 0
∂x ∂y
P
p1 ( x, y ) étant harmonique, on peut lui associer une fonction analytique χ ( z ) telle que :
χ ( z ) = p1 + iq1
A( x, y ) = p1 + xp + yq
A( x, y ) = Re [ z ϕ ( z ) + χ ( z ) ] II.17a
ou
1
A( z , z ) = [ z ϕ ( z ) + zϕ ( z ) + χ ( z ) + χ ( z )] II.17b
2
26
Lorsqu’on passe du couple des variables ( x, y ) aux couples de variables ( z , z ) avec
z+z z−z
x= et y = , les dérivations par rapport à z et z sont données par :
2 2i
∂ i ∂ i ∂x ∂ i ∂y 1 ∂ i ∂i
= + = −i
∂z ∂x ∂z ∂y ∂z 2 ∂x ∂y
∂ i ∂ i ∂x ∂ i ∂y 1 ∂ i ∂i
= + = +i
∂z ∂x ∂z ∂y ∂z 2 ∂x ∂y
∂2 A ∂2 A ∂2 A
σ xx = , σ = et σ = −
∂y 2 ∂x 2 ∂x∂y
yy xy
soit
∂2 A ∂2 A
σ yy + σ xx = 2 + 2 = ∆A II.18a
∂x ∂y
∂2 A ∂2 A ∂2 A
σ yy − σ xx + 2iσ xy = − − 2i II.18b
∂x 2 ∂y 2 ∂x∂y
∂ 2 A ∂ 2 A ∂ ∂A ∂A ∂ ∂A ∂A
σ yy + σ xx = + 2 = −i +i −i
∂x 2
∂y ∂x ∂x ∂y ∂y ∂x ∂y
∂ ∂ ∂A ∂A ∂2 A
σ yy + σ xx = + i − i = 4
∂x ∂y ∂x ∂y ∂z∂z
La relation II.18b peut également s’exprimer à partir des dérivées des potentiels
complexes ϕ ( z ) et χ ( z ) :
∂2 A ∂2 A ∂2 A ∂ ∂ ∂A ∂A ∂2 A
σ yy − σ xx + 2iσ xy = 2 − 2 − 2i = − i −i = 4 2
∂x ∂y ∂x∂y ∂x ∂y ∂x ∂y ∂z
27
σ yy − σ xx + 2iσ xy = 2 [ z ϕ ''( z ) + χ ''( z )] II.19b
On peut tirer de II.19a et II.19b, d’autres relations qui s’avèrent parfois utiles :
Les déplacements sont déterminés par intégration des déformations. Ce calcul est
effectué pour les deux états plans étudiés.
2 µε xx = (1 − υ )σ xx − υσ yy = (1 − υ ) (σ xx + σ yy ) − σ yy
2 µε yy = (1 − υ )σ yy − υσ xx = (1 − υ ) (σ xx + σ yy ) − σ xx
soit
∂u x ∂2 A ∂p ∂ 2 A
2 µε xx = 2 µ = (1 − υ )∆A − 2 = 4(1 − υ ) − 2
∂x ∂x ∂x ∂x
∂u y ∂ A
2
∂q ∂ 2 A
2µε yy = 2µ = (1 − υ )∆A − 2 = 4(1 − υ ) − 2
∂y ∂y ∂y ∂y
∂A
2 µ u x = 4(1 − υ ) p − + α ( y)
∂x
∂A
2 µ u y = 4(1 − υ )q − + β ( x)
∂y
∂A ∂A ∂A
2 µ ( u x + iu y ) = 4(1 − υ ) ( p + iq ) − + i = 4(1 − υ )ϕ ( z ) − 2
∂x ∂y ∂z
soit
2 µ ( u x + iu y ) = (3 − 4υ )ϕ ( z ) − zϕ '( z ) − χ '( z ) II.20a
28
a- Etat de contraintes planes ( σ xz = σ yz = σ zz = 0 )
2 µε xx =
1
1+υ
( σ xx − υσ yy ) =
1
1+υ
(σ xx + σ yy ) − σ yy
2 µε yy =
1
1+υ
( σ yy − υσ xx ) =
1
1+υ
(σ xx + σ yy ) − σ xx
soit
∂u x 1 ∂2 A 4 ∂p ∂ 2 A
2 µε xx = 2 µ = ∆A − 2 = −
∂x 1 + υ ∂x 1 + υ ∂x ∂x 2
∂u 1 ∂2 A 4 ∂q ∂ 2 A
2µε yy = 2µ y = ∆A − 2 = −
∂y 1 + υ ∂y 1 + υ ∂y ∂y 2
∂A
2 µ ( u x + iu y ) =
4 4
ϕ ( z) − 2 = ϕ ( z ) − ϕ ( z ) − zϕ '( z ) − χ '( z )
1+υ ∂z 1 + υ
soit
3 −υ
2 µ ( u x + iu y ) = ϕ ( z ) − zϕ '( z ) − χ '( z ) II.20b
1+υ
Les relations II.20a et II.20b sont généralement regroupées en une seule relation :
avec
κ = 3 − 4υ pour un état de déformations planes
3 −υ
κ= pour un état de contraintes planes
1+υ
Considérons un arc BC orienté de B vers C dans une plaque (figure II.1 ci-dessous où
(x,y) est le plan de la plaque).
T P , n = σ n = ( X n , Yn )
→
→ →
29
Figure II.1
dy dx
Comme cosα = et sin α = − , les expressions de X n et Yn deviennent :
ds ds
d ∂ Α d ∂ Α
Xn = et Yn = − II.21
ds ∂ y ds ∂ x
→
• La résultante par unité d'épaisseur F : ( X , Y ) sur l'arc BC, est donnée par :
→ C → →
F = ∫ T P, n ds
B
soit
C C
X = ∫ X n ds et Y = ∫ Yn ds
B B
d'où
C C
∂ Α ∂ Α ∂ Α ∂ Α ∂ Α
X + iY = ∫ ( X n + iYn )ds = ∫ d
C C
−i = −i +i = −2i
B B
∂y ∂x ∂ x ∂ y B ∂ z B
() ()
C
X + iY = −i ϕ ( z ) + zϕ ' z + χ ' z II.22
B
• Le moment résultant par unité d'épaisseur en un point O, des efforts s’exerçant sur
l'arc BC, s'écrit :
→ C → →
→
M = ∫ OP ∧ T P, n ds = (0,0, M ) avec
B
30
C ∂ Α ∂ Α
M = ∫ ( xYn − yX n )ds = ∫ − xd
C
− yd
B B
∂ x ∂ y
M = [ Α] B − x +y
C
∂x ∂ y B
∂Α ∂Α ∂ Α ∂ Α
x +y = Re ( x + iy ) −i
∂x ∂ y ∂ x ∂ y
∂ Α
= Re 2 z
∂z
{ () }
= Re z zϕ ' ( z ) + ϕ z + χ ' ( z )
M = Re χ ( z ) − z χ ' ( z ) − z z ϕ ' ( z )
C
II.23
B
u ( M ) = u x x + u y y + u3 x3
u ( M ) = uα α + uβ β + u3 x3
31
u x = uα cos θ − uβ sin θ
u y = uα sin θ + uβ cos θ
soit
u x + iu y = uα (cos θ + i sin θ ) + iuβ (cos θ + i sin θ ) = ( uα + iuβ ) eiθ
y
β
u (M )
α
M θ
x3
α = constante
β = constante
θ
O x
Figure II.2
cos θ − sin θ 0
P : sin θ cos θ 0
0 0 1
det P = 1 et P −1 = t P
32
T ( M , n )( x , y , x3 ) = P ⋅ T ( M , n )(α , β , x )
3
Ce vecteur s’exprime en fonction du tenseur des contraintes σ , dans les deux repères
considérés, par :
T ( M , n )( x , y , x3 ) = σ ( x , y , x3 ) ⋅ n( x , y , x3 ) (1)
T ( M , n )(α , β , x ) = σ (α , β , x ) ⋅ n(α , β , x ) (2)
3 3 3
La relation (2) ci-dessus peut être réécrite dans le repère (O; x , y, x3 ) en utilisant la
matrice de passage P :
T ( M , n )(α , β , x ) = P −1 ⋅ T ( M , n )( x , y , x3 ) = σ (α , β , x ) ⋅ P −1 ⋅ n( x , y , x3 )
3 3
soit
T ( M , n )( x , y , x3 ) = P ⋅ σ (α , β , x ) ⋅ P −1 ⋅ n( x , y , x3 )
3
σ ( x , y , x ) = P ⋅ σ (α , β , x ) ⋅ P −1
3 3
(3)
σ xx σ xy 0 σ αα σ αβ 0
avec σ ( x , y , x3 ) = σ xy σ yy 0 et σ (α , β , x3 ) = σ αφ σ ββ 0
0 0 σ 3 0 0 σ 3
On a d’une part :
σ xx + σ yy = σ αα + σ ββ
et d’autre part, en utilisant les identités sin 2θ = 2sin θ cos θ , cos 2θ = cos 2 θ − sin 2 θ ,
1 + cos 2θ 1 − cos 2θ
cos 2 θ = et sin 2 θ = , les expressions précédentes des composantes
2 2
σ xx , σ yy et σ xy , deviennent :
33
1 + cos 2θ 1 − cos 2θ
σ xx = σ αα + σ ββ − σ αβ sin 2θ
2 2
1 − cos 2θ 1 + cos 2θ
σ yy = σ αα + σ ββ + σ αβ sin 2θ
2 2
sin 2θ
σ xy = (σ αα − σ ββ ) + σ αβ cos 2θ
2
d’où
σ yy − σ xx + 2iσ xy = σ ββ (cos 2θ − i sin 2θ ) − σ αα (cos 2θ − i sin 2θ )
+ 2iσ αβ (cos 2θ − i sin 2θ )
soit
σ yy − σ xx + 2iσ xy = (σ ββ − σ αα + 2iσ αβ ) e −2iθ
Les relations II.19a et II.19b exprimant les composantes du tenseur des contraintes en
fonction des potentiels complexes ϕ ( z ) et χ ( z ) , deviennent donc :
σ αα + σ ββ = σ xx + σ yy = 4 Re [ϕ '( z ) ] II.25a
σ ββ − σ αα + 2iσ αβ = 2e2 iθ [ z ϕ ''( z ) + χ ''( z )] II.26b
Remarque
dz
z = f (ζ ) et = f '(ζ )
dζ
On montre facilement que f '(ζ ) = f '(ζ ) eiθ , autrement dit, l’argument de f '(ζ )
est égal à l’angle θ que font entre eux les deux repères associés respectivement
aux coordonnées ( x, y ) et (α , β ) .
f '(ζ )
= e 2iθ II.27
f '(ζ )
34
Résumé des principaux résultats du chapitre
1
A( x, y ) = Re [ z ϕ ( z ) + χ ( z )] = [ z ϕ ( z ) + zϕ ( z ) + χ ( z ) + χ ( z )]
2
La recherche de la fonction d’Airy revient donc à trouver ces potentiels complexes. Les
composantes du tenseur des contraintes et du vecteur déplacement sont alors
déterminées par les relations suivantes :
3 −υ
avec κ = 3 − 4υ ou κ = selon qu’on est en présence d’un état de déformations
1+υ
planes ou d’un état de contraintes planes.
35
Chapitre III Concentration des contraintes près des entailles
III.1 Introduction
Les calculs de dimensionnement des structures sont principalement basés sur la théorie
de l’élasticité. Lorsque la limite d’élasticité est dépassée, des déformations plastiques se
développent, ce qui nécessite l’utilisation des théories plus compliquées de la plasticité.
Cependant, la fatigue des matériaux ou encore la corrosion sous tension, se produisent
le plus souvent à des niveaux de contrainte relativement bas où la théorie de l’élasticité
est applicable.
Dans les structures, des entailles géométriques dues à des changements brusques de
section (épaulements, gorge, cannelure, orifice de lubrification …) sont souvent
inévitables compte tenu de leur rôle fonctionnel. Au voisinage de ces incidents de
forme, les répartitions des contraintes sont inhomogènes et conduisent à des
concentrations de contraintes : la figure III.1 illustre ces concentrations où l’on observe
que la contrainte atteinte à la racine du trou est bien plus élevée que la contrainte
nominale σ nom de traction appliquée à la plaque.
σ nom
σ nom
σ nom
Figure III.1 Répartition des contraintes autour d’un trou dans une plaque
σ max
Kt = III.1
σ nom
36
La sévérité de la concentration de contraintes dépend de la géométrie et de la
configuration de l’entaille. Lorsqu’on conçoit une structure, on cherche à réduire autant
que possible les concentrations de contraintes pour éviter notamment les problèmes de
rupture par fatigue. Ce chapitre traite des différents aspects des concentrations des
contraintes et des effets de la géométrie sur le facteur K t : c’est l’une des questions
fondamentales pour le dimensionnement en fatigue des structures. Le chapitre
commence par la détermination théorique de ce facteur en s’appuyant sur les résultats
du chapitre précédent.
Considérons une plaque avec un trou elliptique central, très petit par rapport aux
dimensions de la plaque (figure III.2a).
a- b-
qui présente l’avantage de décrire à la fois les contours elliptiques et les contours de
forme hyperbolique (figure III.2b) selon que l’on maintient constante la variable α ou
la variable β .
37
- pour α = α 0
- pour β = β 0
2a = 2c cosh α 0
y
x
2b = 2c sinh α 0 α
β
θ
Ellipses α i > α 0
Foyers distants de 2c
Ellipse α 0 Hyperboles βi
38
A partir des relations III.2, on définit le complexe :
et
dz dζ 1
= f '(ζ ) = c sinh ζ ; =
dζ dz c sinh ζ
f '(ζ ) sinh ζ
e2 iθ = = où θ est l’angle ( x , α )
f '(ζ ) sinh ζ
La figure III.4 représente une plaque uniformément chargée, autrement dit, la contrainte
σ ∞ appliquée à la plaque est perpendiculaire en tout point à ses extrémités. Cette plaque
est percée d’un très petit trou elliptique. On utilise les résultats du chapitre précédent
pour déterminer les potentiels complexes ϕ ( z ) et χ ( z ) associés à cette configuration de
chargement.
σ∞
y
ρ
σ∞ x σ∞ i A' 2b Ai
2a
σ∞
39
• Les conditions limites aux bords de la plaque, c'est-à-dire à l’infini compte tenu de la
taille importante de la plaque comparée à celle du trou elliptique, sont données par :
σ x∞ = σ y∞ = σ ∞ et σ xy∞ = 0
σ y∞ + σ x∞ = 2σ ∞ = 4 Re [ϕ '( z )]∞
et
σ y∞ − σ x∞ + 2iσ xy∞ = 0 = 2 ( z ϕ ''( z ) + χ ''( z ) )∞
2 Re [ϕ '( z )]∞ = σ
∞
• Les conditions limites aux extrémités du trou elliptique, c'est-à-dire pour α = α 0 , sont
données par :
σ α )α =α = σ αβ )α =α = 0 quelque soit β ,
0 0
d’où
(ϕ '( z ) + ϕ '( z ) )α =α 0
− e 2iθ ( z ϕ ''( z ) + χ ''( z ) )α =α = 0
0
III.3b
Comme, par raison de continuité, les composantes des contraintes doivent être
périodiques et de période 2π par rapport à β , les solutions ϕ ( z ) et χ ( z ) doivent avoir
des formes qui engendrent cette périodicité. De telles formes sont :
On pourra vérifier que les parties réelles et imaginaires de ces fonctions analytiques
sont harmoniques.
40
à l’infini), l’entier n doit rester inférieur à un ( n ≤ 1 ) pour ϕ ( z ) et inférieur à deux
( n ≤ 2 ) pour χ ( z ) . Les solutions ont donc la forme générale suivante :
z = c cosh ζ
ϕ ( z ) = A0ζ + A1 sinh ζ + A2 cosh ζ III.4
χ ( z ) = B ζ + B sinh ζ + B cosh ζ + B sinh 2ζ + B cosh 2ζ
0 1 2 3 4
Dans le cas de la plaque chargée uniformément et percée d’une petite entaille elliptique,
les solutions ϕ ( z ) et χ ( z ) ont été proposées par KOLOSOFF en 1913. Seuls les termes
A1 et B0 sont non nuls, et cet auteur présente les solutions sous la forme :
ϕ ( z ) = Ac sinh ζ ( A1 = Ac ) réel
χ ( z ) = Bc 2ζ ( B0 = Bc 2 ) réel
σ∞
A=
2
41
D’où finalement ( A cosh 2α 0 + B ) cosh ζ = 0 et donc :
σ∞
B = − A cosh 2α 0 = − cosh 2α 0
2
σ ∞c σ ∞ c 2 cosh 2α 0
ϕ ( z) = sinh ζ et χ ( z) = − ζ
2 2
La contrainte maximale σ βmax est atteinte à l’extrémité A (ou A’) de l’entaille (figure 4),
c'est-à-dire pour α = α 0 et β = 0 en A, soit ζ = α 0 . Comme la contrainte σ α )α =α est
0
cosh α 0 a
σ βmax = 4 Re [ϕ '( z ) ]ζ =α = 2σ ∞ = 2σ ∞
0
sinh α 0 b
σ max σ β
max
a
Kt = = ∞ =2 III.5a
σ nom σ b
ρ
Kt = 2 III.5b
a
Pour un trou circulaire, le facteur K t vaut 2 et il tend vers l’infini lorsque b << a ou
lorsque ρ tend vers 0, ce qui suggère que les contraintes sont infinies à l’extrémité
d’une fissure dans un matériau élastique.
• Les conditions limites aux bords de la plaque (figure III.5), sont données par :
σ y∞ = σ ∞ et σ x∞ = σ xy∞ = 0
42
σ y∞ = σ ∞ = 4 Re [ϕ '( z )]∞
et
σ y∞ = 2 ( z ϕ ''( z ) + χ ''( z ) )∞ = σ ∞
4 Re [ϕ '( z )]∞ = σ ∞
On a donc pour z grand :
( z ϕ ''( z ) + χ ''( z ) )∞ = σ
∞
• Les conditions limites aux extrémités d’un trou elliptique, c'est-à-dire pour α = α 0 ,
sont comme dans le cas précédent (plaque uniformément chargée) données par les
relations [II.3b].
σ∞
y
x
i A' Ai
Ellipse α = α 0
σ∞
Les solutions pour cette configuration de chargement ont été proposées par Stevenson
en 1945. Ces solutions de la forme III.4 ont pour expressions :
ϕ ( z ) = Ac cosh ζ + Bc sinh ζ
χ ( z ) = Dc 2ζ + Ec 2 cosh 2ζ + Fc 2 sinh 2ζ
avec
σ∞ σ∞ σ∞
A=−
4
e 2α 0 , B=
4
( )
1 + e 2α 0 , D = −
4
(1 + cosh 2α 0 ) ,
σ∞ 2α 0 σ∞
E= e cosh 2α 0 et F =− e2α0 sinh 2α 0
8 8
43
La contrainte maximale σ βmax , atteinte à l’extrémité A de l’entaille (figure III.5) pour
ζ = α 0 , est calculée comme dans le cas précédent :
cosh α 0
σ βmax = 4 Re [ϕ '( z ) ]ζ =α = 4 A + B
0
sinh α 0
soit
α
σ βmax = σ ∞ −e 2α + (1 + e 2α
0 0
) cosh 0
sinh α
0
cosh α 0 − sinh α 0 cosh α 0
σ βmax = σ ∞ e 2α0 +
sinh α 0 sinh α 0
eα0 cosh α 0 ∞ 2 cosh α 0 + sinh α 0
σ βmax =σ∞ + =σ
sinh α 0 sinh α 0 sinh α 0
d’où finalement :
a
σ βmax = σ ∞ 1 + 2
b
a
Kt = 1 + 2 III.6a
b
ρ
Kt = 1 + 2 III.6b
a
Pour un trou circulaire, le facteur K t vaut 3 et lorsque l’entaille tend vers la fissure
( b << a ou ρ → 0 ), les contraintes sont infinies.
σ β ( B) = 4 Re [ϕ '( z ) ]ζ
B
d’où
44
σ β ( B) sinh α 0 sinh α 0 − cosh α 0 sinh α 0
= −e2α + (1 + e2α )
0 0
= e 2α
0
+
σ ∞
cosh α 0 cosh α 0 cosh α 0
σ β ( B) −eα + sinh α 0
0
cosh α 0
= =− = −1
σ ∞
cosh α 0 cosh α 0
a
σ ∞ 1 + 2
b
B 3σ ∞
−σ ∞
−σ ∞
B θ =π /3
A Zones où A
σθ < 0
a- b-
Cette relation montre que la contrainte σ θ , qui vaut 3σ ∞ pour θ = 0 , s’annule pour
θ = π 3.
Par raison de symétrie, la contrainte σ θ est négative dans les zones où π / 3 < θ < 2π / 3
et −2π / 3 < θ < −π / 3 (figure III.6b).
On peut montrer que la contrainte σ θ en n’importe quel point de la plaque percée d’un
trou circulaire, et sollicitée en traction, est donnée par :
σ∞ a 2 σ ∞ 3a 4
σθ = 1 + + 1 + 4 cos 2θ III.7
2 r2 2 r
45
III.3 Gradient de contrainte le long de l’axe d’une entaille
σ y ) y =0 1a 3a
2 4
= 1+ + III.8
σ∞ 2 x 2 x
σ y ) y =0 N ( x)
= 1+ III.9
σ ∞
D( x)
avec
(
N ( x) = a ( a − 2b ) x − x 2 − c 2 ) ( x − c ) + ab ( a − b ) x
2 2 2
D( x) = ( a − b ) ( x 2 − c 2 ) x 2 − c 2
2
c 2 = a 2 − b2
a
Lorsque x est grand, σ y ) = σ ∞ et pour x = a , σ y ) = σ ∞ 1 + 2 = σ max .
y =0 y =0
b
dσ y ∞ a 2 6a 4 7σ ∞
= σ −
3 − = − [II.10]
dx x = a x x5 x =a a
1
J. Schijve, « Fatigue of Structures and Materials », Kluwer Academic Publishers, 2001.
46
7
σ y ) y =0 5
σ∞ 4
Trou elliptique
3 a/b=3
2 Trou circulaire
y
1
x 0
1 2 3
x/a
dσ y ∞ N '( x ) D '( x)
=σ − N ( x) 2
dx x = a D ( x) D ( x) x =a
avec
N ( x) ) x = a = 2ab 2 ( a − b ) D ( x) ) x = a = ( a − b ) b3
2 2
d’où
dσ y ∞ a
= −σ 3 (4a + 3b) III.11
dx x = a b
• Les relations III.10 et III.11 peuvent se mettre sous une forme unique :
dσ y σ max
= −γ III.12
dx x = a ρ
avec
pour le trou circulaire, le rayon à fond d’entaille ρ = a , σ max = 3σ ∞ ;
pour le trou elliptique, ρ = b 2 / a , σ max = σ ∞ (1 + 2a / b) ;
47
γ un coefficient de proportionnalité.
1
γ = 2+ III.13
Kt
Il apparaît que le facteur de concentration de contraintes n’a pas une grande influence
sur le coefficient de proportionnalité γ . Pour des entailles dont le K t est compris entre
2 et 5 (valeurs que l’on rencontre le plus souvent dans les structures en service), ce
coefficient varie entre 2,2 et 2,5.
Le gradient de contrainte à la racine d’une entaille donne une indication sur le volume
de matériau fortement sollicité.
Applications
48
d’où
1d
p1 = 2 + g = 1, 29%
7 ρ
on adopte le même raisonnement pour les deux autres grains, ce qui donne :
1 2d
p2 = 2 + g = 2 p1 et p3 = 3 p1
7 ρ
p
σ 2moy = 1 − 3 1 σ max = 343,3MPa
2
p
σ 3moy = 1 − 5 1 σ max = 338,8MPa
2
Les grains adjacents à la racine de l’entaille sont fortement sollicités, ce qui revêt une
grande importance pour la fatigue.
Lorsque les structures sont conçues avec des entailles, l’amorçage des fissures de
fatigue se produit généralement en surface à fond d’entaille : l’état de surface (rugosité
de surface, présence ou non de rayures qui amplifient la concentration de la
contrainte…) a une forte influence sur cet amorçage. Aussi il est intéressant d’examiner
comment varie la contrainte, non pas uniquement le long de l’axe de l’entaille, mais
également le long du bord de celle-ci, surtout lorsque la présence de rayures n’est pas
exclue. La variation de la contrainte au bord d’un trou circulaire est illustrée sur la
figure III.8a où les lignes d’isocontraintes principales sont déterminées par calculs aux
éléments finis (un exemple de maillage est indiqué sur la figure III.8b). Ces lignes sont
à des niveaux correspondant à 90%, 80% et 50% de la contrainte maximale2. Ce
résultat, obtenu grâce au développement des moyens de calcul au début des années 80,
confirme qualitativement des mesures de contraintes par photo élasticité (figure III.9)
effectuées une dizaine d’années auparavant3. Il est intéressant de noter que la
diminution de la contrainte le long du bord de l’entaille est relativement moins rapide
que celle observée lorsqu’on se déplace le long de l’axe x en partant de la racine.
Comme l’amorçage des fissures se fait en surface, il apparaît donc que le gradient de
2
J. Schijve, « Stress gradients around notches », Fatigue of Engineering Materials and Structures, vol. 3,
325-338, 1981.
3
R.B. Heywood, « Designing by photo-elasticity », Pergamon Press, 1969.
49
contraintes sur le bord de l’entaille est au moins aussi important que le long de l’axe de
celle-ci.
0, 9σ max
0,8σ max
0, 5σ max
σ max
a- b-
Les entailles de grande taille ont une plus grande surface de matériau le long de leur
bord et donc le risque d’amorçage de fissure de fatigue est plus élevé. D’autre part, la
relation III.12 montre que, lorsque toutes choses sont égales par ailleurs, le gradient est
50
inversement proportionnel au rayon ρ à fond d’entaille. Il est donc nécessaire
d’examiner l’effet de la géométrie sur la concentration de la contrainte au voisinage
d’une entaille.
(2)
σ ∞
(1)
σ max
L
D
51
Plusieurs manuels spécialisés donnent les valeurs du facteur de concentration des
contraintes pour un grand nombre de géométries d’entaille et de configurations de
chargement4-5. On va examiner, dans le cadre de ce cours qui ne prétend pas à
l’exhaustivité en la matière, quelques exemples illustrant l’effet de la forme de l’entaille
et du chargement sur la concentration de la contrainte.
La figure III.11 montre la variation du facteur K t dans une plaque, entaillée sur ses
bords ou percée d’un trou circulaire, soumise à une traction simple : ces géométries sont
fréquemment utilisées pour les essais de fatigue en laboratoire. Lorsque le rayon r de
l’entaille augmente, le facteur K t diminue, mais cette diminution est moins prononcée
pour la plaque avec un trou central. Quand 2r / W → 1 , K t → 1 dans la plaque entaillée
sur ses bords alors que K t → 2 quand l’entaille est centrale. La valeur du K t peut aussi
dépendre de la longueur L de la plaque mais cette influence est négligeable lorsque
L ≥ 2W .
Equation
[II.14]
Figure III.11 Facteur K t pour une plaque entaillée sur les bords
ou percée d’un trou circulaire central
4
R. E. Peterson, « Stress concentrations Factors », John Wiley & Sons, New York, 1974
5
« Stress concentrations Factors », ESDU Engineering Data, Structures, London, 1995
52
La variation de la courbe K t ( D / W ) pour la plaque trouée au centre peut être décrite par
une relation polynomiale simple proposée par Heywood6 et donnant de façon assez
précise la valeur du facteur de concentration des contraintes :
3
D
K t = 2 + 1 − III.14
W
Parmi les formules les plus connues permettant le calcul du K t , on peut citer les
formules de Neuber7 adaptées à des éléments de structures très courants, tels des arbres
avec gorge, ou épaulement, ou encore des plaques avec épaulement (figure III.12) :
1
Kt = 1 + III.15
2 2
1 1
+
aK p bK q
d 1
où K p = 1 + − 1 et K q =
2r 2r
D−d
6
R.B. Heywood, « Designing against fatigue », Chapman and Hall, 1962
7
H. Neuber, « Theory of notch stresses », J. D. Edwards and A. Arbor eds., 1946
53
d- Plaque avec épaulement simple
Figure III.12. Eléments de structures dont le K t est donné par l’équation III.15
Les courbes de la figure III.13 illustrent les variations du facteur de concentration des
contraintes, déduites des formules de Neuber dans des arbres avec épaulement sollicités
54
en traction et en flexion. Ces courbes, décrites pour d / D = 2 / 3 , montrent notamment
l’effet du rayon de raccordement r sur la valeur du K t . Un rayon de raccordement
élevé a un effet bénéfique, mais en pratique il n’est pas toujours possible d’augmenter
ce rayon. Aussi on a recours à des solutions technologiques telle celle indiquée sur la
figure III.14 pour un arbre avec épaulement en appui sur un roulement à billes.
Traction
Flexion
Solution pour
réduire le K t
55
Un autre cas que l’on rencontre souvent dans la pratique et qu’il convient d’examiner,
est l’exemple indiqué sur la figure III.15. Il s’agit d’un assemblage par goupille d’un
crochet avec une chape. La goupille exerce sur la partie supérieure de l’alésage du
crochet une distribution de pression. Dans la section critique (B-B sur la figure III.15),
le K t est élevé au point A situé à la racine du trou d’alésage : l’expérience des ruptures
en service montre que les fissures s’amorcent au voisinage de ce point.
Distribution
de pression
Crochet
Plaque percée
Un dernier point qui mérite l’attention avant de clore ce paragraphe est l’effet de
superposition des entailles. Supposons qu’à l’intérieur d’une entaille de facteur K t1 , se
trouve une entaille de facteur Kt2 : cette situation est schématisée sur la figure III.16. La
contrainte maximale σ A , au point A situé au fond du petit trou, est donnée par :
( )
σ A ≈ K t2 K t1σ ∞ = Ktσ ∞ avec K t = Kt1 Kt2
C’est une situation que l’on tente d’éviter naturellement dans la pratique.
8
M.M. Frocht and H. N. Hill, “Stress concentration factors around a central circular hole in a plate loaded
through pin in the hole”, Journal of Applied Mechanics, p. A5-A9, 1940
56
Ainsi par exemple, dans le cas d’un crochet comme celui représenté sur la figure III.15,
on peut envisager un petit orifice de lubrification. Au cours de la conception, il faut
éviter que cet orifice ne débouche dans une zone de forte concentration des contraintes.
La solution indiquée sur la figure III.17 n’est pas une bonne solution, car elle conduit à
une superposition de la concentration des contraintes : la solution idéale est de lubrifier
par le haut à partir du point B.
σ∞
y
x
Ai
σ∞
B
•
III.6.1 Introduction
57
extérieur : les contraintes résiduelles sont parfois appelées contraintes internes.
Cependant, on utilise plus souvent le terme de contraintes résiduelles car leur présence
dans un composant de structure fait fréquemment suite à une déformation plastique
inhomogène du matériau.
t /2
∫σ
−t / 2
x dy = 0
t /2
∫ yσ x dy = 0
−t / 2
σ = σ ext + σ res
σ a = σ a.ext
σ moy = σ moy .ext + σ res
58
III.6.2 Origines des contraintes résiduelles
Comme nous l’avons signalé auparavant, les contraintes résiduelles font toujours suite à
une déformation plastique inhomogène du matériau. Cette déformation peut avoir
différentes origines :
Considérons par exemple une plaque percée d’un trou circulaire que l’on charge, de
sorte que la contrainte maximale σ max à la racine du trou dépasse la limite d’élasticité
du matériau (figure III.19). Dans ces conditions, une zone de déformation plastique se
forme aux extrémités du trou et la contrainte maximale est alors inférieure à K tσ nom :
σ nom
K tσ nom
σ max
σE
+
-
Figure III.19 Equilibre des contraintes résiduelles dans une plaque trouée
59
Les procédés de fabrication induisant des contraintes résiduelles sont multiples. On peut
citer par exemple la rectification, le forgeage à froid … Le forgeage à froid induit
inévitablement des déformations plastiques qui laissent des contraintes résiduelles dans
le matériau. Un exemple simple est la flexion plastique d’une poutre schématisée sur la
figure III.20 : les fibres extérieures sont déformées plastiquement en traction et les
fibres intérieures en compression. Après décharge de la poutre, les contraintes
résiduelles sont de compression sur les fibres extérieures et de traction sur les fibres
intérieures, avec là encore, un équilibre de toutes ces contraintes.
σE
-
+
Partie élastique -
Parties plastiques
+
Contraintes résiduelles
Dans les structures en service, il est possible que des surcharges accidentelles induisent
des contraintes résiduelles à la racine des entailles. Une détermination analytique de ces
contraintes est extrêmement délicate et on a souvent recours à des techniques de calculs
utilisant la méthode des éléments finis. Cependant, une estimation raisonnable des
contraintes maximales peut être fournie en adoptant l’hypothèse de Neuber9.
σ max = K tσ nom
σ Kσ
ε max = max = t nom = K t ε nom
E E
9
H. Neuber, “Theory of stress concentration with arbitrary non-linear stress-srain law, Trans. ASME,
Journal of Applied Mechanics, p. 544-550, 1961
60
ε max > K t ε nom
La figure III.21 illustre les répartitions des contraintes et des déformations dans une
plaque trouée avec formation d’une zone plastifiée localisée au voisinage de la racine du
trou.
ε max
K tσ nom K t ε nom
σ max
σE
σ nom ε nom
Zone plastique
Figure III.21 Répartition des contraintes et des déformations dans une plaque trouée
avec plastification locale au voisinage de la racine du trou
σ max
Kσ = < Kt III.17a
σ nom
61
ε max
Kε = > Kt III.17b
ε nom
Kσ Kε = K t2 III.18
Neuber a montré la validité de son postulat pour des arbres chargés en torsion avec
entailles hyperboliques. Son hypothèse est utilisée depuis pour donner, pour tout type
d’entaille, une estimation des contraintes résiduelles, qui reste raisonnable tant que la
plastification à la racine de l’entaille demeure modérée. En remplaçant dans la relation
III.16, ε nom par σ nom E , on obtient :
(K σ )
2
σ res = σ A − σ B = σ A − K tσ nom
K tσ nom
σ = σ (ε )
σ max
(K σ )
2
σ ⋅ ε = t nom
E
ε max ε
σ res
62
A titre d’application, on peut calculer la contrainte au voisinage d’une entaille de
K t = 2,5 dans une plaque en acier chargée à σ nom = 200 MPa . Le module d’Young de la
plaque est E = 210 ⋅103 MPa , la limite d’élasticité est σ E = 300 MPa et la loi de
comportement est bilinéaire avec un module plastique E pl = E / 20 .
σA K t2
Kσ = = 1, 63 et Kε = = 3,83
σ nom Kσ
Les jonctions tubulaires des plateformes off shore sont des exemples de structures
complexes. Ces plateformes, nécessaires à l’exploitation des réserves d’hydrocarbures
en milieu marin (la figure III.23 montre un exemple de plateforme offshore), sont
constituées de tubes en raison du bon rapport résistance/poids, d’une meilleure tenue au
flambage et de la bonne résistance aux courants et marées de ces éléments. Les tubes de
ces structures sont soudés entre eux, constituant ainsi des jonctions tubulaires classées
selon leur forme en types T, Y, K… schématisés sur la figure III.24. Les intersections
complexes de ces jonctions représentent des discontinuités structurales conduisant à de
fortes concentrations des contraintes au voisinage des cordons de soudure.
L’étude de ces jonctions nécessite un paramétrage. La figure III.25 définit les notations
et les paramètres géométriques d’une jonction de type K qui correspond au cas le plus
général. Le manchon étant encastré à ses deux extrémités, les chargements
généralement appliqués à une jonction de type K pour le calcul du facteur de
concentration des contraintes sont représentés sur la figure III.26.
63
Figure III.23 Plateforme offshore de forage et soudage des éléments tubulaires
Les calculs utilisent la technique des éléments finis. La grande difficulté lorsqu’on
modélise les jonctions tubulaires est la génération des mailles notamment dans les zones
de discontinuités géométriques où les gradients de contrainte sont importants. La finesse
du maillage près de l’intersection des manchons et des entretoises est déterminante pour
une bonne convergence des calculs : un bon traitement numérique des équations de
rigidité avec une précision maximale exige que les éléments ne subissent pas des
élongations ou des distorsions excessives. La figure III.27 indique à titre d’exemple le
maillage d’une jonction DTDX (Double T et Double X).
64
Figure III.25 Notations et paramètres géométriques d’une jonction de type K
a- b c-
Des relations paramétriques très utilisées dans l’industrie offshore, pour le calcul des
facteurs de concentration des contraintes dans les jonctions de type T, Y, X, K et KT
sont proposées par Efthymiou et Llyod10. Ces relations utilisent les paramètres de la
figure III.25. Pour les jonctions de type Y par exemple (T étant un cas particulier avec
l’angle d’inclinaison de l’entretoise par rapport au manchon, θ = 90° ), ces relations
proposent pour le facteur de concentration des contraintes au point de quartier du
manchon :
10
Llyod’s Register of Shiping, « Stress concentration factors for simple tubular joints, HSE books, 1997
65
Zoom
11
F. Ghanameh, D. Thevenet et A. Zeghloul, « Concentration de contraintes dans les jonctions tubulaires
de type T, Y et K, Congrès français de Mécanique, 2003
66
Figure III.28 Influence des paramètres α , γ ,τ , β , θ sur le facteur K t
La rupture par clivage est une rupture fragile qui s’accompagne de très peu de
déformation plastique. Dans les matériaux métalliques, le clivage opère par rupture des
liaisons interatomiques dans une direction perpendiculaire au plan de rupture. La figure
III.29 montre l’amorçage d’une microfissure associée à la rupture par clivage d’un
carbure (particule fragile) selon le modèle de Smith12.
12
Smith E, The nucleation and growth of microcracks in mild steel, Physical basis of yield and fracture,
pp. 36-46, 1966.
67
La figure III.30 schématise ce type d’endommagement par rupture des liaisons
interatomiques.
La figure III.31 montre un faciès de rupture par clivage dans l’acier 16MND5 et la
schématisation de la formation des marches de cisaillement observées sur ce faciès13.
r0 2 r0 9
σ = A − III.22
r r
La contrainte théorique de clivage, notée σc, est la valeur maximale de σ sur la courbe
de la figure III.32.
13
Amaury Bousquet, « Critère de propagation et d’arrêt de fissure de clivage dans un acier de cuve
REP », Thèse à l’Ecole Centrale Paris, 2013
68
Figure III.32 Contrainte de liaison interatomique
Première méthode
r
La déformation entre deux atomes distants à l’équilibre de r0 s’exprime par : ε = ln
r0
dσ dσ
Le module d’Young E s’écrit : E = = r0
d ε r = r0 dr r = r0
dσ r0
=0 ⇒ = 0,81
dr r
E
σc ≈
24
Cette contrainte théorique de clivage est plus élevée de plusieurs ordres de grandeur que
la contrainte mesurée expérimentalement. En fait les défauts sous forme d’entaille aiguë
concentrent les contraintes dans leur voisinage et provoquent ainsi des mécanismes
d’amplification, si bien que la contrainte locale qui correspond à la contrainte théorique
de clivage est bien plus élevée que la contrainte appliquée expérimentalement.
Deuxième méthode
Cette méthode utilise l’énergie de cohésion. Pour simplifier les calculs, on assimile la
courbe s=s(r) à une sinusoïde comme indiquée sur la figure III.33
69
Figure III.33 Courbe de la contrainte de liaison assimilée à une sinusoïde
π r
σ = σ c sin − 1
2 (α − 1) r0
dσ π
E = r0 = σc
dr r = r0 2 (α − 1)
Cette deuxième méthode utilise une approche énergétique. L’énergie de cohésion W par
unité de surface, qui correspond à l’aire hachurée de la figure III.33, est définie par :
( 2α −1) r0 α −1
W =∫ σ dr ⇒ W = 4 rσ
r0 π 0 c
Lors de la rupture, deux surfaces sont créées. On pose alors W=2γS où γS est l’énergie
spécifique de création de surface, ce qui permet d’écrire :
α −1
γS = 2 rσ
π 0 c
σc Eγ S
γS = r0σ c ⇒ σc = III.23
E r0
Cette contrainte théorique de clivage est elle aussi bien plus élevée que la contrainte
mesurée expérimentalement. Les contraintes théoriques de clivage, calculées à partir de
la relation III.23 avec r0 ≈ 2 ⋅10−10 m , sont indiquées sur le tableau de la figure III.34.
70
Figure III.34 Contraintes théoriques de clivage σth pour différents matériaux
σ th >> σ cexp
a a a
σ L ( A) = σ a 1 + 2 = σ a 1 + 2 → σ L ( A) ≈ 2σ a
b ρ ρ << a ρ
a
σ L ( A) ≈ 2σ a III.24
r0
71
Eγ S
σa ≈
4a
Eγ S 1
σa ≈ β avec < β <1
a 2
72
Chapitre IV Intensification des contraintes près des fissures
IV.1 Introduction
a a
Kt = 1 + 2 ou Kt = 1 + 2 IV.1
b ρ
Une fissure peut être considérée comme une entaille elliptique très aplatie, c'est-à-dire
avec b << a ou encore ρ << a . Dans ces conditions, K t → ∞ et le concept de facteur
de concentration des contraintes ne peut alors décrire la répartition des contraintes à
l’extrémité d’une fissure. Il est donc nécessaire d’introduire un nouveau paramètre pour
caractériser cette répartition : s’appuyant sur les travaux de Westergaard1, Irwin2
proposa le concept de Facteur d’Intensité des Contraintes (FIC). L’application du
concept de FIC à la description de la propagation des fissures est appelée communément
Mécanique Linéaire de La Rupture.
L’utilisation du FIC comme paramètre unique pour décrire la répartition des contraintes
au voisinage d’une fissure est justifiée par les similitudes que l’on peut observer entre
différentes fissures soumises à des contraintes de traction. La figure IV.1 montre des
clichés obtenus par la méthode photo-élastique pour trois fissures différentes dans une
plaque chargée en traction. Ces clichés montrent des franges très similaires, ce qui
suggère qu’il en est de même de la répartition des contraintes aux extrémités de ces
fissures.
1
H.M. Westergaard, Bearing pressures and cracks, Journal of Applied Mechanics, p. A49-A53, 1939
2
G.R. Irwin, Analysis of Stresses and Strains near the end of a crack traversing a plate, , Journal of
Applied Mechanics, p. 361-364, 1957
73
Fissure
latérale
Fissure près
d’une entaille
Fissure
centrale
u1 = 0, u2 ( x1 ) ≠ 0, u3 = 0 IV.2a
u1 ( x1 ) ≠ 0, u2 = 0, u3 = 0 IV.2b
u1 = 0, u2 = 0, u3 ( x1 ) ≠ 0 IV.2c
74
x2
x3
r
θ
r +π
x1
−π
a- b- c-
Les modes I et II correspondent à des sollicitations planes, ce qui n’est pas le cas du
mode III. Le mode I conduit à une discontinuité des déplacements selon la direction x2 :
u2 (r , −π ) = −u2 (r , π ) ; alors que dans le mode II, la discontinuité est selon la direction
x1 : u1 (r , −π ) = −u1 (r , π ) .
Les modes II et III se produisent lorsque les fissures sont soumises à des contraintes
cycliques de cisaillement. Cependant, l’expérience montre que les fissures qui
s’amorcent sous ces modes de sollicitations, ont tendance très rapidement à se propager
perpendiculairement à la direction de sollicitation, c'est-à-dire en mode d’ouverture qui
est le plus endommageant.
On a vu au chapitre II, qu’en élasticité plane, les contraintes dérivent d’une fonction de
contrainte bi harmonique : la fonction d’Airy dont l’expression, en fonction de
potentiels complexes ϕ ( z ) et χ ( z ) , est :
A = Re z ϕ ( z ) + χ ( z ) IV.3
75
Front de
Fissure Fissure fissure
de coin Fissure traversante
de surface
Figure IV.3 Différentes configurations de fissures au voisinage d’un trou circulaire
RS σ y + σ x = 4 Re ϕ '( z )
Tσ y − σ x + 2iσ xy = 2 z ϕ ''( z ) + χ ''( z )
soit :
σ x = Re [ 2ϕ '( z ) − z ϕ ''( z ) − χ ''( z )]
σ y = Re [ 2ϕ '( z ) + z ϕ ''( z ) + χ ''( z ) ] IV.4
σ xy = Im [ z ϕ ''( z ) + χ ''( z )]
Considérons à présent un corps solide fissuré, avec une taille de fissure très petite par
rapport aux dimensions du corps fissuré. Le corps fissuré étant soumis à un chargement
donné, on note 2a la longueur de la fissure (figure IV.4).
x
x=-a x=a
76
RSRe 2ϕ '(z) + z ϕ ''(z) + χ ''( z) = 0
T Im z ϕ ''(z) + χ '' (z) = 0
On en déduit donc que sur les lèvres L de la fissure :
χ ' = − zϕ '+ ϕ − ϕ2 = − d ( zϕ ) + 2ϕ − ϕ2 = − d ( zϕ ) + ϕ1
d’où
χ ( z) = − zϕ + ϕ 1dz z IV.6
et
A = Re z ϕ − zϕ + ϕ 1dz z IV.7
et
z
A = Re ϕ 1dz + y Im ϕ 1 + y Im ϕ 2 IV.9
77
On peut donc considérer que le champ des contraintes σ est la superposition de deux
champs σ 1 et σ 2 dérivant de deux fonctions d’Airy :
AI = Re ϕ1dz + y Im ϕ1
∫ ¨ IV.11
AII = y Im ϕ 2
Z I ( z ) = ϕ '1 ( z ) IV.12a
Z II ( z ) = iϕ '2 ( z ) IV.12b
Z ( z ) = Z I ( z ) + Z II ( z ) = ϕ '1 ( z ) + iϕ '2 ( z )
Cet auteur note ensuite Z ' , Z ' '… les dérivées successives de la fonction Z ( z ) , et
Z , Z … ses primitives successives.
Avec ces notations, les deux fonctions d’Airy données par les relations IV.11
deviennent :
AI = Re Z I + y Im Z I IV.13a
AII = y Im ϕ2 = − y Im iZ II = − y Re Z II ** IV.13b
78
IV.4 Expressions des contraintes et des déplacements
Les expressions des contraintes se déduisent directement des relations IV.10 : elles
diffèrent selon le mode de sollicitation. Les expressions des déplacements différent
également en fonction du mode de sollicitation et selon qu’on est en présence d’un état
de déformations planes ou de contraintes planes.
La différence entre ces deux états est liée aux équations de comportement (relations
II.10a et II.10b du chapitre II) donnant les composantes du tenseur ε des déformations
en fonction de celles du tenseur σ des contraintes. On peut regrouper ces relations et
écrire la loi de Hooke sous la forme suivante :
2 µε x = (1 − υ *) σ x − υ * σ y
2 µε y = (1 − υ *) σ y − υ * σ x IV.14a
2 µε xy = σ xy
avec
υ * = υ en déformations planes
υ IV.14b
υ * = 1 + υ en contraintes planes
Avant d’effectuer les calculs, il convient de rappeler que pour toute fonction analytique
g ( z ) , on a :
g = α + i β = Re g + i Im g
dg ∂g ∂g ∂α ∂β ∂α ∂β
g'= = = −i d’où +i = −i +
dz ∂x ∂y ∂x ∂x ∂y ∂y
∂ ∂
Re g ' = ∂x Re g = ∂y Im g
III.15
Im g ' = ∂ Im g = − ∂ Re g
∂x ∂y
79
σ x = Re ϕ '1 − y Im ϕ ''1
σ y = Re ϕ '1 + y Im ϕ ''1
σ = − y Re ϕ ''
xy 1
R|σ = Re Z − y Im Z '
x I I
S|σ = Re Z + y Im Z '
y I I IV.16
T σ = − y Re Z '
xy I
∂u x
2 µε x = 2 µ = (1 − υ *)σ x − υ * σ y = (1 − 2υ *) Re Z I − y Im Z 'I
∂x
2 µ u x = (1 − 2υ *) Re Z I − y Im Z I IV.17
∂u y
2µε y = 2 µ = (1 − υ *)σ y − υ *σ x = (1 − 2υ *) Re Z I + y Im Z 'I
∂y
∂ ∂
Re Z I = Im Z I et Im Z 'I = − Re Z I
∂y ∂y
∂ ∂
y Im Z 'I = − ( y Re Z I ) + Re Z I = − ( y Re Z I − Im Z I )
∂y ∂y
d’où
2µ u y = 2(1 − υ *) Im Z I − y Re Z I IV.18
80
σ x = 2 Re ϕ '2 − y Im ϕ ''2
σ y = y Im ϕ ''2
σ = − Im ϕ ' − y Re ϕ ''
xy 2 2
σ x = 2 Im Z II + y Re Z 'II
σ y = − y Re Z 'II IV.19
σ = Re Z − y Im Z '
xy II II
Sur le plan de la fissure, c’est à dire pour y=0, on a d’après les relations IV.16 :
RSσ x = σ y = Re Z I
IV.22a
T σ xy = 0
Les lèvres de la fissure étant non chargées, les conditions limites (relation IV.5) sont :
81
σ y = σ xy = 0
IV.22b
pour y = 0 et z < a
A’ A
x
2a
σ x = σ y = σ xy = 0
IV.22c
pour y = 0 et z < a
g ( z)
Z I ( z) = IV.23a
z2 − a2
avec
g ( z ) fonction réelle pour y=0 et finie pour z = ± a .
Les conditions limites sont alors vérifiées puisque sur le plan de la fissure, on a :
1
imaginaire pur pour z < a ⇒ Re Z I = 0
z2 − a2
1
réel pour z > a ⇒ Re Z I z
→+ a +
→∞
z2 − a2 z →− a −
82
Les extrémités A et A’ ( z = ± a ) de la fissure jouent des rôles identiques. On ne
considérera par la suite que l’extrémité A( z = + a ), en effectuant une translation de
repère (figure IV.6) avec pour origine A. Cette translation équivaut au changement de
variable suivant :
ζ = z−a
y
M (ζ )
r
A θ
x
2a
g1 (ζ )
Z I (ζ ) = avec g1 (ζ ) = α 0 + α 1ζ + α 2ζ 2 +… IV.23b
ζ
α0
Z I (ζ ) ≈ IV.23c
ζ
Le facteur d’intensité des contraintes (FIC) que l’on note K I en mode I d’ouverture,
est défini par :
83
KI
Z I (ζ ) = IV.25a
2πζ
• Pour le mode de cisaillement plan (mode II), la même démarche que précédemment
conduit à un résultat similaire au voisinage immédiat de l’extrémité de la fissure :
K II
Z II (ζ ) = IV.25b
2πζ
KI θ KI θ
Re Z I = cos , Im Z I = − sin
2π r 2 2π r 2
1 KI 1 KI 3θ 1 KI 3θ
Z 'I (ζ ) = − , Re Z 'I = − cos , Im Z 'I = sin
2 2π ζ 3/ 2
2r 2π r 2 2r 2π r 2
K I 1/ 2 r θ r θ
Z I (ζ ) = 2 ζ , Re Z I (ζ ) = 2 K I cos , Im Z I (ζ ) = 2 K I sin
2π 2π 2 2π 2
θ θ
A partir de ces grandeurs et en notant que y = r sin θ = 2r sin cos
, on calcule les
2 2
contraintes et les déplacements (schématisés sur la figure IV.17) en se servant des
relations IV.16 à IV.21. Les résultats sont résumés ci-dessous :
y σ yy y
τ xy uy u (M )
σ xx ux
r r
fissure θ x θ x
84
Mode I
Contraintes
KI θ θ 3θ
σ x = cos 1 − sin sin
2π r 2 2 2
KI θ θ 3θ
σ y = cos 1 + sin sin IV.26a
2π r 2 2 2
KI θ θ 3θ
σ xy = cos sin cos
2π r 2 2 2
Déplacements
K I 2r θ θ
ux = cos 1 − 2υ * + sin 2
2µ π 2 2
IV.26b**
u = K I 2r sin θ 2(1 − υ *) − cos 2 θ
y 2µ π
2 2
Mode II
Contraintes
K II θ θ 3θ
σ x = − sin 2 + cos cos
2π r 2 2 2
K II θ θ 3θ
σy = sin cos cos IV.26c
2π r 2 2 2
K II θ θ 3θ
σ xy = cos 1 − sin sin
2π r 2 2 2
Déplacements
K II 2r θ θ
u x = sin 2(1 − υ *) + cos 2
2µ π 2 2
IV.26d**
u = K II 2r cos θ 1 − 2υ * − sin 2 θ
y 2µ π
2 2
υ
** υ * = υ ou υ * = pour respectivement un état de déformations ou de contraintes planes.
1+υ
85
IV.6 Mode de cisaillement antiplan
La figure IV.8 illustre le mode de cisaillement antiplan ou mode III. Les lèvres de la
fissure se déplacent selon une direction x 3 perpendiculaire au plan ( x, y ).
2a
u = u3 x 3 avec u3 = u3 ( x , y )
R| ε =
1
c h 1
u3,1 + u1,3 = u3,1
S|
13
2 2
Tε
23
1
c h 1
= u3, 2 + u2 , 3 = u3, 2
2 2
RS σ 13 = 2 µε 13 = µ u3,1
IV.27
Tσ 23 = 2 µε 23 = µ u3,2
c h
σ 13,1 + σ 23,2 = 0 ⇒ µ u3,11 + u3,22 = 0 ⇒ ∆u3 = 0
La composante u3 du déplacement est donc harmonique. Elle peut être alors considérée
comme partie réelle ou imaginaire d’une fonction analytique.
86
1
u3 = Im Z III IV.28
µ
Comme Z III est homogène à une contrainte, Z III est homogène à une
contrainte ⋅ longueur , si bien que Z III / µ est homogène à une longueur donc pouvant
décrire un déplacement.
RSσ 13 = Im Z III
IV.29
Tσ 23 = Re Z III
La fonction Z III a la même forme que celles de Z I et Z II données par les relations
IV.25 :
K III
Z III = IV.30
2πζ
Les contraintes et le déplacement s’écrivent compte tenu des relations IV.28 à IV.30 :
|| 13
2πr
θ
2
S| σ = 2πr cos 2
23
K III
IV.31
||u = K 2r sin θ
III
3
T µ π 2
IV.7 Méthodes de calcul du facteur d’intensité des contraintes
Les relations IV.26 à IV.31 montrent que les champs des contraintes et des
déplacements sont décrits par un paramètre unique : le facteur d’intensité des
contraintes K I , K II ou K III selon le mode de sollicitation. Il s’agit à présent de voir
comment ce paramètre s’exprime en fonction des données globales : géométrie
(longueur de la fissure et dimensions de la structure) et chargement appliqué à la
structure. Généralement, les expressions du Fic K ont la forme suivante :
a
K =σ πa f III.32
W
87
où σ est la contrainte appliquée à la structure, a la longueur (ou demi longueur) de la
fissure, W une dimension (souvent la largeur ou la demi largeur) de la structure et
f (a / W ) un paramètre géométrique sans dimension appelé fonction complaisance ou
facteur géométrique. Lorsque la structure est de dimension infinie par rapport à la taille
de la fissure, f (a / W ) prend une valeur constante. A titre d’exemple, dans une plaque
fissurée de dimension infinie et sollicitée en mode I (figure IV.9a), f (a / W ) = 1 et le
FIC est simplement donné par :
KI = σ ∞ π a IV.33a
σ ∞z
ZI ( z) = IV.33b
z 2 − a2
K I = lim z →a 2π ( z − a) Z I ( z ) = σ ∞ π a
σ∞ σ∞
2a 2a
W>>a W
a- b-
La figure IV.9b représente l’éprouvette CCT (Central Cracked Tension specimen) très
utilisée pour les essais de fatigue en laboratoire. La fissure n’est pas de taille
négligeable par rapport à la largeur W de la plaque et le facteur d’intensité des
contraintes, calculé par éléments finis, est donné par la relation IV.32 avec :
88
−1/ 2
a πa a
2
a
4
Une autre éprouvette très utilisée pour les essais de fatigue est l’éprouvette CT
(Compact Tension specimen) représentée sur la figure IV.10a. Le FIC K I pour une
épaisseur d’éprouvette t , est donné par une relation de type IV.32 avec :
P
σ∞ =
Wt
et
a
2 3 4
a a a a
2+ 0,866 + 4, 64 − 13,32 + 14, 72 − 5, 6
a W W W W W
f = IV.35
a πa
3/ 2 1/ 2
W
1 −
W W
Le FIC dans une plaque de grandes dimensions fissurée sur un bord (figure IV.11a) est
donné par :
K I = 1,12σ ∞ π a IV.36
3
D.P. Rooke and D.J. Cartwright, Stress Intensity Factors, Her Majesty’s Stationnary Office, London,
1976
4
H. Tada, P.C. Paris and G.R Irwin, The Stress Analysis Handbook, 2nd edition Paris Productions Inc.,
1985
5
Y. Murakawi, Stress Intensity Factors Handbook, Pergamon Press, Oxford, 1987
89
a- b-
a a
2 3 4
a a a
f = 1,12 − 0, 23 + 10,55 − 21, 71 + 30,38 IV.37
W W W W W
Pour une éprouvette fissurée sur ses deux bords avec la même longueur de fissure
(figure IV.11b), la fonction complaisance f (a / W ) est donnée par5 :
−1/ 2
a a a a
2
a
3
Dans les deux relations IV.37 et IV.38, f (a / W ) → 1,12 lorsque a / W → 0 ce qui nous
ramène au cas de la figure IV.11a.
Une configuration intéressante que l’on rencontre dans la pratique est celle schématisée
sur la figure IV.11c. Tant que la taille de la fissure est faible, celle-ci reste dans le
champ du facteur de concentration de contrainte K t dû à la présence de l’entaille et le
FIC K I est donné en première approximation par :
90
a- b- c-
Les structures navales ou aéronautiques comportent souvent des hublots aux bords
desquels des fissures peuvent s’amorcer. La figure IV.12a présente cette configuration
de fissure qui est à l’origine des accidents survenus dans les années 50 en plein vol sur
les avions Comet ; le chargement est dû à la pressurisation des cabines. Dans ce cas on
considère que la longueur effective 2aeff de la fissure est égale à celle de la fissure
réelle ( a ) augmentée de la largeur L du hublot :
2aeff = a + L
Une autre illustration de ce type de configuration de fissure est indiquée sur la figure
IV.12b. Il s’agit d’une fissure amorcée au fond d’une cannelure dans un cylindre sous
pression interne. Une telle fissure provoque l’éclatement du cylindre.
91
a- b-
Figure IV.12 Fissures amorcées a- au bord d’un hublot b- au fond d’une cannelure
P a 2 − b2
ZI ( z) = IV.40
π ( z − b) z 2 − a 2
P a+b
K IA = lim z → a 2π ( z − a ) Z I ( z ) = IV.41a
πa a −b
P a −b
K IB = − lim z →− a i 2π ( z + a ) Z I ( z ) = IV.41b
πa a+b
P
KI = IV.42
πa
92
même pour les facteurs d’intensité des contraintes (FIC) : on ne peut additionner des
FIC que s’ils concernent le même mode de sollicitation (mode I, II ou III).
Figure IV.13 Trois cas de fissures chargées ponctuellement sur les lèvres
Considérons par exemple une fissure sollicitée en mode I par trois chargements
différents ( σ (1) , σ (2) , σ (3) ). Le principe de superposition permet d’écrire :
K ( total ) ≠ K I + K II + K III
93
On peut dès lors utiliser ce principe pour déterminer la solution pour la configuration de
fissure de la figure IV.13c en décomposant les chargements comme indiqués sur la
figure IV.14.
Si la plaque est de largeur W >> a , la solution pour la fissure de la figure IV.13c est
alors donnée par la demi somme des relations IV.33a et IV.42, soit :
1 P
K I(1) = σ ∞ π a + avec σ ∞ = P /W
2 πa
Un exemple simple mais intéressant est représenté sur la figure IV.15. Le chargement 1
est la somme des chargements 2 et 3. Dans le cas du chargement 2, l’intensité des
contraintes ne peut être transmise aux extrémités de la fissure puisque les lèvres de
celle-ci sont fermées par une compression −σ ∞ . On a alors :
K I(2) = 0
K I(1) = K I(3)
Cet exemple illustre un résultat plus général : les contraintes de traction appliquées sur
la frontière d’un solide fissuré (cas de la figure IV.15a) peuvent être déplacées sur les
lèvres de la fissure (figure IV.15c) sans que cela change le FIC.
94
Figure IV.15 Décomposition de chargements
σ ∞ ( x)
σ ( x)
A B x
Supposons maintenant que ce solide se fissure le long du plan A-B. Maintenir ce corps
sous la contrainte σ ∞ ( x ) comme indiqué sur la figure IV.17a, revient, via le principe de
superposition, à enlever le chargement σ ∞ ( x ) pour le remplacer par le chargement
σ ( x ) appliqué aux lèvres de la fissure**. Le FIC K I est alors inchangé :
** Le chargement σ ( x ) qui apparaît sur la figure IV.17b est celui qui s’appliquait sur le plan A-B
lorsque la structure n’était pas fissurée (figure IV.16).
95
σ ∞ ( x) σ ∞ ( x)
σ ( x) −σ ( x )
= +
1 2 3
a- b- c-
Figure IV.17 Application du principe de superposition : K I = K I(2)
(1)
Une autre façon de calculer le FIC consiste à utiliser les fonctions poids. Cette méthode
permet, lorsqu’on connaît une solution du FIC K pour une fissure sollicitée avec des
conditions limites données, de déterminer le FIC K pour la même fissure mais avec des
conditions limites différentes.
Considérons une structure fissurée sollicitée en mode I dont le FIC K I est connu pour
un chargement (*) et notons cette solution K I* . En considérant des intégrales de contour
indépendantes des contours d’intégration, Buekner6 et Rice7 ont montré que le FIC K I
pour tout autre chargement appliqué à la même structure fissurée, peut se mettre sous la
forme :
K I = ∫ Ti hi ds IV.44
Γ
où
Ti sont les composantes du vecteur contrainte sur le contour Γ
ds est l’élément d’abscisse curviligne du contour Γ
hi sont les fonctions poids de Bueckner-Rice définies par :
E ' ∂ui* ( x, y, l )
hi ( x, y, l ) = IV.45
2 K I* ∂l
6
H.F. Bueckner, A novel principle for the computation of stress intensity factors, Zenschrift fur
Angewandte Mathematic und Mechanik, 50, pp. 529-546, 1970
7
J.R. Rice, Some remarks on elastic crack tip stress fields, Journal of Solids and Structures, 8, pp. 751-
758, 1972
96
où
l est la longueur de fissure,
E ' = E ou E ' = E /(1 − υ 2 ) selon que l’état est de contraintes ou de déformations
planes,
K I* le FIC connu pour le chargement (*)
ui* les composantes du déplacement sur le contour Γ dues au chargement (*)
On va appliquer à titre d’exemple la méthode des fonctions poids à une plaque infinie
fissurée en son milieu et sollicitée en traction (figure IV.18a).
Le FIC K I* est donné pour cette configuration de chargement par la relation IV.33a :
πl
K I* = σ ∞
2
σ ∞z
Z ( z) =
*
I
z2 − l2 4
σ∞
y y
y σ∞
σ∞
x x x
l
l l
W>>a
* 1 2
a- b- c-
Figure IV.18 Méthode des fonctions poids pour le calcul de K I et K I(2)
(1)
à partir de K I* connu
97
2
2 µ u2* = Im Z I* ( x) où Z I* ( x) = ∫ Z I*dx = σ ∞ x 2 − l 2 4
1+υ
soit
± 2σ ∞ l2
u ( x, 0 , l ) = ±
*
2 − x2
E 4
2σ ∞ ∂u2* ( x, 0± , l ) σ∞ x
u2* ( x, 0 ± , l ) = ± x(l − x) d’où =±
E ∂l E l−x
± E ∂u2* ( x, 0 ± , l ) ±1 x
h2 ( x, 0 , l ) = ± =
*
2KI ∂l 2π l l−x
x x
T2 = σ ∞ sur la lèvre supérieure et T2 = −σ ∞ sur la lèvre inférieure
l l
Les FIC K I(1) et K I(2) pour les deux chargements sont ensuite déterminés à l’aide de la
relation IV.44. On adopte pour le calcul le changement de variable x = l sin 2 θ :
π /2
σ∞ l
x σ ∞l σ ∞l π / 2
∫ ∫ 2sin 2 θ dθ = 2 (1 − cos 2θ )dθ
2π l ∫0
K I(1) = 2 dx = 2
2π l 0
l−x 2π l 0
d’où
πl
K I(1) = σ ∞
2
et
98
π /2
σ∞ l
x x σ ∞l
K I(2) = 2 ∫0 l l − x dx = 2 ∫ 2 sin
4
θ dθ
2π l 2π l 0
π /2
σ l
∞
13 cos 4θ
=2 ∫ − 2 cos 2θ + dθ
2π l 0
22 2
d’où
3σ ∞ πl
K (2)
I =
4 2
Les fissures traversantes avec un front bien défini (figure IV.3) ont une configuration
bidimensionnelle. Les méthodes indiquées précédemment permettent le calcul du FIC
dans un grand nombre de cas simples.
Pour des fissures de surface de forme semi elliptique (figure IV.19a) dans des plaques
sollicitées en mode I, des formules empiriques permettant le calcul du FIC ont été
proposées par Raju et Newman8. Ces formules sont de la forme :
a a c
K I = σ ∞ π aFS , , , ϕ IV.46a
c t W
a
avec pour ≤1
c
a
2
a
4
FS = M 1 + M 2 + M 3 f1 f 2 f 3 f 4
t t
où
M 1 = 1,13 − 0, 09a / c M 2 = −0,54 + 0,89 / ( 0, 2 + a / c )
−1/ 2
πc a a2
1/ 4
8
I.S. Raju and J.C. Newman, Stress intensity factors for a wide range of semi-elliptical surface cracks in
finite thickness plates, Engineering Fracture Mechanics, 11, pp. 817-829, 1979
99
W
t
a a
ϕ
2c c
a- b-
Figure IV.19 Fissures a- de surface b- de coin
Pour des fissures de coin (figure IV.19b) dans des plaques sollicitées en mode I, les
formules empiriques sont de même type9 :
a a
K I = σ ∞ π aFC , , ϕ IV.46b
c t
a
avec pour ≤1
c
a
2
a
4
FC = M 1 + M 2 + M 3 g1 g 2 g3 g 4
t t
où
M 1 = 1, 08 − 0, 03a / c M 2 = −0, 44 − 1, 06 / ( 0,3 + a / c )
1/ 4
a2
f 2 = 1 + ( 0, 08 + 0,15(a / t ) ) (1 − cos ϕ ) g 4 = f 4 = sin 2 ϕ + 2 cos 2 ϕ
2 3
c
La figure IV.20 compare les FIC calculés par les formules IV.46 de Newman et Raju à
ceux obtenus par des calculs aux éléments finis plus récents10, pour des fissures de coin
et de surface. Les relations empiriques IV.46 donnent des résultats tout à fait
acceptables. Elles sont largement utilisées dans les bureaux d’études.
9
I.S. Raju and J.C. Newman, Stress intensity factors for corner cracks, ASTM STP 677, pp. 411-430,
1979
10
A. El Malki Alaoui, Influence du chargement sur la propagation en fatigue de fissures courtes dans un
acier de construction navale, Thèse de doctorat - Université de Metz, février 2005.
100
c = 100 µ m c = 100 µ m
a- b-
L’épaisseur influe sur l’état de contrainte. Dans les éprouvettes d’essais de faible
épaisseur (plaques), chargées en mode I dans leur plan, l’état de contraintes planes est
prédominant et la valeur critique du FIC est élevée, notamment dans les matériaux
ductiles. Lorsque l’épaisseur augmente, on observe une transition vers un état de
déformations planes, le FIC critique diminue et n’évolue plus au-delà d’une certaine
épaisseur - c’est cette valeur minimale stabilisée du K IC qui définit la ténacité du
matériau.
101
Contraintes
planes
K IC K IC Fragile
Déformations
Ductile
planes
εɺ A
K IC
Epaisseur Température
Figure IV.21 Variations caractéristiques de la ténacité K IC
Dans les alliages métalliques tels que les aciers, l’influence de la température se
caractérise par une transition très significative entre un domaine fragile à basse
température et faible ténacité, et un domaine ductile à haute température et forte
ténacité. Cette zone de transition fragile-ductile se déplace vers les températures plus
grandes lorsque la vitesse d’essai εɺ augmente. Lorsqu’il y a des risques d’explosion, ce
comportement rend très délicat le dimensionnement des structures – tout simplement,
parce qu’une explosion provoque une augmentation brutale de la vitesse de déformation
de la structure.
Les mesures de ténacité sont faites sur des éprouvettes normalisées préfissurées en
fatigue. Pour une bonne mesure de la ténacité K IC , les normes ASTM11 imposent les
conditions suivantes :
2
KI
a, e, (W − a ) ≥ 2,5 C IV.47
σE
11
Standard Test Method for Plane-Strain Fracture Toughness of Metallic Materials, Annual Book of
ASTM Standards, Part 10, E399-81, American Society for Testing and Materials, pp. 592-621, 1981
102
où σ E , a, e et W sont respectivement la limite d’élasticité du matériau, la longueur de
la fissure, l’épaisseur et la largeur de l’éprouvette ; W − a est la longueur du ligament
non fissuré.
En plus des conditions IV.47, les normes ASTM exigent, lors de l’essai de mesure du
K IC , de s’assurer que :
Charge P
A Q
Pu →
PQ ր
Pente(0Q)=0,95Pente(0A)
O
Déplacement
103
Application de la méthode de détermination expérimentale de la ténacité K IC
Une éprouvette de flexion trois points (figure IV.23) est testée conformément aux
recommandations de l’ASTM. σ E = 1200 MPa et E = 210GPa sont les valeurs
respectives de la limite d’élasticité et du module d’Young du matériau. L’éprouvette est
chargée à une vitesse de 100kN / mn . Elle est préfissurée en fatigue à P1max = 45kN et
P min = 0 . Les derniers cycles pour atteindre une longueur de fissure a telle que
a / W ≈ 0, 5 , sont effectués à P2max = 30kN . Les dimensions mesurées sont :
L est la distance entre les points d’appui de l’éprouvette et a1 , a2 , a3 sont les longueurs
gauche droite
de fissure mesurées après rupture (figure IV.23) et asurface , asurface sont les longueurs en
surface.
P
W
P/2 a P/2
Surface
gauche
asurface a1 a2 a3 droite
asurface
fissurée
e
Figure IV.23 Eprouvette de flexion 3 points pour la mesure de K IC
Pu = 86kN PQ = 80kN
104
PL
KI = g (a / W )
eW 3/ 2
avec
3 a / W (1,99 − (a / W )(1 − a / W )(2,15 − 3,93a / W + 2, 7(a / W ) 2 )
g (a / W ) =
2(1 + 2a / W )(1 − a / W )3/ 2
Solution
2 2
KQ 70, 6 MPa m −2
- a, e, (W − a ) ≥ 2,5 = 2,5 = 0,865 ⋅10 m = 8, 65mm
σE 1200 MPa
la condition IV.47 est vérifiée ;
amoy − asurface
gauche
4 − 3,915 amoy − asurface
droite
4 − 3,952
- = = 0, 02 < 0,1 et = = 0, 012 < 0,1
amoy 4 amoy 4
la condition i. est vérifiée ;
Pu 86
- = = 1, 08 < 1,1 la condition iii. est vérifiée ;
PQ 80
kN
∆K I
100 ⋅ 0, 3 ∆K I
60 s MPa m MPa m
- = 2, 663 = 1, 47 soit 0,55 < < 2, 75
∆t 0, 04 ⋅ (0, 08) 3/ 2
s ∆t s
la condition iv. est vérifiée ;
105
• Les conditions de l’ASTM étant toutes vérifiées, on a donc :
K IC = K Q = 70, 6 MPa m
Les contraintes au voisinage de l’extrémité d’une fissure données par les relations IV.26
pour les modes de sollicitation I et II, et IV.31 pour le mode III, sont inversement
proportionnelles à r . Le calcul en élasticité qui aboutit à cette singularité en 1/ r ,
prévoit donc qu’elles deviennent infinies lorsque r → 0 . Or nous savons très bien que
dans les matériaux réels, les contraintes restent finies et qu’au-delà de la limite
d’élasticité σ E du matériau, il se forme une zone plastifiée dont le contour peut être
déterminé.
L’approche la plus simple est celle d’Irwin1. Cet auteur considère, en première
approximation, que le contour de la zone plastique correspond au lieu des points où les
contraintes atteignent la limite d’élasticité du matériau. Pour la détermination du rayon
rE pour lequel cette frontière coupe le plan d’une fissure en contraintes planes, il pose
σ y = σ E où σ E est la limite d’élasticité en traction simple et σ y donnée par IV.26a en
mode I ; ce qui conduit à :
KI
σ y (r ,θ = 0) = = σE
2π rE
d'où
rE =
1 KI FG IJ 2
2π σ E H K IV.48
Cette analyse fait cependant abstraction des forces non transmises représentées par
l’aire hachurée de la figure IV.24. Pour tenir compte de ces forces, il convient d’assurer
l’équilibre entre les deux répartitions (élastique et élastoplastique) des contraintes.
Comme la taille rP de la zone plastique doit donc être supérieure au rayon rE ,
l’équilibre des forces entre les deux configurations conduit à :
z0
∞
σ y dr = σ E . rP + z
rE
∞
σ y dr ⇒ σ E . rP = z
0
rE
σ y dr
106
σy
Répartition
élastique
σE Répartition
rE élasto plastique
rP
F IJ
1 KI
= G
2
= 2rE
π Hσ K
rP IV.49
E
La distribution des contraintes dans la répartition élasto plastique pour r > rP , est
obtenue par une translation d’une distance rE de la répartition élastique (figure IV.24).
Irwin rend compte de cette translation en définissant un FIC effectif qu’il obtient en
augmentant la longueur de fissure de rE . Ce qui revient à considérer non pas la
longueur réelle a de la fissure mais une longueur effective aeff = a + rE .
C’est ainsi que, dans le cas d’une fissure traversant une plaque infinie chargée en mode
I, le FIC sans correction K I = σ ∞ πa devient après correction :
K eff = σ ∞
π (a + rE ) = σ ∞
L 1Fσ
πa M1 + G
∞
IJ 2
OP 12
MN 2 H σ E K PQ IV.50
107
Après calculs, la forme de la zone plastique rP (θ ) est donnée en mode I par :
i. en contraintes planes
rP (θ ) =
K I2 FG θ IJ FG 1 + 3 sin FG θ IJ IJ
cos 2
H 2K H H 2K K
2
Von Mises IV.51a
2πσ 2
E
θ θ
2
K I2
Tresca rP (θ ) = cos 2 1 + sin IV.51b
2πσ E
2
2 2
rP (θ ) =
K I2 FG θ IJ FG b1 − 2υ g 2
+ 3 sin 2
FG θ IJ IJ
Von Mises
2πσ 2
E
cos 2
H 2K H H 2KK IV.51c
KI
2
2 θ θ
2
La figure IV.25 visualise, pour υ = 0,3 , les formes des zones plastiques qui se forment
à l’extrémité d’une fissure sollicitée en mode I. L’étendue de la zone plastifiée est plus
importante en contraintes planes qu’en déformations planes, et ce pour les deux critères.
Le critère de Tresca conduit, en contraintes planes comme en déformations planes, à des
zones plastifiées légèrement plus étendues que celles prévues par le critère de Von
Mises. Les observations expérimentales des zones plastiques sont souvent plus proches
du critère de Tresca, notamment en contraintes planes.
rp
LM PO
1 KI
2
CP
N Q
2π σ E
DP
0
-2
108
En mode II et III, les contours des zones plastiques peuvent aussi être déterminés : il
suffit, par exemple, d’appliquer le critère de Von Mises qui s’écrit dans l’espace des
contraintes non principales :
dσ xx + σ yy + σ zz i − 3dσ
2
xx i
σ yy + σ yy σ zz + σ zz σ xx − τ 2xy − τ 2yz − τ 2xz = σ 2E
rP (θ ) =
K 2
II 2
PP IV.52a
2πσ 2E 2F θIF θ 3θ I
MN +3 cos GH 2 JK GH 1 − sin 2 sin 2 JK PQ
ii. Mode II en déformations planes
θ θ θ 3θ θ 3θ
4(1 + υ ) 2 sin 2 + 3sin 2 cos cos 2 + cos cos
2 2 2
2
K 2 2 2
rP (θ ) = II
IV.52b
2πσ E
2
2 θ 2 θ θ 3θ
−12υ sin 2 + 3 cos 2 1 − sin 2 sin 2
2
3K III
rP (θ ) = (ne dépend par de θ ) IV.53
2πσ 2E
La figure IV.26 présente les contours des zones plastiques en mode II ; en mode III, le
contour est circulaire.
4
rp
LM PO
1 K II
2
2π σ EN Q
0 DP
CP
-4
0
109
IV.10 Approche énergétique de Griffith
e
∆a ∆A
a a
∆U ∂U
G = lim ∆A→0 = IV.55a
∆A ∂A
où ∆A = e∆a est la surface fissurée lors de la propagation de la fissure sur une longueur
∆a dans une éprouvette d’épaisseur e ; G est une énergie par unité de surface qui
s’exprime en général en kJ / m 2 .
∆U ∂U
G = lim ∆a →0 = IV.55b
∆a ∂a
110
L’énergie G est appelée aussi taux de restitution d’énergie et pour bien comprendre
cette signification, on va considérer la propagation (dans une éprouvette d’épaisseur
unité) dans les deux cas classiques suivants :
a
a + ∆a a + ∆a
P
a- b- c-
Les diagrammes charge-déplacement pour les deux cas sont indiqués sur la figure
IV.29.
Propagation
P A P A B
Propagation ∆U
∆U B
a a
a+∆a
a+∆a
∆u
u u
O u O u
a- Déplacement imposé b- Force imposée
111
1 u2 u2 ∂ C
Wél = CP =2
⇒ ∆Wél = − 2 ∆a
2 2C 2C ∂ a u
On constate dans ce cas que l'énergie élastique emmagasinée décroît.
u2 ∂ C P2 ∂ C
G= = IV.56a
2C 2 ∂ a u 2 ∂ a u
u ∆u ∆C
∆ P = 0 ⇒ ∆ = 0 , soit =
C u C
Pu ∂ C
∆ Wext = P.∆u = .∆C ≈ P 2 ∆a
C ∂ a P
1 P2 P2 ∂ C
Wél = Pu = C d’où ∆Wél = ∆a
2 2 2 ∂ a P
P2 ∂ C
∆U = ∆Wext − ∆Wél = ∆a , et l’énergie de Griffith s’écrit alors :
2 ∂ a P
P2 ∂ C
G= IV.56b
2 ∂ a P
Les relations IV.26a et IV.26b peuvent se mettre sous une forme unique :
P2 ∂ C
G= IV.56c
2 ∂ a u ou P
P2 ∂ C
G= IV.56d
2e ∂ a u ou P
Il apparaît dans les deux cas examinés (déplacement ou charge imposés), que l’énergie
∆U (figure IV.29) est égale à l’aire du triangle OAB : ∆U = Aire(OAB ) . Pour réaliser
ces cas de chargement, il faut une machine d’essai, soit de rigidité infinie pour imposer
un déplacement, soit de rigidité nulle ou de souplesse infinie pour imposer une force.
Ces cas correspondent donc à des conditions limites extrêmes. Dans la pratique des
essais réels, on est entre ces deux cas limites et le diagramme charge-déplacement
présente l’allure indiquée sur la figure IV.30a pour différentes longueurs ai de fissure.
112
A1 Charge P ↑
Pi Ai (ui , Pi )
A2
a1 A j (u j , Pj )
A3
a2 Pj
A4
a3 A5 ai
a4 aj
a5
i j − Pj ui
Pu
G= IV.57b
2e ( a j − ai )
Comme pour le FIC K , l’expérience montre que pour un mode de sollicitation donné
(mode I, II ou III), la propagation brutale intervient lorsque l’énergie de Griffith atteint
une valeur critique notée GIC , GIIC ou GIIIC . En pratique, c’est la valeur critique GIC
obtenue en mode I qui est retenue. GIC est également une caractéristique de la capacité
d’un matériau à résister à la propagation brutale des fissures. C’est donc aussi une
mesure de la ténacité. Elle s’exprime en KJ / m2 alors que la ténacité mesurée à partir
du FIC s’exprime en MPa m .
113
Détermination expérimentale de la ténacité GIC
Une série d’essais sur des éprouvettes d’épaisseur 1mm préfissurées en mode I à
différentes longueurs jusqu’à rupture, a été effectuée pour déterminer la ténacité d’un
acier. Elle a donné les résultats suivants :
Ces résultats sont représentés sur les courbes charge-déplacement de la figure IV.31.
A
1
4
A
2
A
3
a =30mm A
Charge P (kN)
3 1 4
a =40 A A
5 6
2
a =50,5
3
a =61,6
2 4
a =71,7
5
a =79
6
0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2
Déplacement u (mm)
La relation IV.57b permet le calcul de la ténacité critique GIC à partir des aires des
triangles OAi A j :
Aires OA1 A2 OA2 A3 OA3 A4 OA4 A5 OA5 A6
2
GIC (kJ / m ) 30,0 30,7 30,2 29,1 30,8
Les valeurs de la ténacité GIC déterminées sur les différentes éprouvettes sont assez
proches les unes des autres. La valeur moyenne de la ténacité est :
114
GImoy =
∑G IC
= 30, 2 kJ / m 2 soit GImoy = 30, 2 ± 0, 4kJ / m 2
C
5 C
dC
G
( 2, 02 − 1, 43)10−7 m / N
= 5, 62 ⋅10−6 N −1
=
da ( 50, 5 − 40 ) 10 −3
m
dC (
D
2, 79 − 2, 02 )10−7 m / N
= 6,94 ⋅10 −6 N −1
=
da ( 61, 6 − 50,5 )10 m
−3
d’où
(5, 62 + 6, 94)10−6 N −1
moy
dC
= = 6, 28 ⋅10−6 N −1
da 2
et
GIC =
( 3,12 ⋅10 ) −3 2
N 2 ⋅ 6, 43 ⋅10−6 N −1
= 31,3kJ / m 2
−3
2 ⋅10
GImoy =
∑G IC
= 29,9 kJ / m 2 soit GImoy = 29, 9 ± 0, 7 kJ / m 2
C
4 C
Cette valeur est proche de celle déterminée par le calcul des aires OAi A j .
115
-5
0.5 1 10
-6
0.4 8 10
Complaisance C (10 m/N)
dC/da (10 N )
-6
-1
-6
0.3 6 10
-6
-6
0.2 4 10
-6
0.1 2 10
0 0
0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 100
Nous allons plus particulièrement étudier le cas d’une fissure élastique sollicitée en
mode I (figure IV.33) ; les situations en mode II et III se traitent de façon analogue.
i- mode I
σ (ya ) σ (ya + ∆a )
A A'
x
a r'
a + ∆a
Considérons une fissure de longueur initiale a qui se propage sur une distance ∆a . Son
extrémité se déplace du point A( x = a ) au point A' ( x = a + ∆a ) . Dans cette situation, le
champ de contrainte en aval de l'extrémité de la fissure ( θ = 0 ) est donné par IV.26a :
b
σ y r ,θ = 0 = g KI
2πr
116
alors que le champ des déplacements des lèvres en amont de l'extrémité de la fissure
(θ = π ) s'écrit (relations IV.26b) selon les cas :
υ * = υ en déformations planes
u y ( r ,θ = π ) =
KI
µ
2r
π
(1 − υ ) *
avec * υ
υ = en contraintes planes
1+υ
Dans une structure d’épaisseur unité, la force appliquée aux lèvres d’une fissure est
bg
σ y r edx avec r = x − a (figure IV.33).
Comme le déplacement d’un point d'abscisse x est u y (r' ) avec r ' = a + ∆a − x (figure
IV.33), le travail de régression s'écrit donc :
z σ y (r )u y (r ' ) 1 − v*
z a + ∆a − x
2
a KI a
∆W ' = − ∆U = 2 dx = . dx
a + ∆a 2 µ π a + ∆a x−a
(I)
∆a dX
= X ⇒ dx = − 2 ∆a et
RS x = a ⇒ X =∞
x−a X T x = a + ∆a ⇒ X = 1
devient alors Ι = ∆a z
F dX IJ que l’on intègre par parties en
X − 1G −
∞
L'intégrale (I)
H XK 1 2
posant :
R|α = X − 1 ⇒ dα = dX R|
L X − 1 OP − UV
z
∞
2 X −1
S| dX 1
⇒ Ι = ∆a S M
| N X Q
dX
2 X X − 1W
∞
|T dβ = −
X 2
⇒ β =
X |
T =0
1
d’où
∞ π
Ι = ∆a − Arctg X − 1 =− ∆a
1 2
∆U = − ∆W ' =
KI
2
c1 − υ h ∆a*
µ 2
et
∆U K I2 1 − υ *
GΙ = Lim = IV.58a
∆a →0 ∆a µ 2
117
soit
- pour un état de déformations planes (υ * = υ ) :
K I2
GIDP =
E
(1 − υ 2 ) IV.58b
υ
- pour un état de contraintes planes υ * =
1+υ
K I2
GI =
CP
IV.58c
E
Des calculs analogues peuvent être effectués en modes II et III pour une fissure de longueur a se
propageant sur une distance ∆a .
ii- mode II
DP K II2
GII = (1 − υ 2 ) en déformations planes
K II2 E
GII = (1 − υ * ) ⇒ IV.59
2µ 2
G CP = K II en contraintes planes
II E
Cette fois-ci, les champs des contraintes en aval et des déplacements en amont de
l'extrémité de la fissure s’écrivent (relation IV.31) :
R| σ br ,θ = 0g = K III
|S yz
2π r
||u br ,θ = π g = K 2r III
T
3
µ π
2
K III
G III = IV.60
2µ
118
Chapitre V Mécanique linéaire de la rupture en fatigue des matériaux
V.1 Introduction
L’endommagement par fatigue, associé à plus de 50% des cas de défaillances des
systèmes mécaniques, se manifeste en général par l’amorçage et la propagation de
fissures.
Un cycle de contrainte est caractérisé par une amplitude de contrainte ∆σ et par une
contrainte moyenne σ m (figure V.1). On utilise souvent pour décrire les résultats de
fatigue l’amplitude de contrainte et le rapport, noté R , de la contrainte minimale sur la
contrainte maximale :
σ min
R= <1
σ max
∆σ = σ max − σ min = σ max (1 − R )
∆σ R∆σ
σ max = , σ min =
1− R 1− R
1+ R
σ moy = ∆σ
2 (1 − R )
119
Contrainte
σ max
σ moy ∆σ
σ min
Temps
∆σ 1 max
σa = = (σ − σ min )
2 2
σa
σD
σ m = 0 ou R = −1
Log( N R )
Figure V.2 Courbe d’endurance ou de Wöhler
120
On peut distinguer sur cette courbe, connue sous les noms de courbe d’endurance, de
Wöhler ou encore courbe S-N (Stress - Number of cycles), trois domaines :
- une zone à faible nombre de cycles ou zone de fatigue oligocyclique (zone 1), sous
forte contrainte, où la rupture qui intervient après un faible nombre de cycles, est
précédée d’une déformation plastique significative ;
- une zone de fatigue ou d’endurance limitée (zone 2), où la rupture est atteinte après
un nombre de cycles plus important, nombre qui croît lorsque la contrainte décroît ;
- une zone d’endurance illimitée ou zone de sécurité (zone 3), sous faible contrainte,
pour laquelle la rupture ne se produit pas avant un nombre donné de cycles
généralement supérieur à 106 cycles pour les aciers et 107 cycles pour les alliages
légers.
Il est généralement admis que ce domaine (zone 1 de la figure V.2) correspond à des
contraintes élevées supérieures à la limite d’élasticité du matériau. Le nombre de cycles
à rupture s’étend d’une alternance à 104 cycles.
R = −1
∆σ ∆ε p
∆ε t
121
La figure V.4 est une illustration de ces deux types de comportement : lorsque
l’amplitude de contrainte cyclique augmente avec l’amplitude de la déformation, le
matériau durcit ; dans le cas contraire il s’adoucit. Cependant, on observe souvent dans
les deux cas une stabilisation de la réponse du matériau dès les premiers cycles. En
joignant les sommets des boucles stabilisées obtenues pour différentes valeurs de
déformation ∆ε imposée, on trace une courbe dite de traction cyclique qui caractérise
l’état stable des déformations sous sollicitations cycliques. Chacun des deux
comportements possibles d’un matériau est mis en évidence par la position de la courbe
de traction cyclique par rapport à la courbe de traction monotone comme le montre la
figure V.5.
Les lois empiriques les plus utilisées pour décrire la fatigue oligocyclique à température
ambiante, c'est-à-dire le nombre de cycles pour différentes déformations plastiques ou
totales imposées, sont :
2
où c est l’exposant de ductilité en fatigue et ε 'f le coefficient de ductilité en fatigue.
= ( 2 N R ) avec ∆ε e = ∆ε t − ∆ε p
b
2 E
où b et σ f sont respectivement l’exposant et le coefficient de résistance à la fatigue.
'
On a pour les matériaux courants tels les aciers ou les alliages légers,
c ≈ −0.5 et b ≈ c 10 .
A
Weibull N R . (σ a − σ D ) = A NR =
n
Basquin
σ an
− C (σ a −σ D )
e
Bastenaire N R + B = A
σa −σ D
122
Figure V.4 Boucles contrainte-déformation cycliques correspondant
aux deux comportements a- durcissement cyclique et b- adoucissement cyclique
σ
Durcissemen Traction
t statique
cyclique
Adoucissement
ε
Figure VI.5 Adoucissement ou durcissement cyclique par fatigue
La figure V.6 est une représentation schématique des résultats de fatigue oligocyclique
ajustés aux relations empiriques de Manson-Coffin et Basquin.
123
Log∆ε
∆ε p ∆ε t = ∆ε e + ∆ε p
∆ε e
LogN R
Dans la zone 3 d’endurance illimitée, il est parfois difficile d’évaluer la limite de fatigue
ou limite d’endurance σD. La figure V.7 montre les limites d’endurance pour acier doux
(le coude de la zone 3 est bien marqué) et un alliage d’aluminium où la détermination de
σ D est plus délicate.
La courbe de Wöhler étant la courbe médiane à 50%, il est vérifié par l’expérience
(figure V.9) que :
- La distribution de Log(NR) suit une loi normale pour une contrainte donnée;
- La distribution de la contrainte suit une loi normale pour un nombre de cycles donné.
124
Figure V.7 Limite d’endurance pour un acier doux et un alliage d’aluminium
Figure V.8 Dispersion des résultats de fatigue endurance dans un acier XC10
125
V.2.3 Influence de la contrainte moyenne sur les courbes de Wöhler
Lorsque les essais de fatigue sont réalisés à contrainte moyenne sm non nulle, la durée
de vie est modifiée :
- Diagramme de Haig
- Droites de Söderberg ou de Goodman;
- Parabole de Gerber
126
Figure V.11 Diagramme de Haig
127
Plusieurs représentations de la courbe AB ont été proposées (figure V.13). Ces
représentations empiriques nécessitent la connaissance de la limite d’endurance à σm=0,
de la limite d’élasticité Re et de la résistance ultime à la traction Rm du matériau :
- la droite de Söderberg et, dans une moindre mesure, la droite de Goodman sont trop
pénalisantes pour σ m > 0 et trop optimistes pour σ m < 0 ;
- la parabole de Gerber est assez juste pour σ m > 0 mais elle est pénalisante pour
σ m < 0 puisqu’elle ne rend pas compte de l’augmentation de l’endurance σ a dans
ce domaine.
ni
Di =
Ni
128
ni le nombre de cycles effectué à l’amplitude ∆σ i ou ∆ε i
N i le nombre de cycles à rupture correspondant (déduit de la courbe de Wöhler
ou de celle de Manson-Coffin)
σa Log∆ε
Courbe de Wöhler Courbe de Manson-Coffin
∆σ i ∆ε i
2
σD
ni Ni Log( N R ) ni Ni LogN R
La règle de cumul linéaire de Miner suppose que l’endommagement total est la somme
algébrique des endommagements élémentaires. L’endommagement total D est donné
par :
ni
D = ∑ Di = ∑ La rupture se produit lorsque D = 1 .
i i Ni
La règle de Miner bien que peu précise dans certains cas ( ±20% ), est néanmoins très
utilisée en calcul de structure à cause de sa simplicité.
Dans quelles conditions la propagation des fissures de fatigue présente un intérêt ? Les
spectres de charge subis par les structures en service peuvent contenir des contraintes de
niveau supérieur à la limite de fatigue et provoquer donc la propagation des fissures. Par
129
ailleurs certaines structures contiennent des fissures inhérentes aux procédés de
fabrication, et la maîtrise de leur propagation devient alors importante pour l’intégrité
de la structure. C’est ce qu’on appelle le concept de tolérance au dommage qui peut
s’énoncer ainsi : puisque certaines structures contiennent inévitablement des fissures,
leur dimensionnement et/ou leur durée de vie doivent être tels que ces fissures
n’atteignent pas une taille critique conduisant à la rupture brutale. C’est notamment le
cas des structures aéronautiques : les avions par exemple, où des fissures sont présentes
un peu partout dans le carénage, ont une durée de vie limitée. Ils sont régulièrement
inspectés à des périodes fixées par la vitesse de propagation des fissures, de sorte que
les tailles de celles-ci ne deviennent pas critiques.
La présence de fissures dans les structures est donc tolérée. Lorsque la sécurité n’est pas
essentielle comme par exemple les essieux des roues de tracteur qui rompent le plus
souvent en fatigue, on remplace alors l’essieu quand il est hors usage. Mais lorsque ce
n’est pas le cas, comme par exemple les réservoirs sous pression qui peuvent exploser et
provoquer des catastrophes, il faut des inspections régulières pour éviter la rupture
brutale.
Un essai de propagation de fissure de fatigue peut être conduit sur une simple plaque
percée d’un trou central prolongé d’entailles aigues pour faciliter l’amorçage (zoom de
la figure V.15). Si W est la largeur de la plaque, des bonnes conditions d’essai exigent
que son épaisseur soit environ égale à W / 20 , le diamètre du trou central de l’ordre de
W / 30 et la longueur initiale 2a0 (trou et entailles) d’environ W /10 . Ce type
d’éprouvette est appelé éprouvette CCT.
La photo sur la figure V.15 montre le dispositif de fixation de l’éprouvette CCT entre
les mors de la machine de fatigue. La longueur de fissure est mesurée régulièrement à
l’aide de méthodes optique ou électrique.
La figure V.16 représente deux essais sur des éprouvette CCT ( W = 100mm ) sollicitées
à des niveaux de chargements cycliques différents mais à même rapport de charge : la
progression de fissure est tout naturellement plus rapide à l’amplitude de contrainte, σ 1 ,
la plus forte. L’essai à amplitude σ 2 < σ 1 , conduit à une rupture de l’éprouvette pour un
nombre de cycles plus élevé.
130
σ∞
2a0
W
2
2a
2W
2a
σ∞
131
50
σ1 σ 2 < σ1
40
30
a (mm)
20
Pente
da / dN
10
a0
0
0 20000 40000 60000 80000
N (cycl es)
-4
2.10
σ1
da/dN (mm/cycle)
10-4
σ 2 < σ1
0
10 20 30 40
a (mm)
132
-4
2.10
• σ1
σ2
K
da/dN (mm/cycle)
K max
10-4
∆K
K min
t
0
15 25 35 45
∆K∆Κ 1 /2
(MPa.mm ))
( MPa
σ min K min
R= = avec K max = σ max π a f (a / W ) et K min = σ min π a f (a / W )
σ max K max
où
f (a / W ) est la fonction complaisance définie au chapitre 3.
On a ainsi :
∆K R
∆K = K max − K min = K max (1 − R ) ⇒ K max = et K min = ∆K
1− R 1− R
133
On peut donc écrire :
da
= f ( K max , K min ) V.1
dN
ou
da
= f (∆K , R ) V.2
dN
En général, une courbe de fissuration comme celle de la figure V.18 est représentée en
échelle bi-logarithmique ( log(da / dN ) − log(∆K ) ) . La courbe V.19 montre un exemple
de courbes de fissuration obtenues sur un alliage d’aluminium1. Celles-ci sont issues
d’essais sur éprouvettes CCT, sollicitées avec deux rapports de charge R et deux
amplitudes de contrainte pour chaque valeur de R . Ces résultats montrent bien que les
courbes de fissuration dépendent du rapport de charge comme le prévoit la relation V.2 ;
à même ∆K , la vitesse de propagation da / dN croit avec R , autrement dit da / dN est
plus rapide lorsque σ m , le niveau moyen de la contrainte cyclique, augmente.
∆σ ( MPa )
1
J. Schijve, Fatigue of Structures and Materials, Kluwer Academic Publishers, 2001
134
Courbes de fissuration en fatigue
La figure V.19 montre des courbes de fissurations partielles. L’allure d’une courbe de
fissuration (ou courbe de propagation en fatigue) complète est indiquée sur la figure
V.20. Ce type de courbe est obtenu pour un rapport de charge R fixé ; on observe un
déplacement de la courbe vers la gauche, lorsque R augmente.
- Le domaine des faibles vitesses, obtenu par des essais à ∆K décroissant : cette
procédure permet de déterminer la valeur seuil de l’amplitude du FIC, ∆K seuil , en
dessous de laquelle, une fissure, présente dans un matériau, ne se propage plus.
Compte tenu de la procédure, la longueur de fissure est relativement longue lorsque
le ∆K seuil est atteint. La connaissance de ∆K seuil est d’une grande importance pour
les structures nécessitant une grande fiabilité. Elle varie avec le rapport de charge R
et le milieu environnant. La relation empirique de Klesnil et Lukas2, la plus utilisée
pour décrire ces variations, est de la forme :
∆K seuil = (1 − R ) ∆K 0
γ
V.3
da
dN
= C ∆K b g m
V.4
2
M. Klesnil and Lukas, The influence of strength and stress history on growth and stabilization of fatigue
cracks, Engineering Fracture Mechanics, 4, pp. 77-92, 1972
135
da da
Log Log
dN dN
Pente
Rր
m
a- b-
∆K seuil Log ∆K ∆K seuil Log ∆K
da
Log Courbe de propagation
dN Approximation BE
da
= C ( ∆K )
m
dN
Log ∆K
∆K seuil K max = K c
136
ac da
Nf = ∫ V.5
a0 C ∆K m
(
∆ai = C ( ∆K i ) ∆N i = C ∆σ i π ai f ( ai / W ) )
m
∆N i
m
∆N spectre = ∑ ∆N i
i
∆aspectre = ∑ ∆ai
i
∆N spectre ∑ ∆N
i
i ∑ ∆N i
i
soit
∑ ( ∆σ ) ∆N
m
i i
π a f ( a / W )
m
da / dN spectre = C i
∑ ∆N i
i
137
Ce calcul repose sur l’utilisation d’une loi de cumul linéaire (de type Miner) des
accroissements élémentaires ∆ai de fissure.
avec
NS
1
σ mS
max
=
NS
∑σ
i =1
2
max
et
NS
1
σ min
mS =
NS
∑σ
i =1
2
min ,
NS
da
= C ( ∆K mS )
m
dN
La durée de vie est ensuite calculée par intégration d’une relation de type IV.20.
3
J.M. Barsom, ASTM STP 595, p. 217, 1976
138
fissure. Il s’ensuit alors qu’au cours d’un cycle de chargement, la décharge élastique du
matériau entraîne des contraintes de compression sur le sillage plastique : c’est le
phénomène de fermeture induite par la plastification. Elber4 fut le premier a observé un
contact prématuré des lèvres de la fissure pendant la décharge lorsque la contrainte
nominale n’est pas encore nulle. La fissure reste ensuite fermée pendant toute une partie
du bas de cycle. Ainsi, alors que l’éprouvette d’essai est globalement en traction, la
fissure peut rester fermée jusqu’à une contrainte appelée contrainte d’ouverture σ ouv
(figure V.22). Comme l’intensité de contrainte n’est pas transmise à l’extrémité de la
fissure tant que celle-ci reste fermée, l’amplitude de contrainte ∆σ eff qui contribue
effectivement (ou efficacement) à la propagation est :
L’effet de la fermeture de fissure sur les courbes de propagation se traduit donc par une
réduction de l’amplitude du facteur d’intensité des contraintes ∆K = K max − K min . Seule
l’amplitude ∆K eff = K max − K ouv est effectivement transmise à l’extrémité de la fissure.
Contraintes de compression
Sillage plastique
σ max
σ ↑ σ ouv
σ ouv < σ < σ max σ min σ min < σ < σ ouv
→t Fissure fermée
Fissure ouverte
Elber a proposé de décrire les courbes de propagation, non pas en termes de ∆K mais
en termes de ∆K eff , soit pour le domaine de Paris :
da
= C ( ∆K eff )
m
dN
avec
∆K eff = ∆σ eff π a f ( a / W )
La figure V.23 reprend les courbes de propagation de la figure V.19 en termes de ∆K eff .
On obtient alors une courbe unique da / dN − ∆K eff pour les deux rapports de charge.
4
W. Elber, ASTM STP 486, p. 230-242, 1971
139
Autrement dit, l’influence du rapport de charge sur les courbes de propagation
da / dN − ∆K est directement liée à la fermeture de fissure qui intervient en bas de
cycle de fatigue.
Lorsqu’on opère sous environnement oxydant, les contraintes de fermeture sont plus
élevées du fait de la présence de débris d’oxyde sur les surfaces fraîchement rompues.
La fermeture peut être également accentuée si le chemin de fissuration est sinueux avec
des déplacements en mode II à l’extrémité de la fissure. Ces deux types de fermeture
induite par l’oxydation ou la rugosité des surfaces rompues, sont schématisés sur la
figure V.24.
R ∆σ ( MPa )
0,52 34
53 •
-0,05 118,7
182,5
da/dN ↑
(μm/cycle)
140
Le développement de toutes ces fermetures (plasticité, oxydation des surfaces rompues
et ou déplacements en mode II) est lié à l’existence d’un sillage plastique. L’évolution
du paramètre K ouv = σ ouv π a f ( a / W ) , est représentée schématiquement en fonction de
la longueur de fissure sur la figure V.25. Il apparaît qu’en dessous d’une taille de fissure
a0 (et donc d’une longueur de sillage plastique), on observe une diminution de K ouv . La
longueur a0 ainsi déterminée, est de 1 à 2 mm selon les matériaux.
K ouv ↑
a0 a→
L’examen de la figure V.25, montre qu’une fissure dont la longueur est inférieure à a0
(que l’on appelle fissure courte) a une intensité de contrainte effectivement transmise à
son extrémité plus élevée comparée à celle d’une fissure de longueur supérieure à a0
(fissure longue) et soumise au même chargement. Ce résultat met en défaut le concept
de similitude en mécanique de la rupture, selon lequel deux fissures de tailles différentes
soumises au même chargement ∆K − R dans un système matériau-environnement
donné, auront la même propagation dès lors que ∆K > ∆K seuil . Or l’expérience montre
que les fissures courtes se propagent non seulement plus vite mais parfois à des niveaux
d’intensité des contraintes inférieurs à ∆K seuil . Ce seuil de non fissuration est déterminé
selon une méthodologie de décroissance par paliers du ∆K qui conduit à des fissures
dont la longueur est de plusieurs millimètres, autrement dit des fissures longues. La
figure V.26 présente schématiquement le comportement en propagation des fissures
courtes de fatigue comparé en termes de ∆K à celui des fissures longues. Pour le calcul
des durées de vie en bureau d’études (BE), on utilise en général une loi type Paris pour
les fissures longues ( da / dN ) et une pour les fissures courtes ( da / dN )
FL FC
tronquée à
∆K seuil .eff = ( K max − K ouv ) seuil (figure V.26).
FL FL
La propagation des fissures courtes se situe en fait dans un domaine intermédiaire entre
l’amorçage des toutes petites fissures de la taille d’un grain et le domaine de
141
propagation des fissures longues ; il faut se rappeler que limite de fatigue σ D est
l’amplitude de contrainte en dessous de laquelle une microfissure créée par fatigue dans
un matériau n’arrive plus à passer un joint de grain. Il est clair qu’à l’échelle de ces
toutes petites fissures, l’application de la mécanique linéaire de la rupture et plus
précisément du concept de facteur d’intensité des contraintes, devient problématique car
les hypothèses sur lesquelles elle repose ne sont pas vérifiées dans le cas des
microfissures. Ces hypothèses supposent une taille de fissure grande par rapport d’une
part à la zone plastifiée de la fissure et d’autre part aux dimensions microstructurales
pour que le milieu soit considéré comme continu.
da
↑
dN
Calcul en BE
da
Fissures Courtes
dN
( da / dN )
FC
( da / dN )
FL
da
Fissures Longues (FL)
dN
∆K seuil
FL
.eff
∆K seuil
FL
∆K →
142
Chapitre VI Mécanique non linéaire de la rupture
VI.1 Introduction
La mécanique linéaire de la rupture (MLR) demeure une approche valable tant que le
comportement du matériau est élastique et linéaire, mais aussi lorsque la plastification à
fond de fissure reste confinée dans une zone de faible taille par rapport aux dimensions
des fissures et de celles de la structure fissurée. Il est quasiment impossible dans
beaucoup de matériaux de respecter les deux conditions précédentes et de décrire le
comportement avec la MLR. Une approche alternative s’avère nécessaire pour ces
matériaux.
On s’est rendu compte dès le début des années 60, qu’il était difficile de caractériser
avec la seule MLR, la ténacité de certains matériaux tels que les aciers de structure. Les
matériaux étaient élaborés en recherchant une plus forte ténacité mais les concepts
existants de la MLR (K ou G) n’étaient plus applicables à cette classe de matériaux
comme l’ont montré les essais expérimentaux de Wells1. L’émoussement de l’extrémité
des fissures fut la principale observation expérimentale de Wells. La figure VI.1 illustre
la différence de comportement entre une fissure élastique et une fissure dont l’extrémité
s’émousse du fait de l’écoulement plastique.
1
A. A. Wells, « Unstable crack propagation in metals : Cleavage and fast fracture ». Proceedings of the
crack propagation symposium, vol. 1 , Paper 84, UK, 1961
143
Wells observa que l’émoussement de l’extrémité des fissures augmentait avec la
ténacité des matériaux. Cela l’a conduit à proposer l’écartement à fond de fissure
comme mesure de la ténacité. Ce paramètre est connu aujourd’hui sous le nom de
CTOD.
L’analyse proposée par Wells tente de relier le CTOD au FIC K lorsqu’on est en régime
de plasticité confinée. Pour examiner cette approche, on va considérer une fissure avec
une faible zone plastifiée comme indiqué sur la figure VI.2. Irwin montra qu’une telle
fissure se comporte comme si elle était effectivement plus longue du fait de
l’écoulement plastique à fond de fissure. On peut alors estimer le CTOD en augmentant
la longueur de fissure de ry, la correction de zone plastifiée. Le CTOD est pris égal à
l’ouverture de la fissure à la distance ry en amont de l’extrémité ; le déplacement à cette
distance est estimé à partir de la MLR qui prévoit en mode I :
uy =
κ +1
KI
ry
avec
RS
κ = 3 − 4υ en DP
VI.1
2µ 2π T
κ = (3 − υ ) / (1 + υ ) en CP
La longueur effective de fissure est a+ ry, avec ry le rayon de zone plastifiée calculé
d’après l’approche d’Irwin pour un état de contraintes planes :
ry =
FG IJ
1 KI
2
H K
2π σ E
VI.2
4 K I2
δ = 2u y = VI.3
π σEE
144
CTOD=2u
ry
δ est le CTOD ou écartement à fond de fissure. Le CTOD peut être relié au taux de
restitution d’énergie G en utilisant la relation liant G au FIC K. En contraintes planes,
on a :
K I2 4 G
G= ⇒ δ= VI.4
E π σE
Ainsi, lorsqu’on est en régime de plasticité confinée où la MLR s’applique, le CTOD est
relié à G et au FIC KI. Wells postula alors que le CTOD est un paramètre approprié pour
caractériser le comportement à l’extrémité d’une fissure lorsqu’on atteint les limites
d’application de la MLR. Cette hypothèse s’est avérée correcte quelques années plus
tard lorsqu’on établit une relation unique entre le CTOD et l’intégrale de contour J
introduite par Rice (§ III.2).
Le modèle de Dugdale-Barenblatt peut aussi être utilisé pour estimer le CTOD (figure
VI.3).
−σ E
CTOD
145
L’ouverture de la fissure au début de la zone où les contraintes de compression σE
s’exercent, correspond au CTOD δ dans ce modèle qui s’exprime par :
8σ E a F F
π σ∞ IJ I
δ=−
πE
Log cos GH GH
2 σE K JK VI.5
F π σ IJ = 1 − 1 FG π σ IJ + 1 FG π σ IJ +…
cosG
∞ ∞
2
∞
4
H 2 σ K 2H 2 σ K 4H 2 σ K
E E E
8σ a L 1 F π σ I 1 Fπ σ I O K LM1 + 1 F π σ I OP
2 4 2
∞ ∞ ∞
M +…P =
2
δ= E
G
πE M 2 H 2 σ K
J + G
12 H 2 σ K
J P G J
σ E M 6H 2 σ K
I
+…
PQ
N E Q E N E E
K I2
δ= VI.6
σ EE
La relation VI.6 diffère peu de la relation VI.3 (le terme 4/π est remplacé par 1).
K I2 G
δ= = VI.7
mσ E E mσ E
Où m est un coefficient sans dimension qui vaut à peu près 1 en contraintes planes et 2
en déformations planes.
Plusieurs définitions ont été proposées pour le CTOD. Les deux définitions les plus
communément utilisées sont représentées sur la figure VI.4. La première utilise le
déplacement à l’extrémité de la fissure initiale c’est à dire de longueur non corrigée
(figure VI.4a). La seconde définition, illustrée sur la figure VI.4b, considère le
déplacement à l’intersection des deux cotés d’un angle droit issu du fond de la fissure
émoussée. Cette dernière définition, couramment utilisée dans les calculs par la MEF, a
été suggérée par Rice. On peut noter que les deux définitions sont équivalentes lorsque
l’émoussement de l’extrémité de la fissure est de forme semi-circulaire.
146
a) Déplacement à l’extrémité initiale b) Déplacement à l’intersection d’angle droit
Mesure du CTOD
L’écartement à fond de fissure (ou CTOD) est une grandeur locale difficilement
accessible directement. La plupart des mesures en laboratoire utilisent des éprouvettes
de flexion 3 points (figure VI.5). Lorsqu’elles sont fissurées, ces éprouvettes tournent
autour d’un point (centre de rotation) qui demeure à peu près fixe tout au long du
chargement.
V
V
a
a
L δ
r(L-a)
.
Figure VI.5 Modèle à centre de rotation ( ) fixe pour la mesure du CTOD.
δ V r ( L − a )V
= ⇒ δ=
r( L − a) r( L − a) + a r( L − a) + a
147
Où V est l’ouverture de la fissure et r le facteur de rotation compris entre 0 et 1.
Le modèle à centre de rotation fixe a été ensuite amélioré pour tenir compte du
déplacement élastique qui précède l’émoussement de l’extrémité de la fissure. Les
méthodes standards de détermination du CTOD séparent les déplacements élastique et
plastique. La figure VI.6 montre un exemple type d’enregistrement de la charge en
fonction de l’ouverture V de la fissure.
Charge
VP
Ouverture V de la fissure
K I2 rP ( L − a )V P
δ = δ el + δ P = + VI.8
mσ E E rP ( L − a ) + a
Le facteur de rotation plastique rP dans les procédures standards est pris égal à 0,44.
VI.3 Intégrale J
J= z FGH
Γ
wdy − Ti
∂ui
∂x
ds
IJ
K VI.9
148
w= z 0
ε ij
σ ij dε ij VI.10
où σij et εij sont les composantes des tenseurs de contraintes et de déformations au point
courant sur le contour Γ.
Γ*
A*
J* =
F
z H ∂x dsJK
G wdy − T
∂u I
i
i
Γ*
149
J* = z FGH
A*
∂w
−
∂
∂x ∂x j
FG
∂u
σ ij i
H
∂x
IJ IJ dxdy
KK VI.11
∂w ∂w ∂ε ij ∂ε ij 1 ∂ ∂ui ∂ ∂u j LM F I FG IJ OP
MN GH JK
= = σ ij = σ ij +
∂x ∂ε ij ∂x ∂x 2 ∂x ∂x j ∂x ∂xi H K PQ
Le tenseur des contraintes étant symétrique σ ij = σ ji , l’expression précédente peut se
transformer en :
∂w
= σ ij
∂ ∂ui FG IJ
∂x ∂x j ∂x H K
∂σ ij
Et compte tenu de l’équation d’équilibre = 0 , on a également :
∂x j
∂ FG ∂u
σ ij i
IJ = σ FG IJ = ∂w
∂ ∂ui
∂x j H ∂x K ij
H K ∂x
∂x j ∂x
L’intégrale J sur le contour Γ est la somme des intégrales Ji sur les quatre contours Γi.
On a alors :
J = J1 + J 2 + J 3 + J 4 = 0
J1 = − J 2
Les deux intégrales sont opposées car les sens de parcours des contours sont inversés, et
donc l’intégrale J est bien indépendante du contour d’intégration entourant
l’extrémité de la fissure
150
Γ2
Γ3
Γ1
Γ4
∆Wext = ∆Wdéf + ∆U
151
Où l'énergie ∆U dépensée lors de la fissuration sur la longueur ∆a, se compose de
l’énergie de séparation des surfaces ∆Wsép et de l’énergie de plastification ∆Wplas :
∆U = ∆Wsép + ∆W plas
F
a
Propagation
a+∆a
x
x
Figure VI.10 Variation de la force lors de la propagation, à déplacement imposé,
d’une fissure dans un matériau non linéaire.
L’aire hachurée de la figure VI.10 correspond à l’énergie de propagation ∆U, c’est à dire
la différence entre l’énergie fournie et l’énergie élastique restituée après propagation de
la fissure sur une longueur ∆a.
Le taux de restitution J est défini par l’énergie dépensée lors de la fissuration rapportée à
l’aire fissurée, i.e. l’énergie spécifique, soit :
1 ∂U 1 ∂ x 1 x ∂F
J= = − ∫0 Fdx = − ∫0 dx VI.12
e ∂a x ea x e ∂a x
Le signe moins provient du fait que l’énergie U correspond à l’aire sous la courbe (F, x)
comptée négativement de sorte que lorsque la longueur de fissure augmente on a une
variation positive de cette énergie.
K2
Dans le cas d’un matériau linéaire, J = G = I , où G est l’énergie de Griffith et E’=E
E'
en contraintes planes ou E ' = E (1 − υ ) en déformations planes.
2
152
l’énergie U, c’est à dire l’aire sous la courbe (F,∆) comptée négativement, en fonction
de la longueur de fissure a. De ces tracés on déduit la pente des courbes qui correspond
à la valeur de l’intégrale J donnée, pour des éprouvettes d’épaisseur e, par :
J=
FG IJ
1 ∂U
H K
e ∂a ∆
F
∆
F a1<a2<a3<a a1
a2
a3
a4
a
-U
∆
∆1 ∆2 ∆3 ∆4
J a1 - ∆1
dU
a2 ∆2 −
da
a3 ∆3
a4 ∆4
∆ a
Rice a montré qu’il était possible de déterminer l’intégrale J dans certains cas, à partir
d’un seul enregistrement de la variation de la force F avec le déplacement ∆. Il utilise
pour cela l’analyse dimensionnelle en mécanique de la rupture, introduite dans le
chapitre I.
153
Pour illustrer cette approche, considérons par exemple une plaque, doublement fissurée
et sollicitée en traction (figure VI.12).
J=
1
2 z FGH
F
0
∂∆
∂a
IJ
K F
dF = −
1
2 z FGH
F
0
∂∆
∂b
IJ
K F
dF VI.13
a 2b
∆ = bf
FG F , a , σ ,υ ,α , nIJ
E
Hσ b b E
E K
Où f est une fonction sans dimension. Pour des propriétés données du matériau, on ne
considère alors que la charge et les dimensions de la plaque comme variables. Le
déplacement peut être séparé en composante élastique et composante plastique, soit :
∆ = ∆e + ∆ p VI.14
154
LMFG ∂∆ IJ + F ∂∆ I OPdF = K − 1 F ∂∆ I
J=−
1
2 z
0
F
MNH ∂b K GH ∂b JK PQ E ' 2 z GH ∂b JK
e
F
p
F
2
I
0
F p
F
dF VI.15
E
Où E ' = en déformations planes et E’=E en contraintes planes.
1− υ2
∆ p = bH
FG F IJ
H bK
Une dérivation partielle de cette relation par rapport à la longueur du ligament non
fissuré et par rapport à la force F respectivement, donne :
FG ∂∆ IJ
p
=H
FG F IJ − H ' FG F IJ F FG ∂∆ IJ p
= H'
FG F IJ
H ∂b K F
H bK H bK b et
H ∂F K b
H bK
Ce qui conduit à :
FG ∂∆ IJ
p
=
1 LM
∆p − F
∂∆ p FG IJ OP
H ∂b K F
b MN ∂F H K b PQ VI.16
J=
K I2
+
1LM z ∆p
Fd∆ p − F∆ p OP
E 2b N
2
0 Q
Précaution dans l’utilisation de l’intégrale
155
Lors de la décharge, le chemin suivi par le matériau élastique non linéaire est différent
du chemin réel que l’on observe dans les matériaux élasto-plastiques. Une relation
unique lie la contrainte et la déformation dans un matériau élastique, linéaire ou non,
mais une déformation donnée dans un matériau élasto-plastique peut correspondre à
plusieurs contraintes si le matériau est déchargé ou soumis à des sollicitations cycliques.
Il est donc plus aisé de considérer un matériau élastique qu’un matériau où les
déformations sont irréversibles.
Matériau élastique
non linéaire
Contrainte
Déformation
On voit bien sur la figure VI.13 que les deux matériaux donnent la même réponse tant
que les contraintes augmentent de façon monotone. Cette réponse peut cependant ne pas
être la même lorsqu’on traite des problèmes 3D, mais dans beaucoup de cas
l’assimilation des deux réponses constitue une hypothèse acceptable. Ainsi donc
l’analyse qui suppose un comportement élastique non linéaire, peut être valable pour un
matériau élasto-plastique en l’absence de décharges. La théorie de la déformation de la
plasticité qui propose une relation unique entre les déformations totales et les
contraintes dans un matériau, est équivalente à l’élasticité non linéaire.
156
VI.5 J taux de restitution d’énergie non linéaire
y Ti
a
x
A’ Γ’
Dans des conditions quasi statiques et en l’absence des forces de volume, les énergies
mises en jeu sont :
Wext = Ti ui ds
∫
Wext = Wdef
+ U avec Γ'
Wdef = ∫ wdA
et w= z
0
ε ij
σ ij dε ij
A'
dU du dw
= ∫ Ti i ds − ∫ dA
da Γ ' da A'
da
d ∂ ∂x ∂ ∂ ∂
= + = −
da ∂a ∂a ∂x ∂a ∂x
157
dU ∂u ∂u ∂w ∂w
= ∫ Ti i − i ds − ∫ ∂a − ∂x dA
da Γ ' ∂a ∂x A'
avec
∂w ∂w ∂ε ij
= = σ ij
∂ ∂ui FG IJ
∂a ∂ε ij ∂a ∂x j ∂a H K
Le principe des travaux virtuels permet d’écrire :
∂ui ∂ ∂ui
∫T ds = ∫ σ ij dA
∂a ∂x j ∂a
i
Γ' A'
dU ∂w ∂u
=∫ dA − ∫ Ti i ds
da A ' ∂x Γ'
∂x
dU ∂u
= ∫ wnx − Ti i ds
da Γ ' ∂x
dU ∂u
J= = ∫ wdy − Ti i ds
da Γ ' ∂x
Hutchinson2, Rice et Rosengren3 (HRR) ont montré que le paramètre J caractérise les
champs de contraintes et de déformations (champs HRR) à l’extrémité d’une fissure
dans un matériau non linéaire. Pour décrire la loi de comportement, ils utilisent la
relation de Ramberg-Osgood :
ε = εe + ε p =
σ
+α
σE FG σ IJ n
E Hσ K
VI.17
E E
2
Hutchinson, J.W., « Singular behavior at the end of a tensile crack tip in a hardening material », Journal
of the mechanics and physics of solids, vol. 16, 1968, p. 13-31.
3
Rice, J.R. and Rosengren, G.F., « Plastic strain deformation near a crack tip in a power-law hardening
material », Journal of the mechanics and physics of solids, vol. 16, 1968, p. 1-12.
158
où σE est la limite d’élasticité et n un exposant d’écrouissage supérieur à 1.
R| FG IJ J
1
n +1
|Sσ ij = k1
H K r
VI.18
||ε F JI
=k G J
n
n +1
T ij
H rK
2
Les calculs plus précis montrent que le champ HRR donné par la relation précédente,
s’écrit :
R| F EJ IJ
1
n +1
σ =σ G σ~ ij (n,θ )
| H ασ I r K
ij E 2
S| E n
VI.19
J = mσ E δ VI.20
159
où m est une constante sans dimension qui dépend de l’état des contraintes et des
propriétés du matériau. La relation précédente est en fait vérifiée bien au delà des limites
de validité de la MLR.
J =σE z Γ
∂u y ( x )
∂x
ds
X
−σ E x
CTOD δ 2uy
ρ Γ
J = 2σ E z 0
ρ
z δ
du y ( X ) = σ E dδ = σ E δ
0
VI.21
On peut également montrer, à partir du champ de déplacement HRR qu’il existe une
relation du type J = mσ E δ entre le CTOD et l’intégrale J. Le champ de déplacement
prévu par l’approche HRR, est de la forme :
160
FG EJ IJ
n
ασ E n +1
ui = ru~i (θ , n)
E H ασ I r K 2
E n
VI.22
δ
= r * − u x (r *, π ) ≈ u y (r *, π ) VI.23
2
F ασ IJ FG J IJ
1 n
n +1 1
u =G
n +1
u~i (θ , n)
H E K Hσ I K
E n +1
i r
E n
uy
r*
δ
ux
FG IJ FG J IJ
1 n
ασ E n +1 n +1 1
r n +1 u~x (θ , n) + u~y (θ , n) = r *
H E K Hσ I K E n
F ασ IJ
1
n +1
r* = G
n J
u~x (θ , n) + u~y (θ , n)
H EK
E n
σ E In
161
dn J
δ= VI.24
σE
avec
L ασ nu~ (θ , n) + u~ (θ , n)sOP
1
2u~ bπ , n g M
n
E
dn =
y
NE x y
Q VI.25
In
La figure VI.17 montre l’allure des courbes dn en fonction de 1/n pour α=1. On peut
observer la forte influence de l’exposant d’écrouissage en contraintes planes comme en
déformations planes et l’augmentation de dn lorsque le rapport σE/E augmente.
En comparant les relations VI.20 et VI.24, il apparaît que dn = 1/m .Par ailleurs, comme
le prévoit le modèle de Dugdale-Barenblatt, dn = 1 pour un matériau non écrouissable
( n → ∞ ) en contraintes planes.
1 1
dn dn
σE/E
σE/E
σE/E
0 0
0 1/n 0,6 0 1/n 0,6
On voit bien qu’il existe une relation unique entre le CTOD et l’intégrale J. Ces deux
quantités équivalentes, sont des paramètres caractéristiques des conditions qui existent à
l’extrémité d’une fissure dans un matériau élastoplastique. La ténacité d’un matériau
peut donc être quantifiée à partir d’une valeur critique de l’intégrale J ou du CTOD.
L’analyse précédente qui s’appuie sur le champ de déplacement HRR pour démontrer la
relation qui existe entre le CTOD et l’intégrale J contient néanmoins une incohérence.
En effet, comme le montre la figure III.10, le champ des contraintes HRR dévie du
champ réel déterminé de façon plus précise par la MEF lorsqu’on s’approche de
l’extrémité de la fissure à une distance inférieure à 2 fois le CTOD. Or dans le calcul du
CTOD précédemment effectué, on se place à une distance moitié du CTOD donc dans
162
une région où l’approche HRR ne prévoit plus correctement la répartition des
contraintes et notamment la relaxation des contraintes. Cependant la solution CTOD
obtenue par la MEF, plus précise, est similaire à celle donnée par la relation III25. Ce
résultat montre par conséquent que le champ de déplacement HRR est raisonnablement
précis même lorsqu’on se place dans une zone tout près de l’extrémité de la fissure.
La singularité HRR présente la même anomalie que la singularité de la MLR : toutes les
deux prédisent des contraintes infinies lorsque r → 0 . Le champ singulier dominant
dans une zone près de l’extrémité d’une fissure, ne persiste pas en fait à l’extrémité
même de la fissure où les grandes déformations qui se développent causent un
émoussement de la fissure, ce qui réduit la triaxialité des contraintes. Les lèvres de la
fissure étant libres, on a σ x = 0 quand r → 0 .
Les premiers calculs par éléments finis effectués par McMecking et Parks utilisant une
théorie des grandes déformations montrent que le champ HRR des contraintes ne peut
plus décrire la répartition des contraintes à l’extrémité d’une fissure lorsqu’on
s’approche à une distance inférieure à 2*CTOD de l’extrémité. La figure VI.18 compare
schématiquement le champ HRR aux résultats des calculs par éléments finis.
σy
σE Champ HRR
4
Calculs par la MEF
x
2.CTOD
163
Cette défaillance du champ HRR à décrire la répartition des contraintes lorsqu’on est
trop près de l’extrémité d’une fissure conduit à se poser la même question sur cette
approche que sur les limites de la MLR lors du chapitre IV. Peut-on utiliser l’intégrale J
comme critère de rupture compte tenu de l’émoussement de l’extrémité d’une fissure ?
La réponse est similaire à celle du chapitre précédent. Tant qu’il existe une région
entourant l’extrémité de la fissure où le champ des contraintes est correctement décrit
par les équations VI.19, l’intégrale J caractérise de façon unique ce champ et peut alors
être utilisée pour quantifier la ténacité.
La seconde zone qui correspond à la zone plastifiée qui se développe à l’extrémité d’une
fissure, est dominée par l’intégrale J, en admettant toutefois que le chargement reste
monotone et quasi statique. A l’intérieur de cette zone, la solution HRR est
raisonnablement valable pour beaucoup de matériaux et la pente de la courbe est alors
− 1 (n + 1) . Enfin la troisième zone correspond à la région des grandes déformations au
voisinage immédiat de l’extrémité de la fissure. La taille de cette zone est d’environ
deux fois le CTOD ce qui correspond à la limite de validité de la solution HRR (figure
VI.18).
164
HRR
Logσ y
1
K −
n +1
J
1 MLR
−
2
GD
rS L
Plasticité confinée r
Log
a) L
HRR
Logσ y
MLR
GD
rJ L
Conditions élastoplastiques
r
Log
b) L
HRR
Logσ y
GD
MLR
Grandes déformations r
Log
L
c)
Figure VI.19 Effet de la plasticité sur les champs de contraintes à fond de fissure
165
Lorsqu’on atteint le régime des grandes déformations (figure VI.19c), il n’y plus de
paramètre unique pour décrire les champs de contraintes, l’intégrale J dépend alors de la
taille et de la géométrie de la structure ; la zone dominée par J disparaît à son tour. On a
alors recours à d’autres approches comme la théorie des lignes de glissement.
ε zP = ε xzP = ε Pyz = 0
σ z=
1
2
dσ x +σ y i σ xz = σ yz = 0 VI.26
et
σ x +σ y +σ z
σm = =σz VI.27
3
Le tracé du cercle de Mohr des contraintes dans le plan principal (x,y) donne (figure
VI.20) :
α
τ
Pα
x
σxy Px
-2ϕ
σm σy
σx σ
C
-2ϕ Py
−σxy
Pβ y
β
Figure VI.20 Construction de Mohr
166
Sur le cercle de Mohr, chaque point Pn (σ,τ) est représentatif de l’état de contrainte dans
une direction n . Pα et Pβ sont représentatifs de l’état de contrainte dans les directions
α et β correspondantes aux directions de cisaillement maximum. Si sur le cercle de
b g
Mohr, autrement dit dans le plan des contraintes on a l’angle CPx , CPα = −2ϕ ,dans le
plan physique on aura l’angle x , α = ϕ . b g
Les lignes de glissement constituent un réseau de courbes orthogonales α et β tangentes
en tout point aux directions de cisaillement maximum β et α .
Comme on considère un solide rigide plastique parfait, le critère de Von Misès impose,
losqu’on atteint le seuil d’écoulement plastique, que le cercle de Mohr ait un rayon
σE
constant égal à k = .
2
R|σ = σ − k sin 2ϕ
x m
S|σ = σ + k sin 2ϕ
y m VI.28
T σ = k cos 2ϕ
xy
En appliquant ce résultat à une surface libre (telle que les lèvres d’une fissure) tangente
à une direction x' , on a :
R|σ x' = 2k = σ E
S| σ y' = 0 VI.29
T σ x' y' = 0
Les deux directions α et β (figure VI.21) sont orientées de 45° par rapport à la surface
libre.
τ α
y'
Surface libre
x' σ
45° -45° y' x'
β α
β
Figure VI.21 Orintation des lignes de cisaillement maximum
167
Les équations d’équilibre conduisent pour l’état de contraintes considéré à :
RSσ m ,1 − 2 kϕ ,1 = 0
VI.31
Tσ m,2 + 2 kϕ ,2 = 0
Ainsi lorsque les lignes de glissement sont rectilignes, l’état de contraintes est constant
le long d’une ligne.
y σr
σθ = σr
θ FG
σ y = 1+
πIJ σ
x
B H 2K
E
π
σx =σE σx = σE
2
A C
β α α
β
fissure
Figure VI.22 Distribution des contraintes autour d’une fissure
Les zones A et C, où les lignes de glissement sont rectilignes, sont appelées zone
« diamant ». La zone B, située entre A et C, est appelée zone « éventail ».
Dans la zone diamant A, située sur les lèvres de la fissure qui constituent une surface
libre, les lignes de glissement sont inclinées de 45° par rapport aux lèvres de la fissure.
Il s’ensuit que l’état de contrainte dans cette zone est constant et s’écrit :
168
RSσ x = 2k = σ E
dans la zone A où
3π
≤θ ≤π VI.33
Tσ y = σ xy = 0 4
σ m (ϕ = 3π 4) + 2 k
3π
= k 1+
FG
3π IJ
= Cα dans la zone A
4 H
2 K
En appliquant ce résultat dans la 2e zone diamant C où ϕ = π 4 , on a d’après les
mêmes relations :
Cα = k 1 +
FG 3πIJ
= σ m (ϕ = π 4) + 2 k
π
H 2 K 4
Soit
σ m (ϕ = π 4) = k 1 + π dans la zone C b g
L’état de contrainte est donc constant dans la zone C et s’exprime par :
R| σ x = k (1 + π ) − k = πk =
π
σE
|| 2
FG π IJ σ π
S|σ y = k (1 + π ) + k = (2 + π ) k = 1 +
H 2 K E dans la zone C où 0 ≤ θ ≤
4
VI.34
|| σ xy = 0
T
Dans la zone éventail B, l’état des contraintes n’est pas constant. On a dans la zone B :
α
Rα = e
ϕ = θ et S r
β
Tβ = e θ
B
Soit en se reportant au cercle de Mohr :
ϕ =θ
σ r = σ θ = σ m (θ ) et σ rθ = k
σ m (ϕ = θ ) + 2 kθ = Cα = k 1 +
FG 3π IJ
H 2 K dans la zone B
soit
σ m (θ ) = k 1 +
FG 3π
− 2θ
IJ
H 2 K dans la zone B
169
Finalement l’état de contraintes dans la zone considérée est donné par :
R|σ = σ θ = 1+
FG 3π
− 2θ
IJ
σE
S|
r
H 2 K2 dans la zone B où π ≤ θ ≤ 3π VI.35
σ 4 4
|T σ rθ =k= E
2
Les relations VI.33 à VI.35 montrent que les contraintes au voisinage de l’extrémité
d’une fissure sont non singulières et ne dépendent que de θ.
170