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COLLECTION BLANCHE
éditionsHarlequin
Résumé
Collection BLANCHE
Passions et ambitions dans l’univers médical.
N° 972 / 15 février 2010
Cet ouvrage a été publié en langue anglaise
sous le titre :
MIDWIFE IN A MILLION
Traduction française de
ANNE DUGUET
HARLEQUIN®
est une marque déposée du Groupe Harlequin
et Blanche® est une marque déposée d’Harlequin S. A.
Photo de couverture
Enfant & médecin : © WOLFGANG FLAMISCH / CORBIS
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— Bonjour, papa.
Il était allongé dans le fauteuil, face au jardin. L’homme
qu’elle avait connu solidement charpenté avait été cassé
par son infirmité. Ses épais cheveux blancs étaient tou-
jours coupés court, dans le style militaire qu’il affection-
nait tant, et ses sourcils broussailleux se froncèrent
quand il la considéra avec hauteur.
— Ah ! Tu es revenue…
— Eh oui.
Traversant la véranda, elle avisa les antalgiques sur la
table.
— Tu n’as pas pris un seul cachet en deux jours.
Il avait beau s’efforcer de ne pas le montrer, elle savait
qu’il souffrait.
— Ça m’étourdit et je ne sais plus ce qui se passe, rétor-
qua-t-il.
Qu’attendre d’autre d’un despote ?
— Il ne se passe rien qui vaille la peine que tu souffres,
remarqua-t-elle calmement.
— Tu ne pourras pas me forcer à les prendre.
— Non. C’est ton choix, pas le mien.
Elle renonçait à se battre ; elle était certaine que, à pré-
sent qu’elle était rentrée, il les prendrait. La présence
d’un autre membre de la famille pour surveiller le per-
sonnel le rassurait. Il pourrait dormir tranquille.
Elle espérait ne jamais devenir aussi paranoïaque.
— Je suis allée jusqu’au ranch de l’Arc-en-Ciel. Ils ont
pu emmener Lucy de là-bas.
— Et tu as mis tout ce temps pour ça ? s’enquit-il, sus-
picieux.
— La Pentecost était en crue… Et j’étais avec Rory McI-
ver, ajouta-t-elle délibérément après une seconde de
pause, pour plus d’effet.
L’information le poussa à se redresser, ce qui lui valut
une grimace de douleur, et Kate éprouva un vague re-
mords. Elle considéra les traits durs de ce père qui n’avait
jamais eu pour elle la moindre tendresse. Il avait pour-
tant dû en avoir pour sa mère, non ? Au moins au début,
quand ils s’étaient connus…
— Ce jeune coq, dit-il avec morgue. Il t’a fait des
avances ?
— Non.
Il se détendit quelque peu.
— Tant mieux.
— Mais moi, oui. Et je lui ai parlé du bébé.
— Idiote ! cracha-t-il. Mais pourquoi ? Pour qu’il se
vante d’avoir engrossé une Onslow ?
Kate en fut piquée au vif. C’était la première fois qu’elle
discutait presque d’égal à égal avec son père. Et sa ré-
flexion la mit hors d’elle.
— Si Rory et sa famille n’avaient pas été là, je n’aurais
jamais eu la moindre marque d’amour après la mort de
maman.
Et tout à coup, elle eut comme un éclair de lucidité.
— Est-ce que maman a été obligée de t’épouser ? A
cause de moi ?
Il tendit son index vers elle, poignardant l’air à chacun
de ses mots.
— Ta mère n’avait pas assez les pieds sur terre, et elle
n’était pas assez forte pour survivre ici. Elle a perdu mon
fils !
Kate secoua la tête, soudain triste pour ce vieux bon-
homme malade avec lequel elle n’avait jamais eu le
moindre échange.
— Ma mère avait besoin de bien plus qu’un toit au-
dessus de la tête. Et tu n’as jamais su ce qu’était la ten-
dresse.
Il se laissa retomber dans son fauteuil.
— C’est trop tard, maintenant.
L’amertume qu’elle perçut en filigrane l’intrigua. Se
pourrait-il qu’ils aient une chance de sauver quelque
chose de leur relation ?
— Peut-être pas pour nous. Rien ne nous oblige à nous
chamailler tout le temps. Ça me ferait plaisir de garder
quelques bons souvenirs de toi.
S’avançant, elle s’accroupit devant lui de sorte qu’il
n’avait d’autre choix que de la regarder.
— As-tu jamais été heureux ?
Il redressa le menton.
— Quand j’ai cru que j’aurais un fils pour lui passer le
flambeau.
— Rory aurait pu être ce fils, mais tu as tout gâché.
— Ce petit morveux ? Je préférerais encore léguer le
ranch à un promoteur.
— Je vendrai peut-être à un promoteur, répliqua-t-elle
en le foudroyant du regard.
— Tu n’es pas ma fille.
Ç’avait été plus marmonné qu’assené, et tous deux sa-
vaient que c’était faux.
Elle se releva, toute colère envolée.
— Malheureusement, j’ai un côté décidé et opiniâtre
que j’ai hérité de toi, mais tu es trop amer et tordu pour
t’en rendre compte.
Il ne répondit pas. Sa bouche s’entrouvrit, mais rien
n’en sortit. Elle lui accorda quelques secondes, puis tour-
na les talons.
— Bonsoir, papa. Je t’enverrai Ben pour t’aider à te
coucher et je t’apporterai ensuite le reste de tes remèdes.
Plus tard, ce soir-là, après que Kate eut aidé son père à
se coucher, elle retrouva Rory qui contemplait les étoiles
sous la véranda en l’attendant.
Elle s’assit près de lui sur le canapé en rotin et se nicha
contre lui. L’ombre d’un oiseau nocturne courut un ins-
tant sur l’herbe des paddocks qu’argentait la lune.
— Ça va ? demanda-t-il.
— Mmmh… Bien mieux depuis que tu es là.
— Et je ne bougerai pas d’ici.
— Non ? J’avais pensé que nous pourrions aller nous
coucher.
— Essaierais-tu encore de me séduire ? Dans la maison
de ton père ?
Elle entendit nettement le sourire dans sa voix.
— Il l’aurait bien mérité.
— Peut-être, mais je ne préfère pas.
— Non ?
Elle qui attendait cet instant avec une impatience diffi-
cilement bridée…
— Non, mon adorable sage-femme pas si sage que ça,
plaisanta-t-il avant de reprendre son sérieux. Je veux
t’épouser d’abord. Ce soir, je veux seulement danser avec
toi sous le ciel étoilé, ce même ciel sous lequel je t’ai ai-
mée, il y a dix ans. Et m’endormir contre toi, simplement.
En attendant que nous soyons mari et femme. Tu veux
bien ?
Un an plus tard