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— Allô?
— Elle-même.
— Mais...
— Alors dépêchez-vous.
— Oui, M. Constantinos?
Elle sourit.
Il sourit.
Avec les femmes, je commence effectivement toujours par la
séduction.
— Et ça marche?
— Pas du tout.
— Bien sûr que si. Je suis prêt à les payer un tiers au-dessus
de leur prix sur le marché. Une proposition comme celle-là ne
se refuse pas. Elle ne se discute pas non plus. Je ne monterai
pas plus haut.
Jessica pâlit.
— Nikolas Constantinos.
— Excusez-moi.
Jessica s'empourpra.
— Je... je suis affreuse.
Il sourit.
— Je promets d'essayer.
— Vous avez tort. Dès l'instant que vous êtes entrée dans
mon bureau, chaque fibre de mon corps m'a averti du contraire.
— Ça, jamais!
— Ne soyez pas si sûre de vous, ironisa Nikolas. Il ne faut
jamais dire: « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. » Et voyez-
vous... j'ai un grand talent pour assoiffer les jeunes femmes!
— Ah!
— Cela m'est bien égal. Que l'on sache avec qui j'ai dîné
m'importe peu. Et quand c'est vraiment ma vie privée qui est en
jeu, je ne me rends pas dans un lieu public...
— Ecoutez...
— Non, c'est vous qui écouterez. Quand Robert a compris
que les gens de son monde ne m'accepteraient jamais, nous
avons décidé de mener une vie retirée avec les quelques vrais
amis qui lui restaient. Nous avons été très heureux. La bonté de
Robert était infinie.
Elle rougit.
Et elle lui tendit le journal, sans mot dire. Jessica fixa les
photos d'un air apparemment indifférent. Il fallait reconnaître
qu'elle formait un beau couple avec Constantinos. Le baiser
ressemblait à un baiser de cinéma. Et sur celle où il l'aidait à
mettre sa veste on aurait juré des amoureux seuls au monde.
Rien de plus trompeur qu'un cliché. Le texte maintenant...
Après avoir pleuré tout son soûl, elle se rendit dans le salon
pour s'allonger sur le sofa, mais elle se ravisa immédiatement: il
lui rappelait trop Nikolas. Elle errait sans but dans la maison,
comme une âme en peine, quand le téléphone sonna. Ne pas
décrocher? Impossible. La sonnerie lui vrillait les oreilles...
— Allô?
— Salut!
Son ton bravache n'abusa pas Charles. Elle paraissait
complètement déprimée.
— Trop aimable!
Charles sourit.
— Laissez-moi tranquille!
— Si, absolument.
Silence.
— Entrez.
— Je vous dérange?
— Pardon?
— Je vous assure que je n'y suis pour rien. Cela dit, je dois
reconnaître que je n'ai pas vraiment envie de pleurer sur votre
sort. La presse m'a fait trop de mal. J'en ai plus qu'assez de ces
perpétuels ragots, de ces attaques sournoises et injustifiées,
d'ailleurs...
— Miss Waring...
Le ton était menaçant. Jessica comprit immédiatement qu'il
avait aperçu le manège de la journaliste et s'était empressé de
voler à son secours.
— Absolument.
Il n'avait pas tort. Jessica portait une robe courte avec une
jupe bouffante en satin vert émeraude dégageant ses longues
jambes et le haut ne comportait aucune bretelle. Ainsi, les pieds
chaussés de ballerines, elle ressemblait à une poupée aux
grands yeux de porcelaine.
— Si, justement.
Et il lui prit le menton pour l'obliger à l'embrasser. Avant
qu'elle ait eu le temps de réagir, un frisson de plaisir la
parcourut. Elle se haussa sur la pointe des pieds pour mieux
s'offrir, haletante, pressée contre lui. Il prit ce qu'on lui donnait
de si bon cœur, savoura longuement cette bouche, et ses mains
se mirent à parcourir le corps menu, la courbe des reins, la
taille, les hanches étroites. Quand il lui caressa les seins, elle
comprit brusquement où tout cela allait la mener. Une fois de
plus, les frissons de la peur s'interposèrent entre Jessica et son
désir. Elle se raidit et cria:
Il sourit.
— Quelle sotte!
Il la secoua doucement.
— Lâchez-moi !
Aucune réponse.
— Mais lâchez-moi !
— Jessica!
— Attendez.
— Je vous ai effrayée...
Jessica poussa un petit cri effrayé mais tandis que ses lèvres
brûlantes prenaient possession de son corps, un désir
irrépressible jaillit du plus profond de son être. Elle allait
renoncer à lutter contre ce torrent de passion quand soudain, le
visage de Diana, noyé par le plaisir, lui revint en mémoire. A
cette évocation, elle éclata en sanglots. Quand Nikolas s'en
aperçut, il s'arrêta net.
— Jessica!
C'était la première fois qu'elle confessait ses sentiments à
son égard. Tout simplement parce qu'elle ne parvenait plus à les
dissimuler.
— Alors, venez.
— Nikolas? murmura-t-elle.
— Vraiment?
Dès qu'elle eut pris cette décision, elle fit ses bagages, ferma
le cottage, mit Samantha dans la voiture et entreprit le long
voyage en direction de Londres, où elle arriva dans la soirée.
Elle téléphona immédiatement à Charles pour l'informer de son
retour et prit rendez-vous pour le lendemain.
— Merci.
— Madame Stanton !
— Il le faudra bien.
— Parfaitement.
— Mais où allons-nous?
— Au contraire.
— Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit que je ne vous reverrai pas
car je crois aux vœux de fidélité dans le mariage. Moi-même,
quand j'ai été mariée à Robert, je n'ai jamais regardé un autre
homme.
— Vous avez déjà admis que vous m'aimiez, dit-il d'un ton
abrupt. A moins qu'il ne s'agisse d'une ruse pour m'amener à
vous épouser...
— A d'autres !
— Vous n'avez plus que la peau sur les os. Pourquoi ne vous
êtes-vous pas nourrie correctement?
— Non, rien.
— Jessica?
— Ne m'approchez pas!
Deux sourcils noirs s'étaient froncés et des prunelles
courroucées la scrutaient avec dureté.
Il l'attrapa par le poignet et elle lut dans ses yeux qu'il était
sur le point de la prendre de force. La panique l'envahit tandis
qu'elle luttait pour éviter ses lèvres, se libérer de son étreinte. Le
visage ruisselant de larmes, elle sanglotait sans retenue.
— Très bien.
— Et votre mère?
— Taisez-vous!
Sans un mot elle se dirigea vers la chambre, le cœur déchiré.
Elle avait beau l'aimer follement, lui ne l'aimerait jamais, c'était
maintenant trop clair. Cette demande en mariage, au lieu de la
combler, lui faisait l'effet d'une vengeance. Allons, il était grand
temps qu'elle quitte l'Angleterre pour retourner aux Etats-
Unis... Jamais elle ne lierait son destin à cet homme. Tandis
qu'elle sortait sa valise du placard, la voix de Nikolas résonna
dans le silence, cinglante comme un coup de fouet.
C'est alors qu'une idée lui vint à l'esprit et, sans prendre le
temps de réfléchir, elle lança:
— Dernier point: c'est moi qui aurai toute autorité sur les
décisions concernant l'éducation de nos enfants. En cas de
divorce, c'est à moi qu'ils seront confiés. Bien sûr, les droits de
visite de Jessica seront respectés si elle accepte de venir sur l'île.
Mais elle ne pourra emmener les enfants sans ma permission.
— Bon...
Elle prit son sac dont elle sortit une glace. A l'instant où elle
s'apprêtait à se mettre du rouge, il la prit par le poignet.
— Un instant...
Sa bouche se pressa contre la sienne. Elle se raccrocha à lui
tandis que la tête lui tournait légèrement et que son corps
vibrait de désir.
— Jessica?
— Hmm.
— Oui, maman.
Nikolas sourit.
— Regarde-moi !
— Jessica, regarde-moi !
— Sors d'ici !
— D'accord.
Jessica se figea.
— Mon Dieu, Niko, nous avons fait bien des dégâts en peu
de temps...
— Tu dors?
Là, elle ouvrit sa valise, ôta son jean, son T-shirt et ses
tennis, et enfila une robe Chanel bleu roi à manches courtes.
Puis elle chaussa des escarpins à talons du même bleu, et
remonta ses cheveux en un chignon bien sage. Ainsi elle
paraissait plus vieille et respirait la respectabilité. Il ne lui
restait plus qu'à mettre ses lunettes de soleil pour cacher ses
yeux cernés: à présent, elle passerait inaperçue.
Quand elle eut acheté son billet pour Londres, il lui restait
plusieurs heures d'attente avant le départ, car l'avion devait
décoller au moment du déjeuner.
— Jessica, ça suffit.
Il reposa le linge.
— Tu es enceinte, avoue?
Quand elle revint sur terre, elle reposait dans ses bras, la
tête contre son épaule tandis qu'il la caressait comme on caresse
un chat sensuel et familier.
— Ne me touche pas!
— Parce qu'il ne vous a jamais dit que le ciel était bleu, vous
ne le voyez pas de cette couleur-là? Jessica, voyons, ouvrez les
yeux. Pensez-vous vraiment qu'il est le genre d'homme à se
laisser mener uniquement par ses appétits charnels? Il vous
désire? Eh bien, tant mieux! Cela fait partie du domaine de
l'amour, non?
— Mon amour...
— Où m'emmènes-tu?