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Ukraine : les États-Unis et la Russie
entretiennent la tension permanente
PAR CLARA MARCHAUD
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 24 JANVIER 2022
Un militaire ukrainien près de la frontiére russe, le 23 janvier
2022. © Photo Wolfgang Schwan/Anadolu Agency via AFP
Alors que les discussions entre Washington et Moscou
avancent à petits pas, Kiev compte sur ses alliés.
En premier lieu les Américains et les Britanniques,
inquiets d’un putsch et d’une invasion possible. À
Kiev, ce scénario est jugé « peu probable ».
Kiev (Ukraine).– Depuis quelques semaines, un drôle
de ballet diplomatique s’est engagé. Les négociateurs
américains passent de Kiev à Moscou, de Moscou à
Bruxelles, dans l’espoir de faire baisser les tensions
entre les deux anciennes républiques soviétiques.
Dernier acte en date, lundi 24 janvier, le
secrétaire d’État états-unien Antony Blinken rencontre
les ministres des affaires étrangères de l’Union
européenne (UE). Depuis fin octobre 2021, la Russie
amasse des troupes, plus de 100000 hommes, et
de l’équipement militaire à la frontière ukrainienne,
faisant craindre une offensive. Malgré ses dénégations,
Moscou parraine déjà les insurgés pro-russes de
Donetsk et Louhansk, contre lesquels Kiev se bat
depuis 2014 dans l’est du pays.
Après un début d’année diplomatique chargé mais sans
véritable résultat, certains observateurs craignaient
que la Russie ne boycotte la table des négociations.
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Mais le 21 janvier, Antony Blinken s’est entretenu
pendant 90 minutes avec le ministre des affaires
étrangères russe Sergueï Lavrov à Genève.
Un militaire ukrainien en faction à Svitlodarsk, en Ukraine, près de la frontiére
russe, le 23 janvier 2022. © Photo Wolfgang Schwan/Anadolu Agency via AFP
« Je ne peux pas dire si nous sommes sur la
bonne voie ou non. Nous saurons quand nous aurons
une réponse », a déclaré le ministre russe, assurant
avoir reçu des promesses de réponses écrites aux
demandes du Kremlin cette semaine. Une petite
ouverture par rapport aux discussions précédentes.
Moscou exige toujours des garanties écrites que
l’Ukraine ne rejoindra jamais l’Organisation du traité
de l’Atlantique Nord (Otan), l’alliance militaire
occidentale issue de la guerre froide. Le Kremlin
espère également un « retrait des forces étrangères,
du matériel et des armes » des pays qui n’étaient
pas membres de l’Otan avant 1997. Cela comprend la
Roumanie et la Bulgarie, pays membres de l’UE qui
ont rejoint l’alliance en 2004.
Le flou de Poutine
Pour peser dans la négociation, le président russe,
Vladimir Poutine, entretient le flou sur les possibilités
d’escalade, parlant de réponse « militaro-technique ».
En cas d’escalade, de nombreuses options pourraient
être sur la table : des cyberattaques, des frappes
aériennes ciblées, l’installation de missiles nucléaires
en Crimée, jusqu’au scénario maximaliste d’une
incursion dans l’est de l’Ukraine, ou d’une invasion à
grande échelle depuis les flancs est, sud et nord.
La Russie et la Biélorussie ont annoncé, mardi 18
janvier, l’organisation d’exercices militaires conjoints
«impromptus », visant à « repousser une agression
extérieure ». Une ligne rouge pour certains experts
militaires qui préfigure l’ouverture d’un nouveau
front septentrional. D’autres experts, notamment les
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politologues, estiment que c’est un moyen pour
la Russie d’augmenter la pression alors que les
négociations stagnent.
Lundi, l’Alliance a annoncé que les pays de l’Otan
avaient placé des forces en attente et envoyé des
navires et des avions de combat pour renforcer
leur défense en Europe de l’Est face aux activités
militaires de la Russie aux frontières de l’Ukraine. « La
France s’est déclarée prête à envoyer des troupes
en Roumanie sous le commandement de l’Otan », a
précisé le texte.
Sur fond de bruits de bottes, l’Ukraine espère que ses
alliés, notamment Washington, l’incluront, au moins
symboliquement, dans les négociations sur son avenir.
Car l’issue de la crise se décide aujourd’hui au niveau
des deux puissances mondiales.
Au printemps, lors des premières tensions, puis après
la débâcle en Afghanistan, les autorités ukrainiennes
craignaient d’être abandonnées par Washington.
Mais aujourd’hui, elles sont plutôt satisfaites des
discussions, qui comprennent des appels et visites
régulières au niveau des conseillers, des ministres et
des chefs d’État.
« Le fait que les fonctionnaires à Washington et
à Bruxelles répètent d’eux-mêmes régulièrement la
formule “rien sur l’Ukraine sans l’Ukraine” signifie
que notre diplomatie– tant le président que le
ministère des affaires étrangères – le leur rappelle
constamment », se réjouit le politologue ukrainien
Volodymyr Fessenko.
Signe que Kiev veille au grain, le président ukrainien,
Volodymyr Zelensky, avait rappelé à l’ordre son
homologue américain le 20 janvier. Lors d’une longue
conférence de presse, Joe Biden a suggéré qu’il existait
une scission parmi les membres de l’Otan sur la
manière de réagir si Moscou envoyait ses troupes juste
derrière la frontière ukrainienne– ce qu’il a qualifié d’«
incursion mineure ».
Volodymyr Zelensky s’était fendu d’un tweet,
poussant à un démenti de Washington. « Nous voulons
rappeler aux grandes puissances qu’il n’y a pas
d’incursions mineures et de petites nations. Tout
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comme il n’y a pas de victimes mineures et peu de
chagrin après la perte d’êtres chers », avait écrit l’ex-
comédien.
Londres réclame une place
Malgré ces écarts, « cette “diplomatie de la navette”
convient bien aux Ukrainiens, car ils savent bien qu’il
n’y a pas d’autre solution », estime Oleksandr Kraïev,
spécialiste des relations entre Washington et Kiev, et
analyste du think tank Ukrainian Prism.
Encore récemment, le président ukrainien a répété
qu’il était prêt à négocier directement avec Vladimir
Poutine, une promesse de campagne, mais une erreur
selon beaucoup de spécialistes. « Le format actuel
est plutôt positif car le rapport des forces dans
une négociation directe serait réellement en notre
défaveur », souligne le chercheur ukrainien.
Kiev aimerait que les sanctions soient introduites dès
maintenant, en plus de recevoir plus d’aide militaire,
notamment des armes antiaériennes. À l’opposé des
demandes du Kremlin, l’Ukraine a déjà reçu davantage
d’équipements et d’aide militaire de ses partenaires
occidentaux depuis le début de l’année.
Le 19 janvier, Washington a annoncé son intention
de transférer des hélicoptères de transport militaire
à l’Ukraine. Depuis 2014, les États-Unis ont fourni
l’équivalent de 2,4 milliards d’euros d’aide militaire.
Le département d’État américain a également autorisé
les pays baltes à envoyer des armes létales et
non létales de fabrication américaine, y compris
des missiles antichars Javelin. Par ailleurs, les
Britanniques, après avoir aidé Kiev à reconstruire sa
marine, ont fourni, le 17 janvier, des armes antichars.
Les autorités ukrainiennes ont en effet trouvé un
allié de taille du côté du Royaume-Uni, en froid
avec la Russie depuis les années 2010. Pour faire
oublier ses déboires politiques internes, Londres fait
preuve depuis des mois d’un activisme diplomatique
et militaire important en Ukraine et en mer Noire, qui
a notamment conduit à l’incident du HMS Defender.
Dans un communiqué inattendu, le Foreign Office
britannique a accusé Moscou de vouloir installer
un dirigeant pro-russe à la tête du gouvernement
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de Kiev, l’ancien député Yevhen Mouraïev, âgé
de 45 ans, sans apporter de preuves. L’intéressé,
Viktor Medvedtchouk, un magnat des médias dont les
chaînes prennent de l’ampleur depuis la fermeture des
télévisions du chef de file des pro-russes, nie en bloc.
En 2019, avec moins de 5% des suffrages, il n’avait
pas été réélu au Parlement.
De son côté, sur Twitter, la Russie a appelé Londres
à « cesser de propager des absurdités ». Beaucoup
d’observateurs suspectent le gouvernement de Boris
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Johnson, absent des discussions diplomatiques, de
vouloir se trouver une place entre Washington et
Moscou en jetant de l’huile sur le feu.
À Kiev, certains diplomates européens, comme des
officiels ukrainiens (militaires et civils), estiment une
invasion et un coup d’État « peu probables » auprès
de Mediapart. Suivant l’exemple des États-Unis qui
rapatrient les familles de diplomates, Londres a tout
de même décidé le 24 janvier de rappeler une partie
du personnel de son ambassade à Kiev, selon la BBC.
Dans les deux cas, il s’agirait d’une décision prise par
précaution.
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