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Les méthodes philosophiques sont opposées aux préjugés, et ce depuis Socrate


le « père de la philosophie ». Le but premier de ces méthodes est d’ailleurs de lutter
contre les préjugés afin d’acquérir de la sagesse à travers l’abstention de jugement, la
recherche de la vérité ou le dialogue. D’un autre côté, le préjugé est parfois l’option la
plus rapide, efficace ou adaptée. Dans cette contradiction se pose une question
philosophique d’importance, peut on bannir tous les préjugés ? Puisque la philosophie
est la recherche de la sagesse, et donc la recherche de la capacité de différenciation
entre un savoir fondé et un pseudo-savoir savoir qui ne l’est pas, alors le préjugé, qui
est lui aussi infondé, biaise cette recherche, mais peut être sans pour autant être un
obstacle insurmontable.

Les préjugés sont par définition des jugements infondés, un jugement était un
choix l’affirmation ou la négation d’une proposition. Le préjugé est donc l’affirmation
ou la négation infondée, c’est à dire sans argumentation construite, d’une phrase
déclarative. Pour ne pas préjuger de quelques chose, et donc pour le bannir, il faut
alors ne point se hâter avant de décider de son avis sur une proposition. C’est ce qui
est identifié comme le doute suspensif, ni affirmer, ni nier une proposition. Sur ce
sujet, Descartes dans Les Principes de la philosophie publié en 1663 écrit « il n’y a
point d’apparence que nous puissions nous en délivrer, si nous n’entreprenons de
douter une fois en notre vie de toutes les choses où nous trouverons le moindre
soupçon d’incertitude ». Par cela, il exprime que la seule solution contre les préjugés
est la capacité à l’homme de douter. Capacité qu’il obtient avec la maturité, « une fois
en [sa] » vie. Pour acquérir cette capacité de douter, il existe des approches
méthodiques philosophiques.
Une des méthodes d’approche philosophique qui lutte contre les préjugés
est la maïeutique. Cette technique d’apprentissage, mise au point par Socrate au Ve
siècle et rapportée par Platon dans des ouvrages tels que Théétète, consiste à procéder
par « elenchus », par réfutation. Autrement dit, le philosophe procède par essais et
erreurs. Il pose une proposition et vérifie sa véracité. En démontrant qu’une solution
ne fonctionne pas, on peut la mettre hors de la réflexion et en chercher une autre pour
continuer le processus, jusqu’à trouver une réponse vraie. Blaise Pascal exprime les
effets de cette méthode dans Les Pensées, son ouvrage paru en 1669 : « On se
persuade mieux, pour l’ordinaire, par les raisons que l’on a soi-même trouvées que
par celles qui sont venues dans les esprits des autres. » Par cela, on comprend que
cette méthode développe l’apprentissage autodidacte de la philosophie, encourageant
la réflexion à propos d’argument pour fonder son jugement, et donc bannir ses
préjugés. Pour entreprendre ce processus, il faut pouvoir définir quelles propositions
sont infondées et lesquelles ne le sont pas, en développant son argumentation.
Développer son argumentation c’est donc effacer les préjugés. Et ce
développement, ou art du dialogue argumentatif, porte le nom de dialectique. Le
philosophe doit tenir un dialogue interne ou avec un interlocuteur avec combativité,
c’est un dire un désir de défendre son jugement, afin d’éviter la création de nouveaux
préjugés par relativisme en abandonnant un jugement sans avoir examiné entièrement
son fondement, mais aussi avec ouverture d’esprit, en rejetant l’attitude dogmatique et
pouvoir remettre en question ses propres jugements, ses propres convictions, au
service de la vérité. Ces méthodes permettent bien de supprimer les préjugés pourtant,
leur application est laborieuse, ou du moins pas si simple.

Bannir un préjugé est, comme vu plus tôt, possible. Mais bannir tous les
préjugés est quelque chose de différent. La situation ne se prête parfois pas à l’analyse
complète d’un jugement, faute de temps. Descartes écrit à ce sujet dans Les Principes
de la philosophie : «  en ce qui regarde la conduite de notre vie nous sommes obligés
de suivre bien souvent des opinions qui ne sont que vraisemblables, à cause que les
occasions d’agir en nos affaires se passeraient presque toujours avant que nous
puissions nous délivrer de tous nos doutes ». Par cela est exprimée l’idée du préjugé
de précipitation. Cette idée que le préjugé est parfois inévitable, et donc inéluctable,
lorsque nous sommes pressés par un facteur extérieur. Le préjugé est alors la seule
solution pour faire un choix, en s’appuyant sur un jugement préconçu plutôt qu’aucun
jugement afin de prendre un décision rapide.
D’autre situation peuvent montrer une prévalue du préjugé sur un raisonnement
argumentée, voir une nécessité de celui-ci. On admet raisonnablement que personne ne
peut connaître tout le savoir humain, sur tous les sujets étudiés par les hommes depuis
toujours. Chaque individu aura toujours des lacunes à propos d’un champ d’étude.
C’est pourquoi on doit parfois donner raison au jugement d’autrui par manque de
connaissances pour argumenter son propos. C’est ce qui est appelé jugement
d’autorité, déléguer son jugement à un autre. On peut certes, trouver une proposition
juste par ses propres moyens, mais se fier à un préjugé permet de gagner du temps sur
sa réflexion. Le préjugé d’autorité porte un argument d’efficacité. On a une
démonstration avec l’exemple des propriétés mathématiques, démontrables mais pas
systématiquement démontrées. Mais ce n’est pas le seul type de jugement que l’on
délègue sans en examiner complètement les fondements par nécessité.
Des répétitions de situations mènent à des préjugés de préventions. En effet,
une expérience passée produit un jugement sur les acteurs et les actions de cette
expérience. Si une situation similaire se reproduit, on reportera alors ces acteurs et
actions sur la situation qui se présente de nouveau, par intuition, par instinct. Le
préjugé de prévention permet de palier à un manque d’information à propos d’un
évènement en le comblant par des ressentis d’expériences passées. Encore une fois,
pressés par un facteur tel que le temps s’écoulant, l’instinct, l’expérience est une
solution plus adaptée qu’une réflexion approfondie et le préjugé de prévention est un
nécessité.
Par conséquent on constate que bannir les préjugés ne signifierait que les
condamner mentalement puisqu’ils seraient toujours présents, car parfois nécessaires.
Il semblerait donc que des règles fondamentales de la philosophie ont leur failles, sans
y avoir trouvé de compromis.
La philosophie est l’amour de la sagesse, « philae », amour et « sophia »,
sagesse en grec ancien. Or la sagesse est la capacité de discernement entre un
proposition fondé une proposition sans fondement, et donc les préjugés. On bannit ces
préjugés de plusieurs manières comme la suspension du jugement, en attente pour
plus précisions et de réflexion sur le sujet, appelée doute suspensif. On compte aussi
dans ces méthodes l’élimination par étapes de toutes propositions infondées pour
trouver une proposition avec un fondement, que l’on appelle maïeutique. Une dernière
manière philosophique de lutter contre les préjugés est de confronter des arguments les
uns aux autres pour faire d’un préjugé, sans fondement, un jugement argumenté grâce
à la dialectique.
Pourtant des contraintes s’opposent à ces méthodes lorsqu’un jugement doit être
émis avec rapidité. La contrainte du manque de temps d’analyse se comble par les
préjugés de précipitations lorsqu’on doit se hâter de nier ou d’affirmer une proposition.
La contrainte du manque de temps d’étude de la proposition est palliée par les préjugés
d’autorité, c’est à dire lorsqu’on adopte le jugement de quelqu’un d’autre car il semble
plus qualifié à propos du sujet. Enfin, la contrainte de temps dans une situation
répétitive ou semblable à une situation déjà connu amène aux préjugés de prévention,
qui nous emmène à suivre nos inclinaisons, plus précisément notre instinct ou nos
expériences passées. L’idée de la contrainte de temps découle elle-même d’un court
délai de jugement. Ces contraintes rendent alors les préjugés nécessaires dans certains
cas, les bannir ne serait pas réalisable.
Par conséquent faut il alors trouver un point d’entente sur ce sujet, en prenant
en compte les deux argumentaires. De ce fait, les contraintes doivent être prises en
compte dans les règles fondamentales de la philosophie. Il faut réussir à admettre le
manque de temps, d’informations ou de connaissances à propos d’une proposition,
sans pour autant bloquer le déroulement temporelle de toutes ses activités. On admet
donc que l’on peut bannir tous les préjugés, sous certaines conditions temporelles, des
conditions qui laissent un large temps de réflexion. Mais ce temps n’est pas toujours
disponible et on doit alors faire appel au doute critique, c’est-à-dire le choix d’affirmer
ou de nier un proposition en admettant que son jugement n’est pas assez fondé.
Descartes exprime cette même idée dans Les Principes de la philosophie : « la raison
veut que nous en choisissions une, et qu’après l’avoir choisie nous la suivions
constamment, de même que si nous l’avions jugée très certaine. » Descartes explique
ici que la recherche d’un jugement fondé est une recherche qui doit, théoriquement,
être le centre de tout jugement, mais qu’il y a une opposition avec la pratique. Dans la
pratique, il faut agir comme si l’on était sûr, avec des préjugé systématiquement sous
entendus. Le doute critique amène donc à éviter une « contemplation de la vérité »,
notion que Descartes écrit dans Les Principes de la philosophie, qui s’avère inefficace
sous la contrainte de délai. Mais le doute critique n’emmène en rien le refus d’une
ouverture d’esprit, puisqu’il sous-entend une conscience de la possibilité d’une erreur
de jugement. Avec ce procédé, les méthodes philosophiques et des arguments qu’on
pouvait, à première vue, opposer, s’accordent finalement.

Enfin, admettre que son jugement n’est pas assez fondé tout en choisissant de
nier ou d’affirmer une proposition permet d’harmoniser la théorie, une grande
ouverture à la réflexion et à la recherche de vérité de son propos, et la pratique alliée
aux contraintes de délais. L’intérêt du doute critique est dans l’espace qu’il laisse pour
un débat, interne ou avec un interlocuteur, ouvert et construit, tout en permettant
d’avancer dans une reconnexion en admettant des préjugés parfois nécessaires. La
doute critique n’encombre pas la pratique de la philosophie, tout en respectant ses
principes théoriques.

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