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L1 L2

ÉCO
Marché du travail,
emploi, chômage
Jean-Paul Brun 25 fiches
David Mourey 60 exercices avec corrigés
Plus de 100 questions
Résumés de cours
Questions pour approfondir
L1 L2

ÉCO
Marché du
travail, emploi,
chômage
Jean-Paul Brun
David Mourey
DANS LA MÊME COLLECTION
Sup en poche est une collection destinée aux étudiants du 1er cycle, essentiellement
en Licence 1 et 2. Son objectif est de permettre à l’étudiant de réviser et s’entraîner
en vue de réussir ses examens. Chaque ouvrage est composé de fiches proposant
des cours résumés suivis d’exercices corrigés pas à pas.
Directeurs de collection : David Mourey et Laurent Braquet

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de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

© De Boeck Supérieur s.a., 2019 1re édition 2019


Rue du Bosquet 7, B-1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays.


Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie)
partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le
communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Dépôt légal :
Bibliothèque Nationale, Paris : septembre 2019 ISSN 2566-2708
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2019/13647/124 ISBN 978-2-8073-2143-4
Sommaire

Partie 1   Marché du travail : présentation générale

COURS 1 Le marché du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6


COURS 2 Le chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
COURS 3 Le halo du chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
COURS 4 L’évolution du chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
COURS 5 Le travail, une instance d’intégration sociale . . . . . . . . . 44

Partie 2  Le fonctionnement du marché du travail :


approches théoriques

COURS 6 L’équilibre du marché du travail selon


les néoclassiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
COURS 7 L’équilibre du « marché du travail » selon Keynes . . . . . . 64
COURS 8 La théorie des équilibres à prix fixes et le chômage . . . 71
COURS 9 Le « dilemme inflation-chômage » et la courbe
de Phillips . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
COURS 10 Théories du job search et du capital humain :
relâchement des hypothèses néoclassiques . . . . . . . . . 91
COURS 11 Les théories de la nouvelle économie keynésienne :
contrats implicites, salaire d’efficience et modèle
« insiders-outsiders » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
COURS 12 Les théories de la segmentation du marché
du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

Sommaire 3
COURS 13 Les théories du chômage d’équilibre : modèle WS-PS,
courbe de Beveridge, modèle de Pissarides-
Mortensen et hystérésis du chômage . . . . . . . . . . . . . . 118

Partie 3   Le fonctionnement réel du marché du travail

COURS 14 Les institutions du marché du travail . . . . . . . . . . . . . . . 130


COURS 15 Le salaire et ses déterminants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
COURS 16 Les discriminations sur le marché du travail . . . . . . . . . 147
COURS 17 L’approche dynamique du marché du travail : processus
de « destruction créatrice » et appariements . . . . . . . . 154
COURS 18 Croissance, emploi, chômage : loi d’Okun
et cycle de productivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
COURS 19 Progrès technique, emploi et chômage . . . . . . . . . . . . . 176
COURS 20 Mondialisation, emploi et chômage . . . . . . . . . . . . . . . . 187

Partie 4   Les politiques pour l’emploi

COURS 21 Les politiques macroéconomiques conjoncturelles,


l’emploi et le chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
COURS 22 Les politiques ciblées sur la demande de travail (1) :
les mesures de réduction du coût du travail . . . . . . . . . 210
COURS 23 Les politiques ciblées sur la demande de travail (2) :
partage du travail, emploi et chômage . . . . . . . . . . . . . . 221
COURS 24 Les politiques fondées sur l’offre de travail :
améliorer les incitations et les appariements . . . . . . . . 233
COURS 25 Les politiques ciblées sur la demande et l’offre
de travail : flexi-sécurité, emploi et chômage . . . . . . . . 244

4 Sommaire

Partie 1
Marché du travail :
présentation
générale
SOMMAIRE
Cours 1. Le marché du travail  Cours 3. Le halo du chômage
Cours 2. Le chômage  Cours 4. L’évolution du chômage
Cours 5. Le travail, une instance
d’intégration sociale
COURS
1 Le marché du travail

[ MOTS CLÉS : marché du travail, travail, emploi, population active, féminisation,


tertiarisation, salarisation, désindustrialisation, bipolarisation ]

DÉFINITION
Selon la conception néoclassique, le marché du travail désigne un lieu de rencontre
entre une offre de travail et une demande de travail, où se fixe le montant de la rému-
nération du travail (c’est-à-dire le taux de salaire).

1 Marché du travail, travail et emploi



Un marché  est un lieu, fictif ou réel, où se rencontrent l’offre et la
demande d’un bien ou d’un service, échangé à un certain prix. Les mar-
chés sont extrêmement divers ; parmi eux, le marché du travail revêt une
importance particulière pour l’économie d’un pays. On y recense des
offreurs de travail, c’est-à-dire des individus qui se proposent d’exercer
une activité productive rémunérée et déclarée, et des demandeurs de
travail (employeurs : entreprises, administrations publiques, associa-
tions…) qui font appel aux travailleurs pour réaliser une production, mar-
chande ou non marchande. Le service échangé sur ce marché est donc
ici le travail lui-même, dont le « prix » correspond à la rémunération.

La notion de travail doit être distinguée de celle d’emploi : cette der-
nière s’applique à une fonction productive dans une organisation éco-
nomique. Un emploi est un ensemble de tâches et de compétences
sous-jacentes, qui permettent de contribuer à une activité productive ;
il se décline en postes de travail, occupés (ou non) par des employés
qui ont en principe les capacités nécessaires pour exercer l’emploi.

2 Quelques indicateurs clés



L’analyse du marché du travail a recours à divers instruments de
mesure, en particulier le taux d’activité, le taux d’emploi et le taux de
chômage ; ces indicateurs se réfèrent aux notions de population inac-
tive et de population active, définies par le Bureau international du
travail (BIT). Parmi les habitants d’un pays, la population inactive ras-
semble les personnes ne travaillant pas et ne recherchant pas active-

6 Cours 1  •  Le marché du travail


présentation générale
1. Marché du travail :
ment un emploi, ou n’étant pas disponibles rapidement pour en
occuper un : les jeunes scolarisés, les femmes au foyer, les retraités,
etc. La population active réunit par conséquent l’ensemble des per-
sonnes occupant un emploi ou en cherchant un.

Ces notions peuvent être précisées à partir des conventions statis-
tiques, qui considèrent que la population en âge de travailler
(« popu­lation active disponible » ou « population active potentielle »)
est composée des personnes âgées de 15 à 64 ans. La population
totale de la France en 2017 peut ainsi être représentée de la façon
suivante :

âge
Population « incapable d’activité » : 13,1 millions (M)
64 ans

population
active
potentielle
= 40,9 M

15 ans
{ Inactifs en âge
de travailler :
11,6 M
Chômeurs :
2,8 M
Population active
occupée : 26,5 M

Population « incapable d’activité » : 13,1 M


0 an
Population totale : 67,1 M
Population active totale : 29,3 M

Graphique 1. Répartition de la population totale française


en populations active et inactive
Source : Insee (enquête Emploi 2017, Bilan démographique 2017)


La population active totale (29,3 millions de personnes en France en
2017) représente la population désireuse de vendre sa force de travail,
autrement dit au sens économique l’offre de travail.

À partir de la notion de population active, on calcule le taux d’activité,
c’est-à-dire le rapport (en pourcentage) entre la population active et la
population en âge de travailler (personnes âgées de 15 à 64 ans, c’est-
à-dire la « population active potentielle » ou « disponible ») ; par exem­
ple, selon l’Insee en 2017, le taux d’activité en France est de 71,5 %, ce
qui signifie que sur 100 personnes âgées de 15 à 64 ans, 71,5 occupent
un emploi ou en recherchent un :

Cours 1  •  Le marché du travail 7


100 personnes âgées de 15 à 64 ans en France
Population active (actifs occupés ou personnes à la Population inactive : 28,5
recherche d’un emploi) : 71, 5


Le taux d’activité (ou « taux de participation » au marché du travail)
mesure la participation, la propension à l’activité d’une population. Il
tend à augmenter à long terme en France, du fait de la hausse de l’ac-
tivité féminine et de la participation croissante des seniors au marché
du travail.

Le taux d’emploi d’une catégorie d’individus est calculé en rapportant
le nombre de personnes de la catégorie ayant un emploi au nombre
total d’individus dans la catégorie. Il peut être calculé sur l’ensemble
de la population d’un pays, mais on se limite le plus souvent à la popu-
lation en âge de travailler ou à une sous-catégorie de la population en
âge de travailler (femmes de 25 à 29 ans…). Par exemple en 2018 selon
l’OCDE, le taux d’emploi aux États-Unis (71 % au 4e trimestre) est plus
élevé que dans la zone euro (67,4 % au 3e trimestre), en raison notam-
ment d’une plus forte activité des seniors outre-Atlantique :
100 personnes âgées de 15 à 64 ans aux États-Unis
Population en emploi : 71 Population sans emploi
(chômeurs, inactifs) : 29


Enfin, parmi les indicateurs du marché du travail, le taux de chômage
est un enjeu politique majeur. Il mesure la part des chômeurs (en pour-
centage) dans la population active totale ; par exemple, un taux de chô-
mage au sens du BIT de 9,4 % (celui de la France en 2017 selon l’Insee)
signifie que sur 100 actifs, 9,4 sont au chômage :
100 personnes actives en France
Chômeurs : Actifs occupés : 90,6
9,4

8 Cours 1  •  Le marché du travail


présentation générale
1. Marché du travail :
En synthèse :

Indicateurs Formules
Taux d’activité Population active
-----------------------------------------------x 100
Population en âge de travailler
Taux d’emploi Population en emploi
---------------------------------------------------x 100
Population en âge de travailler
Taux de chômage Chômeurs
---------------------------x 100
Population active

3 Le marché du travail, une construction historique



Même si ces notions de travail, d’emploi et de chômage nous semblent
aujourd’hui familières, elles n’ont pas toujours existé. La forme contem­
poraine du marché du travail et les institutions qui le régissent sont
des constructions sociales relativement récentes et différentes selon
les pays considérés. Par exemple, sous l’ancien régime, l’activité pro-
ductive était réglée de façon rigide par les corporations (ou « commu-
nautés de métiers »), ou bien s’apparentait à du travail forcé (les
« corvées » dues par les paysans, ou les moissons réalisées dans le
cadre de la communauté villageoise). Selon Karl Polanyi (La Grande
Transformation, 1944), à cette époque les relations économiques
étaient « encastrées » dans les liens sociaux des corporations, du voisi-
nage, de la parenté ou de la religion : « le système économique était
absorbé dans le système social ».

À partir du XVIIIe siècle se développe et se généralise une relation con­
tractuelle entre le travailleur et son employeur, c’est-à-dire le salariat :
on assiste à l’« invention du travail » (Michel Freyssenet). La révolution
industrielle est un des moteurs de cette mutation : elle rend nécessaire
la constitution d’une catégorie de travailleurs libres, susceptibles de
proposer leurs services à l’industrie naissante. L’évolution du droit joue
également un rôle majeur : par exemple, en France, la loi Le Chapelier
abolit en 1791 les corporations, supprimant ainsi les anciennes con­
traintes juridiques qui pesaient sur l’activité productive. Par ailleurs, la
disparition progressive des terres communautaires conduit au déve-
loppement du salariat agricole, et à l’exode de nombreux paysans vers
les zones urbaines : par exemple, en Grande-Bretagne, à partir du
XVIe siè­cle, la clôture de nombreux champs communaux (mouvement

Cours 1  •  Le marché du travail 9


dit des « enclosures ») contraint des masses de paysans à quitter la
terre et à offrir leurs bras à l’industrie naissante.

In fine, tous ces mouvements convergent pour aboutir à la constitu­
tion d’une offre et d’une demande de travail, c’est-à-dire à la formation
d’un marché du travail. Parallèlement, d’autres éléments nécessaires
à la production comme la terre et la monnaie sont soumis à une logique
marchande : on assiste à un « désencastrement » de l’économie vis-à-
vis des relations sociales (Karl Polanyi). Dans cette « société de mar-
ché », le marché du travail joue un rôle essentiel.

4 Le marché du travail, une réalité


en constante évolution

Au fil des années, le marché du travail a connu des mutations dans sa
composition par âge, par sexe, par secteur d’activité, par catégorie
socio-professionnelle et par qualification.
4.1 Par âge

À long terme, dans l’ensemble des pays développés, la période d’acti-
vité tend à se raccourcir « par les deux bouts », selon l’expression d’Oli-
vier Marchand et Claude Thélot : les jeunes poursuivent leurs études
plus longtemps suite à la massification de l’enseignement secondaire
et supérieur, et certaines dispositions légales ont permis aux seniors de
prendre leur retraite plus tôt (à l’instar de la loi française de 1982 insti-
tuant la retraite à 60 ans au lieu de 65 ans). Toutefois, ce dernier mou-
vement tend à s’inverser dans les dernières décennies, à cause des
difficultés de financement des systèmes de retraite par répartition, fragi-
lisés par le vieillissement de la population et la montée du chômage.
4.2 Par sexe

Longtemps marquée par la prédominance des hommes, la population
active est caractérisée depuis les années 1960 par un mouvement de
féminisation : les taux d’activité féminins ne cessent de progresser,
sous l’impact de l’allongement de la durée des études des femmes, de
leur désir d’émancipation, de la recherche d’un meilleur niveau de vie
des couples et de la montée des divorces.

L’évolution de l’emploi par secteur d’activité n’est pas non plus étran-
gère à ce mouvement.

10 Cours 1  •  Le marché du travail


présentation générale
1. Marché du travail :
4.3 Par secteur d’activité 

Entre le début du XIXe siècle et l’époque actuelle, le secteur primaire
(spécialisé dans la production de matières premières, notamment de
produits agricoles) a enregistré un lent déclin, passant de près de 65 %
de la population active vers 1800 à environ 3 % en 2016.

Graphique 2. Évolution de la structure de la population active


par secteur (1806-1997)
Source : Claude Thélot et Olivier Marchand, Le travail en France, 1999, Nathan

Graphique 3. Évolution de la structure de la population active


par secteur (1962-2016)

Cours 1  •  Le marché du travail 11



En contrepartie, le secteur tertiaire, producteur de services, n’a cessé
de progresser, occupant en 2016 près de 76 % de l’emploi en France.
Ce mouvement de tertiarisation s’explique par l’évolution de la con­
sommation des ménages (de plus en plus tournée vers les achats de
services ; loisirs, communication, transports…), mais également par les
mutations de l’appareil productif, les entreprises ayant de plus en plus
recours à des éléments immatériels (conseils en gestion, en informa-
tique, publicité…). Une grande partie des emplois de services sont
occupés par des femmes ; la tertiarisation est donc un des facteurs de
la féminisation de la population active et de l’emploi.

Le secteur secondaire, formé des activités industrielles et de la cons­
truction, a quant à lui connu une progression jusqu’aux années 1970 ;
depuis cette période, un mouvement de désindustrialisation est engagé,
qui concerne tous les pays développés à des titres divers, la France et
l’Italie étant plus touchées que l’Allemagne ; en France, ces activités ne
représentent plus que 20 % de la population active en 2016, selon l’En-
quête Emploi de l’Insee. Les gains de productivité dans le secteur
secondaire (dus en particulier à la robotisation), la concurrence des
pays émergents, l’externalisation de certaines tâches peuvent partiel-
lement expliquer ce déclin de l’emploi industriel.
4.4 Par catégorie socio-professionnelle

L’évolution sectorielle de la population active et de l’emploi se reflète
dans les transformations de la structure socioprofessionnelle, repré-
sentée par la répartition en catégories socio-professionnelles (CSP).

Sur longue période, les professions indépendantes (agriculteurs, arti-
sans, commerçants…) subissent un lent déclin, alors que les salariés
(employés, professions intermédiaires, cadres…) sont de plus en plus
majoritaires ; le mouvement récent de développement des travailleurs
indépendants (lié à « l’économie du partage » : chauffeurs Uber, livreurs
Deliveroo…) reste trop limité pour remettre en cause cette tendance
lourde à la salarisation de l’emploi et de la population active : aujour­
d’hui en France métropolitaine, plus de 88 % des actifs occupés sont
salariés.

Parmi ces salariés, la part des « cols blancs » (cadres, employés…) pro-
gresse du fait de la tertiarisation, alors que celle des « cols bleus »
(ouvriers) s’amenuise. En 2016, selon l’Enquête Emploi de l’Insee, les
employés constituaient la première catégorie socioprofessionnelle
(avec 27,4 % des actifs occupés), devant les professions intermédiaires
(25,8 %), les ouvriers ne venant qu’en troisième position avec 20,3 %

12 Cours 1  •  Le marché du travail


présentation générale
1. Marché du travail :
de la population active occupée. De nombreuses tâches peu qualifiées
auparavant effectuées par les ouvriers sont confiées à des robots, ce
qui contribue au processus de désindustrialisation.

Cette évolution est par conséquent liée à celle des qualifications.

Graphique 4. Évolution de la structure de la population active occupée (emploi)


par catégorie socio-professionnelle (2006-2016)
Champ : France métropolitaine en 2006 et France hors Mayotte en 2016
Personnes en emploi de 15 ans ou plus
Source : Insee, enquête Emploi

4.5 Par qualification



Sur le marché du travail, la notion de qualification comporte deux volets.
D’un côté, elle s’applique à l’emploi : elle désigne alors l’ensemble des
compétences nécessaires pour l’occuper (par exemple, pour un poste
de comptable, les aptitudes sanctionnées par un BTS Comptabilité-­
Gestion). De l’autre, elle concerne la personne active, qui peut être plus
ou moins qualifiée par rapport au poste qu’elle occupe ou recherche :
dans l’exemple un salarié peut détenir un diplôme supérieur de comp-
tabilité et de gestion (niveau Bac+5) ; il est dans ce cas surqualifié par
rapport au poste. La notion de qualification de l’actif est proche de celle
de capital humain, qui désigne l’ensemble des compétences manuelles
et intellectuelles d’une personne, susceptibles de lui rapporter des
revenus.

Au cours des dernières décennies, la qualification des emplois a subi
un double mouvement ; d’une part, les emplois très qualifiés ont vu
leur part augmenter, notamment sous l’impact des nouveaux proces-

Cours 1  •  Le marché du travail 13


sus de production faisant appel aux technologies de pointe ; de l’autre,
les emplois peu qualifiés ont vu également leur nombre progresser du
fait du développement des services à la personne (lié au vieillissement
de la population), de l’économie collaborative (exemple des chauffeurs
Uber…) ou de la simplification des processus de production.

Ce mouvement de bipolarisation de l’emploi est essentiel pour com-
prendre la réalité du marché du travail ; il s’accompagne de la raréfac-
tion des emplois de niveaux intermédiaires (secrétaire, contremaître…).

Quant à la qualification moyenne de la population active, elle n’a cessé
de progresser, sous l’effet de la massification de l’enseignement secon-
daire et supérieur : en 2018, près de 80 % des jeunes d’une génération
obtiennent le baccalauréat, contre 29,5 % en 1985. On a assisté durant
cette période à une véritable démocratisation quantitative de l’ensei-
gnement secondaire : de plus en plus de personnes obtiennent le bac-
calauréat, et surtout une plus grande proportion d’enfants de milieux
populaires. Toutefois, l’ouverture de l’accès au baccalauréat pour les
classes sociales les moins aisées n’a pas augmenté leurs chances de
s’élever socialement : on ne peut donc pas vraiment parler de démo­
cratisation qualitative.

Au final, ce décalage entre la bipolarisation des emplois et l’essor des
qualifications individuelles peut être une source de frustrations, en par-
ticulier chez certains diplômés de l’enseignement supérieur qui ne
trouvent pas toujours d’emplois adaptés à leurs compétences et à leurs
attentes. Entre 2004 et 2015, selon le baromètre d’opinion du minis-
tère des Affaires sociales, la part des personnes qui estiment que la
situation de leurs parents était meilleure que la leur est passée de 34 %
à 42 % : on assiste à une progression du sentiment de déclassement.

14 Cours 1  •  Le marché du travail


1 EXERCICES

présentation générale
1. Marché du travail :
Exercice 1
Parmi les phrases suivantes, indiquez celle(s) qui vous semble(nt)
correcte(s).
a) Un chômeur demande un emploi.
b) Un chômeur demande un travail.
c) Un chômeur offre du travail.

Exercice 2
Les personnes suivantes sont-elles actives ou inactives ?
a) Un enfant de 12 ans scolarisé en collège.
b) Une caissière employée chez Carrefour. 
c) Un homme de 30 ans qui ne travaille pas, mais qui est inscrit à Pôle
Emploi et recherche un poste de vendeur.

Exercice 3
Répondez aux questions à partir du texte suivant :
« L’essentiel des créations d’emplois se concentre désormais aux deux
extrémités du spectre ; d’un côté, des emplois qualifiés, voire très qua-
lifiés, dans ce qui reste de l’industrie, dans les nouvelles technologies,
la finance, les services complexes aux entreprises, mais en petit
nombre ; de l’autre, des emplois peu ou pas qualifiés dans la distribu-
tion, l’hôtellerie-restauration, les transports, les loisirs et les services à
la personne… Ainsi les emplois domestiques (distribution, hôtels-restau-
rants, loisirs, transports, et services à la personne) représentent plus de
40 % de l’emploi total au Japon comme en Espagne, 37 % en Italie, 33 %
aux États-Unis, 32 % au Royaume-Uni, 30 % en Allemagne, 28 % en
France. Ces emplois sont dans leur très grande majorité peu qualifiés,
comme le montre leur niveau relatif de productivité et de salaire par
rapport à l’industrie ou à l’ensemble de l’économie (pour la productivité,
il évolue entre 0,6 et 0,7 et pour les salaires de 0,6 à 0,87 selon les
pays). »
Patrick Artus, Marie-Paule Virard, Et si les salariés se révoltaient ?,
Fayard, 2018, pp. 38-39

a) Quel est le phénomène décrit par ce texte ?


b) Quelles peuvent en être les conséquences ?

Cours 1  •  Le marché du travail 15


CORRIGÉS
1
Exercice 1 Exercice 3
Les phrases a) et c) sont correctes : le chô- Le texte de Patrick Artus et Marie-Paule
meur est un demandeur d’emploi (de Virard évoque le processus de bipolari­
poste) et un offreur de travail (il est dis- sation de l’emploi, qui se traduit par la
posé à travailler). hausse de la part des emplois très quali-
fiés, mais aussi de celle des emplois peu
Exercice 2 qualifiés, les emplois de type intermé-
a) Un enfant de 12 ans scolarisé en col- diaire tendant à se raréfier.
lège est un inactif (il n’occupe pas Ce mouvement peut engendrer des phé-
d’emploi et n’en recherche pas). nomènes de frustration de la part de
b) Une caissière employée chez Carre- diplômés de niveau Bac+2 ou Bac+3 qui
four  est une active (elle occupe un ne trouvent pas suffisamment d’emplois
emploi). adaptés à leurs qualifications ; cette frus-
c) Un homme de 30 ans qui ne travaille tration peut elle-même se traduire par un
pas, mais qui est inscrit à Pôle Emploi sentiment diffus de mécontentement, le
et recherche un poste de vendeur est rejet des élites, le vote en faveur de partis
un actif (il recherche un emploi). protestataires…

16 Cours 1  •  Le marché du travail 


COURS
2 Le chômage

présentation générale
1. Marché du travail :
[ MOTS CLÉS : chômage, taux de chômage, demandeur d’emploi ]

DÉFINITION
Le chômage désigne une situation dans laquelle se trouvent les personnes, de 15 ans
et plus, qui sont sans emploi, mais qui recherchent effectivement un emploi. Comme
souvent en économie, définir et mesurer est difficile, car les frontières entre emploi,
chômage et inactivité ne sont pas toujours faciles à établir. Dans ces conditions, l’exis-
tence de plusieurs indicateurs complémentaires peut se révéler indispensable.
Dans l’absolu, le plein emploi désigne une situation dans laquelle le nombre de chô-
meurs est égal à zéro. Ce cas de figure reste purement théorique, car l’étude des mar-
chés du travail réels montre qu’il existe toujours un volant de travailleurs qui, ayant
quitté un emploi, n’en retrouvent pas un autre dans l’immédiat, et par conséquent
passent par une phase transitoire de chômage. De même, les jeunes ayant terminé leurs
études doivent souvent attendre un certain délai avant de trouver un emploi. Ces diffé-
rentes situations correspondent au « chômage frictionnel », inévitable dans une écono-
mie de marché. C’est pourquoi le plein emploi correspond plutôt à une situation dans
laquelle le niveau du chômage est faible (inférieur ou égal à 4 % de la population
active) : il se limite alors à sa composante frictionnelle.

1 Le chômage : origine du concept



Dans son ouvrage L’invention du chômage (1986), Robert Salais montre
que le chômage apparaît avec l’essor de la société industrielle, en
particulier quand le ralentissement ou la cessation de l’activité entraîne
des pertes d’emploi. Le « calme des affaires » (caumare) va se traduire
par l’apparition d’une nouvelle catégorie statistique composée des
ouvriers sans emploi. Pour Jacques Freyssinet, le développement du
salariat, de la relation employeur-salarié, correspond à un change-
ment majeur dans l’organisation de la production, de l’économie et de
l’organisation sociale. Quand le salariat devient le cadre principal de la
relation de travail (rémunéré), une rupture apparaît entre le temps des-
tiné au travail (au sens économique) et le temps destiné aux activités
domestiques. La situation de chômage est donc liée à la disparition de
l’échange d’une quantité de force de travail entre un offreur de travail
(l’ouvrier) et un demandeur de travail (le patron ou employeur). Le chô­

Cours 2  •  Le chômage 17
mage est le produit de changements économiques et sociaux struc­
turels et le résultat d’une construction sociale et statistique. De facto,
le chômage n’a pas toujours existé : « C’est au XIXe siècle que le vocable
prend son sens moderne, amenant progressivement une reconnaissance
du chômage comme problème économique appelant une réponse des
pouvoirs publics […]. Même si le mot est ancien, le chômage signifie
jusqu’au XIXe siècle toute situation de non-travail, sans précision quant
à ses causes. Au XIXe, le chômeur prend son sens moderne […]. Ce
chômage n’a de sens que dans la société salariale qui se développe au
XIXe siècle. » Source : Économie de l’emploi et du chômage, D. Anne et
Y. L’Horty, 2013.

2 Définitions et mesures du chômage



La mesure du chômage exige de distinguer les données en valeur
absolue (le nombre de chômeurs) et des statistiques en valeur relative
(le taux de chômage). Compte tenu de l’hétérogénéité des tailles res-
pectives des économies dans le temps et dans l’espace, cette diffé-
rence n’est pas anodine. Ainsi, pour un nombre de personnes en âge
de travailler, d’actifs…, on ne peut se contenter de comparer les nombres
de chômeurs entre la France, les États-Unis et la Chine, par exemple.
2.1 Mesurer le nombre de chômeurs

En France, nous disposons de deux sources de chiffres pour le chô-
mage : une mesure statistique proposée par l’Insee et une mesure
administrative calculée par Pôle Emploi. L’Insee mesure le chômage
en utilisant une définition et les critères établis par le Bureau internatio-
nal du travail (BIT). Pôle Emploi mesure le chômage en comptabilisant
les demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM).
2.1.1 Le chômage selon l’Insee

Un chômeur au sens du BIT est une personne en âge de travailler,
sans emploi, qui est disponible pour travailler, qui recherche effective-
ment un emploi. Conformément à la logique du BIT, pour l’Insee, un
chômeur est une personne en âge de travailler (conventionnellement
15 ans ou plus) qui n’a pas travaillé (dépourvue d’emploi) ne serait-ce
qu’une heure au cours de la semaine de référence (de l’enquête), qui
est disponible pour travailler dans les deux semaines, qui a entrepris
des démarches actives de recherche d’emploi dans le mois précédent
ou a trouvé un emploi qui commence dans les 3 mois.

18 Cours 2  •  Le chômage
présentation générale
1. Marché du travail :

L’enquête Emploi de l’Insee permet de mesurer le chômage au sens du
BIT. Depuis 2003, cette enquête Emploi est réalisée en continu en
métropole alors qu’elle était auparavant réalisée sur un seul mois. Elle
permet désormais des estimations trimestrielles du chômage au sens
du BIT et non plus seulement annuelles.

L’enquête Emploi en continu (EEC) menée par l’Insee porte sur une semaine don-
née : la semaine de référence. Cette enquête doit permettre d’observer, à court terme et
à long terme, la situation des personnes sur le marché du travail. L’EEC s’inscrit dans le
cadre défini par les enquêtes « Forces de travail » (Labour Force Survey) menées par
Eurostat au sein de l’Union européenne. L’EEC produit l’unique mesure des concepts
d’activité, chômage, emploi et inactivité au sens du BIT. La première enquête Emploi en
continu a débuté en juillet 2001.


Les calculs de l’Insee permettent de mesurer la population sans
emploi à la recherche d’un emploi (PSERE). Au sens du BIT, la grande
majorité des chômeurs font partie de la PSERE. Cependant, parmi les
chômeurs il existe des personnes qui sont involontairement sans
emploi au cours de la semaine de référence, mais qui ne recherchent
pas d’emploi, car elles ont pris des dispositions pour prendre un emploi
salarié ou pour entreprendre une activité indépendante à une date
ultérieure (dans les trois mois), et sont disponibles rapidement pour
travailler.

Selon l’Insee, au second trimestre 2018, en France métropolitaine, le nombre de


chômeurs est de 2,538 millions.

Attention !
Le recensement de la population permet de mesurer le chômage, mais le résultat sera
différent. En effet, les chômeurs sont les personnes qui ont au moins 15 ans et qui se
sont déclarées chômeurs (inscrits ou non à Pôle Emploi) sauf si elles ont, en outre,
déclaré explicitement ne pas rechercher de travail ; et d’autre part les personnes (âgées
de 15 ans ou plus) qui ne se sont pas déclarées spontanément en emploi ou en chômage,
mais qui ont néanmoins déclaré rechercher un emploi. Ainsi, un chômeur au sens du
recensement n’est pas forcément un chômeur au sens du BIT (et inversement).

Cours 2  •  Le chômage 19
L1 L2

ÉCO
Marché du travail, emploi, chômage
Ce livre rassemble des Chaque fiche contient :
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mécanismes fondamentaux du les concepts essentiels.
marché du travail : concepts > des exemples et observations détaillés
de base, éléments empiriques, pour illustrer les notions ou apprendre
controverses théoriques, outils et à répondre aux questions.
mise en œuvre des politiques de > une ouverture sur le thème proposé avec
l’emploi. Ces fiches synthétiques une mise en exergue des débats et enjeux.
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revoir les principales thématiques
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du marché du travail avec des
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exemples et observations, les
débats et enjeux, des exercices et
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Jean-Paul Brun
est professeur agrégé de sciences économiques et
sociales (SES) au lycée. Il a publié avec Franck Boutaric
Les chiffres de l’économie française 2018 et 2019 et Les DANS LA MÊME COLLECTION
chiffres de l’économie mondiale 2010 (Hachette).

David Mourey
est professeur de SES au lycée, formateur en SES dans
l’Académie de Créteil, organisateur et modérateur de
Conception graphique : Primo&Primo®

conférences et colloques d’économie. Il a publié avec


Laurent Braquet Économie : principes fondamentaux en
2019 (De Boeck Supérieur).

ISSN : 2566-2708
ISBN : 978-2-8073-2143-4

www.deboecksuperieur.com
Prix TTC : 18 €

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