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MASTER 1 ECONOMIE
2017 – 2018 1
INTRODUCTION GENERALE
2
L'économie de l'éducation a pour
objet principal l'analyse économique
de l'acquisition, la conservation et
l'utilisation des connaissances
attachées aux individus.
3
La première question que pose
implicitement cette définition est de
savoir à quelles fins les individus
acquièrent ces connaissances. On
peut en distinguer au moins trois :
4
•accroître son stock de savoirs
(fondamentaux ou pratiques), tout en
formant son jugement personnel et en
développant des méthodes de travail ;
c'est la dimension "intellectuelle" de
l'éducation.
5
•comprendre la société, ses valeurs,
ses normes, sa culture (pour s'y
intégrer, ou, éventuellement, la
rejeter) ; c'est la dimension "sociale"
6
•acquérir des compétences
monnayables sur le marché du
travail ; c'est la dimension "
économique".
7
Il est clair que l'analyse économique
est essentiellement concernée par
cette troisième dimension, ce qui ne
veut pas dire que les deux autres
seront totalement absentes de nos
propos.
8
Si cette définition met un accent
privilégié sur l'individu, il n'en demeure
pas moins que l'éducation concerne,
en fait, l'ensemble des agents
économiques :
9
• les ménages, c'est à dire l'individu en tant
qu'élève ou étudiant, puis en tant qu'actif
après son entrée sur le marché du travail,
ainsi que, plus généralement, sa famille, en
tant « qu'institution » éducative ou variable
d'environnement dans le processus éducatif
10
•l'entreprise, en tant que demandeuse
de personnel qualifié (c'est à dire
possédant un certain niveau
d'éducation susceptible d'être mis en
œuvre dans les processus productifs),
11
mais aussi comme participant à l'offre de formation, soit
par l'intermédiaire du système de l'apprentissage, soit par
l'intermédiaire de l'expérience professionnelle que sa
main d'œuvre acquiert en son sein, soit encore par les
diverses contributions (financières ou autres) qu'elle
apporte au système éducatif
12
• l'Etat, en tant qu'offreur de formation dans le
cadre du système éducatif qu'il gère et/ou qu'il
contrôle (en vue, précisément de permettre aux
individus d'acquérir des connaissances, de leur
permettre une intégration sociale et
économique),
13
et plus généralement en tant
qu'acteur essentiel dans la
définition de ce qu'il est
convenu d'appeler la politique
éducative.
14
L'éducation se trouve donc
nécessairement au cœur du
fonctionnement de l'économie, ce qui
autorise l'économiste à en faire un
champ d'analyse de sa discipline
15
(ce qui n'interdit pas au sociologue, au
psychologue, au spécialiste de science
de l'éducation ou à l'historien de faire
de même).
16
De fait, même si le développement de cette branche
de la science économique est relativement récent,
le survol de la pensée économique montre que
l'éducation a toujours été un thème présent, sans
doute trop discrètement, dans la réflexion des
économistes. Mais il fait apparaître un certain
nombre de thèmes de réflexion que nous
classerons en trois groupes.
17
Le premier thème (essentiel) développé dans
la littérature est celui du capital humain :
l'éducation est un capital pour les individus
(et la collectivité), qu'il convient d'évaluer et
auquel on peut associer des coûts, des gains
et donc une rentabilité.
18
Dans cette logique, on note le rôle
important de l'origine sociale des
individus dans leurs comportements
éducatifs (poursuite ou non des études, "
choix" des filières).
19
Le deuxième concerne les
problèmes posés par l'organisation
et le fonctionnement du système
éducatif.
20
Le dernier groupe thématique est plus disparate,
chacun des thèmes n'ayant été, dans la plupart
des cas, qu'effleuré. On y recense les divers effets
de l'éducation sur la croissance, le progrès
économique, les comportements individuels, etc...
Ce qui conduit à se poser la question de
l'intervention (souhaitée ou non) de l'Etat dans le
domaine éducatif
21
En fait, nous disposons là de l'essentiel des
thèmes de réflexion qui constituent le champ de
l'analyse contemporaine de l'économie de
l'éducation et qui, pour plus de clarté, peuvent
s'articuler sur quatre axes principaux : la demande
d’éducation, l’offre d’éducation, la politique
éducative et la relation éducation – croissance
économique – développement.
22
CHAPITRE I
LA DEMANDE D’ÉDUCATION
23
L’analyse économique de la demande
d’éducation s’est développée dans un
cadre microéconomique, sur la base de la
TCH.
24
I – Capital humain et demande de
formation initiale
L'accumulation de connaissances dans le cadre
restreint de la formation initiale est un acte
d'investissement, donc que l'éducation est un
capital, auquel on peut associer une rentabilité,
qui, elle-même, va déterminer le comportement
de demande des individus.
25
A) L’éducation : un capital
38
Et, de fait, en s'éduquant on crée, moyennant une
dépense de temps (le "détour" des études, auquel
est lié le coût d'opportunité), un bien (les
connaissances, le capital éducatif ou plus
généralement humain) dont on peut supposer qu'il
accroît la productivité de l'individu. Toutes les
caractéristiques définies par Böhm-Bawerk sont
bien présentes dans l'éducation.
39
2) Génération d'un flux de revenu
48
b) Pendant la vie active
Une fois les études terminées,
l'investissement intellectuel va
commencer véritablement à porter ses
fruits. Il permet d'obtenir des emplois plus
qualifiés et donc mieux rémunérés que
ceux que l'étudiant aurait obtenu s'il avait
interrompu ses études plus tôt.
49
Le gain correspond alors au différentiel de
revenu obtenu sur l'ensemble de la vie
grâce à cet investissement supplémentaire.
Pour l'évaluer, il faut donc connaître le profil
de revenus auxquels peut prétendre
l'étudiant qui s'arrête à un certain niveau
(de référence) et le profil correspondant au
diplôme final envisagé
50
c) Reproductibilité
71
b) Taux interne de rendement sur plusieurs
années de formation
Le taux, r, que nous venons de calculer est le taux
de rendement de la maîtrise par rapport à la
licence. Autrement dit c'est un taux marginal,
correspondant à un investissement unitaire (une
année d'études). Il est évidemment possible
d'effectuer des calculs analogues sur plusieurs
années d'études. 72
Par exemple, on peut calculer le taux de
rendement de la maîtrise par rapport au
baccalauréat et non plus par rapport à la licence.
En notant Bi le flux de revenu d'un bachelier, Mi
celui du diplômé de maîtrise et Di les coûts
correspondant à ce diplôme , le taux de
rendement, r, sera (sur la base de quatre années
d'études) tel que :
73
74
Plus généralement, pour un investissement
correspondant à N années d'études, on aura
75
2) Définition de la valeur actuelle nette
Plutôt que de chercher à calculer le taux de
rendement (ce qui pose quelques problèmes
d'ordre purement mathématiques), on peut, plus
simplement, définir, à partir des mêmes
données de bases sur les revenus et les coûts,
la valeur actuelle nette associée à un diplôme
(par rapport à un diplôme de référence) 76
En reprenant l'exemple initial (comparaison
maîtrise - licence) on évaluera d'abord la
valeur actuelle des flux de revenus
correspondant à la licence, soit :
77
où i est le taux d'actualisation choisi arbitrairement
pour le calcul. Puis on évaluera la valeur actuelle
correspondant à la maîtrise, soit :
80
81
La valeur nette est égale à la différence
entre la surface comprise entre les deux
profils Mt et Lt à partir de la date t1 et la
surface (L0+D0).
82
Si l'on envisage le calcul de la valeur
actuelle nette d'un diplôme se préparant
sur N années, on obtiendra :
83
c) La notion de taux de rendement "global"
Dans une perspective assez différente, il faut enfin
évoquer la méthode de MINCER, fondée sur
l'estimation d'une équation de régression dont le
coefficient directeur donne, à certaines conditions,
une estimation d'un taux de rendement de nature
différente, dans la mesure où il n'est pas calculé sur
un diplôme, mais sur des diplômes de différents
niveaux à l'intérieur d'un parcours. 84
On calculera par exemple le taux de
rendement de l'enseignement secondaire,
ou de l'enseignement supérieur (ou de telle
filière disciplinaire de l'enseignement
supérieur). C'est en ce sens que nous
l'appellerons taux "global".
85
Pour simplifier le raisonnement on suppose que
les coûts directs des études sont négligeables.
Dès lors, le coût d'une année d'étude sera égal
au seul coût d'opportunité correspondant au
revenu du diplôme inférieur, soit pour la 1ère
année :
C1 = Y0
86
Cet investissement engendre un revenu
supérieur Y1
88
Au bout de S périodes, on aura :
89
Connaissant YS et S on pourra donc estimer r. Il
est donc clair que la logique du calcul n'est pas
du tout la même que pour l'évaluation classique
du taux de rendement présenté dans le premier
paragraphe.
90
Dans ce cas (classique) il faut disposer d'un
échantillon d'individus qui ont tous effectué
les mêmes études (à la même date si l'on
raisonne sur des séries chronologiques, à
des dates différentes si l'on raisonne en
coupe transversale).
91
• Dans la méthode de Mincer, il faut disposer d'un échantillon
• d'individus ayant (par rapport à un niveau initial) effectué des études
de durées différentes.
92
• Dans le premier cas, on obtiendra, par
exemple, le taux de rendement de la
maîtrise de gestion par rapport au
baccalauréat (ou toute autre référence) ;
93
• dans le deuxième cas, obtiendra le taux de rendement
des études supérieures dans la filière gestion (ou des
études supérieures en général) sanctionnées par des
diplômes de niveaux bac+1, +2, +3,...., par rapport au
baccalauréat (ou toute autre référence). C'est donc
bien une évaluation plus "globale" que nous propose
Mincer
94
C) La demande d’éducation
98
Si l'on utilise la méthode de la valeur actuelle nette,
une fois le taux d'actualisation choisi par l'investisseur,
ce dernier peut raisonner soit :
• comparativement à d'autres choix d'investissement,
et retenir le projet dont la valeur actuelle est
maximale
• dans l'absolu, retenir le projet si sa valeur actuelle
nette est positive (les gains espérés étant
supérieurs aux coûts).
99
En principe les deux méthodes sont équivalentes.
Autrement dit le taux de rendement sera égal au taux
d'actualisation quand la valeur nette sera juste nulle. On
investira à partir du moment où le taux de rendement
est supérieur au taux d'actualisation et par conséquent
à partir du moment où la valeur actuelle devient positive.
100
Dès lors, la procédure de choix du niveau
d'investissement se déroule en trois temps
• On calcule pour les différents projets d'investissement le
taux de rentabilité
• On classe les différents projets par ordre décroissant de
rentabilité
• On introduit alors le taux d'intérêt de référence (taux du
marché, taux correspondant à des projets alternatifs, taux
d'actualisation du plan, taux d'actualisation subjectif) et l'on
retient tous les projets dont la rentabilité est supérieure à ce
taux 101
Il en résulte en particulier que
l'investissement entrepris est fonction
décroissante du taux d’intérêt : c'est la
fonction traditionnelle de demande
d'investissement.
102
b) Application à l'éducation
105
Il en résulte que, plus le taux d'actualisation de
référence est élevé, moins l'investissement humain est
important (car relativement moins rentable que les
autres opportunités de "placement"). La demande
d'éducation serait donc, comme toute demande
d'investissement, fonction décroissante du taux
d'intérêt si celui ci est choisi comme taux
d'actualisation. 106
La faiblesse majeure de cette démarche est que rien
n'assure, bien au contraire, que les taux de rendement
sont décroissants en fonction de la durée des études.
En effet, il est démontré que le taux de rendement des
études supérieures est en général plus élevé que celui
des études secondaires. Par conséquent la démarche
traditionnelle est inadaptée. Elle conduira au mieux à
des solutions multiples pour un taux de référence donné.
107
Par ailleurs, aboutir à une demande de
formation initiale qui dépendrait
essentiellement du taux d'intérêt, de
considérations purement financières, au sens le
plus strict du terme, semble bien simplificateur
s'agissant d'une décision de ce type. La stricte
logique de la demande d'investissement paraît
caricaturale. 108
2) Une version "atténuée" de la théorie de
l'investissement
Nous postulerons que le choix de l'individu repose sur
un double principe :
• comparaison (implicite, "tout se passe comme si")
du taux de rendement des différents cursus (définis
par la filière et la durée du diplôme) qui s'offrent à
l'individu à un moment donné, ce qui lui permet de
sélectionner le plus rentable d'entre eux 109
• comparaison du taux (maximal) associé à ce
meilleur cursus au taux d'actualisation "subjectif"
de l'individu, c'est à dire le taux de rendement
minimal "qu'exige" (plus ou moins
consciemment) l'individu pour un
investissement de ce type.
110
Ce taux est d'autant plus élevé que l'individu
manifeste une préférence subjective pour le
présent (ou dévalorise le futur, en sur-valorisant
inconsciemment les coûts immédiats et en
sous-valorisant les gains futurs)
111
Dans ces conditions on peut alors prédire que :
• plus le taux de rendement d'une filière sera élevée
relativement, plus elle sera demandée
• si le taux de rendement d'une filière augmente
relativement, elle attirera plus de candidats
112
La bousculade à la porte des écoles
commerciales, le succès des filières
professionnalisées, montrent clairement que les
individus raisonnent bien en termes de revenus
futurs et donc, implicitement, en termes de taux
de rendement.
113
A contrario, la sensibilité du recrutement de
certaines filières destinant à l'enseignement ou
aux concours administratifs à la "conjoncture"
(si l'économie ralentit, si le chômage s'accroît,
les effectifs montent, si l'économie repart, ils
baissent), indiquent bien que les étudiants
réagissent rationnellement à des perspectives
de gains faibles ou forts.
114
En d'autres termes la théorie du capital
humain ne dit rien d'autre que les étudiants
et leurs familles, sont de toute évidence
sensibles aux coûts (directs et
d'opportunité) et aux bénéfices attendus
des études (perspectives de débouché)
qu'ils envisagent d'entreprendre.
115
La valeur du taux de rendement intervient
donc implicitement dans la stratégie des
étudiants et de leur famille. Une élévation
du taux de rendement, résultant d'une
augmentation des gains espérés et/ou
d'une baisse des coûts, a un effet incitatif.
116
La théorie du capital humain est donc une
théorie "solide" dans la mesure où elle
permet de rendre compte d'un ensemble
diversifié de faits objectifs. Même si, des
modèles alternatifs ont été proposés, cette
théorie n'a jamais été réfutée.
117
Cela tient sans doute au fait, d'une part
qu'elle repose sur une idée fondamentale et
difficilement contestable que l'éducation est
un investissement et que, d'autre part, bon
nombre d'observations empiriques
confirment cette intuition 118
Cela ne veut pas dire qu'elle puisse
expliquer tous les comportements, ou que
la demande d'éducation n'est qu'une
demande de capital humain. L'éducation a
d'autres dimensions qui nécessitent des
analyses complémentaires.
119
II - Remise en cause et élargissement de la
théorie du capital humain
127
Plus encore, il économise sur les dépenses
courantes (logement, habillement, nourriture,…)
qu'il aurait eu à financer s'il était entré
directement sur le marché du travail. Par contre
il subit bien le coût d'opportunité de ses études.
Quant aux gains ultérieurement acquis sur le
marché du travail, ils seront bien évidemment
acquis intégralement par l'étudiant. 128
Les parents, de leur côté, supportent l'intégralité des coûts liés
aux études, tout en percevant éventuellement des allocations
familiales jusqu'au 20 ans de l'étudiant. Ils ne subissent pas le
coût d'opportunité et ne retirent aucun gain monétaire lors de
l'entrée de leur enfant sur le marché du travail. Pour eux, il n'y a
pas investissement au sens strict, même s'ils estiment que
c'est bien un investissement pour leur enfant, d'où leur
comportement "altruiste".
129
Dans la mesure où l'on peut estimer qu'en matière
éducative la décision est souvent prise en commun
entre les parents et l'étudiant, en "consolidant" les
coûts et les gains des uns et des autres, on retrouve
bien les déterminants du taux de rendement présenté
précédemment, qui est donc plus un taux de
rendement "familial" (étudiant + parents) que
strictement individuel (étudiant). 130
Mais on peut aussi conclure que, dans la mesure où
ce sont les parents qui financent, tout en ne percevant
aucun gain monétaire, les dépenses engagées (même
non spécifiques) sont bien des coûts, qu'ils n'auraient
pas à supporter si leurs enfants ne poursuivaient pas
d'études ; dès lors les dépenses liées aux études
peuvent constituer un véritable obstacle pour les
familles à ressources modestes.
131
c) L'incertitude dans les choix
139
1) Les thèses proposées
146
Ces aptitudes (de type plutôt scolaire )
étant fortement corrélées (mais pas
confondues comme dans la théorie du
capital humain) avec la capacité productive,
les employeurs vont accepter de les
rémunérer à un plus haut niveau.
147
A la limite, l'éducation n'a donc aucun effet
direct sur la productivité mais indique que
l'individu doit être capable d'être plus efficace
dans son emploi ; elle n'ajoute pas de valeur à
l'individu, elle ne fait que la garantir pour le futur
et sert donc à "filtrer" les individus susceptibles
par la suite d'avoir une meilleure productivité.
148
Un nombre non négligeable de formations à
caractère "technique » ou "professionnalisé" ont,
de toute évidence, un impact immédiat sur la
productivité des individus qui, de ce fait, seront
immédiatement opérationnels dès leur entrée
dans la vie active (exemple BTS, licences
professionnelles etc.) 149
Si Arrow insiste sur les aptitudes individuelles
que révèle l'institution scolaire, GINTIS (1971)
raisonne en termes d'attitudes. Pour lui, l'école
valorise et développe les attitudes d'ordre et
d'obéissance qui seront appréciées et
recherchées par l'employeur dans la mesure où
l'organisation technologique est marquée par la
notion de hiérarchie (donc d'obéissance) et de
division du travail (donc d'ordre).
150
L'entreprise rémunérera mieux les individus
éduqués car c'est une garantie pour elle qu'ils
seront conformes au moule idéal, et donc plus
efficace.
151
On retrouve en filigrane les thèses de
BOURDIEU et PASSERON (1970) pour qui
l'école est avant tout le lieu idéal de la "
reproduction sociale" où la sélection se fait
en fonction du système de valeurs de la
classe dominante (et en particulier du
patronat).
152
On peut aussi rattacher à ces raisonnements la
théorie de la dualité du marché du travail
proposée par DOERINGER et PIORE (1971).
Dans la mesure, en effet, où certains individus,
pour des raisons diverses n'ont pas les
diplômes nécessaires, n'ont pas la "carte de
visite" qui leur permet d'accéder aux emplois
rémunérateurs,
153
Ils vont alors être condamnés à végéter dans le
segment dit "secondaire" du marché du travail :
emplois précaires, déqualifiés, sans perspective
de formation interne. Seuls les diplômés peuvent
avoir l'espoir d'entrer sur le segment "primaire"
du marché.
154
b) La robustesse de la théorie du capital
humain
Ces approches en terme de filtre ou de signal ne
remettent pas vraiment en cause la théorie standard
du capital humain. Elles sont, comme le note BLAUG
(1976) beaucoup plus complémentaires que
concurrentes de cette théorie. Elles permettent de
rendre compte bien plus des pratiques de recrutement,
alors que la théorie du capital humain s'attache au
comportement de demande de formation. 155
De toute façon, même si l'éducation n'a
aucun effet sur la productivité (ce dont on
peut douter à moins de définir cette notion
de façon très étroite), elle reste un "
investissement" rentable, car elle permettra
de traverser le filtre et d'acquérir le signal
qui conduit aux emplois rémunérateurs. 156
Il y a, en fait toutes raisons de penser que la
formation initiale aura en général un double
effet : un effet de productivité plus ou moins
élevé selon la nature du diplôme (à tendance "
généraliste" ou professionnalisé auquel cas le
diplômé aura acquis des compétences réelles
et immédiatement utilisables dans son emploi)
et qui justifie donc une rémunération supérieure,
157
et un effet de signal plus ou moins fort
(selon les caractéristiques et la réputation
du diplôme, selon l'expérience qu'ont les
employeurs de ce diplôme).
158
La liaison éducation-revenu est sans doute
plus complexe que la théorie élémentaire
ne le suppose, mais elle existe. Dès lors
rien n'interdit de calculer la rentabilité de
l'opération. La logique de capital humain
n'est aucunement remise en cause. 159
C) L'accumulation de capital humain pendant la vie
active
160
1) L'expérience professionnelle
L'expérience professionnelle est la première
source d'accumulation de capital humain
pendant la vie active. Les analyses
empiriques (en particulier de MINCER) le
montrent clairement. Encore faut-il
distinguer expérience "générale" et
expérience "spécifique". 161
a) Les "fonctions de gains" de MINCER
162
où W est le salaire réel observé, N est la
durée des études et E le nombre d'années
d'expérience professionnelle
(éventuellement complétés par des
variables quadratiques pour tester
l'hypothèse de productivité marginale
décroissante) 163
La logique de cette relation est que l'activité
professionnelle accroît les compétences de
l'individu et donc son capital humain (sans
doute plus dans sa dimension "savoir-faire" que
savoirs plus abstraits, ce qui justifie une
augmentation progressive de sa rémunération.
164
Dès lors, plus l'individu progresse dans sa
carrière, plus l'impact du diplôme initial devrait
s'atténuer au profit de l'expérience (à moins
cependant que ce diplôme ait un "signal"
particulièrement fort)
165
b) Expérience professionnelle générale et
spécifique chez Becker
171
Dans les deux cas, l'entreprise cherchera à égaliser
l'ensemble des coûts engagés sur le salarié (salaire
initial pendant la période de formation, coûts directs
de formation éventuels, coût d'opportunité
correspondant à la production "perdue" des salariés
de l'entreprise qui consacrent une part de leur temps
au nouvel arrivant, puis salaires versés pendant la vie
active) à l'ensemble des recettes résultant de l'activité
de l'individu (productivité pendant la période initiale,172