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UN HIVER DANS LES BRAS DU

SULTAN
(UN FIÉVREUX NOËL)

Résumé
Profitant d'une pause hivernale, Belle se réfugie dans un chalet solitaire afin
de s'y ressourcer...
Hélas, à peine ses valises posées qu'elle reçoit la visite d'un mystérieux
inconnu qui n'est autre que le sultan Jafar Al-Zyhar.
Troublée, craintive, sur ses gardes, Belle écoute attentivement sa demande.
Accepter de venir aux fiançailles de son cousin qui sera bientôt lié à sa demi-
sœur.
Belle lui oppose un refus catégorique avec l'espoir qu'il s'en aille.
Malheureusement le sultan au regard aussi froid que la glace qui les entoure
mais d'une beauté brûlante ne semble guère vouloir partir.
Jusqu'à user de son pouvoir de monarque pour la convaincre...
Chapitre 1
La tempête semblait s'apaiser à mesure du temps qui passait. Belle n'entendait
plus les flocons fouetter les carreaux des fenêtres. Agréablement surprise par
la chaleur qui se dégageait de la cheminée elle posa son livre sur ses genoux
pour approcher ses paumes de main. Pour bénéficier de ce petit chalet Belle
avait travaillé un an sans prendre des vacances. Son boulot de serveuse ne lui
rapportait pas une fortune mais lui assurait une vie tranquille malgré les
ennuis financiers qu'elle avait dû traverser. S'offrir ce petit havre de paix était
pour elle une réussite.
Une réussite bien méritée car les trois dernières années avaient été pour elle
que douleur et chagrin. Son père bien trop tôt parti l'avait laissé anéantie et
seule. Toute sa vie son père avait été son seul et unique repaire. Elle voulait
oublier le passé, éteindre ses peines et se former un présent plus lumineux.
C'est aussi pour cela qu'elle avait souhaité se couper du monde pendant une
semaine. Quittant les méandres de ses pensées Belle se leva pour s'approcher
de la fenêtre. De là, un tumulte de flocons se mit à tourbillonner laissant place
à une magnifique danse immaculé.
Esquissant un sourire d'émerveillement Belle écarta un peu plus les rideaux
jusqu'à ce que son sourire se dissipe peu à peu. L'espace d'une seconde elle se
crut victime d'hallucination lorsqu'elle aperçut une voiture s'engager sur le
petit chemin sinueux du chalet. Mais très vite, Belle fut aveuglée par une vive
lumière qui provenait des phares.
Belle s'écarta de la fenêtre précipitamment et s'empressa de réduire la lumière
tamisée du salon.
Qui était cet intrus ?
Les propriétaires n'étaient plus là depuis ce matin et lui avait certifié qu'ils
n'avaient ni amis ni famille dans le coin.
Le ventre noué, elle s'éloigna de la fenêtre pour mieux se saisir d'un tisonnier.
Un silence glacial s'empara alors du chalet. Seuls les crépitements de la
cheminée éveillaient encore une présence avant que des coups à la porte
laissent envisager un mauvais présage.
Elle ne pouvait feindre que le chalet était vide puisque les lumières provenant
du salon se voyaient de l'extérieur. De plus la cheminée dégageait une forte
intensité de couleurs rougeoyantes.
Belle déglutit péniblement sa salive tout en s'approchant de la porte close et
heureusement verrouillée. Les coups redoublèrent d'intensité comme si
l'intrus commençait à s'impatienter.
- Qui est-ce ? Lança Belle en serrant le tisonnier si fort qu'elle sentait sa main
devenir moite.
- Le mieux serait de m'ouvrir mademoiselle Moor.
Belle distingua dans la voix de l'inconnu un fort accent qu'elle ne sut
interpréter avant de réaliser qu'il venait de dire son nom. Soumise à une série
de frissons, elle hésita avant d'ouvrir la porte tout en prenant le soin de la
bloquer avec la chaine.
Dès lors que la porte s'ouvrit à moitié, le vent s'engouffra dans le chalet,
balayant sur son passage les feuilles laissées sur la petite console. N'y voyant
rien elle appuya sur l'interrupteur qui donnait sur l'extérieur afin que la
lumière lui dévoile l'intrus.
À la seconde où la silhouette sombre lui apparut, Belle retint son souffle
n'ayant d'autre choix que d'examiner son visiteur.
Grand, visiblement robuste, l'inconnu portait un long manteau noir et des
gants en cuir laissant entrevoir des mains fortes.
Lentement elle poursuivit son chemin sur son visage qui malgré la pénombre
révélait des traits ciselés par un regard sérieux. Son visage émanait quelque
chose de sauvage quant à ses yeux, ils révélaient l'encre d'une nuit noire.
Belle repoussa la porte, le cœur battant à vive allure.
- Que voulez-vous monsieur ? Parvint-elle à dire en cherchant un moyen
d'éviter ses yeux perçant.
L'inconnu fronça des sourcils en dardant sur elle un regard qui contrastait
avec le froid qui caressait son visage.
- Je suis Jafar Al-Zyhar, sultan du pays Rhayad.
Belle avala tant bien que mal ces informations puis fronça des sourcils. Pour
quelle raison un sultan se donnerait la peine de venir jusqu'ici ?
Elle n'avait pas le souvenir de l'avoir croisé quelque part.
Un tel homme ne n'oublie pas ! Songea-t-elle en le dévisageant.
- Est-ce que je vous connais ? Que me voulez-vous ? Demanda-t-elle d'une
voix qui lui paraissait beaucoup trop tremblante.
- Cette conversation mérite mieux qu'une porte entrouverte vous ne pensez
pas ? Dit-il d'un anglais parfait et articulé d'une voix gutturale, rauque et
impatiente.
Envahie par une vague d'anxiété Belle resta immobile, refusant catégorique
d'ouvrir la porte.
Le sultan semblait conscient de la méfiance qu'elle lui témoignait et déclara :
- Je peux sentir votre peur mais je peux vous promettre que je ne vous ferais
aucun mal, déclara-t-il en faisant un pas en avant, dévoila ainsi le reste de son
visage : Je veux simplement discuter et je viens de faire plus de trois heures
de route pour vous trouver. La moindre des choses serait de m'inviter à entrer.
Malgré les paroles rassurantes de l'inconnu Belle hésita longuement avant de
lui répondre.
- Si vous voulez, vous pouvez garder le tisonnier en main, ajouta-t-il en
avisant celui-ci qui dépassait légèrement.
Sentant ses joues s'empourprer Belle le passa derrière son dos. La décision la
plus sûre serait de refermer la porte mais l'inconnu semblait insistant et le
froid commençait lentement à devenir pénible. Alors Belle soupira avant
d'ouvrir entièrement la porte. Sur le visage impassible du sultan, un sourire
d'une faible intensité couvrit ses lèvres puis ce dernier s'invita dans le chalet.
Belle s'écarta pour le laisser entrer et eut le sentiment qu'elle allait le
regretter. L'espace semblait réduit, la pièce devenait plus petite à mesure qu'il
pénétrait dans les lieux avant une démarche déterminée. Ses cheveux sombre
et coupé court étaient recouverts de neige avant que celle-ci fonde
instantanément.
- Maintenant que vous êtes entré, puis-je savoir les motifs de votre visite ?
Jafar ravala sa mauvaise humeur et fit face à la délicieuse jeune femme.
Lorsqu'il s'était donné lui-même la mission de retrouver cette jeune femme,
aucune photo ne lui avait laissé présager une telle surprise. Loin de s'attendre
à découvrir une jeune femme dont les yeux reflétaient un soupçon de
vulnérabilité Jafar avait d'abord songé à une puérile plaisanterie de la part de
son cousin.
En effet d'après les informations qu'il avait pu récolter, Belle Moor n'était pas
indispensable voire s'en intérêt d'après sa demi-sœur et bientôt future femme
de son cousin Zuyad. La description d'Eloïse avait été limpide. Terne, sans
attrait et maladroite. Un mensonge qui pour l'heure avait énormément de mal
à passer. Car devant lui se tenait l'incarnation des sept pêchés. Une silhouette
aux courbes voluptueuses, des cheveux blonds et bouclés esquissant une
fabuleuse cascade le long d'une chute de reins secrètement dissimulée sous un
châle rouge. Ses yeux d'un bleu captivant étaient cachés sous une rangé de
cils et ses lèvres pulpeuses étaient gorgées d'une couleur incarnate. Serrant
les mâchoires, Jafar laissa échapper un juron menaçant entre ses dents serrées
et se promit alors de résoudre le mystère qui entoure le mensonge d'Eloïse.
- Je suis ici parce que votre demi-sœur Eloïse épousera bientôt mon cousin et
une réception sera donnée en leur honneur sur ma propriété ici à New-York.
Votre présence est indispensable.
Belle cilla et sentit son sang quitter son visage. Etait-ce une plaisanterie ?
Une autre attaque de la part de son ancienne famille qu'elle cherchait à tout
prix oublier ?
Sa gorge paraissait si sèche qu'il lui fallut plusieurs secondes pour esquisser
un son qui reflétait son désarroi.
- Je vous demande pardon ? Est-ce une blague ?
L'expression du sultan se durcit puis ses yeux d'encre prirent possession des
siens.
- Croyez-vous sincèrement que j'ai fait ce chemin dans la nuit noire pour vous
faire une blague mademoiselle Moor.
- Alors si ce n'est pas une blague, je regrette amèrement que vous ayez fait
tout ce chemin car ma réponse est non...
Belle recula d'un pas, retenant avec difficulté les larmes de colère qui lui
piquaient les yeux.
- Et puis-je savoir pour quelle raison ?
- Cela me regarde, je n'ai pas la moindre envie d'en discuter avec vous de plus
il se fait tard.
Bella s'approcha de la porte pour l'ouvrir mais une main s'interposa. Belle
releva la tête et croisa le regard du sultan.
- J'ai tout mon temps pour comprendre mademoiselle Moor...
Chapitre 2
Belle réprima un accès de panique.
- Alors votre parole ne valait rien depuis le début ? Demanda-t-elle d'une voix
qu'elle espérait calme.
Il se recula, sans se départir de son regard impassible.
- Je vous ai fait une promesse celle de ne pas vous faire du mal, je n'ai pas
promis de quitter ces lieux sans avoir obtenu des réponses.
Belle croisa les bras contre sa poitrine pour se donner un semblant de
courage. Son cœur battait si fort qu'elle avait l'impression qu'il allait sortir de
sa poitrine.
- Je viens de vous donner une réponse mais vous ne voulez pas l'entendre.
- C'était un refus or je n'ai pas l'intention de me contenter de ça mademoiselle
Moor.
Il s'approcha de nouveau, recouvrant l'espace qui les séparait.
- Que voulez-vous savoir ? S'enquit Belle en s'éloignant vers la table pour se
faufiler derrière une chaise.
- La raison de votre refus, dit-il les pupilles dilatées, comme si son
éloignement lui avait déplu.
- Je n'ai plus de liens avec cette famille depuis plus d'un an, je ne vois pas
pourquoi je viendrais à ses fiançailles.
- Pourtant vous avez partagé trois ans de votre vie avec la famille Ford, argua
ce dernier sans bouger.
- Parce que mon défunt père était marié avec la mère d'Éloïse, rétorqua Belle
en maîtrisant à peine sa colère ; Elle l'a dépouillé de sa fortune personnelle
pour mieux le mépriser lorsqu'il n'avait plus rien et lorsque mon père est
parti, j'ai vécu l'enfer avec elles et vous voudriez que je vienne fêter son futur
mariage ?
Le sultan resta de marbre mais la rigueur de ses traits le trahissait.
- J'ignorais ce détail, je suis ravi de l'apprendre, articula-t-il d'une voix grave.
- Qu'elle soit heureuse, je souhaite beaucoup de bonheur à votre cousin mais
il faudra vous passer de ma présence.
Jafar étudiait la jeune femme en maîtrisant à peine ses nerfs. Eloïse était-elle
aussi sournoise que le disait cette femme ?
Son cousin s'était-il trompé ?
Jafar réprima un élan de colère et se concentra sur les yeux bleus de la jeune
femme.
Il y avait quelque chose dans son regard d'extrêmement intrigant. Elle ne
semblait pas mentir ni même vouloir de lui dans le chalet. Son passé avec la
famille Ford semblait l'avoir bouleversée. Mais Jafar ne pouvait pas se
permettre un nouveau scandale. Les journalistes avaient déjà retracé le
parcours d'Eloïse et Belle Moor était au centre de nombreuses questions.
Qui était-elle ? Où vivait-elle ? Pourquoi les liens semblaient rompus ?
Toutes ces questions suscitaient beaucoup de rumeurs et Jafar refusait que ce
mariage entache son nom et son rang.
- Je regrette mademoiselle Moor mais j'ai besoin de vous, lâcha-t-il d'une
voix implacable.
- Pourquoi ? Demanda-t-elle interloquée.
- La presse de mon pays est assez intransigeante tout comme je le suis. Ils ont
fouillé dans le passé d'Eloïse et votre disparition suscite bon nombres de
questions au palais. Hélas il est hors de question que mon nom soit entaché
par des rumeurs. Autrement dit vous n'avez pas le choix de vous présenter à
cette réception pour montrer à la presse que la joie règne sur cette famille.
Bouche bée la jeune femme cilla de ses longs cils.
- Sauf que je ne fais plus partie de cette famille comme je viens de vous le
dire, rétorqua-t-elle bien décidée à lui tenir tête : Vous n'avez qu'à dire que
j'ai disparue au milieu de nulle part et...
- C'est hors de question, coupa-t-il d'une voix faussement calme.
Belle s'efforça de rester sur ses jambes alors que celles-ci voulaient se
dérober. De plus l'homme était d'un calme inquiétant. Pire...il posait son
regard sur elle avec un telle intensité qu'elle avait l'impression que le feu de la
cheminée était à un millimètre de sa peau.
- Vous ne pouvez pas m'y obliger mais je peux y réfléchir, dit-elle en usant
d'une autre stratégie pour qu'il s'en aille.
Mentir en lui faisant croire qu'elle envisageait d'y aller était pour elle sa seule
issue de secours.
Le sultan plissa des yeux, cherchant à travers son regard une vérité.
- Vous allez y réfléchir ? Répéta-t-il loin d'être convaincu.
- Oui, mentit-elle en s'efforçant de soutenir son regard : Quand a lieu cette
fameuse réception ?
- Dans deux jours.
Belle écarquilla les yeux comme si l'horreur venait de la frapper.
- Deux jours ?
- Vous avez parfaitement compris miss Moor, dit-il en avançant vers elle d'un
pas lent.
Replaçant ses cheveux derrière ses oreilles Belle opina de la tête.
- Alors je vous donnerais ma réponse demain...par e-mail ou téléphone.
Jafar esquissa un sourire intérieurement. La jeune femme tentait de se
débarrasser de lui par le mensonge. Dans sa vie Jafar avait rencontré un
nombre important de femmes et la plupart d'entre elles étaient ennuyantes. En
revanche, Belle Moor le fascinait malgré lui.
- Je propose que vous me le disiez de vive voix, en face à face.
Les lèvres scellées ses grands yeux en amande se levèrent vers lui.
- Revenez demain alors, proposa-t-elle d'une voix presque étranglée.
Elle mentait tellement mal que Jafar ressentait le besoin de la sauver.
- Ou je pourrais rester ici mademoiselle Moor, proposa-t-il en inclinant sa
tête.
Comme prédit, la jeune femme devint pâle et se mit à secouer énergiquement
sa tête de droit à gauche.
- Je regrette mais c'est impossible, je vous...
- Hélas je ne peux pas reprendre la route sous cette tempête de neige, la
coupa-t-il en examinant chaque centimètre de son visage qui devenait rouge à
mesure des secondes ; à l'heure où nous parlons elle doit être ensevelis sous
une couche épaisse de glace et il serait imprudent de ma part d'envisager un
tel danger.
Un éclat de fureur passa dans le regard de la jeune femme. Cette fois-ci, la
colère s'emparait d'elle.
- Savez-vous combien de mois j'ai dû travailler pour m'offrir cette petite
semaine de vacance ? Lança-t-elle en fermant les poings.
- Je n'ose pas l'imaginer, dit-il en s'approchant plus près.
- Une fortune que j'aurais du mal à retrouver ! s'écria-t-elle en contournant la
table.
- Je vous rembourserais ce désagrément.
- Je ne veux pas de votre argent je veux être seule ! rétorqua-t-elle en
soutenant son regard.
Jafar sentit les muscles de ses mâchoires convulser légèrement. Pour la
première fois de sa vie une femme le chassait. Une situation inédite qui pour
l'heure l'irritait autant qu'elle le ravissait. Et en dépit de sa mission Jafar ne
pouvait nier l'effet dévastateur que la jeune femme produisait en lui. Il fallait
qu'il se reprenne mais ses grands yeux bleus mettaient à mal son esprit
tourmenté.
- Seule ? N'est-ce pas imprudent de la part d'une jeune femme de s'isoler si
loin de la ville ? N'importe quel fou pourrait venir vous agresser.
- Je ne vous le fais pas dire ! répliqua-t-elle en faisant subtilement référence à
lui.
- Seriez-vous en train de m'insulter de fou mademoiselle Moor ?
Les pommettes délicieuses de la jeune et mystérieuse femme se mirent à
s'empourprer violemment. Jafar ne put s'empêcher de sourire devant la
ténacité dont elle faisait preuve tout en laissant sa véritable nature se révéler.
Vulnérable et combative.
- Quel genre d'homme s'introduit dans un chalet au beau milieu de la nuit
pour mieux s'y inviter avec insistance si ce n'est pas un fou furieux ?
- Je dirais qu'il s'agit d'un homme déterminé, répondit Jafar en perdant sa
légendaire patience qu'il venait de découvrir ce soir : Je vous conseille de
mesurer les termes que vous employez mademoiselle Moor vous parlez à un
homme de pouvoir.
- Et vous semblez jouir de l'utiliser contre une jeune femme totalement
innocente, répliqua celle-ci d'une voix presque inaudible.
Jafar expira bruyamment et décida de changer de stratégie avant de lui faire
totalement peur. Il avait même l'impression que les raisons qu'elle venait
d'évoquer pour échapper à l'invitation étaient seulement un bout de vérité et
que les douleurs semblaient bien plus profonde que ça.
Et le seul moyen de découvrir les sombres secrets de la jeune femme c'est
d'obtenir sa confiance...
Chapitre 3
Belle commençait lentement à paniquer. D'autant plus que l'homme semblait
plus déterminé que jamais. Qu'avait-elle fait pour mériter ça ?
- Écoutez je pense que nous sommes partis du mauvais pied vous et moi,
déclara-t-il en adoptant un ton plus doux.
- Parce que vous insistez monsieur, je vous ai dit que je ne voulais pas venir
et...
- Donc vous admettez avoir menti il y a cinq minutes, la coupa-t-il d'une voix
grave mais si chaude qu'elle sentit des frissons courir le long de son échine.
- Oui je l'admet, j'ai menti pour vous faire partir.
- Au moins vous êtes honnête, dit-il d'une voix doucereuse.
Belle avala péniblement sa salive. La situation devenait presque surréaliste.
- Je ne peux pas répartir, la tempête devient plus dure chaque minute qui
passe.
Et il avait raison ! Songea-t-elle en le dévisageant l'air affolé.
Allait-elle le laisser risquer sa vie ou faire parler son âme charitable ?
- Pourquoi vous vous êtes engagé dans cette traversée si vous étiez sûr de ne
pas pouvoir repartir ?
- Je ne maîtrise pas la météo mademoiselle, expliqua le sultan d'une voix plus
sombre ; Lorsque je suis parti la route était dégagée. Je ne lis pas dans
l'avenir et je déteste le froid et la neige.
Évidemment ! Songea Belle en s'entourant de ses bras. Il venait des vents
chauds.
- La panique vous fait perdre l'esprit, reprit-il plus doucement. Je ne vais pas
vous faire du mal.
Au fond d'elle, Belle le pensait sincère mais sa carrure de soldat la poussait à
se méfier.
- De toute façon je n'ai plus le choix, murmura-t-elle en posant les armes avec
désespoir.
- Et j'en suis navré.
Belle lui lança un regard soupçonneux. Il n'avait pas l'air navré, mais ne
laissait rien transparaître. Son visage émanait quelque chose de si sauvage
qu'elle avait l'impression de sentir le danger. Néanmoins, au-delà de la peur
qu'il lui faisait ressentir, Belle était malgré elle fascinée par la beauté de
l'homme. Mal à l'aise elle détourna les yeux vers la cheminée.
- Demain quand le temps le permettra j'espère que...
- Je serais parti ? Termina-t-il avec un sourire en coin qui la fit frémir : Cette
décision ne vous appartient pas mademoiselle Moor, elle appartient à votre
réponse.
- Vous ne pouvez pas m'y obliger monsieur Al-Zyhar, je suis libre de refuser.
Son regard devint aussi noir qu'un ciel d'orage.
- Votre altesse, rectifia le sultan avant de se passer une main agacée dans les
cheveux.
Belle ouvrit la bouche puis la referma sans savoir quoi répondre. Puis
soudainement, la lumière se coupa, la plongeant dans l'obscurité totale. Elle
détourna les yeux vers la cheminée contrastant avec détresse que le dernier
brasier venait de rendre l'âme.
- Que se passe-t-il ? Lança-t-elle sans cacher la montée d'angoisse
incontrôlable qui la gagnait.
En une enjambée Jafar agrippa le bras fin de la jeune femme avant que celle-
ci heurte la poutre centrale. Il n'avait pas mit longtemps à étudier les lieux et
sa facilité à imprimer chaque image dans son esprit lui donnait assez
d'aisance pour se déplacer dans le noir. D'instinct il pressa légèrement son
bras pour la rapprocher de lui....une initiative qu'il regretta amèrement
lorsqu'une odeur fruitée lui monta au nez, une effluve fraîche puis un souffle
léger indiquant qu'elle paniquait.
- C'est sans doute une coupure de courant.
Belle remercia un bref instant le ciel de l'avoir plongé dans la pénombre car
ses joues n'étaient plus qu'un feu incontrôlable. Son corps était si proche du
sien qu'elle pouvait sentir l'odeur de son parfum épicé. De plus, il ne la
lâchait pas, pressant sa main ferme autour de son bras lui créant ainsi la
sensation d'être prisonnière.
- Qu'allons-nous faire ? Demanda-t-elle après s'être éclaircie la voix.
Une lumière l'aveugla un instant avant de distinguer qu'il s'agissait de son
téléphone.
- Vous allez vous assoir ici et moi je vais jeter un coup d'œil dehors, ordonna-
t-il.
Sans lui laisser le choix il la guida jusqu'au canapé et disparut dehors laissant
derrière lui un tourbillon de flocons de neige qui se dissipa dans la pénombre.
Belle resta de longues minutes seule et plongée dans le noir avant que la
porte s'ouvre sur le sultan.
- Alors ? S'enquit-elle en apercevant son visage grâce à la torche de son
téléphone.
- Je pensais que cela aurait pu venir des fils électriques mais aucun semble
défaillant. Le poids de la neige aurait pu les faire céder.
- Est-ce que c'est censé me rassurer ?
- Pas du tout, avoua-t-il sans lui manifester un regard rassurant : Où se trouve
le générateur ? Comment avez-vous allumé le feu ?
Belle grimaça.
- Le propriétaire l'avait entretenu avant mon arrivé et le générateur est dans le
couloir qui mène au garage.
Un silence oppressant survola la pièce.
- Ne bougez pas d'ici.
- Où voulez-vous que j'aille ! S'exclama Belle avec un soupçon d'ironie.
- Vous avez l'air d'être le genre de femme qui pourrait tomber de sa propre
hauteur, répliqua le sultan d'une voix sérieuse.
Offusquée Belle se retint de lui renvoyer une réplique et garda le silence.
- Ce n'est pas le générateur ce qui signifie qu'il s'agit probablement d'un câble
ou une ligne non loin de là.
Cette fois-ci Belle prit conscience de la situation et son cœur fut gagné par la
panique.
- Que devons-nous faire ? S'enquit Belle en se levant alors qu'elle entrevoyait
son visage avec difficulté mais suffisamment pour déceler aucune inquiétude
sur ses traits.
- Attendre que le courant revienne, répondit-il en retirant son manteau et ses
gants.
Il s'approcha d'elle pour la prendre par le poignet. Ce contact de sa main nue
sur sa peau lui envoya une vague de frissons.
- Prenez ceci et allez me chercher des quoi raviver le feu.
- Comme quoi ? Demanda Belle complément perdue.
- Comme des allumettes, du papiers, des vieux magazines, énuméra le sultan
sans lui cacher son amusement.
Morte de honte elle emprunta le chemin qui menait à la cuisine et prit les
allumettes ainsi que de vieux journaux laissées dans le débarras. Lorsqu'elle
revint lumière braquée sur lui, Belle s'arrêta un instant pour l'observer. Il se
tenait dos à elle, accroupi en face de la cheminée. Sa carrure impressionnante
lui provoqua une bouffée de chaleur qu'elle s'empressa de réprimer.
- Tenez.
Il s'empressa de prendre les allumettes puis quelques secondes plus tard les
premières bûches s'embrasèrent. Soulagée elle murmura de faible
remerciements.
- Avouez-le, vous êtes secrètement heureuse de me savoir ici n'est-ce pas ?
Belle devait se l'avouer, elle était véritablement soulagée de ne pas être seule
dans ce chalet sans électricité. Mais lui dire revenait à nourrir sa jubilation
naissante.
- Vous jubilez, donc c'est que vous le savez, inutile de me l'entendre dire.
Le sultan étouffa un rire et se leva pour prendre les bougies posées sur la
cheminée.
Une fois allumées, il les disposa dans chaque coin des pièces pour apporter
un éclairage supplémentaire.
Belle se mordit la lèvre, immobile sur le fauteuil, priant pour que la nuit passe
vite.
- Je ne comprends toujours pas pourquoi vous vous êtes engagé dans un tel
périple pour une semaine de vacance, insista-t-il en consultant son téléphone :
Il existe des endroits plus chaleureux dans le coin.
- Ce chalet est tout ce qu'il me fallait, répondit-elle en haussant des épaules.
- Si je n'étais pas là, vous seriez probablement morte de froid, contrat-il d'une
voix presque mécontente.
Belle réprima un frémissement tant son regard sévère révélait la sincérité de
cette déclaration.
- Je vous l'accorde, admit-elle en se levant pour se réfugier dans la cuisine
avec l'espoir qu'il ne la suive pas.
Dans le faible halo lumineux que lui offrait la bougie elle s'enfonça dans la
réserve.
Jafar la suivit dans la cuisine fermement décidé à comprendre la jeune
femme. Elle le fuyait littéralement et créait volontairement un silence qu'il se
mit à maudire.
- Vous avez besoin d'aide ?
Elle sursauta et faillit faire tomber la bougie.
- N...non, tout va bien, je regardais ce que je pourrais faire pour le diner sans
électricité bien sûr.
Elle le contourna sans même lui accorder un regard. Peu habitué à ce qu'une
femme se comporte ainsi Jafar perdit patience.
- Il y a une chose que vous devez savoir sur moi, commença-t-il en lui barrant
le passage : Je déteste le mensonge et encore moins d'être ignoré comme vous
le faites.
Une lueur d'inquiétude voilà son regard bleu.
- Je ne vous ignore pas, mentit-elle en s'efforçant de soutenir son regard.
- Bien-sûr que si, insista Jafar en essayant d'ignorer la sensation indescriptible
qui couvrait ses reins : Je ne suis pas là pour vous rendre mal à l'aise mais
pour percer le mystère.
- Il n'y a aucun mystère, affirma-t-elle d'une voix si douce et légère qu'il dut
faire preuve d'un effort surhumain pour s'écarter.
- Alors je propose que nous fassions connaissance, décréta-t-il sans lui laisser
le temps de protester.
Il marqua une pause dans laquelle la jeune femme se pinça les lèvres
nerveusement alors que lui esquissa un sourire en coin.
- Après tout nous sommes coincés ici pendant un long, très long moment...
Chapitre 4
Belle jaugea le sultan d'un regard qui laissait place au doute qu'elle ressentait
à son égard. Pourquoi voulait-il apprendre à la connaître ? Pourquoi
cherchait-il à la convaincre de venir à cette réception ? Et si en réalité tout
ceci n'était qu'un piège soigneusement esquissé par Éloïse ?
- Vous m'avez dit être un homme de parole n'est-ce pas ? Demanda-t-elle en
levant la bougie afin d'apercevoir son visage.
- Oui, affirma-t-il avec sérieux.
- Ce n'est pas Eloïse qui vous envoie ? Demanda-t-elle en retenant son
souffle.
Le sultan commença d'abord par la dévisager les sourcils froncés puis secoua
lentement la tête négativement.
- Mes hommes sont les seuls à être au courant de ma présence ici, personne
d'autre, Eloïse a fait en sorte que votre présence ne soit pas indispensable.
- Alors pour....
- Parce que je vous l'ai dit, la coupa-t-il d'une voix grave : la moindre faille
pourrait créer un scandale et je ne veux pas de ça dans ma famille. Pour vous
cela semble peut-être absurde mais pour moi, en tant que souverain, je ne
peux pas me le permettre.
Il marqua une pause dans laquelle il se pencha en avant, laissant ainsi un
faible espace entre leurs deux visages.
- Aussi je vous demanderais qu'une seule et unique chose, venir à la réception
pour faire acte de présence.
- Vous me demandez de regarder une femme qui avec l'aide de sa mère a
ruiné mon père et qui à sa mort c'est subtilement servie de moi pour l'héritage
avant de me jeter hors de la maison de mon enfance ? articula Belle les lèvres
tremblantes de colère et de tristesse mêlées.
Le regard du sultan qui jusqu'ici s'était montré impassible se fissura
lentement, laissant entrevoir enfin une émotion.
Il se redressa lentement, sans la quitter des yeux. Il semblait sous le choc
mais ne laissait presque rien paraître.
- À présent que vous connaissez le mystère de mon refus, commença Belle en
n'osant à peine le regarder ; J'aimerais ne plus en parler. Rassurez-vous, je
viendrai à votre réception, je ferais acte de présence mais elle sera courte.
Belle réprima un frisson puis essaya de le contourner mais l'homme posa sa
main sur l'encadrement de la porte.
- Cette histoire change beaucoup de choses, articula-t-il d'une voix sombre :
Des tas de choses...
Soudain dans les lueurs de la bougie elle lut dans la profondeur de ses yeux
que la colère y régnait.
Paniquée à l'idée qu'il puisse mettre fin à ce mariage à l'aide de son
témoignage Belle s'empressa de dire :
- Une année s'est écoulée, elle a pu changer depuis cet affront.
- Je suis le souverain et cousin du futur marié, c'est à moi d'en juger, contrat
ce dernier avec force et conviction.
Au fond de son être Belle était soulagée d'avoir dit la vérité. Cependant elle
ne voulait être la cause qui pourrait mettre ce mariage à mal.
- C'est plutôt à votre cousin d'en juger, après tout c'est lui qui va l'épouser, fit-
elle valoir dans l'espoir de rattraper sa monstrueuse bourde.
- C'est ici que vous vous tromper mademoiselle Moor, ce mariage n'est pas
seulement une question de sentiment c'est également une fusion entre deux
pays.
Belle fronça des sourcils avant de grimacer.
- La cire est en train de couler sur vos doigts, lui fit-il remarquer en lui
arrachant la bougie des mains.
Elle se frotta les doigts brusquement saisie par des frissons.
- Voilà ce que je propose, commença-t-il d'une voix plus amène : Cessons de
parler de cette histoire que je tenterais d'éclaircir à mon retour et faisons en
sorte que la soirée paraisse agréable pour l'un l'autre.
- Comment pourrait-elle être agréable ? Lança-t-elle sur la défensive : Nous
sommes plongés dans le noir sans électricité et j'ai faim.
Belle avait bien conscience qu'elle se comportait comme une enfant mais ce
n'était plus la femme qui parlait mais son instinct de survie.
- Et nous avons de quoi survivre, dit-il tapotant sa main sur un appareil près
de l'évier.
- Qu'est-ce que c'est ? Une cuisinière non ?
Un sourire plus doux se posa sur la bouche de l'homme.
- Ceci se nomme un fourneau à gaz, il n'y a pas besoin d'électricité pour le
faire marcher.
Soulagée Belle se mordit la lèvre nerveusement puis déclara :
- Mon instinct de survie me dit de vous remercier.
Le sultan leva un sourcil vaguement amusé.
- Mais la femme qui voulait rester seule en revanche...
- Elle veut toujours rester seule mais...
- Mais refuse d'admettre qu'elle n'aurait pas survécu seule, termina-t-il à sa
place avant de se plonger dans l'étude du fourneau à gaz.
Désarçonnée par sa facilité à dompter la situation Belle se surprit à le
dévisager dans la faible lueur des bougies. Dans son regard noir, quelque
chose le tourmenté. Mais lorsque son regard se posait sur elle, Belle avait
l'impression d'être dévorée par sa paire d'yeux menaçante. Pendant qu'elle
s'occupait du dîner improvisé, l'homme était même parti dans la tempête de
neige pour aller chercher du bois sous l'appentis afin de raviver le feu. Gênée,
Belle avait l'impression de lui devoir sa propre survie. Et lorsqu'elle revint de
la cuisine avec deux assiettes, le sultan avait le regard plongée dans les
flammes dévorantes de la cheminée.
- Je tiens quand même à vous poser une question miss Moor, comment se
fait-il qu'elles ont eu la main sur votre héritage aussi facilement ?
- Parce que je suis stupide, répondit-elle à mi-voix.
- Ce jugement est trop facile, contrat-il d'une voix rêche mais qui contre toute
attente, ne lui était pas destinée.
- Mon père possédait une entreprise dans l'automobile, il gagnait bien sa vie.
Lors des signatures mon chagrin était tellement vif que j'ai signé sans même
regarder. J'ai donné ma part d'héritage, dans le testament j'étais l'unique
héritière de son entreprise mais l'autre document stipulait que je pouvais
vendre cette part, ce que j'ai fait, sans toucher le moindre dollars.
Belle prit lentement son assiette pour la poser sur ses genoux, le temps pour
elle de reprendre un semblant de courage.
- Si ça ce n'est pas être stupide alors qu'est-ce que c'est ? Rajouta-t-elle sans
le regarder.
- Cela s'appelle s'être fait piéger, rectifia-t-il en essayant de capter son regard.
Belle releva alors les yeux avec difficulté.
- Je n'ai même pas pu contester cette décision puisque ma signature était bien
la mienne, esquissée de ma main devant le notaire, ajouta-t-elle en étouffant
un rire amer.
- C'est une raison suffisante pour que je me méfie d'Eloïse et de sa très chère
mère, conclut-il d'une voix indiscutable.
- Cette raison me concerne, je ne pense pas qu'elles soient assez stupide pour
tenter de piéger le cousin d'un sultan, rétorqua-t-elle avec l'espoir qu'il baisse
sa garde au sujet d'Eloïse.
Il était hors de question qu'elle soit la cause d'une rupture même si elle ne la
portait pas dans son cœur. Elle savait que trop bien ce qu'elle encourait si
jamais le sultan venait à mettre un terme à ce mariage. Cependant, le
problème qui s'imposait à elle en ce moment c'était le regard sévère du sultan.
Il avait l'air d'un homme déterminé et prêt à tout pour sauvegarder la
réputation de sa famille.
- Croyez-moi sur parole, des personnes sont prêtes à tout peu importe leur
cible, peu importe les répercutions qu'un tel acte peut avoir sur leur propre
vie, répliqua-t-il d'une voix qui ne lui laissait aucune chance de répliquer.
Mais pour Belle ces paroles résonnaient comme une situation déjà vécu par le
passé. Autrement dit elle préférait ne pas insister.
- Mon cousin a enchainé bon nombre de conquête parfois même sans savoir
comment elles s'appelaient, reprit-il en posant son regard sur la cheminée ;
J'ai toujours dû intervenir pour effacer ses bêtises. Ce mariage est censé
donner une bonne image pour le pays et non l'inverse.
- Rassurez-moi ils s'aiment ? S'enquit-elle la bouche sèche.
- D'après lui oui mais je mesure ces paroles, c'est pour cette raison que j'ai
ordonné que la réception ait lieu ici et non dans mon pays. Je préfère juger
avant d'autoriser la conclusion de ce mariage.
Sous le choc Belle écarquilla les yeux.
- Parce que c'est vous qui est le seul décideur de ce mariage ?
Il arrima son regard au sien sans dissimuler l'étrange sourire qu'il arborait,
relevant ainsi sa beauté inquiétante.
- Le seul et l'unique, affirma-t-il avec un soupçon de fierté.
- Pour tous les mariages ? S'enquit Belle incrédule.
Le sultan se passa la langue entre ses dents inferieure sans la quitter des yeux
puis se pencha en avant, une lueur mystérieuse dans les yeux, comme s'il
s'apprêtait à se moquer d'elle.
- Non, je ne décide pas pour mon peuple, seulement pour ma famille.
- Inutile de vous demander si vous décider pour le vôtre ? Lança-t-elle pince-
sans-rire ; Je suppose que vous êtes marié et...
- Que j'ai des maîtresses cachées pour chaque mois de l'année dans mon
harem ? La coupa-t-il avec la même ironie mordante.
Les joues en feu et prise à son propre piège Belle ouvrit la bouche puis la
referma alors que derrière les lueurs mordorées qui brillaient dans ses yeux,
le sultan l'observer avec intensité. Et même s'il était clair qu'il s'agissait
seulement de la taquiner, Belle se sentit frémir à l'idée que ce soit vrai.
- D'ailleurs, vous seriez parfaite comme concubine pour le mois de décembre,
chuchota-t-il d'une voix chaude et amusée.
Chapitre 5
Inutile pour Jafar d'être en pleine lumière pour deviner qu'elle rougissait mais
plus encore. Ses yeux s'étaient élargis sous la panique. Même s'il s'agissait de
la taquiner Jafar fut surpris pas sa réaction. Elle s'était farouchement reculée
sur le fauteuil, le regard perdu sur le plancher grinçant. Les femmes qu'il
avait l'habitude de côtoyer se serait jeté sur cette proposition, esquissant leur
plus beau sourire langoureux. Il pouvait aisément deviner l'affolement de ses
battements de cœur et la peur qui traversait sans cesse ses yeux bleus.
- Je plaisantais mademoiselle Moor, dit-il enfin pour mettre fin au silence.
- Je sais, du moins j'espérais que ce soit le cas, murmura-t-elle d'une voix
nerveuse.
- Il faut dire que vous m'avez tendu une belle perche.
La jeune femme lui accorda enfin un regard mais pas celui qu'il voulait.
- Vous ne m'avez pas laissée finir, lui fit-elle remarquer.
- Parce que j'étais à peu près sûr de ce que vous alliez dire, rétorqua Jafar en
prenant l'assiette sur la petite table.
- Et bien vous vous êtes trompé, répliqua la belle jeune femme en fronçant
son petit nez retroussé.
Jafar sentit ses lèvres danser d'un sourire en coin.
- Je ne me trompe jamais, mais je peux vous accorder le bénéfice du doute.
- Vous pensez ne pas vous tromper, mais je suis certaine qu'il vous arrive
parfois d'être à côté de la plaque, mais votre entourage a sans doute trop peur
de vous le faire remarquer parce que vous êtes...
- Puissant ?
Loin d'être touché par l'hypothèse de la jeune femme, Jafar décida d'en jouer
pour creuser les profondeurs de ses pensées.
- Vous avez de l'audace pour parler à un homme tel que moi, vous avez
beaucoup de chance que je sois de bonne humeur ce soir.
De nouveau elle fronça son nez, la bouche soigneusement fermée et il aurait
voulu que ce ne soit pas le cas. Charnue cette dernière était si parfaitement
bien dessinée qu'il lui était presque impossible de ne pas s'imaginer la
posséder. Brusquement il se leva pour s'installer sur le canapé, loin de la
tentation.
- Puis-je savoir votre âge ? Demanda-t-il d'une voix qui se voulait neutre.
- Je vais avoir vingt- cinq ans le 25 décembre.
- Le jour de Noël, je suppose que vous étiez gâtée lorsque vous étiez enfant,
dit-il en la dévisageant.
Elle haussa des épaules, la tête baissée vers son assiette.
- Je l'étais en effet, dit-elle le visage marqué par une tristesse qu'il tenta de
comprendre.
- Et où se trouve votre mère ? La questionna-t-il en reposant l'assiette sans y
avoir touché.
Il n'avait pas faim ce soir mais assoiffé de comprendre la jeune inconnue.
- Je l'ignore elle est partie il y a vingt-quatre ans soit le 31 décembre au soir
sans donner la moindre explication.
Jafar demeura silencieux devant cette confidence d'une absolue tristesse, au
point même qu'il en ressentit un pincement au cœur.
- Je suis navré pour vous, dit-il avec sincérité.
- Moi aussi je le suis, dit-elle en esquissant un vague sourire qui s'estompa
très vite.
Il n'était pas du genre à prendre pitié mais ce soir, contre toute attente il se
sentait peiné pour cette jeune femme au regard fuyant. Devait-il la forcer à
venir à cette fête ? Alors qu'il ignorait même s'il allait donner le feu vert pour
ce mariage ? Allait-il jouer l'égoïste pour la propre réputation de sa famille ?
Jafar aurait voulu que ce soit ces raisons qui le poussent à la faire venir mais
comprit très vite qu'il s'agissait plutôt de lui. Face à ses lourdes pensées
dangereuses Jafar contracta ses mâchoires et s'ordonna de retrouver la raison.
- Il se fait tard, annonça-t-elle en posant à son tour son assiette, je crois que
nous devrions aller dormir.
Jafar prit cette intervention comme une grâce du ciel, car une minute de plus
à ses côtés aurait pu lui être fatal.
- Vous avez raison, il est temps de mettre fin à votre supplice.
La jeune femme secoua de la tête, gênée.
- Ce...non...ce n'est pas un supplice, je suis juste très fatiguée, bégaya celle-ci
maladroitement.
Jafar se contenta d'un bref rire puis se leva pour la devancer.
- Il y a une chambre d'ami et...
- Je pense que je devrais rester sur le canapé pour surveiller le feu, la coupa-t-
il sans lui donner la possibilité de répliquer.
- Vous êtes sûr ? Insista-t-elle en triturant les coutures de son pull.
- Certain, affirma-t-il en prenant une bougie ; Nous ignorons si la panne sera
réglée demain et il risque de faire froid.
La jeune femme acquiesça en silence puis se leva.
- Cependant, laissez-moi vous accompagner à votre chambre.
Belle constata qu'il ne s'agissait pas d'une proposition mais d'un ordre.
Dormir en sachant qu'il était là ne serait pas chose aisée et encore moins
maintenant qu'il connaissait un morceau de sa vie. Elle avait l'impression d'en
avoir trop dit mais il était trop tard pour envisager de le regretter. La seule
question qu'elle se posait ce soir c'est « Qu'allait-il se passer demain ? »
Allait-il repartir en lui donnant la possibilité de choisir ? Est-ce que les routes
seront suffisamment dégagées pour qu'il reprenne la route ou allait-elle
devoir partager ce chalet avec lui une nuit supplémentaire ?
Le cœur battant, Belle réprima un sursaut lorsqu'elle sentit sa large main se
poser dans son dos. Ce geste n'avait pourtant rien d'inquiétant, mais Belle en
ressentit toute la chaleur qu'elle avait dû supporter ce soir.
- C'est ici, annonça-t-elle une fois devant la porte.
- Vous avez un portable pour vous éclairer ?
- Oui, j'en ai un, rassurez-vous je pense pouvoir me débrouiller.
Du haut de ses un mètre quatre-vingt-dix il la jaugea et elle eut l'impression
d'être sur le point de franchir les ténèbres si bien qu'elle s'efforça de déglutir.
- Prenez ça avec vous on ne sait jamais, dit-il d'une voix chaude avant de lui
tendre la bougie qu'elle prit tel un automate évitant soigneusement de frôler
sa main bronzée.
- Je vous remercie, murmura-t-elle en ouvrant la porte.
- Bonne nuit mademoiselle Moor.
- Bonne nuit, s'entendit-elle murmurer avant de refermer la porte pour s'y
adosser.
Le souffle coupé, elle attendit patiemment d'entendre ses pas redescendre
mais de longues secondes passèrent avant d'entendre le plancher craquer. Ce
fut seulement à cet instant précis qu'elle relâcha son air puis reprit sa
respiration en inspirant profondément. Quand Belle réalisa qu'elle était seule
dans la pénombre un sentiment inquiétant la gagna et la solitude devint alors
très pénible. Elle s'avança jusqu'au lit pour se saisir de son téléphone afin
d'actionné la torche. Dans un bref soupir de soulagement elle posa la bougie
sur la commode et s'enfonça dans les couvertures l'esprit hanté pour de
nombreuses questions.
Devait-elle partir demain ?
A quoi bon rester ici alors qu'il n'y avait plus d'électricité ni même de quoi la
réchauffer, songea-t-elle en fermant brièvement les yeux.
Et par-dessus tout...elle voulait fuir le sultan...
Lorsqu'il fut de retour dans le modeste et étouffant salon Jafar prit son
téléphone dans sa poche et s'empressa de joindre son conseiller.
- Vous n'imaginez pas à quel point je suis soulagé de vous entendre, lança
Rachid d'un soupir de soulagement.
- Ne t'inquiète pas mon ami, je vais bien, je suis juste coincé au milieu de
nulle part.
- Voulez-vous que je vous fasse parvenir un hélicoptère ?
- Au risque de faire gros titre demain matin ? Hors de question, c'est trop
dangereux.
Sans vergogne et ni regret Jafar ouvrit la chemise posée sur la console et
s'approcha du feu pour mieux lire ce qu'elle contenait.
- Et de ton côté ? S'informa Jafar tout en étudiant les papiers.
- Tout est en ordre votre altesse, nous sommes arrivés à votre demeure,
Zuyad et sa fiancée sont installés.
- Je veux qu'elle soit surveillé de très près, ordonna-t-il d'une voix
implacable.
- En êtes-vous sûr ? S'enquit Rachid visiblement surpris ; Avez-vous reçu de
mauvaises nouvelles ?
- Suffisamment pour que tu l'es à l'œil jusqu'à mon retour, répondit Jafar sans
donner plus de détail.
- Très bien.
- Dès demain matin je tenterais de rejoindre les routes en espérant que la
tempête ce soit calmée, ajouta Jafar avant de raccrocher.
Dans ses mains il tenait les papiers qui indiquaient la somme qu'avait
déboursé la jeune femme pour ce chalet ainsi qu'un chèque de caution.
Jafar frotta sa barbe naissante, songeur.
Devait-il partir en la laissant seule ? Allait-il pouvoir repartir ou bien devoir
rester coincé ici avec la délicieuse jeune femme qui sans le savoir, l'intriguait
autant qu'elle allumait en lui un brasier incandescent...
Chapitre 6
Belle avait l'impression de dormir depuis seulement cinq minutes lorsqu'elle
sentit sur son bras quelque chose la frôler à plusieurs reprises. Elle étouffa un
cri et se redressa d'un bond, le cœur battant à la chamade. Lorsqu'elle
s'aperçut qu'il s'agissait de Jafar Al-Zyhar, Belle réalisa lentement que la nuit
dernière avait bien eu lieu. Mais il y avait bien pire...
Il faisait jour et le manteau neigeux accentuait l'éclat de la pièce et surtout, lui
révélait le visage du sultan sous un autre aspect si bien qu'elle avait
l'impression de le rencontrer pour la première fois. Nez busqué, mâchoires
volontaires, sa bouche portait un pli sévère qui ne faisait que renforcer
l'autorité naturelle qui se dégageait de ses traits sévères. Son teint hâlé mettait
en valeur sa barbe naissante rehaussant la sensualité qu'il dégageait.
- Qu'est-ce que...
Belle bafouilla quelques mots inaudibles tout en ramenant la couette sur elle.
Le regard du Sultan, délicatement posé sur elle quitta son regard pour mieux
aviser son geste.
- Il faut partir d'ici, annonça-t-il en se levant lentement.
Interloquée, Belle se mit à battre des cils dans l'attente d'une explication.
- La tempête s'est calmé, néanmoins les propriétaires viennent d'appeler parce
qu'ils ont reçu un appel des autorités. Un hélicoptère a survolé la zone et ce
chalet a été répertorié comme dangereux.
- Mais pourquoi ? Demanda-t-elle en voyant ses chances de rester ici se
briser.
- La toiture est trop enneigée, elle risque de céder, reprit-il d'une voix ferme.
Belle réprima un frisson d'horreur mais surtout, compris que ses vacances
étaient bel et bien terminées.
Constatant sa déception l'homme lui tendit sa tasse de café.
- Je suis navré de vous apporter cette nouvelle et je suis sincère, mais il est
temps de partir. Je vous laisse vous préparer.
Sur ce dire brutalement émit, le sultan quitta sa chambre d'un pas presque
énervé et referma la porte derrière lui.
Désespérée Belle s'empressa d'investir la salle de bains pour se changer et
rassembla ses affaires à la hâte. Après avoir enfilé son manteau elle récupéra
la tasse et referma la porte avec une pointe au cœur.
Jafar faisait les cents pas dans le minuscule salon avec qu'une idée en tête,
partir loin de ce maudit chalet. Il n'avait pas fermé l'oeil de la nuit mais ce
n'était pas tant ce détail qui le dérangeait, mais plutôt le désir indescriptible
que faisait naitre l'étrange jeune femme. Pour ajouter un peu plus de
frustration à sa colère il devait faire face à la beauté farouche de cette
dernière. En effet, dans cette vive lumière du jour agrémenté d'un ciel
argenté, la jeune femme se révélait encore plus belle que dans la pénombre.
Son teint diaphane mettait en valeur sa paire d'yeux bleu dont les éclats
reflétaient une touche de vert émeraude. Sa bouche qu'il avait tant regardé la
veille et dans cette pénombre insupportable était bel et bien d'un rouge
écarlate.
- Je suis prête !
À cette voix mélodieuse Jafar se détourna pour planter son regard sur la jeune
femme. Sa tignasse d'un blond d'or retombait dangereusement sur la chute de
ses reins et son manteau de couleur fuchsia ne l'aidait en rien à masquer sa
beauté.
Alors conscient que son sang martyrisait ses tempes, Jafar s'efforça de
surmonter son trouble et ouvrit la porte sèchement.
- Allons-y avant que ce toit nous tombe sur la tête.
Jafar la laissa passer devant lui et referma la porte sans le moindre regret. Le
paysage était tout aussi magnifique que dangereux. Et dans cette vaste
étendue de neige et de glace, la jeune femme s'aventura dans le chemin sans
un mot.
- Je peux savoir ce que vous faite ? S'enquit Jafar en la rattrapant.
- Eh bien je tente de rejoindre la route.
- Quel est votre plan mademoiselle Moor ? Faire du stop dans l'espoir qu'un
fou accepte de vous prendre ?
Agacé par sa façon de le fuir jusqu'à se mettre en danger Jafar la renversa
sans ménagement sur son épaule.
- Reposez-moi immédiatement ! S'écria-t-elle sans pour autant se débattre.
- Non, vous allez monter dans ma voiture sans discuter ma patience à des
limites.
Jafar resserra sa prise, évitant soigneusement de frôler la naissance de ses
fesses.
Il la reposa près de la voiture est ouvrit la portière sèchement.
- Vous n'avez aucun ordre à me donner monsieur Al-Zyhar, protesta-t-elle en
le fusillant du regard.
- Je crois que si, à présent soit vous monter soit c'est moi qui m'en charge,
ordonna-t-il si froidement qu'elle se jeta sur le siège passager sans réfléchir.
Satisfait, Jafar ferma la portière et glissa son sac à l'arrière.
- J'ai parfaitement conscience que je me conduis comme une enfant et ce n'est
pas dans mes habitudes mais je...
- Vous fuyez comme si j'étais un monstre, la coupa-t-il sans la regarder :
Jusqu'ici je me suis comporter comme un véritable gentlemen mais si vous le
souhaitez je serais ravi de vous montrer le guerrier implacable que je suis.
Belle se mordit la lèvre nerveusement. Elle se sentit frémir sous les menaces
du sultan.
- Non merci, murmura-t-elle honteuse d'avoir un tel comportement.
- Alors si tout est clair il est temps de partir d'ici, décréta l'homme en
démarrant.
Belle dévia son regard vers le sultan dont les traits inflexibles lui parurent
glacial.
- Je manque de sommeil, la nuit a été très longue et on ne peut pas dire que
vous vous êtes présentez avec une bonne nouvelle, ajouta-t-elle en détaillant
la ligne volontaire de sa mâchoire.
- Je vous l'accorde, cependant j'étais loin de m'imaginer la dureté de vos liens
avec Eloïse. J'étais venu avec des informations différentes de celles que vous
m'avez apporté.
- Le mensonge peut s'avérer utile dans certaines circonstances, conclut-elle en
regardant le paysage désolé mais cependant merveilleux.
- Je déteste le mensonge, aussi j'espère qu'elle aura de bonnes explications à
m'apporter.
Belle cilla sur le siège en cuir.
- S'il vous plaît, je ne veux pas être mêlée à ça.
- Vous ne serez pas mêlée à cette histoire.
- Bien-sûr que si ! Puisque c'est moi qui vous ai donné ces informations.
Le regard rivé sur la route la bouche du sultan prit un pli sévère.
- Je viendrais à votre réception, je veux juste me perdre dans la foule, être
invisible, ensuite je ne veux plus avoir de lien avec elle, rajouta Belle dans
l'espoir qu'il abdique.
À son grand désespoir il garda le silence, l'expression impassible.
Belle contempla alors la route qui peu à peu se révélait dégagée. Elle
appréciait la chaleur que lui apportait ce véhicule luxueux mais aussi le
confort du siège qui contre toute attente, rendait le voyage plus agréable.
Trente minutes plus tard il emprunta une route différente de celle qu'elle avait
prise avec le taxi.
- Ce n'est pas la bonne route, lui fit-elle remarquer d'une voix qui se voulait
calme.
- Je sais, mais je ne supporte plus d'entendre votre estomac gronder.
Empourprée Belle esquissa une grimace. En effet, depuis la veille elle n'avait
rien avalé. Il se gara sur un vaste parking qui ne comptait que quelques
voitures. Il s'agissait d'un petit restaurant qui ressemblait fortement aux
chalets du coin.
- Venez, ordonna-t-il en lui ouvrant la portière.
Rougissante, elle accepta sa main enfermée dans ce gant en cuir.
- Ne glissait pas, il y a des plaques de verglas.
Avec prudence, Belle s'engagea sur le parking en adoptant un démarche
légère.
Une fois dans le petit restaurant une délicieuse odeur de pain frais.
- Dieu du ciel ! D'où venez-vous par ce temps ? S'enquit une femme derrière
le comptoir.
- De l'enfer, répondit Jafar avec humeur alors que la jeune femme grelotait ;
est-il possible d'avoir une table près du feu et de quoi rassasier cette jeune
demoiselle ?
- Évidemment ! Suivez-moi.
Belle en aurait presque pleuré. Son ventre n'était plus qu'un concert de
gargouillis qu'elle cherchait désespérément à cacher. Hélas, le beau regard
ténébreux du sultan se glissa sur ce dernier alors que sa bouche frémissait
d'un sourire contenu.
- Je pense que nous sommes dans un situation d'urgence, déclara-t-il d'une
voix chaude et amusée ; Elle prendra le menu complet.
La serveuse disparut avec un sourire chaleureux.
- J'ai terriblement honte.
- Il n'y a aucune honte à avoir faim, au contraire c'est une qualité qui manque
aux femmes de nos jours.
Le cœur battant Belle ôta son manteau pour profiter du feu.
- J'ai surtout honte de mon comportement.
- Vous êtes pardonné, s'enquit l'homme en inclinant sa tête ; Après tout nous
sommes l'un comme l'autre sur les nerfs.
La serveuse revint aussitôt avec une assiette remplie de bonnes choses.
- Vous ne mangez pas ? Vous n'avez pas faim ?
- Je me contenterais d'un café, répondit-il en glissant son regard sur ses
lèvres.
Belle réprima un frisson qui cette fois-ci se voulait délicieux.
Une question alors lui traversa l'esprit.
- Le sultan allait-il se contenter de la ramener chez-elle ou avait-il entre ses
mains le pouvoir de changer son destin ?
Chapitre 7
Jafar buvait son café et faisait mine d'être occupé sur son téléphone mais en
réalité il n'avait d'yeux que pour la jeune femme qui enchaînait bouché par
bouché avec appétit. Remarquant alors qu'il la regardait, la jeune femme
releva sa belle paire d'yeux bleu et fronça des sourcils.
- Quoi ? J'ai quelque chose sur la figure ?
- Une moustache de lait, affirma Jafar avec une note d'amusement.
Rouge comme une pivoine elle s'empressa de prendre la serviette pour
essuyer ses lèvres.
- C'est agréable de voir une femme manger avec entrain.
- Vraiment ? S'enquit celle-ci en mordant dans sa gaufre, le final de ce
copieux déjeuner.
- Oui, j'ai pour habitude de les voir croquer dans une feuille de salade
solitaire.
- Je trouve cela ridicule, se priver de manger pour avoir une taille zéro
n'apporte rien, si ce n'est d'affecter notre corps à une rude épreuve de survie.
D'un œil presque admiratif, Jafar leva un sourcil étonné.
- Ce n'est visiblement pas votre cas, remarqua-t-il en se rappelant avec une
image précise des courbes voluptueuse de la jeune femme.
- Non, j'aime trop manger, de plus j'en ai besoin.
- C'est-à-dire ? Demanda-t-il d'une voix sérieuse.
- Je fais de l'hypoglycémie, je dois éviter les malaises au maximum.
Jafar étudia la jeune femme avec plus de sérieux en se souvenant de la veille,
et de son visage pâle lorsqu'il l'avait laissé au pas de la porte de sa chambre.
- C'est à prendre au sérieux en effet.
Elle lui esquissa un sourire timide puis essuya ses mains dans la serviette.
- Je suis prête, nous pouvons reprendre la route.
Jafar jeta quelques billets sur la table et récupéra le cookie qu'elle n'avait pas
mangé.
Lorsqu’ils furent dans la voiture, Jafar lui donna.
- Prenez-le, j'aimerais être certain que le reste du trajet se passe sans incident.
Surprise voire désorientée elle le prit d'une main tremblante, comme si elle
redoutait le contact de ses doigts. Avait-elle ressentit la même tension
tangible qui le saisissait chaque fois qu'il la touchait ?
- Merci, bredouilla-t-elle en le posant sur ses genoux.
- Maintenant que vous êtes rassasiée puis-je vous soumettre mes réflexions ?
- Oui bien sûr, dit-elle alors qu'il quittait le parking.
- J'ai décidé de ne pas vous forcer à venir demain, déclara-t-il d'une voix
posée et dont l'accent oriental lui envoya une curieuse chaleur dans la nuque.
- Je n'ai pas le droit de vous forcer à affronter votre passé seulement pour
soulager ma réputation, ajouta-t-il en lui jetant un furtif regard.
- Mais si je ne viens pas que pourrait-il se passer ?
Il soupira lentement puis haussa des épaules.
- Je crains seulement les journalistes, ils sont coriaces, ils voudront savoir et
j'ai bien peur qu'ils viennent vous ennuyer.
Belle écarquilla les yeux.
- Mais je...
- Rassurez-vous, je ferais en sorte que cela ne se produise pas, s'empressa
d'ajouter le sultan d'une voix beaucoup trop calme.
- Et si je viens ?
Il quitta la route des yeux pour étudier son expression.
- Si vous acceptez de venir alors je ferais en sorte que votre ancienne demi-
soeur reste aussi loin de vous que possible, ensuite je prendrais le soin
d'avertir la presse de votre présence. Ainsi les questions qu'ils se posent tant
n'auront plus lieu d'exister.
Vu sous cet angle cela lui paraissait aisément faisable. Cependant Belle ne
parvenait pas à oublier tout le mal qu'avait pu lui faire Eloïse. Savoir qu'elle
était sur le point de se marier avec un homme puissant lui donnait la nausée.
Devait-elle accepter cette folie ?
- Vous avez encore du temps pour accepter, dit-il d'une voix si calme qu'elle
avait l'impression qu'il usait de sagesse pour obtenir un " oui "
- Je vais y réfléchir, dit-elle simplement.
Perdue dans ses pensées, Belle demeura silencieuse jusqu'à ce qu'elle réalise
qu'ils avaient enfin franchis la ville animée de New-York.
La civilisation lui avait étrangement manqué.
- Je suppose que vous savez où j'habite ? Lança-t-elle alors qu'il s'engageait
dans le cœur de la ville.
- Effectivement, affirma l'homme en esquissant un sourire presque diabolique
; Sinon comment aurais-je pu vous trouver dans ce chalet perdu ?
- Que savez-vous d'autre sur moi ? Demanda-t-elle un peu sèchement.
- Suffisamment pour être certain que vous n'êtes pas une menteuse, dit-il en
garant la voiture devant son immeuble.
Soulagée d'être enfin rentrée Belle poussa un soupir de soulagement.
- Merci de m'avoir ramené c'est...
- Laissez-moi vous raccompagner jusqu'à votre porte.
Avant même de pouvoir y émettre une objection le sultan avait déjà quitté la
voiture. Belle sentit alors son ventre se nouer d'une inexplicable anxiété.
- Vous n'êtes pas obligé, protesta-t-elle gentiment.
- J'y tien, contrat-il en la prenant par le coude.
De là, Belle monta l'escalier, troublée par une étrange sensation et qui ne la
quitta pas jusqu'à ce qu'elle parvienne à la porte de son appartement.
Elle récupéra son sac avec un sourire en coin.
- Merci pour tout monsieur Al-Zyhar.
- Savez-vous, que vous êtes la première personne à m'appeler monsieur ?
S'enquit l'homme en plissant des yeux, sourire aux lèvres.
- Et comment voudriez-vous que...
- Votre altesse est plus convenable, la coupa-t-il en posant sa main sur la
porte, lui donnant encore l'impression d'être prisonnière.
- Je ne pensais pas qu'il était nécessaire de faire preuve d'autant de formalités,
rétorqua Belle les joues en feu.
- Je vous l'ai dit, murmura-t-il d'une voix de gorge : Je suis un homme de
pouvoir, les politesses sont de mises.
Paralysée, Belle balaya du regard ce corps éminemment viril qui rapprochait
du sien.
- Et quelle sorte de plaisir vous en tirez ? Le questionna Belle en réprimant
l'écrasante chaleur qui la submergeait.
- Le respect, mais je doute que nous pouvions qualifier ça de plaisir, répondit-
il alors que ses mâchoires volontaires se mirent à tressauter.
- En effet, affirma-t-elle d'une voix presque inaudible.
- Allez-vous réfléchir à ma proposition ?
Déstabilisée par ce brusque changement de conversation Belle acquiesça.
- Je vous serais infiniment reconnaissant si vous acceptiez de venir
mademoiselle Moor.
- Je vous promets de réfléchir.
- Belle !
Reconnaissant la voix de Gary, Belle battit des cils pour remettre de l'ordre
dans ses esprits. Quant au sultan, il s'était redressé, visiblement mécontent
d'avoir été interrompu si brusquement.
- Je te croyais partie en vacance, s'étonna ce dernier.
- Oh, je...je n'ai pas pu rester à cause de la neige, expliqua Belle en jetant
quelques coups d'œil au sultan dont le visage restait de marbre.
Gary, son ami et voisin de palier dévia son regard sur le sultan. Gênée par ce
brusque silence Belle décida d'intervenir.
- Gary je te présente monsieur Al-Zyhar.
- Enchanté, je suis Gary Anderson le voisin de Belle.
Dans cet échange aussi bref que tendu, ils s'échangèrent une poignée de main
puis il se tourna vers elle.
- J'attends votre coup de fil mademoiselle Moor, essayez de ne pas me
décevoir.
Sur ce dire presque menaçant il disparut dans les escaliers sans un regard en
arrière.
À ce moment-là, pour Belle, elle ne le reverrait jamais à moins de lui céder sa
présence aux fiançailles de son ennemie.
- Tu peux me raconter ce qu'il se passe ? S'enquit Gary.
~
Quand Jafar passa les hautes et majestueuses grilles de son domaine, c'est
avec humeur qu'il claqua la portière de la voiture alors que Rachid se
précipitait vers lui.
- Enfin vous êtes de retour !
- Ce n'est rien de le dire, marmonna Jafar en se passant une main sur sa barbe
naissante.
- Puis-je savoir pourquoi vous êtes seul ? S'enquit Rachid l'air soucieux.
- Parce que Belle Moor n'a pas encore accepté d'assister à cette mascarade,
lâcha Jafar sèchement.
Il pénétra en trombe dans son domaine et ôta son manteau.
- Il se trouve que la description qui nous a été donné n'était pas la bonne.
Jafar marqua une pause lorsqu'il vit Eloïse au fond du couloir.
- Et je pense savoir pour quelle raison j'ai été trompé.
Rachid lui manifesta son manque compréhension mais Jafar était trop
préoccupé à observer Eloïse puis Zuyad qui s'avança vers lui sans se douter
un seul instant de ce qui l'attendait.
- Dans mon bureau, et tout de suite...
Chapitre 8
Jafar referma la porte de son bureau sèchement sans quitter Zuyad du regard.
- Je peux savoir ce qu'il se passe ? S'enquit son cousin en se laissant tomber
sur le fauteuil.
- Figure-toi que durant ces dernières vingt-quatre heures j'ai appris beaucoup
de choses, commença Jafar en posant ses mains sur le bureau ; Notamment le
fait que ta fiancée ait menti sur son glorieux passé.
Zuyad se redressa en prenant un air sérieux.
- Et je peux savoir sur quel sujet ?
- Au sujet de son ancienne famille, en particulier sa demi-sœur. Belle Moor.
- Elle m'a tout dit à son sujet Jafar et je te l'ai rapporté. Cette femme est
solitaire et n'a jamais eu de lien avec Eloïse.
- Ce que je peux comprendre aisément, s'enquit Jafar rictus aux lèvres.
Il s'installa lentement dans son fauteuil et s'y carra.
- Tu savais sans doute que je n'allais pas me contenter de ça, surtout avec la
presse qui fouille dans les tréfonds secrets de ta future femme. Alors je suis
parti à la recherche de cette fameuse jeune femme.
Zuyad se racla la gorge nerveusement, mais demeura sensible à l'écoute de la
suite.
-Inutile de te décrire la surprise que j'ai eu lorsque j'ai découvert l'opposé de
ta description.
Jafar marqua un temps de silence puis se pencha en avant.
- Elle m'a raconté son histoire, une histoire tout aussi touchante que
troublante. Est-ce que tu savais que Eloïse et sa très chère mère l'ont piégées
afin d'avoir la main sur son héritage ?
Zuyad écarquilla les yeux.
- Je l'ignorais, et je suis certain qu'il y a une explication à ça, se défendit
Zuyad tant bien que mal.
Jafar observa son jeune cousin longuement et sut qu'il n'était pas au courant.
- Je ne veux pas d'explication, la vérité est aussi limpide que mes propres
doutes. Quant à la description qui m'a été donné, elle est aussi fausse que tout
le reste.
Cette fois-ci Zuyad fronça des sourcils.
- Maladroite je te l'accorde, mais son apparence est loin d'être celle que tu
m'as décrite mon très cher cousin.
- Tu penses qu’Eloïse m'aurait menti à ce point Jafar ? S'enquit Zuyad l'air
agacé.
- Jusqu'ici elle ne s'est pas montrée franche, contrat-il en se levant pour
arpenter son bureau.
- Elle ne veut plus avoir de lien avec cette femme Jafar.
- Et je comprends enfin pourquoi, dit-il d'une voix rêche : La jalousie est l'une
de ces motivations je suppose.
Jusqu'ici Jafar s'était montré patient et à l'écoute. Adopter cette stratégie était
pour lui un moyen de consolider les failles de sa famille. De tempérament
implacable et souvent surnommé le monarque sans coeur, Jafar avait décidé
de se montrer le plus compatissant possible, surtout depuis le chao qui avait
régné dans le cercle très fermé de sa famille. D'abord avec Souyana, qui du
jour au lendemain avait demandé le divorce, afin de pouvoir jouir des
dernières lueurs de la fortune de son oncle dont elle avait hérité. Puis après un
combat aisément gagné contre l'ex-mari de sa sœur Jamina, mais qui avait
créé un scandale dans le pays, Jafar s'était juré de dénouer les erreurs du
passé. Et voilà qu'aujourd'hui son cousin lui ramenait une américaine dont le
passé douteux lui donnait toutes les raisons de se méfier.
- Je te préviens Zuyad, si jamais ce mariage vire à l'échec, je risque de
vraiment m'énerver, annonça-t-il d'une voix si menaçante que ce dernier se
mit à pâlir.
- Il n'y a aucune raison pour que cela ce produise.
- Et comment le sais-tu au juste ? Demanda-t-il d'une voix dont l'impatience
se faisait ressentir : Combien de fois j'ai entendu ça ? Combien de fois j'ai dû
passer derrière toi pour faire le ménage ?
- Je ne t'ai rien demandé ! Je pouvais me débrouiller sans ton aide.
- Ah oui ? Alors puis-je savoir pourquoi tu m'as appelé toutes les fois où la
situation devenait chaotique ?
Zuyad savait pertinemment qu'il était en tort mais sa fierté le rendait presque
méprisable.
- Tu es trop jeune et trop fougueux pour envisager le mariage, reprit Jafar en
adoptant une voix ferme et dénuée de toutes émotions, oubliant ainsi les liens
qui les unissaient pour mieux dompter la situation.
- Tu n'as pas confiance n'est-ce pas ? Demanda Zuyad vexé.
- J'ai confiance en toi sur bon nombre de domaines mais en ce qui concerne
les femmes, en effet, je doute. Tu n'as jamais fait tes preuves et ce mariage
vire à l'échec avant même d'avoir commencé. Eloïse semble avoir des secrets
et tu sais que j'ai horreur des secrets.
Zuyad se leva, l'air tourmenté.
- Je vais lui en parler, je suis certain qu'elle a une bonne explication.
- Ce qu'elle a fait à cette jeune femme ne mérite aucune explication, rétorqua
Jafar d'une voix implacable ; La seule chose à faire à présent c'est d'attendre
qu'elle veuille bien venir à vos fiançailles afin que la presse se calme.
Son cousin inclina sa tête respectueusement et s'apprêtait à partir quand Jafar
lui barra le passage.
- Essaye de ne pas me décevoir Zuyad, murmura-t-il d'une voix grave ; Si je
suis ici c'est parce que je crois en toi et je suis la dernière personne à
décevoir.
Zuyad acquiesça en silence avant de quitter son bureau.
Une fois seul, Jafar se laissa tomber dans son fauteuil en lâchant un soupir. Il
croisa ses mains près de sa bouche en songeant à la jeune femme qu'il avait
quitté quelques heures plus tôt. Son périple à ses côtés avait été de loin le
plus long et le plus agréable qu'il n'ait jamais connu jusqu'ici. D'ordinaire il
était plutôt habitué à la solitude lorsqu'il souhaitait se rendre seul dans ce
désert aride qu'il aimait foulé sur son étalon.
- Votre altesse ?
Jafar quitta ses pensées à la hâte pour accueillir Rachid avec un léger sourire.
- Puis-je avoir connaissance de vos tourments ?
- Ai-je l'air tourmenté ? S'enquit Jafar.
Bien sûr qu'il était tourmenté. N'importe quel homme le serait. Comment
oublier cette jeune femme au regard de biche ? Comment fuir la sensation qui
l'avait saisie devant cette silhouette séduisante ? Agacé par les images qui
s'enchaînaient sans cesse dans son esprit Jafar se redressa sur le fauteuil avec
humeur.
- Eloïse Ford nous a menti au sujet de mademoiselle Moor, expliqua Jafar
quand il prit place dans le fauteuil en face de lui.
- Que voulez-vous dire ?
- Si les liens ont été rompus c'est parce que Mademoiselle Moor a perdu
l'héritage de son père. Un plan soigneusement élaboré par la mère d'Eloïse.
Rachid écarquilla les yeux sous l'effet du choc.
- A-t-elle l'intention de le dire à la presse ?
Jafar esquissa une moue amère.
- Je ne pense que ce soit le genre de femme à sauter sur ce genre
d'opportunité Rachid, au contraire elle était davantage pétrifiée à l'idée d'être
confrontée à la presse.
- Alors qu'allons-nous faire ?
- Ce que nous avions prévu, répondit-il en se passant le pouce sur ses lèvres ;
Belle Moor a le choix de venir ou non, mais j'espère qu'elle acceptera de
venir.
Rachid esquissa un sourire confiant puis se leva.
- Vous connaissant votre altesse, je pense qu'elle viendra.
Jafar ne put s'empêcher de sourire dont l'esquisse diabolique le fit sourire à
son tour. Mais une fois seule, Jafar perdit ce sourire car il n'était pas tout à
fait sûr que ses talents de persuasion aient pu marcher sur Belle Moor...
~
Belle avait cessé de compter le nombres de minutes qu'elle venait de passer
sur son ordinateur portable à regarder des articles qui parlaient des fiançailles
d'Eloïse. Prise d'un fort dégoût, elle ferma brusquement ce dernier et récupéra
sa tasse de chocolat chaud posée sur la table basse.
Dans ses plus sombres souvenirs passés avec Eloïse, Belle avait toujours su
qu'elle parviendrait à ses fins. Et ce jour venait d'arriver. En épousant le
cousin du Sultan, Eloïse s'assurait un avenir confortable. Une larmes solitaire
glissa sur sa joue. Cette larme n'exprimait ni jalousie ni tristesse mais plutôt
de la colère.
Son téléphone portable vibra sur la table-basse, la ramenant brusquement à la
réalité. Belle essuya furtivement sa joue et décrocha avec une étrange
sensation qui l'empêcha de se prononcer.
- Mademoiselle Moor, lança cette voix chaud et gutturale qu'elle tentait
désespérément d'oublier.
Belle faillit lâcher sa tasse, et se redressa lentement sur le canapé.
- Vous avez perdue votre voix ?
- Comment avez-vous fait pour vous procurer mon numéro de téléphone ?
Demanda-t-elle d'une voix sèche.
- Je crois qu'il m'est inutile de vous dire que je suis un homme de pouvoir,
répondit-il d'une voix traînante.
- Vous ne manquez pas de toupet ! Je...
- Votre désagréable langage est-il dû au fait que je suis loin de vous ?
Belle réprima un frisson. Il est vrai qu'il lui était beaucoup plus facile de le
confronter en le sachant à l'autre bout de la ville. Belle avait l'impression de
retrouver l'assurance qu'elle avait perdue la veille, devant cet homme
intimidant, et qui d'un seul regard lui avait donné l'impression d'être la proie
d'un féroce animal.
- Oui, je dois l'avouer, il m'est plus facile de m'exprimer aujourd'hui que
lorsque j'étais près de vous.
Le sultan émir un rire rauque qui la fit frissonner.
- Et si j'étais plus proche que vous ne le pensez, mademoiselle Moor ?
Chapitre 9
Belle sentit sa bouche s'assécher comme si elle venait de courir un marathon.
Son cœur s'emballa si vite qu'elle n'eut pas le temps de reprendre un semblant
de respiration.
- Que voulez-vous dire ? Ne me dites pas que vous avez traversé la ville pour
revenir à la charge ? Demanda-t-elle en se levant du canapé, le regard fixé sur
la porte de son appartement.
- Et si c'était le cas mademoiselle Moor ? Que feriez-vous ? Demanda-t-il
d'une voix grave surmonté d'une chaleur qui lui coupa le souffle.
- Vous n'êtes pas sérieux ? Demanda-t-elle d'un souffle.
Le revoir serait à la fois un supplice et une délicieuse torture. Pourquoi ?
Parce qu'elle devait définitivement l'admettre...
Jafar Al-Zyhar était l'homme le plus séduisant et le plus intimidant qu'elle
n'ait jamais connu. En revanche ce qu'elle peinait à comprendre c'est pour
quelle raison se donnait-il autant de mal pour elle ?
Ne lui avait-elle pas dit qu'elle allait réfléchir ?
- Je vous ai dit que j'allais réfléchir, n'était-ce pas assez limpide ?
- Et je vous ai laissé la journée entière pour le faire.
Quelques coups firent vibrer sa porte d'entrée.
Belle réprima un frisson d'angoisse mais s'avança jusqu'à la porte comme si
elle n'avait pas le choix de l'ouvrir.
Et il disait vrai...
Lorsqu'elle écarta la porte, sa haute et imposante silhouette lui apparut. Il
portait le même manteau sombre, rehaussant la menace émanant de ce corps
puissant. Le regard du sultan se posa sur sa silhouette qu'il embrassa du
regard avant de recouvrer cette expression impassible. Gênée, Belle tira sur
son pull dix fois trop grand pour elle mais qui lui descendait à mi-cuisses.
- Je n'ai jamais vu un homme aussi déterminé que vous, dit-elle en repoussant
la porte.
- Et encore, vous n'avez rien vu, répondit-il d'une voix cassante.
Belle tentait en vain de réprimer les battements de son cœur mais c'était
comme se battre contre l'inévitable. L'homme se redressa de toute sa hauteur
et remit son téléphone dans sa poche intérieure sans la quitter des yeux.
- Que voulez-vous encore ? Demanda-t-elle sur la défensive.
- C'est très mal poli de ne pas inviter ses visiteurs.
- Vous n'êtes pas un visiteur mais plutôt un intrus qui semble incapable de
saisir que j'ai besoin de temps pour réfléchir à votre invitation sordide,
répliqua Belle en le regrettant amèrement la seconde suivante.
Une lueur menaçante perça l'éclat de ses yeux noirs.
- De quoi avez-vous peur ? Que je vous kidnappe ? Après une nuit entière
passée avec moi vous douter encore de ma bonne foi ? Demanda-t-il d'une
voix beaucoup trop douce pour être sincère.
- Je ne remets pas en doute votre bonne foi en revanche je sais reconnaître
quand une situation est inquiétante et vous êtes inquiétant.
- Vous avez raison, affirma-t-il en appuyant sa main sur l'encadrement de la
porte ; Et je serais d'avantage inquiétant si vous ne m'invitez pas à entrer.
Il se pencha légèrement pour jeter un coup d'œil dans l'appartement puis
rajouta.
- À moins que vous ne soyez pas seule.
Effarée, Belle écarquilla les yeux.
- Même si c'était le cas je ne vois pas en quoi cela vous regarde, dit-elle
sèchement.
Une lueur inquiétante voilà son beau regard ténébreux.
Belle se pinça les lèvres car elle savait que le combat était perdu d'avance.
Elle se recula pour ouvrir la porte en grand et ce dernier ne mit pas longtemps
pour investir les lieux comme si ces derniers lui appartenaient. Soudain, Belle
eut l'impression que son salon devenait étriqué voire sur le point de se
refermer sur elle.
- C'est charmant, commenta-t-il en se tournant vers elle.
- Merci, s'empressa-t-elle de dire en allant chercher son ordinateur ; En quoi
puis-je vous aider monsieur Al-Zyhar ?
- Votre altesse, rectifia-t-il d'une voix douce mais dangereusement menaçante
; Ça vous écorcherez la langue de le dire ?
Belle haussa des épaules pour se donner un air détendu alors qu'en réalité, il
n'en était rien.
- En quoi puis-je vous aidez votre altesse ? Répéta-t-elle en crispant un
sourire.
Le sultan esquissa un sourire satisfait.
- L'entendre de votre bouche lui donne une connotation si délicieuse, déclara-
t-il d'une voix chaude et si sombre qu'elle faillit lâcher son ordinateur.
Consciente qu'elle rougissait Belle se réfugia derrière le comptoir de sa
cuisine et se retourna pour fuir sa paire d'yeux d'une intensité troublante.
- Je suis venu dans le but d'obtenir une réponse de votre part, reprit-il avec
sérieux ; Je suis désolé si je me montre insistant mais ça n'a rien de
personnelle. Je dois avertir la presse avant demain, afin que celle-ci se
prépare à vous voir.
Belle ferma les yeux brièvement pour échapper à l'image du sultan qui
s'imprimait dans son esprit alors même qu'il se trouvait derrière elle.
- Je sais à quel point cette situation vous rebute mais il me faut
impérativement une réponse.
- Un coup de fil aurait suffi à l'obtenir, lui fit-elle remarquer en trouvant la
force de se retourner.
Et elle n'aurait jamais dû...
Il s'était rapproché du comptoir, arborant une expression sérieuse, presque
sévère.
- Je tenais à venir en personne pour avoir votre réponse de vive voix, ainsi je
serais persuadé d'avoir votre parole, car il faut dire que vous m'avez déjà
menti, très mal je vous l'accorde.
Belle croisa les bras contre sa poitrine, les dents serrées.
- C'est vrai je vous ai menti car vous êtes venu en me jetant une bombe à la
figure, se justifia-t-elle en s'approchant du comptoir qui les séparait de
quelques centimètres : J'étais sous le choc, mon passé a ressurgi du nulle part
et je voulais à tout prix vous voir partir.
- Jusqu'à ce que ma présence vous sois indispensable autant que la vôtre le
sera demain soir.
Belle se pinça les lèvres, observant avec attention l'expression sérieuse du
sultan. Il y avait quelque chose en lui de très troublant et qu'elle ne parvenait
pas à déterminer. C'était comme si ses traits ciselés étaient porteurs d'un
sombre secret. Pourtant, et devant toute la dangerosité qu'il lui inspirait Belle
ne parvenait pas à rompre avec l'étrange chaleur qui l'inondait. Puis soudain,
elle réalisa que c'était la première fois qu'un homme aussi important lui
accordait un regard et qui ne lui inspirait pas de la perversité. Avant de
trouver son boulot de serveuse à temps plein, Belle avait enchainé les jobs et
l'un d'entre eux constituait à déambuler entre des hommes et des femmes
fortunés, plateau d'argent à la main. Elle avait dû affronter des regards de
concupiscences ainsi que le dédain des femmes sans un mot.
Avec cette expérience dont elle gardait un très mauvais souvenir, elle savait
pertinemment que demain la situation ne serait pas moins différente.
- je serais là, dit-elle enfin.
- J'espère que vous tiendrez parole, dit-il sur un ton abrupt.
- Quelle chance j'aurai de me débarrasser de vous si jamais je ne venais pas ?
Répliqua-t-elle en affrontant son regard rembrunit.
- Sans doute aucune, croyez-moi mademoiselle Moor, la dernière chose à
faire c'est de me mettre en colère.
Belle frémit mais demeura silencieuse. Le sultan semblait tendu et il lui
donnait même l'impression de ne pas être lui-même. C'était comme s'il
s'évertuait à se donner l'image d'un homme calme mais qui sans le savoir,
était trahi par la dureté de ses traits.
- Rassurez-vous, je serais présente, murmura-t-elle sans lui masquer son
manque d'enthousiasme.
Impassible, les mâchoires crispées, il inclina légèrement sa tête en guise de
réponse. Mal à l'aise, Belle baissa les yeux sur son ordinateur mais pouvait
sentir le poids de son regard sur elle.
- Un chauffeur passera vous chercher à dix-sept heures précise, ne soyez pas
en retard, déclara-t-il d'une voix plus amène qui l'incita à relever les yeux.
Lorsqu'elle le vit s'approcher de la porte, Belle décida de quitter son refuge
pour le raccompagner mais une fois près de lui, elle eut l'impression de
reperdre le contrôle de son corps et de son esprit.
- Vous venez de me faire une promesse et c'est à mon tour de vous en faire
une, déclara-t-il rictus aux lèvres.
Retenant son souffle, Belle attendit qu'il reprenne.
- Je vous fais la promesse que tout se passera bien.
Facile à dire songea-t-elle en forçant un sourire léger. Malheureusement elle
savait au fond de son être qu'elle se jetait à corps perdu dans un piège...une
fosse dans laquelle le sultan semblait en être le maître et elle...
Sa proie...
Chapitre 10
Comme promis, Belle s'engouffra dans la voiture noire qui était venue la
chercher, le ventre noué. Le chauffeur au teint hâlé souffla quelques mots en
arabe en tenant l'oreillette qu'il portait à son oreille. Belle avait presque
l'impression d'être une mission sur le point d'être accomplie. Nulle doute que
son interlocuteur n'était autre que le sultan en personne. Elle leva les yeux au
ciel puis boucla sa ceinture du sécurité, les mains moites. Elle avait songé
toute la nuit à cette soirée et surtout, à ses retrouvailles avec Eloïse. La
perspective de la revoir ne lui posait aucun problème, en revanche subir ses
brimades serait tout aussi pénible que de l'entendre rire au éclat avec cette
note aiguë qu'elle avait dû supporter bon nombres d'années.
Plus tôt dans la journée Gary lui avait vivement déconseillé d'y aller. Pour lui,
le sultan ne lui inspirait pas confiance. Dans un soupir tremblant, Belle se
tourna vers la vitre teintée pour contempler la ville sous les belles lumières de
noël. Chaque trottoir se distinguait des autres et donnait aux passants la joie
de pouvoir s'émerveiller devant les vitrines.
- Vous êtes bien installée miss Moor ?
Belle battit des paupières avant de jeter un coup d'œil au chauffeur.
- Oui, merci, dit-elle en posant ses mains à plat sur les sièges en cuir.
Puis elle se racla la gorge nerveusement.
- Je suppose que vous connaissez votre patron depuis longtemps ? Le
questionna-t-elle.
- Oui mademoiselle, affirma ce dernier en lui jetant un furtif regard dans le
rétroviseur.
- Soyez sincère avec moi, est-ce que je dois m'inquiéter ?
Le chauffeur se racla la gorge, demeurant silencieux...beaucoup trop
silencieux à son goût.
- Son altesse est un homme loyal, respectueux, vous n'avez pas à vous
inquiéter. Il ne ferait aucun mal à une femme.
Mais ? Belle sentait qu'il y avait un " Mais " cependant elle préféra en rester
là.
Alors elle se contenta d'attendre et prit son sac à main pour en vérifier le
contenu. Elle rangea soigneusement sa bombe lacrymogène au fond dans son
sac en espérant ne pas devoir s'en servir. Et au bout d'une bonne demi-heure,
la voiture s'aventura sur une route entourée d'arbres. Soudain la ville lui
semblait bien loin.
Le cœur battant à la chamade elle se pencha vers la fenêtre lorsque le
chauffeur déboucha dans une vaste allée avant de franchir un haut portail qui
s'ouvrit automatiquement à leur passage.
Ça y est, songea-t-elle en serrant son sac à main contre son ventre noué. Belle
savait qu'à l'instant même où elle quitterait cette voiture, elle n'aurait plus
aucun contrôle. Elle quitta la voiture le regard perdu dans la contemplation de
la grande demeure qui se dressait sous ses yeux bleus. D'une splendeur
inqualifiable, Belle demeura sans voix. Cette vaste propriété datant du XVIIIe
siècle possédait un immense jardin et des jeux d'eau absolument
spectaculaire. Belle avait l'impression de rêver avant que ce rêve devienne
sombre lorsqu'elle aperçut le sultan à l'entrée de la demeure. Vêtu d'un pull
noir révélant une musculature impressionnante dont le tissu épousaient les
reliefs de ses biceps, il la fixait avec cette même intensité troublante de la
veille. Emprisonnée dans l'étau de ses yeux noirs, Belle dut faire preuve d'un
effort surhumain pour s'avancer.
Un sourire se dessina sur cette paire de lèvres dures, signe qu'il semblait
heureux qu'elle ait tenu sa promesse.
- Mademoiselle Moor, vous n'imaginez pas à quel point je suis heureux de
vous revoir.
Belle grimpa les marches prudemment.
- Avez-vous fait bon voyage ?
- Assez oui, dit-elle d'une voix dont l'assurance manquait soudain.
Fasciné malgré lui, Jafar observa la jeune femme d'un regard presque brûlant.
Il avait longuement douté de sa parole jusqu'à ce que son chauffeur le
prévienne de son arrivée imminente. Et dans les lueurs rougeoyantes du
soleil, ses cheveux dorés ressemblaient à du blé. Ils cascadaient sur ses
épaules pour mieux retomber sur ses reins.
Il se recula, pour échapper à ce désir qu'il n'avait plus ressenti depuis des
années.
- Venez avant d'attraper froid, dit-il en posant une main dans son dos.
Il la sentit se raidir mais l'ignora car il ne s'agissait pas de lui à cet instant
mais d'elle.
Pour le bien de sa famille, Jafar était sur le point de crucifier une innocente en
la plongeant au cœur d'un passé qu'elle voulait à tout prix oublier. Conscient
de son égoïsme, Jafar avait fait en sorte qu'elle y soit confronté tout de suite.
Belle entra dans la majestueuse demeure avec une certaine appréhension. Et
alors qu'elle pensait pouvoir fuir Eloïse toute la soirée, Belle l'aperçut à
quelques mètres d'elle, accompagnée d'un jeune homme un peu moins grand
que le sultan mais dont le teint hâlé ne laissait aucune place au doute.
Bizarrement, en voyant Eloïse, elle ne ressentit rien...pas même une émotion
juste un goût amer logé au fond de gorge. Le pire c'est qu'elle n'avait pas
changé. Perchée sur ses hauts talons, elle portait une robe crayon, moulant
son corps dont une partie n'était plus naturelle. Ses cheveux noirs mi-long
étaient soigneusement lissés. Quant à son visage fraîchement maquillé il
donnait l'impression qu'elle était figé en une seule et même expression.
Le dédain.
Mais au moment où elle s'approcha, elle esquissa un sourire forcé,
- Je préfère faire les présentations maintenant, déclara le sultan d'une voix
sèche ; Zuyad je te présente Belle Moor, Belle je vous présente mon cousin.
- Ravi de vous rencontrer, articula Zuyad en la dévisageant.
Pour faire preuve de politesse, Belle esquissa un sourire qui se voulait
sincère.
Après tout cet homme ne lui avait rien fait de mal, songea-t-elle en évitant de
regarder Eloïse droit dans les yeux.
- Pour ce qui est du reste, reprit le sultan en dominant la situation ; Je crois
qu'il est inutile que je fasse les présentations.
- Je suis ravie de te revoir Belle, tu as tellement changée ! S'exclama Eloïse
avec un sourire pincé.
- Toi aussi, répondit Belle en la toisant de la tête aux pieds ; Je vois que
l'héritage de mon père t'a aidé dans ta transformation tant souhaitée.
Cette dernière lui jeta un regard glacial alors que ses joues s'embrasèrent
d'une fureur contenue.
- Je suis ici seulement pour que la presse me laisse tranquille, alors faisons
comme si nous étions invisibles l'une et l'autre sauf en cas de besoin, rajouta
Belle en jetant un furtif coup d'œil au sultan qui n'avait pas bougé d'un
millimètre.
Très vite elle comprit qu'il n'était le seul à la regarder, car Zuyad la fixait
depuis plusieurs secondes...de quoi la rendre un peu plus mal à l'aise.
- Si tout est clair, je pense qu'il est temps pour nous d'aller nous préparer,
intervint Jafar en pivotant les talons, emportant avec lui la jeune femme.
Belle avisa son manteau fermé en grimaçant car sous celui-ci elle avait mis
une robe simple, tellement simple qu'elle redoutait le moment où elle devrait
ôter son manteau.
- Vous vous êtes bien débrouillée, nota-t-il doucement.
Belle étouffa un rire sec.
- Quand je pense qu'elle est passée sous le bistouri avec l'argent de mon père,
dit-elle en le suivant dans l'imposant escalier en bois ; Ses seins sont sur le
point d'exploser quand à ses lèvres gonflées, je ne préfère même...
Dans sa diatribe, Belle manqua une marche et n'eut pas le temps d'anticiper sa
chute car deux mains fermes la rattrapèrent à temps.
Saisie de violentes rougeurs, Belle baissa les yeux, honteuse.
- Si ça continue comme ça, je vais devoir vous tenir par la main, dit-il d'une
voix moqueuse.
- Merci mais ça ira, je pense pouvoir m'en sortir, bredouilla-t-elle en luttant
contre le rouge cramoisie qui lui montait aux pommettes.
- Alors poursuivons, ordonna-t-il en l'invitant à le suivre.
Belle fronça des sourcils car elle ne comprenait pas pour quelle raison il
l'avait fait monté au premier étage. Il ouvrit une porte puis s'écarta pour la
laisser passer.
- Je peux savoir ce que je fais ici ? Demanda-t-elle d'une voix nerveuse.
- Vous êtes dans la chambre que je vous ai attribuée, répondit-il d'une voix
caressante avec un haussement d'épaules négligeant.
- Qu...quoi ? Je ne comprends pas, je croyais qu'il s'agissait d'une réception,
pourquoi me donner une chambre ?
Impassible, il plissa des yeux en silence.
- Vous ne m'avez rien dit de tout ça, insista Belle.
- Vous en êtes certaine Belle ? S'enquit l'homme en plissant de nouveau des
yeux comme deux fentes impénétrables ; Pourtant j'étais persuadé de vous
l'avoir dit.
- Dites plutôt que vous m'avez piégé ou que vous ne m'avez pas tout dit,
s'emporta Belle en le dévisageant.
- Vous avez raison, je ne vous ai pas tout dit Miss Moor, avoua-t-il sans lui
exprimer le moindre regret.
Puis il s'avança, brisant l'espace qui les séparait.
- Mais maintenant que vous êtes à ma portée, je peux enfin vous révéler la
partie manquante, reprit-il alors que dans ses yeux, elle pouvait y déceler une
lueur mystérieuse.
Une lueur qu'elle n'avait jamais perçue auparavant...
Chapitre 11
- Ne faites pas cette tête mademoiselle Moor, ce que je m'apprête à vous
annoncer ne vaut pas la peine d'être aussi pâle.
Belle dut se faire violence pour revenir à la réalité.
- Alors que quoi s'agit-il ? Demanda-t-elle en retenant son souffle.
Après l'avoir couverte d'un regard mystérieux il déclara :
- Mon chauffeur ne pourra pas vous ramener, ce qui signifie qu'il vous faudra
rester ici cette nuit. Demain matin, je vous ramènerai.
Belle prit un moment pour imprimer ce qu'il venait de lui dire.
- Mais pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ? Je serais venue par mes
propres moyens.
- Au risque de vous perdre ? Répliqua-t-il d'une voix sombre.
Encore une fois, l'homme la regardait avec humeur, seulement cette fois-ci,
c'est lui qui avait les cartes en mains. Elle n'avait aucun moyen de partir d'ici,
et même si elle avait de quoi partir, Belle ignorait quelle route emprunter
pour rejoindre la ville.
- Vous le saviez depuis le début n'est-ce pas ?
- En effet, je le savais, mais si je vous l'avais dit, vous ne seriez pas venue
n'est-ce pas ?
- En effet, affirma-t-elle agacée ; Je n'ai pas ma place ici, je m'étais mis dans
la tête que...
- Écoutez, la coupa-t-il rictus aux lèvres ; Cette situation m'est tout aussi
pénible qu'elle l'est pour vous.
Belle frémit et recula d'un pas. Dans son regard de cendre, une lueur
dangereuse y dansait.
- S'il s'agissait que de moi, je serais déjà parti depuis longtemps, croyez-moi,
reprit-il d'une voix grave.
- Pour quelle raison faites-vous cela ? Osa-t-elle demander en le dévisageant.
Sa question semblait l'avoir dérouté.
- Je vous l'ai déjà dit miss Moor, il s'agit de la réputation de ma famille.
- De votre réputation, rectifia Belle en se pinçant les lèvres nerveusement
alors qu'il l'observait mâchoires serrées.
- Oui, c'est le cas, il s'agit essentiellement de ma réputation parce que je suis
le sultan Al-Zyhar, puissant monarque d'un pays qui compte sur moi. Et sans
vouloir me perdre dans les détails, ces trois dernières années n'ont pas été en
ma faveur.
Belle croisa les bras alors que son cœur n'avait de cesse de battre contre ses
tempes.
- Je ne ressens aucune envie, aucun désir de rester ici à New-York, à écouter
des chants de noël dans ce froid glacial, articula-t-il d'une voix sombre.
- Vous n'aimez pas l'esprit de Noël ? Demanda-t-elle en esquissant un grand
sourire.
- Je ne fête pas noël, répondit-il en s'approchant ; mais vous êtes jeune et
vous semblez intrépide comme une enfant désireuse alors je ne vous en veux
pas.
Piquée au vif, Belle perdit l'éclat de son sourire.
- En effet, je suis jeune et vous en revanche vous ressemblez à un vieillard
aigri, mais je ne vous en veux pas, passer le cape de la quarantaine doit être
difficile.
Cette fois-ci, le sultan l'observa avec une lueur à la fois dangereuse et
amusée.
- J'ai trente-deux ans.
- Ah vraiment ? S'exclama Belle en faisant mine d'en être choquée ; Dans ce
cas si je peux me permettre vous devriez envisager de sourire de temps en
temps cela pourrait vous éviter de sévères rides.
Belle réprima un frisson, consciente qu'elle allait trop loin et surtout...qu'elle
mentait...
Les belles rides sévères qu'il portait fièrement sur son visage lui donnaient un
air sombre et glacé mais si ténébreux que n'importe quelle femme serait sous
le charme.
- Petite insolente...
Réprimant un frisson d'angoisse, Belle sentit sa bouche s'asséchait soudain
alors qu'il se rapprochait lentement vers elle, une brûlante lueur au fond des
yeux.
- Ce n'est pas...ce que je voulais dire je...
- Vraiment ? dit-il dune voix qu'elle crut rauque.
Soudain elle sentit son dos rencontrer quelque chose de dure.
L'espace d'une seconde Belle eut l'impression que tout son être brûlait sous le
regard du sultan.
- Vous avez une chance considérable, mademoiselle Moor, déclara-t-il en
posant sa main sur le mur ; Si vous étiez dans mon palais, en revanche, les
choses seraient grandement différentes.
- C'est-à-dire ? Êtes-vous subtilement en train de me dire que vous êtes un
tortionnaire qui...
- Je ne dirais pas ça, la coupa-t-il d'une voix doucereuse.
Le souffle coupé Belle sentit son cœur rater un battement.
- Et dire que vous n'avez eu de cesse de répéter que vous ne me feriez pas de
mal.
- Qui parle de vous faire du mal ? S'enquit l'homme en plissant des yeux ;
Non, miss Moor j'ai en possession des moyens nettement plus agréable pour
me faire comprendre.
Alors que ses joues devinrent cramoisies, le sultan lui, arborait un sourire
presque diabolique.
Son corps massif n'était plus quelques centimètres du sien. Elle respirait avec
difficulté mais suffisamment pour que sa poitrine se soulève, attirant ainsi le
regard de ce dernier.
- Essayez de ne plus braver l'interdit jusqu'à demain matin, lui conseilla-t-il
en s'écartant, lui rendant ainsi, un semblant de liberté.
Un lourd silence s'abattit dans la pièce.
- Je n'ai même pas prit des vêtements de rechange.
- Ne vous en faites pas pour ce détail, intervint Jafar en détaillant la jeune
femme poings serrés afin de réduire le désir indescriptible qu'il ressentait.
Elle se mordit les lèvres et ce geste totalement innocent suffit à emballer ses
sens.
- Vous trouverez de quoi vous vêtir dans le dressing à votre gauche, reprit-il
en parvenant avec faiblesse à éteindre le son rauque de sa voix.
L'air gêné, elle pivota sur elle-même, observant la chambre avec
émerveillement. On aurait presque dit une petite fille devant l'inaccessible.
- Je suis embarrassée, vous n'avez pas plus petit ?
Réprimant sa surprise, il fit mine de réfléchir.
- J'ignore si nous avons un placard à balais qui aurait pu correspondre à
attente miss Moor mais je peux vous proposer plus grand.
Les joues en feu elle pinça une grimace en étudiant le lit. Jafar dut alors lutter
contre des images d'elle, étendue sur ce grand lit, cheveux auréolés sur
l'oreiller.
- Merci, c'est très beau, je ne saurais comment vous remercier, déclara-t-elle
en mettant fin à la sensuelle torpeur dans laquelle il était piégé.
- Vous le faites déjà, affirma Jafar en détaillant sa tenue vestimentaire.
Timidement elle retira son manteau, dévoilant la robe qu'elle avait dans
l'intention de mettre ce soir.
- Sans vouloir vous offenser, la robe c'est non.
- Je vous demande pardon ? S'enquit celle-ci en avisant sa robe noire d'une
simplicité déconcertante.
- Elle est trop simple et on dirait que vous allez à un enterrement, je
commence même à me demander si vous ne vous êtes pas habillée dans le
noir.
Offensée, elle fronça des sourcils mais resta volontairement muette.
- Il faudra vous en contenter je n'ai que ça, répondit-elle simplement.
- Pas tout à fait, contrat-il en allant jusqu'au dressing.
Jafar avait anticipé ce détail et pas pour les raisons qu'elle croyait. Le salaire
de la jeune femme ne lui permettait pas ce que lui pouvait se permettre. Alors
il avait pris la décision de faire venir quelques robes du soir avec l'espoir que
l'une d'entre elles corresponde à ses propres attentes.
- Si vous avez l'intention de me faire porter une robe comme celle d'Eloïse
vous pouvez oublier, dit-elle d'une voix presque paniquée.
Jafar se retourna et réprima toute colère lorsqu'il aperçut dans ses yeux bleus
une lueur d'angoisse y naître.
- Vous n'êtes pas ce genre de femme et c'est un grand honneur pour moi
d'avoir en face de moi une femme qui respecte son corps et qui ne cherche
pas à l'utiliser, déclara Jafar en décrochant du portant la robe rouge.
- Bien que je devine l'élégance affolante de vos courbes, ajouta Jafar d'une
voix chaude.
La jeune femme s'en empara sans protester et l'étudia avec attention.
- Est-ce qu'elle vous plaît ?
- Elle est vraiment très belle mais...
- Mais ? Pouvez-vous simplement vous contenter de me remercier.
- Merci, dit-elle en posant sur ses lèvres un sourire en coin.
Satisfait, Jafar quitta le dressing d'un pas déterminé.
- Je vous laisse vous préparer, je viendrais vous chercher tout à l'heure.
Belle se surprit à fixer le dos musclé du sultan avant qu'il se retourne, un
sourire frémissant aux lèvres.
- Si vous avez dans l'intention de fuir par le balcon sachez qu'une armée
d'hommes entoure la demeure.
- Pour quelle raison voudrais-je fuir ?
- Je dirais plutôt " qui " désirez-vous fuir...
Chapitre 12
Jafar lâcha une bordée de jurons après avoir franchi la porte de son bureau.
Rachid s'y trouvait en train de consulter son ordinateur portable.
- Je suis assurément conscient que vous êtes occupé votre majesté mais vous
venons de recevoir un mail important.
- De qui s'agit-il ? S'enquit Jafar en parvenant jusqu'à son fauteuil.
- Nicolas Varello, un homme d'affaires qui souhait s'associer à votre projet,
expliqua Rachid en tournant l'ordinateur dans sa direction.
Jafar consulta le mail brièvement car il n'était pas d'humeur à parler affaires.
- Nous verrons cela plus tard, décréta-t-il en fermant l'ordinateur sèchement.
- Je vois que vous n'êtes pas de bonne humeur et pourtant vous l'étiez il y a
moins d'une heure, nota Rachid en prenant place dans le fauteuil.
- Cette femme va me rendre dingue ! Siffla-t-il entre ses dents.
- Vous parlez d'Eloïse ?
- Non, je parle de Belle Moor.
- Je l'ai aperçu tout à l'heure, c'est une belle jeune femme, et elle semble
particulièrement amère d'être ici.
Jafar étouffa un rire sec en faisant les cents pas.
- Si seulement elle était seulement amère, mais elle fait tout pour mettre mes
nerfs à rude épreuve.
- Je pense qu'elle ne le fait pas exprès, déclara Rachid avec prudence : C'est
une situation pour le moins difficile pour elle. Vous êtes rentré dans sa vie
bien rangée et vous l'avez sans doute déstabilisée.
Les belles sagesses de Rachid ne l'aidaient en rien bien au contraire.
- Elle n'est pas...
Interrompu par quelques coups portés à la porte, Jafar serra les mâchoires
puis ouvrit la porte à la volée.
Jafar observa d'un air dédaigneux Carole Ford, la mère d'Eloïse en songeant à
la renvoyer sans politesse mais décida de prendre sur lui.
- Puis-je vous aider ? Demanda-t-il d'une voix qui trahissait son impatience.
- Votre altesse, salua-t-elle en exécutant une courbette exagérée ; Je suis
venue vous parler d'une affaire urgente.
Sans prendre la peine d'attendre d'être invitée à pénétrer dans son bureau,
cette dernière entra, d'une démarche soigneusement maîtrisée.
- Si vous êtes venue me parler de Belle Moor sachez que vous risqueriez
d'aggraver la situation, déclara Jafar en refermant la porte sèchement.
- Je crois qu'il y a eu un affreux malentendu votre altesse, dit-elle d'une voix
lente...si lente qu'il crut s'endormir.
- Je ne pense pas qu'il y ait un malentendu madame Ford, je pense plutôt que
vous êtes au pied du mur et votre présence ici est juste un moyen pour vous
de rattraper votre erreur de m'avoir crû stupide.
Carole se passa une main près du cou, sourire figé, le regard si expressif qu'il
en devinait son désarroi.
- Voilà comment ça va se passer, reprit-il en ne lui laissant pas le choix
d'écouter ; Mademoiselle Moor nous fait grâce de sa présence pour faire taire
la presse et vous, de votre côté je vous suggère de tenir votre rôle auprès des
invités. N'essayez pas de rentrer en contact avec elle et à la fin de cette soirée
si je suis satisfait, j'envisagerai de peut-être je dis bien peut-être, donner mon
feu vert pour ce mariage.
Carole le dévisagea longuement avant de lui sourire.
- Comptez sur moi pour que cette soirée se passe à merveille, déclara-t-elle
d'une voix légère.
Et alors qu'elle s'apprêtait à partir, Jafar la retint par le bras.
- Si jamais, les intentions de votre fille sont tout autres que d'aimer mon
cousin, je peux aisément vous assurer que vous êtes tombée sur la mauvaise
famille, murmura-t-il d'une voix menaçante.
Puis il se pencha en avant pour ajouter :
- Veuillez garder ceci à l'esprit.
Il relâcha son bras, admirant les pâleurs qui habitaient son visage puis
l'observa partir.
- Vous pensez qu'elle n'est pas amoureuse de Zuyad ? S'inquiéta Rachid en se
levant.
Jafar espérait se tromper, il voulait à tout prix croire en ce mariage mais
Eloïse n'était pas la seule qui le faisait douter.
- Zuyad l'est-il ? Lança-t-il en regardant Rachid, laissant ses doutes se déceler
sur son visage.
- Vous pensez que votre cousin n'est pas amoureux d'elle ?
- J'ignore s'ils s'aiment, rectifia Jafar en se passant une main sur son visage ;
Pour l'heure il faut se préparer, les invités ne vont pas tarder.
Rachid n'insista pas mais quitta son bureau tourmenté...
De l'autre côté du couloir, Belle commençait tout juste à se préparer quand
elle reçut un message de Gary. Elle s'empressa de lui répondre pour le
rassurer et retourna dans la salle de bains pour s'y préparer.
Elle enfila la robe rouge en faisant preuve de prudence car celle-ci semblait
aussi fragile qu'un tissu de soie. Lorsqu'elle se vit dedans, Belle retint son
souffle.
La coupe était parfaite et presque dessinée pour elle. Pendant un instant, Belle
eut beaucoup de mal à se reconnaître. Elle n'avait pas pour habitude de porter
ce genre de tenue mettant en valeur sa féminité.
Elle quitta la salle de bains pour mettre les chaussures laissées près du lit puis
enferma sa masse de cheveux dans une queue-de-cheval basse à l'aide du
ruban qu'elle avait trouvé dans le dressing.
Une fois sûre d'être prête Belle tourna sur elle-même ne sachant quoi faire
jusqu'à ce que la porte s'ouvre sur le sultan.
Encore...
En ouvrant la porte, Jafar avait envisagé toutes les possibilités mais il était
loin de s'attendre à la trouver prête, au centre de la pièce toute vêtue de rouge.
Cette robe à dentelles ne faisait que rehausser sa silhouette et mettait en
valeur sa poitrine dont la naissance laiteuse était subtilement révélée par les
sillons de dentelles. Achevant de regarder cette œuvre d'art, Jafar plongea son
regard dans le sien et faillit se perdre dans cet océan dont les profondeurs lui
paraissaient infranchissables.
- Mademoiselle Moor, vous êtes absolument divine, parvint-il à déclarer alors
qu'un désir fiché entre ses reins devenait violent à mesure qu'il s'approchait.
- Vous en êtes sûr ? Demanda-t-elle en tirant sur la robe.
- Absolument certain.
Trop certain même, songea-t-il en s'attardant sur ses jambes.
Belle sentit son cœur s'emballer. Cette fois-ci l'homme qui l'avait quitté deux
heures plus tôt était en costard et chemise immaculée. Une bouffée de chaleur
s'empara d'elle lorsqu'il s'approcha d'elle alors que ses yeux sombres
balayaient encore sa silhouette du regard.
- Allez-vous rester avec moi ? Toute la soirée ?
Il plissa des yeux, interloqué par cette question.
- Cela vous pose-t-il un problème ? S'enquit-il d'une voix grave.
- Aucun, seulement vous avez très certainement autre chose à faire non ?
Après tout vous êtes le plus important de la soirée.
- L'attention sera portée sur les futurs mariés, assura-t-il en esquissant l'ombre
d'un sourire.
- Que suis-je censé faire ? Demanda-t-elle en le suivant dans le couloir.
Et tandis qu'ils marchaient côte à côte, la main du sultan se posa sur son dos.
Belle réprima une première décharge électrique mais n'eut pu réprimer l'autre.
Il te guide ! S'écria-t-elle intérieurement.
- Vous êtes censé sourire, et faire preuve de délicatesse si jamais vous êtes
confronté à votre ex belle-mère.
- Et s'il me prend l'envie de l'étrangler ? Lança-t-elle pour détendre
l'atmosphère.
- Je serais en mesure de vous arrêter à temps, susurra-t-il à son oreille.
- Parfait, parvint-elle à dire sans le regarder.
Ils poursuivirent leur chemin en silence jusqu'à l'achèvement des marches. De
là, Belle fut submergée par une vive angoisse.
- Respirez, lui conseilla-t-il en pressant ses doigts sur sa colonne vertébrale.
Facile à dire, songea Belle en s'avançant vers cette foule d'invités qui
inévitablement, se tourna vers eux.
Le sultan s'empressa alors de déclarer quelques mots à l'adresse des futurs
mariés. Très vite, la foule se dispersa aux quatre coins du grand et vaste
salon, lui donnant enfin la liberté de respirer normalement.
- J'ignore comment vous faites pour supporter tous ces regards posés sur vous
toutes la journée, commenta-t-elle en acceptant la coupe de champagne qu'il
lui tendait.
Leurs doigts se frôlèrent, et son cœur fit un bond périlleux.
À cet instant, Belle se demanda si elle survivrait à cette paire de yeux cendré
qui n'avait de cesse d'augmenter les battements de son coeur.
Irrémédiablement...
Chapitre 13
Pour masquer son trouble elle plongea ses lèvres dans la coupe et pivota sur
elle-même afin de jeter un coup d'œil aux invités. Les femmes étaient parées
de leurs plus belles tenues, et dans cette foule, Belle reconnut une femme,
vêtue de noir.
Son ex belle-mère.
Belle abaissa son bras alors que le verre de champagne qu'elle tenait
fébrilement dans sa main manquait de se renverser.
De sombres et douloureux souvenirs lui revinrent en mémoire. Carole lui jeta
un regard froid, comme si elle voulait la prévenir de la menace qui pesait au-
dessus de sa tête. Elle préféra dévier son regard vers Eloïse qui de son rire
cristallin bavardait avec un petit groupe de femmes, exposant sa bague en
diamants.
Une ombre se planta devant elle, brisant la scène parfaite qui se jouait sous
ses yeux humides.
- J'ai l'impression de vous avoir perdue, murmura-t-il en fronçant des
sourcils.
- Oh, je...non...j'étais seulement perdue dans mes songes, balbutia Belle en lui
souriant.
- Venez, je vais vous présenter à quelques invités, dit-il en posant une main
dans son dos.
Belle déglutit péniblement car à travers le tissu de sa robe, elle avait
l'impression que cette large main était imprimée dans ses chairs. Très vite elle
dut s'efforcer de recouvrir ses esprits lorsqu'ils s'arrêtèrent devant deux
hommes l'un d'une soixantaine d'années et l'autre du même âge que le sultan.
- Votre altesse, quel agréable plaisir de vous revoir, déclara l'un d'entre eux.
- Plaisir partagé, déclara le sultan d'une voix chaleureuse ; Laissez-moi vous
présenter Belle Moor, la demi-sœur de la future mariée.
Belle faillit le rectifier mais sut que cela aurait de grandes conséquences.
Alors elle se contenta de sourire et accepta la poignée de main de l'homme.
- Franco Reza, c'est un plaisir de vous connaître, déclara-t-il d'une voix
douce.
- Mademoiselle Ford nous a bien caché qu'elle avait une demi-sœur aussi
ravissante, commenta l'homme qui accompagnait Franco.
Belle réprima un frisson quand elle croisa le regard de ce dernier dont l'intérêt
manifeste la rendit mal à l'aise.
- Alex Frost, se présenta ce dernier alors que les doigts du sultan se firent
plus présent dans son dos.
- Comment se fait-il qu'elle ne nous ait pas parlé de vous ? insista Alex.
- Belle est une jeune femme assez discrète, ce genre de démonstration n'est
pas de son goût, intervint Jafar mâchoires serrées.
Il connaissait suffisamment Alex Frost pour savoir que derrière ce regard de
concupiscence il y avait de grands projets. Inutile de se mentir plus
longtemps, il était temps d'admettre que dans cette salle, une seule femme
était parvenue à capter le regard des hommes.
Cependant, il savait sans l'ombre d'un doute qu'Alex Frost désirait plus et ne
se contenterait pas seulement de l'admirer. Les nerfs tendus, il sentit sous la
paume de sa main un dos raide, et comprit qu'elle se sentait gênée.
- Vraiment ? S'enquit Alex en lui souriant.
- Oui, vraiment, articula Jafar en lui décrochant un regard sombre.
Alex Frost perdit instantanément son sourire de charmeur et se racla la gorge.
Le guerrier implacable qui l'habitait lui hurlait de se jeter sur lui et de lui
arracher violemment la gorge. Cependant, et alors qu'il sentait la maitrise de
ses nerfs se perdre dans la noirceur qui l'entourait, Jafar déclara la gorge
serrée.
- Venez Belle, je vais vous présenter à d'autre convives.
Gentiment, avec le plus de délicatesse possible il poussa la jeune femme hors
de sa portée. Une fois loin, il l'entraîna vers une autre partie du salon et
déclara ;
- Je vous déconseille fortement d'approcher Alex Frost est-ce entendu ?
Ordonna-t-il d'une voix qu'il ne voulait pas menaçante.
La jeune femme cilla avant d'opiner en silence.
- C'est un homme dont les désirs se limitent à une nuit sans lendemain,
rajouta Jafar avec humeur.
- Et pas vous ? S'enquit celle-ci en fronçant des sourcils.
Jafar retint un sourire.
- Au risque de vous décevoir la réponse est non.
- Je suis surprise, je pensais que...
- Que j'étais l'un de ces hommes qui se réveille tous les jours mais jamais
avec la même femme à ses côtés ?
- C'est à peu près ça oui, avoua-t-elle en rougissant.
- J'apprécie beaucoup votre jugement à mon égard Belle mais vous faites
fausse route, dit-il d'une voix faussement calme.
- Je suis navré si je vous ai irrité mais il faut dire que votre charisme, votre
charme et votre statut peuvent laisser penser que vous êtes un homme bien
entouré. Vous avez beaucoup d'admiratrices.
Jafar esquissa un sourire en coin.
- Cela ne veut pas dire que je suis un homme comme Alex Frost.
- Certes, vous avez sûrement raison, dit-elle en haussant des épaules ;
Cependant vous ne pouvez pas m'empêcher de l'avoir pensé. Beaucoup
d'hommes mettent les femmes dans une seule et même catégorie.
Cette fois-ci Jafar plissa son regard, vivement intéressé.
- Je trouve cette conversation très intéressante, nota-t-il en la dévisageant ;
vous pensez que je suis ce genre d'hommes ?
- Je l'ignore, mais je sais qu'ils vous est difficile de distinguer celles qui ont
de bonnes intentions et celles qui n'ont qu'un seul et même but précis.
La jeune femme baissa les yeux, lèvres pincées. À l'évidence elle se méfiait
des hommes voire les fuyait.
- Suivez-moi, je voudrais vous montrer quelque chose.
Contre toute attente elle le suivit sans rechigner. Jafar la guida vers les
marches puis appuya ses deux mains sur la rambarde en bois massif.
De cette hauteur, il pouvait balayer la salle sans difficulté.
- Vous avez raison, Beaucoup d'hommes ne prennent pas le temps d'observer
une femme. Ce salon est inondé d'hommes riches mais il y a aussi des
femmes et elles ont toutes une histoire différente.
Belle resta attentive, le regard rivé sur les invités.
- Vous voyez cette femme vêtue de bleu à côte de son mari ?
Belle acquiesça.
- Elle s'efforce de sourire, mais derrière cette façade nous pouvons voir que
son intérêt est porté sur l'homme à sa droite Elle joue tristement avec son
alliance dans l'espoir d'être regardée, d'être désirée parce que son mari ne la
regarde plus alors elle cherche désespérément ce qu'il ne lui donne plus.
Belle regarda tristement cette femme puis se tourna vers lui, observant avec
un frisson ses mâchoires volontaires.
- À présent regardez celle-ci, reprit-il en pointant du menton une femme
rousse parée d'une belle robe nacrée.
- Que voyez-vous ? Demanda-t-elle d'une voix qui laissait entrevoir son
intérêt.
- Elle fait valoir ses courbes et se cambre à chacun de ses rires et cette
démonstration est destinée à l'homme en face d'elle. Il la regarde mais
demeure stoïque pour ne pas attirer l'attention de celle qui l'accompagne.
Choquée, Belle étudia la scène et en fut stupéfaite.
- Vous voulez dire que c'est sa maîtresse et que l'autre femme est sa
compagne.
Le sultan esquissa triste sourire avant d'acquiescer.
- Sauf que ni lui ni elle ne se doutent une seconde qu'elle est au courant de
leur liaison.
Il se redressa lentement puis passa une main dans son dos.
- Poursuivons, murmura-t-il en la guidant en bas des marches.
Frémissante sous le contact de ses doigts, Belle huma l'odeur boisée de son
parfum et crut défaillir.
- La jeune femme à votre gauche en revanche est l'opposé de ce que je viens
de vous montrer. Regardez son sourire. Elle rayonne de bonheur et n'essaye
pas de le cacher. Et derrière le regard sérieux de l'homme qui l'accompagne
nous pouvons déceler que chaque regard qu'il lui porte exprime de la fierté.
- C'est vrai qu'ils ont l'air heureux, murmura-t-elle d'une voix à peine audible.
- Et il y a vous, conclut-il en pointant du doigt une serveuse prostrée dans un
coin du salon, plateau à la main.
Belle sentit sa gorge se nouer.
- Après avoir fait le tour du salon elle a fini par abandonner et s'est
volontairement mise à l'écart. Dans ses yeux qui balayent les invités, je peux
voir de la tristesse mais aucune jalousie envers eux. Ce soir, elle aurait voulu
être regardée. Non parce qu'elle désire être séduite, elle veut juste qu'on la
regarde, qu'on estime la valeur de son travail, qu'on lui esquisse un sourire
pour la remercier parce que pour elle, son travail a beaucoup plus de valeur
que le nôtre. Ce n'est pas parce qu'elle ne porte pas des vêtements nobles
qu'elle n'a pas d'importance.
Le cœur serré, Belle pouvait sentir le souffle de l'homme sur sa peau sensible.
Il lui avait décrit cette jeune femme d'une voix basse, et il s'était presque
penché à son oreille pour ponctuer sa derrière phrase.
Au prix d'un effort surhumain elle se retourna, frôlant son torse, le regard
déjà levé vers lui.
- Alors mademoiselle Moor, votre jugement est-il toujours le même à présent
? Demanda-t-il d'une voix rauque.
- Vous êtes doué, admit-elle.
- Je ne suis pas doué, j'ai le sens de l'observation, rectifia-t-il en la couvrant
du regard qu'elle ne sut décrire.
- Jafar ? Le sénateur voudrait te parler, intervint Zuyad en se matérialisant à
ses côtés.
Belle s'écarta, ignorant délibérément la présence de Zuyad.
- Restez ici, ordonna-t-il avant de s'éclipser, la laissant seule avec son cousin
dont le regard était posé sur elle avec insistance.
Chapitre 14
- Est-ce que la soirée vous plaît ? Demanda Zuyad d'une voix dont
l'intonation n'était pas aussi féroce que son cousin.
- Jusqu'ici elle me paraît très agréable, répondit-elle en faisant preuve de
politesse.
Zuyad la dévisagea longuement avant de lui sourire.
- Sachez que j'ignorais tout de vous avant que mon cousin fasse des
recherches sur vous.
- Cela n'a pas beaucoup d'importance, assura Belle avec assurance...une
assurance qu'elle perdait pourtant en présence du sultan.
- Si, au contraire, insista Zuyad en la dévisageant de la tête aux pieds ; Si
j'avais su qu'elle m'avait menti à votre sujet, je ne me serais pas empressé
dans ce mariage.
Cet aveu surprenant prit Belle de court.
- Je ne pense pas qu'il vous soit utile de reconsidérer votre amour pour Eloïse
tout simplement parce que nous avons eu quelques différents.
Le jeune homme haussa des épaules avec négligence ce qui eut bon de la
choquer. Ce mariage avait-il un sens pour lui ?
- J'imagine que vous devez avoir hâte d'être de retour dans votre pays pour
célébrer votre mariage ? Lança-t-elle afin d'en apprendre davantage sur lui.
- Le mariage est un engagement irréversible, déclara-t-il d'une voix
mystérieuse.
Belle n'eut pas le temps de réagir car Eloïse se fendait déjà dans la foule pour
les rejoindre.
Belle se racla la gorge et s'écarta.
Si elle partait, les chances qu'elle attire des soupçons étaient faibles mais bien
présents. Alors Belle demeura silencieuse jusqu'à ce qu'Eloïse lui dévoile ses
talents de comédienne.
- J'espère que la soirée est à ton goût ? Lança celle-ci d'une voix faussement
aimable.
- Différente de celles que j'ai pour habitude de côtoyer, admit Belle en faisant
preuve de politesse.
C'est-à-dire dire aucune, songea-t-elle avec nostalgie. Sa dernière soirée
remontait à l'époque du lycée et elle en gardait un piètre souvenir.
- J'ai entendu dire que tu étais serveuse, ça ne doit pas être facile tous les
jours, lança Eloïse sans masquer la faible moquerie qui vibrait dans sa voix.
- Non, ça ne l'est pas, mais j'ai la chance d'avoir un patron adorable.
Zuyad posa son regard sur elle accompagné d'un sourire qui se voulait désolé.
Belle s'excusa d'un bref murmure inaudible puis les quitta pour se réfugier
dans l'autre partie du salon. Il était si vaste qu'elle avait l'impression d'être
perdue. Pire encore, elle se retrouva nez à nez avec Alex Frost.
- Quel plaisir de vous revoir si vite, dit-il d'une voix voluptueuse.
Belle se rappela alors de l'avertissement que lui avait donné le sultan
quelques minutes plus tôt.
Sa voix s'insinuait encore à son oreille, dangereuse et rauque.
- Difficile de ne pas se recroiser dans ce salon qui pourtant est si vaste, dit-
elle en jetant quelques coups d'œil aux invités. Le sultan était introuvable.
Abandonnée à son triste sort Belle redressa les épaules.
- Pardonnez-moi si je me montre insistant mais je suis curieux de connaître
les raisons qui ont poussé Eloïse à vous sortir de sa vie.
- Êtes-vous journaliste ? Demanda-t-elle en plissant des yeux.
- Non, je suis directeur de casting dans le mannequinat, répondit-il en faisant
glisser ses yeux sur elle d'une lenteur étouffante ; D'ailleurs si je peux me
permettre je serais ravi de vous recevoir à mon agence, vous êtes d'une beauté
renversante.
Jafar n'écoutait plus le sénateur depuis plusieurs minutes. Son regard était
porté sur Belle Moor qui avait dû faire face à Eloïse puis maintenant Alex
Frost. Les dents serrées il ne quittait pas la scène du regard.
Pendant un long moment il s'était demandé pourquoi il agissait comme si la
jeune femme lui appartenait. Il s'était pourtant juré de ne plus jamais se faire
distraire par une femme car son pays avait besoin d'un souverain responsable.
A une époque qui lui paraissait bien loin, Jafar avait été l'un de ces hommes
que lui avait décrit la jeune femme. Volatil, séducteur, et dont le cœur froid
n'éprouvait aucune culpabilité quand il s'agissait de se défaire d'une femme.
Jafar se souvenait de cette période de sa vie comme si c'était hier. Agé de
vingt-quatre ans il pensait qu'en tant que fils du sultan, rien ni personne ne
pouvait heurter ses faiblesses secrètement enfouies en lui. Hélas, les années
passées l'avaient rendu plus mature, et l'âge lui avait fait également
comprendre que cette vie de célibataire invétéré ne le mènerait qu'à une
profonde solitude. Après la guerre qu'il avait menée au côté de son père dont
la vie s'était malheureusement achevée sur ce champ de bataille, Jafar avait
pris la décision de combler ce vide. Jusqu'à ce qu'il soit confronté à la pire
des trahisons.
Depuis, il maudissait celles dont le regard n'aspirait qu'à rien d'autre que de la
cupidité. Mais dans le regard de Belle Moor, il y avait autre chose qu'il ne
parvenait pas à déceler. Il se sentait presque coupable d'éprouver du désir
pour cette jeune femme dont les yeux parvenaient facilement à le captiver. Et
dans les tourments de ses pensées il s'était fait la promesse de s'éloigner le
plus loin possible de cette dangereuse tentation. Hélas, à l'instant même où
elle avait franchi les portes de sa demeure, Jafar avait brisé cette promesse.
Il serra convulsivement son verre lorsqu'il vit Alex Frost s'approcher d'elle,
lui souriant dans l'intention de la séduire. Il s'empêcha alors d'intervenir pour
ne pas attirer la presse de son pays mais plus les secondes s'égrenaient, plus
Jafar sentait ses muscles se crisper. Et alors qu'il s'apprêtait à intervenir, il vit
la jeune femme contourner Alex Frost le laissant sur sa faim. Ce dernier
perdit son sourire et la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse derrières
les poutres en chênes.
Jafar s'excusa auprès du sénateur et passa de l'autre côté afin de la suivre à
distance. A l'évidence cette soirée qui débutait à peine commençait peu à peu
à l'ennuyer et elle n'était pas la seule. Le regard plissé, il la suivit du regard
alors qu'elle se faufilait sur le balcon. Désireux et poussé par la curiosité,
Jafar s'approcha doucement près de la fenêtre et la trouva, assise sur le banc
en marbre, admirant les horizons éclairés par les faibles lueurs de la lune.
- Je vous quitte une minute et je vous retrouve au beau milieu de la nuit noire.
Belle se releva d'un bond, saisit par des frissons qui n'étaient pas dû au froid
glacial de cette nuit noire.
- Vous étiez parti, l'accusa-t-elle en s'entourant de ses bras.
Soudain, l'éclairage extérieur illumina le balcon, lui donnant alors l'occasion
de sonder son regard au sien.
- Je vous ai pourtant dit de ne pas bouger et vous avez désobéie, contrat-il en
s'avança avec une lenteur délibéré.
- J'ignorais qu'il s'agissait d'un ordre, répliqua Belle.
- Et bien c'en était un mais je pense avoir aisément comprit que vous êtes
rebutée à l'idée même d'exécuter mes ordres, dit-il d'une voix profonde.
- Oh mais j'en ai exécuté quelques-uns ! Rappelez-vous dans le chalet, fit-elle
valoir en redressant le menton.
- Seulement parce que vous aviez peur, rétorqua-t-il en s'approchant de plus
près, lui donnant la sensation d'être encore prisonnière de cette paire d'yeux
d'acier.
- Quoi qu'il en soit, nous devrions rentrer avant que vous soyez victime d'une
pneumonie, reprit-il fermement en l'obligeant à le suivre.
Belle ne résista pas et se laissa conduire à l'intérieur, prenant acte de son
geste stupide.
- Alex Frost était avec vous, puis-je savoir ce qu'il voulait ?
Troublée, Belle rejeta sa tête son arrière afin de souder son regard au sien.
- Vous m'observiez n'est-ce pas ? Osa-t-elle demander en sachant
pertinemment qu'elle s'engageait sur un chemin périlleux.
- En effet, je vous observais, du moins je vous surveillais, admit-il en
esquissant un faible sourire qui la fit frémir ; Ne vous ai-je pas fait une
promesse ?
Si, c'était le cas, songea Belle en se massant les épaules. Cependant elle ne
comprenait pas pour quelle raison il se donnait autant de mal pour elle.
Maintenant que la presse l'avait vu, il n'y avait aucune raison pour lui de
poursuivre ce rôle de chaperon.
- Je vous ai aussi fait une promesse et je l'ai tenu, alors vous n'êtes pas obligé
de rester avec moi, même si votre présence m'aide à me sentir moins perdue.
Il demeura silencieux et impassible.
- J'admire votre franchise, finit-il par répondre ; mais rester avec vous ne me
demande aucun effort, au contraire.
Il combla le faible espace qui les séparait pour planter son regard dans le sien.
- Que voulait-il ? Vous ne m'avez pas répondu.
Égarée, Belle cligna plusieurs fois des yeux avant de recouvrir ses esprits.
- Il m'a dit qu'il serait ravi de me compter parmi ses mannequins.
- Vraiment ? Et qu'avez-vous répondu ?
Cette fois-ci elle se sentit vexée qu'il puisse penser qu'elle ait pu accepter
cette proposition.
- J'ai évidemment sauté de joie, une opportunité pareille ! Vous vous rendre
compte ?
Le regard du sultan se rembrunit, lui donnant l'impression que les ténèbres
étaient en train de l'aspirer.
- Vous avez accepté ?
- Non mais vous en revanche vous laissez entendre que j'ai pu l'envisager,
répliqua Belle d'une voix sèche.
Il laissa échapper une phrase en arabe.
- Alex Frost, sait se montrer convaincant, vous auriez pu accepter, se
défendit-il de sa voix sombre.
- J'ai refusé votre altesse, murmura-t-elle en se retournant vers le brouhaha
qui provenait du salon.
- Votre altesse, répéta le sultan d'une voix suave ; Je vois que ça commence
lentement à rentrer dans votre tête.
- Bientôt, je me l'inscrirais sur le front, railla-t-elle alors qu'elle pouvait voir
son regard s'assombrir.
- Je plaisantais, reprit-elle alors que son cœur s'emballait.
Il releva les yeux au-dessus d'elle.
- Venez, il est temps de passer à table.
Il prit reposa à nouveau sa main au creux de ses reins. Une fulgurante
décharge électrique agaça sa peau sensible. Au prix d'un effort surhumain elle
inspira profondément alors que les convives prenaient place autour des tables
rondes.
- Je vous en prie dites-moi qu'il y a des enfants et que je suis placée à cette
table.
Le sultan émit rire aussi bref que brûlant.
- Non, mais je suis certain que vous apprécierez le convive qui sera sur votre
droite, répondit-il en baissant les yeux sur elle.
Manifestement il s'agissait de lui, comprit Belle alors que son coeur partait
dans un assaut incontrôlable...
Chapitre 15
Distraite par ses propres réflexions Belle s'installa à la table centrale comme
un automate. L'homme à l'origine de son profond trouble prit place à ses
côtés. Le cœur battant elle se tourna vers l'homme qui se tenait à sa gauche.
Elle fut soulagée quand elle comprit qu'il s'agissait de Rachid, le bras droit du
sultan. Cependant, une fois prisonnière entre les deux hommes, Belle eut la
sensation que la table rétrécissait, lui donnant l'impression d'être dans un étau.
- Vous étiez sérieuse à propos des enfants? Lança-t-il à voix basse.
Le parfum qui s'émanait du sultan était si présent qu'elle pouvait déceler
chacune de ses effluves enivrants.
- Bien sûr, affirma-t-elle en osant à peine le regarder ; Vous n'imaginez pas à
quel point les enfants ont de grandes et divertissantes conversations. Avec
eux difficile de s'ennuyer.
- Vous avez déjà travaillé avec des enfants ?
- Oui, j'étais babysitteur avant de travailler comme serveuse, je m'occupais
d'un petit garçon adorable.
- Ceci explique cela, dit-il brièvement.
Belle tourna sa tête vers lui et fut confronter à un visage impassible. Il était si
près d'elle qu'elle pouvait déceler chaque parcelle de ses traits ciselés.
Quelque chose de dangereux s'émanait de ses traits. Elle réprima un frisson
puis dévia son regard sur la personne assise en face d'elle.
Il s'agissait d'Eloïse.
Cette dernière lui jeta un regard hostile qu'elle tenta d'ignorer.
Demain cette soirée ne sera plus qu'un souvenir, songea-t-elle pour se donner
la force de résister à la tentation de fuir cette mascarade.
Demain, elle allait retrouver sa vie bien rangée, songea-t-elle en jouant avec
les couverts sur sa droite.
- Vous êtes tendue, remarqua le sultan en la tirant de ses songes.
- Je le suis, cette situation me rend nerveuse, admit-elle doucement.
- Vous êtes à mes côtés, dit-il d'une voix grave et à la fois rassurante.
Devait-elle pour autant être rassurée ? Alors qu'il était l'essence même de la
peur qui lui nouait le ventre.
Belle préféra se taire et dégusta l'entrée avec appétit tout en remarquant la
délicate attention posée dans son assiette.
À l'inverse des invités elle avait eu le droit à une délicieux part de foie gras
accompagnée de pain d'épice.
- Vous aimez ?
À cette voix chaude Belle réprima un sursaut.
Elle savait que si jamais elle s'aventurait à plonger son regard dans le sien,
elle prenait le risque d'en être prisonnière. Elle le fit, et sentit son être se
glacer instantanément.
- Oui, je vous remercie pour cette délicate attention, s'entendit-elle murmurer
alors que son ventre se nouait d'une brûlante chaleur.
Le sultan se mit à l'observer comme un lion sur le point de s'emparer d'une
gazelle. Belle sentit sa respiration devenir presque erratique. Il y avait
quelque chose en lui qu'elle ne parvenait pas à déceler. Il dégageait une telle
impression de force physique que Belle n'avait aucune peine à deviner ce
dont il était capable.
- Je n'ai pas oublié comme vous pouvez le remarquer.
- Vous auriez pu.
- Au risque de vous voir tomber dans les pommes, murmura-t-il d'une voix si
basse qu'elle était la seule à pouvoir l'entendre.
- Parfois j'aimerais bien tomber dans les pommes d'ailleurs ça m'est déjà
arrivé.
Une lueur d'inquiétude brilla dans les yeux de l'homme.
- Il y a longtemps ?
- Il y a quatre mois, en plein milieu du service, répondit-elle brièvement ;
Avant mon malaise, un client s'énervait sur moi parce qu'il n'avait pas sa
commande. Une minute plus tard c'était le trou noir. Lorsque je me suis
réveillé, j'étais dans un lit. J'ai échappé à la méprise de ce client et j'en suis
plus que ravie.
- Vous étiez soulagée de vous être évanouie pour cette raison ? S'enquit le
sultan en levant un sourcil.
- C'est ridicule n'est-ce pas ?
- Pas ridicule mais plutôt intéressant, dit-il en s'écartant pour que le serveur
puisse poser les assiettes.
- Rassurez-vous ce désir d'échapper à une situation en louant l'intervention
d'un malaise m'est arrivé qu'une fois.
- Vraiment ? Pas même avec moi ? Alors que votre seul désir au moment
précis de notre rencontre était de me fuir à tout prix.
Il disait vrai...
Mais n'importe quelle femme avec un semblant d'intelligence aurait voulu
fuir ce guerrier implacable.
- Qui n'aurait pas ressenti le désir de vous fuir, dit-elle fuyant son regard
ténébreux.
- Un nombre assez conséquent de femmes se serait jeté sur l'occasion.
- Pas moi.
- En effet, pas vous, admit-il dune voix mystérieuse ; J'aime que l'on me
regarde dans les yeux lorsque je m'exprime.
L'autorité qu'elle perçut dans sa voix la fit frissonner. Le cœur battant à tout
rompre, elle releva son regard sur le sien.
- Pourquoi avez-vous ressenti le désir de me fuir ?
- Vous vous posez encore la question ? Demanda-t-elle d'une voix interloqué
; l'évidence ne vous a donc pas frappé ou vous avez pour habitude qu'une
femme se jette sur vous sans se poser de questions ?
Un sourire aussi tranchant qu'un couteau se dessina sur ses lèvres dures.
- En général elles ne se posent aucune question.
Belle réprima le rougissement qui lui montait aux joues.
- Mais comme vous avez pu le constater, je suis jeune et dépourvue de toute
connaissance de votre univers ce qui explique peut-être mon envie de fuir.
L'expression rembrunit, sa paire yeux cendré se baissa sur sa bouche alors
que ses mâchoires volontaires semblaient crispées.
- Est-ce seulement pour ces deux raisons ?
- Non, il y en a d'autres mais vous n'êtes pas sans le savoir.
Jafar retint un sourire. Belle Moor n'était pas seulement différente, elle était
aussi intéressante car son jugement était aussi sincère que ses yeux bleus
l'étaient chaque fois qu'elle le regardait.
Elle se permettait ce que bien d'autres avant elles ne s'étaient jamais permise
de faire.
Ses grands yeux de biche emplis d'inquiétude étaient la raison qui le poussait
à la laisser faire une pareille folie.
- Éclairez-moi Belle, insista Jafar en oubliant presque le restes des convives.
Elle posa sa fourchette en exhalant un soupir tremblant.
- Que pensez-vous de moi ? Soyez sincère.
- Ma sincérité n’a pas aidée jusque-là, répliqua-t-elle en lui jetant un regard
méfiant ; Elle m'a attiré que des ennuis.
- Je vous promets que je ne prendrais pas mal votre jugement, lui promit-il
impatient ; Alors ? Que voyez-vous en moi ?
Elle se pinça les lèvres avant de répondre.
- Je vois un homme mystérieux et qui ne révèle pas tout de lui. Vous êtes
tendu, ce qui me laisse penser que vous n'êtes pas vous-même. C'est comme
si vous étiez tenu de jouer un rôle qui menace de s'écrouler à tout moment.
C'est peut-être pour cette raison que vous me faites autant peur. Parce que
vous n'êtes pas ce que vous voudriez être ou ce que vous êtes réellement.
Jafar en resta sans voix et dut faire appel à toutes ses forces pour résister à
l'afflux qui courrait dans ses veines. Il était presque admiratif devant cette
jeune femme qui venait dépeindre l’exacte vérité.
- Ai-je raison ? Demanda la jeune femme nerveusement.
- Vous avez entièrement raison, je ne suis pas ce que je suis habituellement et
vous devriez vous en estimez heureuse, répondit-il d'une voix grave qui
résonnait presque comme un avertissement.
- J'en prends note votre altesse, glissa-t-elle avant de reporter son attention
sur le plat qui venait de lui être servi.
Jafar fixa avec intensité l'incarnat de ses lèvres et fut confronter à un violent
et irrésistible désir de les couvrir.
Pire encore...
Il n'avait pas le souvenir d'avoir un jour ressenti un tel désir brutal...presque
vorace.
Pas même pour son ex-femme.
Avec humeur il se redressa, balayant d'un regard sévère les invités. Il glissa
quelques mots à Rachid en arabe afin qu'il presse le dîner et les desserts
furent servis à la hâte.
Quand vint le moment du café, la jeune femme le refusa poliment et se
tortilla nerveusement sur sa chaise. À son opposé, Eloïse assurait l'ambiance
armée de son plus beau sourire. Cependant, un détail l'alerta. Zuyad lançait
des regards en coin dans leur direction surtout sur la femme installée à sa
gauche. Toute la soirée il avait observé le comportement des hommes et tous
l'avaient regardé avec cette persistante lueur de convoitises. Toutefois il se
méfiait de son intrépide cousin et pour se faire entendre, Jafar lui lança une
œillade assassine.
- Je suis épuisée, puis-je monter maintenant ? Demanda-t-elle d'une voix
presque suppliante.
Jafar quitta Zuyad du regard pour le dévier sur elle.
- Je vais vous raccompagner, décréta Jafar en se levant, très vite imité par les
invités qui se levèrent respectueusement.
Il la raccompagna à l'étage et une fois devant la porte, Jafar éprouva le besoin
de rester jusqu'à la fermeture définitive de celle-ci.
- Je tenais à vous remercier pour m'avoir aidé ce soir et le dîner était
excellent.
- Je vous remercie également d'avoir été présente, dit-il en lui souriant.
Belle réprima un frisson délicieux qui courrait sur sa nuque et lui sourit à son
tour.
- Je vous souhaite une bonne fin de soirée.
- Je viendrais vous chercher demain matin, bonne nuit mademoiselle Moor.
Belle le regarda partir d'un pas bourru et referma la porte avec l'intention
ferme de quitté cette demeure avant l'aube...
Chapitre 16
Au petit matin, Belle s'était levée à l'aube comme prévu. Elle quitta le pyjama
en coton que lui avait prêté le sultan pour remettre ses vêtements froissés.
Délicatement elle reposa les chaussures près du lit et allongea la robe
magnifique sur le couvre-lit. Pendant un bref instant Belle avait l'impression
d'être cendrillon sur le point de retourner à sa triste vie.
Chassant cette curieuse pensée Belle avisa la porte mais sut que si elle
l'ouvrait elle avait plus de chances d'attirer l'attention que si elle passait par le
balcon.
Déterminée elle ouvrit les portes et fut frappé par le vent glacial. Étirant une
grimace elle activa son GPS sur son téléphone pour qu'il détecte l'endroit où
elle se trouvait.
Puis son regard se porta sur l'immense portail infranchissable. Les murs
étaient hauts mais les arbres qui les sillonnaient lui donnaient une chance de
les franchir.
- D'après vous miss Moor, quelles sont les probabilités que vous vous
rompiez le cou ?
Belle poussa un cri à la hauteur de sa frayeur. Elle se retourna et se retrouva
nez à nez avec l'homme qui la hantait jour comme de nuit.
Ses yeux brillaient d'une dangereuse lueur. Il l'observait sévèrement,
immobile à l'entrée du balcon.
- Qu'est-ce que vous faites ici ? Demanda-t-elle d'une voix tremblante.
- Je vous retourne la question ! Siffla-t-il en comblant l'espace qui les séparait
; Je peux savoir ce que vous êtes en train de faire.
- J'admire la vue, mentit-elle maladroitement.
- Petite menteuse, gronda-t-il en encerclant son bras pour la ramener à
l'intérieur.
Belle réprima un frisson d'angoisse incontrôlable alors qu'il refermait les
portes vitrées.
- Je pensais que tous le monde dormait encore et je...
- Je suis l'un de ces hommes qui se lèvent tôt, la coupa-t-il brutalement en lui
prenant son téléphone des mains.
Scandalisée Belle écarquilla les yeux.
- J'ignorais que l'on avait besoin d'un GPS pour étudier la vue, dit-il en lui
rendant son téléphone ; Êtes-vous idiote ou seulement imprudente ?
- Les deux peut-être, dit-elle sèchement.
Ce n'était pas le même homme, nota-t-elle parcourue par un froid glacial.
Rictus aux lèvres, son regard noir porté sur elle était menaçant voire
mécontent.
- Je vous ai promis qu'un chauffeur vous ramènerez, pour quelle raison tordue
vous désirez encore me fuir ?
- C'est la situation que je tente de fuir, pas vous particulièrement, répondit-
elle en affrontant son regard non sans vaciller.
- Dans ce cas je vous suggère de patienter encore un peu au lieu de vous
mettre en danger inutilement, répliqua-t-il sèchement ; À présent suivez-moi.
C'était un ordre tranchant et qui n'avait pas le droit à la réplique.
Belle le suivit les mains moites.
Il était si rapide qu'elle avait du mal à le rattraper. Il ouvrit deux grandes
portes à la volée et lui indiqua la chaise en face de la sienne.
Belle remarqua que la table était garnie de délicieuses pâtisseries.
- Lorsque je suis venu à votre rencontre la première fois j'ai crû que vous
étiez simplement désarmée et naïve dans ce chalet dont le toit menaçait de
s'effondrer.
Il marqua une pause dans laquelle il lui servit une tasse de thé.
- Jusqu'à aujourd'hui, car je réalise que vous êtes tout simplement stupide.
- Mon père disait toujours que l'instinct survie peut nous inciter à faire des
choses stupides, rétorqua-t-elle en haussant des épaules.
- L'instinct de survie ne vous sera d'aucune utilité s'il me prend l'envie de
vous étrangler, répliqua le sultan d'une douceur menaçante.
Belle frémit de peur mais tenta de ne rien montrer.
- Nous sommes des inconnus l'un pour l'autre, alors pourquoi auriez-vous
envie de m'étranger ?
- Parce que vous avez franchie la limité de ma faible patience.
- Bientôt, je ne serais plus qu'un souvenir, soyez patient quelques minutes
votre altesse, le babysitting est bientôt fini, déclara Belle avec humeur.
- Au vu de votre comportement irresponsable je veux bien endosser ce rôle
mais ne vous y trompez pas mademoiselle Moor, vous employez des mots qui
pourraient dangereusement prendre acte sur-le-champ si je le voulais, dit-il
d'une voix étrangement douce.
Belle affronta sa paire d'yeux menaçante et décida d'arrêter cette guerre
qu'elle était sur le point de perdre. Son comportement irrationnel mettait à
mal ses propres pensées. En réalité, si elle voulait fuir cet endroit c'est parce
qu'il regorgeait de choses qu'elle enviait secrètement. Elle était jalouse, parce
que jamais elle ne parviendrait à accéder à ses rêves, ses espoirs. Elle avait
presque honte d'elle-même. Honte d'être une serveuse au milieu de toute cette
haute société. Il s'était servi d'elle autant que sa belle-famille. Car à la fin de
cette parenthèse, elle allait retourner à sa vie. Elle n'avait rien gagné, si ce
n'est la certitude que ce monde n'était pas le sien.
- Je veux juste rentrer chez-moi, finit-elle par dire en retenant un sillon de
larmes.
Jafar plissa son regard en étudiant les yeux brillants de la jeune femme.
Soudain sa colère disparut, très vite remplacée par un serrement au cœur.
Elle semblait tout à coup très triste et fuyait son regard en reniflant.
Il eut presque envie de se lever pour la réconforter peut importe s'il était à
l'origine de ses tourments. Bon sang ! Qu'est-ce qu'il lui prenait ?
- Buvez votre thé et je vous raccompagne, déclara Jafar d'une voix plus
amène.
Devant ce silence obstiné il se contenta de la regarder. Ses cheveux blonds
faisaient ressortir sa peau diaphane et lisse. Ses yeux luisaient d'un voile
brillant ce qui suffit à intensifier ce bleu saphir.
Il désirait cette jeune femme si bien qu'elle annihilait chacun de ses sens.
Hélas, Jafar savait qu'il devait garder ce désir pour lui au risque de passer
pour le pire des monstres. Bien que têtue, elle était d'une rare beauté et d'une
intelligence qui lui faisait presque oublier son âge.
Et c'est exactement pour cette raison qu'il devait impérativement se tenir à
l'écart avant que l'autre partie de lui réponde à cette tentation.
Une heure plus tard il s'arrêta à hauteur de son immeuble en sachant qu'il ne
la reverrait probable jamais. Son séjour New-York s'achevait au plus tard ce
soir.
Il serra convulsivement les mâchoires et ouvrit sèchement la portière pour
s'empresser d'ouvrir la sienne.
- Merci, murmura-t-elle d'une voix à peine audible.
Il pouvait déceler son pouls s'affoler sans même la toucher.
Pour faire durer l'instant il l'accompagna jusqu'à sa porte tout en avisant celle
en face de la sienne.
- Je vous remercie de m'avoir raccompagné, dit-elle en esquissant un sourire
timide.
- Cela ne m'a demandé aucun effort, au contraire, déclara Jafar en plongeant
son regard dans le sien.
Jafar écarta les pans de son manteau pour récupérer l'enveloppe.
- Tenez c'est pour vous ?
Elle avisa l'enveloppe d'un oeil méfiant puis la prit.
- J'espère que ce n'est pas.....
- Rassurez-vous, cette enveloppe ne contient pas un pot de vin pour vous
remercier.
- Mais elle contient de l'argent, constata la jeune femme en l'ouvrant.
- J'ai parlé au propriétaire du chalet, pour moi il était injuste qu'ils conservent
la somme d'argent que vous leur avez donné. Vous avez passée une seule nuit
là-bas et dans des conditions exécrables. Je suis donc parvenu à ce qu'ils vous
rendent la somme qui vous revient.
Surprise, elle battit lentement des cils.
- Mer...merci mais vous n'étiez pas obligé.
- Considérez ceci comme un cadeau de noël.
Belle en eut le souffle coupé. Touchée elle baissa les yeux sur l'enveloppe. En
fin de compte elle ne partait pas sans rien, songea-t-elle en relevant les yeux
sur le sultan.
- Merci infiniment.
- Prenez soins de vous Belle, je vous remercie pour m'avoir aidé à calmer la
presse et je vous souhaite de ne plus jamais recroiser ma route.
Belle cilla puis esquissa un sourire.
- Votre sincérité me touche.
- Je suis toujours sincère à quoi bon mentir, déclara-t-il en se penchant
légèrement ; Nous savons l'un comme l'autre que nous étions prisonniers dans
un rôle mais à présent...
Il se recula, laissant le silence répondre à sa place.
- Au revoir Belle.
Sans un mot elle regarda ce bel homme au regard menaçant disparaître dans
le couloir en sachant qu'elle ne le reverrait jamais.
Et c'était peut-être mieux ainsi...
Chapitre 17
Avec rage Jafar plaqua les magazines sur la grande table de réunion. Les
tabloïds de son pays et ceux de New-York poursuivaient leur acharnement
depuis plus d'une semaine et visiblement, il n'avait pas le pouvoir de les
arrêter.
- Nous mettons tout en œuvre pour faire cesser cette rumeur votre altesse,
soyez patient, déclara l'un de ses conseillers.
Jafar dévisagea les dix hommes présents autour de la table avec humeur.
- Il me semble avoir déjà entendu ça il y a déjà quatre jours et pourtant rien
ne change, dit-il d'une voix tranchante.
Ils baissèrent les yeux, incapables de lui trouver une explication limpide.
Voilà plus d'une semaine qu'il était de retour à Rhayad pour assurer son rôle
auprès de son pays. Mais à peine avait-il posé le pied sur les terres qu'il
chérissait tant que la presse locale avait publié une photo de lui en compagnie
de cette jeune femme qu'il avait énormément de mal à oublier.
Son parfum, son visage, son sourire...
Pas une seule parcelle de cette femme parvenait à se défaire de son esprit.
La nuit, elle venait le hanter dans son sommeil, dans des rêves érotiques et il
se réveillait en sueur, dents serrées.
Jafar s'extirpa de ses songes et baissa les yeux sur la photo prise en bas de son
immeuble. C'est en la regardant de plus près qu'il réalisa que son désir était
aussi flagrant qu'à ce moment précis.
Elle était de dos, aiguisant sa frustration de ne pas pouvoir revoir son joli
visage.
Jafar dut s'infliger une violence intérieure pour renverser le magazine afin de
ne plus voir cette photo.
" Le sultan le plus convoité flash pour une jeune et belle Américaine "
Le titre était tout aussi pénible que les autres articles sur internet.
- Avez-vous des nouvelles de Grant ? Il devait vérifier si mademoiselle Moor
allait bien ?
- Elle semble peu soucieuse voire pas du tout informé de ce qu'il se passe
réellement.
Jafar fronça des sourcils l'air perplexe.
- Une armée de journalistes campent devant son immeuble depuis hier soir et
vous êtes en train de me dire qu'elle se balade tranquillement sans être
inquiétée ?
Soudain Jafar se mit à douter d'elle. Il avait aimé sa peur d'être impliquée
dans la presse, aujourd'hui on lui rapportait qu'elle vagabondait devant eux
sans le moindre soucis.
Était-ce un piège ?
- Il doit s'agir d'une erreur, siffla-t-il entre ses dents.
- Ce que nous sommes en train de vous dire c'est que selon les informations
de Grant, Mademoiselle Moor n'est pas dans son appartement, elle semblait
d'être volatilisée.
Jafar sentit ses mâchoires tressaillir et dut faire appel à tout son self-control
pour ne pas attraper Jamil à la gorge.
- Volatilisée ? Répéta Jafar d'une voix qui trahissait son impatience.
- Ou...oui, depuis trois jours elle n'est pas rentrée chez-elle.
- Avez-vous vérifié si elle n'avait pas un amant ? Un petit-ami ? S'enquit Jafar
aiguillonné par une indescriptible jalousie en l'imaginant dans les bras d'un
autre.
- Ses informations s'arrêtent à ce que vous aviez demandé Votre altesse, il n'y
a rien d'autre sur elle.
Gagné par la colère il pianota ses doigts sur la table puis se leva d'un bond.
- Avez-vous vérifié à son travail ?
Certains se regardèrent pendant que d'autres baissèrent les yeux, embarrassés.
Jafar poussa un grognement à la hauteur de leur incapacité.
- Nous allons vérifier ça tout de suite, s'empressa de dire l'un d'entres eux.
Jafar l'observa partir les yeux noirs puis se retourna pour observer la vue de
son jardin bercé par le soleil intense du désert.
- Il faut impérativement retrouver Belle Moor et s'assurer qu'elle n'est pas
poursuivie par la presse.
Jafar enfonça ses poings dans les poches de son pantalon alors que l'image de
la jeune femme s'imposa dans son esprit.
- Comment allons-nous faire pour que la presse cesse de rapporter cette
rumeur ? Demanda l'un de ses conseillers : Beaucoup de personnes
s'interrogent votre altesse.
- Je ferais un communiqué dès que possible, quand j'aurais la certitude que
mademoiselle Moor n'est pas la cible des journalistes américains.
- Vous pensez qu'elle aurait pu attiser les rumeurs ? S'inquiéta Jamil.
Jafar ferma les yeux, crispant ses mâchoires pour contenir sa colère. Le doute
s'installait et il ignorait s'il se trompait.
- Je l'ignore, et c'est pour cette raison qu'il faut la retrouver, déclara-t-il
sèchement ; Si jamais elle s'est entretenue avec la presse américaine je ne
peux pas faire de communiqué au risque de m'enfoncer dans cette situation
complexe.
Pourtant, il refusait d'y croire. Hélas, par le passé, beaucoup de femmes
s'étaient empressées de parler à la presse sans qu'il se passe quoi que ce soit
entre eux.
C'est pour cette raison qu'il se méfiait même si Belle ne lui avait pas donné
l'impression d'être avide de popularité.
Extirpé de sa torpeur par la sonnerie du téléphone posé à l'extrémité de la
grande table, Jafar détourna la tête sans prendre la peine de se retourner.
- C'est sans doute Rachid, en espérant qu'il m'apporte une bonne nouvelle,
dit-il abruptement ; Mettez-le sur haut-parleur.
Une fois mit, Jafar attendit patiemment qu'il parle. Au bout de cinq secondes
de silence Jafar sentit sa patience faiblir.
- Oui ! Aboya-t-il le regard toujours fixé sur l'immensité du jardin.
- Vous m'aviez fait une promesse et vous semblez l'avoir oublié monsieur Al-
Zyhar !
Il lui fallut plusieurs secondes pour réaliser qu'il s'agissait de la jeune femme
disparue. Il fit volte-face, savourant un bref instant sa délicieuse voix. Les
conseillers restèrent silencieux, mais inquiétés.
- Allô ? Est-ce que vous m'entendez ?
- Je vous entends miss Moor, dit-il s'approchant de la table ; D'ailleurs tout le
monde aura le plaisir de vous entendre.
- Oui je sais, je suis en plein service, beaucoup de monde risque de
m'entendre.
Jafar fronça des sourcils. Elle ne semblait pas comprendre qu'elle était sur
haut-parleur.
- Croyez-moi je suis affreusement navrée de vous importuner de la sorte mais
je ne le ferais pas si la situation n'était pas aussi urgente. Je ne savais pas qui
appeler.
- Puisque je suis le principal concerné votre choix était le bon, déclara Jafar
d'une voix faussement calme.
Entendre sa voix lui donnait presque l'impression qu'elle était là. Un désir
fiché entre ses reins, Jafar le réprima pour se concentrer sur l'unique cause de
son appel.
- Évidemment que vous êtes concerné puisque c'est en partie de votre faute !
Et je suis surprise que vous soyez déjà au courant, S'exclama-t-elle d'une voix
étranglée.
Jafar demeura impassible mais peu à peu certain qu'elle n'avait pas parlé à la
presse.
- Soyez certaine que je suis en train de me charger de la presse, bientôt elle
vous laissera tranquille.
- La presse ? Répéta-t-elle en balbutiant ; Parce que la presse est impliquée
maintenant ?
Cette fois-ci une incompréhension générale figèrent ses conseillers et lui-
même.
Jafar s'approcha de la table pour y poser ses paumes de main, le regard rivé
sur le téléphone. Pourquoi semblait-elle aussi surprise pour la presse alors
que la raison même de son appel était pour ça ?
- Mademoiselle Moor êtes-vous sûre que vous allez bien ?
Un souffle désespéré se fit entendre.
- Pas trop non, et encore moins maintenant que vous m'avez fait part de cette
nouvelle.
Jafar fronça des sourcils interloqué et comprit très vite que son problème
n'avait aucun lien avec le sien.
- Je perds patience, avoua-t-il d'une voix grave ; Je peux savoir de qui ou de
quoi nous sommes en train de parler ?
- Mais de Alex Frost bien sûr ! S'écria-t-elle désespérément ; De qui d'autre ?
Jafar se redressa lentement sous les regards interloqués des hommes présents
dans la pièce.
- Un jour après votre départ il s'est présenté chez-moi avec des intentions loin
d'être honorables. Je l'ai repoussé à maintes reprises mais il ne semble pas
comprendre ce que signifie le mot " Non ".
Jafar sentit son sang bouillir dans ses veines. Il s'était trompé sur elle. Encore
une fois. Le pire c'est qu'elle ne semblait pas au courant de l'affaire qui les
unissait.
- La première fois que je vous ai vu j'ai cru que vous étiez un psychopathe
mais ça c'était avant de savoir qu'il y avait pire que vous, reprit la jeune
femme en créant l'hilarité générale à l'exception de Jafar qui reconnut ce
timbre craintif dans sa voix.
Le même qu'à leur première rencontre.
- Savez-vous que j'ai dû passer noël séquestrée chez-moi avec une ambiance
tamisée pour donner l'illusion que je n'étais pas chez-moi ? Il m'envoie des
fleurs et il s'est même présenté à mon travail et il a attendu la fin de mon
service. J'ai dû passer par derrière pour rentrer chez-moi. Mon patron et sa
famille m'ont gentiment hébergée pour quelques jours pour qu'il se lasse
mais...
Elle marqua une pause dans laquelle Jafar ordonna qu'on lui prépare son jet
privé.
- Je me demandais si vous n'aviez pas une connaissance aussi terrifiante que
vous à New-York qui puisse m'aider à lui faire peur ? Pour qu'il me laisse
tranquille.
Belle réprima un frisson d'angoisse alors qu'elle faisait face à un terrible
silence.
- Je serais bien partie voir la police mais je sais qu'ils prendront mon cas
comme un sujet mineur, reprit-elle avec l'espoir qu'il se manifeste.
Allait-il la laisser faire face toute seule ? Après tout elle n'avait plus aucune
importance, songea-t-elle en jouant avec son tablier.
- Votre altesse vous êtes toujours là ?
- Son altesse est partie pour embarquer à bord de son jet privé, déclara une
voix méconnue ; Il sera là dès que possible.
Belle faillit lâcher son téléphone, alors que l'air lui manquait.
- Oh...non..je dites-lui que c'est inutile qu'il se déplace personnellement je...
- Je regrette mademoiselle, on ne conteste pas les décisions du sultan, acheva
l'homme avant de raccrocher sans lui laisser le temps d'insister....
Chapitre 18
Belle jeta son énième coup d'œil en direction de la baie vitrée avec l'espoir de
ne pas voir cette Mercedes noire sur le trottoir d'en face. Elle avait
l'impression d'être folle, paranoïaque. À la soirée des fiançailles, Alex Frost
lui avait paru charmant mais séducteur. Belle avait alors prit note des conseils
que lui avait donné Jafar Al-Zyhar. Voilà plusieurs jours qu'elle était victime
de son acharnement si bien qu'elle craignait de plus pourvoir traverser le
trottoir sans qu'elle le voit surgir de nulle part. Il s'était montré insistant avec
cette proposition de faire d'elle un grand mannequin. Bien sûr Belle n'y avait
pas crû. Puis il lui avait envoyé deux bouquets de fleurs ainsi que des
chocolats. Si l'intention semblait sincère, Belle avait fini par comprendre qu'il
s'agissait pour lui d'un jeu dans lequel seuls ses intérêts comptaient.
Belle s'était alors montrée ferme avec l'espoir qu'il se lasse.
- Belle ?
Réprimant un sursaut de peur, elle se retourna.
Georgio esquissa un sourire rassurant.
- Il est plus de vingt-deux heures Belle, lui indiqua son patron ; Tu devrais
rentrer chez-toi à moins que tu veuilles venir à la maison.
Cette proposition la toucha mais elle devait la refuser. Être hébergée par son
patron n'allait pas rendre la situation moins dramatique.
- Je te remercie infiniment pour ton aide Georgio mais je dois refuser.
- Tu es sûre ?
Non, elle n'était pas sûre mais il le fallait.
De plus, un autre problème de taille l'attendait. Prise par une folle idée, Belle
avait tenté de joindre le sultan. Au moment précis où elle avait entendu sa
voix elle s'était rendu compte de l'énorme erreur qu'elle avait commise.
Pourquoi lui ? Pourquoi s'était-elle sentie obligée de le joindre avec la
certitude qu'il ne répondrait pas à son appel ?
Elle s'était lourdement trompée et à présent, il s'apprêtait à débarquer sans
qu'elle ait pu contester sa décision.
Son cœur battait déjà à la chamade.
- Oui, je suis sûre Georgio, répondit Belle en retirant son tablier ; Il est temps
pour moi de rentrer, je ne pas fuir mon propre appartements simplement
parce qu'un type se montre insistant.
Elle enfila son manteau sous l'air perplexe de son patron.
- Tu veux que je te ramène ? Il fait nuit noire, ce n'est pas raisonnable.
- Je rentre chez-moi à pieds tous les soirs Georgio, lui rappela-t-elle avec un
sourire rassurant.
- Très bien, abdiqua ce dernier en s'écartant pour qu'elle passe derrière le
comptoir.
- À demain Belle.
Elle avala péniblement sa salive en quittant le restaurant. Son cœur battait si
vite qu'elle peinait à respirer.
La main plongée dans son sac à main, les doigts agrippés sur sa bombe de
défense, Belle emprunta le trottoir sombre et silencieux jusqu'à ce qu'elle
entende derrière elle une voiture roulant à faible allure.
Belle accéléra le pas alors que l'éclairage des phares éblouissaient son champ
de vision. Puis soudain la voiture s'arrêta et un bruit de portière se fit
entendre. Saisie par une frayeur indescriptible, Belle sortit sa bombe et se
retourna avant qu'une main ferme immobilise son poignet.
Belle hoqueta en relevant son regard horrifié sur la grand et massive
silhouette. Elle croisa des yeux orageux et son sang se figea avant de devenir
brûlant.
Le sultan était là, la dominant de toute sa hauteur. Son éternel regard sévère
se mit à briller d'une lueur mystérieuse.
- Le psychopathe numéro 1 est de retour, glissa-t-il d'une voix caressante.
Belle exhala un long soupir qui exprimait presque un soulagement indéniable.
Il lâcha son poignet sans la quitter des yeux et une étrange sensation couvrit
sa peau d'un irrésistible frisson.
- Com...comment avez-vous fait pour arriver aussi vite ? Parvint-elle à dire en
le dévisageant.
- Les pouvoirs d'un jet privé, dit-il brièvement.
Il avisa son arme avec un sourire voilé par les ciselures de ses traits.
- Vous comptiez faire quoi avec ça ?
- Je comptais vous asperger avec mais j'ignorais qu'il s'agissait de vous, dit-
elle en grimaçant l'air désolé avant de reprendre.
- C'est impossible, murmura-t-elle en refusant d'y croire alors qu'il se tenait
bel et bien devant elle.
Il se rapprocha, exposant son visage dans l'éclairage des phares. D'instinct,
Belle se recula.
- Pourtant ça l'est mademoiselle Moor, dit-il d'une voix chaude.
Agrippant la lanière de son sac, Belle baissa un instant les yeux, troublée par
son regard qui n'avait eu de cesse de la hanter, si bien qu'elle se demandait à
présent si ce n'était pas lui, le plus terrifiant des deux.
- Vous n'étiez pas obligé de faire tous ces kilomètres pour moi.
- Au contraire, rétorqua-t-il plus durement ; je me sens en partie responsable
de cette situation, vous mettre en danger n'était pas mon but. Alex Frost a
pour réputation d'être un sale type dont les rumeurs s'avèrent toujours
exactes.
Un sentiment mystérieux lui comprima le cœur. En fait, elle avait presque du
mal à accepter qu'il se soit déplacé uniquement pour elle. Jusqu'ici personne
ne s'était donné autant de peine pour elle à l'exception de son père.
- Psychopathe hein ? Murmura-t-il d'une voix caressante.
Belle se sentit rougir à la hauteur de la honte qu'elle portait sur son visage.
- Ce...ce n'est pas exactement ce que j'ai dit, bafouilla-t-elle en riant
nerveusement.
- Oh si mademoiselle Moor vous l'avez dit et j'ai une bonne dizaine
d'hommes pour vous le confirmer, affirma le sultan.
- Je ne comprends pas, dit-elle en fronçant des sourcils.
- Vous étiez sur haut-parleur, je pensais qu'il s'agissait de Rachid, autrement
dit, l'intégralité de mes conseillers ont entendu notre échange
particulièrement étrange.
Belle ferma les yeux en se maudissant intérieurement.
- Je suis, affreusement navrée et je n'avais pas...
- Peu importe, la coupa-t-il en retirant son long manteau noir pour le passer
autour de ses épaules.
Lorsque ses longs doigts s'aventurèrent sur sa nuque pour rajuster le col,
Belle se pinça les lèvres, à la fois mortifiée et désireuse qu'il recommence.
- Montez dans la voiture, ordonna-t-il en allant ouvrir la portière du côté
passager.
En proie au doute, Belle hésita longuement car elle ignorait ce qu'il pourrait
se passer si elle acceptait de monter dans cette voiture. Pourtant, une source
mystérieuse la poussa à s'avancer alors que le parfum de l'homme
submergeait son odorat.
- Vous allez me ramener chez-moi ? Demanda-t-elle en observant son visage
baigné par la pleine lune.
- Ceci m'est impossible, dit-il impassible ne lui laissant aucune chance de
comprendre.
- Pourtant il va...
- Ne paniquez pas, l'interrompit l'homme en lui jetant un rapide coup d'œil ;
Lors de notre conversation téléphonique je pensais que vous m'appeliez pour
une raison tout autre. Une raison qui à ma grande peine nous unis et que je
vais devoir défaire si vous voulez avoir une chance de rentrer chez-vous.
Interloquée, troublée par le parfum qui s'émanait de son manteau Belle le
dévisagea dans l'obscurité alors que son cœur martelait ses tempes.
- Je ne comprends pas.
- Vous comprendrez lorsque nous serons arrivés, déclara-t-il sans prendre la
peine de s'étendre sur la destination qu'il s'apprêtait à prendre.
Une angoisse latente la paralysa. Cependant elle voulait lui accorder un
morceau de sa confiance car jusqu'ici le sultan avait fait preuve d'une grande
sagesse envers elle-même si elle savait que celle-ci cachait sa véritable
nature.
Au bout de quelques minutes il stoppa la voiture devant un hôtel et pas
n'importe lequel.
- Je ne pense pas que...
- Vous avez entièrement raison, ne pensez rien.
Irritée par sa façon de lui couper sans cesse la parole, Belle affronta son
regard sans ciller.
- C'est une habitude chez vous de me couper la parole ou vous le faites exprès
?
Il se pencha, pour plonger son regard dans le sien. Il était si proche qu'elle
s'enfonça dans le siège en cuir pour échapper à la caresse de son souffle
chaud.
- Je viens de traverser l'océan pacifique pour vous mademoiselle Moor alors
je vous suggère de ne pas me mettre sur les nerfs, lui conseilla-t-il tout bas.
- Je ne vous ai pas demandé de traverser le globe terrestre pour si peu, je
voulais simplement un coup de main pour me débarrasser de...
- Du psychopathe numéro 2 ?
Belle serra les lèvres tandis qu'elle sentit sa ceinture de sécurité glisser sur
elle.
- Venez maintenant, ordonna-t-il en quittant la voiture.
- Comme je regrette, glissa-t-elle avant qu'il claque la portière.
La sienne s'ouvrit et il se pencha pour saisir son regard maintenant fuyant.
- Si vous regrettez, alors pourquoi vous m'avez appelé au secours ?
Belle se mordit la lèvre, pour s'empêcher de dire ce qu'elle avait peine à
admettre.
Entendre sa voix sombre et aussi l'envie de savoir si oui ou non elle n'était
plus qu'un vaste souvenir pour lui.
- Je voulais avant tout savoir si vous m'aviez oublié, si pour vous j'étais
seulement la pièce maîtresse de votre plan contre la presse et rien d'autre,
admit-elle en fuyant son regard.
- Comme vous pouvez le constater, vous vous êtes encore une fois trompé.
Il marqua une pause dans laquelle ses longs doigts se posèrent sur son
menton.
- Je tiens toujours parole, gardez-le à l'esprit mademoiselle Moor cela
pourrais vous être utile à l'avenir, rajouta-t-il comme s'ils étaient
indéniablement destinés à se revoir...
Chapitre 19
En quittant la voiture, Belle savait qu'elle commettait peut-être une erreur
avant de se rendre compte qu'il avait raison. Il avait traversé l'océan Pacifique
uniquement pour elle et cette méfiance qui revenait sans cesse la mettre en
garde la rendait presque égoïste.
Inspirant profondément, elle le suivit à l'intérieur de l'hôtel luxueux. Très
vite, Belle ressentit le besoin de baisser les yeux pour échapper aux lourds
regards portés sur elle.
Ils furent accueillis par un maître d'hôtel qui s'empressa de les conduire
jusqu'aux ascenseur. Dans l'étroit habitacle Belle eut l'impression d'étouffer
jusqu'à ce que les portes s'ouvrent sur un couloir silencieux.
- Je vous souhaite un agréable séjour votre altesse.
Belle réprima un frisson d'angoisse lorsque la porte se ferma lentement
derrière eux.
Soudain quelque chose échappa à son contrôle. C'était comme si elle n'était
plus maîtresse de son propre destin. Qui plus est, elle ne comprenait pas pour
qu'elle raison il avait choisi de séjourner à l'hôtel.
- Pourquoi séjourner ici alors que vous posséder une belle demeure à
quelques kilomètres d'ici ?
- Parce que cette dernière n'a pas été préparée pour mon arrivée, dit-il en lui
retirant son manteau.
Belle étouffa un autre frisson pour se concentrer sur la suite luxueuse. Ornée
de tableaux prestigieux, elle avait l'impression d'avoir basculé dans un autre
univers dans lequel elle ne se sentait pas à l'aise.
- Détendez-vous, lui conseilla-t-il en plongeant son regard dans le sien.
- Facile à dire, rétorqua Belle en se balançant d'un pied sur l'autre.
- Je vais prendre en main la situation, affirma-t-il en ôtant la cravate qui
nouait sa large gorge ; Alex Frost ne sera plus qu'un souvenir pour vous.
Elle vit dans ses yeux une flamme dangereuse y danser lui donnant
l'impression qu'il savourait déjà la victoire qu'il gagnerait.
- Merci, dit-elle en croisant ses mains contre son ventre ; Cependant vous ne
m'avez pas dit pour quelle raison je ne peux pas rentrer chez-moi.
- Je vais d'abord commander notre dîner, ensuite je prendrais le temps de
vous expliquer.
Dans sa voix, Belle y décela une fermeté sans contestation possible.
- En attendant vous devriez investir la salle de bains, vous y trouverez tout ce
dont vous avez besoin, ajouta-t-il en pointant une porte sur la gauche.
Il se retourna sans d'autres explications pour attraper le combiné. Sans un mot
Belle entra dans la salle de bain et effectivement elle trouva de quoi se
rafraîchir, ainsi que des vêtements pour femmes. Belle ne put s'empêcher
d'étouffer un rire sec en supposant qu'ils appartenaient à l'une de ses
anciennes conquêtes avant de blêmir en découvrant une note avec la date
d'aujourd'hui.
Avait-il réellement commander tous ceci uniquement pour elle ?
Gênée, elle ôta sa tenue de travaille pour enfiler un legging noir et une longue
tunique blanche.
Elle quitta la salle de bains avec appréhension.
- J'étais presque certain que votre choix se porterait sur les plus modestes de
la collection.
Une main sur le cœur Belle se retourna.
- Un jour je serais victime d'une attaque si vous continuez à surgir de nulle
part.
Il émergea d'un coin sombre en arborant un sourire des plus ténébreux.
- Je suis navré, je vous attendais et le temps me paraissait long.
- Pas aussi long que s'annonce cette soirée, rétorqua Belle.
- En effet, affirma-t-il en allongeant sa main pour l'inviter au salon.
Le cœur battant elle essaya par tout les moyens de sonder son regard en quête
d'informations mais n'y trouva rien d'autre qu'une expression impassible.
Deux minutes plus tard alors qu'elle s'installait autour de la table dressée pour
deux, un chariot fut installé sur sa gauche.
- J'espère que vous avez faim mademoiselle Moor.
- Mon estomac est noué, avoua-t-elle en dévisageant les lèvres sèches les
mets présentés.
- Il n'y a aucune raison pour qu'il soit noué, dit-il en soulevant les cloches.
- J'ai un mauvais pressentiment.
Les plissa des yeux comme deux fentes impénétrables.
- Vraiment ? S'enquit-il en levant un sourcil.
- Si vous me disiez ce qu'il se passe peut-être que je n'aurais pas le sentiment
que quelque chose se passe.
Il se pencha, posant son avant-bras sur la nappe blanche.
- Nous avons un soucis avec la presse, déclara-t-il d'une voix qui avait reprit
tout son sérieux.
- Encore ? S'enquit-elle d'une voix qui laissait paraître son désespoir.
- Cette fois-ci cela ne concerne pas Eloïse ni même Zuyad, cela nous
concerne.
Belle cilla sous le regard sombre du sultan. Alors son pressentiment n'était
pas qu'une sombre idée de sa part, songea-t-elle alors que ses mains
devenaient moites.
- Ce...c'est pour...enfin...balbutia-t-elle alors qu'il l'observait avec une telle
intensité qu'elle avait l'impression que ses propres pensées ne lui
appartenaient plus.
- Nous avons été prit en photos par des photographes et depuis, la presse de
Rhayad se déchaîne et la vôtre aussi.
Belle rit nerveusement.
- Ce n'est qu'une photo, elle ne reflète en rien la réalité.
Le regard du guerrier s'assombrit de nouveau.
- C'est beaucoup plus compliqué que vous semblez le penser, contrat-il de sa
voix chaude teintée d'un accent à faire frémir une armée constituée
d'ennemis.
Belle cligna plusieurs fois des yeux, pour lui imposer son désarroi.
- Je suis un homme connu partout dans le monde, les rumeurs vont très vite et
sont parfois difficiles à faire taire. Ça l'est pour cette photo.
- Qu'a-t-elle de si particulière ? Chaque instant passé avec vous n'ont été
qu'un théâtre et une peur constante que je ne parvenais pas à réprimer.
Une lueur mystérieuse passa dans son regard.
- La dernière fois que j'ai été vu avec une femme date. Il y a un an si ce n'est
pas plus. Alors il était presque évident que la presse allait s'affoler et j'en
assume l'entière responsabilité. Vous êtes de dos et moi dans le viseur de
l'objectif. Le regard que je vous porte est loin d'être neutre et sans équivoque.
Les joues en feu, le rythme cardiaque affolé, Belle le dévisagea longuement
sans trouver la force de lui répondre alors que lui...avait le regard fixé sur sa
bouche, les mâchoires serrées.
- Je donne l'air d'un animal sauvage sur le point de fondre sur sa proie, acheva
Jafar en essayant au mieux d'écarter le désir qui l'empêchait de se concentrer
pleinement sur l'essentiel.
- J'ai dû sans doute vous énerver à ce moment-là, dit-elle en espérant trouver
une explication plausible.
Mais pour Jafar cette photo était aussi limpide que le regard qu'il lui portait
en cet instant.
Mais à sa plus grande frustration, elle ne semblait pas le voir. C'était presque
à se demander si elle avait déjà été séduite par le passé, si on oubliait Alex
Frost qui bientôt regrettera amèrement d'être né.
- Peu importe, conclut-il sèchement pour mettre fin à ce regard perdu qu'elle
lui portait ; À présent vous savez les raisons qui vous empêche de rentrer
chez-vous.
- Et puis-je savoir comment vais-je faire pour retrouver mon appartement ?
Jafar l'ignorait, du moins les solutions qu'il avait entre ses mains n'allaient pas
lui plaire et de son côté...il s'agissait d'un grand danger.
- Ils vont bien finir par se calmer, insista la jeune femme dont les yeux
scintillaient comme deux saphir.
Jafar se leva pour se détourner d'elle car ses pensées s'en trouvaient affectés
et il ne parvenait pas à réfléchir.
Pourtant, au tréfonds de son être il connaissait la réponse.
S'il gardait la jeune femme à l'abri alors il attiserait l'excitation de la presse
comme il l'avait fait pour Zafina. Rictus aux lèvres il se mit à contempler la
vue plongée dans l'obscurité. Toutes ses conquêtes avec lesquelles l'avenir
était aussi bref qu'une tempête de sable avaient toujours fait la une des
tabloïds. De ce fait, les journalistes prenaient cette affaire moins au sérieux et
annonçaient la fin de cette relation avant même qu'il ait pu y songer.
Mais Belle n'était pas sa maîtresse, c'était une innocente plongée dans une
piège dont il était le seul responsable. De plus, prendre le risque de la faire
venir à Rhayad mettrait sa propre vie sans dessus dessous. Car le simple fait
de poser ses yeux sur elle provoquait en lui une myriade de sensations
contradictoires.
- J'ai une solution mais je doute qu'elle vous plaise.
- Je vous écoute.
- Si je vous met à l'abri des photographes j'attiserai le feu.
- Mais pour quelle raison ?
Jafar se retourna lentement sans pouvoir contrôler l'amertume de ses pensées
qui se peignit sur son visage.
- Parce que c'est ce que j'ai fait pour mon ex-femme lorsque je pensais qu'elle
était celle qu'il me fallait, expliqua-t-il d'une voix rêche.
Les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent puis se baissèrent. Il nota son
silence respectueux puis reprit.
- Les autres femmes qui ont partagé un morceau de ma vie par le passé n'ont
pas eut ce traitement de faveur car je savais que ce serait qu'une courte
aventure. Alors je laissais la presse les photographier sans être inquiété. La
presse savait sans l'ombre d'un doute que cette relation ne durerait pas.
Belle manquait de mot mais comprit le sens de son explication. Son instinct
la poussa à envisager d'emprunter la sortie mais ses jambes refusaient de
bouger.
- Sans le savoir, et en vous cachant d'Alex Frost vous avez éveillé la curiosité
des paparazzis, termina-t-il plus doucement.
- Et donc vous suggérez que je m'expose devant eut pour leur faire
comprendre que cette relation imaginaire n'aura jamais aucune chance ?
Le sultan la toisa de son regard acéré et elle fut très vite assaillie par une
vague de frissons.
- Si c'est la solution pourquoi vous ne voulez pas me laisser rentrer chez-moi
pour leur donner ce qu'ils veulent ?
Le sultan esquissa un sourire dévastateur puis s'approcha lentement vers la
table.
- Parce que je ne parle pas de cette presse là mais celle de Rhayad,
mademoiselle Moor, rectifia-t-il d'une voix de velours.
Chapitre 20
- Ce qui signifie ? S'enquit Belle en sentant peu à peu le piège se refermer sur
elle.
Il soupira lentement par le nez comme si cette complexe situation ne lui
plaisait pas autant qu'elle ne l'aurait cru.
- Croyez-moi sur parole, si j'avais eu le temps d'intercepter cette photo, je ne
vous demanderai pas ce que je m'apprête à vous demander.
- Inutile de vous donner cette peine, dit-elle d'une voix plus calme qu'elle ne
l'aurait cru ; Vous voulez que j'aille dans votre pays pour jouer la femme
énamourée ?
- Je suppose que vous allez m'imposer un refus mais je pense pouvoir vous
convaincre, affirma-t-il en s'installant en face d'elle.
Belle fut surprise de ne pas déceler de l'arrogance dans sa réponse. Il était
posé, serein, comme si pour lui, la bataille était déjà remportée.
- Vous espérez me convaincre de quitter mon travaille pour m'offrir un séjour
à Rhayad sans avoir la garantie qu'il ne s'agit pas d'un piège.
L'expression du sultan se rembrunit.
- De quel piège parlez-vous ?
- Eloïse est à deux semaines de se marier et j'ai comme l'impression que vous
êtes en mission, encore une fois.
- Le mariage de mon cousin n'a rien à voir avec notre problème, rétorqua-t-il
d'une voix ferme ; Je vous ai imposer les fiançailles, je ne vous imposerai pas
leur mariage.
Bizarrement, Belle le sentit sincère si bien qu'elle commençait à reconsidérer
sa proposition.
- Je m'arrangerai pour que votre patron vous laisse des jours de repos, ajouta
le sultan sûr de lui.
- Il ne s'agit pas de ça, mon patron me laisserait un mois de vacances si je
n'étais pas au bord du gouffre financier. Il s'agit de mes loyers à payer, je ne
peux pas m'absenter c'est un trop grand risque pour moi.
Il inclina faiblement de la tête, lui témoignant sa compassion.
- Si je vous dis que je peux vous aider je passerais pour un monstre vous
donnant l'impression d'être achetée n'est-ce pas ?
- Oui, murmura-t-elle d'une voix qui trahissait sa tristesse ; Je n'ai pas besoin
d'être prise en pitié.
- Je veux pourtant vous apporter mon aide parce que vous l'a mérité, insista-t-
il en plongeant son regard dans le sien.
Belle sentit alors son cœur s'emballer par de violents battements.
- Il est inutile que je vous énumère les raisons qui me poussent à faire ça
Belle, elles sont nombreuses et vous le savez.
Bien sûr, il faisait référence à l'héritage de son père et de ses nombreux
sacrifices. Mais toutes ces raisons valaient-ils la peine qu'elle accepte ?
- Laissez-moi vous inviter à Rhayad, de plus c'est bientôt le nouvel an et nous
avons de fabuleuse festivités en cette période.
Comme elle gardait le silence il se pencha en avant pour sonder son regard.
Immédiatement elle eut l'impression que son esprit ne lui appartenait plus.
- Je vous promets de vous laissez repartir si vous ne vous sentez pas à l'aise.
- Donc si je comprends bien, si j'accepte de me montrer en votre compagnie
j'y gagne un séjour tout frais payé et la joie de passer le réveillon à vos côtés
alors que nous nous connaissons à peine.
Un sourire en coin se dessina sur les lèvres dures du sultan.
- N'est-ce pas plus agréable que de le passer seule ?
Il marquait un point.
- Vous n'allez pas regretter votre décision, insista-t-il d'une voix rauque.
- Je n'ai même pas de passeport, laissa-t-elle entendre comme si elle avait
déjà accepter.
Pour la première fois de sa vie Belle se voulait aventurière et se lancer à
corps perdu. Elle savait qu'il y aurait des risques, des peurs, des joies ou peut-
être même des déceptions.
- Nous voyageront à bord de mon jet privé, répondit-il en savourant sa
victoire.
- Si jamais vous trahissez...
- Je suis un homme de parole, la coupa-t-il brutalement ; Soyez certaine d'être
bien traitée plus que vous ne pouvez l'espérer.
Il se leva soudain, la dominant de toute sa hauteur puis se baissa légèrement
près de sa chaise.
- Belle Moor vous n'imaginez pas à quel point c'est un plaisir de vous savoir
sous ma protection.
Les joues en feu elle se pinça la lèvre nerveusement mais l'affronta sans
ciller.
- Je sais me défendre.
Il tiqua peu convaincu.
- Je n'ai pas encore eu le loisir de l'observer mais je sais assurément que vous
êtes une femme qui sait ce qu'elle veut et qui n'a pas peur de l'inconnu. J'aime
ça.
Belle lutta pour soutenir son regard qui se faisait plus profond, plus
mystérieux.
- On a qu'une seule vie n'est-ce pas ?
Il ne répondit rien, puis son expression ne laissait plus aucune émotions
transparaître.
- Vous devriez manger un peu, conseilla-t-il en se redressant.
Le ton autoritaire qu'il prenait avec elle n'avait rien de comparable à ceux
qu'elle avait reçu pendant des années. Il vibrait presque d'une inquiétude
dissimulée.
- Lorsque vous aurez terminé, nous quitteront cet endroit au plus vite.
- Si vite ! S'écria-t-elle en se levant lentement.
Jafar observa la jeune femme qui paraissait confuse et s'écarta doucement
pour échapper à l'envie d'écouter son instinct qui lui soufflait dangereusement
de l'embrasser.
Il n'y avait pas d'urgence pour partir si vite. Cependant il craignait qu'elle
puisse changer d'avis comme elle l'avait fait par le passé.
Et ses craintes se confirmèrent une heure plus tard.
Cela faisait quelques minutes à peine que l'avion parcourait le ciel obscur
qu'elle déclara ;
- J'ai changé d'avis.
Jafar abaissa son téléphone pour relever les yeux vers elle.
Pâle, confuse et en proie à un accès de panique, la jeune femme dévisageait
l'intérieur du jet privé à la recherche d'une issu de secours.
- Très bien, voulez-vous que je vous équipe pour sauter en parachute ?
Lança-t-il sur le ton de l'humour.
- Ce n'est pas drôle du tout !
Jafar se leva pour s'installer près d'elle.
- L'adrénaline est en train de jouer un rôle essentiel à votre panique, dans
quelques minutes vous, vous sentirez mieux.
Ses grands yeux bleus frangés de longs cils déployés se posèrent sur lui. Sa
respiration erratique devint plus apaisé et son teint livide reprenait peu à peu
des couleurs.
- Comment faites-vous pour toujours avoir la solution à tout ? Demanda-t-elle
d'une voix plus douce.
- Des années de pratique, dit-il en lui souriant.
Belle se racla la gorge alors qu'il reprenait sa place en face d'elle.
De nouveau impassible il croisa ses longues jambes et consulta son
téléphone. Il donnait presque l'allusion d'avoir gagné et de s'en satisfaire
secrètement.
Elle nota aussi la distance qu'il avait mis entre eux et ce n'était pas sans lui
déplaire.
Plus il imposait cette distance plus Belle se sentait libre de réfléchir sans
avoir cette impression d'être happée par ce regard cendré.
- Voulez-vous boire quelque chose ? Demanda-t-il à l'approche d'un homme
qui se matérialisa devant eux.
- Un jus d'orange si c'est possible.
Il nota sa commande puis échangea quelques mots en arabe avec l'homme qui
pivota les talons.
- Ce n'est pas fatiguant d'être riche ? Demanda-t-elle en étudiant l'habitacle
luxueux.
- Non, puisque j'ai travaillé pour l'avoir, et je ne suis pas l'un de ces hommes
qui flemmardent toutes la journée et qui frappe des mains pour avoir à sa
portée une armée de serviteurs, répondit le sultan en la dévisageant comme si
cette question l'avait heurtée.
- Bien que je n'es pas été toujours comme ça, ajouta-t-il d'une sombre voix.
- Vraiment ? S'enquit Belle piquée par la curiosité.
Fermé, il planta son regard ciselé dans le sien.
- Oui, à une époque lointaine j'étais un jeune homme assez arrogant,
méprisant et je passais mon temps à profiter de l'argent qui n'était pas le mien.
Un gosse gâté si je puis dire.
- Que s'est-il passé pour que vous changiez ? Demanda-t-elle d'une voix
presque inaudible.
Belle était surprise qu'il se confie à elle.
- Mon père m'a donné une bonne leçon, lâcha-t-il brièvement en serrant les
mâchoires.
- Laquelle ? Osa-t-elle demander.
- Il est mort sur un champs de bataille pour sauver toute une famille.
Émue, Belle baissa les yeux sur ses genoux, osant à peine le regarder.
- Je suis désolée.
- Autant que je l'étais pour vous, murmura le sultan d'une voix chaude
accompagné d'un mince sourire.
Il soupira lentement puis reprit :
- Sa mort brutale m'a fait réaliser beaucoup de choses, notamment l'essentiel.
J'étais le fils du sultan, et je me devais d'être un monarque à la hauteur de ce
qu'il était et ce qu'il m'a laissé en héritage. Depuis ce jour, je me suis fait la
promesse de régner en main de maitre sur le pays qu'il m'a laissé.
- Je suis certaine qu'il est fière de vous.
- Jusqu'ici je m'en sors bien, si bien sûr on oublie mon mariage chaotique qui
est loin de ressembler au sien qui a duré plus de vingt-six avec la même et
unique femme, que je n'ai malheureusement pas eu le temps de connaître ou
même de m'en rappeler.
Pour la première fois, Belle décela une émotion sur son visage et sentit son
cœur serrer.
- Assez parlé, décréta l'homme d'une voix grave et lointaine.
- Ou..oui vous avez raison, murmura Belle en se redressant sur son siège,
ayant presque oublié où elle se trouvait.
Jafar étudia la jeune femme en silence. Peu habitué à la confidence Jafar
n'avait pas hésité à lui offrir un fragment de sa vie.
Il avait gagné ce soir mais cette victoire avait un goût amer car il s'était
promis de refouler toutes pensées toutes pulsions primitives.
Mais comment allait-il résister à cette mystérieuse jeune femme ? Comment
pouvoir résister à l'appel féroce qu'elle lui inspirait ?
Pour le savoir, Jafar avait quelques jours devant lui et il était bien décidé à
percer les mystères de la belle jeune femme.
Chapitre 21
Jafar quitta la cabine dans laquelle il s'était changé. La chaleur n'était pas
aussi étouffante qu'en été mais restait chaude, suffisamment pour troquer son
pull d'hiver pour un tee-shirt noir. L'avion avait atterri depuis plus dix
minutes mais la jeune femme dormait toujours et ne semblait pas inquiétée du
bruit autour d'elle. L'atterrissage n'avait eu aucun effet sur le sommeil dans
lequel elle était plongée.
Jafar s'abaissa à hauteur de son siège et la contempla de longues secondes
avant d'envisager de la réveiller.
De l'index il caressa sa joue. Comme il se l'était imaginé, celle-ci était aussi
douce que la soie mais sa tentative échoua. Elle semblait insensible aux
efforts qu'il déployait pour la réveiller.
Jafar se redressa lentement pour mieux la prendre dans ses bras.
Très vite grisé par le parfum délicat de la jeune femme, Jafar s'empressa de
quitter l'avion pour s'engouffrer dans la voiture qui l'attendait.
Aucune réaction.
La jeune femme se contenta de fermer le poing contre sa poitrine ce qui eut
bon de le rassurer car pendant un bref instant...il la pensait morte.
- L'avez-vous kidnappée ? Demanda son chauffeur avec humour.
Jafar demeura impassible puis baissa son regard sur le visage de la jeune
femme et pendant un instant, eut l'impression que c'était le cas.
- Non, même si les circonstances ne lui ont pas donné le choix, répondit-il
d'une voix sombre et presque coupable.
Le trajet fut suffisamment long pour qu'il se rendre compte que sous le soleil
intense du désert, ses cheveux blonds prenaient des teintes couleur miel.
Une question s'imposa alors à lui.
Pourquoi avait-il tant tenu à ce qu'elle vienne jusqu'ici ?
Hormis l'irrésistible envie de percer les mystères qui l'entouraient, sa
présence ici pour contrer la presse n'était pas nécessaire.
Bien sûr il avait maintenant l'avantage contre eux. Cependant il aurait très
bien pu y faire face seul.
Repoussant ses pensées contradictoires Jafar releva les yeux pour y découvrir
enfin l'ébauche de son palais. Il était enfin chez lui, là où il régnait sur un
royaume aussi imposant que l'Amérique.
Il quitta la voiture, toujours avec son précieux fardeau dans les bras.
Évidemment son arrivée peu commune suscita l'intérêt de ses employés qui
expressément se mirent à dévisager l'étrangère dont les cheveux cascadaient
dans l'air.
- Est-ce que sa chambre est prête ? Lança-t-il sur un ton bourru.
- Oui, elle l'est votre majesté.
Belle ouvrit péniblement les yeux avec la sensation de planer au-dessus du
sol. Mais ce n'était pas une impression. Recouvrant peu à peu ses esprits elle
sentit son visage rencontrer quelque chose d'incroyablement dur avant qu'une
odeur musquée lui fasse prendre conscience de la situation. Elle jeta un
timide coup d'œil en l'air et vit le visage du sultan...du moins il lui exposait sa
gorge et son menton ainsi que les courbes de ses mâchoires. Son port altier
lui conférait l'apparence d'un souverain implacable. Une onde de chaleur
l'envahissait déjà alors qu'il la portait sans difficulté.
Il baissa la tête vers elle. Belle retint son souffle avant qu'il lui offre un
sourire en coin.
- Eh bien mademoiselle Moor, j'ai cru ne jamais vous revoir éveillée, dit-il
d'une voix profonde et rauque.
Belle plaqua sa main sur son torse massif et ne put s'empêcher de
s'empourprer.
- J'ai dormi longtemps ?
- Suffisamment pour que je vous porte jusqu'ici.
Il la déposa sur un immense lit avec délicatesse.
Sa façon de l'avoir posée sur ce matelas donnait l'impression que son destin
était scellé. Alors les doutes se mirent à l'assaillir jusqu'à ce qu'elle dévisage
la chambre, la bouche entrouverte.
- Mon dieu, murmura-t-elle levant les yeux vers le haut plafond.
- Est-ce qu'elle vous plaît ?
- Elle est absolument magnifique mais...
- Je n'ai pas plus petit je suis navré, la coupa-t-il avec un sourire moqueur.
Belle esquissa une moue dubitative puis se redressa sur le lit afin d'être plus
présentable.
- Bienvenu à Rhayad mademoiselle Moor, dit-il d'une voix traînante qui la fit
frémir.
Ses yeux de cendre se baissèrent sur sa bouche puis remontèrent jusqu'aux
siens.
- Merci votre altesse c'est...
- Je vous en prie, appelez-moi Jafar.
Belle fronça des sourcils.
- Je pensais que vous étiez à cheval sur les formalités qui s'imposent à votre
statut.
- Je le suis, mais à présent il n'est plus nécessaire pour vous de les utiliser.
Vous êtes mon invitée.
Belle se pinça les lèvres en silence puis se leva pour découvrir les lieux mais
surtout pour fuir le regard intense du sultan. Nul besoin de se retourner pour
sentir le poids de son regard qui la suivait à chacun de ses pas.
- Vous devez avoir faim, lança-t-il si proche qu'elle crut pouvoir sentir son
souffle sur sa nuque.
Forcée de lui faire face Belle croisa les bras pour se donner un air détendu
alors qu'il n'en était rien.
- Oui, mais j'attendrai l'heure du repas.
Il inclina faiblement de la tête, sans la quitter des yeux. Puis ses épais sourcils
se plissèrent lentement.
- Nous dinerons dans une heure, quelqu'un viendra vous chercher, annonça-t-
il en pivotant les talons.
- Nous ? Répéta Belle sans masquer son appréhension.
Passer un séjour ici était déjà pour elle une grande aventure mais passer son
séjour à le côtoyer lui rendrait la tâche beaucoup plus compliquée.
Il dévia son regard dans le sien alors qu'un lent sourire couvrait déjà ses
lèvres.
- Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais vous laisser seule ? Livrée à
vous-même dans ce palais qui regorge de couloirs.
Le ventre noué elle haussa des épaules.
- Vous devez très certainement avoir des tas de choses à faire.
- C'est un domaine que je sais gérer mademoiselle Moor. À vous écouter, je
peux sentir votre désir de me fuir.
Il plissa des yeux, comme deux fentes impénétrables et un délicieux frisson la
parcourut.
- Si j'avais le désir de vous fuir, pour quelle raison je serais venue ici ?
Rétorqua-t-elle en le défiant du regard.
D'une démarche nonchalante il combla l'espace qui les séparait.
Belle dut rejeter sa tête en arrière pour le confronter.
- Le goût du risque peut-être, laissa-t-il entendre d'une voix voluptueuse.
- Le risque affaiblit l'ennui, répliqua-t-elle en levant le menton.
Si ses mâchoires volontaires l'avaient déjà fait frémir jadis quelques jours
plus tôt et si ses yeux cendrés étaient déjà parvenu à la clouer sur place, le
rire vibrant qu'il venait d'émettre la figea, si bien qu'elle eut l'impression de se
mirer sur une mer glaciale.
- Tout dépend des risques, dit-il en se penchant légèrement vers elle,
l'emprisonnant avec son regard sombre.
Ils restèrent silencieux, les yeux dans les yeux alors qu'elle sentait ses jambes
se dérober sous le poids de son regard.
- Pour le moment le seul risque qui pourrait tromper votre ennui c'est de dîner
avec moi, ajouta-t-il avant de s'en aller d'une démarche déterminée.
Belle porta une main sur sa poitrine, exhalant un long soupir tremblant.
Une fois sûre d'être seule, Belle prit son sac à main dans lequel elle trouva
toutes ses affaires y compris son téléphone.
Une forte chaleur lui monta aux joues. Il y a encore quelques heures elle se
trouvait dans une nuit noire où seule la lune lui avait imposer le visage du
sultan. À présent elle se trouvait dans une chambre majestueuse et inondée
par un flot de lumières chaudes.
Avait-elle fait une erreur en acceptant cette folie ?
- Le temps te le dira, se murmura-t-elle à elle-même en ouvrant les portes du
balcon.
~
- Votre majesté, êtes-vous certain d'avoir pris la bonne décision ?
Jafar demeura impassible devant cette question qui en soulevait beaucoup
d'autres.
- Je suis certain d'avoir pris la bonne décision, affirma-t-il sans s'étendre sur
les raisons qui le poussaient à le croire.
Perplexe Rachid grimaça.
- Aussi loin que remonte mes souvenirs aucune femme après Zafina a eut le
droit d'être ici, osa-t-il dire.
Contentant à peine la colère qui jaillissait en lui Jafar fusilla Rachid du
regard.
- Cela n'a aucun rapport Rachid tu compares l'incomparable, dit-il sèchement
en s'installant à son bureau.
- Je le sais mais...
- Belle Moor est aussi innocente qu'un chaton, le coupa-t-il sans le regarder ;
J'avais le devoir d'arranger certaine situation et elle mérite quelques jours de
repos.
Rachid esquissa un léger sourire tout en s'approchant.
- Ne serait-ce pas plus honnête de votre part si vous admettiez que sa
présence ici a un rapport avec le fait que vous n'arriviez plus à vous
concentrer sur vos devoir il y a encore trois jours ?
L'affront de ce dernier mit Jafar hors de lui.
- Je te demande pardon ? Siffla-t-il entre ses dents serrées.
- Depuis que nous sommes de retour à Rhayad vous êtes ailleurs votre
majesté.
Jafar dévisagea son ami froidement. Cependant il était proche de la vérité.
Aucune femme jusqu'ici n'était parvenue à le détourner de ses devoirs avant
maintenant.
- Je suis ailleurs pour des raisons qui n'ont aucun rapport avec Belle Moor,
déclara Jafar d'une voix implacable.
Rachid s'inclina respectueusement puis quitta les lieux avec le secret de cette
conversation et en sachant pertinemment que celle-ci n'avait été qu'un tissu de
mensonges...
Chapitre 22
- Si vous voulez bien me suivre mademoiselle...
Belle esquissa un faible sourire en direction du garde qui pour une raison
méconnue était dressé devant sa porte de chambre depuis son arrivée et elle
ne manquerait pas de soulever ce point avec le sultan.
Le cœur battant à la chamade elle suivit l'homme avant que ce dernier la
laisse dans une pièce absolument renversante tant par sa beauté que par les
secrets qui remplissaient les murs.
Belle avait l'impression d'avoir été aspirée dans un conte des mille et une
nuits.
Son regard se porta sur la grande table garnie de coupes en argents qui
regorgeaient de fruits exotiques. Timidement elle s'approcha pour glisser ses
doigts sur le bois massif de la table alors qu'une brise d'air faisait flotter les
rideaux.
Puis soudain, Belle retint son souffle en percevant un bruit de porte derrière
elle. Un étrange frisson la parcourut. Elle savait sans le moindre doute qu'il
s'agissait de lui.
Au prix d'un effort surhumain elle se retourna pour l'affronter.
Immédiatement sa voix se mua en un souffle léger, et son cœur n'était plus
qu'une succession de battements irréguliers.
Il portait une djellaba semblable à son regard obscur. Les muscles saillaient
sous le tissu qui épousait ses larges épaules.
Belle cligna des yeux pour recouvrer l'esprit qui s'éparpillait dangereusement.
- Je suis ravi de vous revoir, déclara-t-il de sa voix chaude et teintée d'un fort
accent.
Elle tenta de s'éclaircir la voix pour lui répondre mais celle-ci semblait
éteinte.
- Vous avez perdu votre voix ? Demanda le sultan en s'approchant à l'allure
d'un félin.
- N…non, bredouilla-t-elle en remettant une mèche rebelle derrière son
oreille.
- Vous avez faim ? S'enquit-il d'une voix grave.
Une fois en face d'elle, il se mit à la dévisager avec sa paire d'yeux menaçante
et son expression impassible ne lui laissait aucune chance de lire dans ses
pensées.
- Avant d'envisager de dîner je voudrais savoir pour quelle raison il y a un
garde posté à la porte de ma chambre ?
- Simple mesure de précaution, murmura-t-il d'une voix absente.
Belle déglutit péniblement sous le poids de son regard intense et troublant.
- De quoi avez-vous peur ? Que je prenne la fuite ?
Le sultan planta son regard sans le sien puis esquissa un sourire.
- Aucun risque de ce côté-là mademoiselle Moor, murmura-t-il sûr de lui.
- Vous en êtes sûr ? Demanda-t-elle en le défiant du regard.
- Absolument certain, affirma-t-il d'une voix mystérieuse.
Sans lui laisser le temps de répliquer il la guida vers la table et lui tira la
chaise, frôlant au passage son épaule droite ce qui eut bon de la troubler
davantage.
Il fallait ce l'avouer même si elle se sentait dans le péché. Cet homme viril
l'attirait comme un aimant...
Elle avait l'impression de découvrir son corps et ses réactions affolantes
chaque fois qu'il posait son regard sur elle.
Cependant, la raison qui maintenait son équilibre lui murmurait de prendre
garde car ils étaient diamétralement opposés.
Lui était un souverain implacable et elle une jeune serveuse dont l'avenir était
incertain. Pour toutes ces raisons elle devait impérativement reprendre le
contrôle de ses pensées.
Et puis en toute honnêteté, elle était assurément persuadée qu'il côtoyait des
femmes bien plus sophistiqués au style aristocratique.
- pour répondre à votre question avec plus de sérieux, commença-t-il après
s'être installé en face d'elle ; s'il y a un garde à votre porte c'est pour votre
sécurité et cela fait partie des règles établies.
- Des règles que vous avez établies, rectifia-t-elle en dépliant sa serviette.
Il se passa le pouce sur sa bouche sans la quitter des yeux.
- En effet ce sont les miennes, affirma-t-il en se levant brusquement.
L'espace considérable qu'il y avait entre eux parut soudain se rétrécir. Belle
sentit ses joues s'enflammer quand elle comprit qu'il se dirigeait droit vers
elle. Il s'arrêta à sa hauteur et posa ses larges mains sur les accoudoirs de sa
chaise.
- Pourquoi, cherchez-vous sans cesse le défi mademoiselle Moor ? Est-ce
avec tout le monde ou seulement avec moi ?
Il restait quelques centimètres entre leurs visages. Son souffle chaud se posa
sur son visage comme une dangereuse caresse qu'elle ne put ignorer.
- Aussi troublant que cela puisse paraitre votre altesse en temps de grande
nervosité je la combat avec cette méthode, avoua-t-elle sans regret.
Il s'écarta soudain, scrutant sa bouche sans vergogne alors qu'elle pouvait
déceler ses mâchoires tressauter convulsivement.
- C'est la première fois de ma vie que j'ai affaire à une femme aussi honnête,
confia-t-il en se redressant lentement, lui donnant ainsi la liberté de reprendre
son souffle.
Il continua à la regarder puis rajouta :
- Cependant je voudrais savoir ce qui vous rend aussi nerveuse ?
- Je pensais que c'était assez suffisamment flagrant pour que vous, vous en
rendiez compte, s'empressa-t-elle de dire en soutenant son regard.
Il pencha la tête sur le côté tout en esquissant un sourire énigmatique.
- Ne me dites pas que je suis la cause de votre nervosité, surtout après avoir
pris la décision de venir ici, chez moi que plus est de votre plein gré.
Belle plissa des yeux devant l'air moqueur du sultan.
- Etonnant n'est-ce pas ? Lança-t-elle en crispant un sourire qui se mua en une
grimace significative.
Le sultan se mit à rire doucement puis reprit sa place à son plus grand
soulagement.
- Servez-vous avant que ça refroidisse.
Son ton n'évoquait pas l'invitation ou le conseille mais un ordre qui la fit
sourciller.
- Est-ce une habitude de donner des ordres ? Osa-t-elle demander en se
servant dans le grand plat principal.
- Une habitude sans doute mais je dois reconnaitre que j'aime vous en donner
pour mieux vous voir les contrer, répondit-il en plissant des yeux à son tour :
Il faut dire que vous êtes à ce jour la première personne à me tenir tête.
Malgré le feu qui lui montait aux joues Belle haussa des épaules.
- Il faut un début à tout.
Il se frotta alors le menton l'air intrigué.
- Peut-être parce que je vous ai laissé faire...
Belle reposa la cuillère lentement alors qu'elle sentait le poids de son regard
sur elle.
- Autrement dit je devrais être reconnaissante d'être encore en vie ? Dit-elle
d'une voix troublée par l'atmosphère qui régnait dans le vaste salon.
- C'est à peu près ça sauf que je ne tue pas les femmes, seulement ceux qui
sont une menace pour mon pays.
Belle ne put s'empêcher de tressaillir alors qu'il la regardait avec une lueur
étincelante dans les yeux. Il fallait couper court à cette conversation avant
que celle-ci dérape, songea-t-elle en baissant les yeux vers son assiette qu'elle
commença à déguster avec appétit. Le ciel l'avait probablement entendu
puisqu'il ne chercha pas à la rendre plus longtemps mal à l'aise. Ils
échangèrent sur des sujets divers jusqu'au dessert. Le ventre plein elle se
lécha inconsciemment les lèvres avant de les tremper dans son verre d'eau
sans remarquer l'observation intense du sultan.
Jafar était sur le point de devenir fou si ce n'était pas déjà fait.
Il ne savait même plus depuis combien de temps ses mains étaient agrippées
aux accoudoirs de la chaise.
La volonté qu'il mettait dans cette épreuve était peu à peu affaiblie par le
désir qu'elle éveillait en lui si bien qu'il dut lutter en vain contre l'impulsion
de l'embrasser...ne serait-ce qu'une seule fois.
Lorsqu'elle pose son verre ce fut pour lui comme l'achèvement d'une longue
et insupportable torture.
- C'était un repas plus que fabuleux, lança-t-elle avec un sourire timide.
Ce sourire cachait bien des choses...notamment son envie de le fuir. Pas
besoin de lire dans ses pensées il suffit juste d'étudier son langage corporel.
- Je suis ravie qu'il vous ait plus, parvint-il à dire alors que sa gorge retenait
l'afflux d'une voix rauque.
- J'aimerais savoir s'il était possible de quitter le palais demain pour découvrir
les merveilles de Rhayad.
- Bien entendu, nous partirons demain après le déjeuner.
Nous ? Pourquoi nous ?
- Il est absolument or de question de vous laisser seule, je viendrais avec
vous.
N'y tenant plus Jafar se leva pour la rejoindre.
- Vous voyez que vous avez envie de me fuir ? Dit-il en la pointant du doigt.
Comme elle commençait à ouvrir la bouche Jafar poursuivit.
- Cependant j'ignore la raison qui vous pousse à prendre la poudre
d'escampette.
Jafar la vit se lever avant qu'il ne l'atteigne.
- Vous vous trompez, je n'ai pas la moindre envie de vous fuir en ce moment,
bredouilla-t-elle les joues enflammées.
- Votre visage vous trahi Belle.
- Ah oui ? Et que voyez-vous sur mon visage ?
Le défi qu'elle venait de lui lancer fut pour lui comme un cadeau précieux.
Jafar leva sa main pour atteindre sa joue puis vit dans ses yeux une lueur
d'espoir s'y former...comme si elle désirait plus que tout qu'il l'embrasse.
Jafar prit alors d'assaut cette bouche qu'il avait tant désiré...
Chapitre 23
Lorsque la bouche dure du sultan se pressa contre la sienne Belle ne chercha
même pas à le repousser et capitula, submergée par des sensations nouvelles
et indescriptibles. Le sultan pressa ses lèvres expertes sur les siennes
l'invitant alors à les entrouvrir pour posséder entièrement sa bouche.
Parcourue par une succession de soubresauts Belle savait pourtant que ce
baiser serait bientôt une erreur mais ne put s'empêcher de savourer chaque
seconde.
Le sultan pressa ses pouces sur ses pommettes, poussant un grondement
sourd contre sa bouche. Jamais elle n'avait ressenti ça auparavant si bien
qu'elle aurait voulu qu'il ne s'arrête jamais. Soudain, il pressa ses doigts
contre sa nuque pour l'attirer davantage vers lui. Étroitement bloquée contre
son corps viril Belle sentit ses jambes flageller puis tout s'arrêta brusquement.
Délicatement, il s'écarta, le regard embrasé et elle crut même déceler dans
son regard une lueur de possessivité.
Incapable de bouger, hypnotisée par son regard sombre, elle posa ses mains
sur son torse pour délimiter un faible espace.
Jafar expira par le nez, cherchant désespérément un moyen d'éteindre le flux
de désir qui courait dans ses veines.
Il avait crû qu'en l'embrassant il pourrait mettre un terme à ce désir vorace
mais il s'était trompé.
Ce dernier venait de s'amplifier.
Le plus étonnant pour lui fut de la voir si réceptive à son baiser même si dans
ses yeux, il pouvait déceler une vive timidité s'accroître.
Du bout du doigt il caressa sa lèvre inférieure, là où son empreinte restera à
jamais.
- Je suis sincèrement navré mademoiselle Moor, articula-t-il d'une voix
enrouée par le désir.
Interdite elle chercha à se dégager mais la pression qu'il exerçait dans son dos
l'en empêcha.
Voulait-elle le fuir ?
Si tel est le cas, Jafar avait bien l'intention de la garder précieusement contre
lui.
- Désolé ? Répéta la jeune femme d'un murmure inaudible.
- Je n'ai pas pu m'en empêcher, du moins, je ne pouvais plus me l'interdire
même si c'est mal.
Belle réprima un frisson puis baissa les yeux, blessée par ce dernier mot.
Oui ça l'était, Songea-t-elle lorsqu'elle reprit les commandes de son esprit.
- Vous voulez dire par-là que notre...différence d'âge rend ce baiser interdit ?
Il poussa un rire amer et la relâcha doucement.
- Vous êtes jeune, en effet, mais ce n'est pas ce qui me préoccupe.
Belle commit alors l'erreur de le regarder dans les yeux.
- Ce qui me préoccupe c'est que ce baiser pourrait entraîner des conséquences
auxquelles vous n'êtes pas prête, ajouta-t-il d'une voix rauque.
Jafar dut faire appel à sa faible maîtrise pour ne pas reprendre ses lèvres entre
les siennes. Un torrent de sensations crispaient ses muscles. Chaque fois qu'il
avait le malheur de la regarder Jafar mourrait d'envie de lui faire l'amour
jusqu'à l'aube.
- Je ne comprends pas votre altesse, dit-elle d'une voix douce et incrédule.
Il se recula pour amoindrir le désir qui palpitait maintenant dans ses chairs.
- Un peu d'honnêteté s'impose, déclara d'une voix rauque ; Vous êtes de loin
la plus belle femme qu'il m'a été permis de voir. Je vous désire Belle. Je n'ai
jamais désiré une femme comme maintenant pas même mon ex-femme.
Les yeux saphir de la jeune femme se mirent à briller...comme si elle rendait
hommage à son compliment.
Comme si c'était la première fois qu'elle entendait ça.
- Mais je suis un homme dangereux Belle, je suis l'opposé de ce qu'une
femme comme vous rêve en secret.
- Alors pourquoi vous m'avez fait venir ici ? Demanda-t-elle en fronçant des
sourcils.
- La jalousie et l'égoïsme.
Belle avait l'impression que son coeur allait sortir de sa poitrine. Il la désirait
et cet aveu la submergea de sensations intenses.
- Je viens d'ailleurs de le réaliser, reprit-il sans la quitter des yeux.
- Alors la presse...
- N'était pas la réelle motivation, la coupa-t-il brutalement ; Je n'ai pas
supporté l'idée de vous savoir au contact d'Alex Frost et je voulais vous avoir
ici.
La jalousie et l'égoïsme, songea-t-elle en jouant avec le bout de sa natte
nerveusement.
- Je vous prie sincèrement de m'excuser.
La sincérité dans la note de sa voix fut suffisante pour qu'elle lui pardonne.
- Je pensais que vous détestiez le mensonge, lança-t-elle sur une note
d'humour qui n'eut aucun effet sur lui.
Insondable de par son expression impassible, le sultan dont le regard incendié
restait figé au sien déclara ;
- Je pensais que vous alliez vous enfuir, dit-il enfin.
- Pour quelle raison ?
- L'ardeur avec laquelle je vous ai embrassé aurait pu vous effrayer.
Ce fut tout le contraire.
Secrètement elle avait adoré cette ardeur et la possessivité qu'il avait mis dans
ce baiser.
Elle avait apprécié chaque seconde passée contre ce torse massif et puissant.
- Je vous l'ai dit, j'aime le risque, mentit-elle.
Il resta de marbre pendant plusieurs secondes avant de s'approcher. Distinct
elle recula ce qui l'alerta.
- Pourquoi mentir alors que je me suis montré honnête Belle ? Vous avez
peur ?
- Un peu, avoua-t-elle enfin ; C'est la première fois qu'une telle chose
m'arrive.
- Que voulez-vous dire ?
- Je n'ai jamais laissé un homme m'embrasser à ce jour, vous êtes le premier à
qui j'accorde ce droit si l'on oublie quelques bisous furtifs de mon
adolescence.
Le sultan se figea, ébahi.
- Vous en train de me dire que...
- Que je suis une jeune femme prudente quand il s'agit de faire confiance à un
homme, j'ai eu une mauvaise expérience par le passé. Je n'aime pas que l'on
me touche depuis.
L'expression du sultan se rembrunit.
- Vous n'avez pas été...
- Non, le coupa-t-elle en s'entourant de ses bras pour échapper à la sensation
de froid qu'elle ressentit brusquement ; Je n'ai pas envie d'en parler s'il vous
plaît n'insistez pas.
L'atmosphère était maintenant réduite à un simple silence et toute la magie
qu'elle avait ressentie quelques minutes plus tôt ne semblait plus qu'un
souvenir.
- Vous devriez remonter dans votre chambre pour vous reposer, lui conseilla-
t-il d'une voix étonnamment douce.
À ce moment-là, Belle releva les yeux pour croiser son regard cendré.
- Vous avez raison, je suis épuisée, approuva Belle en esquissant malgré tout
un sourire.
Les sourcils froncés, comme s'il était en proie à de multiples questions, il
inclina de la tête.
- Bonne nuit, murmura Belle en pivotant les talons alors que ses jambes
tremblaient.
Jafar l'observa partir sans chercher à la retenir. En réalité il se sentait frustré
de ne pas savoir ce qu'il lui était arrivé par le passé. L'esprit en désordre il se
passa une main sur le visage alors que les effluves de son parfum miroitaient
dangereusement autour de lui.
Le plus troublant ce soir restera probablement les aveux de Belle qui à aucun
moment lui avait caché ses émotions. Elle pouvait se montrer si illisible et à
la fois si limpide qu'il avait du mal à masquer son étonnement. Mais au delà
ça, Jafar n'oublierait jamais la douceur de ses lèvres et ignorait totalement s'il
serait capable d'y renoncer une fois de plus...
Au petit matin, alors que l'aube naissait sous un ciel rougeoyant, Jafar
ignorait depuis combien de temps il était là, sur le balcon, pensif, inondé de
questions auxquelles il n'avait aucunes réponses.
- Votre majesté ?
- Oui Rachid, dit-il sans se donner la peine de se retourner.
- Mademoiselle Moor est réveillé depuis plus d'une heure, dois-je lui apporter
son petit-déjeuner ou voulez-vous le partager avec elle ?
- Je le partagerai avec elle, répondit-il en se retournant ; Va la chercher s'il te
plaît.
Rachid toussota.
- Elle est déjà ici votre altesse.
Surpris par une telle information Jafar interrogea Rachid du regard qui
s'empressa de s'expliquer.
- Il y a eu un léger accident, il se trouve que mademoiselle Moor a été trouvé
en train de déambuler dans le couloir très tôt ce matin et j'ai jugé bon de
l'envoyer ici avant que quelqu'un d'autre l'aperçoive.
Jafar fronça des sourcils en exigeant les raisons qui l'avaient poussés à
prendre une telle décision, mais ce dernier esquissa une révérence puis
disparut en empruntant une autre sortie.
Pour s'assurer des dires de Rachid, il traversa le balcon pour revenir dans ses
appartements et la trouva assise, ses paupières baissées.
Très vite, Jafar comprit la raison qui avait poussé Rachid à intervenir.
Elle portait une chemise de nuit en coton, et un peignoir en soie rouge.
Dans cette tenue, la jeune femme aurait sans doute attiré l'attention et pas
seulement la sienne. Aiguillonné par un sentiment de jalousie Jafar
s'approcha de la table pour qu'elle remarque sa présence.
- Je suis assurément convaincu que vous ne l'avait pas fait exprès mais je
vous interdit de quitter votre chambre à moins d'être vêtue convenablement.
Sa paire d'yeux saphir se releva subitement.
- Je me pensais chez-moi, jusqu'à ce que je réalise que non, se justifia-t-elle
avec nostalgie ; Et ce n'est pas ma faute si le dressing mis à ma disposition
regorge de tenue semblable à celle-ci au lieu d'un bon vieux pyjama.
Choqué par sa vivacité de si bon matin Jafar s'approcha mains dans les
poches.
- Même dans un pyjama vous seriez capable d'attirer l'attention, rétorqua
Jafar en peinant à réprimer l'effet dévastateur qu'elle avait sur lui.
- Si vous continuer à me complimenter de la sorte je vais finir par penser que
c'est faux.
- Croyez-moi, ma sincérité est aussi loyale que la promesse que je vous ai
fait, jadis quelques heures plus tôt.
Les joues roses, les lèvres entrouvertes elle baissa les yeux sur ses doigts
qu'elle tirait nerveusement.
- Je saurais à l'avenir, veuillez m'excuser, dit-elle en revenant au problème
principal.
- Que faisiez-vous dans le couloir si tôt ? Vous avez dormie j'espère ?
Demanda-t-il en allant s'installer à l'autre extrémité de la table.
- Pas aussi bien que je l'aurai espérer, répondit-elle en affrontant son regard
non rougir.
- Êtes-vous sur le point de me dire que vous avez pour souhait de partir ?
S'enquit Jafar pour rentrer dans le vif du sujet.
- Non bien sûr que non, répondit-elle en le dévisageant les sourcils froncés.
- Alors qu'est-ce qui vous a empêché de dormir ? Ce qu'il s'est passé hier soir
?
- Ça faisait partie de mes préoccupation oui, admit-elle d'une voix tremblante.
- Vous n'avez pas à vous sentir coupable Belle.
- J'ai l'air coupable ?
- Ce n'est pas le cas ? S'enquit Jafar vivement intéressé.
- Non, mais je me sens mal à l'aise parce que ce n'est pas comme si ça c'était
passé avec un homme qui n'est pas connu.
- Je suis un homme avant tout, mon statut n'est qu'un titre.
- Un titre qui fait de vous un homme important, rectifia la jeune femme.
- Vous devriez vous détendre Belle, cessez de vous poser des questions, la
nuit dernière appartient au passé, il est temps de se tourner vers l'avenir,
décréta Jafar en plongeant son regard dans le sien.
- Et que me réserve l'avenir votre majesté ? Lança-t-elle sur un ton léger.
Jafar serra les mâchoires pour affaiblir les sensations qui l'empêchaient de
réfléchir.
Jafar serra les mâchoires pour affaiblir les sensations qui l'empêchaient de
réfléchir. Puis soudain, il se mit à imaginer ce qu'il n'avait jamais songé
auparavant pas même avec Zafina.
- Si vous me faites confiance, je vous promets que vous n'allez pas le
regretter...
Chapitre 24
Belle ne savait pas dans quelle aventure elle embarquait mais suivit le sultan
sans craindre la suite. C'était presque excitant de basculer dans
l'inconnu....avec un inconnu qui jadis quelques jours plus tôt était rentré dans
sa vie comme une tempête de sable.
Soudain elle remarqua deux hommes en train de charger une jeep noire et un
élan d'angoisse lui comprima le ventre.
- Nous partons pour combien de temps ? Demanda-t-elle à l'adresse du sultan
qui descendait les marches plus vite qu'elle.
- Un jour peut-être deux, ça sera à vous de décider.
Il lui tendit la main qu'elle s'empressa de saisir. Il referma ses doigts sur ses
phalanges puis l'aida à monter dans la voiture. La portière claquée, il se mit à
échanger avec les deux hommes. Dans le silence le plus absolu, Belle déglutit
quand elle vit une arme logée contre la ceinture du sultan. La chaleur
étouffante du pays ne l'aidait pas...de plus, le sultan acheva son état d'esprit
en dissimulant son visage derrière un keffieh noir.
Ce n'était plus du tout le gentleman de New-York, ni même le monarque de la
veille...
Il s'agissait à présent du guerrier.
Le pouls affolé, la respiration erratique, elle attendit qu'il la rejoigne pour lui
faire part de ses craintes.
- Là, j'ai peur.
Immédiatement il se tourna vers elle de quoi accentuer la peur qui lui nouait
le ventre. Elle ne voyait plus que ses yeux noirs et constamment menaçants.
- Je suis navré Belle, c'est ainsi que je désire être lorsque je rejoins le désert.
Je m'identifie à ce que je suis vraiment.
- C'est-à-dire ? Osa-t-elle demander alors qu'il chevauchait déjà les grilles du
palais.
Son silence eut bon de l'inquiéter.
- Vous m'avez donné votre confiance Belle, lui fit-il remarquer sur un ton
froid comme si la peur qu'elle ressentait le rendait furieux.
- C'est le cas, seulement j'ai été prise par surprise par votre...tenue.
D'ordinaire insondable, à présent il n'était plus qu'un homme de pierre dont le
regard fixé sur la route ne trahissait aucune émotion.
Plusieurs minutes s'écoulèrent dans lesquelles Belle découvrit un paysage
incroyable. Le désert pourtant si vaste et figé regorgeait de trésors secrets et
l'un d'entre eux fit son apparition sous son regard incrédule.
- Bienvenue dans mon havre de paix, déclara-t-il en coupant le moteur.
Sa voix ressemblait à un chef de tribu, grave, puissante et fière.
Lorsqu'il lui ouvrit la portière Belle fut parcourue par un lent et délicieux
frisson. Partagée entre la peur et l'excitation elle accepta une nouvelle fois sa
main et sa façon de presser ses doigts sur les siens la rendait presque folle.
Elle porta son regard sur la tente majestueuse et dressée sur le sommet de la
dune, au milieu de nulle part.
- C'est absolument magnifique, murmura-t-elle en le suivant jusqu'à celle-ci.
Il écarta l'ouverture pour qu'elle le précède et de là, le souffle lui manqua.
L'intérieur était envoûtant aussi bien par le style orientale que le mobilier
digne d'un siècle dernier.
- J'ai l'impression d'être dans une autre époque.
- C'est le cas, affirma-t-il en ôtant son keffieh ; Cette tente a été conçue et
construite par mon arrière-grand-père.
- Je pourrais parier qu'elle possède une histoire ! S'écria Belle le regard
émerveillé.
Le regard profondément ancré dans le sien il esquissa un lent sourire.
- Vous désirez vraiment l'entendre ?
La bouche sèche elle hésita avant de lui sourire timidement.
- Oui, à moins qu'elle me soit interdite, dit-elle en rivant son regard sur les
tapis persans.
Il referma la tente et très vite la lumière du soleil donna une teinte
rougeoyante à l'intérieur.
Il allongea sa main pour qu'elle prenne place sur les coussins disposés autour
d'une table.
L'ambiance était presque romantique.
Réprimant un accès de panique elle déglutit en observant le sultan qui était
tourné, lui exposant la largeur de son dos qu'elle devinait bronzé.
Une vive chaleur l'emporta dans un tourbillon de rêverie presque érotique.
- Mon arrière-grand-père a installé cette tente au milieu du désert pour le
silence que lui offre ce vaste paysage, commença-t-il en lui servant une tasse
thé fumante.
- L'endroit est vraiment splendide.
- Il l'est, assura-t-il en esquissant l'ombre d'un sourire qui la fit frémir.
- C'est ça l'histoire interdite ? Demanda-t-elle en soufflant sur le thé.
Il lui décrocha un regard mystérieux avant de poursuivre.
- C'est ici qu'il a passé sa lune de miel ainsi que mon père, cette tradition a été
instauré pour tous les hommes de ma famille.
Belle réprima les rougeurs qui lui montaient aux joues. Soudain elle se sentit
étrangement mal à l'aise mais tenta de faire comme si cette précision ne
l'avait nullement troublée.
- Je trouve ça plutôt romantique, commenta-t-elle en soutenant son regard.
- Ça l'est en effet, affirma-t-il d'une voix rauque.
- Je suppose que vous avez perpétué cette tradition avec votre...
- Justement non, la coupa-t-il brutalement ; Zafina n'a pas eu cette....chance.
- Pour quelle raison ? S'étonna Belle en changeant de position pour être plus à
l'aise.
- Parce que j'ai senti qu'elle ne le méritait pas, ce pressentiment était bon car
notre mariage a été un échec. Chaque épouse royale qui est entrée dans cette
tente est ressortie comblée. À l'époque il se murmurait que les hommes de ma
famille s'enfonçait dans les tréfonds des villages pour kidnapper leur promise.
Au lieu d'en être terrifiée Belle sentit son cœur cogner dans sa poitrine et
pendant une seconde aurait voulu être l'une de ces femmes.
- Cependant, lors de mon mariage, au moment de prendre la route et de
quitter les invités, j'ai brutalement changé d'avis. Les invités ont été choqués
ce jour-là, un lourd silence s'est abattu dans la foule.
Un muscle de sa mâchoire tressauta puis brusquement il déclara.
- Ainsi vous connaissez l'histoire, conclut-il en lui souriant.
- Je peux vous poser une question ? Osa-t-elle demander.
- Je vous en prie...
- Pour le harem, je suppose qu'il s'agit d'un mythe n'est-ce pas ? Votre
famille...
- Il y en a eu à l'époque et dans beaucoup de pays, affirma-t-il sérieusement ;
Pourquoi ? Auriez-vous peur que j'en possède un ?
Son sourire presque diabolique la fit rougir.
- Est-ce le cas ? Demanda-t-elle d'une voix qui trahissait ses pensées.
Une lueur mystérieuse perça le regard du sultan.
- Si c'était le cas, vous auriez été ma favorite, mais cette époque est révolue,
répondit-il d'une voix si profonde qu'elle sentit ses battement de cœur dans
ses tempes.
Ses mains étaient moites, son bas-ventre n'avait jamais ressenti une telle
sensation.
- Puis-je vous poser une question en retour ?
Troublée Belle hocha de la tête.
- Pour quelle raison vous n'aimez pas qu'un homme vous touche ? Vous n'êtes
pas obligée d'allez dans les profondeurs du sujet, j'aimerais juste comprendre.
Belle baissa les yeux un instant, un peu honteuse de se livrer ainsi.
- À l'époque de la faculté, il y a quatre ans, je sortais avec un garçon et bien
sûr il était pressé de passer à l'étape supérieur. Un soir nous étions dans sa
chambre d'étudiant, ce moment qui aurait dû être merveilleux a été horrible,
j'ai tout arrêté avant d'aller plus loin. Il m'a alors insulté et m'a dit que j'étais
aussi rigide qu'un balai Depuis je n'aime pas le contact d'un homme. J'ai
honte de vous l'avoir raconté maintenant.
- Ce garçon n'avait pas l'expérience nécessaire pour vous combler, vous n'êtes
pas coupable et vous ne devriez pas avoir honte Belle, il ne vous méritez pas.
Il prit son menton entre ses doigts.
- Je vous l'interdit c'est comprit ?
Belle ne sut dire combien elle était émue par sa réponse. D'ordinaire elle se
serait enfuie après une telle révélation mais étrangement, le sultan était
parvenu à la mettre à l'aise. Elle n'aimait pas ressasser cette période de sa vie
car pour elle ce ne fût qu'un bref moment d'humiliation qui lui avait donné
une bonne leçon.
- Le principal c'est que vous n'avez rien et que cette expérience n'est plus
qu'un mauvais souvenirs, reprit-il en relâchant son menton.
- Ça l'est, mais comme chaque souvenir il laisse des traces, bonnes ou
mauvaise.
- Vous avez raison, approuva l'homme en la dévisageant avec une intensité
troublante.
Puis dans cette ambiance tamisée où seul les brises de vents se firent entendre
il déclara ;
- Je dois dire que je me sens à présent flatté que vous m'ayez laissé
l'opportunité de vous embrasser et que ce baiser vous ai désorientée...
Si seulement il savait à quel point elle avait pour désir qu'il recommence,
songea-t-elle en remettant une mèche derrière son oreille.
- Combien de temps allons-nous rester ici ? Demanda-t-elle pour s'éloigner de
cette tentation qui la menaçait.
Il s'approcha près d'elle et immédiatement elle se sentit prisonnière de son
regard envoûtant.
- Aussi longtemps que vous le souhaitez Belle, répondit-il d'une voix rauque.
Chapitre 25
" Aussi longtemps que vous le souhaitez Belle, répondit-il d'une voix rauque
"
Jafar ignorait depuis combien temps il fixait l'horizon alors que la jeune
femme était dans la tente, seule, et visiblement contente d'arpenter les tapis
persans.
À son contraire, Jafar avait dû se faire violence et quitter la tente avant de
faire une erreur.
Celle de l'embrasser...
En insistant sur le désir de connaître son histoire, Jafar était loin de s'attendre
à la révélation qu'elle lui avait donné en retour. Si d'abords la colère l'avait
violemment saisie, Jafar avait très vite compris que la belle jeune femme était
tout aussi innocente à l'extérieur comme à l'intérieur et semblait fière de
l'évoquer sans complexe ni honte.
Subjugué Jafar ne parvenait toujours pas à comprendre comment avait-elle pu
rester aussi longtemps seule, sans le désir de connaitre le plaisir charnel.
Inspirant profondément, Jafar serra convulsivement les mâchoires en essayant
tant bien que mal à réprimer le besoin presque irrépressible qu'il ressentait
chaque fois qu'il se retrouvait à son contact.
Lui qui s'était promis de ne plus jamais laisser une femme s'immiscer dans
ses devoirs, songea-t-il en fixant les dunes de sables rictus aux lèvres.
Arraché de ses songes par un bruit sourd provenant de la tente Jafar se leva
précipitamment et courut vers celle-ci.
Lorsqu'il pénétra à l'intérieur il trouva la jeune femme perchée sur le canapé
avec l'une de ses chaussures à la main. Traçant alors la trajectoire qu'elle
visait, Jafar s'aperçut que son autre chaussure était de l'autre côté du tapis au
milieu de la vaisselle en cuivre.
- Je peux savoir ce que vous faites ? S'enquit Jafar en essayant d'ignorer
l'effet violent qu'elle lui inspirait.
- Il y a une énorme araignée ! S'écria-t-elle en tenant sa chaussure fermement
au creux de sa main.
Elle dévisageait le tapis avec inquiétude.
Jafar inspecta les lieux et aperçut la mygale près des coussins et s'empressa
de l'attraper entre ses mains sous le gémissement effrayé de la jeune femme.
- C'est rare qu'elles s'aventurent dans la tente, j'ai dû négliger la fermeture en
sortant.
- Par...parce qu'il y en à d'autre ? S'enquit-elle les yeux écarquillés.
- Rassurez-vous, il y a peu de chances que vous en recroisiez de si peu, dit-il
d'une voix légèrement sèche.
La jeune femme qui en silence inspectait le tapis ne semblait guère inquiétée
par sa froideur. La punir d'être aussi irrésistible était mal mais Jafar pensait
qu'en faisant cela, l'envie de dévorer ses lèvres allait disparaître. Hélas, à son
plus grand désarroi la jeune femme avait détaché ses cheveux et ce simple
détail suffit à le faire défaillir.
- Pourquoi vous n'avez pas crier ? Demanda-t-il en l'aidant à descendre de son
perchoir.
- Parce qu'elle ne pouvait m'entendre, à quoi cela aurait servi que je
m'étrangle en hurlant ?
Jafar ne put s'empêcher de rire à la hauteur du grand rougissement de celle-ci.
- Moi, j'aurais pu vous entendre, dit-il en la dévisageant.
- Ah oui ? Vous en êtes sûr ? Rétorqua-t-elle en levant le menton pour le
défier.
- Oui, affirma-t-il en plongeant dangereusement son regard dans le sien.
- Savez-vous depuis combien temps vous êtes dehors à contempler la vue
pendant que je déambule seule dans cette grande tente ?
Le ton accusateur de celle-ci suffit à le rembrunir.
- Deux heures ! Reprit-elle en lâchant sa chaussure pour croiser les bras
contre sa poitrine.
Jafar avait perdu la notion du temps, il devait le reconnaître.
- À quoi ça sert de m'avoir emmené ici si c'est pour me laisser seule avec une
armée de mygales ?
- Inutile d'exagérer miss Moor, déclara Jafar en allant fermer la tente ; Il y en
avait qu'une seule.
Ses yeux bleus lui lancèrent des éclairs.
- Je peux savoir ce qu'il se passe votre majesté ? J'aimerais savoir quel est le
problème.
Jafar serra convulsivement ses mâchoires tout en la toisant comme un animal
sur le point de dévorer sa proie.
- C'est vous mon problème, articula-t-il d'une voix rauque.
- Si...si je suis un problème la solution la plus simple serait de me ramener
chez-moi, tout ceci était une mauvaise idée, vous me donner l'impression de
jouer au garde du corps cela m'est insupportable.
- Ne soyez pas ridicule, répliqua Jafar d'une voix si froide qu'elle recula d'un
pas.
Belle avait l'impression qu'elle était sur le point de s'évanouir. Le regard
menaçant du sultan était aussi insondable que le silence du désert. Son
comportement lui donnait le tournis. Tout ce qu'elle savait c'est qu'elle ne
supportait plus d'être considérée comme une petite fille que l'on doit
précieusement préservée.
- Je ne suis pas ridicule, je suis plutôt honnête, contrat Belle d'une voix sèche
; Vous me donnez l'impression que je suis une mission que vous vous êtes
donné depuis votre retour dans ma vie désordonnée.
- Ma mission est assurément de vous protéger et pas seulement de moi mais
d'Alex Frost, vous avez oublié ?
- Aujourd'hui ce n'est pas lui qui me préoccupe mais vous ! S'exclama Belle
en soutenant son regard.
La bouche sèche elle le vit s'avancer vers elle, avec une expression sévère.
- Hier vous m'embrasser aujourd'hui vous me donnez l'impression d'être une
enfant, puis vous m'emmener ici au milieu de nulle part et...
- N'ai-je pas été assez limpide hier ? La coupa-t-il d'une voix doucereuse.
S'il faisait référence au désir qu'il éprouvait pour elle, Belle ressentit alors
tous les précipices de ce désir.
- Alors pour quelle raison m'avez-vous amenée ici votre altesse ? Demanda-t-
elle en se pinçant la lèvre nerveusement.
- Pour des raisons qui me sont encore méconnues, répondit-il d'une voix
rauque.
Il s'écarta, mâchoires serrées et se détourna d'elle.
Belle perdit alors l'envie de poursuivre cette discussion et ressentit une pointe
se former dans le creux de sa poitrine. Il ressemblait à un homme torturé avec
des fissures qu'elle voulait percer. Elle était presque sûre que Zafina était la
clé de ses secrets.
- Je suis désolé si mon comportement vous semble si déroutant, l'avait-elle
entendu dire après des heures de silence dans lequel Belle s'était prostrée
dans un coin de la tente.
Il se tenait derrière elle, et sa présence suffit à la troubler.
- En effet, il l'est, murmura-t-elle d'une voix qui laissait paraître sa tristesse.
Il s'installa sur les coussins, si proche qu'elle pouvait sentir les effluves de son
parfum.
- Vous n'étiez pas prévu dans les projets que je m'étais fixé pour les trente
prochaines années.
Belle releva les yeux vers lui alors qu'elle avait senti de la colère vibrer dans
le timbre de sa voix.
Sa paire d'yeux cendré brillait d'une lueur mystérieuse.
- Je m'étais promis de ne plus jamais laisser une femme interférer dans ma
vie.
Confuse elle le dévisagea en silence.
- Je n'avais pas l'intention de m'immiscer dans votre vie, répondit-elle en
fronçant des sourcils ; Je n'ai pas demandé à ce que vous débarquiez dans ce
chalet pour me demander une chose impossible et je n'ai pas demandé à être
ici même si j'ai accepté de vous accompagner sans réfléchir que...
- Assez, ordonna-t-il en enfonçant sa paire d'yeux dans les siens ; Vous êtes
en train de vous inonder de reproche pour rien, votre présence ici m'est très
agréable et je refuse que vous en pensiez le contraire.
Belle déglutit lentement puis détourna les yeux sur la belle table basse
garnies.
- Cependant vous n'êtes pas sans savoir que vous êtes une belle jeune femme
et que notre baiser d'hier n'a fait que renforcer ce que je voulais à tout prix
défaire.
Sous le choc, elle n'osa pas le regard au risque qu'il puisse déceler les
rougeurs perceptible sur son visage.
- Vous êtes de loin l'homme le plus respectable que je connaisse, ne put
s'empêcher de dire Belle sans le regarder.
- Mon père m'a inculqué des valeurs qui me sont importantes, déclara-t-il font
voix dont le timbre profond la fit frémir.
Il glissa sa main sur son menton et y exerça une légère pression afin qu'elle le
regarde.
Cet homme regorgeait de multiple facettes qui la troublaient au plus profond
de son être. Il pouvait se montrer doux, exigeant, autoritaire, respectueux et
aussi insondable.
Fascinée malgré les avertissements que lui envoyait sans cesse son esprit
Belle savoura le contact rêche de ses doigts.
- Vous troublez mon esprit Belle, c'est très dangereux.
Cet avertissement aurait dû l'aider à s'éloigner de ce guerrier implacable mais
ce fût tout le contraire.
- Vous dites cela comme si c'était mal.
- Ça l'est, parce que je suis tout sauf ce que vous espérez trouver un jour.
- À vous écouter vous êtes le pire monstre que la terre n'est jamais porté,
répliqua Belle en se détachant de son emprise.
Elle remit quelques mèches derrière son oreille puis reprit.
- Si le trouble que vous ressentez vous ai à ce point insupportable, sachez que
pour ma part je me sens flattée que vous le soyez.
Un vague sourire couvrit les lèvres du sultan.
- Êtes-vous en train de dire que vous aimez me savoir torturé.
Belle plongea son regard dans le sien.
- Méfiez-vous votre altesse, je pourrais y prendre goût de vous savoir à ce
point torturé...
Belle savait qu'elle jouait à un jeu extrêmement dangereux mais pour la
première fois de sa vie elle se sentait désirable et capable d'attirer l'attention
d'un homme aussi magnifique que l'était Jafar Al-Zyhar...
Allait-elle y laisser son âme ?
Allait-elle le regretter ?
Belle n'avait pas encore la réponse mais sut au plus profond de son être que
cette nuit allait changer son destin...
Chapitre 26
Après un chaleureux diner Belle se réfugia dans la salle de bains pour enfiler
une tunique en coton. Elle n'en revenait toujours pas d'obtenir un tel confort
dans cette tente magnifique. Des étoiles dans les yeux elle esquissa un sourire
à la hauteur de son ravissement. Néanmoins elle ne put s'empêcher de se
demander comment cette nuit allait se dérouler. En effet, elle ignorait où elle
allait dormir et encore moins si elle devrait partager un lit avec le sultan.
La respiration affaiblie par l'appréhension, Belle observa son reflet dans le
miroir puis glissa la naissance de ses doigts dans ses longs cheveux blonds.
Elle ne savait plus quoi penser et elle avait une conscience aiguë de la tension
électrique qui embrasait l'air.
Il fallait pourtant qu'elle quitte cette salle de bains.
Alors c'est le cœur battant à vive allure qu'elle ramassa ses affaires puis écarta
les lourdes teintures qui séparaient les deux pièces.
Nulle besoin de le chercher pour sentir sa présence qui semblait proche.
Elle rompit son souffle et se retourna pour lui faire face.
Et elle n'aurait jamais dû...
Il ne portait plus qu'un pantalon noir et ce dernier n'avait aucune difficulté à
faire ressortir son torse magnifié par sa peau bronzée. Sa musculature
impressionnante aiguisa la peur qu'elle ressentait en sa présence mais celle-ci
fut vite remplacée par une chaleur indescriptible.
Intimidée par ce corps bardé de muscles Belle détourna les yeux un instant, la
gorge sèche.
- Le lit se trouve ici, annonça ce dernier en écartant une fine toile blanche qui
séparait la pièce principale à la chambre.
Elle s'y aventura en essayant de masquer son visage rouge sang.
La hauteur du sultan lui donnait l'impression d'être minuscule. Ajouté à cela,
Belle ne parvenait pas à détacher ses yeux de cette masse de muscles
sillonnée de veines bleus.
Elle dévia son regard sur le grand matelas avec difficulté.
- Et vous ? Demanda-t-elle désireuse d'échapper à la chaleur qui ne quittant
plus son visage.
- Je dormirais par terre de l'autre côté, dit-il d'une voix rauque.
Se sentant désolée pour lui et coupable elle trouva enfin la force de le
regarder.
- J'ai connu pire, ajouta le sultan comme s'il avait pu lire à travers elle.
- Bien, murmura-t-elle en déposant ses affaires sur le matelas.
- Bonne nuit Belle.
Il disparut presque aussitôt sans qu'elle n'ait eu le temps de le remercier pour
le somptueux repas qu'ils avaient partagés ensemble. Les voiles transparents
lui laissèrent assez de visibilité pour le voir s'asseoir à même le sol, les bras
croisés sous la nuque.
Lèvres pincées, Belle monta sur le grand lit en déposant un regard sur les
bougies qui vacillaient sur les étagères en bois.
L'ambiance était presque romantique assez pour qu'elle songe à toutes ces
années de solitudes l'esprit envahi de rêves comme celui-ci.
Jafar ferma les yeux pour échapper au désir vorace qui le tenaillait. La jeune
femme était belle à damné un saint dans cette tunique en coton. Il s'était
même surprit à l'imaginer à une époque ancestrale dans laquelle la jeune
femme aurait été préservée, acclamée, vénérée d'être en possession d'une telle
beauté.
Si lui-même avait été à cette époque, Jafar l'aurait probablement enfermée
dans son palais pour faire d'elle son épouse. L'esprit en désordre, il rouvrit les
yeux alors que ses muscles se contractaient violemment jusqu'à ce que ça en
devienne douloureux.
Il n'avait qu'un seul désir, se perdre en elle jusqu'à l'aube, ici, dans cette tente
chargée de souvenirs érotiques.
L'entendre s'abreuver de la passion, lui faire découvrir les sensations exquises
du plaisir charnel, lui faire oublier sa triste expérience qui la rebutait tant...
Mâchoires crispées, Jafar tourna la tête en direction des voiles qui les
séparaient et l'imagina étendue sur son lit, endormie.
Et alors que les minutes devenaient pour lui des heures intenables, il se leva
puis écarta les voiles blancs avec l'intention ferme de pénétrer à l'intérieur.
Les yeux fermés, la jeune femme semblait dormir. Sa poitrine se soulevait au
rythme de ses lentes respirations.
Jafar s'approcha, conscient qu'il pourrait lui faire peur. Belle rouvrit les yeux
lentement lorsqu'elle sentit une présence s'approcher. Son souffle se coupa en
découvrant le sultan à quelques mètres du lit, le regard rivé sur elle, une lueur
dangereuse au fond des yeux. Un tumulte d'émotions la paralysa lorsqu'il
s'avança plus près. Son visage rude se pencha alors au-dessus du sien et elle
sut avec certitude qu'il allait l'embrasser.
- Je suis navré Belle...
La gorge sèche, le cœur battant à la chamade elle soutint son regard.
- Navré de quoi votre altesse ? Parvint-elle à dire.
- De ne plus pouvoir résister, répondit-il d'une voix rauque.
Il captura sa bouche sans attendre et Belle s'empressa d'accueillir les assauts
de ses lèvres sur les siennes.
Il s'empara de sa bouche sauvagement sans lui laisser le temps de reprendre
un semblant de souffle. Aussi vif qu'un félin il glissa son bras sous sa taille
pour l'attirer à lui et crispa ses doigts dans sa peau sensible.
Il s'écarta soudain et elle crut que tout serait fini et qu'il allait se raviser mais
il n'en fit rien. Sa large main se posa sur sa joue et il l'observa avec une lueur
sauvage dans le regard.
- Tu as peur ? Demanda-t-il les mâchoires serrées.
Incapable de parler Belle secoua négativement de la tête, les yeux rivés aux
siens. Un son rauque quitta la gorge du sultan qui pris possession de ses
lèvres puis de son cou sur lequel il déposa des baisers tout aussi troublant que
ceux qu'il posait sur sa bouche.
C'était comme s'il voulait marquer sa peau de son empreinte. Envahie par une
vive chaleur Belle se mit à trembler d'excitation lorsqu'elle sentit sa main
rêche s'aventurer sur sa jambe puis sa cuisse. Sa peau sensible se mit à réagir
immédiatement. Les yeux fermés elle s'abandonna à la fièvre qui inondait son
corps.
- Laisse-moi te montrer, articula-t-il contre ses lèvres.
Le regard accroché au sien Belle comprit qu'elle n'avait aucune envie de
reculer, aucune envie de résister à l'appel du désir.
Jafar vit naître dans les yeux bleus de la jeune femme la même flamme que la
veille. Dents serrés il se leva pour la contempler et sut à cet instant qu'elle
méritait d'être ici et qu'elle était aussi précieuse que son royaume.
Sans plus attendre il de déshabilla entièrement sans craindre sa réaction
devant sa nudité lui exposant son membre gorgé de désir.
Elle se recula distinct et lui s'approcha pour happer sa bouche chaude et
douce. Il agrippa sa taille et la souleva pour la déposer sur le tapis. Une fois
debout, le regard lumineux, les cheveux cascadant sur ses épaules, Jafar
pressa son torse contre son dos et écarta sa masse de cheveux pour embrasser
sa nuque puis son épaule jusqu'à ce qu'il sente la tunique tomber au sol.
- Regarde-moi habibti...
Elle se retourna, lui exposant son corps magnifique. Il imprima chaque
parcelle de sa peau laiteuse. Son désir devint presque meurtrie tant sa beauté
faisait naître en lui des sensations inexplicables.
- Tu es la plus belle femme qui m'a été donné de voir Belle.
Jafar prit ses poignets pour l'empêcher de se cacher.
- Tu es la belle femme qui a franchie le seuil de cette tente, ajouta-t-il d'une
voix gutturale.
Pour aiguiser ses paroles Jafar captura de nouveau sa bouche avec passion
puis l'allongea sur le lit massif.
Belle ne parvenait plus à contrôler son corps qui semblait à la merci du
sultan. Une vive chaleur comprima son bas ventre alors qu'il l'embrassait
avec une exigence affolante. Son souffle chaud parcourut son visage puis il se
redressa au-dessus d'elle, tel un guerrier implacable. Un frisson la parcourut
jusqu'à ce qu'il se penche à nouveau mais cette fois-ci pour prendre ses seins.
Rejetant sa tête en arrière Belle esquissa son premier gémissement.
- Était-ce le premier Habibi ? Demanda le sultan en glissant son bras sous son
dos pour la ramener vers lui.
Incapable de réfléchir Belle se pinça les lèvres pour retenir le second qui
hélas quitta ses lèvres au plus grand plaisir de l'homme qui traça un sillon de
baisers avant de remonter lentement vers son visage.
Un lent sourire couvrit les lèvres du sultan qui pris possession de bouche
avant de s'écarter.
- Est-ce que tout va bien ? S'informa-t-il contre ses lèvres.
Incapable de lui répondre Belle se contenta d'agripper son bras et prise
d'assurance déposa un baiser sur ses lèvres entrouvertes.
Une satisfaction presque sauvage emplissait déjà Jafar. Sans la quitter des
yeux il glissa sa main sur son ventre jusqu'à ce qu'il atteigne le cœur de sa
féminité. Une sensation violente le submergea et il ne put s'empêcher de la
décrier par un son guttural.
Elle se cambra, cherchant désespérément à lutter contre son propre plaisir. La
saveur de cette image déclencha en lui ce que nulle autre n'était parvenue à
faire. Galvanisé par les sensations qui parcouraient son être, Jafar accentua
ses caresses sans la quitter des yeux.
Quand il sut qu'elle était sur le point d'être submergée par son premier
orgasme Jafar s'écarta pour mieux la déposer sur les oreillers.
Belle lâcha une plainte significative alors que son amant la couvrait à présent
de son corps massif. Jamais elle n'avait ressenti ça auparavant si bien qu'elle
voulait presque le supplier qu'il recommence. Le corps littéralement embrasé
elle souda son regard dans le sien et pu lire dans ses yeux son désir impérieux
de la faire sienne.
Belle réprima alors un frisson et accepta le baiser qu'il lui donna...empli d'une
seule promesse.
Celle d'une nuit qu'elle n'oublierait jamais.
Avec une lenteur délibérée il se fondit en elle accompagnée par des mots
qu'elle ne comprit pas. Un mélange de sensations la paralysa alors qu'il s'était
immobilisé, le visage au-dessus du sien.
D'un simple regard elle lui assura que tout allait bien même si une vive
douleur l'avait traversée. Mais très vite, celle-ci se mua en une myriade de
sensations exquises quand il se mit à se mouvoir en elle avec une douceur
presque insupportable.
Il gémit de sa voix rauque et sombre la propulsant dans une déferlante de
gémissements se succédant les uns après les autres. Sa peau frissonnait de
brûlantes ondes de chaleur. Ses va-et-vient devinrent alors plus intenses, plus
possessifs et elle s'embrasa contre son corps viril alors qu'il n'avait de cesse
de l'embrasser.
Alors que le monde avait cessé de tourner autour de lui Jafar poussa un
grognement guttural sur la bouche entrouverte de la jeune femme. Il ne
contrôlait plus rien, son corps réagissait à chaque parcelle délicieuse de Belle
qui lui montrait déjà les préludes de son premier orgasme. Il encercla sa taille
pour la maintenir contre lui afin d'aiguiser la violente sensation qui le
galvanisait chaque fois qu'il se mouvait en elle. Jafar se pencha pour couvrir
sa bouche d'un baiser langoureux et se délecta de ses cris étouffés. Il la savait
au bord du plaisir, au bord du précipice, mais il aurait voulu que cet instant ne
s'arrête jamais.
Il redoubla alors de baisers, laissant son plaisir se décupler alors que la belle
jeune femme était en proie à des spasmes incontrôlables. Belle ferma les yeux
puis les rouvrit alors que son amant prononçait des mots hachés contre son
oreille, le regard fiévreux. Puis dans un grognement rauque il fit écho à son
orgasme qui venait de la saisir avec une violence insondable.
Émerveillée, une larme perlant sur sa joue, Belle sentit la main de son amant
saisir sa hanche alors que peu à peu ses longs va-et-vient ralentissaient.
Il prit possession de ses lèvres puis déposa une pluie de baiser sur son visage
tout en continuant de se mouvoir lentement en elle comme s'il refusait d'y
mettre un terme.
- Regarde-moi, ordonna-t-il en prenant son visage en coupe.
Grisée, heureuse, comblée, Belle obéit à la voix impérieuse du sultan et
plongea son regard dans le sien.
Sans un mot, il caressa ses pommettes tout en parlant en arabe. Il articulait
chaque mot comme si ces derniers avaient une valeur inestimables.
Ses mâchoires étaient crispés, ses yeux comme un ciel d'orage.
À la fin de son monologue dans cette langue étrangère et envoûtante il se
pencha pour l'embrasser langoureusement.
Peut-être le signe que cette longue nuit venait seulement de commencer.
Chapitre 27
Envahie par une sensation de plénitude Belle respira profondément alors que
son amant l'observait avec une intensité qu'elle ne sut décrire. Et alors qu'elle
se remettait à peine, elle prit peur. Ils venaient de s'abandonner l'un l'autre
dans le plaisir charnel sans songer aux conséquences.
- Jafar je ne prends pas la pilule, je...
- Chut...murmura-t-il en posant son index sur sa bouche.
Cédant à la lueur rassurante qui brillait dans ses yeux, Belle se détendit peu à
peu.
- Je vais te révéler mon passé et ensuite je ne veux plus jamais en parler est-
ce clair ?
Frissonnante, elle acquiesça alors qu'une lueur dangereuse dansait dans ses
yeux noirs.
- Lorsque j'ai épousé Zafina, j'ai pensé que nous serions heureux. Mes
sentiments pour elle étaient là mais pas aussi puissant que je l'espérais. Je
voulais un enfant et elle semblait le vouloir aussi mais il se trouve que les
hommes Al-Zyhar ont eu énormément de mal à procréer sur des génération.
S'il n'y avait pas mon cousin, je serais le dernier descendant.
Attentive à son récit Belle le suivit des yeux quand il se redressa sur le lit, le
regard impassible.
- Zafina est tombée enceinte peu après notre mariage mais je l'ai su quatre
jours après qu'elle se soit fait avorté sans m'en informer.
- Mon dieu, je...
- Cet enfant n'était pas le mien, la coupa-t-il mâchoires crispées ; Elle m'avait
trompé avec un américain, prétextant que mes devoirs de souverain me
prenait tout mon temps. Elle m'a avoué avoir tout tenté pour être enceinte
bien avant notre mariage et que ça n'avait pas marché.
Belle remonta les draps sur son corps nu, le cœur serrée d'entendre les plaies
de son passé.
Un sourire amer perça les commissures de ses lèvres.
- J'ai alors comprit que mes chances d'avoir un enfant était réduite comme
elles l'étaient pour mon père. C'est pour cette raison que je ne veux pas que
mon cousin épouse n'importe qui car l'avenir du royaume en dépendra.
Belle fronça des sourcils.
- Je ne comprends pas.
- C'est très simple, mon cousin est le seul à pouvoir assurer un héritier pour le
pays. Il sera mon héritier en quelque sorte. C'est lui ou elle qui héritera du
titre quand j'aurais décidé de mettre fin à mon règne.
Blessée pour lui, Belle osa à peine le regarder. De plus, elle ne parvenait pas
à lire dans ses yeux. Il était de marbre, comme s'il s'était fait une raison sans
avoir une lueur d'espoir.
- Je suis sûre que...
Il leva sa main et elle comprit qu'il ne voulait pas entendre parler d'espoir.
- J'ai fini par répudier Zafina alors qu'elle me suppliait à genoux de la
reprendre mais pour moi, cette femme ne pouvait être pardonné d'une telle
trahison.
Il marqua une pause dans laquelle ses yeux menaçant se posèrent dans les
siens.
- Je me suis alors promis de ne plus jamais laisser une femme entacher ma
réputation..
Belle sentit des frissons parcourir sa peau, alors qu'une angoisse latente
l'envahissait.
- Jusqu'à vous mademoiselle Moor, ajouta-t-il d'une sombre voix.
- Je n'ai pas l'intention de ternir ta réputation.
Il se rapprocha d'elle, enfonçant ses poings dans le matelas.
- Je sais, chuchota-t-il les yeux rivés sur sa bouche ; ce n'est pas ma
réputation qui me fait peur.
- Alors quoi ?
- J'ai peur de ne pas pouvoir m'arrêter de te vouloir à moi seul.
Il captura ses lèvres sauvagement puis souleva par les hanches pour mettre
debout au pied du lit. Sa force physique lui coupa le souffle. Il n'avait aucune
difficulté à la soulever, ni même à l'hypnotiser.
Les traits tendus parce qu'il luttait contre des forces intérieures Jafar emporta
la jeune femme avec lui dans la pièce principale éclairée par de faibles
bougies. Il la voulait encore, il voulait l'embrasser jusqu'à la marquer de son
empreinte. Aucune femme avant elle lui avait fait ressentir ça.
- Ne crains rien pour une éventuelle procréation Habibti, tes chances de
porter mon héritier sont réduites à néant, articula Jafar alors que ces mots lui
coûtaient la triste réalité qui le poursuivrait jusqu'à son dernier souffle.
Pour oublier, il se concentra sur Belle et presque immédiatement ses pensées
furent remplacées par l'envie vorace de la faire sienne toute la nuit.
- Ce qui veut dire habibti, commença-t-il en la plaquant contre lui ; Que je
peux et je veux te faire l'amour toute la nuit.
Une lueur brillait dans ses yeux saphir. Ses yeux disaient ce qu'il voulait
entendre. Il voulait l'initier, lui apprendre.
- Je pensais que seule les épouses Al-Zyhar avaient le droit d'être ici. Tu es en
train de briser la tradition.
- Tu n'as aucune idée de comment ces épouses sont ressorties d'ici Belle, peu
m'importe la tradition, je pourrais te faire crier aussi longtemps que je le
désire.
Elle cilla, les joues en feu alors que son corps de déesse l'appelait
éperdument.
- Allonge-toi, ordonna-t-il d'une voix impérieuse.
Elle répondit à son ordre, les lèvres pincées.
Déterminé à faire d'elle une femme comblée Jafar l'emprisonna d'un baiser
exigeant et prit d'assaut son corps qu'il parcourait de ses mains. Au premier
gémissement Jafar grogna de satisfaction puis prit le cœur de sa féminité.
D'une précision machiavélique Jafar maintenait ses hanches scellées au sol
tout en savourant sa victoire de l'entendre gémir et se tortiller. Elle était si
délicieuse si magnifique ainsi sienne qu'il se redressa, conscient que son désir
n'avait plus rien de passionné mais sauvage.
Avec une lenteur délibérée il se fondit une nouvelle fois en elle, puis
l'embrassa pour savourer le goût exquis de ses lèvres contre les siennes et
l'emporta une nouvelle fois au sommet de l'extase.
À la fin de cette nuit blanche, Jafar se surprit à rester au lit, observant avec
paresse la lumière de l'aube qui inondait la tente.
Ce n'était pas dans ses habitudes de flâner au lit, et il savait que la jeune
femme étendue à ses côtés en était la cause. Torride, érotique et exquise de
passions, il venait de vivre la plus belle nuit de sa vie. Elle avait déclenché en
lui quelque chose qu'il ne parvenait pas à déchiffrer. Pendant un bref instant il
se surprit même à vouloir rester ici avec elle toute sa vie. Puis une grimace
d'amertume crispa sa bouche au souvenir des révélations qu'il lui avait donné
en retour de ses inquiétudes. En son for intérieur Jafar était persuadé qu'il
était condamné comme ses ancêtres et qu'il devrait affronter les mêmes
complications que son père avait connu pour l'avoir.
Zafina avait fini par mettre un terme à la naissance de son espoir et c'était
mieux ainsi.
Extirpé de sa sombre torpeur par une délicate odeur de jasmin, Jafar tourna la
tête en direction de Belle. Celle-ci étendit ses jambes tremblantes puis ouvrit
les yeux pour lui offrir son premier regard du matin.
Et ce simple regard suffit à éveiller le désir qu'elle lui inspirait.
- Bonjour, chuchota-t-il en glissant son index sur son nez.
- Bonjour, murmura-t-elle à son tour avec l'esquisse d'un sourire timide.
Jafar se redressa en cherchant la dernière fois qu'il s'était réveillé auprès d'une
femme.
Avec Zafina, il quittait toujours le lit aux premières lueurs de l'aube.
Aujourd'hui il avait attendu patiemment le réveil de la jeune femme.
- Comment tu te sens ? Demanda-t-il sérieusement.
Elle se redressa brusquement sur le lit, et son regard balaya la tente parsemée
de souvenirs.
- Je me sens bien, même trop bien, répondit-elle en se passant une main dans
ses cheveux.
Jafar se redressa à son tour, agrippant ses épaules nues pour l'attirer contre
son torse.
- Je t'ai pris ta virginité, dis-moi ce que tu en penses réellement.
Ce sujet sensible devait être abordé, songea Jafar inquiet. Il voulait savoir si
la jeune femme n'éprouvait pas des regrets.
Lui ne regrettait rien.
- Je ne regrette pas de l'avoir perdue avec un homme tel que toi et je ne dis
pas ça parce que tu es l'esquisse parfaite d'un fantasme pour des million de
femmes.
Jafar ferma les yeux, rassuré.
- Tu m'as appris à découvrir mon corps, j'ignorais à quel point il pouvait être
transcendé par des sensations aussi fortes et inépuisables.
Son honnêteté le ravissait si bien qu'il parsema ses épaules de légers baisers.
- Mais comme toute histoire je suppose qu'il y a une fin, termina-t-elle avec
une pointe de déception dans la voix.
Jafar ravala la colère qui montait en lui.
- Je ne suis plus ce genre d'homme qui laisse une femme seule au petit matin
sans un mot d'explication, rétorqua-t-il d'une voix ferme.
Elle se tourna vers lui les yeux brillants.
- Je ne parle pas de ça même si ça m'a traversé l'esprit, répliqua la jeune
femme en se mordant nerveusement la lèvres ; Je parlais plutôt de mon retour
à New-York. Après le nouvel an je vais devoir partir, mon patron est gentil
mais il ne me laissera pas un jour de plus. Et je ne veux pas prendre le risque
de perdre mon travail.
Belle étudia avec attention l'expression fermée du sultan.
- Et toi, tu as des devoirs envers ton pays, acheva Belle en baissant les yeux
sur les draps fins.
Elle releva les yeux et tenta de déceler ses pensées. Hélas, le sultan était
fermé, pensif et insondable jusqu'à ce qu'il plonge son regard dans le sien.
- Nous avons encore trois jours devant nous, je ne veux pas parler de la suite
habibti, et je t'interdis d'y songer...
Chapitre 28
Le lendemain, Belle s'efforçait de se rappeler que bientôt elle allait devoir
quitter ce pays splendide et surtout l'homme qui faisait battre son cœur
dangereusement.
Tristement elle rassembla ses affaires en essayant d'ignorer le serrement
qu'elle ressentait dans son cœur. Elle venait de passer deux jours merveilleux.
Elle aurait tant voulu que ce moment ne s'arrête jamais.
Des centaines de questions se bousculaient dans son esprit.
Elle ignorait ce qu'adviendrait leur relation.
Allait-il l'ignorer une fois de retour au palais ?
Ces deux jours de passions auraient-ils de la valeur à ses yeux ?
Avait-il envie de la voir partir ?
Et surtout...avait-elle envie de partir ?
- Je te trouve bien silencieuse, commenta-t-il en s'approchant après avoir
remit son keffieh.
Belle ne put s'empêcher de frémir car son regard retrouvait une certaine
froideur qui le rendait encore plus dangereux.
Il s'approcha près d'elle puis s'agenouilla, le regard rivé au sien.
- J'étais pensive, je suis un peu triste de partir, j'aime cet endroit paisible.
Avec une infinie douceur qui contrastait avec son allure de guerrier
implacable il glissa son index sur sa joue.
- Nous reviendrons, dit-il comme une promesse solennelle.
Belle ne voulait pas se bercer d'espoirs alors prit cette promesse à la légère et
se contenta de sourire.
Un sourire de façade qui ne passa pas inaperçu aux yeux du sultan qui en
silence lui offrit sa main pour qu'elle se lève.
Ils quittèrent la tente et c'est le cœur serré qu'elle l'observa une dernière fois
tout en sachant que celle-ci renfermait des secrets...
Son secret...
Alors que la voiture roulait sur les dunes de sable en direction du palais, il
déclara :
- Je t'ai demandé si tu regrettais Belle et tu m'as donné la réponse que
j'espérais.
Le souffle rompu par la crainte, elle tourna la tête vers lui pour tenter de
déceler ses pensées.
- Tu ne m'as pas demandé si moi je regrettais, reprit-il en quittant route des
yeux pour lui offrir un regard impassible.
Belle scella ses lèvres, la peur au ventre.
- Sache que je ne regrette rien non plus.
Secrètement soulagée Belle lui sourit avec faiblesse.
- Ne l'oublie jamais, rajouta-t-il d'une voix étouffée par son keffieh.
Alors que son cœur battait déraisonnablement, Belle ne put s'empêcher de se
perdre dans la profondeur de ses yeux cendrés. Elle non plus n'oublierait
jamais. Elle n'oublierait jamais de s'être abandonnée dans les bras du sultan
Al-Zyhar. Elle mesurait la chance qu'elle avait et c'est cette raison qui la
poussait à garder le silence.
- Qu'allons-nous faire à notre arrivée ? Tu as sans doute des choses à régler.
- Rachid a sûrement dû diminuer ma charge de travail mais comme tout
souverain je vais devoir passer en revue une pile de dossiers.
- Je comprends tout à fait, murmura-t-elle en tirant sur la ceinture de sécurité
qui semblait l'étouffer.
- Mais je crois qu'une affaire plus urgente m'attend, reprit-il d'une voix
sérieuse qui l'alerta.
Belle tourna sa tête dans sa direction et vit ses sourcils se froncer. Déviant
alors son regard sur ce qu'il fixait, Belle eut un mouvement de recul sur son
siège. Une armée de personnes campaient devant les grilles principales du
palais si bien qu'on ne pouvait plus distinguer les murs du palais.
La voiture ralentit soudain et elle lut dans le regard du sultan un calme
olympien.
- Que se passe-t-il ? Une émeute ? Demanda-t-elle sans masquer sa panique.
- Non ce n'est pas une émeute mais j'aimerais bien savoir ce qu'il se passe.
L'humeur dans sa voix avait changée. L'agacement montait en lui si bien
qu'elle pouvait enfin traduire une émotion dans son regard.
Mais pas celle qu'elle espérait.
- Nous allons passer de l'autre côté, décréta ce dernier en faisant vibrer la
voiture d'un coup d'accélération.
Loin de s'imaginer un tel retour, Belle dévisagea cette marée humaine qui
entourait le palais avec appréhension jusqu'à ce qu'il se faufile dans un
passage surveillé par deux gardes armés.
Il échangea quelques mots avec eux puis la prit par le coude pour la guider à
l'intérieur.
- Mon cousin est ici, annonça-t-il sans se départir de son humeur.
- Ce qui veut dire qu'elle est ici également, conclut-elle en faisant référence à
Eloïse.
Elle ne s'était pas trompée.
Zuyad et Eloïse se tenaient dans l'immense hall et au regard surprit de celle-
ci, Belle comprit qu'elle ne s'attendait pas à la voir ici.
À présent, elle comprenait enfin d'où provenait la foule dehors.
- Cette marée noire était-elle nécessaire Zuyad ? S'enquit le sultan en lâchant
son coude.
Trop occupé à la toiser du regard, le cousin de Jafar ne prit pas la peine de
répondre. Très vite, Belle sentit l'atmosphère changer et elle aurait tout donné
pour repartir dans la tente du sultan.
- Belle ! S'exclama Eloïse en esquissant un sourire crispé ; Je suis surprise de
te voir ici.
- Son altesse m'a gentiment invitée ici pour me remercier d'avoir si bien joué
la comédie lors de tes fiançailles, répondit Belle en lui souriant.
Un silence oppressant suivit sa remarque avant que le sultan y mette un
terme.
- Personne ne m'as informé de votre visite, dit-il d'une voix plus amène : Que
me vaut cet honneur ?
- Eloïse voulait visiter le palais, je me suis dit que ça pouvait être une
occasion de te voir, j'ignorais que tu ne serais pas seul.
Pour accompagner sa remarque Zuyad posa un regard sur elle.
- Votre altesse ? Puis-je m'entretenir avec vous le plus vite possible, intervint
Rachid qui venait de se matérialisait devant eux.
Belle remarqua l'expression préoccupé de Rachid et sentit qu'il était temps
pour elle de partir dans sa chambre.
- Je vais aller me reposer, je suis épuisée, annonça-t-elle en accordant un bref
regard en direction du sultan.
En s'en allant, elle sentit son regard posé sur elle mais tenta de l'ignorer au
mieux pour n'éveiller aucun soupçon.
Ils ne regrettaient rien l'un l'autre certes, mais il ne lui avait pas précisée si
elle devait se montrer discrète sur la nature de leur relation, alors préféra
opter pour la carte de sûreté.
De son côté Jafar ressentit un curieux trouble s'emparer de lui lorsqu'il la vit
s'en aller. La distance qu'ils devaient s'imposer ne lui plaisait pas au point
d'en ressentir une insupportable tension crisper ses muscles.
Un étrange sentiment l'étreignit alors qu'il ne la quittait pas du regard jusqu'à
ce qu'elle disparaisse de son champ-de-vision. Conscient des regards qui
convergeaient dans sa direction, Jafar jeta un glacial regard en direction
d'Eloïse.
- Je te propose de lui faire visiter les jardins extérieurs, suggéra Jafar sans
s'attarder plus longtemps.
Il pivota les talons avec Rachid à sa droite puis rejoignit son bureau en
refermant soigneusement la porte derrière lui.
- Que s'est-il passé pendant mon absence ? S'enquit-il en se débarrassant de
son arme qu'il posa sur le bureau.
Jafar jeta un coup d'œil sur la paperasse qui s'entassait sur le coin du bureau.
Il aurait tout donné pour revenir en arrière et arrêter le temps.
- Beaucoup de choses votre majesté, répondit Rachid l'air anxieux.
Un brouhaha extérieur se leva dans le silence. Jafar s'approcha de la grande
fenêtre. La marée humaines était toujours aussi présente et ne semblait pas
vouloir partir.
- Eh bien, si un jour on m'avait dit que Zuyad serait plus populaire que moi,
murmura-t-il en étouffant un rire sec.
- Justement, c'est de ça dont je voulais parler votre altesse, répliqua Rachid en
tirant sur sa dishdasha.
Alerté par l'anxiété émergeant de sa voix, Jafar se retourna pour lui faire face.
- Je t'écoute.
- Cette foule est venue pour vous.
Jafar leva un sourcil étonné.
- Et qu'ai-je fait pour recevoir une telle clameur ?
- Un groupe de bédouins vous a aperçu il y a deux jours alors que vous
franchissiez les dunes qui séparent votre tente à l'autre extrémité du désert.
- Oui est ?
Rachid se racla la gorge.
- Comme vous pouvez l'imaginer ils ont aperçu mademoiselle Moor mais le
problème c'est qu'ils recevaient la visite d'un groupe de touristes
accompagnés d'un guide. Les étrangers n'ont pas perdu de temps pour
répandre la nouvelle votre majesté. La presse locale a relayé l'information ce
qui a entraîné ceci...
Rachid reprit son souffle tout en allongeant son bras vers la fenêtre.
L'esprit embrouillé, Jafar demeura silencieux le temps de remettre de l'ordre
dans sa tête.
- La tente Al-Zyhar votre altesse, insista Rachid comme s'il était désireux
qu'il comprenne et vite.
Jafar n'avait nulle besoin de cette information pour que ses réflexions
s'acheminent. En son for intérieur il savait ce que cela signifiait.
- Tu es en train de me dire que ma tranquillité a été violé par un groupe de
touristes et qu'à présent mon peuple s'est mis en tête que mademoiselle Moor
est...
Jafar ne termina pas sa phrase, trop occupé à mettre un sens à ce problème
qui prenait une ampleur considérable. Il se tourna vers la fenêtre et comprit
que la situation allait s'empirer s'il n'y mettait pas un terme immédiatement.
Si ce n'était pas déjà fait...
Pendant une vive seconde, il fut fouetté par une folle pensée.
Le voulait-il vraiment ?
Jafar se fit violence et crispa ses mâchoires.
- Où est Belle ? S'enquit-il d'une voix grave avant de s'élancer hors de son
bureau.
De l'autre côté du palais, Belle expira lentement tout en traînant les pieds
jusqu'à sa chambre alors que dehors retentissait une douce clameur pour son
ennemie jurée. Curieusement elle ne se sentait pas jalouse car ce qu'elle
venait de vivre avec le sultan n'était pas comparable et pour la première fois
depuis longtemps, elle se sentait éprise de bonheur.
Tirée de ses rêveries par deux silhouettes au loin Belle reconnut Salomé, celle
qui s'occupait d'elle depuis son arrivée.
- Bonjour Salomé ! S'exclama Belle en étirant un sourire joyeux.
- Oh ! Miss Moor ! S'écria celle-ci en s'avançant vers elle ; Je suis parvenue à
tous les faires rentrer en espérant qu'ils n'y en ai pas d'autres !
- À faire rentrer quoi ? S'enquit Belle alors que Salomé traversait le couloir à
la hâte.
Les sourcils froncés, Belle atteignit la porte de sa chambre qu'elle s'empressa
d'ouvrir loin de s'attendre à découvrir des paquets cadeaux disséminés un peu
partout sur le tapis...
Chapitre 29
Belle laissa tomber son sac sur le sol alors que son cœur battait à la
chamade.8
- Mais que se passe-t-il ! S'exclama Belle en dévisageant les cadeaux qui
sillonnaient le tapis persan.1
Une main sur le cœur elle songea immédiatement au sultan. Se pourrait-il
qu'il lui ait offert ses cadeaux pour lui témoigner son affection.4
Chassant cette idée qui pourrait faire vaciller son cœur Belle se passa une
main sur le front alors qu'une la chaleur étouffante l'empêchait de respirer
normalement. Salomé émergera du couloir avec deux autres paquets et cette
fois-ci la panique la submergea.
- Salomé que se passe-t-il ?10
Cette dernière se figea et ne semblait pas en mesure de lui répondre.
- Laissez-nous, ordonna une voix qu'elle aurait reconnu parmi tant d'autres.
Sultan se dressait derrière Salomé avec une autorité troublante. Il prenait tout
l'espace de la large porte, si bien qu'elle crut que celle-ci ne serait pas
suffisamment large pour épouser ce corps massif qui quelques heures plus
tôt, avait couvert le sien.
Salomé s'éclipsa sans un mot après qu'il eut franchi le seuil de la chambre. Le
regard tourmenté il observa les cadeaux disposés sur le tapis puis ferma la
porte derrière Salomé.
Il portait une expression sérieuse voire insondable.
- Jafar, je suis sensible par ces offrandes mais tu n'es pas obligé de me couvrir
de cadeaux simplement parce que nous avons partagés un moment
merveilleux ensemble.4
Il releva sa paire d'yeux dans la sienne, les mâchoires crispées.
- Ces cadeaux ne viennent pas de moi, dit-il d'une voix étrangement calme.
Interloquée, Belle fronça des sourcils en jetant un bref coup d'oeil aux
paquets.
- Alors c'est une erreur ou alors je suis sollicitée par un autre homme.
Son humour ne détendit pas le sultan dont les traits s'étaient subitement
fissurés.
Au lieu de les craindre, Belle ne put s'empêcher de frissonner à l'idée qu'il
puisse être jaloux.
- Ces cadeaux t'ont été envoyé de la part de souverains, amis, citoyens,
hommes politiques, énuméra-t-il sans la quitter des yeux.
- Et puis-je savoir pour quelle raison ? S'enquit Belle alors que l'anxiété la
gagnait.
Il s'approcha, les trais tendus.
- Un groupe de touristes nous a vu ensemble, et ils se sont empressé de le
relayer sur internet. La presse s'en est emparé et à présent, ils pensent que tu
es ma fiancée.
Le choc la fit vaciller. Les yeux écarquillés elle le dévisagea alors qu'il portait
une expression impassible.
- Mais c'est faux ! Pourquoi ce sont-ils mis ça dans la tête ?
- Parce que j'ai dérogé à la règle, je t'ai emmené dans cette tente sans me
douter un seul instant que nous serions repérés.
La règle ? La tente ?
Belle se massa les tempes alors que ses jambes se dérobaient sous le poids de
la nouvelle.
- Tu te souviens de ce que je t'ai expliqué pour cette tente ?
Bien sûr qu'elle s'en souvenait !
Elle releva les yeux avec difficulté et tenta de lire dans son regard. Elle
ignorait ce qu'il ressentait, elle ignorait s'il sentait furieux à l'idée que son
peuple pense qu'elle était sa fiancée.
- Je m'en souviens, sauf que tu as dit que cette tente était réservée aux noces
des époux or nous ne sommes pas mariés.
- Le simple fait d'avoir posé un pied dans cette tente fait de toi ma promise à
leur yeux.
Belle sentit son coeur s'emballer et une délicieuse chaleur couvrit sa peau.
Même si cette idée lui plaisait secrètement Belle s'efforça de revenir à la
réalité.
- Tu as les moyens pour les...
- Je vais faire de mon mieux pour arranger cette situation, articula-t-il d'une
voix cassante.
Il tourna les talons puis claqua la porte derrière lui. Belle sursauta, une main
sur le cœur alors que son sang quittait son visage.
La cruauté affichée sur les traits du sultan venait de lui faire froid dans le dos.
Pourquoi s'était-il montré si froid comme si elle était la cause de cette
situation.
Perdue, en proie à une myriade de questions Belle s'avança jusqu'au lit pour
s'asseoir, les yeux dans le vague. Comment avait-elle pu en arriver là ?
Les mains moites elle resta ainsi prostrée sur le lit pendant des heures qui lui
parurent une éternité.
Le pire fut le silence que lui infligeait Jafar. Il n'était pas revenue la voir
depuis qu'il avait quitté sa chambre avec fureur.
- Vous désirez un bain chaud ?
La voix de Salomé brisa le silence dans lequel elle était enfermée depuis des
heures.
- Non merci, je veux simplement disparaître de la surface de la terre.
- Allons ne dites pas de bêtises, s'exclama Salomé en pliant les draps ; Vous
n'avez pas ouvert vos cadeaux ?
Belle considéra celle-ci comme si elle avait perdu l'esprit.
- Vous avez reçu un choc à la tête ou vous faites tous semblant d'être
amnésiques !
Sous la colère Belle se leva sans la quitter des yeux. Salomé ne répondit pas
et se contenta de plier les draps, le regard témoignant une certaine tristesse.
- Vous savez bien au fond de vous que tout ceci est un affreux malentendu. Je
ne suis pas la fiancée du sultan. Nous nous connaissons à peine !
Très vite elle fut submergée par une violente rougeur car elle mentait.
Elle le connaissait...du moins suffisamment pour s'être abandonné dans ses
bras musclés.
- J'ignore ce qu'il avait en tête mais il vous a emmené dans cette tente en
prenant un risque.
- Il voulait simplement me faire découvrir les prestiges du pays.
Salomé leva un sourcil faussement étonné.
- Son altesse n'a jamais emmené aucune femme là-bas, ni même envisagé de
lui faire visiter les prestiges du pays.
À court d'arguments Belle ouvrit la bouche mais fut interrompue par Salomé.
- Il voulait une fille, la coupa-t-elle le visage triste.
Belle retint sa respiration et se laissa tomber sur le rebord du lit.
- Je connais le sultan depuis qu'il à vingt ans. Je l'ai connu séducteur,
collectionnant les femmes qui avaient toutes pour ambitions de l'épouser.
Puis je l'ai connu faire affront à la mort, à la guerre, n'ayant aucune
compassion de tuer l'ennemi pour protéger son pays. Cette période l'a
transformé pour le meilleur et pour le pire.
Salomé s'interrompit, le visage blême.
- Vous n'avez aucune idée de quoi il est capable, acheva Salomé d'une voix
qui transpirait la peur.
La bouche sèche, Belle tenta de déglutir en s'entourant de ses bras.
- Puis après l'apaisement et sa succession au trône sous l'adoration du peuple,
il est devenu plus implacable, désireux de réformer le pays pour qu'il
prospère davantage.
Salomé esquissa une moue amère puis reprit.
- Ensuite il a rencontré Zafina. Il savait qu'à un moment ou un autre il allait
devoir se marier. Elle est arrivée et a su implanter en lui son désir d'avoir un
enfant et une femme sur qui compter.
Belle scella ses lèvres pour ne pas l'interrompre.
- Au début elle n'était pas déplaisante jusqu'à ce qu'elle franchisse les portes
du palais en sachant qu'elle allait devenir la femme de l'un des plus grand
monarque du monde. Lors de leur mariage, j'ai vu dans les yeux du sultan que
ce mariage ne lui procurait aucune joie, aucun bonheur. C'était comme s'il
s'était marié par devoir, guidé par les quelques sentiments qu'il avait pour
elle.
Salomé reposa les draps sans se départir de son triste sourire. Belle ne prenait
aucun plaisir à connaître le passé de Jafar car ce dernier n'était qu'une
succession de malheur et de moments ensanglantés.
- Je me souviendrai longtemps de ce qu'il s'est passé à la fin du mariage. Tous
les invités étaient dehors, attendant patiemment le moment où ils allaient
monter dans la voiture pour partir en direction de la tente si chère aux yeux
du sultan.
Salomé se rapprocha d'elle, les yeux dans le vague comme si elle se
remémorait la scène.
- Le regard fermé, il s'est contenté de contourner la foule avec elle qui rouge
de confusion, l'a suivi dans les jardins qui donnaient sur l'arrière du palais.
Belle s'autorisa enfin une parole.
- Savez-vous les raisons qui l'ont poussé à une telle décision ?
- Aussi improbable que ça puisse paraître le sultan possède un cœur et je
pense que ses émotions l'ont guidé à faire ce choix.
Les lèvres pincées, Belle ne put réprimer le pincement qui lui serra le cœur.
- Je pense que vous connaissez la suite.
- En effet, il m'a expliqué, murmura-t-elle d'une voix qui laissait paraître sa
peine.
- Il voulait donner une chance à une femme et celle-ci n'a fait qu'amplifier
son désir de régner seul et avec l'espoir que Zuyad lui assure l'héritier du
pays.
- Vous avez dit qu'il voulait une fille, pourquoi ?
- Parce qu'il ne souciait pas d'avoir un héritier à l'époque, il voulait un enfant
et sa préférence était d'avoir une fille pour briser la lignée qui ne compte que
des fils. Malheureusement, aujourd'hui il pense qu'il ne peut pas concevoir
comme son père et son grand-père avant lui.
- Et pourtant ils ont tous eu un enfant, alors pour quelle raison ça serait
différent avec lui ? Protesta Belle en refusant d'y croire.
- Je l'ignore, je ne peux pas me prononcer sur ce sujet et je vous conseille de
ne pas évoquer ça devant lui.
Belle n'avait pas besoin qu'elle lui dise car l'intéressé lui-même lui avait
interdit de le faire.
- Quoi qu'il en soit, ce que je peux vous assurer c'est qu'avec Zafina il était
presque dénué d'émotions au contraire de ce matin, lorsqu'il est sorti de cette
pièce, en colère.
- J'ai réagi sous l'effet de la panique, se justifia-t-elle avec une moue contrite.
- Lui donnant l'impression d'être rebutée à l'idée d'être sa fiancée ? S'enquit
Salomé en haussant un sourcil.
Belle releva précipitamment la tête.
Était-ce pour cela qu'il s'était mis en colère ?
- Ce n'est pas réel, insista Belle pour se convaincre elle-même que tout ceci
était une mascarade.
- Même si ça ne l'est pas, je pense que vous l'avez peiné, ce qui confirme ce
que je pense depuis le début.
Salomé se leva sous le regard interloqué de Belle.
- Je crois qu'il vous adore, plus qu'il n'essaye de nous faire croire à tous et à
lui-même...
Chapitre 30
" - Je crois qu'il vous adore, plus qu'il n'essaye de nous faire croire à tous et à
lui-même... "
Belle retournait cette phrase dans tous les sens possibles afin de la décrypter
hélas sans succès. Elle ne pouvait pas se référer à la seule hypothèse de
Salomé.
La nuit était tombée, elle n'avait toujours pas de nouvelle de Jafar. Incapable
de tenir plus longtemps sans avoir des réponses à ses questions, Belle quitta
sa chambre pour traverser le couloir obscur. Consciente qu'elle prenait un
risque, Belle lissa nerveusement les plis de la longue chemise en coton qu'elle
portait.
Devant les deux portes qui renfermaient le monarque en colère Belle hésita
plusieurs secondes avant de les ouvrir doucement.
Le risque était pris, elle ne pouvait plus reculer lorsqu'elle le vit, assis dans un
majestueux fauteuil.
Dans les lueurs des lampes tamisées elle put déceler son regard et comprit
qu'en rien, sa colère ne s'était apaisée.
La peur la gagna, parce que pour la première fois elle avait l'impression de
faire face à l'autoritaire guerrier.
Soudain elle se remémora une vieille conversation qu'ils avaient eu à New-
York.
" - Vous jouez un rôle auprès des invités mais au fond de vous se cache votre
véritable nature "
- Tu devrais regagner ta chambre Belle, lui conseilla-t-il d'une sombre voix.
Belle résista à l'ordre qu'il venait de lui donner et referma la porte.
- Je ne supporte pas ton silence que je ne mérite pas, déclara Belle en restant
près de la porte.
- J'avais besoin de réfléchir seul.
- En me laissant dans l'ignorance après ton départ dont la froideur m'a laissé
sans voix ?
Il ne la regardait pas, le regard rivé sur un point fixe.
- Je te prie de m'excuser pour m'être si mal comporté, dit-il d'une voix si
sombre et vibrante de colère qu'elle actionna la poignée.
- Demain, je demanderais à Rachid de me réserver un vol commercial, c'est
mieux ainsi.
En disant cela, Belle espérait une réaction de sa part et celle-ci ne tarda pas à
se manifester.
- Tu n'iras nulle part Belle, dit-il en se levant pour enfin lui offrir un regard.
Ce dernier n'était qu'un néant de noirceur surplombé d'un avertissement
limpide.
- À quoi ça sert de rester ici si c'est pour être confronté à ton silence ? De
toute façon il faudra bien que je quitte ton pays tôt ou tard.
Belle savait qu'elle marchait sur un terrain miné mais ne put s'empêcher de le
défier pour obtenir de lui une émotion, une pensée...
Il s'approcha dangereusement, comme un félin sur le point d'enfermer sa
proie dans les ténèbres d'une mâchoire d'acier.
- Essayes-tu de me mettre hors de moi ? Parce que si c'est le cas tu as réussi.
Elle haussa des épaules en feignant l'indifférence.
- Au moins je parviens à faire sortir une émotion de ton visage impassible,
rétorqua-t-elle en le défiant.
Une lueur dangereuse traversa son regard.
- Crois-moi, il ne vaut mieux pas tenter de lire en moi en ce moment, articula-
t-il rictus aux lèvres ; Tout est de ma faute, tu n'es pas coupable de cette
situation. Je t'ai ramenée ici, je t'ai emmenée dans cette tente en ayant pleine
connaissance des risques que je prenais et je t'ai pris ta virginité. Tu as devant
toi l'homme lui plus égoïste et le plus monstrueux que la terre n'ai jamais
porté. Pourquoi es-tu encore ici Belle ?
Cherchant désespérément un moyen de combattre la douleur qu'elle venait de
recevoir en plein cœur, Belle leva le menton.
- De la contradiction, c'est un bon début, dit-elle d'une voix qu'elle voulait
sans trémolos : Tu me dis que j'irais nulle part puis me demande ce que je fais
ici.
Il lâcha un juron puis de retourna brusquement.
- N'est-ce pas contraignant ? D'autant plus que je pensais que n'avais aucun
regret, était-ce un mensonge ?
Il se retourna violemment et agrippa ses bras, la soulevant presque hors du
sol.
Étouffant un hoquet elle dévisagea son regard furieux.
- Je n'éprouve aucun regret ! Articula-t-il en la relâchant doucement.
Lorsqu'elle sentit ses pieds toucher le sol, Belle se massa le bras, sous le
regard désolé du sultan.
- Seulement je ne peux nier l'égoïsme dont j'ai fait preuve envers toi, termina-
t-il en fixant son bras.
- Tu parles comme si j'étais une pauvre victime qui n'a pas eu son mot à dire !
Or je te ferais savoir que j'étais pleinement consciente de ce que je faisais
Jafar ! Tu ne m'as pas enlevé à ce que je sache. À moins que ce soit une
nouvelle méthode dont j'ignorais l'existence.
- J'ai joué de tes peurs pour parvenir à mes fins, c'est tout comme.
Belle comprit qu'il tentait de se punir.
- Si tu veux te blâmer alors libre à toi, moi je n'ai pas l'intention de le faire,
dit-elle sèchement.
Il l'observa en silence sans se départir de son air sévère puis se retourna pour
reprendre sa place dans le fauteuil.
Sa raison lui disait de partir mais son cœur lui, la poussa inévitablement vers
lui.
- Tu n'as aucune idée de la situation dans laquelle je t'ai mise Belle.
Elle sentit un léger apaisement dans le son de sa voix alors elle se rapprocha,
les mains nouées devant son ventre.
- Demain, je publierai un communiqué de presse, expliquant qu'il s'agit d'une
erreur, reprit-il rictus aux lèvres.
Derrière l'obscurité qui remplissait la pièce elle put lire sur ses traits.
Se pourrait-il que Salomé ait raison ?
- Tu es en colère contre moi, et il ne s'agit pas d'égoïsme ou même de ma
vertu.
Elle se planta devant lui, espérant une réponse de sa part.
Jafar releva les yeux vers la jeune femme dépourvue d'artifice, dont les cils
déployés révélaient des yeux magnifique. Elle portait une longue chemise en
coton dont l'échancrure en V mettait en valeur la naissance de sa poitrine.
Le simple fait de la regarder était une pénible épreuve. Il regrettait de s'être si
violemment emporté. Ce qui l'avait mis en rage c'était sa réaction horrifiée à
l'idée d'être considérée comme sa fiancée. Il n'avait pas supporté son regard
affolé. Des émotions contradictoires l'avaient alors submergé. Pour la
première fois de sa vie il aspirait à vouloir une femme à ses côtés et cette
envie n'était nullement motivée par son devoir de souverain.
- Si c'est ta réputation qui t'inquiète alors répudie-moi même si nous ne
sommes pas mariés.
Sous le choc, Jafar l'étudia dents serrées.
- Ce n'est pas ma réputation qui m'inquiète, rétorqua-t-il froidement.
- Alors dis-moi ce qu'il se passe, pour quelle raison t'ai-je mis en colère ?
- Ta réaction m'a mis en colère, rectifia Jafar sans la quitter des yeux.
Muette, elle se mordit la lèvre nerveusement et Jafar en profita pour
reprendre.
- Je n'espérais de toi que tu sautes au plafond mais j'aurais voulu que tu me
témoignes autre chose qu'une expression horrifiée.
- J'ai été prise par surprise, j'ai pris peur Jafar, je suppose que tu n'as pas
l'habitude d'une telle réaction mais je ne suis pas ce genre de femme.
Elle s'agenouilla soudain, en face du fauteuil sans savoir ce qu'une telle vision
provoquait en lui.
- Tu n'as pas le droit de m'en vouloir d'avoir eu peur.
- L'idée d'être considérée comme ma promise est-elle si rebutante ?
Une lueur mystérieuse passa dans le saphir de ses yeux.
- Comment pourrais-je être rebutée à l'idée d'être la fiancée d'un homme tel
que toi Jafar alors que tu es l'ambition de milliers de femmes.
Elle baissa les yeux, les pommettes rougissantes.
- Je me sens honorée, ajouta-t-elle d'une voix si douce que toute colère, toute
frustration s'envolèrent.
Il se redressa pour enfouir sa main dans son épaisse chevelure blonde. Avait-
il fait tout cela pour accéder à la première pensée qui l'avait traversé au chalet
?
Aussi égoïste que l'était cette pensée, la réponse était oui.
Pour seul pardon d'avoir été si cruel avec elle, Jafar l'embrassa, capturant son
visage entre ses mains. Elle répondit à son baiser sans se soucier des
répercussions que pourraient entraîner ce vent de passion. Jafar dut se
reprendre avant de laisser ses pulsions primitives parler pour lui.
Il s'écarta légèrement, fixant l'éclat brillant qui noyait ses yeux.
- Tu devrais aller dormir Belle, nous parleront de tout ça demain.
Inévitablement elle se mit à rougir sans masquer sa déception.
- Tu as sans doute raison, marmonna-t-elle en se levant.
Jafar se retint de la rattraper quand elle passa à côté du fauteuil dans un
bruissement de tissu effleurant le sol.
Cependant au lieu d'emprunter la porte, la jeune femme traversa l'immense
salon pour grimper sur le lit.
Son lit.
- Belle ? Je peux savoir ce que tu fais ?
Il se leva et s'avança pour réduire l'espace qui les séparait. Elle lui sourit,
avant d'écarter les draps.
- J'entretiens la rumeur, s'exclama-t-elle avec un soupçon de malice.
Jafar sentit ses lèvres frémir d'un sourire contenu.
- Si tu ne regagnes pas ta chambre immédiatement, ce n'est pas la rumeur que
tu risques d'entretenir mais la conviction que c'est la vérité, dit-il d'une voix
rauque en détaillant cette silhouette voluptueuse qui investissait son lit sans
se départir de son sourire.
- Personne ne m'a vu entrer Jafar, et si jamais c'est le cas, cela m'importe peu,
je veux dormir avec toi.
Les yeux étincelants elle le regardait avec hésitation.
- À moins que tu ne veuilles pas de moi, ajouta-t-elle en perdant son sourire
percé d'espoir.
Incapable de jouer plus longtemps avec ses sentiments Jafar esquissa un
sourire en coin et la rejoignit.
- Je serais fou de ne pas vouloir de toi, chuchota-t-il en glissant son bras sous
elle pour l'attirer contre lui.
La jeune femme l'observait comme aucune autre ne l'avait fait.
- Il est si rare de te voir sourire, murmura-t-elle tristement ; J'aimerais
pouvoir panser tes plaies Jafar mais faudrait-il déjà que je puisse lire en toi.
Désarçonné Jafar la dévisagea dans la pénombre et s'efforça de ne pas lui
montrer l'émotion violente qui venait de le traverser.
- Il n'y a rien à lire en moi Belle, je suis l'ébauche d'un homme avec un passé
qui ne mérite pas d'être abordé.
Jafar resserra sa prise sur son corps sans jamais cesser de la regarder. Son
intelligente alliée de naïveté était pour lui une découverte fascinante.
- Tu te trompes Jafar, mais je n'ai pas l'intention de l'évoquer sans que tu le
fasses en premier.
Belle espérait déclencher une émotion en lui mais dut faire face à une façade
de marbre. Dans l'obscurité son visage la fit frissonner mais pour une raison
encore inconnue elle désirait rester dans ses bras, en sécurité.
Seulement demain, inévitablement, une décision devra être prise...
Chapitre 31
Belle se réveilla seule dans le grand lit de Jafar. Un sentiment d'abandon
l'étreignit. Il y avait sans doute une raison à son départ, songea-t-elle en se
frottant les yeux. La nuit derrière avait été riche en rebondissements et la
conclusion qu'elle en avait tiré c'est que ni l'un ni l'autre n'étaient prêts à une
éventuelle séparation.
Elle se prépara en vitesse et quitta discrètement la chambre de Jafar sans faire
de bruit. Le couloir était vide, silencieux et une vive couleur orangé
illuminaient les murs.
Belle regagna le hall et fut désagréablement surprise d'y trouver Eloïse qui
s'empressa de la foudroyer du regard.
- J'ignorais que tu étais encore là, commenta-t-elle en gardant un semblant de
politesse.
- Figure-toi que je me posais la même question à ton sujet, répliqua Eloïse sur
une note méprisante ; Je peux savoir ce que tu fais encore ici ?
- Comme je te l'ai dit hier, j'ai été invité.
- Et à présent le pays pense que tu es la fiancée du sultan ! Dit-elle sans lui
masquer sa fureur.
- C'est une erreur, et je ne vois pas en quoi ça te regarde.
Eloïse s'approcha avec assurance.
- Pauvre naïve que tu es, chantonna celle-ci en esquissant un sourire crispé ;
Tu penses sincèrement qu'il en a quelque chose à faire de toi ? Sais-tu le
nombre de femmes qu'il a sur sa liste ?
Blessée par sa remarque Belle tenta de ne rien laisser paraître.
- Pas toi il me semble, rétorqua Belle en lui rendant son sourire.
- Ce genre d'homme ne veut pas d'une jeune femme qui sort à peine de la
faculté, comment as-tu pu croire qu'il ferait de toi son épouse. Il finira par se
lasser et tu finiras dans le même piteux état que lorsque je t'ai volé ton
héritage.
Le venin qu'elle venait de lui déverser lui comprima le cœur.
- Je pourrais jurer que tu es jalouse.
Eloïse éclata de rire en posant une main sur sa poitrine.
- Jalouse ! Répéta-t-elle d'une voix aiguë ; Alors que je vais épouser son
cousin et lui assurer un héritier ?
Sur cette dernière note, Eloïse la toisa de la tête aux pieds puis se retourna
pour quitter le palais, visiblement fière d'être parvenue à la faire douter.
Du moins c'est ce qu'elle pensait.
Jafar lui avait exprimé son mécontentement face à sa peur d'être sa fiancée ce
qui la poussait à croire qu'il ressentait quelque chose pour elle...même infime.
Peu à peu, elle comprit le plan d'Eloïse et tout devint plus clair.
Son but était d'avoir un héritier pour le sultan ce qui la poussait à croire
qu'elle était bien plus attiré par lui que par Zuyad.
Elle voulait assurer un héritier pour espérer devenir l'épouse de Jafar. Une
montée de dégoût lui monta à la gorge. Il était hors de question qu'elle la
laisse faire.
Pas cette fois !
Belle s'empressa d'emprunter le couloir principal et entra dans le bureau privé
de Rachid avec l'espoir d'y trouver son amant.
- Belle ! Mon enfant êtes-vous perdue ? S'enquit Rachid en se levant
précipitamment.
- Je cherche son altesse, l'avez-vous vu ? Demanda t-elle le souffle court.
- Son altesse est partie en visite à la grande mosquée du centre-ville, il revient
dans une heure.
Déçue elle acquiesça les yeux dans le vague.
- Pourquoi ? S'enquit Rachid visiblement anxieux ; Vous n'avez pas pour
projet de partir pendant son absence ?
Belle étudia Rachid en fronçant des sourcils.
- Non bien-sûr que non, qu'est-ce qui vous fait croire une chose pareille ?
L'homme redressa les épaules, le regard exprimant un vif soulagement.
- Parce que son altesse m'a donné des ordres avant de partir, il craint votre
départ.
Surprise mais secrètement remplie de joie qu'il puisse craindre son départ
Belle retint un sourire.
- Ah oui ? Et quels étaient ses ordres ?
- De vous attacher dans son bureau, répondit Rachid avec calme, comme si
pour lui il s'agissait d'une simple routine.
Belle frémit, les yeux écarquillés.
- Ça sera inutile, dit-elle en s'approchant ; Je n'ai pas l'intention de partir.
Rachid inclina sa tête respectueusement, comme si cette réponse était pour lui
un soulagement.
- Hier soir, le sultan m'a parlé d'un communiqué de presse qu'il a dans
l'intention de publier, est-ce déjà fait ?
Rachid lui adressa un regard perplexe.
- Oui, il a dans l'intention de le publier à son retour.
Ce n'est pas exactement la réponse qu'elle espérait. Une tristesse l'envahissait
alors que Rachid s'approchait avec un triste sourire aux lèvres.
- C'est pour vous protéger.
- Que dit ce communiqué ? Demanda-t-elle le cœur battant.
- Qu'il s'agit d'un simple malentendu, que vous êtes estimé par lui et le
personnels du palais et que vous n'êtes pas sa fiancée mais une amie dont
l'identité restera secrète.
Inévitablement Belle reçue une lame en plein cœur. Il voulait la protéger
certes, mais ce communiqué de presse donnait l'impression qu'il effaçait leur
histoire et qu'elle ne pourrait jamais naître.
- Croyez-moi sur parole Belle, le sultan est amer à la simple idée de le
publier.
Gagnée par l'espoir, elle releva les yeux alors que son cerveau tournait à plein
régime. De plus il y avait Eloïse et son plan aiguisé à la perfection pour
devenir la souveraine de Rhayad.
- Rachid est-ce que vous me faites confiance ?
- À l'instant même où je vous ai vu j'ai tout de suite compris que vous n'étiez
pas comme les autres femmes qui ont partagé la vie de mon ami.
- Alors si je vous demande de publier un autre communiqué allez-vous le
faire ?
Stupéfait Rachid la considéra avec prudence.
- Quel communiqué voulez-vous faire Belle ?
Les mains moites, Belle resserra ses doigts contre son ventre en sachant
qu'elle était sur le point de prendre une décision qui allait changer son destin.
- Confirmer la rumeur, lâcha Belle avant de ne plus pouvoir le faire.
Rachid la dévisagea longuement en silence ce qui eut bon d'accentuer son
anxiété.
- Mon enfant, cette décision n'est pas à prendre à la légère, déclara ce dernier
en ôtant son turban.
Il allongea son bras pour l'inviter à s'asseoir.
- Affirmer à la presse que vous êtes la fiancée du sultan entraînera des choses
auxquelles vous n'êtes pas préparée.
- Lesquelles ? Demanda-t-elle en soutenant son regard apaisant.
- Jafar est le souverain du pays, ce qui signifie que le peuple attendra le
mariage et voudra le célébrer. Vous serez considérée comme la sultane de
Rhayad.
Belle se sentit nauséeuse et vacilla sur le fauteuil. C'était en effet une pure
folie. Cependant, le regard de Jafar s'interposa entre la raison et la folie. Son
expression de la veille lui avait brisé le cœur. Ils se connaissaient depuis peu
mais elle ne pouvait ignorer les sentiments qui naissaient en elle.
- Etes-vous prête à cela Belle ? Êtes-vous prête à vous consentir à demeurer à
ses côtés sans avoir la certitude qu'il vous aime comme vous semblez l'aimer
?
Rachid lui parlait sur un ton doux et rassurant. Il ne semblait pas vouloir l'en
dissuader mais la prévenir.
- Vous l'avez entendu Rachid, il ne veut pas que je parte et si ce communiqué
paraît dans la presse nous devront faire comme si nous étions des amis. Le
peuple gardera un goût amer et...
Belle s'interrompit à temps car elle ne voulait surtout pas révéler le plan
d'Eloïse sans en avoir la certitude.
- Êtes-vous prête à renoncer à l'idée d'être un jour une mère ? Insista-t-il.
- Nous revoilà au sujet le plus pénible de l'histoire de cette famille. Pourquoi
êtes-vous à ce point persuadé qu'il ne peut pas avoir d'enfant ?
Rachid soupira lentement.
- Parce que les années précédentes n'ont pas été en faveur du sultan, je pense
qu'il est temps pour nous d'écarter cette possibilité. Pendant des années nous
avons tous espéré et mis cet espoir dans les mains de son ex-femme. Hélas,
ce qu'il s'est passé n'a fait que détruire le sultan et le détail que vous ignorez
c'est que la fureur du pays a été tel que Zafina a dut se réfugier hors du pays.
Un froid glacial la parcourut jusqu'à la base de sa nuque.
Visiblement Jafar n'était pas seulement un souverain comme tant d'autres, il
était aimé par son peuple.
Ses sentiments étaient-ils assez forts pour envisager cette folie ?
Le cœur battant à la chamade elle releva les yeux vers Rachid.
- Publier ce communiqué Rachid, s'il vous plaît.
Elle se leva sous l'expression anxieuse de ce dernier.
- Il sera probablement fou de rage, la prévint-il en se levant à son tour.
- Alors qu'il en soit ainsi, murmura-t-elle en s'arrêtant devant la porte ;
Chaque être humain mérite une chance d'être sauvé...
~
Jafar serra les dernières mains qui se présentaient à lui en forçant un sourire.
En réalité il était tendu et frustré de ne pas avoir pu dire à Belle qu'il s'en
allait et l'impatience de la retrouver commençait à le gagner.
Encore un sentiment auquel il n'était nullement préparé.
Et bientôt il allait devoir affronter une situation bien plus pénible.
Refusant d'être égoïste Jafar avait rédigé un communiqué qui mettrait fin à la
rumeur de fiançailles qui les liait.
L'amertume ne quittait pas sa gorge depuis l'aube et ne cesserait pas de la
quitter.
Pour la première fois de sa vie il se sentait prêt à faire passer une femme
avant lui. Il n'avait aucune défiance à l'égard de Belle au contraire.
Elle donnait un sens à sa vie.
Et c'est exactement pour cette raison qu'il avait pris la décision de publier ce
communiqué même si ce dernier condamnait ses chances de la garder ici. En
faisant d'elle une amie proche et il allait devoir affronter une distance
imminente.
Une distance qu'il n'était pas prêt à mettre.
Elle n'avait de cesse de le hanter, de l'obséder jour et nuit. Comment nier
l'immense onde de chaleur qui l'avait traversé à l'idée qu'elle puisse être sa
promise.
Tendu, Jafar serra les mâchoires et fit rouler ses épaules pour échapper aux
multitudes idées qui traversaient son esprit pour la garder auprès de lui.
- Votre majesté, c'est un honneur de vous avoir accueilli aujourd'hui.
Jafar quitta sa torpeur pour afficher un sourire.
- C'est toujours un honneur d'être ici, Halim, Répondit Jafar.
L'imam s'inclina respectueusement.
- Vous n'imaginez pas à quel point nous sommes heureux d'apprendre que
vous êtes fiancé.
Jafar se rembrunit légèrement.
- J'espère que nous aurons la chance de la voir bientôt maintenant que c'est
officiel, s'enquit le ministre des affaires étrangères.
Jafar les dévisagea longuement, mâchoires serrées.
- Votre communiqué officiel nous a tous ravis, le peuple sera bientôt en émoi.
Le communiqué ?
Jafar afficha un masque impassible alors qu'il comprenait peu à peu qu'il
venait d'être devancé par Rachid.
Il dégaina son téléphone une fois seul et s'aperçut qu'il était bombardé de
notifications dont l'une rapportait ce fameux communiqué.
" Le sultan Al-Zyhar officialise ses fiançailles "
Chapitre 32
Habité par une fureur sans précédent Jafar passa les portes du palais d'un pas
déterminé sous les yeux baissés de ses employés. Il s'enfonça dans le couloir
d'un pas rageur et ouvrit brutalement la porte du bureau de Rachid.
Ce dernier, et d'un calme exemplaire se contenta de s'incliner.
- Depuis quand, prends-tu des décisions sans m'en informer ? Articula-t-il sur
un ton glacial.
Imperturbable Rachid inclina sa tête en signe de respect puis déclara ;
- Je ne suis l'auteur de cette publication mais pas le décideur votre altesse.
Le sang bouillonnant de rage il serra le poing tout en s'avançant vers lui.
- Et qui est le décideur si ce n'est pas moi ! Gronda-t-il d'une voix tranchante.
- Belle votre altesse.
Jafar s'arrêta brutalement à distance du bureau. De violentes émotions
contradictoires se bousculaient en lui. La stupeur se peignit sur son visage.
- Je te demande pardon ?
- Belle est venue me voir ce matin et voulait savoir si vous aviez dans
l'intention de publier le communiqué. Elle a été attristée d'être relayée au rang
"d'amie" elle était bouleversée et m'a demandé si je pouvais changer le
communiqué ce que j'ai fait.
Aussi loin que remontait ses souvenirs Jafar n'avait pas le souvenir de
l'émotion qui venait le balayer entièrement.
Pourquoi avait-elle fait ça ?
Connaissait-elle les risques ?
Jafar dévisagea Rachid la respiration forte.
- Tu connaissais les risques d'une telle décision Rachid pourquoi l'as-tu laissé
faire ?
- Parce que vous ne voulez pas son départ, et la réduire au rang d'une simple
amie vous obligera à la renvoyer au plus vite avant que des spéculations
viennent contredire votre communiqué.
Jafar contracta violemment ses mâchoires.
Rachid avait raison et c'était presque une torture de l'admettre.
- Où est-elle ? S'enquit-il en pivotant les talons.
- Dans vos appartements.
La voix de Rachid n'était plus qu'un murmure inaudible alors qu'il avait déjà
franchi la porte précipitamment. Il monta quatre par quatre les marches pour
la rejoindre et dès qu'il fut près des deux portes du couloir Jafar les condamna
puis deux autres jusqu'à ce qu'il franchisse son antre.
Elle se trouvait près de la fenêtre, observant l'horizon. Pour lui indiquer sa
présence Jafar ferma la porte à clé. Elle se retourna, et fut très vite contraint
de réduire sa colère quand il vit de la peur dans son regard.
Elle était plus belle que jamais. Ses cheveux étaient tressés sur le côté, et ses
yeux brillaient comme deux saphir.
- Pourquoi Belle ? Pourquoi as-tu fait ça ? S'enquit Jafar d'une voix plus
amène.
- Parce que je pense que c'était la seule chose à faire, répondit-elle d'une voix
tremblante.
Jafar s'empêcha d'avancer.
- As-tu au moins un idée de ce qu'il va se passer à présent ? Demanda-t-il
d'une voix sombre.
Jafar fut attiré par une valise posée au pied du fauteuil.
- Qu'est-ce que c'est ? S'enquit-il d'une voix qui trahissait la colère qui
montait en lui.
- Rachid m'a expliqué les risques que je prenais Jafar et ça, c'est ma valise
dans le cas où tu ne veux pas de moi.
Sous le choc, Jafar sentit ses muscles se raidir alors que la belle Américaine
soutenait son regard sans ciller.
- Je ne veux pas être réduite en une simple amie parce que je sais ce que cela
signifie. Tu as demandé à Rachid de me séquestrer dans le cas d'un départ ce
qui me laisse penser que tu ne veux pas que je parte.
Les yeux brillants comme si elle retenait des larmes de désespoir elle
s'approcha de la valise pour en saisir la poignée.
À ce moment précis Jafar eut conscience que son visage était déformé par la
fureur. Cependant celle-ci n'avait plus rien à voir avec le communiqué.
- Si ma décision était imprudente et si ce n'est pas celle que tu voulais donner
à la presse alors je m'en vais sans plus tarder.
Cette phrase si nerveusement prononcé réveilla en lui un morceau de ses
ancêtres, et éveilla en lui un brasier monstrueux.
Il combla l'espace qui les séparait et la vit se reculer mais pas suffisamment
pour lui échapper. Il captura ses lèvres d'un baiser possessif et fiévreux. Elle
lâcha la poignée de la valise pour s'accrocher à son bras. Jafar avait
l'impression de sentir en lui l'homme qu'il était réellement renaître. Le
conquérant, l'homme du désert. Et cet homme là, désirait faire d'elle sa
promise, il voulait se perdre en elle et lui montrer l'homme qu'elle venait de
réveiller.
Sans cesser de l'embrasser Jafar glissa sa main dans son dos pour resserre son
emprise et ne put maîtriser un grognement quand elle s'abandonna contre lui.
Il emprisonna son visage entre ses mains et le rejeta en arrière pour la
contempler.
- Je n'aurais pas eu la force de le publier, articula Jafar d'une voix rauque ; Je
n'aurais pas pu te réduire à ça.
Le souffle court il caressa son visage et sa bouche pulpeuse puis la posséda
avec plus d'ardeur.
- Es-tu prête à devenir ma fiancée aux yeux de tous ? Demanda-t-il d'une voix
rauque.
La respiration saccadée la jeune femme lui offrit un regard qui valait mille
mots. Un puissant désir le traversa. Il la souleva pour l'emporter sur le
canapé, sans la quitter des yeux. Il prit sa bouche une seconde fois et se
délecta de son souffle chaud contre son visage.
Belle réprima un frisson d'excitation alors que tout son corps le réclamait. Il
la voulait et ne désirait pas la voir partir. Des larmes de joie menaçaient de
rentrer en collision avec celles qui le supplier de lui faire l'amour.
Il passa son pouce sur ses lèvres entrouvertes et mordit celle qu'elle venait de
pincer.
Elle vit dans ses yeux une ferme détermination, son visage n'était plus
consumé par la fureur mais par autre chose qui la fit frémir.
- Regarde-moi, ordonna-t-il d'une voix rauque et assoiffée.
Belle perdit toute emprise sur le monde réel quand il ôta ses vêtements puis
les siens.
L'instant suivant il unissait leur deux corps dans un râle puissant. N'était-ce
pas la meilleure réponse à sa décision, songea-t-elle en agrippant ses épaules
alors qu'un gémissement s'échappa de ses lèvres entrouvertes.
Il la souleva sans cesser de l'embrasser puis l'allongea sur le lit et prit son
visage entre ses mains. Belle ouvrit les yeux pour sonder son regard au sien.
Les contours de ses mâchoires étaient rigides, ses yeux embrasés.
Elle traça sa mâchoire volontaire et sombre alors qui reprenait enfin ses
mouvements qui la plongea dans une jouissance ininterrompue. Jafar se
délectait de la vision que lui renvoyait Belle si bien qu'il resserra ses doigts
sur son visage pour qu'elle ne cesse jamais de le regarder. Plaquant un baiser
fiévreux sur ses lèvres douces Jafar tenta de contrôler les réactions de son
corps mais hélas ce dernier était voué à la faire sienne.
La respiration hachée il la souleva en scellant la cambrure de ses reins autour
de son bras. Il prit son menton entre ses doigts pour qu'elle abaisse son regard
dans le sien. Elle était si belle, désireuse et presque frustrée qu'il la torture.
- Veux-tu vraiment être ma promise ? Demanda-t-il sans la quitter des yeux.
- Oui, souffla-t-elle pour seule réponse.
Jafar relâcha son menton alors qu'il lui faisait l'amour lentement, appréciant
chacun de ses gémissements. Mais très vite Jafar la renversa sur le lit pour
achever le délicieux orgasme qui montait en lui crescendo, incontrôlable alors
qu'elle lui rendait l'écho du sien dans un concert de gémissements mélodieux.
Jafar grogna, dents serrées et n'attendit pas d'être remis pour l'embrasser
langoureusement alors qu'elle tentait de reprendre sa respiration.
- Je crois que je ne trouverais jamais la force de te laisser partir, déclara-t-il
d'une voix rauque.
Les joues en feu Belle se remettait à peine de leur étreinte qu'elle songeait
encore à s'abandonner dans cet univers bouleversant. Jafar avait le pouvoir
terrifiant de lui faire connaître son corps si bien qu'elle avait l'impression de
le découvrir et qu'il regorgeait de promesses.
- Je ne veux pas partir, murmura-t-elle d'une voix presque inaudible.
- Pourquoi ? S'enquit-il en prenant son menton entre ses doigts.
- Parce que je veux croire que cette histoire n'a pas de fin, avoua-t-elle alors
qu'une myriade d'émotions l'engloutissait chaque fois qu'elle posait ses yeux
sur lui.
Il l'embrassa avec son éternel regard sévère.
- Il n'y aura pas de retour en arrière habibti est-ce que tu en as conscience ?
Belle réprima un frisson puis acquiesça sans le quitter des yeux.
Il prononça alors un discours en arabe tout en parsemant sa mâchoire de
baisers.
Il se redressa lentement puis quitta le lit et remit son pantalon pour répondre
au coup de fil impromptu qui venait de les couper.
Belle se redressa, alors que son corps alanguie était encore parcouru des
derniers précipices de l'orgasme. Il ne la quittait pas du regard alors qu'il
échangeait avec son interlocuteur. Ses yeux noirs lui traduisaient milles
promesses. Belle tenta de ralentir les battements de son cœur mais ce dernier
semblait lui aussi entre les mains du sultan.
Il raccrocha et réduisit l'espace qui les séparait. Il se pencha en avant pour
caresser ses lèvres contre les siennes.
- Tu viens d'affoler le pays, chuchota-t-il en glissant son index sous son
menton.
- L'affolement pourrait-il m'attendre plus tard ? Je suis encore dans les
méandres de tes caresses.
Il esquissa un large sourire alors que ses yeux noirs possédaient une lueur
énigmatiques.
- Je me suis montré d'une lenteur délibérée, mais bientôt, très bientôt je te
ferais basculer au bord de l'extase, murmura-t-il d'une voix gutturale.
- Est-ce une promesse ? S'enquit Belle ravagé par une chaleur indescriptible.
- Je crois que tu n'as pas encore idée du désir que je ressens pour toi. Chaque
fois que je te regarde j'ai envie de te faire mienne.
Jafar sentit sa belle américaine frissonner d'excitation. Il se pencha pour
l'embrasser une nouvelle fois.
- Hélas, j'ai pour devoir de me montrer discret jusqu'à notre union habibti.
Elle exhala un souffle chaud.
- Lorsque nous serions mariés, je t'emmènerai à nouveau dans ma tente et ce
jour-là, tu seras comblée faisant de moi un homme heureux.
Jafar posa sa main sur sa joue rose, prenant peu à peu conscience qu'il était
déjà un homme heureux mais dangereusement épris d'un sentiment inédit.
L'obsession de la protéger.
Chapitre 33
Belle écoutait attentivement les conseils de Rachid en fronçant des sourcils.
Les conseillers lui avaient témoignés un franc respect après la nouvelle de
leur fiançailles.
Les mains nouées devant elle, Belle sentit son cœur s'emballer quand un
souffle chaud effleura son oreille.
- Dis-moi, tu n'as pas l'intention de t'évanouir ?
Belle sourit à sa remarque et fut touchée qu'il n'est pas oublié.
- Aucun risque, chuchota-t-elle en lui souriant.
Il la prit par le coude après avoir interrompu la réunion et l'entraîna avec lui
dans son bureau. Depuis qu'elle avait pris la décision de lancer le
communiqué Jafar se comportait différemment mais restait toujours le même
homme implacable. Une situation qu'elle avait du mal à gérer. Il referma la
porte de son bureau puis arrima son regard au sien.
- Viens là, murmura-t-il en s'approchant du fauteuil.
Incapable de résister elle accepta sa main et s'installa sur ses genoux.
- Si tu as trop de pression il faut que tu me le dises Belle, immédiatement.
Elle était certes nerveuse à cause des préparatifs mais se sentait suffisamment
rassurée pour s'interdire la moindre pression.
- Je vais bien Jafar, seulement un peu fatiguée.
Pour accompagner son dire elle se frotta les yeux. Elle était épuisée
mentalement mais suffisamment lucide pour comprendre qu'il semblait
inquiet pour autre chose.
- Je sens qu'il se passe quelques chose en toi Jafar, dis-moi ce qui tourmente
tant les traits de ton visage.
Il expira par le nez tout en tapotant son pouce sur sa cuisse.
- J'ai pour crainte que tu changes d'avis, je ne veux pas que ta décision soit
précipitée et que tu le regrettes.
Belle se mordit la lèvre pour s'interdire de lui dire ce qui l'avait réellement
poussé à prendre cette décision.
Et il ne s'agissait pas seulement d'Eloïse mais les sentiments qu'elle ressentait
pour lui.
- Il y a un mois jour pour jour nous étions bloqué au milieu de nulle part,
reprit-il en caressant son dos comme un geste apaisant ; Aujourd'hui tu es sur
le point de devenir ma femme.
À cette idée qui allait devenir réalité Belle sentit son cœur s'emballer.
Néanmoins une question taraudait son esprit.
- Si ces touristes n'avaient pas divulgués des informations sur nous, qu'aurais-
tu fait ? Demanda-t-elle en retenant presque son souffle.
- Je t'aurais laissé partir pour mieux revenir te chercher, admit-il en toute
honnêteté.
Belle était à la fois émue et triste qu'il ait pu songer à la laisser partir.
- Je n'aurais pas supporté l'idée de te savoir à l'autre bout du globe terrestre,
ajouta-t-il plus sombrement.
Il se redressa sur le fauteuil les traits marqués par une faible colère à peine
voilée.
- Comme je ne l'ai pas supporté lorsque j'ai quitté New-York pour regagner
Rhayad.
- Pourtant nous nous connaissions à peine...murmura Belle.
- C'est là tout le mystère des pensées qui nous possèdent Belle, le désir n'est
pas contrôlable, les émotions non plus.
Chaque fois qu'il usait de son accent exotique et grave Belle avait
l'impression que tout son être allait s'embraser.
- Je ne mérite pas ton adoration, conclut-il à voix-basse.
La douleur perceptible dans sa voix suffit à la convaincre de rester et de lui
montrer qu'il méritait d'être aimé.
- Et moi je ne mérite pas une telle déclaration, répliqua Belle avec fermeté.
Elle se leva pour lui ôter l'immense pouvoir qu'il avait sur elle. Cependant,
lorsqu'elle recouvrit un espace suffisant pour le confronter l'image qu'il
renvoyait la fit violemment rougir.
Assis comme un dieu grec, avec son profil altière il croisa lentement les
jambes sans la quitter des yeux.
- Seriez-vous en train de me tester votre altesse ? Demanda-t-elle d'une voix
soupçonneuse.
- J'envisage toutes les possibilités, toutes les craintes qui me préoccupe.
- Lesquelles ?
- Belle, réalises-tu que devenir ma femme peut devenir un obstacle à tes
désirs ?
Pour aiguiser le sens de ses paroles il baissa les yeux sur son ventre.
- Aussi invraisemblable que cela puisse paraître j'ai plutôt l'impression que
c'est à toi que ça pose problème.
Il se rembrunit, crispant ses doigts sur les accoudoirs du fauteuil.
- Évidemment que ça me pose problème ! S'emporta le sultan en se levant
avec une vitalité déconcertante ; Te priver d'être un jour...
- Arrêté avec cette folie de ne pas pouvoir avoir d'enfants Jafar tu te bases sur
des mauvaises expériences et des prophéties absurdes.
- Nous avons longtemps mis fin à cette possibilité au palais, trancha-t-il
sèchement.
- Je suis au courant, Rachid m'a dit de ne pas en parlé mais tu me pousses à le
faire.
- Parce que je me suis assez montré égoïste en choisissant pour toi, répliqua-
t-il alors qu'un rictus s'incurvait sur ses lèvres.
Belle sentit une violente colère la submerger et serra les poings pour la
contenir.
- Je suis suffisamment grande pour prendre mes propres décisions Jafar.
Il réduisit l'espace qui les séparait les traits tendus.
- Je ne veux qu'un jour tu te réveilles à mes côtés avec des doutes et des
regrets.
- Aucun risque que cela arrive sauf si tu me prouves le contraire.
Il tiqua, visiblement déstabilisé par sa fermeté. Belle croisa les bras dans
l'attente d'une réponse de sa part. Il crispa ses mâchoires puis leva sa main
pour glisser celle-ci sur sa joue.
- C'est ton dernier mot habibti ?
Elle acquiesça, définitivement prête à nouer sa vie à la sienne. Toute la colère
et la crainte se dissipèrent sur le visage du sultan.
- Tu es vraiment un homme peu ordinaire Jafar, commenta-t-elle en
esquissant un mince sourire.
- Je ne suis pas comme les autres, je suis destiné à assouvir les besoins d'un
peuple, et toi, je ne veux pas t'entraîner dans un monde que tu ne connais pas.
Touché qu'il se montre si prévenant Belle n'eut pas le cœur de se battre. Elle
voulait seulement se jeter à corps perdu dans son monde peu importe la
chute.
- Mon père m'a toujours dit de suivre mon cœur peu importe que ça soit bon
ou mauvais.
Jafar ne put s'empêcher de sentir son cœur se pincer en regardant la jeune
femme qui bientôt deviendrait son épouse. La semaine qui avait suivie
l'annonce de leur fiançailles avait été riche en émotions. En émoi, le peuple
attendait le lendemain avec une impatience démesurée. Au début, Jafar avait
redouté la réaction du pays car Belle était américaine au contraire de Zafina.
Contre toute attente sa beauté incroyable avait suffi pour charmer l'ensemble
du peuple et la fraîcheur de ses traits avaient donné un espoir pour les
conseillers.
Cependant, Jafar craignait que sa décision hâtive pousse la jeune femme à le
regretter. Secrètement, elle nourrissait l'espoir d'avoir une famille et il ne
pouvait pas lui apporté. Il refusait même d'en entendre parler après s'être
bercé d'illusions. Ils seront seuls, définitivement seuls sans possibilité
d'agrandir leur famille. Alors la peur qu'elle se réveille un jour avec regret et
chagrin lui était insupportable.
Quittant sa torpeur il plongea son regard dans le sien et lut une vive
détermination. Avec Zafina, il l'avait volontairement négligée car elle-même
lui avait donné l'impression d'être ici pour un but très précis et poussée par la
soif de prestige elle avait oublié qui détenait les cartes de son avenir.
En revanche, lorsqu'il posait son regard dans les yeux bleus de la jeune
femme, il voulait à tout prix la rendre heureuse.
- Alors demain, tu deviendras ma femme, conclut-il d'une voix rauque.
Pour sceller la fin définitive de cette conversation Jafar l'embrassa avec une
douceur délibérée puis s'écarta avant d'être envahi d'une irrésistible envie de
la faire sienne.
Il venait de vivre une longue et pénible semaine, torturé de ne pas pouvoir
l'avoir à ses côtés. Demain cette insupportable distance prendrait fin.
Quelques coups portés à la porte le poussa à s'éloigner davantage.
- Oui !
Son cousin apparut au pas de la porte et les regarda tour à tour.
- Belle, tu veux bien nous laisser ?
Elle quitta le bureau en le privant d'un dernier regard et il en fut irrité au point
de vouloir la rattraper.
- Que me vaut cette visite ? S'enquit Jafar à l'adresse de Zuyad.
- Je suis venu t'annoncer que je viens de me marier dans la discrétion la plus
évidente.
- Vraiment ? S'étonna Jafar sans éprouver de l'indignation.
- Oui, soupira Zuyad en se laissant tomber dans le fauteuil ; Eloïse a fait une
crise de colère mais à quoi bon exposer mon mariage quand le tien est
attendu avec frénésie.
- La jalousie ne te va pas Zuyad.
- Je ne suis pas jaloux, juste lucide, je ne suis pas sur le trône mais je jouis
d'une fortune grâce à toi. Exposer mon mariage ne sera d'aucune utilité pour
moi.
Étonné par la sagesse de son cousin Jafar l'observa avec méfiance.
- Eloïse veut-elle quelque chose en particulier ?
- Te donner un héritier.
Un rictus amer se forma sur sa bouche.
- Ce n'est pas ma priorité Zuyad, et je trouve ça honteux de réduire ton enfant
à une pièce de rechange.
- Nous sommes d'accord, approuva Zuyad en étouffant un bâillement ; Mais
Eloïse a dans l'esprit de te le donner sauf que moi je ne suis pas prêt à mettre
ma vie entre parenthèse.
- Alors pour quelle raison tu t'es marié ?
- Parce que je suis respecté et approuvé par le pays qui contrairement à toi me
voue une méprise assez évidente.
- Parce que tu t'es montré méprisant avec eux en collectionnant des femmes
avec un manque de respect assez évident. Dois-je te rappeler ton escapade en
Italie ?
Il grimaça au souvenir du terrible scandale qui avait frappé le pays et les plus
conservateurs. Une attitude qui avait réduit son cousin à une réputation
désastreuse.
- Et c'est exactement pour cette raison que je me suis marié, déclara Zuyad en
souriant ; Eloïse aspire à être riche et moi à réconcilier le pays avec moi.
Jafar demeura impassible.
- Alors je te souhaite bonne chance, conclut Jafar en inclinant sa tête.
- Autant que je t'en souhaite avec Belle, répliqua Zuyad en se levant pour
quitter son bureau.
Jafar lui lança un regard noir et attendit qu'il soit proche de la porte pour
déclarer :
- En parlant de Belle, commença Jafar en attendant qu'il le regarde : Si tu
tiens à la fortune que je te verse chaque moi, je te conseille vivement de ne
plus jamais la regarder comme tu l'as fait à maintes reprises.
Il marqua une pause dans laquelle Zuyad blêmit sous son teint bronzé.
- Sinon je risque de briser les rêves de fortune auxquelles Eloïse aspire tant...
Chapitre 34
- Tenez mademoiselle.
Belle attrapa le bouquet de fleurs sans trop regarder à quoi il ressemblait, bien
trop occupée à étudier son profil dans le miroir.
Recouverte d'une robe blanche ornée de dentelles aux arabesques sublimes,
Belle lissa celle-ci nerveusement. Son cœur battait si vite qu'elle ne parvenait
plus à respirer normalement. Puis soudain, alors qu'elle avait l'impression de
se détacher du monde qui l'entourait, Belle réalisa qu'elle était seule.
L'esprit embrouillé, elle baissa les yeux sur le bouquet de fleurs composé de
lys orientaux et de belle de nuit. Cette variété de fleurs l'avait fascinée car
celle-ci s'épanouissait à la tombée de la nuit dans les jardins fabuleux du
palais.
Elle huma l'odeur pour apaiser sa nervosité mais celle-ci semblait s'accroître à
mesure du temps qui passait jusqu'à ce qu'elle relève les yeux et aperçut le
sultan dans le reflet du miroir.
Son regard épais et déterminé affaiblissait déjà ses craintes. Il était
incroyablement beau dans sa tenue traditionnelle. Sa large carrure enfermée
dans la dishdasha lui imposait toute la force qui la fascinait ainsi que le
poignard soigneusement glissé dans son fourreau qui lui donnait l'allure d'un
guerrier intraitable.
- Tu es magnifique, articula-t-il d'une voix rauque.
Jafar dut faire appel à toute sa volonté pour résister à l'envie de goûter ses
lèvres entrouvertes. Un torrent de désir faisait bouillonner son sang si bien
qu'il hésitait à la partager avec son peuple. Sa robe était brodé d'arabesques à
l'esquisse orientale. Ses cheveux détachés portaient un feuillage ornés d'or et
son visage...dépourvue de maquillage. Elle n'en avait pas besoin, songea-t-il
en s'approchant d'elle.
Il pouvait sentir sa nervosité, son visage était rosé par la timidité.
- Je suis nerveuse, finit-elle par avouer.
Il l'obligea à se retourner pour lui faire face.
- Cela me semble normal habibti mais rassure-toi j'ai pris des dispositions
pour que la cérémonie soit privée.
Surprise, elle arrima son regard au sien.
- Vraiment ? Je pensais qu'elle serait public.
- Elle l'était jusqu'à ce que Salomé m'informe de ton angoisse, répondit Jafar
en glissant son index sous son menton ; Les invites assisteront à la fête
prévue en notre honneur mais nos vœux seront privés, il y aura que Rachid et
les conseillers.
Une émotion traversa le visage de la jeune femme qui lui sourit
instantanément.
- Merci, murmura-t-elle d'une voix tremblante ; Merci de te montrer si
prévenant.
Jafar prit sa main libre et l'invita à le suivre. Il ne pouvait plus attendre une
seule seconde de plus. Il voulait qu'elle devienne sa femme immédiatement.
Ils passèrent les portes de la salle centrale là où les attendaient deux fauteuils
en velours. Conscient de l'énorme angoisse qui submergeait Belle, il resserra
ses doigts autours des siens jusqu'à l'ultime consentement qu'il prononça avec
détermination et désir. La douce voix de la jeune femme prononça les siens
en faisant pression sur sa main puis lui offrit un regard timide. Belle venait de
lui prouver qu'elle était une source de sincérité. Son ex-femme s'était
férocement jetée sur une cérémonie public, voulant s'exposer devant une
foule d'invités et pas une seule seconde il l'avait sentie nerveuse au contraire
de Belle...
- Tu es désormais ma femme, articula-t-il d'une voix gutturale qu'il eut peine
à reconnaître et posa un baiser sur son front.
Il l'aida à se relever sous les applaudissements des conseillers puis quitta la
salle pour annoncer au peuple que l'union était scellée.
Belle réprima un frisson d'angoisse quand elle dut faire face à une foule
d'invités qui se pressait pour la féliciter. Elle fut inondée de témoignages
d'affections et reçue en cadeaux des cartes de la part de son patron et de son
seul ami. À ce moment-là, Belle se retint de fondre en larmes car elle aurait
voulu que son père soit présent pour la guider vers ce monde qui lui était
totalement méconnu.
- Quelque chose ne va pas ? S'enquit Jafar en se penchant légèrement vers
elle.
La table d'honneur était composée de tellement d'invités qu'elle dut se
pencher pour lui répondre.
- Je viens de réaliser que je n'avais pas de famille aujourd'hui, mon père me
manque.
Il fronça légèrement des sourcils comme si sa peine le touchait au tréfonds de
son être.
Dans ce brouhaha pénible elle se contenta de lire dans ses yeux sombres
avant qu'il porte sa main à ses lèvres.
- Je suis ta famille, finit-il par dire à son oreille.
Ses mots atteignirent son cœur et elle s'empêcha de fondre en larmes afin
d'éviter d'être considérée comme une épouse malheureuse.
Ce n'était pas le cas.
Les plats se succédaient dans un ballet interminable. Belle avala péniblement
les derniers morceaux d'agneaux alors que son corps réclamait du sucre de
toute urgence.
Rachid se pencha soudain en s'adressant au sultan la mine préoccupée. Il
lâcha un mot en arabe semblable à un juron puis se leva pour capter la foule
qui se réduisit au silence.
Dans le même temps, il saisit sa main pour qu'elle se lève, ce qu'elle fit en
manquant de vaciller.
Dans un discourt limpide il remercia les invités et annonça leur départ. Bien
qu'elle n'était pas mécontente d'être enfin libre de cette foule qui la scrutait
avec intérêt Belle se demandait pourquoi il précipitait leur départ.
- Viens, ordonna-t-il les traits tendus.
Belle attendit que les portes de la grande salle se ferment pour ôter le sourire
de façade qu'elle arborait.
- Que se passe-t-il ?
- Un souci avec Zuyad, tu devrais te changer, je vais t'attendre viens là.
Belle réprima un frisson d'appréhension quand il ouvrit une porte.
Une vive colère emplissait son visage, si bien qu'elle s'empressa d'ôter sa
robe pour enfiler un caftan immaculé et simple.
- Garde le feuillage, ordonna-t-il d'une voix plus amène en prenant un
manteau noir qu'il passa sur ses épaules.
Elle remarqua qu'il avait troqué sa tenue traditionnelle pour un pantalon noir
et une chemise blanche.
- Nous allons passer devant les invités et nous prendrons la voiture qui est
censé nous emmener à la tente mais nous allons devoir faire un détour.
- Ta froideur m'inquiète Jafar, ai-je fait quelque chose de mal ?
- Rien, tu n'y es pour rien, murmura-t-il d'une voix sombre avant de
l'entraîner sur le fameux chemin qu'il avait dévié des années plus tôt.
Ce soir, il le traversa sous les applaudissements et ouvrit la porte qui la
mènerait à sa destinée. Ce simple instant la confortait dans l'idée qu'elle
n'était pas la cause de son regard noir.
Un vingtaine de minutes passèrent avant que l'énigme soit résolue. Ils
arrivèrent devant une villa éclairée et elle aperçut Zuyad au loin.
- J'espère que ton urgence vaut la peine d'avoir contredit mes plans Zuyad !
Belle était presque traînée tant le sultan marchait vite dans le couloir de la
villa.
Ils échangèrent en arabe et une fureur à peine voilé crispa les traits ciselés du
sultan.
L'instant suivant elle fut seule avec Zuyad qui nerveusement se massait la
nuque.
- Je peux savoir ce qu'il se passe ? Osa-t-elle demander.
- Eloïse est enceinte, ce qui signifie qu'elle porte l'héritier de Jafar. Le
médecin est ici depuis plus d'une heure et elle refusait d'être examinée sans la
présence de Jafar.
Le visage blême, Belle sentit une flèche la poignarder en plein cœur alors que
sa bouche semblait paralysée. Une fois de plus, Eloïse était parvenue à ruiner
un morceau de sa vie qui plus est le plus important. Sa grossesse signifiait
qu'elle était sur le point de mettre en action son plan et son désir de vouloir
Jafar auprès d'elle n'était qu'un début. Cependant, elle avait confiance en
Jafar.
Envahie par une sombre brise d'air, elle s'entoura de ses bras, ignorant Zuyad
qui se tenait derrière la porte.
La porte s'ouvrit violemment, laissant apparaître Jafar à l'expression sévère.
- Félicitations ! Grogna-t-il en refermant la porte derrière lui ; En quoi cette
nouvelle m'importe ?
- Je l'ignore, s'emporta Zuyad ; Comme tu as pu le comprendre hier je n'avais
pas l'intention d'être père aussi vite !
Belle se recula distinct quand elle aperçut les traits déformés de son mari.
- Selon les lois inscrites en 1967 c'est à moi de décider si cet enfant me
succédera, trancha-t-il d'une voix menaçante ; j'ignore ce qu'elle a bien pu se
mettre en tête mais je ne suis pas le père de cet enfant ! Qu'espérait-elle ? Que
j'assiste aux échographies à ta place ?
Zuyad se recula l'air penaud.
- J'ai cru comprendre que votre mariage est stimulé par des intérêts différents
cependant je refuse d'y être mêlé est-ce compris ?
- Je suis sincèrement navré de t'avoir fait venir en urgence Jafar j'ignore
toujours ce qu'il lui à prit.
Belle vit Jafar s'approcher dangereusement vers son cousin. Ses yeux
reflétaient deux lames tranchantes.
- Moi je sais, comme je sais maintenant la raison qui vous a poussé à annuler
votre présence au mariage. Elle avait dans l'intention d'humilier Belle en
annonçant cette grossesse le jour de notre mariage pour lui rappeler que je ne
pourrais pas lui donner un enfant !
Belle réprima un frisson d'horreur en découvrant un autre visage de Jafar
qu'elle n'aurait jamais voulu connaître. C'était à peine si elle le reconnaissait
si bien qu'elle ne bougeait plus, tétanisé par la froideur qu'il dégageait.
Zuyad qui jusqu'ici avait tenté de lui tenir tête abaissa son regard sans un mot.
Quand il se tourna vers elle, visiblement conscient de l'image monstrueuse
qu'il renvoyait, ses traits devinrent plus doux mais toujours gagné par la
colère.
- L'humiliation qu'elle a tenté de lui infliger est impardonnable, reprit-il sans
la quitter des yeux ; Préviens ta femme que si jamais elle ose une autre
bravade, je serais beaucoup moins clément.
Il prit sa main pour l'emporter avec lui dans le couloir alors qu'elle manquait
d'énergie et de forces. Il n'en fallut pas plus pour comprendre qu'elle
commençait à ressentir les effets indésirables d'une crise d'hypoglycémie.
Chapitre 35
Dans la voiture qui les conduisait à la tente, Belle observait le paysage étoilé
alors que son cœur saignait intérieurement. Elle toucha son front moite et
comprit qu'il était temps d'alerter Jafar sur son état de santé. Il était au
téléphone, parlait en arabe, rictus aux lèvres. Dans la pénombre, elle parvint à
capter son regard qui instantanément se figea d'inquiétude.
- Habibti est-ce que ça va ? S'enquit-il en coupant la conversation
téléphonique.
- Non, je ne vais pas bien, parvint-elle à dire alors que ses lèvres sèches
l'empêchaient de parler.
Il toucha son front et prit son pouls.
- Je suis en train de faire une crise d'hypoglycémie, il me faut du sucre de
toute urgence.
La voiture s'arrêta brutalement sous la vivacité de son ordre.
Il quitta le véhicule pour ouvrir le coffre et revint avec une trousse de
secours.
- Maintenant, je comprends la raison pour laquelle ton médecin m'a examiné
avec minutie, dit-elle d'une voix vaseuse.
- Avale ça, ordonna-t-il en lui tendant une bouteille d'eau.
Les mains moites elle prit le comprimé puis la barre chocolaté qu'il lui tendit.
- J'ai bien fait de te faire examiner, cela m'a permis d'anticiper ce genre de
crise, tu aurais dû me le dire plus tôt.
Il caressa ses cheveux alors qu'elle mastiquait désespérément.
- Je pensais qu'elle allait passer.
- Respire, murmura-t-il en l'attirant contre son torse pour qu'elle s'y repose.
Belle ferma les yeux en savourant le goût du sucre dans sa bouche et ne
résista plus aux larmes qui roulaient sur sa joue.
Jafar fut saisi d'un sentiment effroyable si bien qu'il sentait une peur grandir
en lui. Il avait beau tenter de garder la maîtrise la situation Jafar était saisi
d'une terrible crainte. Jamais il n'avait vu son visage aussi pâle. Livide, les
larmes aux yeux, le front moite, sa femme était fébrilement allongée contre
lui et cette image lui brisa le cœur. Pendant un instant il avait même crû la
perdre. Une émotion dévastatrice le poussa en refermer son bras contre elle et
embrassa ses cheveux alors qu'il pouvait déjà déceler les lueurs des lanternes
de la tente. Rictus aux lèvres il la souleva dans ses bras et l'emporta sous la
tente tandis que ses hommes déchargés le coffre de la voiture.
Une fois seule avec elle, Jafar referma la tente et sentit sa colère redoubler
d'intensité. L'humiliation qu'avait subi Belle le rendait fou. Il se souviendrait
à jamais du regard effrayé de cette dernière qu'il avait menacé devant le
médecin. Comment avait-elle pu croire que cette grossesse le concernait de si
près jusqu'à exiger sa présence le jour de son mariage. Jafar n'avait pas tardé
à comprendre qu'il s'agissait d'un avide désir d'humilier son épouse.
Il s'approcha du lit sur lequel la jeune femme reposait, triste et presque en
détresse.
- Belle ? Dis-moi quelque chose s'il te plaît.
- Elle a gagné, murmura-t-elle d'une voix tremblante ; Encore une fois.
Jafar posa un genou sur le lit et glissa un bras sous sa taille pour l'attirer à lui.
Quand il vit son visage, c'est avec le cœur déchiré qu'il écarta des mèches
rebelles sur son visage.
- Elle n'a rien gagné du tout, seulement mon mépris, chuchota-t-il en touchant
son front encore chaud ; la seule personne qui a gagné ce soir c'est moi.
Il déposa un tendre baiser sur la commissure de ses lèvres.
- Tu m'appartiens désormais, tu es ma femme, et tu n'as aucune idée de ce que
je ressens.
Belle sentit son cœur se gonfler de joie. La tristesse qu'elle ressentait se
dissipa pour être remplacée par une joie pure.
- Je suis un homme comblé et je te promets de mettre mon âme dans notre
mariage pour te prouver que je suis celui qui te rendra heureuse.
Était-ce une façon à lui de lui dire qu'il l'aimait ?
Belle l'espérait...
- Je suis désolé de t'avoir impliqué dans cet incident, ce n'était pas ta place.
- Si ça l'était même si je déteste l'idée qu'elle pense que...
Il posa son pouce sur ses lèvres.
- Je ne veux pas en parler ce soir, décida-t-il en déposant un baiser sur son
front ; cette femme m'est indifférente.
Il fit en sorte qu'elle s'allonge, puis s'éloigna pour revenir avec une assiette
remplie de gâteaux. Elle s'efforça de manger, le ventre noué. Sa tristesse ne
parvenait pas à s'atténuer car les événements lui rappelaient la peine qu'elle
avait ressentie quelques jours après le décès brutal de son père. Comment
oublier cette douleur insupportable qu'elle avait dû endurer jusqu'à ce qu'elle
soit obligé de prendre la fuite ?
Elle se souvenait très clairement de cette nuit noire où elle avait croisé le
chauffeur de sa belle-mère.
" - Croyez-moi, n'essayez pas de vous battre, partez ! "
Le pressentiment qu'elle avait ressenti ce jour-là était le même qui lui nouait
l'estomac ce soir, à la seule différence qu'aujourd'hui elle n'était pas livrée à
elle-même.
Elle pouvait compter sur Jafar et cette simple pensée lui serra le cœur.
- Tu es épuisée habibti, déclara-t-il en la rejoignant.
Belle acquiesça en étouffant un soupir tremblant. Leur lune de miel ne se
passait pas exactement comme elle l'avait imaginée. Pourtant, de belles
bougies vacillaient avec romantisme autour du lit. Cette atmosphère
reposante l'aiderait sûrement à se calmer, songea-t-elle en s'allongeant à ses
côtés.
Il ouvrit son bras pour qu'elle se loge au creux de ce dernier, une main posée
sur son torse.
- Malgré ce qu'il s'est passé tout à l'heure, c'était le plus beau jour de ma vie
Jafar, murmura-t-elle d'une voix émue.
- Je suis comblé de te l'entendre dire Belle car c'était aussi le plus beau et
important jour de ma vie.
Il déposa un baiser sur son front puis réduisit la lumière de la lampe. Belle ne
tarda à sentir son être se laisser happer par les bras de Morphée ou plutôt...les
bras de son mari...
Jafar fixait le haut de la tente sans parvenir à trouver le sommeil. La colère
qu'il ressentait était toujours aussi forte que lorsqu'il était parti du banquet.
Voir Belle souffrir n'avait fait que renforcer les sentiments qu'il avait pour
elle. Oui, ça y est, il était temps de se le dire et arrêter de le nier.
Belle avait su résoudre une partie de l'énigme qui entourait son cœur et peu à
peu elle donnait un sens à sa vie. Chaque jour à ses côtés était une nouveauté,
si bien qu'il s'était surpris à reporter deux grandes réunions à Rome pour
rester à ses côtés.
Cependant, si Belle arrivait à remplir le vide abyssal de son existence il fallait
qu'il la protège en retour et les événements de ce soir lui avaient permis de
confirmer ses craintes concernant la famille Ford. Il se méfiait d'Eloïse et
l'absence de sa mère était pour lui une preuve suffisante qu'il se passait
quelque chose dans son dos. Trop occupé à vouloir Belle à ses côtés, Jafar
avait ignoré les recommandations de Rachid.
Celles d'enquêter sur le passé de cette famille et sur celui de Belle qui avait
partagé une bribe de sa vie à leur côté. La grossesse d'Eloïse était pour lui
planifiée depuis le début. Sans équivoque, cette dernière espérait lui donner
un fils pour conclure la loi que son père avait rédigé. De cette façon, elle
pourrait jouir de rester à jamais la mère du futur monarque. Jafar serra les
mâchoires, baissant les yeux sur sa femme qui dormait paisiblement. Pendant
un furtif instant qui lui arracha presque les entrailles il se surprit à l'imaginer
portant ses enfants. Pourtant il se l'était interdit par craintes d'éprouver des
remords de la condamner ainsi. Poings serrés, il bascula sur le côté de façon à
ce qu'elle repose sur l'oreiller pour l'admirer.
Il toucha son ventre, crispant presque ses doigts dessus et implora un miracle
tout en embrassant ses lèvres fermées...
Le lendemain, après une nuit difficile, Jafar s'était levé à l'aube pour préparer
le déjeuner.
- Bonjour...
À cette voix douce et mélodieuse il releva les yeux sur sa femme, qui réveilla
en lui un désir qui ne s'achèverait probablement jamais. Hier soir, il aurait dû
la plonger dans les précipices du plaisir, il aurait voulu honorer son épouse et
s'abreuver de ses cris qui auraient transpercé le désert...
- Bonjour ma chérie, est-ce que tu te sens mieux ?
Elle rougit en s'approchant vêtue d'une robe bohème blanche, laissant
entrevoir la naissance de sa jambe. On aurait dit une belle sauvageonne
prisonnière d'un geôlier prête à saisir la moindre opportunité pour s'enfuir
afin d'être mieux retrouvée.
- Je me sens beaucoup mieux je te remercie, et toi ? Tu es levé tôt.
- Suffisamment longtemps pour réfléchir.
Jafar glissa un raisin entre ses lèvres douces et elle l'accepta les joues en feu.
- Réfléchir ? Répéta-t-elle inquiète.
- J'ai décidé qu'à notre retour au palais je vais lancer une enquête sur la
famille Ford et inévitablement sur toi.
- Sur moi ? S'enquit-elle visiblement choquée.
- Ne t'inquiète pas habibti, je te fais confiance sinon tu ne serais pas ma
femme, l'enquête aura pour but de comprendre quelles sont leur manigances.
- Inutile d'une enquête pour ça, rétorqua-t-elle amèrement ; Cela me semble
évident Jafar. Elle veut un enfant pour s'assurer d'être à jamais dans ta
famille.
- Sa mère a disparue des radars et il doit y avoir une raison à cela, donc je
vais éplucher leur vie et celle qu'elles ont partagé avec toi.
Contre toute attente elle acquiesça, nullement dérangée qu'il veuille entrer
dans les tréfonds de sa vie.
- Belle, mes hommes sont extrêmement doué ce qui veut dire que je
connaitrais tout les détails de ta vie, dans les moindres détails.
- Tu risques de t'ennuyer Jafar, dit-elle en riant ; J'étais une élève discrète et
j'ai passé une majeur partie de ma vie à tenter d'y trouver un sens.
Il leva un sourcil qui en disait loin sur le cours de ses pensées.
- Rien du tout ? Pas même un vole de sucrerie dans la supérette du coin ?
Demanda-t-il avec un large sourire.
- Rien du tout, affirma-t-elle en lui rendant son sourire.
Il plissa des yeux comme deux fentes impénétrables.
- Tous le monde a une faille mon amour, je suis sûr de trouver la tienne,
chuchota-t-il avec un sourire qui se voulait faussement machiavélique.
Elle plongea son regard dans le sien, sans ciller elle déclara avec son
honnêteté sans apprêt :
- La seule faille que tu risquerais de découvrir c'est que tu es le seul homme
dont je suis tombée éperdument amoureuse.
Chapitre 36
" - La seule faille que tu risquerais de découvrir c'est que tu es le seul homme
dont je suis tombée éperdument amoureuse. "
Jafar se passa une main sur son visage, submergé par un sentiment inédit. Ces
mots avaient heurté son cœur caparaçonné depuis des années. Son cœur
s'était mis à lui marteler les tempes. Il s'était alors approché de sa femme et
lui avait rendu ces mots en arabe, dans un souffle...presque dans un
chuchotement inaudible. À présent, rongé par le remord de ne pas lui avoir
dit qu'il l'aimait avec vivacité et détermination, Jafar éprouvait le besoin de se
faire pardonner. Personne ne lui avait témoigné un tel amour...pas même ses
parents. En se plongeant dans les souvenirs de son premier mariage il réalisa
qu'à aucun moment Zafina lui avait exprimé ses sentiments. De ce fait, Jafar
s'était perdu entre le passé et le présent affectant Belle.
Encore une fois.
Pourquoi avait-il si peur de lui dire ce qu'il avait au fond de son cœur ?
Craignait-il que ces mots soient la chute de son mariage ? Comme s'ils
pouvaient devenir une malédiction ?
- Je suis un idiot, dis-le Rachid j'en ai besoin.
Son ami et fidèle confident détourna le regard de l'horizon.
- Vous êtes un idiot, déclara-t-il en pesant ses mots ; Bien que j'ai peine à
comprendre votre désir d'entendre ça.
La voiture s'arrêta à hauteur du centre des jeunes enfants orphelins, là où sa
femme était en visite depuis plus de trois heures.
L'attente de son retour était si insupportable qu'il avait fini par prendre la
route pour la rejoindre.
- Lors de notre lune de miel, Belle m'a dit qu'elle était éperdument amoureuse
de moi, et au lieu de lui rendre le précieux cadeau d'une telle déclaration je
suis resté immobile, incapable de prononcer ce qu'elle attendait en retour.
- Vous êtes tout simplement confronté à une nouveauté que vous pensiez ne
jamais ressentir votre altesse. Belle est une femme authentique, éperdument
amoureuse et forte. Je dois vous dire que j'aime son audace autant son regard
impressionné lorsqu'elle se trouve à vos côtés.
Rachid disait vrai, songea-t-il en quittant la voiture en la cherchant du regard.
Une dizaine de dirigeants se trouvaient sur place. Les organisateurs le
saluèrent respectivement et il demanda où se trouvait sa femme. Après
quelques enjambées vers le bâtiment, il la trouva, assise sur une petite chaise
d'enfants entourés par des dizaines d'orphelins captivés.
Et lui aussi l'était...
Elle avait recouvert ses cheveux d'un voile blanc brodée d'une fine esquisse
de dentelle, quelques mèches rebelles cascadaient sur son visage souriant.
Elle dessinait avec eux, laissant même quelques futurs artistes peindre sa
main avec des pastels. Cette image le frappa, l'heurta en plein cœur, si bien
qu'il s'interdisait d'avancer par peur de briser cette scène incroyable.
Elle respirait de confiance, échangeant avec la directrice du centre en anglais
et quelques mots en arabe lui échappèrent avec maladresse.
Elle faisait tout pour son pays et son investissement envers les habitants la
rendaient irrésistibles aux yeux de tous et précieuse pour les siens.
Elle balaya la salle du regard et leurs regards s'entrechoquèrent
instinctivement comme s'ils étaient incapable de défier l'aimant qui les attirait
sans cesse. Elle lui sourit timidement et se leva alors que quelques mains
s'accrochaient à son caftan.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Demanda-t-elle d'une voix timide.
- Je ne parvenais plus à t'attendre et je ne suis pas déçu d'être ici. Tu es
incroyable.
Elle baissa les yeux, avec humilité et modestie. Jafar dut faire appel a toute sa
volonté pour ne pas se soumettre au désir qui le consumait. Belle faisait
partie de sa vie depuis deux mois et demi et chaque journée passée avec elle
le confortait dans l'idée qu'il ne s'était pas trompé.
Après des remerciements chaleureux ils regagnèrent la voiture et Rachid prit
celle qui avait emmené Belle. Seul avec elle, il put enfin parsemer sa main de
baisers.
- Qu'ai-je fait pour mériter ça ? Dit-elle en souriant.
- Tout ce que tu fais mérite d'être honoré.
Belle sentit un frisson latent courir sur son épine dorsale. Les lèvres
entrouvertes elle mourrait d'envie de l'embrasser. Depuis leur mariage, deux
semaines venaient de s'écouler et pas un jour passait sans qu'elle sente son
cœur battre contre ses tempes. Heureuse ? Oui elle l'était.
Amoureuse ? Aucun doute.
Elle avait même pris la décision de ne plus penser à Eloïse et son enfant. Elle
voulait se concentrer sur elle et sur Jafar.
De retour au palais il l'entraîna avec lui dans son bureau qu'il verrouilla et lui
ôta son voile sans la quitter des yeux. Lors de leur lune de miel, sans qu'il le
sache, Belle avait compris la signification des mots qu'il lui avait glissé à
l'oreille.
" L'amour que je te porte me terrifie "
Il avait tout simplement peur de l'aimer parce qu'il n'avait jamais connu
l'amour. Contre toute attente ses mots l'avaient rassuré car derrière cet
homme de fer, elle avait atteint son cœur.
- Qu'as-tu fait pendant mon absence ? Demanda-t-elle en luttant contre l'envie
de s'abandonner dans ses bras.
- J'ai enquêté avec mes hommes, passé des coups de téléphones à New-York
et j'ai pensé à toi.
Il captura ses lèvres sans attendre puis s'écarta le souffle chaud.
- Je me suis surpris à repenser à notre lune de miel.
Belle rougit alors que des images lui revenaient en tête. Jafar avait tenu sa
promesse. Comblée, ses cris de jouissances avaient dévastés le désert
sauvage. Toute la nuit, il l'avait soumise à des caresses affolantes.
- Comment oublier la délicieuse torture que tu m'as infligée, murmura-t-elle
d'une voix essoufflée comme si elle y était encore.
Il prit ses joues et rejeta sa tête en arrière pour parsemer son cou de baisers.
- Ça ne s'affaiblit pas, rien n'y fait, articula-t-il d'une voix rauque.
Belle comprit qu'il parlait du désir qu'il avait pour elle.
- Tu me rends fou, dit-il d'une voix rauque.
Belle ferma les yeux et abandonna son esprit qui semblait entièrement à lui
comme l'était son corps qui l'appelait désespérément.
- Je t'aime Habibti.
Belle ouvrit les yeux brutalement pour le regarder. Avait-elle bien entendu ?
Les yeux nourris de désir et de forces mêlés il referma ses doigts sur son
menton.
- N'en doute jamais, chuchota-t-il en glissant son pouce sur ses lèvres : Je suis
désolé de ne pas t'avoir dit ça lors de notre lune de miel.
Jafar l'avait dit sans éprouver une quelconque crainte et le regard brillant que
lui renvoya sa femme fut pour lui la plus belle des réponses.
Emue, elle sentit des larmes lui montaient aux yeux mais n'eut guère le temps
de s'en remettre car il reprit ses lèvres contre les siennes sauvagement.
L'instant suivant elle fut éprise d'un cri étouffé quand il passa une main sur sa
cuisse.
- Jafar ! Que fais-tu ? On risque...
Belle fut coupé par son mari qui la souleva pour la déposer sur son bureau.
- Je fais ce que j'ai envie de faire ma tendre épouse, dit-il d'une voix gorgée
de détermination.
Il enroula le tissu entre ses poings serrés pour le relever.
- Tu te trouves dans mon aile privée, personne n'y rentre sans y être autorisé.
Nous sommes seuls, as-tu peur ?
- Peur ? Répéta Belle la respiration erratique.
- Tu donnes l'impression d'être sous la coupe d'un sultan qui détient la
promise du harem.
À cette pensée Belle rougit si violemment qu'il esquissa un sourire en
coin...un sourire qui retomba quand la sonnerie du téléphone se mit à retentir.
Il poussa un juron à la hauteur de son agacement.
- Je crois que nous allons devoir reporter cette petite parenthèse enchanté, dit-
elle en esquissant un sourire grimaçant tout en décrochant le combiné pour
lui tendre.
Les narines frémissantes il le prit sèchement alors qu'elle glissait ses fesses
hors du bureau sous une tirade Rhayadienne.
Embarrassée, les joues en feu elle remit de l'ordre dans sa tenue alors qu'il
poursuivait sa conversation téléphonique avec humeur. Elle profita d'un
moment d'inattention de la part de Jafar pour glisser son voile dans son sac
qu'elle s'empressa de refermer.
- Je suis désolé pour cette interruption, lança-t-il en enlaçant sa taille.
Belle réprima un sursaut et se mit à rire nerveusement.
- Ça...ce n'est pas grave, bafouilla-t-elle en se retournant pour glisser ses
doigts sur sa nuque.
- Tu seras toujours ma priorité Belle, même si mon devoir peut s'avérer
difficile.
- Je sais, mais je ne veux pas t'éloigner de tes devoirs.
Il l'embrassa avec une infinie tendresse.
- Ce que tu as fait pour les enfants aujourd'hui était merveilleux, tu as fait un
travail merveilleux, murmura-t-il en glissant son pouce sur sa joue.
Belle n'eut pas le temps de lui répondre car la porte du bureau s'ouvrit sans
que le visiteur soit annoncé.
- Votre altesse, vous êtes attendue dans la salle de réunion maintenant.
Avec humeur Jafar dévisagea Rachid qui venait de les interrompre.
- Ça ne peut pas attendre ?
- Croyez-moi, je ne serais pas là si ce n'était pas urgent...
Chapitre 37
Jafar n'était pas d'humeur et sut instinctivement que celle-ci allait se
poursuivre pendant un long moment. Rachid avait les traits tendus et son
regard inquiet n'était pas un bon présage.
S'agissait-il de l'enquête qu'il lui avait confié ?
Pour le savoir, Jafar s'engagea dans la salle de réunion et balaya la grande
table entourée de ses conseillers. L'écran plasmas était allumé ainsi que
l'ordinateur portable.
- Dois-je m'attendre à rentrer dans une fureur sans précédent ? Demanda-t-il
en s'installant sur le fauteuil central.
- Il y a des chances oui, admit l'un d'entre eux en se passant une main sur le
visage.
- Alors je vous écoute, s'empressa Jafar gagné par l'impatience.
- Pendant une semaine nous avons fouillé dans le passé de la famille Ford,
commença Rachid en saisissant la télécommande ; Ainsi que celui de votre
femme.
Jafar retint presque son souffle car les inquiétudes qui animaient les traits de
ses hommes lui donnaient l'impression qu'il allait se confronter à des secrets
inavouables liés à Belle.
- Ma femme a-t-elle des secrets ? Est-ce la raison qui vous rend si
décomposés ?
Rachid s'empressa de secouer de la tête négativement.
- Belle est aussi blanche qu'une colombe, répondit Rachid.
Jafar expira un long soupir de soulagement puis se sentit minable d'avoir pu
douter d'elle.
- C'était une élève brillante qui a dû abandonner ses études après le décès de
son père. Madame Ford avait cependant tout prévu bien avant de se marier
avec le père de Belle. Nous avons trouvé des transactions financières illégales
sur trois comptes différents. Une énorme somme d'argent a été déposé sur le
compte de cette dernière provenant de l'entreprise de son père. Peu après le
mariage, elle a fait appel à un avocat pour rédigé des papiers concernant le
divorce.
Jafar esquissa un rictus amer.
- Ainsi elle avait prévu de divorcer avant même d'être marié ?
Rachid acquiesça tristement.
Il ne connaîtrait jamais le père de Belle mais ne put s'empêcher d'éprouver de
la peine pour lui.
- Tout était prévu jusqu'au testament qui a été modifié à trois reprises. Belle
était l'unique héritière avant qu'un autre testament inclus Eloïse et sa mère. La
signature est différente sur les trois.
Rachid appuya sur la télécommande pour que les trois testaments soient
projetés sur l'écran plat.
Jafar les étudia avec minutie et la falsification des signatures était si flagrante
qu'il poussa un faible juron.
- Évidemment la mort brutale de ce dernier a précipité les choses, de ce fait,
elle a fait en sorte que Belle signe celui qui indiquait qu'elle renonçait à ses
droits sur la maison, l'entreprise, les biens immobiliers.
Jafar ne pouvait en vouloir à sa femme d'avoir été si naïve car les paragraphes
indiquant cette close étaient soigneusement placé au milieu d'un long et
incompréhensible paragraphe qui n'avait pas sa place dans ce genre de
testament.
- Aujourd'hui, madame Ford se trouve à Milan, en compagnie d'Alex Frost.
Jafar sentit ses muscles se raidir alors qu'il déviait lentement son regard fou
vers Rachid.
- Je te demande pardon ?
- Le soir des fiançailles de Zuyad, cet homme n'était pas là par hasard et il ne
s'est pas intéressé à Belle par simple envie de la séduire. En réalité c'est
Carole Ford qui a fait en sorte qu'il soit présent et d'ailleurs ils se connaissent
depuis plusieurs années.
Dans un silence de plomb, Jafar sentit ses lèvres trembler de fureur alors que
la colère atteignait déjà son paroxysme.
Rachid hésita à reprendre puis aspira une goulée d'air pour poursuivre.
- Cette vive proximité nous a poussés à faire des recherches sur Alex Frost et
nous sommes tombés sur ça.
Faiblement, Rachid appuya sur la télécommande qui cette fois-ci projeta un
site dont le fond d'écran était aussi noir que l'était ses yeux.
- C'est grâce à Abdel que nous avons pu y accéder car il était crypté. Alex
Frost n'est pas seulement un agent spécialisé dans le mannequinat, il est à la
tête d'un réseau de...
Rachid n'eut pas la force de le prononcer et se laissa tomber sur l'une des
chaises. Jafar serra les mâchoires jusqu'à ce les désosser.
- Jusqu'ici nous avions simplement relevé cet effroyable site internet mais
mon instinct m'a poussé à aller plus loin.
Jafar ne désirait pas entendre la suite car un mot de plus pourrait le conduire à
libérer le monstre sans pitié qu'il cherchait vainement à garder muselé depuis
qu'il avait posé son regard sur la jeune femme.
- Nous sommes tombé sur une photo de Belle perdu dans une marée de
photos d'autres jeunes femmes, celle-ci à été mise en ligne soit une semaine
après qu'elle ait perdu son héritage ce qui nous laisse envisager que Carole
avait dans l'intention de l'effacer de la surface de la terre dans le cas où elle
aurait protesté.
- En la vendant au plus offrant ! Rugit Jafar sur un ton glacial.
Il se leva d'un bond, renversant le fauteuil et appuya ses mains à plat sur la
table ronde.
Rachid qui jusqu'ici avait fait preuve d'un calme exemplaire essuya son front
moite.
- L'annonce a été retirée quatre jours plus tard alors qu'elle avait déjà atteint
dix-huit mille dollars, reprit-il non sans difficulté ; Je suppose que Belle n'a
pas opposé suffisamment de résistance pour envisager l'impensable mais
votre altesse, ça ne s'arrête pas là.
- Ils vont mourir, annonça-t-il articula Jafar d'une voix si noir que ses
conseillers se raidirent ; Continue, leur sort est déjà scellé !
- Une....une annonce plus récente à été publiée il y a deux semaines soit le
jour de votre mariage.
Une image apparut alors sur l'écran et il s'agissait bien de Belle sauf que son
prénom avait été modifié.
- Je pense sans le moindre doute qu'elle est un problème et qu'elle fait
obstacle au plan initial de Carole.
Rachid marqua une pause puis reprit en se raclant la gorge.
- Je pense que leur plan était de s'intégrer dans la famille en passant par
Zuyad mais ce plan avait pour but d'obtenir non seulement l'argent mais une
place avec un héritier j'irai même jusqu'à dire que vous étiez probablement sa
cible première avant de réaliser que vous n'étiez pas intéressé. Belle est
arrivée et devient un obstacle contraignant à leur plan.
Les yeux injectés de sang Jafar parvenait difficilement à entendre les
explications de Rachid.
- Si nous n'avions pas enquêté je pense sans le moindre doute qu'ils auraient
attendus un moment opportun pour l'enlever et la donner à celui qui aurait été
le plus généreux sans avoir réfléchi aux conséquences.
Derrière la colère dévastatrice qui l'empêchait de parler Jafar sentit un sourire
machiavélique s'ébaucher sur ses lèvres serrées. La famille Ford venait de se
lancer dans une partie d'échec dans laquelle il venait de reprendre la main.
Etaient-elles assez stupides pour penser que son statut de Sultan s'arrêtait à
une fortune et un rang ? Il avait en sa possession suffisamment de moyens
pour retrouver sa femme où quel soit et ses relations partout dans le monde
lui garantissait les meilleurs hommes de main. En d'autres termes plus
limpides, si Belle disparaissait ne serait-ce qu'une journée il ne mettrait pas
longtemps à la retrouver. Mais ce qui le plongeait dans une colère noire
c'était d'imaginer Belle dans les mains d'un pervers capable des pires péchés
pour acheter une jeune femme innocente et il ne s'agissait pas seulement de
Belle mais de toutes ces jeunes filles affichées sur ce site internet invisibles
aux yeux des autorités Américaine.
- Quel est le plan d'attaque votre altesse ?
Jafar se redressa lentement sans quitter des yeux l'écran et de la somme qui
grimpait à côté de sa photo.
- C'est très simple, siffla-t-il entre ses dents ; Fait en sorte de monter la
somme sans qu'il sache que c'est moi, ne t'arrête pas tant que je n'ai pas
gagné, ensuite, exige une rencontre et ensuite je lui trancherai la gorge...
~
Belle s'efforçait à se montrer patiente devant cette attente insupportable. Un
soupir s'échappa de ses lèvres alors que sa joue reposait sur sa main dans une
position presque désespéré.
Voilà plus de dix minutes qu'elle attendait qu'une pressante envie atteigne
enfin le petit bâtonnet qui allait oui ou non lui confirmer si ses doutes étaient
avérés.
Elle avait du retard, cependant elle avait comme le sentiment qu'elle se
trompait ou que son désir d'avoir un enfant perturbait son propre jugement.
Après une attente insupportable elle put enfin procéder au test puis un autre
afin de lui garantir une fiabilité nécessaire pour la suite.
Des coups firent vibrer la porte fermée à clé. Dans un sursaut de peur elle
lâcha le test de grossesse.
- Belle ! Je peux savoir pour quelle raison tu as fermé à clé ?
- Je suis....je suis sur le trône et pas celui sur lequel tu t'es assis le jour de nos
noces crois-moi !
Belle se frappa le front en réalisant ce qu'elle venait de dire et se hâta pour se
rhabiller alors qu'il actionnait la poignée avec impatience. Prise de panique,
Belle ouvrit le placard et jeta les deux tests au fond de ce dernier puis ouvrit
la porte le souffle court
Mais ce n'était rien comparé au regard sévère qu'il lui infligea.
- Tu n'as jamais fermé la porte, est-ce que tu...
Il s'interrompit pour pénétrer à l'intérieur.
- Serais-tu en train de suggérer l'existence d'un amant caché dans la tuyauterie
? Lança-t-elle vexée qu'il ait pu faire illusion à ça.
Il se retourna, sans se départir de son froid regard.
- Jamais je ne songerais à ça, j'étais juste inquiet, dit-il d'une voix plus amène.
- Que veux-tu qu'il m'arrive dans cette salle de bains ? J'étais juste inquiète à
l'idée que quelqu'un d'autre que toi entre sans permission.
C'était un piètre mensonge pour sauver la face afin qu'il n'est aucun soupçon.
Cependant elle était davantage inquiète de voir ses traits altérés par la colère
- Jafar que se passe-t-il ? Pourquoi tu sembles si en colère.
Il la dévisagea en silence puis s'approcha d'elle en refermant la porte de la
salle de bains qui renfermait peut-être leur destin.
Chapitre 38
Jafar posa une main dans le dos de la jeune femme pour l'entraîner vers le
canapé. Elle semblait nerveuse et tirait sur ses doigts machinalement. Jafar se
voulait prudent car il était hors de question de l'exposer à ce qu'il venait
d'apprendre. C'était presque une déchirure de la regarder tout en sachant
qu'elle aurait pu être vendue par le passé. Il fallait à tout prix qu'il la protège
mais il voulait savoir si Belle savait quelque chose sur cette époque qui aurait
pu la condamner.
- Que se passe-t-il Jafar ?
- Je voudrais te poser une question en rapport avec les Ford.
La jeune femme ne tarda pas à grimacer mais acquiesça.
- Peu après que tu aies découvert qu'ils avaient pris ton héritage, que s'est-il
passé ?
Déroutée elle fronça des sourcils et ses yeux bleus se voilèrent.
- Je suis partie me réfugier dans un hôtel et j'ai pleuré toute la nuit puis
quelques jours plus tard, gagnée par la colère je suis partie pour les
confronter.
Pour la mettre en confiance Jafar prit sa main dans la sienne et la porta à ses
lèvres.
- Es-tu parvenue à les confronter ?
Elle fronça de nouveau des sourcils comme si elle était confrontée à des
souvenirs pénibles.
- Je n'ai pas pu, leur chauffeur m'a arrêté avant que j'ai pu franchir les grilles,
d'ailleurs c'était extrêmement étrange.
- Étrange comment ? S'enquit-il en prenant son menton entre ses doigts.
- Il m'a dit de partir, très vite et de ne plus jamais revenir, répondit-elle en le
dévisageant ; Aussi étrange que cela puisse paraître il avait l'air anxieux
autant que tu sembles l'être. Dois-je m'inquiéter ?
Jafar ne parvenait pas à détendre les traits de son visage et cela lui portait
défaut.
- Tu n'as aucune raison de t'inquiéter, déclara-t-il d'une voix ferme.
- Alors pourquoi toutes ces questions ? Est-ce que tu as découvert des choses
qui...
- Rien qui puisse valoir un tel regard de ta part, coupa-t-il en relâchant son
menton.
Évidemment Jafar savait qu'elle n'allait pas se contenter de cela. Belle était
une femme intelligente, suffisamment pour déceler qu'il se passait quelque
chose. À lui maintenant de lui prouver le contraire.
- Tu dois me faire confiance Belle, ajouta-t-il en embrassant son front.
Il se leva avec hâte car il fallait à tout prix qu'il supervise les recherches qui
allaient lui permettre de retrouver Alex Frost.
- Tu pars ? Si vite ? Demanda-t-elle visiblement triste.
- Je dois terminer un travail ensuite nous dinerons ensemble.
Belle accepta son furtif baiser et le regarda s'en aller avec un sentiment
d'abandon logé dans son cœur. Elle n'était pas assez stupide pour le croire.
Jafar pouvait se montrer impassible mais parfois ses traits ciselés le
trahissaient.
Exhalant un long soupir, elle se leva et pivota les talons vers la porte fermée
de la salle de bains. Il suffisait de l'ouvrir et pour savoir enfin si elle était
enceinte. Bizarrement, elle n'en tirait pas la joie qu'elle s'imaginait depuis des
semaines. Elle se contenta d'ouvrir la porte du meuble avec un faible espoir
de voir s'afficher un résultat positif. Pourtant lorsqu'elle prit le premier, deux
traits roses indiquaient l'impensable....
Belle retint son souffle alors qu'une bouffée de chaleur lui monta aux joues.
Le deuxième se révélait lui aussi positif. Des émotions indéfinissables se
succédèrent en elle alors qu'elle se laissait lentement tomber sur le rebord de
la baignoire.
Elle serra les deux tests de grossesse dans sa main moite alors qu'une peur
légitime lui comprima le ventre.
Comment allait-il réagir ? Alors qu'il se pensait incapable d'avoir un enfant et
qu'il avait rejeté toute possibilité que cela puisse arriver ?
- Belle ?
Instinctivement elle passa sa main derrière son dos et battit énergiquement
des cils pour faire face à Salomé.
- Que faites-vous ? Vous êtes pâle, remarqua-t-elle en s'approchant.
- Je vais bien, puis-je avoir un petite instant pour me rafraîchir ?
Salomé acquiesça non sans lui indiquer ses soupçons.
Elle cacha les tests dans sa trousse de toilette et se passa le visage sous l'eau
pour reprendre ses esprits. Une seule bonne nouvelle marquerait ce moment
suspendu dans le temps, c'est la certitude qu'il pouvait avoir des enfants.
Mais cette certitude serait-elle suffisante pour briser toutes ces années à
croire qu'il ne parviendrait jamais à être père ? Pour s'aider à s'orienter Belle
songea immédiatement à Salomé. Bien évidemment elle se voulait prudente
car en aucun cas sa grossesse devait être révélée avant d'être sûre qu'elle ne
marchait pas sur un terrain miné.
- Salomé ? Puis-je te poser une question qui me préoccupe ?
- Allez-y, je vous écoute.
Belle se mordit la lèvre.
- Est-ce que vous pensez que Jafar va nommer l'enfant d'Eloïse comme
héritier du pays ?
Son visage se crispa furtivement.
- Je pense que oui, même s'il ne le désire pas je pense qu'il n'a
malheureusement plus le choix.
Salomé l'observa tristement avant de reprendre.
- Le pays est en train de devenir un grand pays qui prospère de jour en jour.
Jafar sait qu'il ne pourra pas laisser le pays dans l'incertitude encore
longtemps.
- Comment ça ? S'enquit Belle en s'installant sur le fauteuil alors que ses
lèvres devenaient sèches.
- Beaucoup de personnes commencent à se demander s'il aura un successeur
car l'effroyable accident de son père a laissé des marques. Pour eux, la
détermination de Jafar lui fait repousser ses limites comme son père et c'est
cette même détermination qui a poussé son père à sauver des vies au péril de
la sienne.
Comme elle devenait pâle, Salomé s'empressa de reprendre.
- Bien évidemment notre époque a changé et la guerre terminée, Jafar ne va
pas mourir de sitôt mais il est essentiel qu'il nomme un héritier au plus vite.
Belle inspira profondément déchirée entre l'envie de lui dire qu'elle était
enceinte et la peur irrationnelle de se tromper. Après tout les tests pourraient
être faussés, peut-être qu'il s'agissait d'une erreur.
Pour en avoir le cœur net elle allait devoir trouver un prétexte pour se rendre
à la clinique.
- Salomé j'ai besoin que vous fassiez quelque chose pour moi.
Perplexe elle fronça des sourcils mais contre toute attente accepta.
Prétextant une sortie pour se rendre dans la grande bibliothèque de la ville
avec l'aide de Salomé, elle put quitter le palais avec un garde du corps.
Sachant que ce dernier était fidèle à Jafar, Belle mit tout en œuvre pour qu'il
garde le secret quand elle lui révéla sa véritable destination. Contre toute
attente et son plus grand soulagement il déclara :
- Je garderais le silence sauf si je contraints par son altesse.
Belle esquissa un sourire de remerciement sincère.
Le Docteur Kulale accepta de la prendre immédiatement et c'est avec stupeur
et surprise mêlées qu'elle lui confirma qu'elle était bien enceinte. Seulement
très vite, la femme aux yeux noisette lui décrocha un regard méfiant.
- C'est exactement ce genre de regard que je redoute de voir dans les yeux de
mon mari, dit-elle en étouffant un hoquet : Me voici condamnée à supporter
son pénible passé et je n'ai pas la force de me battre si je suis accusée
d'adultère.
Le Docteur Kulale écarquilla les yeux puis lui décrocha un regard plus
amène.
- J'ignore si je peux me permettre d'avoir confiance en vous, car son altesse
ne surmontera pas une autre tromperie alors j'espère que vous avez assez de
preuve à votre avantage pour lui prouver qu'il est bien le père.
La froideur de cette dernière la laissa sans voix.
- J'aime le sultan ! C'est son enfant ! Clama-t-elle à voix haute : Je ne suis pas
Zafina et je n'ai pas à payer le prix de sa traîtrise.
- Allez dire ça au peuple qui s'est soulevé de rage le jour où ils ont découvert
la supercherie de Zafina, répliqua-t-elle en se levant : depuis ce jour, nous
avons été interdis d'envisager ce scénario, c'est le sultan lui-même qui en a
donné l'ordre. J'ai connu la mère de Jafar, elle désespérait tout comme les
précédentes épouses Al-Zyhar alors permettez-moi d'avoir des doutes
mademoiselle.
Choquée par les doutes portés à son encontre Belle cilla.
- Vous êtes mariée à lui depuis trois semaines et la conception de ce bébé
remonte à plus tôt, alors je vous conseille vivement de bien réfléchir avec
d'envisager de lui annoncer car je doute qu'il prenne cette nouvelle comme
une grâce de dieu.
Elle jeta ses gants dans la poubelle en la toisant de la tête aux pieds.
- Je pensais qu'en venant vous voir je serais soutenue et orientée mais
visiblement je me suis trompée, vous êtes tous persuadé d'une chose qui n'est
pas réelle et en faisant cela vous confortez Jafar dans l'idée qu'il ne pourra
jamais être père.
- Vous n'étiez pas là il y a des années mademoiselle Moor, dit-elle froidement
: Vous n'avez aucune idée du nombre de petites écervelées qui sont passé
dans mon cabinet prétextant être enceinte de lui ou qui désespérait de l'être et
ça bien avant Zafina. Deux de ces maîtresses ont tenté à maintes reprises de
tomber enceintes de lui sans succès jusqu'à faire des crises de colère. Son
altesse n'était pas dupe et le savait ce qui a évidemment augmenté ses craintes
et Zafina est venue lancer la dernière goutte d'eau qu'il fallait pour prendre
conscience des réalités.
Retenant avec peine ses larmes, Belle se leva, les jambes affaiblies, ayant
l'impression d'être une femme coupable d'un crime qu'elle n'avait pas
commis.
- Moi je pense que toutes ses femmes ont été punis pour leur avidité, leur
désir de le piéger et je ne suis pas ce genre de femmes.
Le dr Kulale haussa des épaules sans se départir de sa froideur.
- Vous pouvez toujours vous bercer d'illusion ou le bercer lui, mais nous
savons toutes les deux que la vérité est celle que je viens de vous donner. Si
vous tenez vraiment à rester la sultane de Rhayad, je vous conseille
d'envisager un avortement qui réglera de nombreux problèmes à venir.
Si jusqu'ici Belle s'était sentie blessée cette fois-ci elle eut la sensation qu'elle
était en train de la menacer.
- Allez en enfer, articula-t-elle les larmes aux yeux avant de quitter son
cabinet le cœur brisé.
Chapitre 39
Belle était rentré à temps pour le diner. Le choc et l'horreur qu'elle portait sur
ses traits avaient du mal à s'estomper. À son retour elle s'était réfugiée dans la
salle de bains pour faire éclater son chagrin. Pour la première fois depuis le
décès de son père Belle ne se sentait plus en sécurité. Les horribles
accusations tenues à son encontre la faisaient douter. Perdue, elle s'imaginait
déjà le pire des scénarios. Et si la presse se retournait contre elle ? Et si le
pays entier se retournait contre elle ?
Pour aggraver son malheur, Belle avait eu la brillante idée de fouiller dans les
anciens articles de presse concernant Zafina. Si l'horreur l'avait déjà dévasté
cette fois-ci c'était une profonde peur qui l'avait foudroyé.
La presse ne l'avait pas épargnée et Jafar avait bien donné l'ordre que plus
personne envisage de lui un enfant. Plus précisément Belle était écartelée
entre les convictions de son mari et les doutes du pays.
Après des heures à peser le pour et le contre Belle envisageait d'abord de
questionner Jafar pour connaître ses pensées mais craignait de se heurter
contre un mur. D'autres lui aurait sans doute conseiller de lui dire qu'elle est
enceinte mais Belle savait que la situation était beaucoup plus compliquée
qu'elle laissait paraître.
En effet, selon les traditions, leur amour mutuel aurait dû être consumé le soir
de leur mariage et non avant. Ayant l'entière conviction qu'elle ne pourrait
jamais tombé enceinte Jafar avait enfreint cette tradition sans se soucier des
conséquences. Après avoir compté les semaines qui séparaient leur étreinte
interdite et leur mariage, Belle réalisa qu'il y avait un gouffre magistral entre
les deux dates.
Elle était enceinte de plus de huit semaines et rien ne correspondrait aux yeux
du public.
Tiraillée, Belle agrippa la poignée de porte qui la séparait de Jafar et se sentit
prête à le tester pour connaître les profondeurs de ses pensées.
Lorsqu'elle ouvrit la porte son cœur cessa de battre. Il se tenait debout devant
la fenêtre, observant le paysage indigo. Pour signaler sa présence elle referma
la porte suffisamment fort pour qu'il se retourne et que son profond regard
orageux perce le sien.
- Où étais-tu ? Salomé m'a rapporté que tu étais encore enfermé dans la salle
de bains.
Sa voix paraissait douce mais inquiète.
Belle ouvrit la bouche et fut sur le point de lui crier qu'elle portait son enfant
me se ravisa...
- Je prenais un bain qui s'est éternisé, je suis désolée.
- Viens là, murmura-t-il en lui tirant la chaise.
Les jambes tremblantes elle s'avança jusqu'à la chaise et retint presque son
souffle quand il déposa un baiser sur sa tempe.
- Je suis à mon tour désolé de t'avoir négligée aujourd'hui, déclara-t-il en
prenant place à l'autre extrémité de la table.
La distance qui les séparait était si grande qu'encore une fois elle avait
l'impression d'être dans une insécurité croissante.
- Ça ne fait rien, murmura-t-elle en esquissant un sourire forcé.
- Si au contraire, répliqua-t-il fermement, j'ai fait voue de ne pas le faire et j'ai
brisé ce vœu mais c'était pour une bonne raison habibti crois-moi sur parole.
Il ne lâchait plus son regard si bien qu'elle dut baisser les yeux pour tenter de
réorganiser son esprit.
- Tu devrais manger à présent, lui conseilla-t-il d'une voix tourmentée.
Est-ce le moment de le marteler de questions ?
Belle décelait en lui une grande colère qui se traduisait grâce à la lueur noire
qu'il avait dans les yeux.
- Tu m'as l'air tourmenté, dis-moi ce qu'il se passe Belle.
- Je me pose des tas de questions en ce moment mais je ne suis pas certaine
que tu sois disposé à me répondre.
Il fronça des sourcils silencieusement.
- Tu te trompes, je suis disposé Belle, c'est comme ça qu'un couple
fonctionne.
Belle inspira profondément.
- Je me demandais si tu allais désigner l'enfant de...
- C'est absolument hors de questions, la coupa-t-il d'une voix tranchante.
Belle frissonna alors qu'il faisait crisper sa fourchette dans l'assiette.
- Pourtant Salomé m'a dit que tu n'as pas le choix.
- Salomé s'est trompée, le pays se passera d'un héritier, répondit-il d'une voix
rêche ; il est hors de question que le nom de cette famille se mélange à la
mienne.
En dépit de la rage qui consumait les traits de l'homme Belle se mordit
l'intérieur de la joue mais décida de poursuivre.
- Il y a peut-être d'autres moyens Jafar.
- Ah oui ? Lesquels ? S'enquit-il d'une voix qui laissait entendre qu'il savait
déjà ce qu'elle allait dire.
Tendue, elle se mit à jouer avec sa fourchette.
- Si je tombe enceinte par-exemple...
S'ensuivit un bruit aiguë car il lâcha ses couverts pour croiser ses mains
contre sa bouche.
- Belle nous avons déjà eu cette conversation et je t'ai fait promettre de ne
plus jamais en parler, tu sais à quel point ça me fait souffrir.
Sa voix était tendue mais d'un calme inquiétant.
Jafar s'était surpris à espérer mais les récents événements lui avait fait perdre
les dernières étincelles d'espoir qu'il avait gardé secrètement. Il observa Belle
avec intérêt puis compris qu'un problème de taille allait se dresser contre lui.
- Je disais juste que...
- Tu regrettes n'est-ce pas ? La coupa-t-il en sentant un horrible goût amer lui
monter à la gorge.
- Je te demande pardon ? Demanda-t-elle d'une voix blanche.
- Tu as des doutes ? Tu réalises que je ne pourrais pas t'apporter ce dont tu as
besoin ?
- Tu dis n'importe quoi ! Jamais je n'ai songé à ça Jafar.
Jafar voulait la croire mais ses récentes questions le plongeaient dans le
doute.
- Tu as le droit de me le dire Belle, insista Jafar sur un ton qui se voulait
calme ; Je ne t'en voudrais pas si tu réalises que tu désires farouchement
l'opposé de ce que je peux t'apporter.
Elle ouvrit la bouche mais ne lui laissa pas le temps de lui répondre.
- Je refuse de te perdre et sache que je ferais tout ce qui est dans mon pouvoir
pour te rendre heureuse.
- Je suis heureuse ! S'écria la jeune femme excédée ; J'essaye seulement de
t'expliquer quelque chose que tu refuses d'entendre !
- J'ai entendu Belle, seulement je t'ai déjà dit que je ne voulais plus entendre
parler de ça ! Gronda Jafar avant de le regretter amèrement face aux pâleurs
de sa femme.
Jafar se sentait coupable et désolé cependant l'affreuse douleur qu'il tentait
d'étouffer depuis dans années le rendait fou de rage.
- Tu n'as aucune idée de ce que je ressens Belle, chaque fois que les journaux
en parlent, chaque fois qu'on ose seulement le penser ça me rend malade !
Reprit-il rictus amer aux lèvres.
- Mais pourtant tu as dit qu'un couple fonctionnait s'il apprenait à s'écouter et
chaque fois que je tente de te parler tu me réduis à ces personnes qui te
rendent malade, murmura-t-elle d'une voix tremblante de tristesse et de colère
mêlées.
Jafar sentit de la culpabilité l'envahir. Il était en train de blesser la seule
personne qui comptait à ses yeux. Il avait l'impression de perdre le contrôle,
qu'elle était en train de lui échapper et une peur rationnelle trancha la
discussion avant qu'il ne la perde définitivement.
- J'en ai assez, je ne veux plus en parler, tout ce qui compte c'est toi, toi et
encore toi tu m'as compris ?
Belle tenta d'apaiser les tremblements infligés à son corps alors que des
larmes lui brûlaient les yeux. Aveuglé par la colère il n'avait pas pris la peine
de l'écouter ni même tenté de comprendre les indices qu'elle avait disséminé
dans cette houleuse conversation. Il était buté, blessé et il semblait
définitivement torturé par cette histoire si bien qu'elle avait l'impression de se
battre contre un rempart bien plus solide que celui qui entourait son cœur et
qu'elle avait pu atteindre non sans difficultés.
- Je suis désolé de m'être emporté, finit-il par dire le visage crispé par un
franc regret qui lui serra le cœur.
- J'ai probablement été trop loin, dit-elle d'une voix à peine plus haute qu'un
murmure.
- Non, c'est moi mon humeur a entaché cette conversation, insista-t-il en se
passant une main sur son visage ; Une affaire me préoccupe et il me faut la
résoudre au plus vite.
Il se leva pour franchir l'espace qui les séparait.
- Je dois partir pour Milan pour régler cette histoire, annonça-t-il en se
penchant, une main appuyée sur la table et l'autre sur l'accoudoir de la chaise.
- Quand ? S'enquit Belle le cœur battant.
- Dès ce soir, plus tôt j'y serai plus tôt je serai de retour pour reprendre cette
conversation dans une ambiance plus calme.
- Tu viens de dire que tu ne voulais plus en parler.
Il soupira lentement puis posa sa main sur sa joue.
- Nous avons besoin d'achever cette discussion pour aller de l'avant.
Il posa un baiser sur ses lèvres et Belle ferma les yeux pour le savourer
comme s'il s'agissait du dernier.
- Je serais de retour au plus tard demain soir et je te promets que je ferais tout
mon possible pour tenir ma promesse.
Il se redressa et quitta le grand salon d'un pas déterminé. Seulement, en son
for intérieur Belle savait que ça ne suffirait pas pour qu'il l'entende. Même
s'ils reprenaient cette conversation celle-ci mènerait à un échec et peut-être
même à un refus de la croire tant il était épris de cette vive sentence qu'il
s'infligeait à lui-même.
Alors qu'une larme solitaire roulait sur sa joue, Belle comprit qu'il y avait
qu'un seul moyen pour qu'il daigne enfin l'entendre...
Chapitre 40
La pièce était obscure, insalubre, et l'odeur de rouille d'une cruauté
insupportable. Jafar referma son poing ensanglanté alors que l'éclairage des
sirènes l'empêchaient de distinguer les trois jeunes femmes qui dans une
couverture de survie, sanglotaient de soulagement. Cette image le frappa en
réalisant que Belle aurait pu en faire partie. Il rejeta sa tête en arrière, les
yeux fermés et remercia le ciel de l'avoir mise sur son chemin.
- Monsieur Al-Zyhar ? Vous m'entendez ?
Quittant difficilement sa torpeur Jafar détourna les yeux sur l'inspecteur
italien qui l'air embarrassé lui adressa un regard presque désolé.
- Comment avez-vous fait pour retrouver ces jeunes femmes ? Avez-vous un
lien avec l'une d'entre elles ?
Jafar dévia son regard vers le brancard sur lequel reposait Alex Frost défiguré
par ses soins. Il se souviendrait à jamais du regard qu'il lui avait lancé quand
il s'était présenté à lui comme le fameux client mystère. Voulant prendre la
fuite Jafar avait pris un malin plaisir à le laisser s'enfoncer dans l'entrepôt
pour mieux savourer l'instant lorsqu'il s'était engouffré dans son piège.
De là, Jafar avait fait jaillir sa rage sans pitié jusqu'à ce que le sourire de
Belle vienne s'interposer entre l'abattement de ses poings et les gémissements
de douleur d'Alex Frost.
Si ça n'avait tenu qu'à lui, Jafar l'aurait achevé sans la moindre once de pitié
mais il ne voulait pas qu'elle décèle en lui ce qu'il cherchait vainement à lui
cacher.
- Je connais cet homme, et si je suis parvenu à lui c'est parce qu'il cherchait à
vendre ma femme, déclara Jafar d'une voix sombre.
L'inspecteur se massa nerveusement la nuque.
- Mes hommes ont fait des recherches sur lui et elles se sont avérés d'une
grande utilité comme vous pouvez le constater. Le site internet est basé en
Amérique et son petit trafique est ici, je devais juste obtenir un rendez-vous
en me faisant passer pour un client.
- Monsieur Al-Zyhar c'est une situation qui me laisse sans voix, j'ignore
comment vous dire à quel point le pays est navré.
- Dites à votre premier ministre que l'affaire ne sera pas ébruitée dans mon
pays du moins je ne veux pas que ma femme subisse les conséquences de
cette sordide affaire. Je veux la préserver.
L'inspecteur plissa son front, l'air anxieux
- C'est justement là où je voulais en venir monsieur Al-Zyhar, il est
malheureusement trop tard, les journalistes se sont déjà emparés de l'affaire.
Jafar vit rouge.
- Comment est-ce possible ? S'enquit-il dents serrées.
- Les journalistes sont campés dehors depuis dix minutes et votre présence ici
leur indique clairement que...
- Est-ce que l'affaire a déjà traversée les mers jusqu'en Amérique ? Le coupa-
t-il d'un sifflement.
Pâle, l'Italien acquiesça maladroitement.
Tout ce qu'il redoutait était en train de se produire. L'affaire faisait déjà la une
des télévisions étrangères et ne tarderait pas à fouler celles de son pays.
- Carole Ford a été arrêté à la frontière, lança-t-il subitement comme s'il
voulait changer de sujet.
Hélas il était trop tard, Jafar s'élança vers l'extérieur mais s'arrêta à hauteur du
brancard, savourant l'immensité de la douleur qui traversait le visage tuméfié
d'Alex Frost.
Il se pencha lentement vers lui, alors que ses yeux s'écarquillaient d'horreur.
- Je te conseille d'implorer les autorités d'alourdir ta peine car lorsque tu
sortiras, je le saurais et je n'hésiterais pas à finir ce que j'ai commencé,
chuchota-t-il d'une voix sombre avant de lui donner une tape faussement
amicale sur son bras fracturé, lui arrachant un cri de douleur.
Jafar quitta les lieux avec ses deux gardes et constata avec colère qu'il y avait
bel et bien une horde de journalistes qui s'empressèrent de lui poser des
questions. Il les ignora délibérément et s'engouffra dans la voiture. Sa priorité
était de retrouver Belle au plus vite afin de lui expliquer ce qu'il venait de se
passer avant qu'elle le découvre dans la presse.
Depuis son départ, il ressentait un immense vide emplir son cœur. C'était
encore une preuve évidente qu'il ne pourrait pas vivre sans elle.
Il regrettait amèrement d'avoir été si dur avec elle et cette journée passée loin
d'elle l'avait fait réfléchir, suffisamment pour être prêt à faire des choix.
Alors qu'il survolait la méditerranée Jafar tenta de l'appeler à plusieurs
reprises sans succès. D'ordinaire il aurait tout simplement attendu d'être au
palais mais le simple fait de tomber sur sa messagerie le poussa à contacter
Rachid.
- Votre altesse ! S'exclama ce dernier d'une voix blanche.
- Je suis sur le retour mon ami, il va falloir tenir la presse loin du palais,
annonça-t-il en se passant une main sur le visage ; Comment va Belle ?
- Elle est partie votre altesse, nous ignorons où elle se trouve.
Jafar se figea, les oreilles bourdonnantes alors que tout devenait sombre
autour de lui.
Partie ?
Impossible !
- Comment a-t-elle pu quitter le palais ! Rugit-il en se levant d'un bond.
- Elle a prétexté vous rejoindre à Milan, les deux gardes chargés de sa
sécurité l'ont crû et...
- Quel vol a-t-elle pris ? S'enquit-il alors que son cœur battait contre ses
tempes.
- New-York, c'est tout ce que nous savons, son téléphone est coupé il n'y a
aucun moyen de la localiser.
- Est-ce que tu l'as vu avant son départ ?
- Non, mais Salomé m'a dit qu'elle avait l'air tourmenté et triste, répondit
Rachid d'une voix inquiète ; Votre altesse dois-je alerter les autorités
Américaines ?
Jafar avait l'impression qu'une lame tranchante s'enfonçait peu à peu dans sa
gorge serrée. Il ordonna au pilote de détourner le jet dans la direction opposée
en espérant être arrivé avant qu'il ne soit trop tard.
- Non, je vais la retrouver, articula Jafar en raccrochant la respiration
erratique.
Son départ avait-il un rapport avec leur dispute ?
Une pénible douleur lui comprima la poitrine alors qu'il tenta de la rappeler
en vain...
L'avait-il perdu à cause de son passé qui le rongeait ?
Avait-il perdu la seule femme qui avait su faire battre son cœur ?
Il serra son poing ensanglanté alors qu'une myriade de questions passait dans
son esprit.
Il rassembla ses esprits et contacta tous ceux qui pouvaient l'aider à la
retrouver.
Personne ne l'avait vu ce qui accentuait la peur qui s'emparait de lui peu à peu
jusqu'à ce qu'il se souvienne...
- Je sais où elle est...murmura-t-il avec l'espoir qu'il parvienne à la rejoindre à
temps.
~
Le choc des températures bien différentes de la chaleur étouffante du désert
sauvage obligea Belle à se vêtir d'un long pull en laine alors que ses doigts
étaient gelés. Son père disait toujours qu'un acte idiot était une preuve de
courage. Si jusqu'ici elle se sentait courageuse elle ne put s'empêcher de se
demander si ce n'est pas la peur qui l'avait poussée à prendre la fuite.
Oui, la peur d'être incomprise, d'être considérée comme une menteuse aux
yeux du pays et surtout...que l'homme qu'elle aimait par-dessus tout la pense
capable d'une telle trahison. Toutes ces raisons l'avaient poussée à partir sans
savoir si son départ aurait des conséquences. Tout ce qu'il lui importait c'était
la sécurité de son enfant.
Confrontée au silence elle fut très vite assaillie par des images de Jafar et se
mit à redouter sa réaction. Consciente du risque qu'elle avait pris en le
quittant sans explication elle sentit son ventre se nouer. Et s'il ne daignait pas
la retrouver ? Et s'il prenait sa fuite comme une façon de lui dire que sa vie à
ses côtés ne lui conviendrait jamais ?
Le cœur battant à tout rompre elle vacilla et se retint de justesse aux rebords
de la table.
Soudain des coups déterminés firent vibrer la faible porte en bois.
Instinctivement elle jeta un regard sur ses bagages pour vérifier qu'elle n'avait
rien oublié dans le taxi.
Elle n'eut pas le temps de réfléchir que la porte s'ouvrit brutalement alors
qu'un tourbillon de neige s'engouffrait dans le chalet laissant apparaître un
homme paré de sombre vêtement, robuste, la dominant comme au premier
jour de leur rencontre.
Belle leva son regard, ayant l'intime conviction d'avoir une hallucination car
il était techniquement impossible qu'il se trouve ici aussi vite et à quinze
minutes d'intervalles après son arrivée.
Pourtant, de son regard pénétrant et sombre il planta l'encre de ses yeux dans
les siens et déclara :
- Si tu étais si nostalgique de revenir sur le lieu de notre rencontre il suffisait
de le dire chérie, je t'aurais volontiers accompagné...
Chapitre 41
Belle était tellement sous le choc qu'elle resta figer comme une statue de cire.
Son époux ne lâchait pas son regard alors qu'une étincelle de colère brillait
dans ses yeux. Après un temps suspendu hors du temps Belle reprit ses
esprits et déglutit péniblement pour l'affronter.
- Co... comment as-tu fait pour me trouver aussi vite ?
- Facile, commença-t-il d'une de gorge qui ne faisait aucun doute sur la colère
qu'il ressentait : j'ai contacté les deux seules personnes qui auraient pu t'aider
à savoir ton ancien patron et ton ami. Aucun des deux ont eu des nouvelles de
toi alors j'ai contacté les propriétaires du chalet qui m'ont confirmé qu'une
jeune femme sous le nom Al-Zyhar avait réservé le chalet pour quelques
jours.
Belle battit des cils énergiquement.
- Vas-tu me dire quelle folie s'est emparée de toi ! Gronda-t-il le regard
sévère ; J'étais fou d'inquiétude ! Il aurait pu t'arriver n'importe quoi !
- Je suis assez grande pour me garder toute seule Jafar, je savais exactement
ce que je faisais, répliqua Belle sèchement.
Le début des hostilités était lancé, songea-t-elle le cœur battant à la chamade.
- Tu es l'épouse d'un sultan ce que tu sembles avoir oublié !
- Je n'ai pas oublié et...
- Cela a-t-il un rapport avec notre dispute ? Coupa-t-il nerveusement, alors
que les veines de son cou palpitaient sous l'effet de la colère.
- Tu penses que je suis partie pour notre dispute ? Je ne suis pas une enfant
Jafar, je suis capable de gérer une dispute sans prévoir un caprice par la suite
pour obtenir ce que je veux.
Ses mâchoires tressautèrent alors qu'il la dévisageait les traits tendus.
- Alors c'est bien plus profond que ça j'avais raison, dit-il rictus amer.
- Oui ça l'est mais ce n'est pas pour les raisons que tu as évoqué Jafar,
répondit Belle avec colère tandis qu'elle se retournait pour rejoindre le foyer
principal.
Ses pas lourds se rapprochèrent et il saisit son bras pour qu'elle le regarde.
- Si ce n'est pas les raisons que j'ai évoqué hier soir alors qu'est-ce c'est ? Ta
vie avec moi ne te satisfait pas ? Tu veux plus de liberté ? Je...
- Oh bon sang ! S'écria Belle en cherchant à se dégager de son emprise ;
Comment oses-tu croire que j'ai pu remettre en question ma vie avec toi !
Le sang chauffé à blanc Jafar relâcha son bras et la laissa s'éloigner. Il tenta
de réprimer la folie qui imprégnait tous ses sens. Il était si fou d'elle qu'il était
en train de perdre la raison.
- Je suis partie parce que je me suis soudainement sentie dans l'insécurité et
dans la peur, reprit-elle en se glissant derrière le canapé comme si elle le
craignait.
- Tu as peur de moi ? Demanda-t-il d'un souffle.
Les yeux baissés elle acquiesça presque à mi-voix.
- Belle...
- J'ai peur de toi et j'ai aussi peur de devoir livrer une bataille contre ton pays
perdue d'avance.
- Pourquoi devrais-tu te battre contre mon pays Belle ? S'enquit Jafar avec
impatience et incrédulité.
- Parce que je suis enceinte, déclara-t-elle en relevant la tête, les yeux
brillants.
Belle réprima un hoquet alors qu'elle observait sa réaction. Elle était loin de
s'attendre à ce qu'il écarquille les yeux et qu'il exhale un souffle.
Armée de courage elle essuya sa joue et poursuivit tête baissée.
- J'avais du retard sur mes règles alors...j'ai fait deux tests de grossesse le jour
où tu m'as trouvé enfermée dans la salle de bains. Ils se sont avérés positifs.
Elle releva les yeux, inquiète par la liberté de parole qu'il lui laissait sans
l'interrompre. Elle réprima un frisson car il la couvait d'un regard troublant.
- J'étais perdue et j'ignorais quoi faire alors je suis partie à la clinique,
poursuivit-elle en reniflant ; Je pensais y trouver un soutien mais je me suis
trompée.
Belle lâcha un rire triste mêlé à de l'amertume.
- Le docteur Kulale s'est empressé de m'accuser d'être une menteuse et d'avoir
presque tout organisé pour te piéger, c'est à peine si elle ne voulait pas mettre
un terme à cet enfant sur-le-champ.
La réaction du sultan ne se fit pas attendre. Il s'élança dans sa direction,
mâchoires serrées puis s'arrêta brutalement.
- Pourquoi tu ne me l'as pas dit Belle ? Demanda-t-il d'une voix troublée.
- J'ai tenté de te le dire hier soir ! S'exclama Belle avec colère et tristesse ; J'ai
essayé de te faire passé un message mais tu as refusé d'écouter Jafar.
Il se passa une main derrière la nuque visiblement conscient qu'il avait fauté.
Terrassée par un sentiment d'abandon alors qu'il se trouvait à quelques mètres
Belle grimaça.
- Et même si je te l'avais dit, m'aurais-tu crû Jafar ? Alors que tu es prisonnier
d'un passé que je refuse de combattre.
- Évidemment que je t'aurais crû Belle ! Gronda-t-il avec force.
Il marqua une pause pour prendre une grande inspiration. Immobile, Belle
sentit son corps se raidir dans l'attente.
- Zafina s'est tiré une balle dans le pied sans aide de ma part. L'adultère était
facile à prouver puisqu'elle n'a pas cessé de faire des voyages à l'étranger.
Jafar dévisagea avec douleur la jeune femme derrière le canapé comme si elle
voulait se protéger de lui. Des émotions indéfinissables se percutaient les
unes contre les autres. Une vague de culpabilité le submergea car il était le
seul coupable et ne pouvait pas blâmer Belle d'avoir pris la fuite. Aveuglé par
cette détermination dérisoire il n'avait pas essayé de comprendre ce qu'elle
avait tenté de lui dire la veille. Pourtant il se souvenait de ses yeux brillants et
de ses lèvres tremblantes de chagrin. Il baissa un instant son regard sur son
ventre tout en réalisant peu à peu qu'elle portait un miracle.
Son miracle.
Consumé par le remord Jafar reprit en espérant pouvoir rattraper son erreur et
la prendre enfin dans ses bras.
- Comment as-tu pu croire une seule seconde que je ne te croirais pas ?
- Parce que tu ne voulais plus que nous en parlions Jafar, et à chaque fois tu...
- Comment as-tu pu croire que je ne te croirais pas ? Répéta Jafar en faisant
un pas vers elle : À l'instant précis où je suis venu te chercher à New-York je
ne t'ai pas quitté une seule seconde. Chaque jour de chaque nuit nous étions
ensemble, tu m'as offert ta virginité comme une preuve irréfutable de ton
amour alors que moi, je jouais l'amnésique car je refusais du moins je ne
voulais pas y croire.
Belle sentit son cœur fondre sous les douces paroles de son mari.
- Je sais, avec ferveur et détermination que tu es celle que je veux et que j'ai
toujours voulu. Jamais il m'est venu à l'esprit que tu puisses me tromper,
ajouta-t-il en faisant de nouveau un pas vers elle.
- Mais les autres pourraient le penser Jafar, les dates ne correspondent pas et
tu as brisé la tradition.
Il arbora un triste sourire.
- Mon peuple a foi en moi, alors s'il a foi en moi il aura confiance en toi et je
n'ai pas besoin de leur prouver quoi que ce soit habibti car ils savent qui je
suis et toi...
Il marqua une pause pour briser le dernier espace qui les séparait.
- Toi, tu n'as rien à me prouver car je sais au plus profond de mon être que cet
enfant est le mien, je l'ai moi-même souhaité, articula Jafar d'une voix
profonde.
Il vit dans ses prunelles un voile transparent et ce dernier se transforma en
une traînée de larmes.
Était-ce des larmes de bonheur ? De soulagement ?
Saisi d'une impulsion il la prit dans ses bras, emprisonnant son corps
tremblant contre le sien. Jafar exhala un soupir de soulagement quand elle
s'accrocha à ses épaules.
- Pardonne-moi d'avoir été si stupide chérie, murmura-t-il en déposant un
baiser dans ses cheveux.
- Tu réalises que j'ai dû partir pour avoir enfin la conversation dont je rêvais ?
Demanda-t-elle d'une voix émue.
Jafar posa son index sur son menton afin qu'elle lève son regard bleu vers lui.
- À l'avenir promets-moi de me rappeler l'insoutenable douleur que j'ai
ressenti ce soir, dit-il d'une voix rauque.
- Je veux que tu oublies ton passé Jafar, je veux pouvoir avancer avec toi sans
craindre qu'il se dresse entre nous.
Jafar sentit une douleur comprimer son cœur.
- Tu es celle qui m'aide à l'oublier, chuchota-t-il avant de couvrir ses lèvres
d'un baiser chargé de promesses silencieuses.
Belle avait la gorge si nouée qu'elle accepta son baiser et le vœu éternel qu'il
constituait.
Il s'écarta légèrement puis posa ses mains sur ses hanches.
- Tu...es certaines ? Assurément certaine d'être enceinte ? Demanda-t-il
maladroitement.
- Oui, affirma-t-elle avec un rire joyeux.
Alors qu'elle ne s'y attendait pas, il se mit à genoux et fit pression sur ses
hanches pour qu'elle s'approche.
Il murmura en arabe avant de déposer un baiser sur son ventre. Belle glissa
ses doigts dans ses cheveux de jais alors que des larmes de bonheur couraient
sur ses joues...jusqu'à ce qu'elle découvre horrifiée les phalanges abîmées de
sa main droite.
- Jafar ? Que s'est-il passé ? Pourquoi ta main est-elle blessée ?
Il s'écarta légèrement les yeux fixés sur son ventre et elle sentit ses doigts se
crispés sur ses hanches.
- Je t'expliquerai tout en temps voulu habibti, répondit-il d'une voix
énigmatique.
Puis il releva la tête.
La mine sombre, les yeux menaçants il déclara ;
- Mais avant ça, je vais devoir régler deux ou trois choses qui ne méritent
aucun pardon...
Chapitre 42
- Tu es sûre que tout va bien ?
Belle ne put s'empêcher d'esquisser un sourire alors qu'elle avait le regard
fixé sur l'horizon sombre du désert. Ils n'avaient pas quitté le chalet dans
l'immédiat car Jafar avait lui aussi ressenti le besoin d'être à l'écart du monde
extérieur. Ils avaient donc passé une nuit allongée l'un contre l'autre près du
feu et pour rien au monde Belle ne l'oublierait. Mais à présent la réalité vint
la frapper. Ils devaient retourner au palais avant que les médias rapportent de
mauvaises informations. En effet son départ avait rapidement fait la une des
journaux et certains disaient même qu'elle avait quitté Jafar. Heureusement,
Rachid avait très vite publié un communiqué indiquant qu'elle était seulement
partie rejoindre Jafar.
Le cœur serré, elle avait dû se confronter à une autre réalité sanglante car
Jafar n'avait pas pu empêcher l'inévitable. En rallumant son téléphone
portable Belle avait découvert avec effroi les raisons qui avaient poussé son
époux à s'envoler pour Milan. N'ayant plus le choix que de lui dire la vérité, il
était depuis anxieux que cette effroyable révélation ait des conséquences sur
elle et sur le bébé.
Alors Belle s'efforçait de réprimer l'horrible douleur qui la consumait. Elle
n'arrivait toujours pas à croire que Carole ait pu vouloir la vendre comme une
vulgaire marchandise.
- Je suis juste un peu secouée, mais ça va aller, répondit-elle alors qu'il
l'attirait contre lui.
- J'aurais dû te protéger davantage.
- Tu ne peux pas me protéger de tout Jafar, murmura-t-elle en fermant les
yeux.
Le voyage l'avait fatigué, ses forces semblaient se dissoudre comme des
grains de sable.
- À l'avenir je te promets d'être à l'affût du moindre danger.
Belle ne put s'empêcher de sourire ce qui l'incita à baisser les yeux sur elle.
- Je suis sérieux Belle, ne me refais plus jamais ça, ne t'en va plus sans que
j'en sois informé.
Elle se redressa pour affronter son regard assombri par la nuit.
- Je suis désolé de t'avoir fait peur et je te promets de ne plus jamais
recommencer.
Satisfait Jafar plongea ses doigts dans ses cheveux pour l'attirer à lui. Il
l'embrassa avec douceur alors que la voiture chevauchait le désert obscur.
- Une fois arrivé, je veux que tu ailles te reposer, c'est impératif, tu es restée
trop longtemps éveillée.
Contre toute attente elle acquiesça en étouffant un bâillement.
- Mon médecin viendra demain pour t'examiner et je te trouverais la
meilleure gynécologue du pays.
Elle grimaça, la bouche pincée.
- Je n'ai pas envie d'être encore jugée Jafar, je préfère que ce soit ton docteur
qui se charge de ça. Il a été très magnanime avec moi.
- Je t'assure que Kulale sera punie pour avoir osé te traiter de la sorte, déclara
Jafar d'une voix menaçante.
- Laisse tomber je t'en prie, murmura-t-elle en fermant brièvement les yeux.
- Alors qu'elle a essayé de te convaincre de mettre un terme à notre enfant ?
S'enquit-il dont la voix ruisselait de colère.
Belle frissonna d'horreur et sut d'avance qu'il était inutile de le contrer.
- Tu ne penses tout de même pas que je vais la laisser s'en sortir comme ça ?
Insista-t-il d'une voix de plus en plus sombre ; Tu t'es présenté à elle pour un
examen, pas pour être jugée ou jetée sur le bûcher pour un crime que tu n'as
pas commis.
Il ouvrit sèchement la portière et fit le tour pour ouvrir la sienne. Il la souleva
dans ses bras musclés alors que Rachid les attendait à l'entrée.
- Vous n'imaginez pas à quel point je suis heureux de vous voir ! S'exclama
ce dernier alors qu'elle se cachait honteusement le visage contre le torse de
Jafar.
- J'ai retrouvé notre petite fugueuse, lança-t-il en passant les portes du palais :
À présent je l'emmène se reposer et j'aimerai que le médecin passe demain
matin.
Rachid s'inclina en guise de réponse.
- Tu n'as rien dit à personne ? S'enquit Belle une fois qu'il eut passé les portes
de la chambre.
- Pas encore non, je vais leur dire quand j'aurais l'ultime confirmation.
Il se pencha, les poings enfoncés dans le matelas.
- Tu as des doutes ? Demanda-t-elle en fronçant des sourcils.
- Aucun, affirma-t-il en glissant le revers de sa main sur sa joue ; Seulement
pour pouvoir le dire formellement il me faut la confirmation du docteur, une
confirmation que tu aurais dû obtenir de Kulale.
À cette évocation son visage se durcit.
Belle accueillit son baiser en fermant les yeux alors qu'il remontait les draps
sur elle.
- Repose-toi, je te rejoins plus tard.
Jafar la quitta et referma soigneusement la porte derrière lui. Déterminé à
découvrir ce qu'il s'était passé avec le docteur Kulale, Jafar rejoignit son
bureau là où l'attendait Rachid. Il demeura silencieux pendant une trentaine
de minutes jusqu'à ce que la porte s'ouvre sur cette dernière qui la mine
décomposée esquissa une révérence maladroite.
Très vite, Jafar reçut des flashs de sa femme malheureuse et presque isolée
parce que ni lui ni elle n'avaient su la protéger. Si lui avait compris de ses
erreurs il était impatient de connaître les raisons qui avaient poussé cette
gynécologue à se montrer si méprisante avec sa femme.
- Allons au but, commença-t-il sèchement : Avez-vous oui ou non dit à ma
femme d'envisager d'avorter ?
Rachid écarquilla les yeux en se tournant vers lui.
- Belle est enceinte ? Demanda-t-il dont la voix inspirait espoir et prudence.
- Oui elle l'est, répondit Jafar sans quitter la femme des yeux alors que ses
épaules s'affaissaient.
- Je dois reconnaître avoir eu des doutes concernant cette grossesse votre
altesse, admit-elle en relevant les yeux.
- Ah oui ? Et pour quelle raison ? Questionna-t-il impatient.
- Parce que j'ai supposé que les dates ne correspondaient pas.
Soudain, Jafar plissa des yeux car il décela en elle quelque chose de plus
profond qu'une simple supposition.
- Et si vous me disiez réellement la vérité madame Kulale, ma patience à des
limites et je vous déconseille de les franchir.
Derrière son teint bronzé il vit des pâleurs apparaître.
- Je suis la gynécologue d'Eloïse Ford et je...
- Comme c'est intéressant, chuchota-t-il en s'approchant dangereusement.
- Elle m'a offert une proposition que je n'ai pas pu refuser.
- Laissez-moi deviner, il est question d'argent ?
- Elle voulait que je mente au sujet de l'enfant si jamais il s'avérait être une
fille, admit-elle en évitant de le regarder ; Elle voulait absolument que tout le
monde sache qu'elle attend un garçon.
Jafar étouffa un rire sec.
- Elle n'espérait tout de même pas que j'allais m'empresser de le nommer
héritier de la couronne si ?
Pour toute réponse elle baissa les yeux.
Jafar était fou de rage et maudissait presque son cousin d'avoir été si stupide
pour avoir permis à cette femme d'être ici...chez lui, sur les terres qu'il
chérissait tant.
- Lorsque j'ai vu votre femme arriver avec la certitude d'être enceinte et
quand l'échographie l'a confirmé j'ai pris peur. J'avais peur de perdre la
somme d'argent qu'elle m'avait promis pour les études de mon fils.
Jafar sentit sa colère fléchir lentement car le visage de Belle s'interposa entre
la raison qui lui dictait de la punir et son cœur fraîchement naissant qui lui
soufflait de faire ce que Belle aurait fait.
Alors c'est silencieusement qu'il fit le tour de son bureau puis revint vers elle
pour lui tendre un chèque. Le docteur Kulale le prit d'une main tremblant
alors que la stupéfaction peignait son visage.
- Votre altesse je...
- Je fais ce que ma femme aurait fait, lâcha-t-il avec fermeté ; car je sais avec
certitude qu'elle m'aurait dit de le faire même si dans le fond vous ne le
méritez pas.
Les joues en feu elle se détourna honteuse et emprunta la direction de la porte
mais s'y arrêta.
- Votre altesse ? Puis-je me racheter en vous offrant une nouvelle qui apaisera
votre colère ?
Jafar fronça des sourcils mais l'invita à parler.
- Votre femme est enceinte depuis un peu plus de neuf semaines, lorsqu'elle
est venu me voir elle entamait son premier trimestre. Médicalement nous
appelons cela des semaines d'aménorrhées.
Jafar peinait à comprendre et une panique irrationnelle s'empara de lui.
- Je ne comprends pas où vous voulez en venir.
- Ce que je veux dire c'est qu'à cette période nous pouvons détecter si c'est
une grossesse gémellaire ou non.
Jafar retint son souffle alors qu'elle arborait un léger sourire en coin.
- Je suis presque sûre que c'est le cas pour votre femme votre altesse, termina-
t-elle avant de disparaître...
En état de choc Jafar avait l'impression qu'on venait de l'immobiliser si bien
qu'il n'était pas parvenu à l'arrêter. Rachid lui, le regardait avec stupéfaction
et joie mêlées. Son cœur se mit à tambouriner contre ses tempes et sa
respiration devint alors plus lourde.
- Il faut contacter le médecin dès ce soir votre altesse, s'alarma Rachid.
Jafar dut se ressaisir car Rachid avait raison. Si jamais le docteur Kulale
disait vrai alors ce n'était pas seulement une bonne nouvelle mais le
commencement d'une nouvelle vie, la fin de cette pénible douleur qui peu à
peu le quittait depuis qu'il savait que bientôt, il goutterait au bonheur d'être
père
Dans l'impatience la plus pénible il réveilla Belle qui venait juste de
s'assoupir.
- Je ne comprends pas pour quelle raison tu veux...
Jafar posa sa paume de main sur le ventre de sa femme et se mit à le caresser
machinalement.
- Le docteur Kulale m'a révélé quelque chose ce soir et j'ai besoin d'une
confirmation immédiate.
Alertée par le timbre évasif de son mari, Belle se redressa sur les coudes. Il
semblait ailleurs, si bien qu'elle se mit à agiter sa main devant ses yeux.
- Tu es avec moi ?
- Votre altesse ? Vous m'avez demandé ?
Déboussolée Belle tourna la tête en direction du docteur précédé par deux
hommes.
Quand Belle découvrit un appareil comme celui de la clinique, elle ouvrit de
grand yeux ronds.
- Est-ce que quelqu'un peut me dire ce qu'il se passe ?
Après un rapide échange entre les deux hommes il s'assit près d'elle et lui prit
la main.
- Le docteur va vérifier si tu attends des jumeaux.
- D… des quoi ? Bafouilla Belle en cillant.
- Elle a parlé de grossesse gémellaire.
- C'est impossible, dit-elle avec un rire nerveux ; Il est trop tôt pour le savoir
Jafar.
- Au contraire, intervint le médecin personnel de Jafar en passant la sonde sur
son ventre avec un sourire joyeux.
Belle rallongea sa tête sur l'oreiller, la bouche entrouverte.
- S'il s'agit d'une grossesse gémellaire nous allons rapidement le savoir,
ajouta-t-il en recouvrant son sérieux.
Retenant son souffle Belle plissa des yeux lorsque l'écran dévoila une image
brouillé mais suffisamment lisible pour y voir une forme noire.
- C'est le bébé ? Tu as vu ça ? Murmura-t-elle émue ; Comment j'ai pu rater
ça ? Comment est-ce possible que je ne l'ai pas su plus tôt, je n'ai aucun
symptôme.
- Le dénie sans doute, inconsciemment vous étiez dans le déni.
- Pas inconsciemment, intervint Jafar en crispant ses mâchoires ; C'est de me
faute.
Belle refusait de le voir s'accabler de nouveau.
- Le principal c'est que tout aille bien pour le bébé, murmura-t-elle en
plongeant son regard dans le sien.
- Je dirais les bébés, rectifia le médecin en laissant éclater un rire joyeux.
Grisée par un bonheur pur, Belle ne lâcha pas Jafar du regard qui lui, portait
sur ses traits une joie indéfinissable. Les larmes aux yeux, elle tâcha de
retenir chaque émotion qui le traversait. C'était comme si son passé quittait
son visage en des milliers de particules de sable fin pour laissaient enfin la
place à l'esquisse d'un futur radieux.
Pour la première fois ses yeux noirs furent traversé par une émotion lisible.
Lorsqu'il riva son regard au sien, elle en fut bouleversée.
- Mon amour, murmura-t-il en déposant un baiser sur sa paume de main.
Pour seule réponse à son bonheur, Belle esquissa un sourire au seul amour de
sa vie...
Épilogue
Lorsque la porte se referma avec une douceur légère Belle sut qu'il s'agissait
de son mari. Elle chassa l'effroyable inquiétude qui la submergeait depuis
qu'elle écoutait les informations du monde entier. En effet, depuis deux jours
les chaines de télévision ne cessaient de relayer les toutes dernières
informations concernant le retour du cheikh El-Hassan disparu depuis plus de
six ans dans les montagnes Dishzraha. Chaque fois qu'elle avait le malheur
d'écouter les nouvelles Belle s'imaginait sans Jafar. Elle avait peur de le
perdre, peur qu'il puisse lui arriver quelque chose.
- Belle, murmura-t-il en posant une main sur son épaule ; Tu devrais cesser
de regarder la télé, assez pour aujourd'hui.
Mécaniquement elle berça leur petit garçon alors qu'il venait de couper
l'écran qui à présent était noir.
- Je ne peux pas m'empêcher d'imaginer que ça pourrait être toi.
Très vite, il encadra son visage.
Depuis l'annonce de sa grossesse les liens qui les unissaient s'étaient resserrés
de manière indescriptible. Leur amour était si fort que chaque moment passé
loin l'un de l'autre était insupportable. Elle avait passé une grossesse
merveilleuse et sans danger grâce à la plus formidable équipe médicale. La
seule ombre au tableau fut Eloïse qui encore une fois n'avait pas manqué de
créer un véritable scandale en perdant l'enfant qu'elle avait tant convoité. Le
cousin de Jafar avait fini par mettre un terme au mariage et avait retrouvé les
joies d'être le célibataire endurci qu'il aimait tant.
Eloïse quant à elle, avait fui le pays pour être au côté de sa mère qui purgeait
une peine de prison au côté d'Alex Frost.
Pour Belle, tout ceci faisait partie du passé car l'avenir lui, se lisait dans les
yeux de l'homme qu'elle aimait par-dessus tout.
- Il ne m'arrivera rien habibti et tu sais pourquoi ?
Belle secoua doucement sa tête.
- Parce que tu es près de moi et tu me donnes chaque jour une raison pour me
battre.
Belle ferma les yeux et lui sourit. Rassurée elle inspira profondément.
- Il n'empêche que c'est affreux, est-ce que tu en sais plus ?
La mine fermée il soupira lentement.
- Je n'en sais pas plus, je sais seulement qu'il est sauvage et dangereux c'est
sûrement dû à la solitude. Je prendrais contact avec lui quand les choses se
seront apaisées. Ne t'inquiète pas.
Belle hocha de la tête puis baissa son regard sur Mehdi.
- Comment se porte Ahmed ? S'enquit-il en caressant doucement la joue de
Mehdi.
- Encore raté votre majesté, le taquina-t-elle en riant.
Il fronça des sourcils interloqué alors qu'il regardait tour à tour leurs deux fils
dont la ressemblance était parfaite pour le piéger.
- Je ne comprends pas j'étais pourtant sûr qu'il s'agissait d'Ahmed, dit-il en les
observant sur toute les coutures.
Belle déposa Mehdi dans le grand lit à côté de son frère jumeaux.
- C'est pourtant facile.
- Ah oui ? Alors je serais curieux de connaître ta méthode pour les
différencier.
Belle les observa avec un sourire en coin. Ils avaient les cheveux noirs de jais
et des yeux aussi bleus que les siens mais un seul détail l'aidait.
- Ahmed a une légère tâche de naissance près de l'oreille droite, elle est
presque identique à celle que tu as ici.
Belle glissa son doigt sur sa mâchoire ombragée mais qu'elle avait explorée
tant de fois...assez pour savoir que derrière cette barbe se cachait une tâche de
naissance à la forme d'une fine goutte de pluie.
- Quant à Mehdi, il a ton nez.
Jafar accueillit la réponse de sa femme avec une expression chaleureuse et
déposa un baiser sur son front délicat.
- Des années auparavant je n'aurais jamais songé à désirer ce moment, tu m'as
donné tout ce dont je rêvais.
- Je t'aime tout simplement, lui répondit-elle en posant une main sur son
torse.
- Je t'aime aussi...
Jafar posa son regard sur ses deux fils puis sur sa femme et sentit son cœur
s'affoler. Il avait toujours pensé que la force d'un homme se forgeait
seulement au creux d'une bataille quel que soit la forme qu'elle prenait.
Aujourd'hui il comprit qu'il s'était trompé car il avait au creux de ses bras
l'esquisse parfaite de sa plus belle bataille.

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