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Leduc Gaston. L'aide internationale au développement. In: Tiers-Monde, tome 4, n°13-14, 1963. pp. 237-260;
doi : https://doi.org/10.3406/tiers.1963.1328
https://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1963_num_4_13_1328
L'AIDE INTERNATIONALE
AU DÉVELOPPEMENT (I>
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I. — PRINCIPES GÉNÉRAUX
DE L'AIDE INTERNATIONALE AU DÉVELOPPEMENT
Que faut-il entendre par « aide internationale » d'une part, et, d'autre part,
par « aide au développement (ou à la croissance) » ? On peut penser, à première
vue, qu'il n'est pas très difficile d'apporter à ces deux questions une réponse
satisfaisante. Mais, à la réflexion, la réalité ne paraît pas aussi simple.
Et, sans doute, cette complexité des choses explique-t-elle pour partie les
oppositions d'opinions qui continuent à se manifester au sujet du bien-
fondé de cette aide.
Expliquons-nous donc succinctement sur chacun de ces trois points.
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onéreuses, telles que les ventes de produits au-dessous de leur prix « marchand »
ou les achats à des prix supérieurs aux « cours du marché » ou encore les prêts
d'argent à des taux d'intérêt nuls ou inférieurs « aux conditions normales ».
Il faut reconnaître que, dans bien des cas, des hésitations seront permises,
lorsqu'il s'agira de distinguer ce qui est « aide » de ce qui ne l'est pas. Mais
nous ne pensons pas qu'il soit utile d'en dire davantage à cette place.
Rappelons seulement que les experts de l'O.N.U. par exemple, ne considèrent comme
« aide » véritable que les dons et les prêts gouvernementaux à long terme,
assortis de taux d'intérêt « infra-normaux », et, en général, de larges différés
d'amortissement. On peut avoir des doutes pour certaines catégories
d'opérations comme celles de la B.I.R.D., par exemple, qui ne sont pas gratuites.
Mais les conditions dont elles sont assorties sont certainement plus
avantageuses que celles qu'imposerait le « marché international des capitaux à long
terme » et leurs confèrent, au moins dans cette mesure, la qualité d'une aide.
Et il faudrait naturellement se montrer encore plus affirmatif pour la récente
Association internationale pour le Développement, habilitée à consentir des
prêts risqués, à faibles taux d'intérêt comportant des délais d'amortissement
très prolongés, éventuellement remboursables dans la monnaie du pays
débiteur et même transformables en dons purs et simples. Il faudrait peut-être y
ajouter les diverses formes de crédits et d'assurances à l'exportation.
Pour nous résumer sur ce premier point, nous dirons que la délimitation
exacte du domaine de l'aide est souvent une pure question de convention et
que, s'il est relativement facile de qualifier l'aide « gratuite », il l'est moins
de distinguer, dans une opération avec contre partie, ce qui appartient au
domaine de l'aide de ce qui doit en être exclu (en sens inverse, le contraire de
P« aide » serait l'« exploitation »).
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la stratégie internationale. Il est patent que la valeur militaire d'un pays allié
est en partie fonction du bon état de son économie ! D'où l'obligation, pour
le leader de l'alliance, de soutenir économiquement ses alliés, indépendamment
même des dispositions purement militaires. C'est là ce que le vocabulaire
officiel en usage aux U.S.A. qualifie précisément de pratiques de defense support.
Il est possible aussi que les concours apportés aux pays attardés en vue de
faciliter leur développement économique aient pour fin dernière d'éviter les
désordres sociaux et internationaux que pourrait entraîner la prolongation
de leur état de pauvreté ou l'élargissement des écarts entre leurs niveaux de
vie et ceux des pays « riches », et, plus précisément, d'empêcher que le « tiers
monde » ne bascule tout à fait d'un côté ou de l'autre des deux camps auj ourd'hui
en présence dans ce qui n'est peut-être plus la « guerre froide », mais n'est
sans doute pas encore tout à fait la « coexistence pacifique ».
Mais il n'est pas dans notre intention d'insister sur tous ces points. Nous
devons ici considérer les fins économiques de « l'aide » et, plus spécialement,
celles qui ont rapport — direct ou indirect — au développement économique.
Il est possible que la recherche de ce but obéisse, chez ceux qui pratiquent
l'aide, à des mobiles intéressés. Mais il peut arriver que le développement des
pays attardés soit recherché pour lui-même, dans un sentiment de justice
et de solidarité entre les divers peuples de notre terre.
Il nous faut toutefois ajouter ici quelques précisions :
i° Nous posons en principe que le but assigné à l'aide est le «
développement ». On s'exprime parfois en termes de « croissance » (growth). La. place
nous fait défaut pour entrer ici dans une analyse terminologique. Nous
préciserons simplement que pour nous, le développement économique implique
la croissance, mais la dépasse. Il constitue un « phénomène social global »,
aux aspects multiples. Mais il n'existerait pas sans croissance économique, la
manifestation essentielle de cette croissance consistant dans l'augmentation
du produit national global réel, à un rythme et selon des modalités tels qu'il
en résulte une amélioration régulière du revenu national moyen par tête
d'habitant, même si l'accroissement démographique est très rapide. Sous ces
réserves, il nous arrivera donc de nous exprimer indistinctement en termes
d'aide « au développement » ou d'aide « à la croissance ».
2° Nous supposons que ce qui est recherché, ce n'est pas simplement le
déclenchement d'un processus régulier de développement (croissance).
Il s'agirait plutôt ici d'une aide au démarrage (ou dêcollage-take off), dans la
mesure où une notion de ce genre peut être admise en l'occurrence.
Mais l'aide dont nous nous préoccupons a des fins plus étendues : il
s'agit non seulement de déclencher la croissance dans des économies jusqu'alors
enfermées dans les « cercles vicieux » de la pauvreté stationnaire, mais, une
fois le processus engagé, de le soutenir, en faisant en sorte qu'il soit aussi
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Nous devons convenir que cette distinction est quelque peu formelle.
Les procédés non financiers de l'aide exercent nécessairement, d'une manière
ou d'une autre, des effets de nature monétaire et, en sens inverse, ce ne sont
pas les apports en liquidités d'une aide exprimée en monnaie qui importent
à celui qui les reçoit, mais bien l'usage qu'il peut en faire en transformant ces
faux financiers en flux réels. Nous la retiendrons néanmoins, pour la commodité
de notre exposé :
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z° Uaide commerciale.
L'association de ces deux mots peut paraître paradoxale. N'est-il pas
fréquent d'opposer l'aide au commerce, conformément à la formule bien connue :
Trade, not aid} On sait que cette formule, qui remonte au Plan Marshall,
a été reprise à propos de Г« aide au développement » et vise à représenter le
« commerce » (y compris les placements de capitaux privés) comme la seule
voie normale pour assurer aux pays le concours actif efficace et durable des pays
plus avancés qu'eux.
On retrouve ici l'une des argumentations favorables des auteurs de
tendance libérale : pourvu que la liberté des échanges soit aussi parfaite que
possible et dégagée de toute intervention « artificielle », les pays attardés
n'auraient aucune difficulté à se procurer les devises dont ils ont besoin
grâce aux apports de capitaux privés et surtout à la vente de leurs produits
(produits primaires ou même biens de transformation) à des prix « normaux »
sur des marchés fonctionnant « de façon régulière ». Le « commerce » est
donc présenté comme la manière la plus raisonnable de « venir » en « aide »
aux pays sous-développés.
Mais cette opposition entre Г« aide » et le « commerce » nous semble
quelque peu forcée. Il existe en effet bien des façons d'aménager les « relations
commerciales » entre pays avancés et pays attardés et ces aménagements peuvent
fort bien être agencés dans le but de « venir en aide » à certaines catégories des
partenaires à l'échange purement commercial. D'une manière générale, il
nous semble possible d'avancer que toute action systématique visant soit à
rendre les « termes de l'échange extérieur » plus favorables ou moins
défavorables aux pays attardés, soit à élargir leurs débouchés ou encore accroître leurs
facilités d'approvisionnement en biens utiles à la croissance, doit être cataloguée
parmi les formes « d'aide ». Rappelons ici les plus courantes de ces formes :
a) II s'agit en premier lieu de l'aménagement des conditions de vente par des
pays développés en ce qui concerne leurs « exportations commerciales « vers
les pays sous-développés. Il y a bien des façons pour un fournisseur de «
faciliter » la tâche d'un acquéreur moins riche que lui. Il peut réduire ses prix,
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accorder des facilités de crédit, assortir ses livraisons d'une aide technique,
participer à l'installation des biens d'équipement, etc. Cette politique peut aller
jusqu'à la distribution gratuite ou quasi gratuite de certaines marchandises,
cas sur lequel nous allons revenir au point с ci-après. Nous avons dit
précédemment ce qu'il convient de penser des « crédits à l'exportation », assortis
ou non de pratiques d'assurances et garantis ou non par des organismes
publics. Il nous semble qu'il entre une certaine part « d'aide » dans ces
pratiques qui portaient, pour l'année i960, selon les estimations de l'O.C.D.E.
et de l'O.N.U., sur un montant d'environ un demi-milliard de dollars. Mais
nous répétons qu'il serait exagéré de n'y voir qu'une pure et simple charité.
b) Une forme d'aide symétrique de la précédente, en quelque sorte,
consiste de la part des pays évolués à aménager les conditions ď achat des produits
en provenance des pays attardés. Mentionnons à cet égard les possibilités qu'offre
une fiscalité encore parfois très lourde sur la consommation de certains
produits tropicaux (café, cacao, bananes, etc.) dont la vente représente pour les
fournisseurs l'essentiel de leurs recettes en devises. On peut également
envisager d'adapter la politique tarifaire et contingentaire des pays acheteurs.
Ceci ne vise pas tellement les produits dits « primaires », dont l'importation
est en général exonérée de droits (mais il subsiste encore de notables
exceptions) que les articles transformés, pour lesquels certains pays en voie
d'industrialisation se présentent dès maintenant comme des concurrents possibles
jusque sur les marchés nationaux des pays évolués.
Il faut aller jusqu'à se demander s'il n'est pas conforme à une certaine
logique des relations entre pays attardés et pays avancés que ceux-ci consentent
à ouvrir leurs marchés aux importations de produits industriels de type
élémentaire (notamment les produits textiles, les articles de fabrication courante),
donc à transformer leurs propres structures de production, et ceci tout en
reconnaissant la légitimité pour les pays fournisseurs de protéger sur leurs
propres marchés nationaux les activités « naissantes » ou dont l'implantation
n'est pas encore suffisamment solide pour qu'on puisse les livrer sans
précautions aux atteintes de la concurrence internationale. Il y a là, à notre avis,
l'un des problèmes les plus difficiles que soulève déjà, dans le domaine
des relations internationales, l'industrialisation des pays sous-développés.
Dans le même ordre d'idées, nous devons citer tout ce que les pays
développés peuvent faire en vue de contribuer à la stabilisation^ voire à la
revalorisation des cours des produits dits « primaires » (ou « de base »). Nous
n'insisterons pas sur le problème, puisque l'examen approfondi en est repris d'autre
part. Mais il va de soi que nous l'évoquions ici. La participation des pays évolués
à une politique internationale de stabilisation des cours des produits de base
pourrait déjà présenter, à certains égards et sous certaines conditions, l'aspect
d'une « aide au développement ». Mais la chose nous paraît plus évidente
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s'il s'agit d'une politique de stabilisation des recettes d'exportation et, plus
encore, d'une action conduite en vue de ménager une progression continue
et régulière du volume de ces recettes, c'est-à-dire de produit des quantités
exportées par les prix unitaires. Signalons toutefois que cette action n'est pas
sans danger et qu'il n'est pas nécessairement prouvé qu'elle contribuera à une
croissance régulière, rapide et équilibrée.
c) II semble aussi que les pays avancés pourraient venir « en aide » aux
pays attardés en leur facilitant l'accès à des « ensembles » commerciaux^ voire
économiques, dans lesquels les handicaps résultant de l'étroitesse du marché
intérieur (du fait de la pauvreté) pourraient se trouver, au moins partiellement,
éliminés. Le jeu des complémentarités et des substitutions, combiné avec
l'action des « économies externes » dans un « marché commun » d'une certaine
dimension pourrait, peut-être, se traduire par l'implantation d'activités
nouvelles susceptibles de jouer le rôle de « pôles de croissance ». Toutefois il va
de soi que l'association au sein d'une même « communauté économique »
de pays situés à des niveaux différents de développement présente aussi le
risque d'un écrasement, dans certains domaines, des faibles par les forts.
L'opération doit donc être conduite avec précautions, si l'on ne veut pas qu'elle
aboutisse à des freinages, ou même à des blocages dont la seule issue possible
serait un déplacement massif de population vers les zones déjà les plus riches
de ces nouveaux ensembles. La question est donc complexe et le cadre limité
du présent rapport ne nous permet pas d'insister davantage. Disons
simplement, pour ne pas laisser subsister d'équivoques, que toute formation d'un
nouvel « ensemble » appelle nécessairement des adaptations, et que
l'aménagement des transitions nécessaires fournit aussi un domaine où une « aide »
rationnelle doit trouver à s'exercer.
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B) L'aide financière.
Cette distinction, au moins apparente, entre 1* « aide » et le « commerce »,
nous la retrouvons à propos des apports de fonds. Dans la mesure en effet
où les apports sont le fait de capitalistes privés, qui effectuent des placements
ou des investissements pour leur propre compte, il est difficile de parler d'une
« aide » véritable, au sens strict du terme. La contrepartie est évidente. L'apport
est effectué en vue d'un avantage direct = intérêt ou profit, sans parler, bien
entendu, du remboursement éventuel. Faut-il alors réserver le caractère
d'aide aux seuls « dons » véritables, en y ajoutant les « prêts de faveurs »,
c'est-à-dire ceux qui sont consentis à des conditions plus avantageuses que
celles qui seraient imposées par le « marché » international des capitaux ?
Auquel cas l'aide financière ne pourrait être le fait que des collectivités publiques,
à l'exception de certaines opérations auxquelles nous nous sommes déjà référés.
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Pour donner une idée approximative de l'ordre de grandeur des flux qui
sont en cause, nous préciserons simplement que, selon les indications du récent
rapport de l'O.C.D.E. concernant l'année i960, les « nouveaux prêts et
investissements nets » de capitaux privés étrangers dans les « pays sous-développés »
et en provenance des « pays industriels » ont atteint un montant de 2,4
milliards de dollars, montant qu'il convient de rapprocher de celui de 4 milliards
de dollars environ pour les apports de « fonds publics » (dons et prêts de
faveur) que nous analyserons dans un instant.
Pour ce qui concerne ces flux de capitaux privés, l'aide ne peut, à notre
avis, apparaître que sous la forme d'encouragements venant de la part des
pays d'origine eux-mêmes, et destinés à stimuler les placements dans les pays
attardés, en vue, précisément, d'y promouvoir ou d'y accélérer le
développement économique.
Ces encouragements peuvent être de divers ordres. Il peut d'abord s'agir
de mesures unilatérales, telles que des réductions ou remises d'impôts sur les
revenus des placements extérieurs ou les bénéfices des filiales d'entreprises
installées à l'étranger ou l'octroi de garanties contre certains des risques courus
par les investisseurs, risques de nature politique ou même monétaire, peut-
être même économique, si les pertes survenues sont le fait d'événements
indépendants de la qualité de la gestion des investissements en cause. Il existe à
ce sujet une législation intéressante dans des pays comme les États-Unis et
l'Allemagne.
L'octroi de ces garanties peut aussi faire l'objet d'accords bi- ou
multilatéraux concernant, par exemple, la suppression des doubles impositions, la
mise en œuvre d'un système de responsabilité solidaire, l'organisation d'un
réseau d'informations sur les possibilités offertes aux investisseurs, etc.
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On nous excusera d'être une fois de plus fort succinct sur tous ces points
et de suggérer des lignes de recherche plutôt que d'apporter des réponses
détaillées et pertinentes.
En principe l'aide est une charge pour celui qui la fournit; elle implique
un sacrifice. Mais la détermination exacte de cette charge n'est pas
chose aussi facile qu'il y paraît à première vue. Il convient d'abord de
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pas plus simple d'unifier toutes ces actions à l'échelon le plus élevé et d'établir,
par exemple au niveau de l'O.N.U., une sorte d'organisme de coordination
et de direction générale de l'aide. On rejoint ainsi des propositions telles que
celles formulées par M. P. Moussa à propos de l'impôt cosmique^ contribution
qui serait établie à l'échelle mondiale conformément aux règles à déterminer
par voie d'accord international et dont le produit serait affecté à l'aide au
développement, selon des modalités de gestion et de répartition à fixer. Mais
nous ne devons pas nous faire trop d'illusions à ce sujet : comme l'avait bien
vu R. Nurkse, des décisions de ce genre demeurent de nature essentiellement
politique. Elles supposent, soit l'existence d'une sorte de gouvernement à
l'échelle de notre univers, soit, à tout le moins, un renforcement des
attributions actuelles de l'O.N.U. dont les plus chauds partisans de cette formation
(nous en sommes) ne doivent pas méconnaître les difficultés. Bien des progrès
seraient déjà réalisés si l'on parvenait à coordonner tant bien que mal les
différentes formes d'aide, à éviter les doubles emplois, à lier les interventions
externes à une vision pour le moins « programmée » des possibilités et modalités
de développement des économies assistées, à mettre un terme aux surenchères,
plus inspirées par des vues démagogiques que par le souci réel de réduire les
divergences entre les niveaux de vie des différents peuples qui se partagent
notre terre.
3. Est-il déjà possible de prévoir la fin d'une aide qui n'a
vraisemblablement pas encore atteint son maximum ? A lire certains auteurs, il semblerait
que celle-ci doive se prolonger aussi longtemps que durera, chez les « pays
attardés », l'état ď « insuffisance de développement ». On se garde de fixer un
terme. La redistribution des revenus des pays « riches » au bénéfice des pays
« pauvres » pourrait, dans cette perspective, durer autant que les inégalités
qu'elle est supposée devoir combattre.
A ces considérations pessimistes s'opposent des vues plus rassurantes,
qui envisagent la cessation de l'aide proprement dite dans un délai somme toute
assez bref : qu'est-ce que quinze années dans la vie des nations ? Ainsi l'aide
au développement n'aurait été qu'une phase transitoire dans l'histoire
économique du monde moderne. Son efficacité serait donc démontrée par
l'accession progressive de chacune des quelque quatre-vingts nations en cause à la
phase de « croissance auto-entretenue ». Passé quoi, il ne resterait plus qu'à
revenir de P« aide » au « commerce » et à faire confiance aux vertus des échanges
entre les peuples et des mouvements internationaux de capitaux privés (du
moins pour les relations entre pays non communistes). Certes, nous pensons
qu'il est désirable qu'il en soit ainsi et que, d'ores et déjà, une certaine évolution
se manifeste dans ce sens. Comme l'a noté avec pertinence un auteur fort
qualifié, M. René Servoise, on peut d'ores et déjà affirmer « que le problème
des relations « commerciales » entre les États industriels et les pays en voie de
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