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FSJES, UCA, Marrakech, Maroc

Filière de sciences économiques et de gestion

S2-Groupe 1

Cours magistral de macroéconomie :

Chapitre II : la fonction de l’épargne


Fiche de cours (2)

Section 1 : Généralités sur l’épargne : définitions


et rôle dans l’économie

Dr. Brahim MANSOURI, Professeur de sciences économiques,


Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, Université
Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc.

Après avoir formulé quelques remarques introductives dans la


fiche précédente, intitulée "Cours magistral de macroéconomie : la
fonction de l’épargne (1)", nous tentons dans ce qui suit
d’approfondir l’analyse de la fonction d’épargne tout en simplifiant
l’enseignement-apprentissage autant que faire se peut.

Comme nous l’avons déjà souligné, ce deuxième chapitre sur la


fonction de l’épargne globale comporte sept sections :

i) Généralités sur l’épargne : définitions et rôle dans l’économie

nationale ;

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ii) Les premières formulations de la fonction de l’épargne : une

fonction linéaire ;

iii) Signification et interprétation de la désépargne et de la

propension marginale à épargner ;

iv) La propension moyenne à épargner ou le taux d’épargne ;

v) Essai de "délinéarisation" de la fonction de l’épargne :

l’élasticité-revenu de l’épargne et sa relations avec les

propensions marginale et moyenne à épargner ;

vi) Y’a-t-il d’autres variables potentiellement explicatives de

l’épargne globale autres que le revenu global disponible ?

vii) Les propensions moyenne et marginale à épargner :

comparaison pays développés/pays en voie de développement et

perspectives pour le Maroc.

La présente fiche de lecture aborde la section 1 du deuxième

chapitre sur la fonction de l’épargne et tente d’être ficelée d’une

manière didactique afin que nos étudiantes et nos étudiants puissent en

comprendre facilement le contenu, notamment en ce rude moment de

la propagation du coronavirus et de l’indispensabilité du confinement

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à domicile, et donc de l’impossibilité d’une opération d’enseignement-

apprentissage directe et interactive.

Notez toutefois que l’objectif de la publication de ces cours sur

la toile mondiale ne se limite pas à vous disséminer des documents à

consulter et à apprendre à des fins d’examen. Nos cours en ligne

aspirent plutôt à susciter l’attention des étudiantes et des étudiants tout

en les encourageant à poser des questions et à formuler des remarques

et des suggestions en ligne comme si nous interagissons ensemble à

l’intérieur de l’amphithéâtre. J’attends ainsi vos réactions avec

passion durant toute la période du confinement anti-corona et au-delà,

sachant bien évidemment que ce cours dépasse l’horizon de l’examen

pour viser le moyen et le long termes, c’est-à-dire qu’il aspire à

raffermir la formation de toutes et de tous dans le formidable champ

de la science économique.

En ligne avec l’agenda général du présent chapitre, la section 1

aborde des généralités sur l’épargne tout en essayant de définir ce

concept clé et de montrer son rôle majeur dans les économies

nationales contemporaines. De telles généralités s’imposent comme

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préludes à l’étude de la fonction de l’épargne avec toutes ses

formulations mathématiques, sachant que les outils mathématiques

dont nous aurons besoin dans ce cadre ne sont pas du tout très poussés

d’autant plus que les étudiantes et les étudiants du deuxième semestre

en économie et gestion auraient besoin pour le moment de

connaissances élémentaires en macroéconomie avant qu’ils puissent

approfondir leur savoir en macroéconomie dynamique lors des

semestres ultérieurs comme en master et en doctorat où ils seront

contraints de faire appel à des outils mathématiques plus avancés.

1. Généralités sur l’épargne : définitions et rôle dans


l’économie

La présente fiche de lecture est organisée autour de trois sous-

sections. Dans une première sous-section, nous examinons les diverses

définitions de l’épargne. Dans une deuxième sous-section, nous

discutons de l’impact ambivalent de l’épargne sur l’économie dans

son ensemble. Enfin, dans une troisième sous-section, nous analysons

les diverses acceptions de l’épargne dans le contexte des économies

nationales contemporaines.

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1.1. Le concept de l’épargne : de quoi s’agit-il ?

Grosso modo, en macroéconomie, l’épargne est communément

définie comme étant la partie du revenu national qui n’est pas

dépensée sur une période donnée, généralement une année. En vertu

de cette définition, l’épargne est un résidu (Residual), c’est-à-dire

qu’elle représente le reliquat restant du revenu disponible (revenu net

d’impôts) après avoir consommé, de telle sorte que les agents

économiques dont le revenu excède les dépenses épargnent (on dit

alors qu’ils sont des agents économiques à excédents de financement),

tandis que les agents économiques dont les dépenses sont supérieures

au revenu désépargnent (on dit alors qu’ils sont des agents

économiques à besoins de financement ou à déficits de financement).

En anglais, on dit : "economic agents with financing surpluses save

while those with financing deficits dissave". Du fait que l’épargne est

un résidu, le fameux économiste anglais John Maynard Keynes

soutient qu’en principe, l’attraction de l’épargne n’exige pas des taux

d’intérêt créditeurs élevés, d’où sa proposition de faire tendre le taux

d’intérêt vers zéro, d’autant plus qu’un taux d’intérêt créditeur faible

poussera les taux d’intérêt débiteurs à la baisse, ce qui stimulera les

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décisions d’investissement comme catalyseurs de la croissance

économique. "Puisque les épargnants on déjà consommé", dirait-il,

pourquoi augmenter le taux d’intérêt pour les forcer à épargner ?

Notons que l’épargne comme résidu ne donne lieu à aucune

destruction immédiate à travers des dépenses de consommation,

suggérant dès lors que toute somme d’argent épargnée (Saved Money

Lump-Sum) est conservable sous une forme liquide, c’est-à-dire sous

forme d’encaisses ou de réserves monétaires pour des motifs de

précaution ou de recherche de meilleures occasions de dépenses

futures ; ce qui montre clairement comment la monnaie remplit sa

fonction fondamentale de "réserve de valeur", en plus de ses deux

autres fonctions bien connues depuis le philosophe grec Aristote, à

savoir les fonctions d’unité de compte et d’intermédiaire aux

échanges.

De surcroît, une épargne peut être constituée en vue d’un

réinvestissement dans le circuit économique, notamment sous forme

de placements financiers ou d’investissement dans le secteur réel où

on produit une variété de biens et services. Il s’ensuit que l’épargne,

contrairement à une idée reçue très répandue, n’équivaut pas à la

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thésaurisation d’autant plus qu’il existe au sein de toute économie

nationale un secteur financier plus ou moins large, incluant le système

bancaire, capable d’observer toute épargne désirée par les agents

économiques.

Notons aussi que tout étudiant en sciences économiques doit

savoir que ce n’est pas uniquement les individus ou les ménages qui

épargnent, mais plutôt tous les agents économiques bien connus, à

savoir les ménages, les entreprises privées et l’Etat, même si les

capacités d’épargne de ces agents ne sont pas les mêmes. En

particulier, dans certains cas, l’Etat peut ou doit épargner en vue

d’éviter le surendettement (Overindebtedness) et donc l’accumulation

et la persistance des déficits budgétaires. Malheureusement, dans le

cas marocain, dans un contexte d’injustice fiscale et de gaspillage,

l’Etat enregistre continuellement des déficits budgétaires de plus en

plus élevés. On dit alors que l’Etat désépargne (The government

dissaves).

Il importe également de noter que le concept d’épargne cache

des controverses théoriques, notamment en ce qui ce qui concerne ses

variables explicatives (déterminants), son impact mesurable sur les

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économies nationales dans les pays développés comme dans le monde

en voie de développement et les méthodologies adéquates destinées à

bien mesurer l’épargne elle-même, sachant que la mesure est "la

question la plus embêtante en sciences économiques". Nous

reviendrons à ces aspects fondamentaux lors des sections ultérieures

du présent chapitre.

1.2. L’épargne : quel impact sur l’ensemble de l’économie ?

Quel serait l’impact de l’épargne sur l’économie dans son

ensemble ? Cette question est cruciale d’autant plus que l’étude de

l’épargne ne vise pas seulement à assimiler sa signification en tant que

concept économique fondamental, mais également à appréhender ses

conséquences sur l’économie nationale.

Du fait que les comportements d’épargne ne sont pas neutres

quant à leurs effets sur l’économie nationale, une sorte d’équilibrage

devrait être instaurée entre les trajectoires de l’épargne et celles de la

consommation. Il importe en effet de noter que le concept de

l’épargne est ambivalent en ce sens que son insuffisance peut entraver

la croissance économique en raison de son effet préjudiciable sur

l’investissement, mais une épargne excessive est également une

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mauvaise nouvelle pour la croissance économique parce qu’elle

constitue aux yeux de John Maynard Keynes un frein à la demande

portant sur les biens de consommation. Keynes va même jusqu’à

considérer l’épargne comme une fuite monétaire dans le circuit

économique. En économie fermée, souligne-t-il, le multiplicateur de

l’investissement est l’inverse de la propension marginale à l’épargne

estimée par le rapport entre les variations absolues de l’épargne

globale et du revenu global disponible (Aggergate Disposable

Income). Nous y reviendrons dans les sections ultérieures du présent

chapitre. Ajoutons que Keynes raisonne à court terme alors que les

économistes classiques raisonnent à long terme : "à long terme, nous

serons tous morts", aurait dit Keynes. De ce fait, Keynes est un

théoricien de la demande tandis que les classiques sont des théoriciens

de l’offre puisque la demande est un concept de court terme alors que

l’offre est un concept de long terme (Short-run against long-run

concepts).

1.3. L’épargne : quelques acceptions fondamentales

On distingue généralement : i) l’épargne classique ou

"conventionnelle" ; ii) l’épargne collective ; iii) l’épargne solidaire.

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Dans le cas de l’épargne classique ou "conventionnelle", l’argent

épargné donne naissance à deux types de placement :

- L’épargne "liquide" : comme son nom l’indique, elle a la

particularité d’être immédiatement accessible à l’épargnant en

vue d’effectuer des transactions sur le marché des biens et

services. En histoire économique et sociale, les français

l’appellent le "bas de laine" pour paraphraser le fameux

économiste et premier ministre français Raymond Barre dans

son célèbre manuel d’économie politique. En ce sens, tout se

passe comme si l’épargnant place son argent sous un tas de laine

sous forme de pièces métalliques (monnaie divisionnaire), de

billets de banque (monnaie fiduciaire) ou de métaux précieux

(or, diamant, argent, etc.).

Néanmoins, à l’époque actuelle, le "bas de laine" comme forme

de thésaurisation tend à être supplantée par l’épargne liquide moderne

comme sommes d’argent déposées en banque à travers des comptes

d’épargne où l’épargnant peut retirer ses avoirs en vue d’éteindre des

dettes ou d’acheter des biens et services. Dans ce cas de figure, on

parle d’encaisses de "précaution" ou de "thésaurisation" en ce sens que

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ceux qui y recourent prennent des précautions sur leur avenir ou celui

de leur progéniture, en fonction du degré de leur altruisme envers

leurs descendants.

- L’épargne investie : il s’agit généralement de plans d’épargne,

de contrats d’assurance-vie, d’achats de valeurs mobilières

(actions, titres de créances négociables, obligations, titres

financiers hybrides, etc.) ; ou d’épargne directement investie

dans le secteur réel (acquisition de moyens de production,

immobilier, etc.). Notons que l’argent épargné en banque ou

utilisé pour l’achat de titres de créances négociables ou

d’obligations est généralement porteur d’intérêts.

En ce qui concerne l’épargne collective, on distingue les

cotisations sociales prélevées par le système de sécurité sociale dans le

cadre des plans de retraite de base. Il va de soi que l’insuffisance des

montants alloués à la retraite par rapport aux plans futurs des retraités

et de leurs familles pousse les ménages à épargner davantage en

dehors des prélèvements de la retraite.

L’épargne solidaire est un cas très spécifique du concept de

l’épargne en sciences économiques. Le système de l’épargne solidaire

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a récemment émergé tout en se développant davantage. Ce système est

une occasion pour les agents économiques à excédent de financement

pour faire fructifier leur argent tout en contribuant à l’accès à des

activités génératrices de revenus et d’emplois (AGRE) pour des

personnes en difficultés et quasi-exclues de la sphère économique et

sociale. Le système de l’épargne solidaire aspire également à soutenir

des activités de type écologique et de sauvegarde de la biodiversité

dans le cadre du modèle général du développement soutenable

(Sustainable Development), ou à développer l’entrepreneuriat des

jeunes, notamment dans les pays les moins avancés.

En général, l’épargne solidaire se fait à travers les formules

d’épargne suivantes :

- Souscription de produits de partage dans une banque ou une

mutuelle d’assurance (livret d’épargne solidaire, organismes de

placements collectifs en valeurs mobilières solidaires : OPCVM

solidaires, etc.) ;

- Souscription de produits d’investissement solidaire de type

"Fonds communs de placement" (FCP), "Sociétés

d’investissement à capital variable" (SICAV), etc. ;

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- Placement d’économies d’argent sur le "Plan d’épargne

entreprise" (Corporate Savings Plan) à travers la souscription à

des fonds solidaires (actionnariat salarié : Employee stock

ownership) ;

- Sousription au capital d’une entreprise solidaire opérant dans un

secteur à forte utilité sociale (Higher Social Utility) et/ou

environnementale insoumise à la délocalisation et disposée à

réinvestir ses profits dans une perspective de développement

soutenable.

À SUIVRE

Prochaine section :

2. Les premières formulations de la fonction de l’épargne :


une fonction linéaire

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