Vous êtes sur la page 1sur 5

ABDELKADER ALLOULA, UN DRAMATURGE AU CARREFOUR DES

GÉNÉRATIONS

Lamia Bereksi-Meddahi

L'Harmattan | « Confluences Méditerranée »

2012/2 N°81 | pages 213 à 216


ISSN 1148-2664
ISBN 9782296994058
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2012-2-page-213.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan.


© L'Harmattan. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
© L'Harmattan | Téléchargé le 14/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.101.229.224)

© L'Harmattan | Téléchargé le 14/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.101.229.224)


licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


Dossier Portraits

Lamia Bereksi-Meddahi
Université de Marne-La-Vallée.

Abdelkader Alloula,
un dramaturge au
carrefour des générations

Les années 1990 ont fait couler beaucoup de sang de


dramaturges, de journalistes, d’écrivains. Le terrorisme a
atteint un tel paroxysme que le dramaturge Abdelkader
Alloula avait adapté la pièce de Carlo Goldoni
« Arlequin, valet de deux maîtres » en 1993. Il a
expliqué sa démarche ainsi : « En premier lieu, je voulais
© L'Harmattan | Téléchargé le 14/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.101.229.224)

© L'Harmattan | Téléchargé le 14/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.101.229.224)


apporter un divertissement à notre jeunesse et l’amener
à se poser des questions sur ce que vivent les jeunes
actuellement et faire ressortir l’amour et la vertu, notions
qui ont totalement disparu (…) nous visons surtout des
représentations en direction des jeunes parce que le
public est trop pris par la vie politique et ces questions
d’amour ne l’intéressent plus » 1.

S
’intéresser à la jeunesse, c’est d’une certaine façon don-
ner de l’espoir en œuvrant à semer la graine de l’amour.
Seulement, l’ignorance aveuglante des terroristes a mis fin
à la vie d’Abdelkader Alloula le 10 mars 1994. Nous rapportons
les propos de l’écrivain et reporter Patrick Forestier : « Le jour où
Abdelkader Mekki programma l’exécution d’Abdelkader Alloula, il ne se
doutait pas que la mort allait provoquer autant de réactions, en Algérie,
comme en France. L’Emir d’Oran savait tout au plus qu’A. Alloula était

213
Numéro 81  Printemps 2012
Algérie, 50 ans après

le directeur du théâtre régional d’Oran. Peu lui importait qu’il fût drama-
turge ou qu’il ait monté « Les bas-fonds » de Gorki ou « Arlequin, valet de
deux maîtres » de Goldoni. Son adaptation des œuvres de Gogol, Tchekhov,
Dostoïevski, restait pour la majorité des moudjahidines quelque chose d’abs-
trait (…) Mekki, paysan, croyant mais illettré, avait appris qu’Alloula avait
monté au début des années quatre-vingt « Mohamed prends ta valise » qui
signifiait Mohamed (c’est-à-dire le prophète) remballe ton islam et pars. Nous
avions jugé qu’A. Alloula était blasphémateur et un apostat, doublé d’un
communiste athée. » 2
Né à Ghazaouet (dans le littoral ouest de l’Algérie) le 8 juillet
1939, d’un père gendarme et d’une mère au foyer, Abdelkader
Alloula fréquente l’école primaire Ain El-Berd, entre Sidi Bel Abbès
et Oran. Il suit ses études secondaires successivement à Sidi-Bel-
Abbes puis à Oran. Il les interrompt en 1956 pour se consacrer au
théâtre. A ses débuts, entre 1956 à 1970, il s’est d’abord intéressé
au théâtre au sein du F.L.N (Front de Libération National). Il y
avait recruté quelques militants qui avaient fait du théâtre dans les
prisons sous la colonisation. A l’indépendance, il contribue à la créa-
tion et au fonctionnement de l’Institut National, à l’Art Dramatique
de Bordj El-Kiffan et à ses créations collectives dont El Meida.
Il joue en 1963 Les Enfants de la casbah (avec Abdelhalim et Mustapha
Kateb), Hassen nia (avec Rouiched et Mustapha Kateb), La vie est un
songe (avec Mustapha Kateb), Le serment (avec Mustapha Kateb).
© L'Harmattan | Téléchargé le 14/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.101.229.224)

© L'Harmattan | Téléchargé le 14/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.101.229.224)


En 1964 il joue dans Roses rouges pour moi (Allal El-Mouhib),
La mégère apprivoisée (Allal El-Mouhib). Il met en scène, en 1964,
L’ogresse, puis en 1965, Le sultan embarrassé (Tewfik el-Hakim). Il
interprète et réalise en 1967, trois pièces théâtrales des répertoires
de Sophocle, Shakespeare, Aristophane (interprétation et réalisa-
tion). Certaines pièces de théâtre ont été montées avec les étudiants,
notamment en 1968-1969. Rappelons aussi qu’en 1967 il monte la
pièce Monnaie d’or (répertoire chinois ancien avec adaptation), puis
en 1968 Numance (adaptée par Mohamed Brahimi et Mahmoud
Stambouli). Il fait ses premiers pas dans le cinéma en 1969 dans Les
chiens, film réalisé par El-Hachemi Cherif. Il écrit en 1969 El-Aleg
(Les sangsues), en 1970 El-Khobza (Le pain), en 1971 El-Tarfa (réali-
sation El-Hachemi Cherif). En 1972, il a réalisé Homk Salim premier
monologue du théâtre algérien, puisé du Journal d’un fou de Gogol,
puis Hout yakoul hout (Les grands poissons mangent les petits). Cette
année-là, il a été également l’auteur de Corine, dont la réalisation est
confiée à Mohamed Ifticen.

214
Numéro 81  Printemps 2012
Dossier Portraits
Abdelkader Alloula, un dramaturge au carrefour des générations

De 1972 à 1978 Abdelkader Alloula est directeur du Théâtre


Régional d’Oran (TRO). En plus du programme de création et
d’adaptation des années 1970, on lui confie, onze mois durant, le
T.N.A (Théâtre National Algérien) mais il est relevé de ses fonc-
tions par le ministre de tutelle qui n’approuve pas son programme
d’action et ses tendances révolutionnaires. Il est d’emblée nommé
adjoint à la direction des Lettres et des Arts puis reste au chômage
jusqu’en 1978.
Entre-temps, en 1975, il a monté Hammam Rabbi (Les thermes du
bon Dieu). De 1978 à son assassinat, il devient le metteur en scène au
T.R.O (Théâtre régional d’Oran). Il écrit en 1980 El-Agoual ainsi que
Jalti. Il joue en 1981 Hassen Nia (Réalisation Bendedouche Ghouti)
et met en scène en 1982 Les bas-fonds de Maxime Gorki (traduction
de Mohamed Bougaci). Il participe aux commentaires de films dont
essentiellement, en 1985, Combien je vous aime de Azzeddine Madour.
Il écrit en 1984, El-Adjouad, en 1989 El-Litham et en 1990 il adapte cinq
nouvelles de l’écrivain turc Aziz Nesin (1915-1995).
Plusieurs thèmes traversent le théâtre d’Abdelkader Alloula :
– Le dialogue constant entre l’ancienne et la nouvelle génération.
Ce que nous retrouvons dans les pièces Les Dires, Les généreux.
– L’esprit de dévoiler ce qui est tu, est retrouvé dans Le voile.
Toute la trame narrative se construit autour du personnage de
Berhoum, qui œuvre corps et âme pour réparer la machine à fabri-
© L'Harmattan | Téléchargé le 14/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.101.229.224)

© L'Harmattan | Téléchargé le 14/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.101.229.224)


quer du papier. Objet qui permet de rendre toute trace indélébile.
– La lutte pour subvenir aux besoins quotidiens. Inspirée de tâam
li koul fam (à manger pour chaque bouche) de Tewfik el-Hakim,
Alloula écrit El khobza, une pièce qui relate le quotidien périlleux
d’un écrivain public.
– Le combat contre la bureaucratie est omniprésent dans les
pièces El-Aleg et El wajib El watani.
– La différence des classes sociales est perceptible dans la pièce
Hout yakoul hout (les grands poissons mangent les petits).
Les sujets traités dans les pièces d’Abdelkader Alloula témoignent
d’une générosité émanant de l’écoute de la société. Un pouvoir de
parole est concédé à ceux qui n’ont pas la possibilité de dire ce qui
ronge leur vie. Tous les personnages émanent d’une situation déjà
vécue. Il ne traite d’aucun milieu sans s’y être inséré temporaire-
ment. Enquêtes et analyses sont à la base de son travail. Tournant le
dos au théâtre aristotélicien, Alloula opte pour un théâtre d’interlo-
cution sociale qui ne sacrifie pas l’esthétique.

215
Numéro 81  Printemps 2012
Algérie, 50 ans après

Cinquante ans après l’indépendance, l’Algérie rend hommage à


des hommes qui ont contribué par leur arme ou leur plume à chan-
ger le sort d’un pays qui croupissait sous le joug de la colonisation.
Retenons que le visage de la colonisation est multiple. Seuls les
intellectuels sont en mesure de lire dans ses pensées en œuvrant à
la combattre. L’indépendance génère l’idée de la liberté et comme
affirmait Abdelkader Alloula : la liberté est une responsabilité. Il
nous revient à mesurer le poids de la responsabilité pour évaluer
l’importance de la liberté. ■

Notes

1. Le Soir d’Algérie » du 18 avril 1993


2. Patrick Forestier, Confession d’un Emir du GIA, Ed/Grasset et Fasquelle,
1999, p. 111.
© L'Harmattan | Téléchargé le 14/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.101.229.224)

© L'Harmattan | Téléchargé le 14/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.101.229.224)

216
Numéro 81  Printemps 2012

Vous aimerez peut-être aussi