RDN 373 0117

DÉCOUVERTES RÉCENTES DE MASQUES GALLO-ROMAINS EN BRONZE
DANS LE NORD DE LA GAULE
Germaine Leman-Delerive
Association Revue du Nord | « Revue du Nord »
2007/5 N° 373 | pages 117 à 129

ISSN 0035-2624
DOI 10.3917/rdn.373.0117
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Autres cités de la Gaule Belgique
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Troisième partie

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GERMAINE LEMAN-DELERIVE*
Découvertes récentes de masques gallo-romains en bronze

dans le Nord de la Gaule
La représentation du visage constitue, dans toutes sant l’enquête à des trouvailles funéraires ou cul-
les civilisations, un élément essentiel du concept de tuelles, en englobant également les fabrications en fer
l’individu, face à ses semblables, vis-à-vis de la divi- ou en argent2. Au XXe s., la première recension scienti-
nité. Le masque humain est toujours le reflet de la spi- fique fut le fait de R. Lantier qui attira l’attention sur
ritualité du moment, le miroir d’une certaine notion deux masques, l’un trouvé à Vieil-Evreux (Eure), et
surnaturelle de l’humanité. C’est pourquoi sa décou- l’autre conservé au musée de Tarbes (Hautes-
verte est constamment un fait troublant, qui interroge Pyrénées)3. Ces premières découvertes furent égale-
sur un ensemble de noumènes particuliers. ment prises en considération dans les travaux de
F. Braemer et de P. H. Mitard4, mais il faut surtout
En 2001, j’avais, dans cette même revue, porté à la citer l’étude récente d’H. Chew à propos de la pièce
connaissance des lecteurs, les petits visages souriants de l’Étoile5.
trouvés à Thiant (Nord)1 en limitant l’étude aux
figures de petites dimensions, appliquées vraisembla- Deux exemplaires proviennent de la fouille de
blement sur certains objets. Ces visages hauts de Blicquy (Belgique) où ils ont été retrouvés dans les
quelque quatre centimètres semblaient avoir été sertis fouilles du grand ensemble cultuel6. Ce sanctuaire
dans un support en bois. Ils trouvaient des points de connu depuis 1976 a surtout été l’objet de recherches
comparaison dans d’autres découvertes régionales, scientifiques entre 1997 et 2003. Le site est occupé à
faites à Wange (Brabant flamand, Belgique), Senlis l’Âge du Bronze et, dans l’état actuel des recherches,
(Oise), ou plus loin à Welwyn (Hertfordshire, semble ensuite déserté jusqu’à la fin du second Âge
Angleterre) par exemple et présentaient une esthé- du Fer7. C’est alors que des pièces de harnachement8,
tique proche encore des figurations celtiques. des armes, des outils sont déposés à plat dans de
petites fosses. Datés des années 50 à 30 av. J.-C., un

Je souhaite aujourd’hui rouvrir ce dossier à la dépôt d’ossements humains et un ensemble monétaire
lumière de nouvelles trouvailles, dans une catégorie ont été également reconnus. C’est dans un contexte
particulière de sites, de masques réalisés dans d’autres plus difficile à dater, que nos deux masques de bronze
proportions. Le mot est employé par commodité, pour furent exhumés. Le premier, exceptionnellement bien
les distinguer d’éléments de statues en ronde-bosse conservé, a été réalisé en bronze coulé, moulé à la cire
qui auraient perdu leur partie occipitale. Si ce type de (fig. 1). Haut de 11,5 cm, il représente le visage glabre
découverte n’est pas inédit, sa répétition, sa réparti- d’un homme de bonne corpulence, à l’expression sou-
tion, et la précision du lieu de découverte, suscitent riante. Le trait le plus marquant réside dans la finesse
aujourd’hui un intérêt particulier. Déjà au XIXe s., de la bouche représentée comme une simple fente,
O. Benndorf avait publié une étude dans un contexte sous un nez épaté et comme coupé au couteau. Les
géographique et chronologique très vaste, en élargis- orbites, en amande, ont été soulignées d’intailles pour
*. — Germaine LEMAN-DELERIVE, chargée de recherche, HALMA- 6. — Je remercie tout particulièrement les auteurs de la fouille, Evelyne
IPEL, UMR 8164, Université Charles-de-Gaulle—Lille 3, BP 60149, Gillet et Nicolas Paridaens de m’autoriser à citer ces pièces qui feront
59653 Villeneuve-d’Ascq cEDEX. l’objet d’une étude exhaustive, en particulier sur un plan technique,
1. — LEMAN-DELERIVE 2001. dans la publication d’ensemble du sanctuaire.
2. — BENNDORF 1878. 7. — GILLET et alii 2006 ; Celtes 2006, p. 204, 37/29a, p. 399-400.
3. — LANTIER 1940. 8. — En particulier, une exceptionnelle clavette de char de type britan-
4. — BRAEMER 1968-1969 ; BOUCHER 1988, p. 22-23 ; MITARD 1982. nique : voir DEMAREZ, LEMAN-DELERIVE 2001.
5. — CHEW 1995.
ARCHEOLOGIE DE LA PICARDIE ET DU NORD DE LA FRANCE (REVUE DU NORD, T. 89, 2007, N° 373, P. 119-129)
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FIG. 1. — Blicquy, grand masque. (cliché G. Naessens, HALMA-IPEL).
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DÉCOUVERTES RÉCENTES DE MASQUE GALLO-ROMAINS EN BRONZE DANS LE NORD DE LA GAULE 121
assez sommaire : la bouche seule semble modelée ; on

croit deviner les yeux fermés, ce qui pourrait laisser
soupçonner peut-être une figuration de « tête cou-
pée ». Les percements observés s’expliquent certaine-
ment par les marques d’attache sur le support mais il
n’est pas impossible qu’il s’agisse aussi de traces de
mutilation. La question se pose en particulier pour
l’importante fracture qui barre le front. La chevelure
n’a pas été dessinée.
À ces découvertes sur le territoire belge, bien docu-
mentées, on peut ajouter des pièces récemment exhu-
mées en Normandie. La première provient de Bailleul
FIG. 2. — Détail du grand masque de Blicquy. (Orne) et a été acquise par le musée de Normandie à
(Cliché G. Naessens, HALMA-IPEL). Caen11. Elle est réalisée en métal battu et repoussé, et
représente une tête étirée de personnage glabre, aux
traits fortement simplifiés (fig. 4). Les arcades sourci-
lières sont dessinées par une ligne horizontale conti-
nue, à peine allégée au-dessus du nez. Les globes ocu-
dessiner les cils (fig. 2), un procédé utilisé aussi sur le laires, allongés en léger relief sont marqués d’une
masque du musée de Rouen décrit plus loin9. Les arête, et les orbites trouées pour laisser la place à une
sourcils tracés de la même manière, descendent jus- matière rapportée aujourd’hui disparue. Le nez est
qu’au nez. L’iris, en pâte de verre, fixé par une sorte étroit, pincé, et sa base triangulaire, au-dessus d’un
de résine (?) n’est conservé que du côté gauche. La intervalle marqué avec le dessin de la bouche. Cet
coiffure est figurée de façon sommaire par des traits espace un peu boursouflé semble toutefois mal corres-
gravés tracés en oblique à partir d’une zone centrale pondre au tracé d’une moustache. Le menton au relief
en triangle curviligne où est aménagé un trou permet- légèrement marqué est arrondi, et comme dans
tant la fixation par un clou ou un rivet sur un support l’exemplaire de Blicquy, le cou est particulièrement
(en bois ?). Les oreilles n’ont pas été figurées. Le cou, développé. Aucun élément de chevelure ni d’oreille
démesuré, atteint la largeur du visage. La fabrication n’est dessiné. Sur le côté gauche du visage, de petites
en bronze coulé et non en tôle martelée a rendu pos- échancrures laissent supposer l’emplacement d’élé-
sible la réalisation – et la conservation – d’un certain ments de fixation. Enfin des traces nettes du marte-
volume, qui pourrait laisser croire à l’existence d’une lage se lisent dans les lignes verticales visibles sur le
partie postérieure. Il ne peut toutefois pas être adjoint cou. Cette pièce n’a toutefois pas de lieu précis de
à une calotte crânienne : la chevelure se termine à la découverte, elle aurait été exhumée au lieu dit les

hauteur de l’arrondi du visage et le cou se détache Hauts Vents, au pied d’une haie qui borde la route de
alors d’un fond plat. Le pourtour du masque est mar- Montabard12.
telé pour faciliter son dépôt sur une surface plane.
Un autre exemplaire provient de Bernouville, au
Le second masque, de taille réduite (4,75 cm de lieu-dit Ferme de Beaumont (Eure). Cette localité ne
haut) a moins bien résisté aux outrages du temps par semble connue jusqu’ici que par le passage de la voie
sa fabrication en tôle martelée qui l’a fragilisé. Il en romaine13. Ce masque est toujours conservé en collec-
subsiste trois fragments dont la restauration vient de tion privée et je n’en ai eu connaissance que grâce à la
se terminer (fig. 3)10. Le visage se détache sur un fond bienveillance de la conservation du musée de Caen
plat délimité par une double (ou triple) gorge circu- (fig. 5 et 6). J’ai surtout pu disposer des renseigne-
laire que circonscrit une frise de godrons. La mau- ments de P. Joy qui signala en 2004 la découverte aux
vaise conservation interdit une lecture précise des autorités compétentes et qui me fournit les photogra-
traits du visage, ils sont toutefois figurés de façon phies de cet exemplaire14. Ce masque, haut de 22 cm
9. — Un procédé analogue est observable sur le dieu de Bouray et sur lée dans Archaeologia, n° 386, 2002, p. 4. Je suis tout particulièrement
la tête en tôle d’argent de Notre-Dame-d’Allençon (Maine-et-Loire). reconnaissante envers M. Marin, conservateur du musée de Normandie
Ce visage est encadré également par des mèches disposées en oblique à Caen de m’avoir accordé la possibilité d’étudier cet objet.
de part et d’autre d’une zone centrale : voir BARATTE 1981, pl. III. Daté 12. — Je suis redevable envers Mme S. Berthelot, conservateur au
de la première moitié du IIIe s. ap. J.-C. musée de Normandie pour ces précisions. Un site gallo-romain est
10. — Je remercie Nathalie Cleeren, restauratrice, de m’avoir donné la connu à cet endroit : BERNOUIS 1999 p. 84.
photographie de l’objet restauré. 13. — CLIQUET 1993 p. 188.
11. — Musée de Normandie, Caen. Inv. 2001-27-1. Acquisition signa- 14. — Qu’il trouve ici l’expression de mes vifs remerciements.
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FIG. 3. — Blicquy, petit masque. (Cliché Nathalie Cleeren).


et large de 18 cm, n’a donc profité d’aucune restaura- Au titre d’un catalogue de pièces inédites, il faut
tion ; il se distingue du précédent par la figuration de encore citer l’exemplaire trouvé à Beuvraignes
la chevelure. Celle-ci encadre le front d’un bandeau (Somme) et conservé au musée d’Amiens (fig. 7)15.
côtelé, au relief marqué, dont la partie droite est abî- La partie centrale du visage a disparu mais on devine
mée par une perte de matière. D’après le cliché une certaine qualité d’exécution d’après le dessin de
(fig. 5), l’oreille est conservée du côté gauche, sous la chevelure et l’ovale du visage. À l’instar du masque
forme d’un double relief en forme d’arcades. Le des- de l’Étoile, il semble plus proche d’une esthétique
sin des sourcils rejoint le tracé du nez. La cavité sub- classique que les objets précédemment décrits.
sourcillaire est marquée et régulière. Une autre cas- Exécuté en tôle martelée, fine et fragile, il mesure
sure rend difficile la lecture de la base du nez, il ne aujourd’hui 16,2 cm de hauteur totale conservée, et sa
semble toutefois pas y avoir ni sillon labial ni mous- largeur maximale est d’environ 9,4 cm. À l’inverse de
tache au-dessus d’une bouche fine, juste esquissée par la majorité des pièces de comparaison, il ne provient
une fente courbe. Chose fréquemment observée sur pas, semble-t-il, d’un milieu cultuel mais bien artisa-
les objets d’une certaine dimension, l’iris exécuté en nal puisqu’il a été trouvé, hors contexte, dans l’atelier
matière rapportée, a disparu. L’ovale du visage se de potier de Beuvraignes (fouille du TGV 1989 ; com-
détache d’un fond où l’on distingue comme dans les munication personnelle T. Ben Redjeb). Les trous de
exemples précédents un trou de fixation. fixation, répartis pour trois à la base du cou, élargie en
15. — Inv. D 90-9-24. Je remercie particulièrement T. Ben Redjeb de

m’avoir permis de publier cette découverte inédite ainsi que N. Mahéo,
conservateur au musée d’Amiens, pour son accueil bienveillant.
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rivets d’attache d’une pièce antérieure comme on peut

le constater par exemple sur la tête de Genainville17.
Les pièces de plus grandes dimensions, compa-
rables à nos pièces inédites semblent celles de Vieil-
Evreux (Eure) et de L’Étoile (Somme) et, en partie
conservée, celle de la forêt de Brotonne (Eure).
Les deux premiers exemplaires ont en commun la
réalisation en tôle de bronze, la présentation générale
du visage arrondi sur un fond ovale, la chevelure bou-
clée, la figuration de l’oreille. Mais d’autres caracté-
ristiques les différencient. Malgré un aplatissement et
une déformation de la pièce du musée d’Evreux, le
dessin des traits est plus schématique, en particulier
en ce qui concerne le dessin des yeux et de la bouche
(fig. 8)18. Il faut aussi constater la représentation à la
base du cou d’une ligne de perles en relief en alter-
nance avec des bâtonnets. Ce type de modelé pourrait
évoquer une parure plus qu’un décor de contour car il
semble s’interrompre mais l’état de conservation de
l’objet ne permet pas de l’affirmer. Un second point
d’intérêt de cet objet est la présence de trous (six ou
sept) rectangulaires, réguliers, répartis non sur le
contour mais sur le visage même. S. Boucher explique
leur présence par l’arrachement de morceaux de bois
qui servaient à la fixation sur le support. On peut aussi
s’interroger sur d’éventuelles mutilations fréquem-
ment observées en contexte cultuel. Ce masque est
sorti de terre en 1840 lors des fouilles de A. Robillard
et de T. Bonnin dans le grand ensemble cultuel, com-
portant un groupe de plusieurs temples. Il aurait été
trouvé avec d’autres statues de bronze dans les pièces
qui séparent les temples centre et sud. S. Boucher a
FIG. 4. — Bailleul, masque. (Cliché G. Leman-Delerive).
interprété cette découverte comme une cachette, ce

qui est remis en cause par D. Cliquet et ses collabora-
teurs. À la lecture du courrier de A. Robillard, il
semble en effet prouvé que différents objets étaient
dispersés sur le sol sur toute la surface du sondage,
une sorte de collerette, et deux dans la chevelure, lais- sans creusement d’excavation19. Cette interprétation
sent penser également à une figure attachée à une âme du contexte semble aujourd’hui préférable à la lueur
en bois. des découvertes de Blicquy.
Ces différents masques, pour employer la dénomi- La pièce de L’Étoile (Somme) a fait l’objet d’une
nation commode et fréquente de ce type de visage non étude approfondie d’H. Chew20. On retiendra l’in-
assorti à une calotte crânienne, viennent s’ajouter à fluence plus marquée du modèle gréco-romain qui
une série déjà connue. Ils sont destinés à être vus de s’exprime pourtant par une certaine schématisation
face et ne comportent pas de partie arrière. En réalité, des traits (fig. 9). Ainsi, le traitement de la chevelure,
la différenciation avec des têtes complètes n’est pas du système pileux, ne correspond pas à la définition
toujours facile à établir16. Les trous de fixation suppo- d’une divinité facilement identifiable. La fonction de
sés sur une âme de bois peuvent aussi avoir servi de l’objet semble néanmoins identique : comme dans les
16. — On trouvera l’inventaire complet de ces têtes dans la thèse de DUVAL 1983, p. 193, n° 252 ; BOUCHER 1988, p. 22-23.
LUSSIEN-MAISONNEUVE 1978. 19. — CLIQUET et alii sans date, p. 17-20, 59.
17. — MITARD 1982a. 20. — CHEW 1995 ; je dois à l’obligeance de Mme Chew d’avoir dis-
18. — Musée d’Evreux, inv. 4835 ; voir pour la bibliographie récente : posé d’une photographie de l’objet.
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FIG. 5. — Bernouville, masque. (Cliché P. Joy). FIG. 6. — Bernouville, revers du masque. (Cliché P. Joy).
FIG. 7. — Beuvraignes, masque. (Amiens, musée de Picardie. Cliché Irwin Leullier).

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FIG. 10. — Forêt de Brotonne, masque.

(Cliché Y. Deslandes, CG 76).
FIG. 8. — Vieil-Evreux, masque. (Cliché J.-P. Godais,

Ville d’Evreux. Musée d’Evreux). exemples précédents, la fixation sur un support de
bois explique trois trous conservés, percés de l’exté-
rieur vers l’intérieur. Malgré la date plus récente de
découverte, les conditions et le lieu précis ne sont
malheureusement pas mieux connus. H. Chew sup-
pose qu’il provient du fanum des Coutures, reconnu
par photographie aérienne et sondé en 1972. Ce site
de fond de vallée pourrait être attribué à un culte des
eaux, ce qui conviendrait bien à l’image de ce
masque.
Un troisième exemple provient de la forêt de
Brotonne, quartier de la Réserve (dans la commune de
Le Landin21) ; conservé au musée des Antiquités de
Rouen, il est malheureusement très mutilé puisqu’il
ne subsiste plus que la partie supérieure du visage
(fig. 10) : les yeux, une partie du nez, du front et une

oreille. Les sourcils sont figurés, comme sur le grand
masque de Blicquy, par des traits obliques exécutés
avec un petit burin. Les yeux sont dessinés en amande
par un sillon martelé depuis la face externe. Un élé-
ment original figure sur la tempe et le haut de la joue
puisqu’on y observe une sorte de bourrelet vertical
comportant des petits arcs de cercle jointifs. G. Verron
rapproche cet appendice de la figuration de la cheve-
lure sur le masque d’Evreux. La provenance de cet
FIG. 9. — L’Étoile, masque. (Cliché musée des Antiquités exemplaire, découvert en 1843, reste imprécise, mais
nationales, Saint-Germain-en-Laye). la description de certains objets qui auraient été trou-
vés en même temps (entre autres des statuettes) sug-
gèrent à l’auteur de la notice de la carte archéologique
l’hypothèse d’un lieu consacré22.
Le petit masque de Blicquy évoque une autre
catégorie d’objets de petite taille dont la fonction ou
21. — Commune renseignée dans CLIQUET 1993, pour VERRON 1978, il commune, au lieu-dit Grands Fiefs est plus clairement attesté comme
s’agit de La Mailleraye-sur-Seine. sanctuaire ; il peut s’agir du même site.
22. — CLIQUET 1993, p. 233 ; un second emplacement, sur la même
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dans ces représentations frustres s’il s’agit de mèches

tirées en arrière25, ou ramenées vers l’avant. Un autre
regard peut y déceler un bandeau frontal comme celui
de la plaque de Gunderstrüp. Or cette différenciation
est intéressante si on en croit l’interprétation de
F. Braemer à propos de la coiffure élaborée du dieu de
Bouray26. Vu de face, ce dernier présente des mèches
qui forment un bourrelet frontal qui n’est pas très dif-
férent des figurations de Senlis27, de Garancières-en-
Beauce, de Wange, de Genainville28 ou encore de
Bernouville. Or cette coiffure est pour F. Braemer la
copie de celle de Claude, ce qui lui fournit un indice
chronologique intéressant. On n’ira pas jusqu’à baser
notre datation des pièces aux mèches droites, sur cette
observation, si précieuse soit-elle. Ainsi, la coiffure en
bandeau caractérise encore la statue souvent représen-
tée de Msecké-Zehrovice29 et tant d’autres figurations
pré-romaines30 et romaines31.
Ce n’est pas à dire que la coiffure celtique com-
porte exclusivement des mèches tirées vers l’arrière.
Les têtes datées des périodes pré-romaines (monnaies,
épées anthropoïdes…) offrent aussi l’image d’une
coiffure élaborée, dont les boucles dessinent des tra-
cés courbes évocateurs de signes particuliers comme
l’esse ou le rinceau observé par exemple sur le
masque de Montsiéré du musée de Tarbes32 ou sur un
buste féminin de Lacroix-Saint-Ouen du musée des
FIG. 11. — Vendeuil-Caply, masque.
(Cliché G. Naessens, HALMA-IPEL).
Antiquités nationales33.
Cette représentation de la coiffure permet d’abor-
der le problème difficile de la datation de ces objets à
partir d’éléments stylistiques. Ajoutons que le schéma
l’utilisation pourrait être analogue à celle d’exem-
de construction de la petite pièce de Blicquy, caracté-
plaires de plus grandes dimensions23. Il trouve aussi
ristique de l’imago clipeata, comporte un dessin en
plusieurs points de comparaison dans les découvertes

godrons (que l’on devine aussi à la base du visage du
anciennes. La plus proche par son agencement géné-
masque de Genainville ?). Il s’agit là d’une ornemen-
ral et peut-être par sa fonction, est sans doute la petite
tation caractéristique de certaines pièces de vaisselle
tête de Vendeuil-Caply24 ; exécuté également en
métallique exhumées des cendres de Pompéi par
bronze martelé, le visage se détache sur un fond plat
exemple34. Pour autant, ce type de médaillon se
qui a servi à la fixation si on juge par les trois (ou
retrouve aussi sur la vaisselle plus récente comme
quatre) trous constatés sur son pourtour. Un pivot est
celle sortie du sol à Chaourse (Aisne) en 1883, daté
encore en place dans la chevelure qui est ici représen-
aujourd’hui du IIIe s.35. La stratigraphie pourrait seule
tée par des mèches tirées en arrière (fig. 11).
être d’une aide précieuse. Il faut revenir ainsi sur plu-
Le type de coiffure doit retenir justement une atten- sieurs sites, celui de Blicquy, où les dépôts ne sem-
tion particulière. Il est parfois difficile de distinguer blent pas dépasser le Ier s. de notre ère, de Genainville
23. — Les pièces serties dans un support en bois (Thiant, Wange, voir 28. — MITARD 1982.
LEMAN-DELERIVE 2001) peuvent appartenir à des récipients à vocation 29. — Souvent représentée, voir en dernier lieu Celtes 2006, p. 391,
cultuelle. n° 35.
24. — Conservée au musée de Breteuil inv. D 120 : voir CANNY 1993. 30. — Plaque de Krivoklat par exemple LEMAN-DELERIVE 2001.
25. — Qu’on peut observer de façon nette par exemple sur le pendentif 31. — Citons encore les ex-voto de Chamalières et des sources de la
de Pocking (DANNHEIMER, GEBHARD 1993, p. 324), les phalères de Seine qui témoignent d’un art provincial qui n’est peut-être pas très
Manerbio sul Mella (KRUTA 1975) sur lesquelles on observera aussi le étranger à la réalisation de nos masques.
mode de réalisation des sourcils en traits obliques gravés. 32. — DUVAL 1983-84 n° 253, p. 194.
26. — BRAEMER 1969. 33. — Voir en particulier sur cette question MEGAW 2002.
27. — Pièce conservée jadis au musée de Senlis, disparue aujourd’hui. 34. — TASSINARI 1993.
Voir en dernier lieu WOIMANT 1995, p. 453. 35. — Trésors d’orfèvrerie, n° 77, p. 130.
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Commune de découverte Dimensions Technique du travail Contexte Bibliographie

du bronze
Bailleul (Orne) H. : 18,7 cm Martelé Inconnu Inédit
Bernouville (Eure) H. : 22 cm Martelé Inconnu Inédit
Beuvraignes (Somme) H. : 16,2 cm Martelé Artisanal Inédit
Blicquy 1 (Hainaut, Belgique) H. : 11,5 cm Coulé Cultuel Gillet et alii 2006
Blicquy 2 (Hainaut, Belgique) Diam. estimé : Martelé Cultuel Inédit
Garancières-en-Beauce (Eure-et-Loire) H. : 9 cm Martelé ? Ollagnier, Joly 1994
Genainville 2 (Val d’Oise) L. restituée : 13 cm Martelé Cultuel Mitard 1982 a
Genainville 3 (Val d’Oise) L. max : 5 cm Martelé Cultuel Mitard 1982 b
Lacroix-Saint-Ouen (Oise) H. : 33 c Martelé Cultuel Mitard 1982 a
Le Landin (Eure) H. conservée : 11 cm Martelé Cultuel ? Verron 1978
L’Étoile (Somme) H. : 30 cm Martelé Cultuel ? Chew 1995
Orrouy (Oise) ? ? Cultuel Woimant 1995
Senlis (Oise) H : 8, 7 cm Coulé ? Woimant 1995
Thiant (Nord) H : 4, 8 cm Coulé ? Leman-Delerive 2001
Vendeuil-Caply (Oise) H : 8, 5 cm Martelé Cultuel Canny 1993
Vieil-Evreux (Eure) H : 23,5 cm Martelé Cultuel Boucher 1988
Wange (Brabant flamand, Belgique) H. : 3,2 cm Coulé ? Leman-Delerive 2001
Tableau 1. — Récapitulatif des masques trouvés dans le Nord de la France.
encore, à propos du petit masque à collerette en aisé d’y distinguer l’image d’une divinité, de la figu-
godrons. Ce dernier provient d’une couche de colma- ration d’un dédicant. La reproduction sur un vase de
tage d’une fontaine, antérieure à un rebouchage du Sains-du-Nord (Nord) nous fournit assurément un
IIe s. et datée par des monnaies entre le début du Ier s. exemple d’imago de divinité37. Mais, s’il s’agit d’une
av. J.-C. et le milieu du IIe s. après J.-C. Si on s’appuie expression religieuse dont les premières manifesta-
sur ces deux exemples, une première catégorie de tions se placent au début de l’époque romaine, on ne
petits masques pourrait se placer dans le cours du Ier s. peut pour autant y trouver le prolongement d’une
ap. J.-C. En s’appuyant sur les comparaisons stylis- habitude celtique. Les Celtes ne représentaient pas
tiques, peut-être pourrait-on y associer le masque de leur divinité sous une forme humaine, – on rappellera

Bernouville. En revanche, la datation du grand l’hilarité de Brennos devant les statues grecques lors
masque de Blicquy, si on peut encore s’appuyer sur de l’expédition de Delphes38 –, mais s’appliquaient à
les mêmes critères pourrait être postérieure ; le travail les évoquer par des figurations allusives39. Rien de
de la coiffure, des sourcils n’évoque-t-il pas le cela n’est repérable dans nos masques de bronze
masque d’argent de Notre-Dame-d’Allençon que même si la technique de la tôle de bronze est bien
F. Baratte date du IIIe s. ? Certes, ce ne sont pas des connue des artisans celtes. Faut-il dès lors rechercher
certitudes mais des hypothèses qu’il faut retenir dans le panthéon romain ? Il est aussi difficile de devi-
aujourd’hui. De même, H. Chew datait des IIe ou IIIe s. ner des attributions (à l’exception peut-être du masque
la pièce de l’Étoile. de l’Étoile qui témoigne d’un art plus classique) car
Reste une question capitale dans l’interprétation de contrairement aux statues romaines, ces pièces ne
ces visages (tab. 1). Il faut évidemment écarter l’utili- comportent aucun signe qui permette de les identifier.
sation funéraire des grands masques en les distinguant Leur position sur des hampes de bois pourrait-elle
strictement des trouvailles de Neuvy-Pailloux (Indre) s’expliquer par une manifestation publique de proces-
ou encore d’Hellingen (grand-duché de sion40 ? Ce type de document n’est-il pas à mettre au
Luxembourg)36. Leur utilisation cultuelle n’est plus à compte des bouleversements perçus pendant le début
prouver. En revanche, il est plus difficile de préciser de l’époque romaine, lorsque héritage celtique et nou-
s’il s’agit d’ex-voto ou de statues de culte, plus mal- veautés romaines se doivent de cohabiter41 ?
36. — FERDIERE, VILLARD 1993, p. 191-194. 40. — VEYNE 1983.
37. — VAN ANDRINGA 2000. 41. — VAN ANDRINGA 2005. Je suis reconnaissante envers W. Van
38. — Diodore, XXII, 9. Andringa de m’avoir aidée dans ma quête bibliographique.
39. — KRUTA 1992.
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Wan
Wange
Wang
Wangee
Blicquy
Blicquy
icquy
quy
uyy
Thiant
L' Étoile
Vendeuil-Caply Beuvraignes
Bernouville
Le Landin
Genainville Lacroix - St - Ouen
Bailleul Vieil-Evreux Senlis Orrouy
Garancières-en
Beauce
0 50 100 km
FIG. 12. — Carte de répartition ds lieux de découverte mentionnés dans le texte. (Infographie : M. Bocquet).

Il me faut terminer par le rappel du phénomène déjà approche plus précise de la religiosité provinciale à
évoqué mais non encore expliqué, de la concentration l’époque romaine. C’est du moins ce petit apport que
géographique (fig. 12). Les découvertes de masques je voudrais offrir en hommage à Roland Delmaire.
en bronze en milieu cultuel se regroupent dans la par-
Mots-clés : masque, bronze, sanctuaire, gallo-
tie occidentale de la Gaule Belgique, depuis le
romain.
Hainaut belge jusqu’à la vallée de la Seine et le nord-
est de la Lyonnaise. Il n’est peut-être pas indifférent
non plus de citer un exemple proche, trouvé dans l’ha-
bitat de Middestum-Boerdamsterweg, mais qui
curieusement a été modelé en terre42. Sa datation au Bibliographie
Ve s. av. J.-C., non étayée d’ailleurs, ne semble pas BARATTE 1981 : BARATTE F., Le trésor d’argenterie gallo-
devoir être acceptée. On pourrait imaginer une fonc- romaine de Notre-Dame-d’Allençon (Maine-et-Loire), Paris,
1981, 88 p. (Gallia, suppl. 40).
tion semblable pour un objet réalisé avec la matière BENNDORF 1878 : BENNDORF O., Antike Gesichtshelme und
locale, la terre. Cette concentration géographique est à Sepulcralmasken, Vienne, 1878, 77 p.
souligner, elle permet assurément de souligner une BERNOUIS 1999 : BERNOUIS Ph., L’Orne, Paris 1999. (Carte
particularité régionale, et ainsi de contribuer à une archéologique de la Gaule, 61).
42. — LOUWE KOOIJMANS et alii, 2005, p. 659, fig. 29, 1 ; VERHART

2006, p. 144.
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de représentation du visage humain à la fin de l’Âge du Fer : les

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DÉCOUVERTES RÉCENTES DE MASQUES GALLO-ROMAINS EN BRONZE

DANS LE NORD DE LA GAULE

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2007/5 N° 373 | pages 117 à 129

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Découvertes récentes de masques gallo-romains en bronze

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120 GERMAINE LEMAN-DELERIVE

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assez sommaire : la bouche seule semble modelée ; on

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122 GERMAINE LEMAN-DELERIVE

FIG. 3. — Blicquy, petit masque. (Cliché Nathalie Cleeren).

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15. — Inv. D 90-9-24. Je remercie particulièrement T. Ben Redjeb de

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rivets d’attache d’une pièce antérieure comme on peut

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FIG. 7. — Beuvraignes, masque. (Amiens, musée de Picardie. Cliché Irwin Leullier).

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FIG. 10. — Forêt de Brotonne, masque.

FIG. 8. — Vieil-Evreux, masque. (Cliché J.-P. Godais,

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126 GERMAINE LEMAN-DELERIVE

dans ces représentations frustres s’il s’agit de mèches

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Commune de découverte Dimensions Technique du travail Contexte Bibliographie

Tableau 1. — Récapitulatif des masques trouvés dans le Nord de la France.

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42. — LOUWE KOOIJMANS et alii, 2005, p. 659, fig. 29, 1 ; VERHART

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