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1 Rendons-nous compte de la logique qu'il y a dans cette forme de compensation : elle est

2 assez étrange. Voici en quoi consiste l'équivalence: au lieu et place d'un avantage, qui compense
3 directement le dommage causé (donc au lieu d'une compensation en argent, en bien-fonds, en
4 possession d'une chose quelconque), il est accordé au créancier une sorte de satisfaction en
5 manière de remboursement et de compensation, - la satisfaction d'exercer, en toute sécurité, sa
6 puissance sur un être réduit à l'impuissance, la volupté « de faire le mal pour le plaisir de le faire
7 », la jouissance de tyranniser ; et cette jouissance est d'autant plus vive que le rang du créancier
8 sur l'échelle sociale est plus bas, que sa condition est plus humble, car alors le morceau lui paraîtra
9 plus savoureux ct lui donnera l'avant-goût d'un rang social plus élevé. Grâce au châtiment infligé
10 au débiteur, le créancier prend part au droit des maîtres : il finit enfin, lui aussi, par goûter le
11 sentiment ennoblissant de pouvoir mépriser ou maltraiter un être comme quelque chose qui est «
12 au-dessous de lui » - ou, du moins dans le cas où le vrai pouvoir exécutif et l'application de la
13 peine ont déjà été délégués à 1’ « autorité », de voir du moins mépriser et maltraiter cet être. La
14 compensation consiste donc en une assignation et un droit à la cruauté.
Nietzsche, Généalogie de la morale (1887), II, 55.

Explication de texte
(Situation) on se trouve au paragraphe 5 du chapitre II de la généalogie de la morale de
Nietzsche publié en 1887. (Thème) Le texte traitre de la question de la punition dans le
domaine judiciaire sous la forme de compensation. (Question philosophique) La
question à laquelle Nietzsche tente d répondre est la suivante : la compensation
judiciaire (punition) est-elle différente de la vengeance malgré le cadre judiciaire qui le
décide, et l’inflige ? (Problème) C’est alors de deux choses l’une : ou bien la vengeance
se distingue de la subjectivité par l’objectivité qui la décide (c’est le juge qui puni).
Dans ce cas le châtiment ne cherche pas tant à réparer le dommage causer au sujet (la
victime) que celui infliger à la loi (l’universel). Autrement dit la vengeance est
personnel, et le châtiment est impersonnel et objectif. Ou bien au contraire le
châtiment et toujours destinée à compenser la victime dans son intérêt particulier.
(Thèse) C’est ce que soutien Nietzsche ici. Pour lui, le châtiment à un but particulier et
non universel : il offre à la victime trois chose, d’abord une compensation affective
(celle de voir l’autre souffrir), ensuite une sécurité qui met la victime à l’abri du
criminel derrière la légalité et enfin une inversion du rapport de force entre supérieur
(celui qui inflige le dommage) et inférieur (celui qui le subi), puisque la loi affaiblie le
supérieur en le considèrent comme coupable et en le châtiant. La loi apparait ainsi
comme une forme de ruse, qui transforme le rapport entre inférieur et supérieur, à
l’avantage du premier.
(Plan) I. Le châtiment comme compensation affective (l.1-7)
1. Compensation matériel et compensation affective (l.1-5)
2. (l.5-7)
II. (l.7- 14)
1. (l.7-)
2. (l.-14)
Le texte commence par l’énonciation du caractère « étrange » (l.2) de la
punition dans le cadre judiciaire. L’étrangeté est d’autant plus grande que la
compensation obéie a une logique : normalement ce qui est logique n’est pas étrange et
même s’oppose à ce qui est étrange. Ce qui est étrange au première abord c’est le
choix que fait Nietzche de parler de la punition ou du châtiment en termes de
« compensation » (l.1). En effet, la compensation ne fais pas directement référence au
domaine de la loi (légale/illégale), de la justice (juste/injuste), ou de la morale
(bien/mal). Or ici il est question de ce que subit un coupable (un châtiment) à la suite
d’un acte commis, et on s’attendrais ainsi a ce que cette compensation (blâme, intérêt
généraux, prison) soit comprise comme réparation du droit et de la morale. Or
« l’ équivalence » (l.2) présente dans la compensation n’est pas seulement le
rétablissement du droit (le hors la loi remis dans la loi). Elle devrait apparemment
selon Nietzsche correspondre en une équivalence économique, « argent, bien fonds,
possession d’une chose quelconque » (l.3-4), qui prend la forme d’un « avantage ». La
suite explique ce point de vue : ce que le coupable enfreint par rapport a la victime en
lui causant du dommage, ce n’est ni la loi ni la morale mais un rapport psychologique
et pulsionnel qui prend la forme de la « satisfaction » (l.4) : à la satisfaction que
procure le dommage à celui qui le commet, de succéder la satisfaction à celui qui à
subit le dommage et en ce sens le 1er est un « débiteur » et le 2ème un « créancier » (l.4).
Le châtiment est donc le paiement d’un dette, par « satisfaction » du créancier : il se
rapproche alors de la vengeance, qui est aussi l’acte par lequel on fais payer celui qui a
causer du tort. Quel type de satisfaction ? c’est ce que Nietzsche montre dans la suite.
Il s’agit d’une satisfaction sadique qui se rapporte au plaisir d’avoir du pouvoir
sur autrui, et de l’application douloureuse sur le corps et l’âme du criminel de la
volonté de la victime. Autrement dit il s’agit d’un retournement de situation, d’une
inversion du premier moment (où le dommage a été subis) puisque la « puissance »
(l.5) à changé de camps. Le châtiments s’inscrit donc bien en réalité dans le cadre de la
vengeance, mais il n’est pas une simple vengeance car il prend la forme de la ruse pour
parvenir à ses fins : la vengeance se sert ici de la loi.

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