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Pour un Nouveau Roman

Alain Robbe-Grillet

I. A quoi servent les théories ?

→ Regrette que la critique ne soit pas ouverte, portée sur une vision balzacienne du roman qui peine
à évoluer. On admire les gens qui écrivent « Comme Stendhal », or ce n'est pas possible et ridicule,
les temps ont changé et ont besoin de changer. « Personne n'aurait l'idée de louer un musicien pour
avoir fait du Beethoven. » → But : Montrer que l'histoire du roman s'inscrit dans une évolution.
→ Les critiques supportent mal que l'artiste s'explique. « Ils voient une antinomie entre création et
conscience. »
→ Pas question d'appliquer une théorie. Le livre créé ses propres règles de lecture.
→ Le roman est un genre compliqué, il ne faut pas s'arrêter à ses apparences. « Si l'auteur avait eu
la faculté d'en fournir une définition simple, ou de ramener ses deux ou trois cents pages à quelque
langage clair, il n'aurait pas éprouvé le besoin d'écrire un livre. »
→ Où va le roman ? Personne n'a de certitudes, son avenir doit toujours se construire.

II. Une voie pour un roman futur. (1956)

→ Le « bon roman » est malheureusement resté le roman balzacien pour les critiques.
→ Pas étonnant, les mœurs n'ont pas beaucoup évolué, le langage non plus. Il y a du ridicule dans le
« Maintenant, les choses vont changer. » Mais en restant statique, le roman semble mourir.
« Pourquoi écrire ce qui a déjà été écrit ? »
→ Les normes du passé servent à mesurer le présent. « le nouveau-né est toujours vu comme un
monstre. »
→ Or le monde est, tout simplement, et la littérature est loin d'en avoir fait le tour. Présence d'objets
qui s'imposent dans une réalité brute. Il faudrait construire un monde plus immédiat. Les choses
sont là avant d'être quelque chose. Remise en cause de l'interprétation systématique du monde.
« Tyrannie des significations. »
→ Un monde comme roman policier. Des indices, des apparences, puis se met à foisonner de
significations diverses qu'il faut trier. Le possible Nouveau Roman ne cherche pas la clarté.
Nouvelle vision du monde.
→ Appel à une révolution littéraire comme l'a été le roman de Balzac, de Flaubert etc.

III. Sur quelques notions périmées.

Glossaire ironique du vocabulaire de la critique « traditionnelle » qui utilise des mots qui ont perdu
leur sens. Attention, il faut y voir l'envers de la vision de A. G-B sur le Nouveau Roman, il dénonce
précisément un usage insignifiant des termes qui ne se sont pas actualisés. Il faut au contraire
« placer des pétards sous les fauteuils de l'Académie » pour faire exploser ce glossaire.
→ Le personnage : Le « vrai » romancier selon les critiques créent un personnage. C'est tout le
contraire d'un « il » quelconque et anonyme. Un monde lui est rattaché (histoire, famille, identité,
caractère...) Il le faudrait irremplaçable. Or, cette conception a des limites : L'identité du
protagoniste de la Nausée, de l'Etranger de Camus ne transcende plus les romans. Le château,
Kafka → Le personnage s'appelle « K. » Notre monde a renoncé à le toute-puissance de la
personne.
→ L'histoire : Un « vrai » romancier selon les critiques créé une histoire. Le jugement critique
vient alors de la cohérence de l'intrigue, de ses rebondissements, de son schéma narratif... « Ainsi le
fond du roman ne serait que l'histoire qu'il raconte. » L'histoire doit être naturelle. Il faut une
logique des choses universelle et juste. Or aujourd'hui, raconter semble devenir impossible. Flaubert
a effondré le système balzacien. Désagrégation de l'intrigue Balzac → Flaubert → Proust →
Faulkner → Beckett. Bouleversement des chronologies.
→ L'engagement : Raconter pour distraire est futile, raconter pour faire croire est suspect, alors on
raconte pour enseigner. Or, ça ne convainc plus personne. Mais certaine tentation. On voit dans
l'histoire de la littérature un fort lien litté-société → Racine-Aristocratie, Balzac-Bourgeoisie...
Mais on ne peut rester prisonnier d'un ancien système. L'art ne peut être réduit à un moyen pour
servir une cause. Alors « l'instant de création ne peut que le ramener aux seuls problèmes de son art.
» Vis à vis de la politique, il paraitra toujours en retrait, inutile, si l'art reste en temps qu'art. Trop de
confusions entre l'art et le socialisme. Il faut maintenant cesser de craindre « L'art pour l'art »
comme le pire des maux, même si tout n'était pas condamnable dans ce « réalisme socialiste ». « La
littérature expose simplement la situation de l'homme et de l'univers avec lequel il est aux prises. »
La littérature morale et politique de Sartre est une utopie. « L'engagement est pour l'écrivain la
pleine conscience des problèmes actuels de son langage. »
→ La forme et le contenu : Accord commun de la critique socialiste et bourgeois sur ce point. Peur
d'un soucis trop marqué de la forme. « Ce vieux bateau crevé, l'opposition scolaire de la forme et du
fond n'a-t-il pas encore pas naufrage ? » Ils veulent réduire le roman à une signification qui lui est
extérieur. La forme offre un fond. « Changer la forme de l'Etranger et tout l'univers de Camus
tombe. » Parler du contenu d'un roman comme d'une chose indépendante de sa forme, c'est rayer le
genre entier du domaine de l'art.

IV. Nature, humanisme, tragédie.

V. Eléments d'une anthologie moderne .

VI. Nouveau roman, homme nouveau.

→ En réponse aux idées reçues absurdes élaborées par les critiques littéraires.

1. Le Nouveau Roman n'est pas une théorie, c'est une recherche.


Il n'a codifié aucune loi, ce n'est pas une école littéraire. Les formes vivent et meurent, il
faut continuellement les renouveler, c'est simplement l'expression de ce renouveau.
2. Le Nouveau Roman ne fait que poursuivre une évolution constante du genre romanesque.
L'évolution n'a en fait jamais cessé de croitre depuis Balzac qui en a donné une des
premières impulsions. Il ne s'agit pas de faire mieux (ce qui n'aurait aucun sens), mais de
placer à leur suite, maintenant, à notre heure. Le Nouveau Roman aura permis la prise de
conscience d'une évolution du roman déjà bien entamée.
3. Le Nouveau Roman ne s'intéresse qu'à l'homme et à sa situation dans le monde.
Il n'y a pas de « personnage » au sens traditionnel, mais ce n'est pas pour autant que
l'homme est hors de ses préoccupations. Au contraire, « l'homme y est présent à chaque
page, chaque ligne, chaque mot. » Il y a beaucoup d'objets, de choses, dans ce Nouveau
Roman, il n'est pas simpliste.
4. Le Nouveau Roman ne vise qu'à une subjectivité totale.
Le personnage est au centre du roman, plus que chez Balzac même car il est souvent
narrateur et plongé dans le même espace de la fiction que les autres personnages. La
narration n'est plus un acte divin, mais un acte humain.
5. Le Nouveau Roman s'adresse à tous les hommes de bonne foi.
Notre propre mémoire n'est pas même chronologique. Le nouveau roman est alors réaliste.
Il colle à la quotidienneté jusque dans le langage. On ne peut plus lui appliquer des grilles
d’interprétation périmées.
6. Le Nouveau Roman ne pose pas de significations toutes faites.
Les personnages balzaciens étaient rassurants, ils appartenaient à un monde dont ils étaient
maîtres. La signification du monde n'est aujourd'hui plus que partielle, contestée, parfois
contradictoire. Le Nouveau Roman est alors une recherche sur ses propres significations
en temps que reflet du monde.
7. Le seul engagement possible pour l'écrivain est la littérature.
Le Nouveau Roman n'a pas une cause politique définie. Suppose peut-être des
significations politiques et sociales inconnues mais affirme ne jamais rien connaître
d'avance.

VII. Temps et description dans le récit d'aujourd'hui .

→ Le critique est dans une situation paradoxale. Il doit juger les œuvres contemporaines en se
servant de critères passés. La seule façon de dépasser cette école est d'extrapoler en imaginant le
roman de demain.
→ La description n'est pas absente du Nouveau Roman, elle perd sa fonction, elle est plus
contemplative. « Faire voir. » Les descriptions perdaient déjà de l'importance, perçues comme
alourdissant le texte. Elles ne doivent pas empêcher le monde d'être mouvant. L'intérêt de la
description est alors dans son mouvement, plus dans son état statique.
→ Déroulement temporel chamboulé. « Structures mentales privées de temps. » Une
reconstitution d'une chronologie intérieure aboutirait à des contradictions. Avant le temps réalisait le
devenir, il y avait quelque chose de satisfaisant dans un destin, même tragique. Demande
maintenant d'apprendre à inventer, recréer sa propre vie. Appel à une herméneutique plus libre.

VIII. Du réalisme à la réalité.

→ Tous les écrivains pensent être réalistes. Il faut leur faire confiance à tous. Ils ne s'entendent pas
et ont tous raison. Chacun parle du monde tel qu'il le voit, dans son époque, son milieu, personne
ne le voit de la même façon. En revanche, on peut distinguer des courants d'idées que l'on peut
rapprocher. Les révolutions littéraires se sont toujours faites au nom du réalisme. Il ne s'agit pas de
faire mieux mais d'avancer vers des voies inexplorées. Comme sur une carte.
→ Monde change, bouleversements dans notre connaissance, notre rapport à lui. Il est normal que
le réalisme change avec lui. Exprimer la réalité sur son époque. L'écriture romanesque ne se
donne pas pour objectif d'informer, mai de constituer la réalité. Dans ce réalisme nouveau, on ne
recherche plus le petit détail qui « fait vrai », mais plutôt celui qui « fait faux » pour que ça « fasse
vrai ». Le monde de Kafka, beaucoup d'éléments « font faux », pourtant il est empreint de réalisme.
→ Interminable recréation du monde de demain.

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