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Exercice : Commentez l’arrêt CJUE, 21 janv. 2020, Banco de Santander, aff. C-274/14.
Dans son arrêt de principe Banco de Santander, rendu en grande chambre le 21 janvier
2020, la Cour de justice de l’Union européenne précise la notion d’indépendance inhérente à
celle de « juridiction nationale », au sens de l’article 267 du TFUE.
Ainsi, la Banco de Santander a introduit une réclamation contre cet avis devant le Tribunal
Económico-Administrativo Central d’Espagne. Ce dernier a sursoit à statuer afin de saisir, par
décision du 2 avril 2014, la Cour de Justice de l’Union européenne pour une demande de
décision préjudicielle. Cette demande porte premièrement sur l’interprétation de la décision
2011/5/CE, ainsi que sur la validité de deux décisions de la Commission, une de 2013, et une
de 2014 relatives à une aide d'État.
Ainsi, comme le rappelle la Cour dans cet arrêt, cette notion doit être appréhendée seulement
à partir du droit de l’Union et uniquement par la Cour de Justice, puisque cette dernière
demeure la seule à contrôler cette qualification étant donné qu’elle en a défini elle-même les
contours (arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C-64/16).
Effectivement, elle a envisagé pour la première fois cette notion dans son arrêt de principe
Vaassen Göbbels du 30 juin 1996, 61/65. Ce dernier permet à la Cour de s’appuyer sur un
faisceau d’indices défini plus explicitement par l’arrêt Dorsch Consult du 17 septembre 1997.
Ainsi, la Cour se base sur l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère
obligatoire de la juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application des règles
de droit, et enfin, son indépendance.
En l’espèce, concernant le TEAC seul le critère d’indépendance constituait un doute.
Néanmoins, il se trouve qu’il incarne le critère prépondérant dans la qualification de
« juridiction ». La Cour définit même l’indépendance comme « essentielle au bon
fonctionnement du système de coopération judiciaire qu’incarne le mécanisme de renvoi
préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE ». Effectivement dans sa jurisprudence classique, la Cour
expose avec clarté l’indépendance des juges nationaux comme une garantie corrélée au
principe de protection juridictionnelle effective et à l’État de droit.
En outre, la Cour rappelle que l’indépendance doit également être caractérisée par
l’inamovibilité des membres de l’instance concernée. Pour ce faire, elle mentionne son arrêt
Wilson du 19 septembre 2006, C-506/04, qui précise que, « cette indispensable liberté à
l’égard de tels éléments extérieurs exige certaines garanties propres à protéger la personne de
ceux qui ont pour tâche de juger, telles que l’inamovibilité ». Une instance ne peut être
considérée comme indépendante dès lors que, les juges qui la composent subissent des
changements arbitraires de poste par un pouvoir exécutif qui serait insatisfait des jugements
rendus comme l’a précisée la Cour dans son arrêt du 24 juin 2019, Commission contre Pologne,
C-619/18.
Enfin, la Cour précise que le tribunal doit être impartial. Il doit donc disposer de la qualité de
tiers « par rapport à l’autorité qui a adopté la décision frappée de recours ». Pour qu’un
justiciable ait droit à un procès équitable promis par le droit de l’Union, il est nécessaire que
le juge, garant des droits et libertés, traite les parties de manière égalitaire et sans opinion
préconçue.
En l’espèce, les membres du TEAC sont nommés par décret royal pris en Conseil des ministres,
sur proposition du ministre de l’Économie et des finances de l’Espagne. Ce dernier nomme
également les membres des TEA régionaux. Dans les deux cas, les magistrats peuvent être
révoqués par ce même ministre. Il y a donc un lien indéniable entre le pouvoir exécutif et le
pouvoir judiciaire venant compromettre l’inamovibilité et l’autonomie des instances. De plus,
les caractéristiques de la procédure du recours extraordinaires émettent un doute sur la
qualité de tiers du TEAC. Effectivement, lorsque le directeur général des impôts du ministère
de l’Économie et des Finances est en désaccord avec le contenu d’une décision, il peut
effectuer un recours extraordinaire pour l’unification de la doctrine. La Cour, qui est plus
stricte dans son appréciation, considère donc que le TEAC ne remplit pas le critère
d’indépendance. Il s’agit d’un revirement de jurisprudence quant à l’arrêt Gabalfrisa, mais qui
avait déjà été entamé dans son arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C-64/16.
Ainsi, cette évolution jurisprudentielle se constitue par un examen plus rigoureux du critère
d’indépendance, autant dans son aspect d’ordre d’interne que dans son aspect d’ordre
externe. Néanmoins, cette uniformisation de la notion d’ « indépendance » des juridictions,
au sens de l’article 267 TFUE, peut se montrer menaçante en rejetant du mécanisme de renvoi
préjudiciel des instances d’État membre « illibéral ».
L’arrêt Banco rendu en grande chambre se pose en tant que véritable arrêt de principe.
Effectivement, la Cour a uniformisé, au sein de l’ordre juridique de l’Union, la notion de
« d’indépendance » en la rattachant à celle de « juridiction », propre à l‘article 267 TFUE. Cette
décision répond à la jurisprudence abondante relative à l’article 19 TUE initié par l’arrêt
Associação Sindical dos Juízes Portugueses en y posant un cadre plus général. Ainsi, cette
uniformisation de la notion de « juridiction » s’applique indépendamment de la manière dont
la notion est appréhendée par la Cour, donc qu’il s’agisse de l’article 19 TUE, de l’article 47 de
la Charte des droits fondamentaux, ou encore de l‘article 267 TFUE comme c’est le cas en
l’espèce.
Bien que l’uniformisation de cette notion fondamentale semble être un outil permettant
l’effectivité du droit de l’Union, elle peut également être considérée comme un danger pour
les membres de l’Union et pour l’Union elle-même. Effectivement, l’exigence de procéder à
un examen strict des conditions de l’ordre interne et externe de l’« indépendance » fait courir
le risque à la Cour d’empêcher son accès à des juridictions qui en auraient besoin en raison
justement de cette privation d’indépendance. Cette privation de l’indépendance du pouvoir
judiciaire est généralement à l’origine d’un pouvoir exécutif ou législatif qui ne souhaite pas
voir ses actions contrôlées par la Cour de Justice de l’Union européenne. L’inaccessibilité par
son instance à la Cour de Justice lui serait donc bénéfique puisque cette dernière ne pourrait,
techniquement, rien lui reprocher. Ainsi, dans une telle situation l’uniformisation de la notion
« d’indépendance » et de « juridiction » reviendrait donc à exclure du mécanisme de renvoi
préjudiciel les instances devant exercer dans un État membre qui a donc manqué à son devoir
de protection juridictionnelle effective assuré par l’article 19§1 TUE.
Afin d’éviter ce problème considérable, il existe l’éventualité pour la Cour de s’appuyer sur
son arrêt Broekmeulen de 1981, C-246/80. Effectivement, on peut déduire à partir de cet arrêt
que, lorsqu’une instance d’un État membre est saisie d’un litige concernant des droits
conférés par le droit de l’Union et que toutes les voies de recours effectives sont épuisés, alors
cet organe doit être vu comme une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE. Cette méthode
suivrait parfaitement le cadre constitutionnel débuté par l’arrêt Associação Sindical dos Juízes
Portugueses et la valeur fondamentale de l’État de droit que promeut l’Union européenne.