Vous êtes sur la page 1sur 10

Exposé “Les trois sourires de Miss France”

Introduction :

Ad. Nous allons étudier dans cet exposé le texte des “Trois sourires de Miss France”,
de Frédéric Lambert, dans lequel il décrypte les enjeux de la photographie de presse et
de la mythographie.

Frédéric Lambert est un docteur en histoire et sémiologie du texte et de l'image né en


1957. Il est enseignant-chercheur en sciences de l'information et de la communication
à L'IFP (Institut français de presse). Il s'intéresse dans ses travaux à la portée des
photographies de presse dans le rapport du public aux médias et sur le langage des
médias et leurs images.

Dans ce texte issu de sa thèse intitulée “Mythographies, la photo de presse et ses


légendes” publiée en 1986, il s’attarde sur le principe de la mythographie au sein de la
photographie de presse en prenant pour exemple le cas de Miss France et des
symboles et allégories qu’elle renvoie, ainsi que celle d’une photo de famille avec des
triplés qui illustre des codes familiaux et sociaux, et une autre photo de famille sur les
Champs-Elysées, dans laquelle des valeurs de la société française ressorte.

Ainsi, cela nous pousse à nous demander comment les conventions sociales sont
concomitantes des normes de représentations graphiques ?

Nous nous attarderons sur la photographie de presse et la mythographie, puis sur le


concept de mythographie dans un cadre médiatique, et nous terminerons par des
formes actuelles de mythographies.

Première partie :
Photographie de presse :
Dans l’extrait qui est proposé à notre étude, Frédéric Lambert s'intéresse aux
photographies de presse dans les unes quotidiennes qui couvrent l’actualité.

L’ambition première d’une image de presse est de nous apprendre un fait que nous
ignorions, et pour cela de représenter la réalité le plus fidèlement possible comme si
on y était, c’est « l’information par image ».
D’emblée, il nous révèle que ces images que l’on croit neutres, uniquement destinés à
illustrer ce dont parle un article, ne sont pas objectives et sont en réalité construites
suivant des codes, ce qu’il appelle une « mise en scène », qu’il va expliciter dans le
reste de son propos.

En effet, selon lui, lorsqu’on voit une image pour la première fois, c’est le seul
moment où on va l’appréhender sans être assaillis par sa mise en scène destinée à
produire un effet sur nous, il dit d’ailleurs, « Ce moment privilégié où nous
découvrons l’image est « trahi » par l’analyse d’un langage ».

La photographie de presse est inscrite dans la réalité, elle se doit d’être sensationnelle
car sinon elle perdrait de son utilité et tomberait dans une redondance, c’est pour cela
qu’elle « s’inscrit parfaitement dans une écriture événementielle ».

Justement parce que la photographie de presse doit garder un caractère sensationnel, il


obéit à certains codes qui sont faits pour passer inaperçus, caractéristique que Lambert
qualifie de « vice », « maladie » ou encore de « malformation honteuse ».

Mythographie :

L’ensemble de ces codes a un nom : Il s’agit de la mythographie

La mythographie, terme emprunté à André Leroi-Gourhan est définie par Lambert


comme « toute production de signe qui par le biais de l’image et du graphisme
inscrirait les mythes d’une société » ou « langage symbolique restreint, que
l’imagerie de presse répète inlassablement pour préserver et conserver une
pensée collective »

C'est-à-dire que la photographie de presse, grâce à des signes intégrés en elle, est
vectrices et productrices des mythes dans notre société.

D’ailleurs, selon la définition de Torodov, que l’auteur cite, « la mythographie est un


système », un ensemble de signes qui donne une dimension symbolique à l’image.

La particularité de la photographie de presse réside alors, dans le fait qu’elle intègre


ces mythes de façon implicite. Lors d’une première lecture de l’image, on ne les
remarquent pas, comme le dit Lambert. « les photographies de presse excluent une
lecture directe : il nous faut les interpréter ».

C’est pour cela que l’auteur les qualifie de « vice », leur ressemblance avec le réel
n’est qu’illusoire puisque ces photographies ne sont finalement que des mises en
scènes.

Comme vous l’aurez compris, la myhographie a pour but de donner un caractère


sensationnel à l’image de presse, pourtant l’auteur nous dit qu’en réalité elle crée une
répétition puisque pour garantir l’effet exceptionnel d’une image les codes utilisés
sont similaires.

Informer par l’image devient alors, « répéter les mythes d’une société » et pas
seulement apprendre au lecteur un fait qu’il ignorait grâce à l’image.

La photographie de presse au-delà de sa dimension analogique avec le réel, n’est pas


objective, il faut l’analyser grâce à ce que Lambert appelle « notre mémoire iconique
collective », c’est-à-dire notre réserve de signes.

Mythe :

Mais c’est quoi un mythe ?

Pour définir ce terme, notre auteur reprend la définition de l’anthropologue Claude


Lévi-Strauss et du sociologue Roland Barthes (dans « Mythologies »), le mythe c’est «
le message d’une dramaturgie sociale », définition renoue donc avec l’idée de mise
en scène que nous avons vu précédemment .

Un mythe c’est une construction sociale, portée par une tradition, en fonction des
valeurs fondamentales de celle-ci, elle est le résultat d’une quête de cohésion.

C’est un ensemble de codes construits par notre mémoire commune ou bagage


intellectuel, qui sont finalement le reflet de l’une société et son histoire, puisque celle-
ci les perpétue.

Le mythe n’est pas donc pas quelque chose de naturel, mais un produit de la société,
ce n’est pas une représentation de la réalité telle qu’elle.

Ces mythes créés par nous mêmes, étant répétés dans les photographies de presse,
nous poussent à perpétuer ces mythes créant ainsi une sorte de boucle, parce ces
mythes déterminent notre société.

Pour résumer, les mythes insufflent implicitement des messages et des symboles aux
photographies de presse ce qui fait que celles-ci ne sont plus des représentations
objectives de la réalité.

Symbole :

D’ailleurs, en parlant de symboles, Lambert définit ce terme comme la «


concrétisation, par la représentation du réel, d’un concept ou d’une idée autour
desquels les membres d’une société vont se reconnaître ».

Symboliser est même une « manière de vivre ensemble » selon Jean Chevalier que
l’auteur cite.

La photographie de presse propage des symboles ce qui lui donne une dimension
symbolique, ceci permet aux individus de former une communauté avec des repères
que tous possèdent grâce à une culture commune.
-----) Transition :

Nous l’avons compris, Frédéric Lambert, alerte sur les mythes véhiculés par les
photographies de presse. Le problème avec ces images, c’est qu’elles opèrent
implicitement, et ne sont pas neutres et objectives comme on pourrait le croire.

Deuxième partie : Le concept de mythographie dans un cadre médiatique

Pour simplifier, Lambert explique qu’avec les mythographies, au premier regard, nous
n’avons pas conscience des mythes véhiculés. C’est en regardant à nouveau les photographies
que nous nous mettons à les analyser.

● Pour illustrer cela, Lambert s’appuie sur plusieurs images de presses qui sont en
réalité des mythographies.
● Ces photographies de presse vont mettre en avant plusieurs éléments pour « perdre le
lecteur » . Le lecteur se retrouve alors noyé sous les informations. De ce fait, il va
alors se réfugier auprès de la logographie, près de la photographie pour recevoir les
éléments manquants. La logographie fait référence aux systèmes d’écriture. Il s’agit
donc du titre, du texte et/ou de la légende.
A) Travail, famille, patrie
Pour illustrer son propos Lambert prend l’exemple de Miss France 1980 qu’il nomme «
Travail, famille, patrie ». Ici, avec la page du magazine France-Soir, plusieurs détails nous
sautent aux yeux comme la photo familiale de la Miss, son rôle de lycéenne ou encore son
élection. Face à toutes ces informations « nous sommes perdus ». Nous pouvons alors nous
réfugier dans le titre où nous pouvons lire « Miss France a la bosse des maths ». Ce titre,
associé à l’image de la Miss vient véhiculer un message : en plus, d’être belle une femme
peut aussi être intelligente. Cela semble être le message premier, et le seul.

Toutefois en regardant à nouveau l’image, la mythographie peut commencer à apparaître. À


travers la photographie d’une Miss se trouve un message symbolique : celui du Travail, de la
famille et de la patrie.

● Pour le travail, Miss France apparaît comme une bonne élève dans sa salle de classe.
Le titre nous conforte dans cette idée..
● Quant à la famille, elle est symbolisée par la photographie en bas à gauche. À premier
abord on pourrait trouver cela futile d’avoir une photographie de sa famille, mais sa
présence souligne que la famille de la Miss est aussi, voire plus importante que son
élection. En plus d'apparaître comme une bonne élève, elle serait aussi une enfant
modèle.
● Enfin, pour la patrie, celle-ci est symbolisée lors de l’élection de la Miss, à travers
l’angle de prise de vue. La Miss France apparaît comme la nouvelle Marianne grâce à
son écharpe et son bras levé qui sont des symboles qui s’inscrivent dans une imagerie
républicaine. Cette imagerie républicaine fait également référence au tableau
d’Eugène Delacroix, La liberté guidant le peuple dont nous reparlerons à nouveau
plus tard.

Nous avons donc un mythe républicain. Alors, à travers une image qui semble au premier
abord anodine, on nous véhicule en réalité un véritable message.
B) Pyramides
Lambert passe ensuite à un autre exemple qu’il appelle « Pyramides ». Pour cela, nous
pouvons observer une photographie d’une famille composée de deux parents et de leurs six
enfants. Là encore nous sommes submergés de détails. On aperçoit des nouveaux-nés ainsi
que d’autres enfants un peu plus âgés. On ne saisit pas tout de suite ce qui est exceptionnel
dans cette photographie. On se réfugie alors à nouveau auprès des textes associés. Le titre
nous informe alors sur ce qui est marquant chez cette famille. « Elle a eu un enfant, des
jumeaux, puis des triplés … » pouvons-nous lire.
Il s’agit donc d’un événement scientifique rare mais aussi d’un « fait divers charmant ».
Dans la légende on apprend que des spécialistes considèrent cela comme « une progression
arithmétique rarissime ». L’information est donc sensationnelle.
Ainsi, à première vue, cette photographie semble factuelle, avec pour seul but de surprendre
et de divertir le lecteur. Mais il s’agit en réalité d’une mythographie, cette fois-ci familiale.
En effet, Lambert observe « une forme parfaitement pyramidale reprise en plusieurs
points ». Ces pyramides viennent véhiculer des mythes.

● La première pyramide réunit l’ensemble de la famille avec au sommet la tête du père.


Il y a donc une mise en scène dans cette cette photographie car le placement des
membres de la famille est purement réfléchi. Leurs dispositions imposent « une
représentation figée des pouvoirs et des rôles dans la famille ». Le père, au-dessus
de tous, apparaît comme celui à la tête de la famille. Par ailleurs, pour souligner cette
idée, la légende nomme la mère et les enfants par leurs prénoms, mais pas le père. Il
est le père et rien d’autre car cela suffit amplement. On comprend alors que le mythe
véhiculé est celui du père comme figure d’autorité et chef de sa famille.
● Ensuite, on observe une seconde pyramide, cette fois-ci cette pyramide est purement
féminine et elle a pour sommet la mère. On comprend alors que l’autorité de la mère
vient après celle du père. En plus de cet espace féminin, on observe à gauche un
espace masculin avec le père et son fils. Il y a donc une forme de séparation, une
différence marquée en fonction du genre.
● La mythographie « est là pour nous informer sur les normes sociales dictées par
des normes de représentations graphiques ». Les normes sociales on les comprend
à travers les pyramides. La première nous indique le rôle du père : c’est-à-dire diriger
sa famille. La seconde elle nous montre que les filles doivent rester entre elles et donc
à l’écart du pouvoir.

Ainsi, le journal France-Soir, en plus de nous informer d’un fait rare, nous rappelle ce que
doit être l’ordre familial.

C) Le mythe actualisé
Pour finir, Lambert passe à la dernière photographie : « Le mythe actualisé ». On peut y voir
une famille très nombreuse. Les enfants sont au premier plan, devant leur père. En arrière-
plan, nous pouvons observer l’Arc de Triomphe. Pour mieux comprendre le contexte, on se
réfère à nouveau à la logographie. Nous pouvons lire le titre « Le triomphe du père le plus
méritant de France ». On comprend alors qu’il s’agit d’un jeu de mots entre le père de
famille qualifié de « triomphant » pour avoir eu autant d’enfants, et le monument en arrière-
plan. On a alors l’impression que cette photographie a une dimension humoristique.

● Mais ce n’est pas vraiment le cas car la mythographie est à nouveau présente. L’Arc
de Triomphe, un monument construit pour commémorer les victoires des armées
françaises et donc la gloire du pays a une très forte symbolique. En servant d’arrière-
plan à cette famille nombreuse qui paraît unie, on comprend que ce choix n’est pas lié
au hasard.
● Le message véhiculé est que « pour être un père triomphant il faut avoir beaucoup
d’enfants qui serviront à la gloire de la France (personnifiée au second plan par
l’Arc de Triomphe) ». On déduit alors que pour servir à cette gloire, les enfants
devront intégrer les armées françaises et se battre, eux aussi pour leur pays. Et donc,
plus il y a d’enfants, plus il y a de combattants français potentiels.

C’est là que se trouve le triomphe du père. On observe donc à nouveau une mise en scène
puisque la photographie qui se veut être une information simple est en réalité vectrice d’un
mythe auquel nous devons adhérer. En l'occurrence ici, il s’agit d’un mythe patriote.

Troisième partie :
Awa
Les mythographies sont toujours d’actualité, comme le montrent ces deux unes de
journaux parues à l’occasion des commémorations pour les attentats de Charlie Hebdo
en janvier 2015.

Sur l'une du journal Le Figaro, la première chose que l’on remarque c’est l’inscription,
écrite en lettres capitales« LA FRANCE DEBOUT ».

A l'arrière-plan de celui-ci,on distingue une image prise lors d’un rassemblement de


grande ampleur d’hommage aux victimes, ayant eu lieu une semaine après les
attentats.

Sur l’image on ne distingue pas précisément des personnes ou des visages, mais plutôt
un ensemble d’individus, une agrégation, formant une masse dense et
compacte.L’inscription transposée sur l’image délivre un message implicite mais
pourtant clair.

Cette foule compacte symbolise l’union, les français face à ses attentats ne font plus
qu’un et sont un peuple solidaire.

L'inscription, elle, est une référence directe au mythe républicain, dans l’adversité, les
français se battent et puisqu’ils sont débout font preuve de dignité.

Cette une est clairement destinée à redonner espoir, après les attentats, beaucoup de
journaux et notamment le journal Le Figaro ont choisi cette ligne éditoriale, l’heure
était au deuil, comme en témoigne le logo du Figaro, en berne, mais également à la
résilience.
Cette une montre aussi l’idée selon laquelle, l’image au-delà de son lien analogique
avec le réel est aussi un moyen d’expression qui transmet des messages.

Lambert a expliqué que les mythes permettent d’unir les hommes car pour comprendre ces
mythes nous faisons appel à une mémoire commune comme nous pouvons le voir avec la
deuxième image, qui provient du magazine The Daily Telegraph.

Ici la mythographie utilise les symboles du tableau La liberté guidant le peuple d’Eugène
Delacroix. Ce tableau est inscrit dans la culture française mais bénéficie aussi d’une
reconnaissance à l’international. Ainsi, en regardant l’image, la première chose qu’on voit est
la référence à son tableau. Cette photographie s'inscrit de ce fait dans dans l’imagerie et la
symbolique républicaine.
Lambert expliquait précédemment avec l’exemple de la Miss France qu’une République était
symbolisée par une personne debout, un bras levée ou encore par un drapeau. Trois éléments
présents dans le tableau de Delacroix que nous retrouvons également ici. La une du Daily
Telegraph fait donc écho à ce tableau.

Le contexte de cette image qui survient également après les attentats de 2015, va venir
renforcer la dimension mythographique. Le titre fait également référence à la devise française
et renforce alors le sentiment d’unité. Nous comprenons ainsi que les français restent unis
dans cette épreuve.

Le mythe de cette photographie découle donc de la Révolution française et du courage dont


les français ont su faire preuve. Courage qui serait donc aujourd’hui toujours présent comme
en témoigne cette photographie.
Conclusion :

Ad. Ainsi, la photographie de presse part d'une relation analogique avec le réel, elle
transmet implicitement des messages grâce aux mythes qui sont intégrés en elle, ainsi,
les images deviennent des symboles qui unissent les hommes au sein d'une société
puisque pour saisir ces symboles ces derniers font appel à leur mémoire commune
Nous pouvons donc dire que nous sommes d’abord éblouis par les photographies et
leurs mythes. Mais en y apportant un œil nouveau, on y découvre une autre vérité, un
message qui nous était caché. À travers ces messages subliminaux on tente de nous
inculquer un modèle à suivre, et ce inconsciemment. La mythographie agit alors
comme un outil révélateur.

Vous aimerez peut-être aussi