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MÉCANIQUE DES FLUIDES INSTATIONNAIRES

L. Chatellier

Master MNM 1ère Année


2005 - 2006
2

Contenu du cours
MNM1-3 : Mécanique des fluides instationnaires (60h, 5 E.C.T.S)
MNM1-31 : Ecoulements instationnaires et instabilité (40h, 3 E.C.T.S)
- Rappel sur les équations de mécanique des fluides.
- Quelques exemples d’intégrabilité des équations de Navier-Stokes.
- Equations linéarisées des petits mouvements autour d’un écoulement établi.
- Recherche des solutions propres et des limites de stabilité.
- Mécanisme de l’instabilité.
- Dynamique des tourbillons.

MNM1-32 : Initiation à l’aéro-acoustique (20h, 2 E.C.T.S)


- Bases d’acoustique : rappels, fonctions de Green, sources multipolaires.
- Analogie aéro-acoustique de Lighthill, formulation intégrale de Curle.
- Son de tourbillon, analogie de Howe.
- Applications : écoulements turbulents subsoniques, oscillations auto-entretenues, ...
Chapitre 1

Généralités sur les écoulements de


fluides

1.1 Notion de fluide


Lorsque la matière se trouve à l’état solide, les molécules occupent une place bien déterminée
en se contentant d’exécuter des oscillations autour de leur position moyenne. L’attraction des
molécules entre elles est considérable.
Lorsque la matière se trouve à l’état gazeux, les molécules sont dans un état d’agitation conti-
nuelle. Au cours de leur mouvement, les molécules se heurtent mutuellement. Entre deux chocs
successifs, une molécule décrit une trajectoire en ligne droite et la distance correspondante est ap-
pelée libre parcours moyen. Bien que les molécules soient certainement loin d’être sphériques, on
considère une sphère dite de protection autour du centre de chaque molécule. On admet qu’aucune
autre molécule ne pourra jamais pénétrer dans la sphère de protection. Chaque gaz présente ses
propres valeurs du libre parcours moyen, du diamètre de la sphère de protection et du nombre de
chocs entre molécules par seconde en fonction des conditions de température et de pression.
Dans un liquide, les molécules sont également très rapprochées mais, par contre, elles sont
libres de se déplacer. A la différence des gaz, la notion de libre parcours moyen n’existe pas dans
les liquides, et on ne peut présenter les liquides comme des gaz à forte cohésion, ni comme des
solides dont la structure serait désorganisée. Il est par exemple établi que le verre est un liquide à
viscosité très grande.
Les liquides sont caractérisés par une masse volumique relativement importante et sont prati-
quement incompressibles, à l’inverse des gaz. Les liquides et les gaz ont des propriétés communes
et constituent ce que l’on désigne plus généralement par fluide.

1.1.1 Fluide parfait


Dans le cas de solides réels, traités par la théorie de l’élasticité, les contraintes sont liées aux
déformations par des relations linéaires. Dans les fluides, au contraire, les contraintes tangentielles
dépendent de la vitesse à laquelle la déformation s’est effectuée et, en conséquence, sont nulles
dans un fluide au repos.
Dans la mesure où la limite d’élasticité n’a pas été dépassée un solide reprend sa forme initiale
lorsque l’on cesse de lui exercer des efforts. Les fluides n’ont pas cette mémoire et tendent à occuper
le volume qui leur est offert.
Par contre, la forme du tenseur des contraintes est identique pour les solides et les fluides. On
peut le décomposer en un tenseur diagonal, isotrope, contenant uniquement le terme de pression
au point considéré, additionné d’un tenseur dit de viscosité. Lorsque ce tenseur de viscosité est
nul, soit quand les contraintes tangentielles sont nulles et que les contraintes normales équilibrent
la pression, on dit que le fluide est parfait.

3
4 CHAPITRE 1. GÉNÉRALITÉS SUR LES ÉCOULEMENTS DE FLUIDES

Dit plus simplement, un fluide parfait subit uniquement les forces de pressions, normales, et
ne subit aucune force liée au cisaillement.

1.1.2 Fluide réel newtonien


Contrairement au fluide parfait, un fluide réel est sensible aux contraintes tangentielles, on
parle alors de fluide visqueux. On distingue fluides dits newtoniens et fluides non newtoniens.
On définit comme fluide newtonien tout fluide pour lequel le tenseur des contraintes est en
dépendance linéaire avec le tenseur des taux de déformations et le gradient de température.
Pour les fluides non newtoniens, des lois plus complexes régissent la dépendance entre contraintes
et déformations. Toutefois certains fluides non newtoniens sont relativement bien identifiés et étu-
diés, comme les fluides dilatants, ou pseudoplastiques. Pour d’autre, comme les matériaux thixo-
tropes, les déformations dépendent de la manière dont les contraintes sont appliqués dans le temps,
car certaines modifications microscopiques ne sont pas instantanées.

1.1.3 Viscosité
Pour un fluide newtonien en écoulement unidirectionnel, la contrainte tangentielle au point
observé est proportionnelle au gradient de vitesse local selon toute direction normale au mouvement
du fluide (on s’intéresse donc ici de nouveau aux contraintes tangentielles) :
∂U
τ =µ ,
∂n
µ est appelé coefficient de viscosité dynamique et s’exprime en [Pa · s] ; une ancienne unité est
le Poise [P] ; 1 P = 0,1 Pa.s. Dans les liquides, µ diminue lorsque la température augmente, et
inversement pour les gaz.
On définit le coefficient de viscosité cinématique ν par
µ
ν= ,
ρ
ou ρ est la masse volumique du fluide. Ce coefficient s’exprime en [m2· s-1], et anciennement en
stokes [St] ; 1 St= 10−4 m2 s−1 .

1.1.4 Ecoulements laminaires et turbulents


Les écoulements laminaires et turbulents ont été mis en évidence pour la première fois par
Reynolds. L’expérience consistait à observer le mouvement d’un fluide à l’intérieur d’un tube de
verre dans lequel on introduisait un liquide coloré. Dans cette expérience on constate qu’aux faibles
vitesses le filet coloré reste stable sur toute la longueur du tube. L’écoulement est dit laminaire.
Lorsque la vitesse augmente, le filet coloré se mélange avec le fluide initial après avoir parcouru
une certaine distance. L’écoulement devient instable et imprédictible au-delà de ce point. Il est dit
turbulent.
Le régime d’écoulement turbulent n’est pas prédictible et sa compréhension fait appel à des
notions de statistiques et d’échelles des mouvements en présence, entre autres. La modélisation
analytique de la turbulence est l’un des grands sujets de recherche en mécanique des fluides.
L’écriture adimensionnelle des équations de Navier-Stokes fait apparaître un groupement re-
marquable dans les termes liés à la viscosité : le nombre de Reynolds
VL
Re = , (1.1)
ν
où V est une vitesse représentative de l’écoulement (vitesse amont, vitesse débitante,. . . ) et L
une dimension caractéristique du domaine considéré (diamètre d’un tube, corde d’une aile,. . . ).
Le nombre de Reynolds est donc défini différemment selon le problème et compare l’importance
relative des forces d’inertie et de viscosité pour une configuration donnée.
1.2. CINÉMATIQUE DES ÉCOULEMENTS 5

Le régime d’un écoulement devient turbulent quand le nombre de Reynolds atteint une valeur
dite critique. Pour l’écoulement dans une canalisation de section circulaire, l’écoulement est la-
minaire si le nombre de Reynolds reste inférieur à 2000 (viscosité prépondérante). Au-delà de ce
nombre de Reynolds critique, les forces d’inerties ne sont plus négligeables et l’écoulement passe en
régime de transition, puis en régime turbulent. Dans l’exemple du tube, comme dans bien d’autres,
la transition à la turbulence n’est pas effective dans l’ensemble de l’écoulement. Celle-ci apparaît
à une certaine distance de l’entrée du tube, en fonction du nombre de Reynolds ainsi que de la
rugosité du tube.

1.2 Cinématique des écoulements


1.2.1 Descriptions Lagrangienne et Eulérienne du mouvement
S’il était possible d’identifier chaque particule d’un volume de fluide, on pourrait en observer le
mouvement dans l’espace en suivant sa trajectoire, tel qu’on le fait dans le cadre la mécanique du
point. Il s’agit là d’un point de vue Lagrangien, dans lequel chaque élément étudié est appréhendé
individuellement.
En mécanique des fluides, et plus généralement en mécanique des milieux continus, on utilise
un point de vue différent. On définit un domaine d’étude fixe que l’on choisit d’observer en chacun
de ses point. Il s’agit alors d’étudier les propriétés du fluide considéré en tout point en fonction du
temps. C’est le point de vue Eulérien dans lequel l’observateur reste fixe par rapport au mouve-
ments du milieu qu’il étudie. On définit alors les variables d’Euler (x1 , x2 , x3 , t) qui représentent
la position du point observé dans un repère cartésien à un instant donné.
En description Lagrangienne, les lois de comportement s’appliquent à un élément, ou à un
ensemble d’éléments bien identifiés et délimités. En description Eulérienne, on travaille à partir
de volumes et surfaces de contrôle dont les limites peuvent être fixes, en mouvement imposé, ou
évoluer en fonction du mouvement du fluide.

1.2.2 Flux et débits


Le flux élémentaire d’une fonction vectorielle f~(x1 , x2 , x3 , t) à travers une surface fixe S s’écrit :

dQ = f~.~ndS, (1.2)

où ~n est la normale à la surface, orientée conventionnelement vers l’extérieur pour les surfaces
fermées. Le flux total Q à travers S est donné par :
Z Z
Q= dQ = f~.~ndS, (1.3)
S S

~ du fluide est appelé débit. Le débit volumique est


Le flux d’une grandeur portée par la vitesse V
défini à partir de la fonction unité :
Z
Qv = ~ .~ndS,
V (1.4)
S

et le débit massique, à partir de la masse volumique ρ du fluide :


Z
Qm = ~ .~ndS.
ρV (1.5)
S

1.2.3 Dérivation particulaire


Les variables d’Euler n’étant pas attachées à une particule donnée, il n’est pas possible de
décrire directement comment évoluent les propriétés du fluide au point considéré. On utilise pour
6 CHAPITRE 1. GÉNÉRALITÉS SUR LES ÉCOULEMENTS DE FLUIDES

cela la notion de dérivée particulaire, qui permet de relier la variation temporelle d’une propriété
à sa distribution et à son transport dans l’espace.
A l’instant t, en tout point M repéré par ses coordonnées cartésiennes (x1 , x2 , x3 ), on définit
une fonction f (x1 , x2 , x3 , t) des variables d’Euler. La différentielle de f vaut :

∂f ∂f ∂f ∂f
df = dt + dx1 + dx2 dx3 ,
∂t ∂x1 ∂x2 ∂x3
ce qui s’écrit aussi :

df ∂f ~
= ~ dM ,
+ ∇f
dt ∂t dt
avec le gradient de la fonction f , également noté nabla :
 
~
~ = gradf ∂f ∂f ∂f ~ = [dx1 ; dx2 ; dx3 ] .
∇f = ; ; et dM (1.6)
∂x1 ∂x2 ∂x3

On parle de dérivée particulaire lorsque le vecteur dM ~ coïncide avec le déplacement du fluide


présent en M à l’instant t pendant la durée dt, c’est à dire quand dM ~ ≡V ~ dt, où V
~ est la vitesse
du fluide au point M à l’instant t. L’expression générale de la dérivée particulaire est alors :

df ∂f ~ .∇f,
~
= +V (1.7)
dt ∂t
où sont exprimées les variations temporelle et convective, liée au déplacement du fluide à l’inho-
mogénéité spatiale de la fonction f .
Dans le cas d’une fonction vectorielle f~(x1 , x2 , x3 , t) dont les composantes sont notées (fi )i=1,2,3 ,
l’écriture de chaque dérivée partielle scalaire donne :

df~ ∂ f~
= + ∇f~.V
~, (1.8)
dt ∂t

avec le tenseur d’ordre 2, gradient de f~


∂f1 ∂f1 ∂f1
 
∂x1 ∂x2 ∂x3

∇f~ =  ∂f2 ∂f2 ∂f2


 
. (1.9)
 ∂x1 ∂x2 ∂x3 
∂f3 ∂f3 ∂f3
∂x1 ∂x2 ∂x3

Dans le cas d’une intégrale de volume, on peut montrer (voir par ex. [?]) que si l’on considère
un volume de contrôle V(t) , de surface S(t), contenant à l’instant t un ensemble de particules
fluides, et une fonction f (x1 , x2 , x3 , t), alors :
Z Z  
d df ~ dV,
f dV = + f div V (1.10)
dt V(t) V(t) dt

avec l’opérateur divergence

~ = ∂V1 ∂V2 ∂V3


div V + + . (1.11)
∂x1 ∂x2 ∂x3

Ce résultat s’obtient en écrivant la loi de déformation du volume V(t) lorsqu’il adapte sa géométrie
au mouvement du fluide qu’il contient à l’instant t. La divergence du champ de vitesse caractérise
la vitesse de variation cubique (i.e. dilatation ou compression) par élément de volume de fluide.
L’écriture de la dérivée particulaire d’une intégrale de volume dont l’enveloppe se déforme en
accord avec le mouvement du fluide peut donc être transformée en une intégrale sur un volume
1.2. CINÉMATIQUE DES ÉCOULEMENTS 7

fixe, moyennant l’utilisation d’un terme caractérisant les variations de volume du fluide. On écrit
alors cette même intégrale sur le volume de contrôle V fixe dans le temps :
Z Z  
d df ~
f dV = + f div V dV, (1.12)
dt V V dt

L’écriture de la dérivée particulaire donne


Z Z  
d ∂f ~
f dV = + div(f V ) dV, (1.13)
dt V V ∂t

car

V ~
~ .gradf ~ = div(f V
+ f div V ~ ). (1.14)

Le théorème d’Ostrogradski indique que ceci peut également s’écrire :


Z Z Z
d ∂f ~ .~ndS.
f dV = dV + fV (1.15)
dt V V ∂t S

1.2.4 Lignes et surfaces remarquables


Trajectoire

Une trajectoire est la courbe décrite par une même particule au cours du temps. Si on repère
la particule par un vecteur ~r, l’équation de sa trajectoire est simplement donnée par sa vitesse, et
donc par le champ de vitesse V ~ , exprimé en chaque point où elle passe :

d~r(t) ~ (~r, t)
=V (1.16)
dt

Ligne de courant, tube de courant

Une ligne de courant est une courbe tangente en tout point au vecteur vitesse local. Une ligne
de courant est donc définie à un instant donné par le champ de vitesse exprimé à cet instant. Un
tube de courant est une famille de lignes de courant passant, au même instant, par un contour
fermé. L’équation d’une ligne de courant repérée par le vecteur ~r vérifie :

~ (~r, t).
d~r ∝ V (1.17)

Par exemple, si l’on repère un ligne de courant en fonction de son abscisse curviligne s, on écrit :

d~r ~ (~r, t),


= kV (1.18)
ds

où k est un coefficient arbitraire non nul.


En régime permanent, les lignes de courant se confondent avec les trajectoires.

Ligne d’émission

Un ligne d’émission est une courbe définie à un instant donné par la position de toutes les
particules qui sont passées (ou passeront) par un même point. Une ligne d’émission est donc
identifiable par l’intermédiaire des trajectoires des particules passant successivement par un même
point.
8 CHAPITRE 1. GÉNÉRALITÉS SUR LES ÉCOULEMENTS DE FLUIDES

r2(t2+Δt2) V(r0,t1) V(r1,t2) t2


V(r1(t1),t1) r1(t1+Δt1) V(r1,t1) t2
r1(t1) r1 t0 t1 t2
Particule 1 r2(t2) V(r2(t2),t2) Particule 1 t1 t1
V(r2,t1) t0 t
0

Particule 2 Particule 3 Particule 2

(a) (b) (c)

Fig. 1.1 – Lignes remarquables : trajectoires (a) ; lignes de courant (b) ; lignes d’émission (c).

1.2.5 Vorticité
Vecteur vorticité, lignes et surfaces de vorticité
On définit le vecteur vorticité comme le rotationnel de la vitesse :
~ =∇
Ω ~ ∧V
~. (1.19)

selon les auteurs, ce vecteur est parfois défini par la moitié de cette quantité.
Par analogie avec les lignes et tubes de courant, les lignes de vorticité sont des courbes tangentes
en tout point au vecteur vorticité local et les tubes de vorticité sont des surfaces définies par
des lignes de vorticité s’appuyant sur un même contour fermé à un instant donné. On définit plus
géréralement les surfaces de vorticité, définies par des lignes de vorticité s’appuyant sur un contour
quelconque.

Intensité vortex, circulation


L’intensité vortex à travers une surface S est définie par :
Z
I= ~ ndS,
Ω.~ (1.20)
S

La circulation le long d’un courbe C est définie par :


Z
Γ= ~ .d~r,
V (1.21)
C

le terme dΓ = V~ .d~r est appelé circulation élémentaire.


La formule de Stokes donne le résultat suivant pour une surface S s’appuyant sur un contour
fermé C :
I Z Z
Γ= ~
V .d~r = ~ ~
∇ ∧ V .~ndS = ~ ndS = I.
Ω.~ (1.22)
C S S

En d’autres termes, la circulation le long d’un contour fermé est égale au flux du vecteur vorticité
à travers toute surface s’appuyant sur ce contour.

1.3 Lois de conservation


1.3.1 Principes de conservation
En description Lagrangienne, les lois de conservation de grandeurs extensives telles que la
masse, la quantité de mouvement ou l’énergie, sont écrites pour chaque élément étudié. En des-
cription Eulérienne, on écrit en premier lieu ces lois en formulation intégrale à partir d’un volume
de contrôle à travers lequel le fluide peut circuler.
1.3. LOIS DE CONSERVATION 9

La conservation de la masse, qui ne subit ni destruction ni création, s’écrit par exemple dans tous
les cas :
dM
= 0.
dt
La seconde loi de Newton indique par contre que la variation de quantité de mouvement est due
à l’action de forces :
~ ) X
d(QM
= F~ .
dt
Une grandeur extensive G dépend de la quantité de fluide considérée, et peut être associée à
une grandeur fondamentale g, intensive, que l’on peut exprimer localement. Ces deux grandeurs
sont reliés par intégration selon le volume de contrôle :
Z
G= gdV. (1.23)
V

L’écriture de lois de conservation de grandeurs extensives peut être obtenue en fonction des
grandeurs intensives quel que soit le volume de contrôle choisi. Par passage à la limite pour
un volume de contrôle infinitésimal, on peut écrire ces lois en utilisant une forme élémentaire
équivalente à l’aide du terme conservatif :

∂g ~ ).
+ div(g V (1.24)
∂t
Cette formulation peut être utilisée en tout point du domaine d’étude, et permet l’écriture des lois
intégrales de conservation sous forme locale, dite aussi conservative. Dans le cas où l’on traite une
grandeur vectorielle ~g , cette écriture devient :

∂~g ~ gV ~ ),
+ div(~ (1.25)
∂t
le terme sous la divergence est alors tensoriel et s’écrit gi Vj en coordonnées cartésiennes.

1.3.2 Bilan de masse


La formulation intégrale du bilan de masse à travers un volume de contrôle quelconque s’écrit
sous forme conservative à l’aide de la masse volumique ρ, grandeur intensive correspondant à la
masse de fluide contenue dans le volume de contrôle :
dρ ~ = 0,
+ ρdiv V (1.26)
dt
ou, plus généralement :

∂ρ ~ ) = 0.
+ div(ρV (1.27)
∂t

Ceci permet d’écrire qu’un mouvement isovolume de fluide, c’est à dire vérifiant div V ~ = 0, se
traduit par une masse volumique constante et uniforme, et conduit à un écoulement dit incom-
pressible. Réciproquement, on note qu’un écoulement incompressible vérifie la loi de conservation
de la masse suivante :
~ = 0.
div V (1.28)

L’équation de conservation de la masse est aussi appelée équation de continuité car elle décrit le
lien entre le mouvement d’éléments fluides voisins.
10 CHAPITRE 1. GÉNÉRALITÉS SUR LES ÉCOULEMENTS DE FLUIDES

1.3.3 Bilan de quantité de mouvement


Le principe fondamental de la dynamique indique que le taux de variation de la quantité de
mouvement d’un système matériel est proportionnel aux efforts extérieurs qui lui sont appliqués.

Forces appliquées au fluide


Deux types de forces sont appliquées à un volume fluide :
• Les forces intérieures sont les forces de cohésion moléculaire, de viscosité et de pression qui
forment un torseur nul puisque localement le principe de l’action et de la réaction doit être
respecté.
• Les forces extérieures, elles-mêmes classées en deux types :
– des actions à distance ou volumiques ou encore forces de champ : ce sont les forces de
gravitation, électromagnétiques, etc. Elles sont exercées par le milieu extérieur sur chacune
des particules. Elles forment un torseur non nul dont la résultante par unité de volume est
notée F~ ;
– des actions de contact ou surfaciques : ce sont des forces qui traduisent l’action d’éléments
fluides voisins sur l’élément fluide étudié par l’intermédiaire de leur surface commune.
Elles sont proportionnelles à l’importance de la surface. En un point de la surface, la force
résultante par unité de surface, ou contrainte, de ce type de force est notée T~ et est orientée
par la normale extérieure ~n.
Pour un fluide immobile cette contrainte se limite à la pression p du fluide qui est normale à
la surface et opposée à la normale : T~ = −p~n. Dans le cas d’un fluide en mouvement, il y a lieu
en plus de tenir compte des forces de viscosité qui peuvent être séparées en deux types : normales
et tangentielles.

Forces de viscosité
La contrainte de viscosité est notée ~τ . On peut l’étudier à travers le tenseur des contraintes
visqueuses τ , écrit ici en coordonnées cartésiennes. Dans le cas d’un fluide newtonien, la contrainte
visqueuse, qui s’oppose à la déformation, est proportionnelle à la vitesse de déformation, que celle-
ci soit angulaire ou longitudinale. À ces deux types de déformation correspondent deux types de
contrainte : une contrainte tangentielle et une contrainte normale.
Au cours du mouvement d’un fluide, la vitesse de déformation angulaire est liée aux dérivées
partielles de la vitesse par la relation
dγij ∂Vi ∂Vj
= +
dt ∂xj ∂xi
Alors, par définition d’un fluide newtonien, on a :
 
dγij ∂Vi ∂Vj
τij = µ =µ + . (1.29)
dt ∂xj ∂xi
La réciprocité des contraintes tangentielles permet d’écrire τij = τji .
Pour un fluide newtonien, on admet que la contrainte normale de viscosité est proportionnelle
aux vitesses de déformation linéaire selon toute les directions. On a :
di dj
τii = 2µ +η ,
dt dt
avec
di ∂Vi
= .
dt ∂xi
Soit :
∂Vi ~.
τii = 2µ + ηdiv V (1.30)
∂xi
1.3. LOIS DE CONSERVATION 11

Dans cette relation, η est appelé second coefficient de viscosité ou encore viscosité de dilatation.
Cette seconde appellation est justifiée par le fait que ce coefficient n’a plus d’influence sur les
~ = 0).Dans ce cas, très fréquent en
contraintes lorsque la dilatation du fluide est nulle (div V
pratique, η n’intervient pas.
Dans le cas des gaz parfaits monoatomiques, on montre à partir de la théorie cinétique des gaz
que :
2
η = − µ. (1.31)
3
Cette valeur est souvent utilisée en dehors de ce cas particulier, c’est alors l’hypothèse de Stokes.

Tenseur des contraintes


A partir de ces forces, on peut définir le tenseur des contraintes T :
 
∂Vi ∂Vj ~ δij ,
Tij = −pδij + µ + + ηdiv V (1.32)
∂xi ∂xi

où δij est le symbole de Kronecker (δij = 0 si i 6= j ; δij = 1 si i = j). En notation tensorielle, ceci
s’écrit :
~ I,
T = −pI + 2µS + ηdiv V (1.33)

où S est la partie symétrique du tenseur des déformations et I la matrice identité.

Equation de Navier-Stokes
Le bilan de quantité de mouvement à travers un domaine V quelconque s’écrit à partir des
~ :
forces identifiées plus haut en posant g ≡ ρV
Z ~)
∂(ρV
Z Z
~ V
+ div(ρ ~V
~ )dV = F~ dV + T ~ndS, (1.34)
V ∂t V S

le terme ρV~V~ est le tenseur de quantité de mouvement et s’écrit ρVi Vj en repère cartésien.
Ceci s’écrit aussi
Z ~)
∂(ρV
Z
~ V
+ div(ρ ~V~ )dV = ~ dV.
F~ + divT
V ∂t V

Sous forme locale on obtient donc :


~)
∂(ρV ~ V
+ div(ρ ~V ~ ,
~ ) = F~ + divT
∂t
qui, après développement et substitution de l’équation de continuité, mène à l’équation de Cauchy :

~
∂V ~ ∇V
+V ~ ,
~ = F~ + divT (1.35)
∂t
~
dV
ρ ~ ,
= F~ + divT (1.36)
dt
L’équation de Navier découle ensuite de la forme du tenseur des contraintes, si l’on fait l’hypothèse
que µ et η sont constants :
!
~
dV ∂V ~
ρ =ρ ~ ~
+ V ∇V = F~ − ∇p ~ + µ∆ ~V~ + (µ + η)∇div(
~ V~ ), (1.37)
dt ∂t
12 CHAPITRE 1. GÉNÉRALITÉS SUR LES ÉCOULEMENTS DE FLUIDES

avec l’opérateur Laplacien, défini en coordonnées cartésiennes par :

∂2f ∂2f ∂2f


∆f = 2 + 2 + . (1.38)
∂x1 ∂x2 ∂x23

L’équation de Navier-Stokes s’obtient en appliquant l’hypothèse de Stokes η = −2µ/3 :


!
~
dV ∂V~
ρ =ρ ~ ~
+ V ∇V = F~ − ∇p ~ + µ∆ ~V~ + µ ∇div(
~ ~ ),
V (1.39)
dt ∂t 3

elle s’écrit aussi


~
∂V
+V ~ = 1 F~ − 1 ∇p
~ ∇V ~ + ν∆
~V~ + ν ∇div(
~ V~ ). (1.40)
∂t ρ ρ 3
Dans le cas d’un écoulement incompressible, celle-ci devient :
~
∂V
+V ~ = 1 F~ − 1 ∇p
~ ∇V ~ + ν∆
~V~. (1.41)
∂t ρ ρ

Dans le cas d’un fluide parfait, non visqueux (ou d’un nombre de Reynolds qui tend vers l’infini),
on obtient l’équation d’Euler :
~
∂V
+V ~ = 1 F~ − 1 ∇p.
~ ∇V ~ (1.42)
∂t ρ ρ

1.3.4 Bilans d’énergie


Energie cinétique
La variation locale d’énergie cinétique s’obtient aisément à partir de l’équation de Cauchy :
d 1 2 ~ ~ ~ ~
ρ V = V .F + V .divT . (1.43)
dt 2
Le second membre représente la puissance des actions intérieures et extérieures de volume et de
surface. Les puissances intérieures de volume sont nulles, les puissances extérieures de volume sont
données par
~ .F~ .
V

Les puissances intérieures et extérieures de surface sont respectivement

~
−T : ∇V et ~
div(T ~ ).
V

Théorème de Bernoulli
Dans le cas d’un écoulement incompressible, permanent, de fluide non visqueux où les forces
volumiques dérivent d’un potentiel F (sous la forme générale F~ = −ρ∇F),
~ le bilan local d’énergie
cinétique s’écrit :
 2 
V ~ ~ .∇F
~ − div(pV ~)
div ρ V = −ρV
2

L’hypothèse d’écoulement incompressible donne, après développement des termes de divergence :


 2
~ ~ V ~ .∇F
~ −V ~ ∇p,
~
V .∇ ρ = −ρV
2
1.3. LOIS DE CONSERVATION 13

soit
 2 
V ~ ρ V + p + ρF = 0.
~ .∇ (1.44)
2
En d’autres termes, ceci se traduit par le théorème de Bernoulli qui dit que la quantité
V2
ρ + p + ρF (1.45)
2
reste constante sur une ligne de courant.

Energie interne
Le premier principe de la thermodynamique indique que la variation de la somme des énergies
interne et cinétique d’un système est égal à la somme des travaux des forces extérieures qui
lui sont appliquées et de ses échanges de chaleur avec l’extérieur. En supposant que l’équilibre
thermodynamique est respecté à tout instant, le premier principe dit que le taux de variation de
la somme de ces énergies est égal à la somme des puissances mécanique et thermique echangées
avec l’extérieur.
Si l’on note e l’énergie interne par unité de masse et ~q le vecteur densité de flux de chaleur, le
premier principe se traduit par le bilan local :
 
d 1 ~
~ .F~ + div(T ~ ) − div~q.
ρ e+ V2 =V V (1.46)
dt 2
En substituant l’expression de l’énergie cinétique, on a :
de ~ − div~q,
ρ = T : ∇V (1.47)
dt
où encore :
de ~ − div~q.
~ ) + τ : ∇V
ρ = −pdiv(V (1.48)
dt
Cette écriture montre qu’en écoulement isovolume, l’énergie interne ne varie que sous l’influence
des échanges de chaleur et des forces extérieure autres que la pression.
Pour un fluide suivant la loi d’état du gaz parfait :

p = ρrT, (1.49)

la variation d’énergie interne s’écrit :

de = Cv dT, (1.50)

où Cv est la chaleur spécifique à volume constant du fluide. Si l’on considère que les échanges de
chaleur suivent uniquement le schéma de conduction de Fourier, on a par ailleurs :
~
~q = −λ∇T, (1.51)

où λ est la conductivité thermique du fluide. Le bilan d’énergie interne s’écrit alors :


d ~ ) + τ : ∇V
~ − div(λ∇T
~ ).
ρ (Cv T ) = −pdiv(V (1.52)
dt
Dans le cas du fluide parfait compressible (non visqueux, non conducteur de chaleur), on a
dT ~ ).
ρCv = −pdiv(V (1.53)
dt
Pour un écoulement isovolume, ou dans l’hypothèse d’incompressibilité, la variation d’énergie
interne, et donc de température, du fluide parfait est nulle.
14 CHAPITRE 1. GÉNÉRALITÉS SUR LES ÉCOULEMENTS DE FLUIDES

Enthalpie
L’enthalpie h = e + p/ρ peut également être utilisée pour exprimer l’équation de l’énergie :

dh de 1 dp p dρ
= + − 2 , (1.54)
dt dt ρ dt ρ dt
et

dh = Cp dT, (1.55)

où Cp est la chaleur spécifique à pression constante du fluide.


Ce qui permet d’obtenir :
d dp ~ − div(λ∇T
~ ).
ρ (Cp T ) = + τ : ∇V (1.56)
dt dt

Entropie
L’entropie est une fonction d’état qui permet d’exprimer le premier principe sous une nouvelle
forme à partir de la relation de Gibbs :

T δs = δe + pδv, (1.57)

où s dénote l’entropie par unité de masse et v le volume de fluide considéré. La dérivation parti-
culaire de l’entropie s’écrit :
ds de dv de p dρ
T = +p ≡ − 2 , (1.58)
dt dt dt dt ρ dt
soit, en tenant compte de l’équation de continuité et la variation d’énergie interne :
ds ~ − div~q.
ρT = τ : ∇V (1.59)
dt
Le second principe de la thermodynamique indique que l’évolution de tout système s’accom-
pagne de processus irréversibles liés aux échanges de chaleur et, dans le cas d’un fluide, aux
contraintes qu’il subit. Ceci se traduit par l’écriture de la variation d’entropie S d’un système :
δQext
dS = + δf, (1.60)
T
avec δf ≥ 0 qui représente les irréversibilités intrinsèque au fluide en mouvement, et δQext la
quantité de chaleur échangée avec l’extérieur. Par identification avec l’expression précédente, le
bilan local d’entropie s’écrit :

ds 1~ ~q ~ P∗
ρ = − ∇q + 2 .∇T + , (1.61)
dt T T T
avec P ∗ = τ : ∇V ~ − ~q .∇T,
~ (1.62)
T
P ∗ représente les irréversibilités intrinsèques, composées ici de dissipations mécanique et ther-
mique, et est équivalent à un échange de chaleur non récupérable.
Chapitre 2

Classification des écoulements

2.1 Ecoulement irrotationnel


Un écoulement est dit irrotationnel quand le vecteur vorticité est nul en tout point, à tout
instant, soit :
~ =∇
Ω ~ ∧V
~ = ~0. (2.1)
Ce type d’écoulement à pour principale propriété de pouvoir être décrit à l’aide d’une fonction
unique φ, dite potentiel des vitesses, sous la forme :
~ = ∇φ.
V ~ (2.2)
L’écriture de la différentielle du potentiel donne
~
dφ = ∇φ.d ~ =V
M ~ .dM
~.

Donc si l’on suit un déplacement orthogonal à une ligne de courant, dφ s’annule. On définit ainsi
les surfaces équipotentielles sur lesquelles φ reste constant et qui sont en tout point orthogonales
aux lignes de courant.
Si l’on considère la circulation le long d’une courbe, cette différentielle s’identifie à la circulation
élémentaire, et l’on peut écrire, pour toute courbe reliant deux points A et B :
Z B Z B Z B
ΓA→B = dΓ = ~ ~
∇φ.dM = dφ = φB − φA . (2.3)
A A A

Par conséquent, la circulation le long d’un contour fermé est nulle. On retrouve également cette
propriété à l’aide de la fomule de Stokes à partir de la condition d’irrotationnalité :
I Z
~
ΓContour = V .dM =~ ~ ∧V
∇ ~ .~ndS = 0, (2.4)
Surf ace

exprimée ici quelle que soit la surface s’appuyant sur le contour considéré.

2.2 Ecoulement isovolume


Un écoulement isovolume vérifie en tout point
~ = 0.
div V (2.5)
~ appelée potentiel vecteur telle
Pour ce type d’écoulement, il existe une fonction vectorielle ψ
que :
~ =∇
V ~
~ ∧ ψ. (2.6)

15
16 CHAPITRE 2. CLASSIFICATION DES ÉCOULEMENTS

Dans le cas d’un écoulement bidimensionnel, on peut mettre le potentiel vecteur sous la forme :
~ = ψ~k
ψ (2.7)

où ~k est un vecteur unitaire orthogonal au plan de l’écoulement. On vérifie alors :


~ ∧ (ψ~k) = ∇ψ
~ =∇
V ~ ∧ ~k,

~ est nécessairement orthogonal à ∇ψ.


ce qui indique que V ~ En d’autre termes, ψ reste constante
sur une ligne de courant et est par conséquent appelée fonction de courant. La connaissance de
cette fonction permet donc de déterminer les lignes de courant dont l’équation se résume alors à
ψ = Cte.
Les fonctions de courant peuvent décrire simplement divers type d’écoulements isovolumes dont :

• Ecoulement 2D plan
- Cartésien : ψ(x1 , x2 ) → V1 , V2
- Polaire : ψ(r, θ) → Vr , V θ
• Ecoulement 2D axisymétrique
- Cylindrique : ψ(r, z) → Vr , V z
- Sphérique : ψ(r, ϕ) → Vr , V ϕ

Par exemple, en coordonnées cartésiennes, le champ de vitesse est donné par :

∂ψ
V1 = , (2.8)
∂x2
∂ψ
V2 = − . (2.9)
∂x1
La connaissance de la fonction de courant permet également d’exprimer le débit à travers un
élément de surface dS, qui se réduit au donc débit à travers un élément d’arc dr en 2D. On a, en
coordonnées cartésiennes :

~ .~ndr = − ∂ψ ∂ψ
dQv = V dx2 − dx1 = −dψ,
∂x2 ∂x1
d’où, pour tout arc reliant deux points A et B :
Z B
Qv = − dψ = ψA − ψB . (2.10)
A

La fonction de courant est liée au vecteur vorticité par la relation suivante :


~ =∇
Ω ~ ∧ (ψ~k)) = ∇(div(ψ
~ ∧ (∇ ~ ~k)) − ∆ψ~k,

où le terme

div(ψ~k) = ψdiv~k + ~k ∇ψ
~

est nul car ~k est un vecteur à la fois constant et normal au plan de l’écoulement.
On a donc pour le vecteur vorticité en écoulement isovolume bidimensionnel :
~ = −∆ψ~k.
Ω (2.11)

Ce résultat permet également de traiter le cas de l’écoulement isovolume bidimensionnel et irro-


tationnel qui vérifie alors l’équation de Laplace :

∆ψ = 0. (2.12)
2.3. ECOULEMENT IRROTATIONNEL ISOVOLUME 17

2.3 Ecoulement irrotationnel isovolume


2.3.1 Equations
Un écoulement irrotationnel isovolume vérifie à la fois
~ = ∇φ
V ~ ~ = 0,
et div V
le potentiel des vitesses vérifie donc l’équation de Laplace :
∆φ = 0. (2.13)
Ce potentiel est unique pour le problème considéré.

L’équation de la conservation de la quantité de mouvement du fluide visqueux peut être écrite


à l’aide du rotationnel :
∂V~  2
V ~ = 1 F~ − 1 ∇p ~ + ν ∇div
 
+∇ ~ ~ ∧V
+ (∇ ~)∧V ~ − ν∇
~ ∧ ∇ ~ ∧V ~ V~
∂t 2 ρ ρ 3
donc en écoulement irrotationnel isovolume il vient :
∂V~  2
+∇~ V 1 1~
= F~ − ∇p. (2.14)
∂t 2 ρ ρ
Ceci signifie qu’en écoulement irrotationel isovolume l’équation de la dynamique est la même
pour les écoulements de fluides visqueux et non-visqueux, seules leurs conditions aux limites les
distinguent alors.

2.3.2 Théorèmes de Bernoulli


Cette écriture amène le premier théorème de Bernoulli dans le cas des écoulement irrotationnels
isovolumes pour lesquels les forces volumiques dérivent d’un potentiel F. On a :
~
∂ ∇φ
 2 ~
∇F
+∇~ V =−
1~
− ∇p,
∂t 2 ρ ρ

avec F~ = −ρ∇F.
~ Donc à un instant donné, on vérifie dans tout l’écoulement :
∂φ V 2 p
+ + F + = Cte, (2.15)
∂t 2 ρ
cette valeur, constante dans l’écoulement, est elle même fonction de t.
Pour rappel, le second théorème de Bernoulli qui a déjà été vu dans le cadre du mouvement
permanent et incompressible de fluide parfait s’énonce ainsi.
Sur une ligne de courant :
V2 p
+ F + = Cte (2.16)
2 ρ
Le troisième théorème de Bernoulli concerne les fluides barotropes, pour lesquels il existe une
relation ρ = ρ(p) (hypothèse traitée plus loin dans ce chapitre). Cette hypothèse amène le résultat :
~
∇p
Z
dp
=∇ ~ (2.17)
ρ ρ
On a dans ce cas, dans tout l’écoulement :
∂φ V 2
Z
dp
+ +F + = Cte (2.18)
∂t 2 ρ
18 CHAPITRE 2. CLASSIFICATION DES ÉCOULEMENTS

2.4 Ecriture adimensionnelle des équations


2.4.1 Echelles et variables adimensionnelles
Les équations de la mécanique des fluides sont souvent écrites en référence à des échelles de
grandeurs caractéristiques de l’écoulement étudié. On définit alors des variables adimensionnelles
basées sur ces échelles afin de faire apparaître des groupements remarquables, sans dimension, qui
ammènent une information sur l’importance relative des effets présents dans l’écoulement.
Les échelles de temps, longueur, vitesse, pression et température peuvent être introduites
comme suit :
Temps Longueur Vitesse Pression Température
Echelle τ L U P Θ
Ecriture adimensionnée t∗ = t/τ x∗ = x/L V ∗ = V /U p∗ = p/P T ∗ = T /Θ

on note généralement par .∗ les variables adimensionnées par rapport aux grandeurs de référence.
Les opérateurs sont également adimensionnalisés par rapport aux échelles de référence et suivent
la même notation.

2.4.2 Equations adimensionnées


L’équation de continuité s’écrit, sous forme adimensionnelle :

1 ∂ρ U ~ ∗ ) = 0.
+ div ∗ (ρV
τ ∂t∗ L
De la même manière, l’équation de Navier-Stokes donne, dans le cas où les forces volumiques
sont liées à la seule pesanteur :

~∗
U ∂V U2 ~ ∗ ∗~ ∗ 1P ~∗ ∗ U

1 ~ ∗ ∗~ ∗

+ V ∇ V = ~g − ∇ p +ν 2 ~ ∗~ ∗
∆ V + ∇ div V .
τ ∂t∗ L ρL L 3

Divisée respectivement par U/L et U 2 /L, ces équations deviennent :

L ∂ρ ~ ∗) = 0
+ div ∗ (ρV
τ U ∂t∗
et

L ∂V~∗  
+V ~ ∗ = L~g − P ∇
~ ∗ ∇∗ V ~ ∗ p∗ + ν ~ ∗~ ∗ 1 ~ ∗ ∗~ ∗
∆ V + ∇ div V .
τ U ∂t∗ U2 ρU 2 UL 3

La dérivée particulaire exprimée par les termes du membre de gauche fait apparaître le nombre
de Strouhal :
L
St = (2.19)
τU
qui compare les effets inertiels aux effets d’instationnarité. Celui-ci est fréquemment écrit en termes
de fréquence lorsque l’on s’intéresse aux oscillations d’un écoulement :

fL
St = . (2.20)
U
En l’absence de temps de référence, une échelle de temps est donnée par le rapport L/U qui est
généralement caractéristique d’un mouvement permanent. Le nombre de Strouhal vaut alors 1 et
l’équation de continuité est identique sous forme dimensionnelle et adimensionnelle.
2.4. ECRITURE ADIMENSIONNELLE DES ÉQUATIONS 19

Le membre de droite de l’équation de Navier-Stokes révèle plusieurs groupements :

Forces d’inertie ρU 2 /L
Nombre de Froude F r = U 2 /gL ⇔ : (2.21)
Forces de pesanteur ρg
1 Pression statique 1 P
Nombre d’Euler Eu = P/ρU 2 ⇔ : 1 2 (2.22)
2 Pression dynamique 2 2 ρV

Forces d’inertie ρU 2 /L
Nombre de Reynolds Re = U L/ν ⇔ : (2.23)
Forces de viscosité µU/L2

et on écrit alors :
~∗
∂V
 
St +V ~ ∗ = 1 ~g − Eu∇
~ ∗ ∇∗ V ~ ∗ p∗ + 1 ∆ ~ ∗ + 1∇
~ ∗V ~ ∗ div ∗ V
~∗ . (2.24)
∂t ∗ Fr g Re 3
L’équation d’énergie permet de faire apparaître des groupements supplémentaires :

Nombre de Prandtl P r = µCp λ


Nombre d’Eckert Ec = U 2 /Cp Θ
Nombre de Brinkman Br = P r × Ec = µU 2 /λΘ
Nombre de Peclet P e = P r × Re = ρCp U L/λ

ces différentes combinaisons sont issues de la non unicité de l’écriture adimensionnelle dans ce cas,
plusieurs nombres sans dimension peuvent donc être mis en avant selon la nature du problème
étudié.

2.4.3 Echelles de temps


Le bilan de quantité de mouvement peut également être écrit sous une forme adimensionnelle
faisant apparaître les différentes échelles de temps à identifier dans l’écoulement :

1 ∂V~∗ 1 ~ ∗ ∗~ ∗ 1 ~ 1 ~∗ ∗

1 ~ ∗~ ∗ 1 ~ ∗ ∗~ ∗

+ V ∇ V = (F /ρg) − ∇ p + ∆ V + ∇ div V , (2.25)
Ti ∂t∗ Ta Tg Tp Td 3
avec
Ti = T : Instationnarité
Ta = L/U : Advection sur la distance L à vitesse U
Tg = U/g : Action des forces de gravité
Tp = ρU L/P : Action de forces de pression
Td = L2 /ν : Diffusion moléculaire sur la distance L

On peut ainsi chercher à simplifier l’équation de la conservation de la quantité de mouvement en


comparant les différents temps caractéristiques identifiables.

Parmi ces définitions, le nombre de Strouhal apparaît immédiatement dans le rapport Ta /Ti .

De même, un nombre de Reynolds peut être défini par le rapport ReL = Td /Ta . Il s’interprète
alors comme le rapport entre le temps de transfert diffusif et le temps de transport advectif sur
une même distance.
Alternativement, on peut être amené à se référer à une longueur de diffusion ld différente de
l’échelle de longueur L. Si l’on considère l’advection et la diffusion sur une même échelle de temps
τ , il est alors possible de définir un nouveau nombre de Reynolds :
20 CHAPITRE 2. CLASSIFICATION DES ÉCOULEMENTS

Reτ = (L/ld )2 à partir de l’égalité τ = L/U = ld2 /ν.


Cette écriture indique que pour un grand nombre de Reynolds Reτ , les effets de diffusion mo-
léculaire se font sur des distances importantes par rapport à l’échelle du problème en termes de
transport de fluide. A l’inverse, un faible Reτ indique que la diffusion moléculaire s’effectue sur
l’ensemble du domaine considéré sans que le fluide y ait été nécessairement transporté.
Ces définitions alternatives montrent qu’on peut interpréter le nombre de Reynolds comme
un indicateur de l’équilibre entre advection et diffusion et pas uniquement comme un bilan entre
forces d’inertie et de viscosité.

2.5 Ecoulement de fluide parfait


On parle d’écoulement de fluide parfait si on néglige les effets de viscosité et de conductibilité
thermique. Ce cas correspond à un nombre de Reynolds qui tend vers l’infini, cependant les
écoulement de fluides visqueux à fort nombre de Reynolds sont presque toujours turbulents et font
intervenir des échelles de temps et de distance qui ne permettent pas de les traiter comme des
écoulements de fluide parfait.
Un écoulement de fluide parfait ne provoque pas de dissipation visqueuse, ni de dissipation
thermique, et ne subit par conséquent que des évolutions réversibles.

2.5.1 Equations
L’équation de continuité conserve la forme :
∂ρ ~ ) = 0.
+ div(ρV (2.26)
∂t
L’équation de conservation de la quantité de mouvement devient l’équation d’Euler :
~
dV ~
∂V
= + ∇V ~ = 1 F~ − 1 ∇p
~ .V ~ (2.27)
dt ∂t ρ ρ
L’équation d’énergie s’écrit :
de p ~,
= − div V (2.28)
dt ρ
ou, sous forme enthalpique :
dh 1 dp
= , (2.29)
dt ρ dt
et sous forme entropique :
ds
= 0. (2.30)
dt
Un écoulement de fluide parfait est donc isentropique : l’entropie y est conservée si l’on suit une
particule dans son mouvement. Si l’écoulement amont est uniforme, ou s’il part du repos, l’entropie
est et reste constante dans tout l’écoulement qui est alors qualifié d’homentropique.
On montre que si un choc se produit au sein de l’écoulement, l’entropie augmente à la traversée
du choc mais les caractères isentropique ou homentropique restent vrais de part et d’autre du choc.

L’équation d’énergie peut être écrite à partir de l’enthalpie totale H = h + V 2 /2. On obtient
alors le résultat suivant :
dH 1 ∂p 1 ~ ~
= + F .V . (2.31)
dt ρ ∂t ρ
2.5. ECOULEMENT DE FLUIDE PARFAIT 21

En particulier, pour un écoulement permanent dans lequel les forces volumiques sont négligées
(abstraction de la pesanteur par exemple), l’enthalpie totale se conserve :

dH
= 0, (2.32)
dt

l’écoulement est alors isoénergétique.


A la traversé d’un choc, l’enthalpie totale se conserve si la vitesse est calculée dans un repère
fixe par rapport au choc.

2.5.2 Fluide barotrope


L’équation d’état d’un fluide permet de relier les grandeurs thermodynamiques entre elles,
comme par exemple la pression, la masse volumique et l’entropie. Pour un écoulement homentro-
pique (s = Cte), la masse volumique est alors uniquement fonction de la pression.
On définit par ailleurs un fluide barotrope comme un fluide pour lequel il existe une relation
ρ = ρ(p).
Donc, pour un fluide parfait en écoulement homentropique, l’hypothèse de barotropie est véri-
fiée. On définit alors la fonction :
Z
dp
Π= (2.33)
ρ(p)

qui donne :

~ = 1 ∇p.
∇Π ~
ρ

L’équations d’Euler devient dans ce cas :

~
dV ~
∂V
= + ∇V ~ = 1 F~ − ∇Π
~ .V ~ (2.34)
dt ∂t ρ

Gaz idéal en évolution homentropique

Dans le cas d’un gaz idéal, ou gaz parfait, dont la loi d’état est p = ρrT , on a

e = Cv T, h = Cp T, s = Cv ln(p/ργ )

avec : γ = Cp /Cv , r = R/M = Cp − Cv . La constante universelle R = 8, 317 J/K et la masse


molaire du gaz (par exemple M = 0, 029 kg/mole pour de l’air) permettent d’identifier r,γ,Cp et
Cv .
En évolution homentropique, la loi d’état devient p = kργ , où k est une constante. On peut
alors vérifier que :

Π = h. (2.35)

Fluide incompressible

Le cas ρ = Cte est un cas particulier de barotropie. On montre aisément qu’alors :


Z
dp
Π= = p/ρ. (2.36)
ρ
22 CHAPITRE 2. CLASSIFICATION DES ÉCOULEMENTS

2.5.3 Mouvement bidimensionnel, irrotationel et isovolume


Potentiel complexe

Dans le cas du fluide parfait en mouvement bidimensionnel, irrotationel et isovolume, on a :

~ = ∇φ
V ~ ~ ∧ ~k
~ = ∇ψ
et V (2.37)

~k étant unitaire et orthogonal au plan de l’écoulement. Soit, en coordonnées cartésiennes :

∂φ ∂ψ
V1 = = (2.38)
∂x1 ∂x2
∂φ ∂ψ
V2 = =− . (2.39)
∂x2 ∂x1

On a de plus

∆φ = ∆ψ = 0, (2.40)

ces fonction sont dites biharmoniques conjuguées et peuvent être considérées commme la partie
réelle et imaginaire d’une fonction holomorphe de la variable complexe z = x1 + ix2 :

f (z, t) = φ(x1 , x2 , t) + iψ(x1 , x2 , t); (2.41)

appelée fonction potentiel complexe de l’écoulement.


La dérivée de f par rapport à z s’exprime ainsi :

∂f ∂φ ∂ψ ∂ψ ∂φ
ω(z, t) = = +i = −i (2.42)
∂z ∂x1 ∂x1 ∂x2 ∂x2

et donne :

ω(z, t) = V1 (x1 , x2 , t) − iV2 (x1 , x2 , t), (2.43)

ω est par conséquent appelée fonction vitesse complexe de l’écoulement.

Représentation conforme

On procède ici à une transformation mathématique z → Z permettant de faire correspondre


les descriptions d’un écoulement dont le potentiel complexe est connu et d’un écoulement où il
reste à déterminer. Pour que la transformation permette ceci, elle doit être conforme, on parle
alors de transformation, ou de représentation conforme.

• Si Z = H(z) est une fonction de la variable complexe z définie d’un domaine (d) vers un
domaine (D) du plan complexe, elle est dit conforme si et seulement si :
− Elle est définie et continue dans (d),
− Elle est bijective,
− Elle est holomorphe et de dérivée non nulle dans (d).
Ces hypothèse assurent l’existence d’un correspondance inverse z = h(Z) de (D) vers (d).

En conséquence, on montre que si F (Z) désigne le potentiel complexe d’un écoulement et f (z)
celle de l’écoulement correspondant par transformation z = h(Z), alors

F (Z) = f (h(Z)). (2.44)


2.6. ECOULEMENT RAMPANT, MODÈLE DE STOKES 23

2.6 Ecoulement rampant, modèle de Stokes


Pour des viscosités élevées ou pour de faibles vitesses les forces visqueuse deviennent prépondé-
rante devant les forces d’inertie, ce qui se traduit par un petit nombre de Reynolds. En conséquence,
la forme adimensionnelle de l’équation de Navier-Stokes pour un fluide incompressible montre que
les termes d’inertie disparaissent. Les termes de pression et de pesanteur ne sont conservés que
pour un faible nombre de Froude et un grand nombre d’Euler. De même, le caractère instationnaire
de l’écoulement n’est conservé que dans le cas d’un nombre de Strouhal élevé. On obtient alors le
modèle d’écoulement rampant de Stokes :
~
∂V 1 1~
= F~ − ∇p ~V
+ ν∆ ~. (2.45)
∂t ρ ρ
Dans le cas d’un écoulement permanent pour lequel les forces volumiques dérivent d’un potentiel
F sous la forme F~ = −ρ∇F,
~ on a :
~ = 0,
div V (2.46)
~ + ρF) = µ∆
∇(p ~V~. (2.47)

C’est la formulation vitesse-pression.


A partir de l’égalité :

~ ∧ (∇
∇ ~ ∧V
~ ) = ∇div
~ ~ − ∆V = −∆V,
V

on obtient l’équation de Stokes :


~ + ρF) = −µ∇
∇(p ~ ∧ Ω.
~ (2.48)

Ceci peut s’exprimer sous une autre forme, à partir de la divergence et du rotationnel, respec-
tivement :

∆(p + ρF) = 0, (2.49)


~Ω
∆ ~ = ~0. (2.50)

C’est la formulation pression-rotationnel.

2.7 Modèle de Navier Stokes incompressible


2.7.1 Equations
Un écoulement incompressible se caractérise par une masse volumique constante et uniforme.
Cette propriété se traduit dans l’équation de continuité par le caractère isovolume de l’écoulement :
~ =0
div V (2.51)

Cette propriété permet aussi de ne pas avoir à interpréter la pression comme une grandeur
thermodynamique. Le problème thermique est ainsi découplé du problème dynamique et peut être
résolu séparément.
L’équation de conservation de la quantité de mouvement est alors :
~
∂V
+V ~ = 1 F~ − 1 ∇p
~ ∇V ~ + ν∆
~V~. (2.52)
∂t ρ ρ
Elle peut s’écrire sous forme rotationnelle :
~
∂V 2
~ V + (∇
+∇ ~ ∧V ~ = 1 F~ − 1 ∇p
~)∧V ~ − ν∇
~ ∧ (∇
~ ∧V
~ ). (2.53)
∂t 2 ρ ρ
24 CHAPITRE 2. CLASSIFICATION DES ÉCOULEMENTS

Equation du rotationnel
L’équation du rotationnel s’obtient en écrivant le rotationnel de cette expression. Donc, en
supposant que les forces de volume extérieures dérivent d’un potentiel, et en utilisant le fait que
le rotationnel d’un gradient est toujours nul, on a :

~
∂Ω ~ ∧ (Ω
+∇ ~ ∧V
~ ) = ν∆
~ Ω.
~ (2.54)
∂t

Equation de Poisson
L’équation de Poisson pour la pression s’obtient en écrivant la divergence de l’équation ??, en
supposant ici aussi l’existence d’un potentiel F pour les forces volumiques :
 2
div ∇ ~V + div(Ω~ ∧V ~ − 1 div ∇p
~ ) = div ∇F ~ − ν∇ ~ ∧ (∇
~ ∧V~ ).
2 ρ

Or,
~ ∧V
div(Ω ~)=V
~ .∇
~ ∧Ω
~ − Ω.
~ ∇~ ∧V
~ = −V
~ .∆
~V~ − Ω2 ,

et finalement :
1 V2 ~ ~~
∆p = ∆F − ∆ + V .∆V − Ω2 (2.55)
ρ 2
Chapitre 3

Instabilités, perturbations

3.1 Instabilités en fluide visqueux


3.1.1 Perturbations linéaires en écoulement visqueux
On traite ici le cas d’un écoulement de fluide visqueux soumis à de petites perturbations. On
cherche à déterminer si un type particulier de perturbations peut croître et influer sur l’écoulement,
jusqu’à le modifier significativement.
On s’intéresse à la stabilité d’un écoulement plan, permanent, unidirectionnel et purement
cisaillé, repéré en coordonnées cartésiennes par :

~0 = V1 (x2 )~x1
V (3.1)

Ce type d’écoulement, assez courant en pratique, vérifie identiquement la condition isovolume et


voit s’annuler le terme non linéaire des équations de Navier-Stokes, sans restriction sur le nombre
de Reynolds comme dans le cas de l’écoulement rampant. L’expérience montre en effet que la
naissance d’instabilités visqueuses est liée à l’augmentation du nombre de Reynolds.
Dans l’hypothèse où l’écoulement est sujet à de petites perturbations de vitesse et de pression,
on veut étudier leur comportement de manière à déterminer si elles peuvent croître spatialement
ou temporellement. On adopte pour cela la notation suivante :

• Pression : p = p 0 + p0 avec p0  p0 et p = p0 ,
• Vitesse : ~ =V
V ~0 + ~v 0 ~ =V
avec V ~0 ,

On considère que ce type de perturbation n’induit pas de variation de masse volumique. L’écou-
lement moyen est plan et unidirectionnel mais on ne fait pas d’hypothèse sur ~v 0 qui comporte a
priori trois composantes v10 , v20 et v30 .

L’équation de continuité s’écrit :


div~v 0 = 0
~ = 0 est identiquement vérifiée ici.
car div V
L’équation de Navier-Stokes est :

∂ ~ ~0 + ~v 0 ) = − 1 ∇(p
~0 + ~v 0 )∇(V ~ 0 + p0 ) + ν ∆(
~ V~0 + ~v 0 ),
(V0 + ~v 0 ) + (V
∂t ρ

qu’on linéarise au premier ordre en :

∂~v 0 ~ ~ ~0 = − 1 ∇p
~0 ∇~v 0 + ~v 0 ∇V ~ 0 − 1 ∇p
~ 0 + ν∆
~V~0 + ν ∆~
~ v0 .
+ V0 ∇V0 + V
∂t ρ ρ

25
26 CHAPITRE 3. INSTABILITÉS, PERTURBATIONS

Par hypothèse, les termes d’ordre 0 relatifs à l’écoulement permanent se réduisent à la forme
simplifiée :
~ 0 = µ∆
∇p ~V~0 .

Les termes du premier ordre sont alors :

∂~v 0 ~ ~0 = − 1 ∇p0 + ν ∆~
~ v0 ,
+ V0 ∇~v 0 + ~v 0 ∇V
∂t ρ

soit ici :
∂~v 0 ∂~v 0 dV1 1~ 0 ~ v0 .
+ V1 + v20 ~x1 = − ∇p + ν ∆~
∂t ∂x1 dx2 ρ
On peut simplifier ces équations en éliminant le terme de pression. Calculer la divergence de cette
équation donne :
0 0
∂ ∂ ~ 1 . ∂~v + ∂v2 dV1 + v20 ∂dV1 = − 1 ∆p0 + ν∆(div~v 0 ),
div~v 0 + V1 div~v 0 + ∇V
∂t ∂x1 ∂x1 ∂x1 dx2 ∂x1 dx2 ρ

~0 :
soit, en tenant compte de l’équation de continuité pour ~v 0 et de la forme de V

∂v20 dV1 1
2 = − ∆p0 .
∂x1 dx2 ρ

La seconde étape consiste à calculer le laplacien de l’équation de Navier Stokes selon ~x2 :

∂ ∂v 0 ∂ 0
~ ∂v2 = − 1 ∂ ∆p0 + ν∆2 v20 .
~ 1 .∇
∆v20 + ∆V1 2 + V1 ∆v20 + 2∇V
∂t ∂x1 ∂x1 ∂x1 ρ ∂x2

soit, en tenant compte du résultat précédent pour ∆p0 :

d2 V1 ∂v20 dV1 ∂ 2 v20 ∂v20 dV1


   
∂ ∂ ∂
+ V1 ∆v20 + + 2 . = 2 + ν∆2 v20 ,
∂t ∂x1 dx22 ∂x1 dx2 ∂x1 x2 ∂x2 ∂x1 dx2

On obtient un premier résultat, liant v2 au profil de vitesse moyenne par une équation aux dérivées
partielles du 4è ordre :

d2 V1 ∂v20
 
∂ ∂
+ V1 ∆v20 = + ν∆2 v20 . (3.2)
∂t ∂x1 dx22 ∂x1

~0 = ∇
On peut également travailler sur le rotationnel de l’équation de Navier-Stokes, avec Ω ~ ∧ ~v 0 :
   
∂ ~0 ~ ∂ 0 ~ 0 dV1 1~ ~ 0 ~Ω~ 0.
Ω + ∇ ∧ V1 ~v + ∇ ∧ v2 ~x1 = − ∇ ∧ ∇p + ν ∆
∂t ∂x1 dx2 ρ

La composante selon x2 donne une équation du second degré couplant v20 et Ω02

dV1 ∂v20
 
∂ ∂
+ V1 Ω02 + = ν∆Ω02 . (3.3)
∂t ∂x1 dx2 ∂x3

Ces équations différentielles du second et du quatrième ordre nécessitent six conditions aux limites
sur v20 et Ω02 . La nature du champ de vitesse moyen impose des conditions aux limites pour
x2 correspondant soit à une paroi, soit à une distance infinie, pour lesquelles les perturbations
deviennent nulles. On écrit alors que ~v 0 → 0 pour x2 = x2± dont le lieu est à définir selon le
problème. Soit, en termes de variables v20 et Ω2 :

v20 )x2± = ∂v20 /∂x2 )x2± = Ω02 )x2± = 0


3.1. INSTABILITÉS EN FLUIDE VISQUEUX 27

3.1.2 Equations d’Orr-Sommerfeld et de Squire


Un tel système est homogène en t, x1 et x3 , mais non homogène en x2 du fait du profil de vitesse
moyenne. On généralise alors à ce cas le principe recherche de solutions sous forme exponentielle,
démontré dans le cas de systèmes homogènes, en proposant des perturbations de la forme suivante :
v20 (x1 , x2 , x3 , t) = v̂2 (x2 )e−i(ωt−k1 x1 −k3 x3 ) (3.4)
Ω02 (x1 , x2 , x3 , t) = Ω̂2 (x2 )e−i(ωt−k1 x1 −k3 x3 ) (3.5)
On cherche des solutions physiquement réalistes et donc bornées à l’infini, les nombre d’onde k1 et
k3 doivent alors être réels. Cependant ω est a priori complexe, ce qui permet de déterminer après
résolution si l’écoulement est temporellement stable ou instable.
En posant k 2 = k12 + k32 , c = ω/k1 et en définissant l’opérateur D = ∂/∂x2 , le système s’écrit :
(−ik1 c + ik1 V1 )(D2 − k 2 )v̂2 (x2 ) = ik1 V100 v̂2 (x2 ) + ν(D2 − k 2 )2 v̂2 (x2 )
(−ik1 c + −k1 V1 )Ω̂2 (x2 ) + ik3 V10 v̂2 (x2 ) = ν(D2 − k 2 )Ω̂2 (x2 ).
où l’on note V10 et V100 les dérivées première et seconde du profil de vitesse moyenne.
Les équation d’Orr-Sommerfeld (1907-1908), pour v̂2 , et de Squire (1933), pour v̂2 et Ω̂2 , s’ob-
tiennent après division par ik1 :
i
(V1 − c)(D2 − k 2 )v̂2 (x2 ) = V100 v̂2 (x2 ) − ν(D2 − k 2 )2 v̂2 (x2 ) (3.6)
k1
k3 0 i
(V1 − c)Ω̂2 (x2 ) + V v̂2 (x2 ) = − ν(D2 − k 2 )Ω̂2 (x2 ). (3.7)
k1 1 k1
Ce système peut être écrit sous forme matricielle :
(V1 − c)(D2 − k 2 ) − V100 + ki1 ν(D2 − k 2 )2
    
0 v̂2 (x2 ) 0
k3 0 i 2 2 = (3.8)
V
k1 1 (V 1 − c) + k1 ν(D − k ) Ω̂ (x
2 2 ) 0

Un tel système triangulaire supérieur présente deux familles de valeurs propres, appelés ici modes
d’Orr-Sommerfeld et modes de Squire. En notant :
    
LOS 0 v̂2 (x2 ) 0
= , (3.9)
B LSQ Ω̂2 (x2 ) 0
on obtient, pour les modes OS d’Orr-Sommefeld :
LOS v̂2 = (v̂2 6= 0),
0 (3.10)
k3
LSQ Ω̂2 = −Bv̂2 = − v̂2 , (3.11)
k1
et pour les modes SQ de Squire :
v̂2 = 0, (3.12)
LSQ Ω̂2 = 0 (Ω̂2 6= 0). (3.13)
On peut démontrer que les modes de Squire sont toujours amortis, et deviennent neutres dans
le cas du fluide parfait. On recherche alors les perturbations linéaires à partir des modes d’Orr-
Sommerfeld

3.1.3 Transformation de Squire


L’équation d’Orr-Sommerfeld traite d’instabilités pouvant se développer selon les axes x1 et
x3 . La transformation de Squire consiste à substituer aux nombres d’onde k1 et k3 un nombre
d’onde unique k̃1 , selon x1 , tel que :
k̃12 = k 2 = k12 + k32 .
28 CHAPITRE 3. INSTABILITÉS, PERTURBATIONS

Ceci se traduit dans l’équation d’Orr-Sommerfeld par :

i k̃1
(V1 − c)(D2 − k̃12 )v̂2 (x2 ) = V100 v̂2 (x2 ) − ν(D2 − k 2 )2 v̂2 (x2 ), (3.14)
k̃1 k1
ce qui correspond à un nouveau système d’Orr-Sommerfeld à nombre d’onde augmenté selon x1 ,
mais sans nombre d’onde selon x3 . Prise sous forme adimensionnelle cette équation est paramétrée
par un nombre de Reynolds défini à partir de l’écoulement moyen. La transformation de Squire peut
donc également s’interpréter comme une transformation faisant apparaître un nouveau nombre de
Reynolds, inférieur au précédent :
k1 k1
R̃e = Re = Re < Re
k̃1 k
Dans l’hypothèse où la naissance d’instabilités est conséquente à l’augmentation du nombre de
Reynolds, l’équivalence entre le système initial et le système transformé indique qu’une pertur-
bation bidimensionnelle peut apparaître à nombre de Reynolds inférieur au nombre de Reynolds
initialement défini. Le théorème de Squire dit alors que pour cette raison, les instabilité appa-
raîtront d’abord sous forme bidimensionnelle et qu’il est suffisant, dans un premier temps, de ne
s’intéresser qu’à ce cas.
L’ensemble de cette démarche appliquée aux écoulements parallèles a permis de réduire les
équations de Navier Stokes à trois dimensions à une unique équation, relative aux développement
d’instabilités bidimensionnelles. Ceci a permis de déterminer que les écoulements de Couette et de
Poiseuille sont linéairement stables en régime laminaire.
Il s’avère cependant que l’expérience ainsi que la simulation numérique ont montré que ces
écoulements conduisent à la formation d’instabilités bien avant la transition à la turbulence. Par
exemple, un écoulement parabolique en conduite est stable sur une gamme très étendue de nombres
de Reynolds, sauf s’il est soumis à des perturbations d’amplitude finie, qui peuvent conduire à
d’importants phénomène d’intermittence pour de modestes nombres de Reynolds. Un écoulement
parabolique entre deux plans présente un seuil de stabilité linéaire correspondant à un nombre de
Reynolds de l’ordre de 6000, alors que l’on observe la transition vers la turbulence pour Re ' 1000.
Plus encore, un écoulement à profil linéaire est censé être linéairement stable à tout régime mais
peut devenir expérimentalement turbulent pour Re ' 300. Il se peut que le théorème de Squire
ait ’retardé’ la compréhension de ces phénomènes car il a été montré récemment qu’une théorie de
croissance transitoire pouvait être formulée, qui indique qu’une croissance importante d’instabilités
sur des temps très courts était théoriquement possible.

3.2 Instabilités en fluide non visqueux - Equation de Ray-


leigh
Pour les écoulement de fluides parfaits, l’équation d’Orr-Sommerfeld se réduit à l’équation de
Rayleigh :
h i
(V1 − c)(D2 − k̃12 ) − V100 v̂2 (x2 ) = 0. (3.15)

Cette équation a été formulée par Rayleigh en 1883, avant la formulation plus générale d’Orr-
Sommerfeld, et correspond au cas où les instabilités sont nécessairement d’origine non visqueuse
et ne se développent qu’en fonction du profil de vitesse moyenne.
Dans le cadre d’une analyse spatiale, où la pulsation ω est fixée, réelle, on recherche les valeurs,
en général complexes, du nombre d’onde k ou, ce qui est équivalent, de la vitesse de phase. On
impose à cet effet que les solutions, complexes ou non, pour v̂2 soit non triviales et s’annulent quand
x2 tend vers l’infini. La partie imaginaire du nombre d’onde trouvé indique le taux d’amplification
spatiale de la perturbation :
v20 = v̂2 (x2 )e−Im(k)x1 ei(Re(k)x1 −ωt) . (3.16)
3.2. INSTABILITÉS EN FLUIDE NON VISQUEUX - EQUATION DE RAYLEIGH 29

Il y a amplification spatiale si Im(k) < 0 (mode instable), amortissement si Im(k) > 0 (mode
stable) et stabilité si Im(k) = 0 (mode neutre).
Rayleigh a également montré qu’une condition nécessaire à l’instabilité est que le profil des
vitesses moyennes présente un point d’inflexion. Pour démontrer cela, on introduit la fonction de
courant ψ telle que :
v10 = ∂ψ/∂x2 , (3.17)
v20 = −∂ψ/∂x1 , (3.18)
avec ψ = φ(x2 )eikx1 −ωt . On écrit alors la différence entre le produit du conjugué de φ par l’équation
de Rayleigh et le produit de φ par le conjugué de l’équation de Rayleigh :
1
φ∗ φ” − k 2 |φ|2 − V 00 |φ2 | = 0, (3.19)
V1 − c 1
1
φφ∗ ” − k 2 |φ|2 − V 00 |φ2 | = 0, (3.20)
V1 − c∗ 1
qui donne :
2iIm(c)
(φ0 φ∗ )0 − (φφ0∗ )0 − = 0. (3.21)
|V1 − c|2 V100 |φ2 |
En intègrant le long de l’axe x2 le terme de gauche disparaît car φ(x2 → ∞) → 0, et il reste :
Z +∞
|φ|2
2 00
= 0. (3.22)
−∞ |V1 − c| V1

Tous les termes autre que la dérivée seconde des vitesses moyennes étant positifs, l’annulation de
l’intégrale n’est possible que si V 1 présente un point d’inflexion. Depuis, Fjortoft (1950) a montré
une condition nécessaire plus restrictive qui dit qu’en présence d’un point d’inflexion, il faut de
plus pouvoir vérifier en un point du profil :
V100 (V1 − VI ) < 0 (3.23)
où VI est la vitesse au point d’inflexion.

3.2.1 Couche de mélange


On définit fréquemment le profil de vitesses moyennes d’une couche de mélange bidimension-
nelle à l’aide d’une fonction tangente hyperbolique comme suit :
 
U1 + U2 U1 − U2 x2
V1 (x2 ) = + tanh (3.24)
2 2 2δθ
  
U1 + U2 U1 − U2 x2
= 1+ tanh (3.25)
2 U1 + U 2 2δθ
, où U1 et U2 sont les vitesses constantes de l’écoulement à grande distance de part et d’autre de
la couche de mélange et δθ est l’épaisseur de quantité de mouvement définie par :
Z +∞
1
δθ = (V1 − U2 )(U1 − V1 )dx2 (3.26)
(U1 − U2 )2 −∞
Le profil en tangente hyperbolique présente un point d’inflexion en x2 = 0, et on obtient par
exemple, dans le cas fréquent où U2 = 0 :
U1
ω ' 0.2067 (3.27)
2δθ
Im(k) ' −0.0064/δθ . (3.28)
pour le mode le plus amplifié, encore appelé mode fondamental. Le taux d’amplification par lon-
gueur d’onde parcourue est alors d’environ 35.
30 CHAPITRE 3. INSTABILITÉS, PERTURBATIONS

3.2.2 Jet plan


Le jet plan est souvent représenté à l’aide d’un double profil en tangente hyperbolique :
   
1 H |x2 |
V1 = V0 1 + tanh 1− (3.29)
2 2δθ H

où V0 est la vitesse de sortie du jet, H sa demi-largeur et δθ l’épaisseur de quantité de mouvement


du profil de vitesse initial. Ce profil présente deux points d’inflexion et se caractérise par au moins
deux modes d’oscillation : un mode symétrique, dit variqueux et un mode antisymétrique, dit
sinueux. le mode variqueux vérifie v20 = 0 sur l’axe de symétrie, le mode sinueux par v10 = 0 sur
H
l’axe de symétrie. Le paramètre 2δ θ
conditionne le comportement des deux couches de mélanges,
H
qui sont considérées indépendantes quand 2δ θ
> 12.5. On retrouve alors un comportement similaire
à celui de la couche de mélange simple quand U2 = 0. Pour des perturbations symétriques, le mode
fondamental vérifie dans ce cas :
V0
ω ' 0.101 (3.30)
δθ
Im(k) ' −0.116/δθ . (3.31)
3.3. PETITES PERTURBATIONS D’UN ÉCOULEMENT PERMANENT 31

3.3 Petites perturbations d’un écoulement permanent


3.3.1 Equations linéarisées
On considère ici un écoulement permanent soumis à de petites perturbations de pression, de
masse volumique et de vitesse. On adopte la notation suivante :
• Masse volumique : ρ = ρ0 + ρ0 avec ρ0  ρ0 et ρ0 = 0
• Pression : p = p 0 + p0 avec p0  p0 et p0 = 0
• Vitesse : ~0 + ~v 0
V avec ~v 0 = ~0
~0 sont constants. Partant de ces faibles fluctuations, on linéarise les
où les champs ρ0 , p0 et V
équations du mouvement en considérant ρ0 , p0 , et ~v 0 comme des infiniment petits principaux.

− On se place ici dans le cas du fluide parfait par commodité, mais les équations développées
peuvent être écrites hors de cette hypothèse. On ne tient pas compte des forces volumiques.
− On ne fait pas d’autres hypothèses, en particulier on ne postule pas l’existence d’un potentiel
des vitesses, qui impliquerait un rotationnel nul et interdirait l’étude des perturbations d’un écou-
lement cisaillé.

• Equation de continuité :
∂ h i
~0 + ~v 0 ) = 0.
(ρ0 + ρ0 ) + div (ρ0 + ρ0 )(V (3.32)
∂t
• Equation d’Euler :
 
0∂ ~ 0 ~ 0 ~ 0 ~ 0 + p0 )
(ρ0 + ρ ) (V0 + ~v ) + ∇(V0 + ~v ).(V0 + ~v ) = −∇(p (3.33)
∂t

• Equation d’énergie sous forme entropique, avec s = s0 + s0 :


∂ ~0 + ~v 0 ).∇(s
~ 0 + s0 ) = 0.
(s0 + s0 ) + (V (3.34)
∂t

A l’ordre 0 on retrouve les équations du mouvement permanent de fluide parfait :

div(ρ0 V~0 ) = 0,
~0 .V
ρ0 ∇ V ~0 = −∇p ~ 0,
~0 .∇s
V ~ 0 = 0

A l’ordre 1, il vient :
∂ρ0 0
~0 ) = ∂ρ + ρ0 div~v 0 + ~v 0 .∇ρ
~ 0 + ρ0 div V
~0 + V
~0 .∇ρ
~ 0 = 0,
+ div(ρ0~v 0 + ρ0 V (3.35)
∂t ∂t
∂~v 0

ρ0 ~ 0 ~
+ ∇V0 .~v + ∇~v .V0 + ρ0 ∇V
0 ~0 .V
~0 = −∇p ~ 0, (3.36)
∂t
∂s0 ~ ~ 0 ~ 0 = 0,
+ V0 .∇s + ~v 0 .∇s (3.37)
∂t  
0 ∂s ∂s
avec une relation d’état s = s(p, ρ) ⇒ s = + . (3.38)
∂p ρ ∂ρ p

− Les termes d’ordre 2 ne sont pas pris en compte dans les équations linéarisées.
− La dérivée particulaire comporte un terme associé au champ de vitesse moyen et un terme
associé au champ de vitesse fluctuant.
− Si le champ de vitesse moyen est nul, il ne provoque pas d’advection. On a alors un problème
32 CHAPITRE 3. INSTABILITÉS, PERTURBATIONS

d’acoustique linéaire sans écoulement.


− Avec écoulement, on considère que la dérivée particulaire peut être estimée correctement à l’aide
du champ moyen seul, et on ne tient en général pas compte de l’advection par le champ de vitesse
fluctuant dans son calcul. On note alors, par commodité :

d() ∂() ~0 ,
# + ∇().V (3.39)
dt ∂t
Et le système s’écrit :

dρ0 ~0 + ρ0 div~v 0 + ~v 0 .∇ρ


~ 0 = 0,
+ ρ0 div V (3.40)
dt
d~v 0 ~0 .~v 0 + ρ0 ∇V
~0 .V
~0 = −∇p~ 0,
ρ0 + ρ0 ∇ V (3.41)
dt
ds0 ~ 0 = 0.
+ ~v 0 .∇s (3.42)
dt
Ce sont les équations régissant la propagation de petites perturbation dans un écoulement moyen.

3.3.2 Célérité du son


Partant du système précédent pour un fluide au repos, on fait l’hypothèse d’une petite pertur-
bation monodimensionnelle isentropique selon x.
Equation de continuité linéarisée :
∂ρ0 ∂v 0
+ ρ0 = 0.
∂t ∂x
Equation d’Euler linéarisée :
∂v 0 ∂p0
ρ0 =− .
∂t ∂x
Pour une équation d’état reliant pression, masse volumique et entropie, on a :

∂p0 ∂ρ0 ∂s0


 
∂p ∂p
= + ,
∂x ∂ρ s ∂x ∂s ρ ∂x

l’écoulement étant monodimensionnel et isentropique, on a nécessairement ∂s0 /∂x=0, donc

∂p0 ∂ρ0

∂p
= . (3.43)
∂x ∂ρ s ∂x

Cette équation peut être linéarisée à l’aide d’un développement limité au voisinage des conditions
initiales p0 ,ρ0 ,s0 , d’où :
 
∂p ∂p
(ρ, s) ' (ρ0 , s0 ). (3.44)
∂ρ s ∂ρ s

L’équation de conservation de la quantité de mouvement devient alors

∂v 0 ∂ρ0

∂p
ρ0 =− (ρ0 , s0 ) (3.45)
∂t ∂ρ s ∂x

En dérivant l’équation de continuité par rapport à t et l’équation de conservation de la quantité


de mouvement par rapport à x, on obtient après soustraction :

∂ 2 ρ0 ∂ 2 ρ0

∂p
− (ρ 0 , s 0 ) = 0, (3.46)
∂x2 ∂ρ s ∂x2
3.3. PETITES PERTURBATIONS D’UN ÉCOULEMENT PERMANENT 33

ou encore, en posant

∂p
c20 = (ρ0 , s0 ), (3.47)
∂ρ s

il vient l’équation dite des ondes :

∂ 2 ρ0 ∂ 2 ρ0
2
− c20 2 = 0, (3.48)
∂x ∂x
dans laquelle apparaît la vitesse du son c0 dans le fluide initialement au repos. Par extension, on
définit localement la célérité du son pour un fluide en mouvement par

∂p
c2 = (ρ, s) (3.49)
∂ρ s

On peut par ailleurs écrire, à l’ordre 1 : p0 = c20 ρ0 . Dans le cas particulier d’un écoulement initial
homentropique, s0 est uniforme donc la vitesse du son est constante dans tout l’écoulement : il
n’y a pas de refraction.
−Dans le cas d’un écoulement de fluide barotrope, la célérité de son ne dépend que de la masse
volumique.
− Quand un choc se produit, il s’accompagne d’un saut d’entropie, l’évolution isentropique est
donc vérifié tant qu’aucun choc ne se produit. On ne parlera ici que d’écoulements ne subissant
pas de chocs.

3.3.3 Perturbations en écoulement cisaillé


De nombreuses configurations font intervenir des écoulements moyens mondimensionnels ci-
saillés, de type :

~0 = V1 (x2 )~x1 ,
V V2 = V3 = 0, (3.50)

Ce type de formulation permet par exemple de traiter le cas de la couche de mélange, du jet ou
de la couche limite.

Si l’on fait l’hypothèse d’un écoulement moyen incompressible, les équations des petites perturba-
tions sont alors, avec p0 = c2 ρ0 :

dp
+ ρ0 c2 div~v 0 = 0 (3.51)
dt
et

d~v 0 ~0 V
~ = −∇p.
~
ρ0 + ρ0 ∇ V (3.52)
dt
On écrit alors la différence entre la divergence de l’équation de quantité de mouvement et la dérivée
particulaire de l’équation de continuité, soit :

d~v 0 2
 
c2 div ρ0 + ρ0 ∇ V ~ − d p − d (ρ0 c2 div~v 0 ) = 0,
~0~v 0 + ∇p (3.53)
dt dt2 dt
ou encore :
 0
1 d2 p
 
d 0 d~v 
~ 0
∆p − 2 2 = ρ0 div~v − div − div ∇V0~v . (3.54)
c dt dt dt
34 CHAPITRE 3. INSTABILITÉS, PERTURBATIONS

Les termes ∂/∂t et divergence commutent, donc :


 0
d d~v ~ ~0 )
~0 − div(∇~v 0 V
div~v 0 − div = ∇(div~ v 0 ).V
dt dt
∂~v 0
 

= V1 div~v 0 − div V1
∂x1 ∂x1
0
~ 1. ∂~ v
= −∇V .
∂x1
On a par ailleurs :
0
~0~v 0 = ∂ (~v 0 .∇V ~ 1 . ∂~v ,
 
div ∇V ~ 1 ) = ∇V (3.55)
∂x1 ∂x1
~0 est à la fois parallèle à ~x1 et indépendant de x1 .
car V
On trouve :
0
1 d2 p ~ 1 . ∂~v .
∆p − = −2ρ0 ∇V (3.56)
c2 dt2 ∂x1
Soit finalement :
1 d2 p ~1 ∂~v 0
∂V
∆p − = −2ρ0 . 2. (3.57)
c2 dt2 ∂x2 ∂x1
A la différence de l’équation des ondes dans un fluide au repos, on a ici un terme d’advection,
présent dans la dérivée particulaire de p0 , et un terme associé au cisaillement, gouverné par le
profil V1 (x2 ) et par le profil des fluctuations transversales.

Selon une méthode semblable, il est possible d’éliminer u02 de cette équation à l’aide de l’équa-
tion d’Euler selon x2 . On obtient alors l’équation de propagation de Lilley en écoulement cisaillé :

1 d 2 p0 ∂ 2 p0 dV1
 
d 0
∆p − 2 2 = 2 . (3.58)
dt c dt ∂x1 ∂x2 dx2
Cette équation du 3è ordre, pour laquelle il n’existe pas d’algorithme général d’intégration, se
révèle néanmoins très intéressante car elle est bien adaptée à la recherche de solutions propres,
périodiques en temps et en espace.

Cas de l’écoulement uniforme


Si l’on considère le cas simplifié de l’écoulement uniforme, avec :

∂V1 /∂x1 = ∂V1 /∂x2 = ∂V1 /∂x3 = 0,

l’équation de propagation devient simplement une équation des ondes convectée :

1 d2 p
∆p − = 0, (3.59)
c2 dt2
à comparer à l’équation des ondes obtenue dans le cas d’un milieu au repos (V1 = 0) :

1 ∂2p
∆p − = 0. (3.60)
c2 ∂t2
Dans le repère lié au mouvement de fluide, on peut se ramener à cette équation des ondes :

1 ∂2p
∆p − = 0. (3.61)
c2 ∂ t̃2
3.3. PETITES PERTURBATIONS D’UN ÉCOULEMENT PERMANENT 35

Plan d'onde Profil


x2 initial à t V1(x2) Þ Propagation à c+V1(x2) x2 Plan d'onde x2 Profil Plan d'onde
initial Profil du vent du vent initial
Plan d'onde

s

es
à t+dt

r
r ed
s
ue

esu
q

tiq
sti

us
u

us
att
co

co
b
sa

sa
so ra
on

n
le es

yo
ay

rs qu
l

Ra
r

v e u sti
es
ed

co
ur

sa
rb

x1 x1 x1

n
u

yo
Co

Ra
(a) (b) (c)

Fig. 3.1 – Illustration de l’effet du profil de vitesse moyenne sur la propagation d’ondes planes.

Notions sur la propagation en écoulement cisaillé


Contrairement au cas de l’écoulement uniforme, un simple changement de repère ne permet
pas d’écrire l’équation des ondes sous une forme simplifiée en écoulement cisaillé. Outre les termes
sources liés au gradient de vitesse moyenne, l’opérateur de propagation est lui-même gouverné par
le profil cisaillé qui apparaît dans l’expression de la dérivée particulaire :
d ∂ ∂
# + V1 (x2 ) .
dt ∂t ∂x1
On peut néanmoins étudier qualitativement l’effet du cisaillement sur la propagation de perturba-
tions à l’aide de notions d’acoustique géométrique (théorie des rayons). Ceci permet en particulier
de ’suivre’ l’évolution d’un front d’onde quand la longueur d’onde λ = c/ω est petite devant la
taille caractéristique du domaine. Il s’agit là d’une démarche analogue à l’optique géométrique.

Considérons par exemple l’effet d’un simple gradient de vitesse sur une onde plane se pro-
pageant initialement dans le sens de l’écoulement. Comme illustré en Figure ??a, la vitesse de
propagation locale est localement modifiée et a pour effet de dévier le front d’onde. Les rayons
acoustiques, normaux au front d’onde, sont alors courbés.

Si l’on s’intéresse à l’effet du vent sur la propagation de perturbations à proximité du sol,


le profil de vitesse est en général celui d’une couche limite atmosphérique (Figure ??b et c). La
courbure des fronts d’onde et des rayons acoustiques associés est plus complexe à représenter, et
nécessite une résolution numérique du problème de propagation. On peut néanmoins illustrer le
cas de l’onde plane se propageant dans le sens du vent ou dans le sens inverse.
Pour la propagation dans le sens du vent (b), les ondes sont rabattues vers le sol, on a alors
l’impression d’un accroissement du son. Ceci est lié à un effet de concentration des ondes vers
le sol du fait du gradient de vitesse. Il ne s’agit pas d’un effet de convection, celle-ci se faisant
parallèlement au sol, et non vers le sol.
L’effet inverse est observé quand une onde plane se propage en sens contraire au vent (b), la
courbure des rayons se fait alors vers le haut et donne l’impression d’une atténuation du son à
proximité du sol.
Ces effets de courbure des rayons acoustiques correspondent à la réfraction des ondes par le
profil de vitesse.
36 CHAPITRE 3. INSTABILITÉS, PERTURBATIONS

3.4 Equation du potentiel en fluide parfait


On rappelle qu’un écoulement irrotationel peut être représenté par un potentiel de vitesse φ.
On se place ici dans le cas du fluide parfait barotrope où les forces de volume dérivent d’un po-
tentiel (F~ = −ρ∇F)
~ :

• Equation de continuité :

∂ρ ~)=0
+ div(ρV (3.62)
∂t
• Conservation de la quantité de mouvement, équation d’Euler :

~
∂V
+ ∇V ~ − 1 ∇p.
~ = −∇F ~ (3.63)
∂t ρ

~ ∧V
• Irrotationalité : ∇ ~ = 0, d’où

~ = ∇φ.
V ~ (3.64)

• Barotropie : ρ = ρ(p) permet de définir Π :


Z
dp ~ = 1 ∇p
~
Π= qui vérifie ∇Π (3.65)
ρ ρ

L’équation de continuité en termes de potentiel s’écrit :

∂ρ ~
+ div(ρ∇φ) = 0. (3.66)
∂t
L’équation d’Euler devient, en écoulement irrotationel :

~
∂V 2
~ V = −∇F
+∇ ~ − 1 ∇p,
~ (3.67)
∂t 2 ρ

soit, en termes de potentiel :

~
∂ ∇φ 1~ ~ 2 ~ 1~
+ ∇(∇φ) + ∇F + ∇p =0 (3.68)
∂t 2 ρ

où l’on retrouve le premier théorème de Bernoulli (initialement énoncé en écoulement isovolume


irrotationnel barotrope, mais que l’on retrouve ici hors de l’hypothèse d’écoulement isovolume) :

∂φ V 2
+ + F + Π = Cte (3.69)
∂t 2
On fait intervenir la vitesse du son :

∂p
2
c = = p0 (ρ), (3.70)
∂ρ s

qui permet d’écrire


∂ρ 1 ∂p
= 2
∂t c ∂t
et
~ = 1 ∇p.
∇ρ ~
c2
3.4. EQUATION DU POTENTIEL EN FLUIDE PARFAIT 37

L’équation de continuité devient alors :


1 ∂p 1 ~ ~
+ 2 ∇p.∇φ + ρ∆φ = 0. (3.71)
c2 ∂t c
Le théorème de Bernoulli indique par ailleurs :
∂ ∂φ V 2 ∂2φ ~ ∂ ~
 
1 ∂p ∂F
=− + + F = − 2 − ∇φ. ∇φ −
ρ ∂t ∂t ∂t 2 ∂t ∂t ∂t
On note ici que le potentiel de forces de volume est généralement invariant dans le temps, en
particulier s’il représente les forces de pesanteur.

L’équation de continuité peut alors s’écrire en termes de potentiel uniquement :


1 ∂2φ
 
2 ~ ∂ ~ 1 ~ ~ 1 ∂F ~ ~
∆φ − 2 2 − 2 ∇φ. ∇φ − 2 (∇∇φ).∇φ − 2 + ∇F.∇φ = 0 (3.72)
c ∂t c ∂t c c ∂t
− Le cas particulier de l’écoulement incompressible implique c → ∞ et vérifie l’équation de
Laplace :

∆φ = 0 (3.73)

Ce résultat peut bien sûr être directement obtenu à partir de l’équation de continuité.
~ sont infiniment petits, et l’on obtient l’équation des
− Dans le cas d’un fluide au repos, φ et ∇φ
ondes en acoustique linéaire :
1 ∂2φ
∆φ − = 0. (3.74)
c2 ∂t2

Quelques remarques :
• L’équation du potentiel fait apparaître la propagation locale à la vitesse du son c, variable ther-
modynamique locale qui dépend de p et ρ et donc de V ~.
• Cette équation permet de décrire les écoulement subsoniques, supersoniques et l’acoustique du
fluide parfait avec les hypothèses d’irrotationalité, et d’isentropie (dont découle l’hypothèse de
barotropie). Par contre, on n’a pas ici l’hypothèse de gaz parfait.
• Il n’existe pas de méthode générale permettant de séparer acoustique et mécanique des fluides,
et, en particulier, on ne peut généralement pas distinguer ce qui se propage de ce qui ne se propage
pas. Tout écoulement compressible non permanent présente en effet des phénomènes de propaga-
tion.
En pratique, on cherche à séparer acoustique et mécanique des fluides en considérant que l’acous-
tique se réduit à de petites fluctuations s’ajoutant à un écoulement principal permanent (compres-
sible ou non) ou à un écoulement incompressible instationnaire.
Cependant, au sens strict,un écoulement instationnaire incompressible n’a pas de réalité physique
et on n’admet l’hypothèse d’incompressibilité que si l’échelle des longueurs L est petite devant la
longueur d’onde λ des phénomènes instationnaires.
En coordonnées cartésiennes, l’équation du potentiel s’écrit :
V2 1 ∂2φ
 
2~ ∂ ~
1 − 2 ∆φ − 2 2
− 2V . ∇φ
c c ∂t c ∂t
∂2φ ∂2φ ∂2φ
 
2
− V 1 V 2 + V 2 V 3 + V 3 V 1 (3.75)
c2 ∂x1 ∂x2 ∂x2 ∂x3 ∂x3 ∂x1
 
1 ∂F ~ ∇φ ~
− + ∇F. =0
c2 ∂t
Cette formulation permet de simplifier l’équation du potentiel lorsque le mouvement suit une
direction principale et est soumis à de petites variations.
38 CHAPITRE 3. INSTABILITÉS, PERTURBATIONS
Chapitre 4

Introduction à l’aéroacoustique

Fondant le domaine maintenant connu sous le nom d’aéroacoustique, Lighthill, en 1952, s’in-
téresse au rayonnement acoustique des écoulements turbulents se développant librement dans un
milieu au repos [?], et plus particulièrement au bruit de jet.
Il considère pour cela que les fluctuations locales de l’écoulement, dans une zone cisaillée par
exemple, peuvent être vues comme des sources responsables de la propagation d’ondes acoustiques
dans le milieu initialement au repos, dans lequel vitesse du son et masse volumique sont uniformes.
La démarche de Lighthill repose sur une combinaison des équations de continuité et de conser-
vation de la quantité de mouvement qui fait apparaître une équation d’onde après introduction
de la vitesse du son. Les sources de bruit issues de l’écoulement apparaissent en second membre
de l’équation obtenue. Cette reformulation est écrite sous forme exacte et est connue sous le nom
d’analogie aéroacoustique.

4.1 Equation de Lighthill


On travaille ici en coordonnées cartésiennes. On cherche à obtenir une équation d’onde pour
la masse volumique, la première étape consiste à dériver l’équation de continuité .
∂ρ ∂
+ (ρVi ) = 0,
∂t ∂xi
sous la forme :
∂2ρ ∂2
2
+ (ρVi ) = 0. (4.1)
∂t ∂t∂xi
On introduit ensuite arbitrairement le terme c20 ∂ρ/∂xi dans l’équation de conservation de la quan-
tité de mouvement :
∂ρVi ∂ ∂
+ (ρVi Vj ) = − (pδij − τij ),
∂t ∂xj ∂xj
qui devient
∂ρVi ∂ρ ∂ 
+ c20 ρVi Vj + (p − c20 ρ)δij − τij .

=− (4.2)
∂t ∂xi ∂xj
La divergence de cette équation donne :
∂ 2 ρVi ∂2 
+ c20 ∆ρ = − ρVi Vj + (p − c20 ρ)δij − τij .

(4.3)
∂xi ∂t ∂xi ∂xj
Par soustraction avec la dérivée de l’équation de continuité, les dérivées croisées s’annulent et l’on
obtient l’équation d’onde pour la masse volumique, dite équation de Lighthill :
∂2ρ 2 ∂ 2 Tij
− c0 ∆ρ = (4.4)
∂t2 ∂xi ∂xj

39
40 CHAPITRE 4. INTRODUCTION À L’AÉROACOUSTIQUE

où Tij est le tenseur de Lighthill :

Tij = ρVi Vj + (p − c20 ρ)δij − τij (4.5)

Les trois termes du tenseur de Lighthill permettent de distinguer les sources de bruit fondamen-
tales :

−L’instationnarité des forces convectives non linéaires, exprimées dans le tenseur de Reynolds
ρVi Vj .
−Le bruit d’entropie, présent lorsque l’évolution n’est pas isentropique ou quand l’écoulement
n’est pas homentropique, notamment quand le rayonnement se fait vers un milieu à température
différente.
−L’inhomogénéité du tenseur des contraintes visqueuses.

L’analogie aéroacoustique permet donc de relier le champ acoustique produit dans un milieu au
repos à une distribution de sources créées par une zone d’écoulement instationnaire, généralement
turbulent.
D’un point de vue mathématique, cette distribution s’exprime par des dérivées d’ordre 2 qui
lui confèrent un caractère quadripôlaire.

En pratique, on s’intéresse au rayonnement provoqué par l’écoulement vers le milieu au repos,


et l’on considère que le tenseur de Lighthill est connu. L’identification précise de chaque terme
n’est néanmoins pas triviale :

− Les fluctuations de masse volumique sont présentes dans les deux membres de l’équation, donc
la résolution de l’équation d’onde à partir d’un terme source connu a priori ne permet pas de les
déterminer complètement.
− Le tenseur de Lighthill doit contenir, en plus des informations sur l’écoulement, tous les phé-
nomènes associés à la propagation de perturbations (convection, réfraction, diffusion. . . ), qui ne
peuvent être exprimés qu’une fois le champ acoustique connu.

On doit donc apporter des hypothèse simplificatrices :


− On suppose le terme source connu, ce qui implique que l’inconnue du problème, la masse vo-
lumique, n’y figure pas. On postule généralement que sa valeur dans le terme source est la même
que dans le milieu au repos.
− On suppose également que les effets associés à la propagation en écoulement sont contenus dans
le terme source, dans la mesure où l’on s’intéresse au rayonnement libre dans un milieu au repos.

4.2 Solution de l’équation de Lighthill


4.2.1 Fonctions de Green
Il est intéressant d’utiliser un formalisme intégral pour résoudre l’équation de Lighthill. On
passe alors par une fonction de Green, solution de l’équation différentielle linéaire inhomogène
quand la source consiste en une unique impulsion, concentrée en un point, à un instant précis. Ma-
thématiquement, il s’agit de déterminer la réponse impulsionnelle du système, soit pour l’équation
d’onde :
∂2G 2
2∂ G
− c0 = δ(~x − ~y )δ(t − τ ) (4.6)
∂t2 ∂x2i
La fonction de Green G(~x, t|~y , τ ) est déterminée au point d’observation ~x, l’instant t et correspond
à une impulsion effectuée au point ~y , à l’instant τ .
Sous ce formalisme, tout problème peut être résolu pour peu que l’on puisse déterminer la
fonction de Green qui lui est associée, celle-ci étant définie de manière unique en fonction des
4.2. SOLUTION DE L’ÉQUATION DE LIGHTHILL 41

conditions aux limites du problème. Dans le cas d’un espace libre, soit en milieu infini au repos,
on utilise la fonction de Green en espace libre notée G0 .

Quelques remarques sur les fonctions de Green


− Une fonction de Green doit vérifier la condition de causalité, c’est à dire qu’elle n’est solution
en (~x, t) que du champ provoqué par l’impulsion effectuée en (~y , τ ), soit :

G(~x, t|~y , τ ) = 0
∂ pour t < τ. (4.7)
∂t G(~
x, t|~y , τ ) = 0

− Une fonction de Green vérifie également la relation de réciprocité :

G(~x, t|~y , τ ) = G(~y , −τ |~x, −t), (4.8)

ceci traduit l’interchangeabilité de la source et de l’observateur, et amène le résultat suivant :


∂2G ∂2G
2
− c20 2 = δ(~x − ~y )δ(t − τ ) (4.9)
∂t ∂yi

Fonction de Green en espace libre


La fonction de Green en espace libre G0 est solution du problème suivant
∂ 2 G0 ∂ 2 G0
− c20 = δ(~x − ~y )δ(t − τ ), (4.10)
∂t 2 ∂x2i
avec les conditions aux limites de champ libre :
• p → 0 à l’infini
• Pas d’onde régressive, car pas de réflexions possibles en milieu infini.

On se place dans l’espace de Fourier, et l’on définit la transformée de Fourier Ĝ0 de G0 :


Z +∞
Ĝ0 (ω) = G0 (t)e−jωt dt (4.11)
−∞

qui est alors solution du problème suivant :


" # Z +∞
2
2 ∂ Ĝ0
−c0 + k 2
Ĝ 0 = δ(~
x − ~
y ) δ(t − τ )e−jωt dt = δ(~x − ~y )e−jωτ ,
∂x2i −∞

avec le nombre d’onde k = ω/c, d’où

∂ 2 Ĝ0 1
2 + k 2 Ĝ0 = − 2 δ(~x − ~y )e−jωτ . (4.12)
∂xi c0
Dans le cas de la propagation en espace libre, il est naturel de traiter le problème en coordonnées
sphériques pour Ĝ0 (r), avec r = |~x − ~y |. L’équation homogène associée est alors :

∂ 2 Ĝ0 (r) 2 ∂ Ĝ0


+ + k 2 Ĝ0 = 0, (4.13)
∂r2 r ∂r
dont les solutions peuvent être trouvée sous la forme :
ĝ0 (r)
Ĝ0 (r) = .
r
On obtient alors :
e−jkr e−jkr
Ĝ0 (r) = A +B .
r r
42 CHAPITRE 4. INTRODUCTION À L’AÉROACOUSTIQUE

L’impossibilité d’établissement d’ondes régressives impose B = 0.


L’intégration de l’équation avec second membre sur un domaine tel que r → 0 donne :
1 −jωτ
A= e
4πc20
d’où :
1 e−jkr −jωτ
Ĝ0 = e , (4.14)
4πc20 r
δ(t − τ − r/c0 )
G0 (~x, t|~y , τ ) = , (4.15)
4πrc20

où r/c0 = |~x − ~y |/c0 est un retard correspondant au temps de propagation de la source vers
l’observateur.

4.2.2 Solution de l’équation de Lighthill


La méthode de résolution de l’équation de Lighthill utilise le théorème de réciprocité appliqué
à l’équation initiale pour la masse volumique :

∂2ρ 2
2∂ ρ ∂ 2 Tij
− c0 = ,
∂t2 ∂x2i ∂xi ∂xj

qui donne
∂2ρ ∂2ρ ∂ 2 Tij
2
− c20 2 = .
∂t ∂yi ∂yi ∂yj
On a d’autre part l’équation pour la fonction de Green, sous forme réciproque également :

∂2G 2
2∂ G
− c0 = δ(~x − ~y )δ(t − τ ).
∂t2 ∂yi2

La démarche consiste à multiplier l’équation en G par ρ et l’équation en ρ par G, puis à les sous-
traire. On intègre ensuite le résultat obtenu sur un volume ’source’ (i.e. selon ~y ), puis entre un
instant initial t0 et l’instant d’observation courant t.
On peut, par exemple, prendre t0 comme étant l’instant pour lequel le signal émis par la source à
l’instant τ atteint l’observateur, t0 est alors considéré comme un temps de retard.

Le développement de ce calcul permet d’obtenir l’expression :


Z tZ 2
∂ Tij (~y , τ )
ρ(~x, t) = G(~x, t|~y , τ )d~y dτ
t0 V ∂yi ∂yj
Z tZ  
2 ∂G ∂ρ(~y , τ )
−c0 ρ(~y , τ ) −G ni dSdτ (4.16)
t S ∂yi ∂yi
Z 0  
∂G ∂ρ(~y , τ )
− ρ(~y , τ ) −G d~y ,
V ∂τ ∂τ τ =t0

où V est le volume d’intégration, de surface S dont ~n = (n1 , n2 , n3 ) est la normale écrite ici en
coordonnées cartésiennes.
− L’intégrale de surface du second terme du membre de droite disparaît pour une fonction de
Green adaptée aux conditions aux limites de problème étudié.
En champ libre, le volume d’intégration s’étend vers l’infini. G0 et son gradient respectent donc
évidemment ce point, dans la mesure où leur expression tend vers 0 à l’infini. Ceci correspond au
fait que G0 peut représenter l’évolution de la pression, de la masse volumique, ou de toute autre
grandeur acoustique, qui s’annule donc à grande distance de la source de perturbation.
4.2. SOLUTION DE L’ÉQUATION DE LIGHTHILL 43

− Le dernier terme représente l’influence des conditions initiales à τ = t0 . Il est à noter que
l’intégration temporelle fait initialement apparaître un terme identique évalué à τ = t. Ceci n’a
pas de sens physique car il ne peut y avoir simultanéité entre le signal à la source et au niveau de
l’observateur. La condition de causalité se justifie ainsi, et c’est pourquoi G et sa dérivée doivent
être nuls pour τ = t.
− Si le phénomène est établi, ou stationnaire dans le temps (au sens statistique), de telle sorte
que l’on puisse considérer que t0 → −∞, ce terme devient négligeable et l’on obtient :
Z tZ 2
∂ Tij (~y , τ )
ρ(~x, t) = G(~x, t|~y , τ )d~y dτ. (4.17)
t0 V ∂yi ∂yj

En espace libre, connaissant l’expression de G0 , on peut expliciter l’intégrale de temps pour


obtenir :
∂2 Tij (~y , t − r/c0 )
Z
ρ(~x, t) = d~y . (4.18)
∂xi ∂xj V 4πrc20

Il s’agit de la solution aux temps retardés de l’équation de Lighthill.

En champ lointain, c’est à dire, par rapport à la longueur d’onde des phénomènes, à grande
distance des sources de perturbation, on peut faire correspondre les dérivées par rapport à l’espace
au temps caractéristique de propagation. On écrit alors :
1 1
' car |~x|  |~y |,
|~x − ~y | |~x|
∂ x1 ∂
' − ,
∂xi c0 |~x| ∂t
pour obtenir :

∂2 Tij (~y , t − |~x|/c0 )


Z
xi xj
ρ(~x, t) = d~y . (4.19)
4πc20 |~x|2 ∂xi ∂xj V |~x|

− |~x|/c0 représente le temps de retard,


− En champ lointain, on peut écrire les fluctuations de pression simplement : p0 = c20 ρ0

4.2.3 Loi en puissance de Lighthill


Moyennant certaines hypothèses, on peut exprimer l’ordre de grandeur des fluctuations de
masse volumique et de pression. On considère pour cela que l’écoulement provoquant les pertur-
bations est à nombre de Reynolds élevé, turbulent, tout en restant subsonique, incompressible
et homentropique. L’écoulement se développe en un espace libre dans lequel les perturbations se
propagent sous forme d’ondes acoustiques. Un cas typique consiste à considérer le bruit généré par
un jet de vitesse V0 et de diamètre D.

Raisonnons sur le tenseur de Lighthill : Tij = ρVi Vj + (p − ρc20 )δij − τij .


• A haut nombre de Reynolds, en espace libre et donc en l’absence de paroi, on peut négliger les
effets du tenseur des contraintes visqueuses τij .
• L’écoulement supposé homentropique donne p0 = ρ0 c20 , il n’y a donc pas de source entropique.
• L’écoulement incompressible donne ρVi Vj ' ρ0 Vi Vj .
Le tenseur de Lighthill se réduit donc au tenseur de Reynolds Tij ' ρ0 Vi Vj .

On effectue alors une analyse en ordre de grandeur :


− Echelle de temps caractéristiques des grosses structures turbulentes : D/V0 , on écrit donc
∂/∂t ∼ U0 /D.
44 CHAPITRE 4. INTRODUCTION À L’AÉROACOUSTIQUE

− Ordre de grandeur du tenseur de Reynolds : ρ0 V02 .


− Volume de production du bruit : de l’ordre de D3 .

Dans l’expression de la masse volumique en champ lointain, on obtient :


2
ρ0 V02 3

0 1 V0
ρ (~x, t) = × × D .
4πc40 D |~x|

L’intensité acoustique moyenne I(~x), proportionnelle à ρ02 , s’écrit :


2 2
V8
 
ρ0 D ρ0 D
I(~x) ∼ × 08 = M08
4π|~x| c0 4π|~x|

où M0 = V0 /c0 est le nombre de Mach de l’écoulement.


En termes de puissance acoustique moyenne, donnée par P = 4π|~x|2 I(~x), on a :

(ρ0 D)2 8
P∼ M0

Une méthode plus rigoureuse consiste à procéder de la manière suivante :


En champ lointain, p0 ∼ ρ0 c0 V et I ∼ p0 V .
D’où :
p02 c4 ρ2 c3
I∼ ∼ 0 0 ∼ 0 ρ02 ,
ρ0 c0 ρ0 c0 ρ0
car on a également p0 ∼ ρ0 c20 . Donc :
 2
D
I(~x) = ρ0 V03 M05 , (4.20)
4π|~x|
D2 3 5
P = ρ0 V M . (4.21)
4π 0 0
La puissance mécanique du jet, ou puissance hydraulique, est de l’ordre de ρV03 D2 , le rendement
de la transformation d’énergie mécanique en énergie acoustique est donc de l’ordre de M05 . Compte
tenu du fait que cette analyse est effectuée pour un écoulement subsonique incompressible, ceci
constitue un rendement évidemment très faible.
4.3. BRUIT DE TOURBILLON 45

4.3 Bruit de tourbillon


Dans le cadre de l’analogie aéroacoustique de Lighthill, on suppose que l’écoulement est connu
et contient tous les effets liés à la propagation des perturbations, ce qui n’est pas aisé à manipuler
en pratique, notamment quand les zones sources sont étendues. Dans de nombreux cas, il est
intéressant d’utiliser la notion de bruit de tourbillon (vortex sound) proposée par Powell (1964).
On suppose pour cela que les perturbations restent isentropiques et on cherche à introduire la
~ =∇
vorticité Ω ~ ∧V ~ dans les équations du mouvement.
On reprend ici l’équation d’Euler, sans forces volumiques :
~
dV ~
∂V
= ~ = − 1 ∇p
~ ∇V
+V ~ + 1 F~
dt ∂t ρ ρ
On rappelle que l’enthalpie massique s’écrit :

h = e + p/ρ, (4.22)

où e est l’énergie interne par unité de masse. En évolution isentropique, ds = 0, ainsi :

dh = dp/ρ. (4.23)

On utilise ici l’enthalpie totale, parfois appelée constante de Bernoulli et notée B, définie sous la
forme :
Z
dp 1 2
B= + V : (4.24)
ρ 2
A partir de l’égalité :
V ~ = 1 V 2 + (∇
~ ∇V ~ ∧V ~ = 1V 2 + Ω
~)∧V ~ ∧V
~,
2 2
on peut écrire l’équation d’Euler sous la forme :
∂V ~ +Ω
~ ∧V
~ = 0.
+ ∇B (4.25)
∂t
C’est l’équation de Crocco en fluide parfait (on peut également l’écrire en fluide visqueux).
Dans le cas d’un écoulement irrotationnel, pour lequel V~ = ∇φ,
~ cette équation devient :

∂V ~ = 0 soit B = − ∂φ .
+ ∇B (4.26)
∂t ∂t
Pour un écoulement permanent et irrotationnel, B est donc constante et représente l’enthalpie
disponible en tout point de l’écoulement. Idéalement, si une particule fluide est ralentie par un
processus réversible, son enthalpie atteint la valeur B quand V → 0.
Dans le cadre de l’aéroacoustique, si, à grande distance des zones sources de perturbations,
le fluide est au repos et ne perçoit que la propagation d’ondes, la condition d’irrotationalité est
respectée et la pression acoustique est :
∂φ
p = ρ0 B ≡ −ρ0 . (4.27)
∂t
Ailleurs dans l’écoulement, la pression s’écrit à partir de la définition de l’enthalpie totale, que
l’on dérive par rapport au temps :

1 ∂p ∂B ~ ∂ V~
= −V. ,
ρ ∂t ∂t ∂t
soit, en introduisant l’équation de Crocco :
1 ∂p ∂B ~  ~ ~ ∧V

~ ,
= + V . ∇B + Ω
ρ ∂t ∂t
46 CHAPITRE 4. INTRODUCTION À L’AÉROACOUSTIQUE

et finalement
1 ∂p dB
= . (4.28)
ρ ∂t dt
Cette expression peut également être utilisée dans le cas plus général de l’écoulement d’un fluide
visqueux à grand nombre de Reynolds. On néglige alors l’influence des termes de viscosité dans le
calcul des fluctuations de pression.

L’équation de Lighthill peut être reformulée à partir de cette écriture. Pour rappel, l’équation
de continuité est :
∂ρ ~)=0 ∂ρ ~ ~ ~ =0
+ div(ρV ou encore + V .∇ρ + ρdiv V
∂t ∂t
On écrit alors la divergence de l’équation de Crocco multipliée par ρ
∂V ~ + ρΩ
~ ∧V
~ ) = 0,
div(ρ + ρ∇B
∂t
dont le premier terme se développe en :
!
~
∂V
div ρ ~ ∂V + ρ ∂ div V
= ∇ρ. ~
∂t ∂t ∂t
   
∂ 1 ∂ρ ~ 1 ∂ρ
~ .∇
= −ρ − ρV
∂t ρ ∂t ρ ∂t
 
d 1 ∂ρ
= −ρ ,
dt ρ ∂t

après substitution de l’équation de continuité. La condition d’isentropie permet d’introduire la


vitesse du son et de substituer p à ρ :
!
~
∂V d

1 ∂p

d

1 dB

div ρ = −ρ =ρ .
∂t dt ρc2 ∂t dt c2 dt

Ce résultat permet finalement d’obtenir l’équation de bruit de tourbillon :


 
d 1 dB 1 ~ 1 ~ ∧V
~ ),
2
− div(ρ∇B) = div(ρΩ (4.29)
dt c dt ρ ρ

qui s’écrit aussi sous cette forme :


   
d 1 d 1~ ~ 1 ~ ∧V
~ ).
− ∇.(ρ∇) B = div(ρΩ (4.30)
dt c2 dt ρ ρ

−Le terme de gauche est un opérateur différentiel traduisant la propagation du son dans un écou-
lement non uniforme, isentropique et a priori compressible.
−Le terme de droite est une représentation analytique des sources acoustiques générées par l’écou-
lement, exprimées par un terme de vorticité.
−Cette équation traduit le fait que sans vorticité, l’enthalpie totale reste constante et l’écoulement
ne peut pas créer d’ondes sonores.
−Cela montre également qu’en écoulement isentropique, donc sans choc, la production de son n’est
possible qu’en présence de vorticité. Le bruit émis est donc associé à un mouvement de vorticité.
−A la différence de l’équation de Lighthill où un terme additionnel permet de construire l’opéra-
teur de propagation, l’équation de Crocco mène directement à ce résultat. Cependant, les effets
4.3. BRUIT DE TOURBILLON 47

visqueux n’ont pas été pris en compte ici, alors qu’ils permettent d’exprimer l’atténuation du bruit
produit par l’écoulement.
−Ces deux formulations se heurtent à la même difficulté quand la zone contenant les sources de-
vient importante. On ne peut alors plus négliger les interaction entre la vorticité et le bruit généré.

Dans le cas où l’écoulement peut être considéré comme incompressible (à faible nombre de
Mach, les effets de compressibilité sont généralement négligeables et se réduisent souvent à la
seule propagation du son), l’équation du bruit de tourbillon devient :

1 d2 B ~ ∧V
~ ),
− ∆B = div(Ω (4.31)
c20 dt2

où l’on peut supposer que la vitesse du son est constante et égale à c0 , sa valeur dans le fluide au
repos.
48 CHAPITRE 4. INTRODUCTION À L’AÉROACOUSTIQUE
Chapitre 5

Dynamique du tourbillon

5.1 Equation du tourbillon et théorèmes


5.1.1 Equation du tourbillon d’Helmholtz
L’équation du rotationnel obtenue dans le cas du modèle de Navier Stokes en écoulement
incompressible quand les forces de volume dérivent d’un potentiel s’écrit :
~
∂Ω ~ ∧ (Ω
+∇ ~ ∧V
~ ) = ν ∆Ω
~ (5.1)
∂t
C’est l’équation du tourbillon d’Helmholtz.Par développement du terme rotationnel, celle-ci s’écrit
également :
~
dΩ ~
∂Ω
= ~ ∇Ω
+V ~ = Ω∇
~ V~ + ν∆
~Ω~ (5.2)
dt ∂t
Cette équation traduit le fait que la vorticité est transporté par l’écoulement (dérivée particulaire)
~ V
tout en étant diffusée par la viscosité. De plus, le terme Ω∇ ~ du membre de droite indique que la
variation de vitesse dans la direction du vecteur vorticité peut étirer (ou compresser) la vorticité,
ou simplement modifier son orientation.
Dans le cas du fluide parfait l’équation correspondante est :
~
dΩ ~ V
= Ω∇ ~. (5.3)
dt
Par ailleurs, on peut montrer que pour un fluide parfait barotrope, on a :
!
d Ω ~ 1~ ~
= Ω∇ V. (5.4)
dt ρ ρ

En écoulement plan incompressible, il vient donc :


~
dΩ
= ~0, (5.5)
dt
ce qui indique que dans ce cas, la vorticité est simplement convectée par l’écoulement, à vitesse
locale.

5.1.2 Théorème de Thomson-Kelvin


Dans le cas d’un fluide parfait barotrope pour lequel les forces de volume dérivent d’un poten-
tiel :

49
50 CHAPITRE 5. DYNAMIQUE DU TOURBILLON

• La circulation Γ le long d’une courbe fluide fermée C reste constante si l’on suit C dans son
mouvement, à condition que V ~ soit continu sur C.
− Démonstration : pour toute surface S s’appuyant sur C, on a

Z Z
dΓ d ~ d ~ ndS
= V .d~r = Ω.~
dt dt C dt S
Z " ~ #
dΩ ~ ~ ∧V~)+V ~ .div Ω
~ .~ndS
= + ∇ ∧ (Ω
S dt
Z " ~ #
dΩ ~ ~ ∧V~ ) .~ndS = 0
= + ∇ ∧ (Ω
S dt

Ce théorème s’énonce également ainsi :


• L’intensité tourbillonnaire à travers une surface fluide reste constante lorsqu’on suit cette surface
dans son mouvement.

5.1.3 Théorème de Lagrange


Avec les hypothèses précédentes :
• Si l’écoulement est irrotationnel dans un domaine à un instant donné, alors il est irrotationnel
à tout instant lorsqu’on suit ce domaine dans son mouvment.
-Démonstration : Toute courbe fluide fermée du domaine vérifie le théorème de Thomson Kelvin.
La circulation de toute courbe fluide du domaine sera donc nulle à tout instant. L’écoulement dans
le domaine fluide est donc irrotationnel à tout instant.
En particulier, si le fluide part du repos, l’éculement restera irrotationnel.

5.1.4 Théorème d’Helmholtz


On rappelle que lignes, surfaces et tubes de vorticité sont, par définition, tangents en tout point
au vecteur vorticité.
• Le Théorème d’Helmholtz : Si une ligne fluide est ligne de vorticité à un instant donné, alors
elle est ligne de vorticité à tout instant.
Ce théorème s’applique également aux surfaces et tubes de vorticité.
− Démonstration : Sur une surface ou tube de vorticité, on vérifie en tout point Ω.~ ~ n = 0. Le
théorème de Thomson-Kelvin indique alors que pour toute surface choisie sur cette surface ou
tube de vorticité, l’intensité vortex reste nulle à tout instant, et le caractère de surface ou tube de
vorticité se conserve.
− Dans le cas d’une ligne fluide, on la considère comme l’intersection de deux surfaces de vorticité.

On a également la propriété suivante :


• Toute les courbe délimitant une section de tube de vorticité présentent la même valeur de cir-
culation, appelée intensité du tube de vorticité.
− Démonstration : Soit S0 la portion de tube comprise entre deux sections S1 et S2 d’un tube de
vorticité. Soit V la portion de volume intérieure à S0 . L’enveloppe de V est donc S0 ∪ S1 ∪ S2 . On
a alors : Z Z
~ ndS =
Ω.~ ~ ∧V
div(∇ ~ )dV = 0,
S0 ∪S1 ∪S2 V

~ n = 0 sur S0 , donc
les normales étant orientées vers l’extérieur de V. Or Ω.~
Z
~ ndS = 0.
Ω.~
S1 ∪S1

En orientant les normales dans le même sens, on a bien égalité des intensité vortex.
5.2. TOURBILLON 51

5.2 Tourbillon
5.2.1 Tourbillon de Rankine
Le tourbillon bidimensionnel de Rankine (∼1870) est une description idéalisée d’une structure
tourbillonnaire à noyau visqueux et correspond à l’écoulement de fluide visqueux créé par la
rotation d’un cylindre circulaire. Par analogie avec cette configuration, on se place en coordonnées
cylindriques et on définit un rayon R et une vitesse angulaire ω. Dans le cœur du tourbillon
(0 ≤ r ≤ R), on a :
Vθ (r) = ωr, Γ(r) = 2πωr2 ,
et au delà de ce rayon :
ωR2
Vθ (r) = , Γ(r) = 2πωR2 .
r
Bien qu’idéalisée, cette formulation représente correctement les structures rencontrées en sillage
instationnaire bidimensionnel, les tourbillons de vidange ou encore les tornades.

5.2.2 Ligne tourbillon


Les lignes et surfaces de vorticité ont été définies de manière mathématique, mais ne corres-
pondent pas nécessairement à une entité physique réelle, en particulier dans les zones d’écoulement
irrotationnel. On définit alors la ligne tourbillon, par extension d’un modèle de tourbillon de Ran-
kine dont le rayon du cœur tend vers zéro et dont la vitesse angulaire varie comme l’inverse du
carré du rayon, de manière à conserver une intensité vortex constante.
On définit alors le tourbillon de circulation constante Γ dont le champ de vitesse est définie
par la loi de décroissance hyperbolique :

Γ
Vθ (r) = .
2πr
Ce champ de vitesse correspond à un mouvement irrotationel en tout point, sauf au centre du
tourbillon où la vitesse présente un singularité. Dans un domaine tridimensionnel, une ligne tour-
billon est donc définie comme le lieu des centres d’une distribution continue de ce cas limite de
tourbillon de Rankine. C’est un cas particulier de ligne de vorticité pour laquelle le vecteur vorti-
cité est de module infini. Autour de la ligne tourbillon, la circulation, et donc l’intensité vortex,
sont constantes.
On traite donc différemment les écoulement pour lesquels la vorticité est répartie continuement
dans le domaine et ceux où elle est concentrée sur des lignes ou sur des surfaces.

5.2.3 Loi de Biot et Savart


Par analogie avec la théorie des champs magnétiques, on peut appliquer la loi de Biot et Savart
en mécanique des fluides par l’intermédaire du champ de vitesse et de la circulation.
• Un élément de ligne tourbillon de circulation Γ placé au point ~y induit au point ~x l’élément de
~ tel que :
vitesse dV

~ (~x) = − Γ ~r ∧ d~y
dV , (5.6)
4π r3
avec ~r = ~x − ~y . Sur l’ensemble de la ligne tourbillon, on a donc

~r ∧ d~y
Z
~ (~x) = − Γ
V , (5.7)
4π r3

La présence du produit vectoriel indique que la vitesse induite par la ligne tourbillon est à la fois
orthogonale à d~y , elle est donc azimutale, et à ~r. Ceci indique de plus qu’une ligne tourbillon
52 CHAPITRE 5. DYNAMIQUE DU TOURBILLON

W G
dl
r dV

Fig. 5.1 – Vitesse induite par une ligne tourbillon.

rectiligne n’induit pas de vitesse sur elle même. Par intégration selon ~y , on montre donc qu’une
ligne tourbillon rectiligne induit la vitesse :

~
~ (~x) = − Γ ~r ∧ k ,
V (5.8)
2π r 2

où ~k est un vecteur unitaire orientant la ligne tourbillon et ~r est pris entre ~x et son projeté sur la
ligne tourbillon (par exemple, pour ~k = (0, 0, 1), ~r = (x1 − y1 , x2 − y2 , 0)). Ceci permet par ailleurs
de traiter le cas bidimensionnel de manière simplifiée.

5.3 Généralisation
Par extension, on peut dire que dans un domaine d’extension infinie tout écoulement peut se
décrire par l’intermédiaire d’un potentiel scalaire et d’un potentiel vecteur :
~ = ∇φ
V ~ +∇
~ ∧ A,
~ (5.9)

~ = 0.
avec div A
On a alors
~,
∆φ = div V (5.10)
~A
∆ ~ = −Ω,
~ (5.11)

et on peut montrer que


Z ~
~ x, t) = 1
A(~
Ω(~y , t)d~y
. (5.12)
4π |~x − ~y |

Pour un écoulement incompressible dans un milieu au repos à l’infini, pour lequel φ = Cte, on a
donc
Z ~
V~ (~x, t) = 1 ∇~ ∧ Ω(~y , t)d~y
. (5.13)
4π |~x − ~y |
Chapitre 6

Exemples d’écoulements

6.1 Ecoulements à potentiel complexe


On considère l’écoulement plan irrotationnel et isovolume du fluide parfait. On cherche le po-
tentiel complexe f = φ + iψ pour quelques configurations élémentaires d’écoulements. A priori,
f = f (z, t), et on rappelle que la vitesse peut être exprimée à partir de la vitesse complexe
ω(z, t) = ∂f /∂z. On notera par commodité ω = df /dz et la variable t n’apparaîtra généralement
pas explicitement dans les équations.

En coordonnées cartésiennes, le point courant est repéré par (x, y), la variable complexe étant
z = x + iy, et la vitesse est notée :
~ = u~x + v~y
V avec ω = u − iv
La représentation équivalente en coordonnées polaires utilise z = reiθ et on a pour la vitesse :
~ = vr ~er + vθ ~eθ
V avec ω = e−iθ (vr − ivθ )

6.1.1 Exemples de potentiels complexes élémentaires

• f (z) = az + b : Ecoulement uniforme d’angle α = −arg(a) (ω = a = |a|earg(a) ).

x x eq er
vr vq
V v a
q V
z u z
w -v r vr - a
-q
w
q
y -vq y

Fig. 6.1 – Vitesse et vitesse complexe associées au potentiel complexe

53
54 CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉCOULEMENTS

D
•f= 2π Logz (D réel) : Source ou puits à l’origine.

D −iθ ~ = D ~er .
ω(z) = e , V
2πr 2πr
Débit volumique par unité de longeur : qv = D.

Γ
• f (z) = 2iπ Logz (Γ réel) : Tourbillon singulier ponctuel à l’origine.

Γ −iθ ~ = Γ ~eθ .
ω(z) = −i e , V
2πr 2πr
La circulation est égale à Γ.

• f (z) = az α (a et α réels) : Ecoulement dans ou autour d’un angle.


α entier positif : f holomorphe et uniforme.
α entier negatif : f holomorphe et uniforme, sauf en 0 (pôle d’ordre α).
α réel non entier : f holomorphe et uniforme sur un demi-domaine.

ω(z) = αz α−1 = αe−iθ rα−1 eiαθ , ~ = αrα−1 [cos(αθ)~er − sin(αθ)~eθ ]


V

α > 1 : Ecoulement dans un angle π/α rentrant (α = 2 : angle droit).


1/2 < α < 1 :Ecoulement autour d’un angle 2π − π/α saillant.
α = 1/2 : Contournemant d’une ligne (ou d’un plan) semi infinie (angle fermé).

6.1.2 Superposition d’écoulements


A toute combinaison de potentiels complexes correspond une superposition d’écoulements :

C D+iΓ
• f (z) = 2π Logz = 2π Logz (D et Γ réels) : Ecoulement de Source-tourbillon.

D D D z−zs
• f (z) = 2π Log(z − zs ) − 2π Log(z − zp ) = 2π Log( z−zp
) : Superposition d’une source et d’un
puits de même débit situés respectivement en zs et zp .

• Quand une source et un puits de même débit se rapprochent l’un de l’autre, on pose par exemple
D
f (z) = 2π (Log(z + ζ/2) − Log(z − ζ/2), et, par passage à la limite pour ζ → 0 en conservant
ζD/2pi = M = Cte, on a f (z) = M/z, c’est l’écoulement de doublet hydrodynamique, de moment
M.

D D
• f (z) = 2π Log(z − z1 ) + 2π Log(z − z2 ) : Superposition de deux sources (ou puits) de même
débit situés en z1 et z2 . Il y a symétrie par rapport à la médiatrice du segment [z1 ; z2 ] qui est alors
assimilable à une paroi solide. Les deux sources sont images hydrodynamiques, symétriques l’une
de l’autre par rapport à cette paroi. On peut se ramener à un repère lié à la paroi dans lequel
D D D
f (z) = 2π Log(z − z0 ) + 2π Log(z + z0 ) = 2π Log(z 2 − z02 ).

Γ
• f (z) = −i 2π Log( z−z
z−z2 ) : Superposition de deux tourbillons de circulations opposées en z1 et
1

z2 . De même, les tourbillons sont images hydrodynamiques l’un de l’autre.

D
• f (z) = 2π Log(sin πz
h ) : Source centrée entre deux lignes (ou plans) parallèles. La forme de
f s’obtient en considérant la série infinie des images hydrodynamiques obtenues par réflexions suc-
cessives sur les deux parois, condition nécessaire pour vérifier que la vitesse est bien tangentielle
sur les parois.
D
• f (z) = V∞ z + 2π Logz : Superposition d’une source à un écoulement uniforme. Cet écoule-
ment présente un point d’arrêt en z = −D/2πV∞ qui permet de définir deux lignes de courant
6.1. ECOULEMENTS À POTENTIEL COMPLEXE 55

matérialisant un solide de Rankine d’équation :


D π−θ
r=
2πV∞ sinθ
qui est ici un obstacle semi-infini.

D z+a
• f (z) = V∞ z + 2π Log z−a (V∞ , D et a réel) : Superposition d’une source et d’un puits ali-
gnés avec
p un écoulement uniforme, la source étant en amont. Il y a deux points d’arrêt, en
z = ± a2 + aD/πV∞ , qui définissent le demi axe d’un ovale de Rankine dont l’autre demi axe est
donné par z = ±iD/2V ∞. Ce potentiel représente l’écoulement autour d’un cylindre de section
elliptique. On peut généraliser cette superposition à un nombre quelconque de sources et de puits
pour définir un domaine fermé quelconque, à condition que la somme des débits soit nulle.

• f (z) = V∞ (z + a2 /z) : Superposition d’un doublet à un écoulement uniforme (Potentiel de


Laplace). C’est le cas limite pour lequel l’ovale de Rankine devient circulaire, de rayon a.
Γ
• f (z) = V∞ (z + a2 /z) − i 2π Logz : Ecoulement autour d’un cylindre avec circulation. La position
des points d’arrêt sur le cylindre est gouvernée par la valeur de la circulation :
s
Γ 1 Γ2
z=i ± 4a2 − 2 2
2πV∞ 2 4π V∞

− Si |Γ| < 4πaV∞ , les deux points d’arrêt ne sont plus diamétralement opposés et se rapprochent
l’un de l’autre.
− Si |Γ| = 4πaV∞ , les deux points d’arrêt se confondent en z = ia (pour Γ > 0).
− Si |Γ| > 4πaV∞ , les points d’arrêt restent sur l’axe vertical tout en s’éloignant du cylindre, il y
a alors une zone de fluide captif autour du cylindre.

• Formules de Blasius : on peut montrer que la force et le moment résultant calculé sur une
ligne de courant fermée (donc en particulier sur le pourtour d’un obstacle) sont donnés par :
Z
ρ
F =i ω 2 dz
2 C
Z 
ρ
M = − Re zω 2 dz
2 C

• Théorème de Kutta-Joukowsky : la force résultante sur un profil en mouvement uniforme est


une force de portance, orientée normalement à la direction de la vitesse incidente et d’intensité
ρΓV∞ . Il n’y a pas de traînée en fluide parfait, c’est le paradoxe de d’Alembert.
Pour une vitesse incidente horizontale :

F = ρiΓV∞ .

6.1.3 Exemples de représentations conformes


Outre les fonctions potentiel, on peut montrer que les débits et circulations calculés sur les
lignes de potentiel et de courant sont invariants par transformation conforme, de même pour
les forces et moments résultant, tant que f ne présente pas de singularité (de type doublet par
exemple). On peut ainsi faire correspondre à un écoulement connu l’écoulement dans un domaine
plus complexe à l’aide d’une transformation conforme.

a
• Ecoulement en canal : z = π LogZ transforme le demi-plan (X > 0) en un canal 0 < y < a.

• Ecoulement sur une marche : z = H(z) telle que H 0 (Z) = ( Z+a


Z
)1/2 , H(0) = 0 et a > 0
56 CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉCOULEMENTS

transforme le demi-plan Y > 0 en une zone telle que [x < 0; y > −aπ/2] et [x ≥ 0; y > 0].
2
• Transformation de Joukowsky : z = Z + aZ (a > 0). Cette transformation a entre autres la
propriété de transformer tout cercle passant par a et contenant −a en un profil d’aile de Jou-
kowsky. L’image du point a est un point de rebroussement situé en 2a, bord de fuite du profil
formant une pointe d’angle nul. Ce type de point conduit à une singularité sur la vitesse, quelle
que soit la fonction potentiel complexe de l’écoulement. Il est donc nécessaire d’imposer que a soit
un point d’arrêt de l’écoulement autour du disque si l’on veut exprimer l’écoulement correspondant
autour du profil d’aile.

• Transformation de Karman-Trefftz : z−ka Z−a k


z+ka = ( Z+a ) (a > 0, 1 < k < 2). Cette extension de
la transformation de Joukowsky permet de ne pas avoir de point de rebroussement et est adaptée
à la représentation d’un profil ayant un bord de fuite d’angle non nul. Le cas limite k = 2 corres-
pond à un profil de Joukowsky.
Q2
• Transformation de Schwartz-Christoffel : z = H(Z) telle que 1

n
Y
H 0 (z) = K (Z − ai )αi /π (ai , αi réels).
k=1

Transforme un demi plan (Y ≷ 0) en un polyèdre dont les sommets, images des points ai , sont
d’angle αi . La marche montante en est un cas particulier.

6.2 Ecoulements viscométriques


6.2.1 Ecoulement entre deux plans
On considère l’écoulement entre deux plans parallèles, infinis, séparés par une distance 2h.
Les forces de volumes dérivent d’un potentiel F. Par exemple, pour une orientation quelconque
des deux plans par rapport à la verticale définie par l’action de la pesanteur : F = ρgz, z étant la
cote mesurée sur un axe orienté par −~g .
On se place dans le repère naturellement défini par les deux plans. On considère que l’écoulement
est bidimensionnel, orienté selon ~x1 et permanent. On cherche alors des solutions de type :

~ = v(x1 , x2 )~x1 .
V

x2 V0 (P2)
z +h
V(x1,x2)
g
x1
x3
-h
(P1)

Fig. 6.2 – Ecoulement visqueux incompressible entre deux plans parallèles.


6.2. ECOULEMENTS VISCOMÉTRIQUES 57

~ = 0 donne
L’équation de continuité div V
∂v
=0
∂x1

Les équations de Navier-Stokes selon x1 , x2 et x3 s’écrivent donc :

∂v ∂ ∂2v
ρv =− (p + F) + µ 2 = 0
∂x1 ∂x1 ∂x2
et
∂ ∂
(p + F) = (p + F) = 0.
∂x2 ∂x3
On voit ici que le terme p + F est fonctions de x1 uniquement alors que v est fonction de x2 . Les
équations de Navier-Stokes se réduisent alors à :

∂(p + F) ∂2v
(x1 ) = µ 2 (x2 ) = −P,
∂x1 ∂x2

où P est une constante appelée chute linéique de pression motrice qui définit la différence de
pression motrice p + F nécessaire à l’établissement d’un écoulement permanent entre les deux
plans. On a alors une solution de type :

p + F = −P x1 + P0

et
v = Ax22 + Bx2 + C
où A,B et C sont des constantes qui dépendent des conditions aux limites du problème.
• L’écoulement peut être considére comme laminaire si la vitesse moyenne :
Z +h
1 2hv
v= v(x2 )dx2 vérifie Re = < 1400
2h −h ν

• Si les deux plans sont fixes (v(−h) = v(h) = 0), on a un écoulement de Poiseuille :

P 2
v= (h − x22 )

• Si un plan est fixe et l’autre animé d’une vitesse constante (v(−h) = 0, v(h) = V0 ) :

P 2 x2 + h
v= (h − x22 ) + V0
2µ 2h
− Si de plus P = 0, on a un écoulement de Couette :
x2 + h
v= V0
2h
− Si P et V0 sont de signe opposé, on observe des vitesse opposées à V0 sur une partie du profil
dès que |P | < −µ|V0 |/2h2 .
− En particulier, si |P | < −3µ|V0 |/2h2 , le mouvement moyen est de sens contraire au déplacement
du plan mobile :
Z +h
1 V0 P 2
v= v(x2 )dx2 = + h
2h −h 2 3µ
Ce qui signifie que l’entraînement communiqué au fluide par le déplacement du plan mobile n’est
pas assez important pour contrer la pression motrice.
58 CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉCOULEMENTS

x2
z (S)

g r V(x1,x2,x3)
x1
x3

Fig. 6.3 – Ecoulement visqueux incompressible en conduite.

6.2.2 Ecoulement en conduite


Dans le cas de l’écoulement en conduite cylindrique d’axe x1 et de section quelconque, orientée
arbitrairement par rapport à la verticale. On cherche des solutions de type :
~ = v(x1 , x2 , x3 )~x1
V

L’équation de continuité indique ici aussi ∂v/∂x1 = 0 ; v n’est donc fonction que de x2 et x3 .
Les équations de Navier-Stokes donnent alors :

(p + F) = µ∆v
∂x1
et
∂ ∂
(p + F) = (p + F) = 0.
∂x2 ∂x3
Soit :
d
(p + F) = µ∆v(x2 , x3 ) = −P.
dx1
On retrouve la forme p+F = −P x1 +P0 , et v est solution d’un problème de Poisson aux conditions
aux limites homogènes :
P
∆v = −
µ
avec v = 0 en paroi.
Dans le cas d’une section circulaire de rayon R, on cherche une solution axisymétrique de la
forme :
~ = v(r)~x1
V
Le système est alors réduit à
d2 v 1 dv P
+ =−
dr2 r dr µ
avec v(R) = 0 et v régulière en r = 0. Soit
P
v(r) = (R2 − r2 ).

On verifie v = P R2 /8µ. L’écoulement reste laminaire tant que
2Rv
Re = < 2000.
ν
6.2. ECOULEMENTS VISCOMÉTRIQUES 59

x3

(C2) e q er
r q
x1 x2
(C1)

Fig. 6.4 – Ecoulement visqueux incompressible entre deux cylindres coaxiaux.

6.2.3 Ecoulement entre deux cylindres coaxiaux


Dans le cas de l’écoulement entre deux cylindres coaxiaux en rotation constante, on cherche le
champ de vitesses sous la forme ~v = v(r, θ)~eθ . L’équation de continuité donne :

1 ∂v
=0
r ∂θ
Les équations de Navier-Stokes sont alors :

v2 ∂
ρ = (p + F)
r ∂r
 2 
1 ∂ d v d v
(p + F) = µ +
r ∂θ dr2 dr r

(p + F)
∂x1
L’axisymétrie du problème impose ∂(p + F)/∂θ = 0, on a donc :
2
V d
ρ = (p + F)
r dr
et
d2 v d v
+ = 0.
dr2 dr r
En posant v(r) = rω(r), on obtient
dω dω
3 +r =0
dr dr
d’où ω(r) = A/r2 + B. Avec les conditions aux limites v(R1 ) = ω1 R1 et v(R2 ) = ω2 R2 , on a le
résultat :
R12 R22 − r2 R22 r2 − R12
   
v(r) = rω(r) = ω1 + ω2
r R22 − R12 r R22 − R12
60 CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉCOULEMENTS

• Si R1 = 0, on a v(r) = rω2 : on a une rotation de solide rigide.


• Si ω1 = 0, on retrouve l’écoulement de Couette entre deux cylindres :

R2 r2 − R12
 
v(r) = ω2 2
r R22 − R12

• Si R2 → ∞ et w2 = 0 :
ω1 R12
v(r) = .
r
La circulation le long d’un cercle concentrique avec le cylindre donne :
Z 2π
Γ= v(r)rdθ = 2πω1 R12
0

On obtient l’équation d’un tourbillon d’axe x1 , d’intensité 2πω1 R12 , qu’on écrit généralement sous
la forme :
Γ
v(r) = .
2πr
• Si ω1 = 0 et (R2 − R1 )  R1 , il vient, en écrivant r = R1 +  :

ω 1 R1
v(r) ' ,
R 2 − R1
on retrouve le profil de vitesse linéaire de l’écoulement de Couette entre deux plans.

6.2.4 Ecoulement transitoire sur un plan en translation


On considère l’écoulement provoqué par la mise en mouvement d’un plan horizontal initiale-
ment au repos.
On suppose ici que le champ de pression est uniforme et les forces volumiques négligeables.
Le problème peut être réduit à un problème bidimensionnel où
~ = v(x1 , x2 , t)~x1 .
V

Le fluide est au repos pour t < 0, et, à t = 0, le plan (x2 = 0) est mis en mouvement constant à
vitesse V0 ~x1 .

− L’équation de continuité donne ∂v/∂x1 = 0.


− Les équations de Navier Stokes se réduisent à :

∂v ∂2v
=ν 2
∂t ∂x2

• On cherche une solution sous la forme :

v(x2 , t) = V0 f (η)
avec
x2
η= .
g(t)
Le système devient alors :

∂v f 0 g0 η
= −
∂t g
=
∂2v f 00
ν 2 = ν ,
∂x2 g2
6.2. ECOULEMENTS VISCOMÉTRIQUES 61

soit
gg 0 f 00
= − 0 = Cte.
ν ηf
√ √
La solution pour g est de type A t, on choisit g(t) = 2 νt de manière à obtenir :

f 00 + 2ηf 0 = 0,

dont la solution est de type : Z


2
f (η) = A + B e−u du.

Les conditions aux limites imposent f (0) = A = 1 et f (∞) = A + B π/2 = 0. Le système admet
finalement pour solution :
Z x2 /2√νt !
2 −u2
v(x2 , t) = U0 1 − √ e du .
π 0

La quantité λ = νt est appelée longueur de diffusion visqueuse, et correspond au lieu où la vitesse
est réduite à environ 16% de la vitesse du plan. Pour x2 = 2λ, la vitesse transmise au fluide est
inférieure à 0.5% de la vitesse d’entraînement.

Second problème de Stokes


On considère ici que la plaque effectue un mouvement oscillatoire dans son propre plan selon
la forme suivante :
v(0, t) = V0 eiωt
où V0 est l’amplitude de la vitesse de la plaque et ω la pulsation des oscillations.
• On procède par la méthode classique de séparation des variables en posant :

v(x2 , t) = f (x2 )g(t)

Il vient :
f 00 1 g0
f g 0 − νf 00 g = 0 soit = = Cte
f ν g
dont les solutions sont :
2
f (x2 ) = Bekx2 + Ce−kx2 et g(t) = Aeνk t

où k, A, B et C sont des constantes, complexes a priori. On écrit alors


2
−Im(k)2 )t 2iνRe(k)Im(k)t
g(t) = Aeν(Re(k) e et f (x2 ) = BeRe(k)x2 eiIm(k)x2 +Ce−Re(k)x2 e−iIm(k)x2

Selon le signe de Re(k), B ou C doit être nul car la vitesse doit être finie en tout point. Dans
l’hypothèse où Re(k) > 0 on a donc nécessairement B = 0.
La condition aux limites en x2 = 0 impose :
2 2
∀t, V0 eiωt = A × C × eν(Re(k) −Im(k) )t e2iνRe(k)Im(k)t
p
On a donc Re(k) = Im(k) = ω/2ν et AC = V0 . La vitesse s’écrit :
√ω √ω
v(x2 , t) = V0 ei(ωt− 2ν x2 ) e− 2ν x2
p
• On définit la profondeur de pénétration visqueuse de la vitesse δ = 2ν/ω, pour laquelle on
vérifie :
1
v(δ, t) = v(0, t).
e
62 CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉCOULEMENTS

Soit L la distance parcourue par la plaque sur une demi période d’oscillations, (L = 2V0 /ω), on a
alors : r
δ
r
νω ν 1
= = =√
L 2V02 V0 L Re
La profondeur de pénétration visqueuse est donc inversement proportionnelle à la racine carrée
du nombre de Reynolds.
Ces deux problèmes illustrent la faible efficacité de la diffusion de la quantité de mouvement par
la viscosité.
Bibliographie

[1] P. Chassaing. Mécanique des fluides - Eléments d’un premier parcours. Cepadues Ed., 2000.
[2] J. Coirier. Cours de Mécanique des fluides de 2ème année. Ecole Nationale Supérieure d’Aé-
rotechnique, 1996.
[3] E. Guyon, J.P. Hulin, and L. Petit. Hydrodynamique physique. EDP Science / CNRS Ed.,
1991.
[4] M.S. Howe. Theory of Vortex Sound. Cambridge University Press, 2003.
[5] M.J. Lighthill. On sound generated aerodynamically, I. general theory. Proceeding of the Royal
Society of London, A211 :564–587, 1952.
[6] L.M. Milne-Thomson. Theoretical hydrodynamics. Dover publications, 5th edition, 1968.
[7] A. Powel. Theory of vortex sound. The Journal of the Acoustical Society of America, 36(1) :177–
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