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Presses

de
l’Universit
Saint-
Louis
Le manifeste Conscience
africaine (1956) | Nathalie Tousignant

Les
évolués :
situation au
Congo
belge
Jean-Marie
Mutamba Makombo
p. 83-115
Texte intégral
Le manifeste de Conscience africaine
dont nous commémorons aujourd’hui
le cinquantenaire a été produit par une
petite équipe d’intellectuels congolais,
appelés alors « évolués ». Le terme
était encore en vigueur en 1955-1956.
Deux titres parus en 1956 en
témoignent : Congo, pays de deux
évolués de Thomas Kanza publié aux
éditions Actualités Africaines à
Léopoldville (Kinshasa) et L’essai de
psychologie du primitif de J.F. Iyeki
lancé aux éditions de la Voix du
Congolais1 ; le terme « primitif » faisait
pendant à « l’évolué » et le valorisait.
Toutefois, en 1956, comme on le
découvre dans le manifeste, les évolués
préféraient être appelés « les élites »
ou une périphrase euphémique : « Les
Congolais qui réfléchissent ».
Aujourd’hui le terme « évolué » qui a
été un titre de gloire pour l’élite
congolaise dans les années quarante-
cinquante fait sourire parce qu’il fait
ringard. Il se prête à la critique de ceux
qui le revendiquaient dans le passé.
Dans ses mémoires publiés en 2005,
Mulopwe Albert Kalonji condamne ce
terme qu’il juge « injustifié, méprisant
et déplacé » : « Pour moi, dit-il, tout
individu blanc ou noir évolue. Par
conséquent, l’épithète “évolué” ne
devait pas être appliqué uniquement
aux Noirs... Il était injuste de juger le
degré d’évolution des Noirs par rapport
à la culture des Occidentaux vivant
dans un milieu typiquement africain. Il
était anormal de ne juger l’homme noir
que vis-à-vis des valeurs occidentales.
[...] L’homme ne s’arrête pas dans son
évolution. Dès lors, personne ne peut
qualifier définitivement quelqu’un
d’“évolué”2. »
Notre communication se propose
d’élucider un certain nombre de
questions : D’où vient ce mot ? Quand
est apparue cette catégorie sociale ?
Qu’est-ce qu’était un évolué ? Qui
étaient-ils ? Combien étaient-ils ?
Quelles étaient leurs aspirations ? Quel
a été leur cheminement ?

1. Des origines et de
l’usage du mot « évolué »
Ce mot est un pur produit de la théorie
de l’évolutionnisme culturel et social
qui a vu le jour dans la deuxième
moitié du dix-neuvième siècle. Cette
théorie trace une ligne évolutive
unique et valable pour toute
l’humanité ; elle établit une hiérarchie
de valeurs dans les cultures. Au
premier stade de l’évolution des
sociétés humaines, elle place les
sociétés dites « primitives »,
« arriérées », « sauvages », en fait des
sociétés non occidentales. Au sommet,
en revanche, trône la société
occidentale censée représenter les
formes avancées de la société
humaine : elle est peuplée de
« civilisés ». Entre ces deux extrêmes,
il y avait une diversité de nuances avec
les évoluants, les quart de civilisé, les
demi-évolués, et les évolués. L’évolué
était celui qui avait subi son évolution,
et qui se rapprochait du civilisé. On
était évolué par rapport... au blanc. Le
mot pouvait dès lors être revêtu d’une
connotation laudative ou injurieuse
selon le ton : Mais « c’est un évolué ! »
ou « espèce d’évolué ! ».
Si l’usage du mot « évolué » a été
consacré au Congo belge dans les
dernières années de la seconde guerre
mondiale, l’une des premières
définitions de ce concept date
cependant du début des années trente.
En janvier 1931, A. Tshimanga
définissait l’évolué comme « tout
homme qui a étudié et qui respecte
tout ce qu’il a étudié, qui respecte les
règles du savoir-vivre, les lois de Dieu,
les lois de l’État et surtout de ses
supérieurs3 ».
Entre les deux guerres, on parlait
davantage de « déracinés », de
« détribalisés », et de « transplantés ».
Pierre Daye parlait en 1922 de « quart
de civilisé4 ». D’autres préféraient
parler de « vernivolués », néologisme
mettant l’accent sur l’aspect clinquant
et fragile ; ces vernivolués craquaient
comme le vernis ; ils ne portaient
qu’une couche superficielle de
civilisation. En Afrique équatoriale
française voisine, le gouverneur
général Félix Eboué, un noir d’origine
guyanaise, fit promulguer en 1942 par
le général de Gaulle, le chef des
Français libres, le statut des « notables
évolués » complété et modifié en 1945-
19465.

2. De l’émergence des
« évolués » au Congo belge
La catégorie sociale des évolués est
apparue brutalement au sortir de la
seconde guerre mondiale. Cette
apparition s’est manifestée par les
pétitions et les doléances présentées
pour la première fois un peu partout
dans les grandes cités qui
connaissaient une forte attraction
pendant cette période. Ces pétitions
étaient faites au niveau local, et
n’étaient pas coordonnées au niveau
national.
En octobre 1943 est née dans la
clandestinité une association des clercs
d’Élisabeth ville, sous l’instigation d’un
Belge, J. Decoster, éditeur de l’Echo du
Katanga. Celui-ci avait demandé aux
clercs de se mobiliser, de s’adjoindre
les masses et de s’entendre avec les
soldats pour éviter l’échec du
mouvement de grève de décembre 1941
à l’Union Minière du Haut Katanga
noyé dans le sang6. Découverte fin
janvier 1944, l’association des clercs fut
entendue par une commission
rogatoire constituée par le gouverneur
du Katanga, André Maron. Liévin
Kalubi, secrétaire de ladite association,
dénoncé comme le cerveau du
mouvement, révéla les revendications
des évolués d’Élisabeth ville. Ils
voulaient créer un journal pour faire
entendre leur voix ; ils désiraient plus
de considération de la part des blancs ;
ils souhaitaient une amélioration de
leurs rémunérations et l’entente sur le
plan social ; ils désiraient suivre des
cours post-scolaires ; ils voulaient voir
créé un service chargé de construire
des logements et obtenir des facilités
pour l’achat de cercueils destinés aux
membres de l’association7.
En mars 1944, peu après la mutinerie
de Luluabourg du 20 février, les
évolués de ce centre présentèrent au
commissaire de district, M. Gustave
Sand, un mémoire reprenant leurs
revendications8. Les griefs étaient
analogues à ceux d’Élisabethville. Dans
ce texte lu par Clément Beya et Etienne
Ngandu avant d’être remis au
commissaire, les évolués de
Luluabourg demandaient la
reconnaissance de « l’existence d’une
classe des évolués ». Ils se posaient
comme « les intermédiaires entre le
Blanc et les indigènes non évolués »,
« la masse des indigènes arriérés ». Ils
voulaient être entendus
périodiquement pour présenter les
doléances de l’opinion noire. Ils
formulaient des griefs concernant leurs
conditions de logement et
demandaient la considération des
blancs à leur égard : une classe
intermédiaire dans les bateaux et les
trains, une audience hebdomadaire
dans les territoires, un régime
pénitentiaire qui les distinguerait des
« sauvages de la brousse », la fin des
insultes publiques. Ils sollicitaient
enfin « un statut spécial » ou du moins
« une protection particulière du
Gouvernement qui les mette à l’abri de
certaines mesures, ou de certains
traitements qui peuvent s’appliquer à
la masse ignorante et arriérée ».
Au cours du dernier trimestre de
l’année 1944, Louis Abangapokwa,
président du comité provisoire de
l’Association des évolués de Stanley
ville, prit la parole pour présenter son
mouvement et susciter des adhérents
et des sympathisants. Pour lui, « le mot
“évolué” indique [...] un sujet
transformé par la civilisation, dont le
moral et le train de vie diffèrent de
ceux du primitif. En effet, un évolué
n’est pas simplement un homme qui
sait lire et écrire, mais il doit, en outre,
posséder quelques qualités le portant à
un degré plus ou moins supérieur et
avoir une culture plus ou moins
supérieure, [...] plus ou moins élevée.
L’évolué, par rapport à l’autochtone
non civilisé, a plus de raisonnement, de
conscience, de compréhension,
d’initiative et d’amour-propre9.»
Il énuméra les desiderata qui tenaient
le plus les membres à cœur. Il s’agissait
de :

jouir d’une considération distincte


de celle des autres indigènes,
notamment dans les transports
publics et privés, dans les
dispensaires et les hôpitaux, dans
les manifestations publiques, dans
le choix de la résidence, dans les
lieux publics, à la poste, dans les
bureaux administratifs et les
magasins, dans les banques ;
servir d’intermédiaires entre les
Européens et les « indigènes
ordinaires » ;
bénéficier du droit de présenter
des suggestions aux autorités.

Se félicitant de la création de la Voix


du Congolais au début de l’année 1945,
et de la latitude accordée aux Congolais
d’exprimer librement leur opinion,
Paul Lomami-Tshibamba rédigea son
article début février 1945 : « Quelle
sera notre place (à nous évolués) dans
le monde de demain ?10 ».
Le passé, dit-il, avait bercé les évolués
d’illusions et de promesses fallacieuses.
Ceux-ci, ballottés entre les mœurs et la
mentalité des indigènes qualifiés de
primitifs et l’européanisme, ne savaient
plus à quel saint se vouer. Ils croyaient
pouvoir arriver à une assimilation
complète avec les blancs à cause de
leur culture. « Mais hélas ! ajoutait-il,
de jour en jour, en présence et même
victimes de faits, gestes, attitudes de
ceux auxquels nous croyions être
assimilés, notre âme ulcérée et aigrie
nous fait douloureusement croire que
nous avons dévoyé, ou mieux, l’on nous
a sciemment mis hors de la voie qui
doit nécessairement mener l’homme
vers sa destinée sociale. »
Il se demandait quels avantages
sociaux et moraux réels l’avenir
réservait aux évolués, et souhaitait que
« les habitants évolués du Congo belge
jouissent de mêmes droits civils que les
Belges de la métropole » et que soit
« réellement brisée la barrière établie
par des considérations ethniques ou
raciales ».
En juillet 1945, Lomami-Tshibamba
revint à la charge dans les devoirs des
évolués : « De par le milieu et à cette
époque où nous, génération actuelle,
sommes nés, élevés, instruits, éduqués
et de par la mentalité et la conception
idéale que nous avons acquises, notre
place dans la société indigène devait, à
juste titre, être spécialement
déterminée. Ceci étant devenu une
nécessité, et même notre droit, dont on
ne pouvait plus nous refuser la
jouissance11. »
En décembre 1945, quatorze évolués de
Léopold ville préparèrent un projet de
statut des évolués. Celui-ci fut
reproduit dans l’Avenir colonial belge.
Les signataires affirmaient que la
qualité d’évolué devait entraîner
nécessairement un traitement
préférentiel de la part de
l’Administration car ils offraient des
garanties ; en revanche, les autres
individus devaient être surveillés
étroitement car ils échappaient
aisément au contrôle en se perdant
dans la masse ; de plus des mesures
trop modérées n’avaient pas d’effet sur
ces individus en raison de leur
mentalité frustre. Ils réclamèrent la
création d’écoles laïques gratuites
« dont certaines seraient
exclusivement réservées aux
évolués12 ».
La revendication d’un statut particulier
fut formulée aussi par les membres de
l’Union des intérêts sociaux congolais
(UNISCO). Créée en 1942 à l’initiative
des Anciens élèves des Pères de Scheut
(ADAPES), l’UNISCO fut reconnue
officiellement par les A.I.M.O. en
novembre 1945. Cette union ne
regroupait que les responsables des
associations d’anciens élèves.
L’UNISCO préconisait la suppression
totale de tous les signes extérieurs et
intérieurs de la discrimination raciale,
l’amélioration de la condition sociale
des Congolais en général, et la défense
des droits des évolués en particulier.
L’UNISCO revendiquait en outre le
libre accès aux lieux publics réservés
aux Européens et une participation
plus active à l’administration du pays13.
Au cours de l’année 1947, le Congo
reçut la visite des plus hautes autorités
métropolitaines : le Prince-Régent
Charles (20juin-12 août), le ministre
des Colonies Pierre Wigny et une
commission sénatoriale de neuf
membres (fin août-fin octobre).
Chaque fois que l’occasion fut propice,
les évolués présentèrent leurs
desiderata.
Lors de l’audience que le ministre
accorda aux évolués de Léopoldville,
Eugène Kabamba, Antoine-Roger
Bolamba et JeanPierre Dericoyard
abordèrent avec leur hôte trois points :
le mémorandum des milieux
coutumiers, les desiderata des citadins
et les aspirations des évolués.
Concernant le dernier point, ils
insistèrent auprès du ministre sur la
nécessité de doter les évolués d’une
distinction autre que le statut qui leur
avait été promis. Ils lui demandèrent
aussi de faire aboutir le plus
rapidement possible le projet d’octroi
d’une carte d’identité spéciale aux
évolués, remplissant certaines
conditions, qui en feraient la
demande14.
20 Les évolués de Buta eurent le privilège
de présenter leurs vœux dans une
lettre remise au ministre. Ils
demandèrent au gouvernement de
mettre à la disposition des évolués des
chambres convenables dans les
hôpitaux ; la Société des chemins de fer
vicinaux du Congo devait aussi
réserver des places convenables pour
les évolués dans les trains et les autos.
Ils souhaitaient que la durée de la
carrière du personnel indigène sous-
statut fût ramenée de 30 ans à 25 ans,
que les traitements et indemnités
familiales alloués au personnel
auxiliaire indigène de la Colonie
tinssent compte du renchérissement
du coût de la vie, que la peine de
servitude pénale fût remplacée par des
amendes lorsqu’il s’agissait de fautes
légères, etc.15.
Dans leur mémorandum adressé à la
commission sénatoriale, les évolués de
Léopoldville ont soulevé des problèmes
d’intérêt général dans la cité indigène
de Léopoldville liés à l’insuffisance de
l’infrastructure urbaine : crise du
logement, absence d’électricité,
manque d’eau et d’égouts, carence des
moyens de transport, équipement
sanitaire déficient, inexistence d’un
régime de propriété foncière pour les
noirs16.
En revanche les évolués du cercle de
Paulis (Isiro) se sont étendus sur leurs
propres doléances. Ils ont demandé
aux sénateurs la constitution d’une
bibliothèque pour les évolués, la
création d’une école ménagère pour les
femmes des évolués, l’amélioration du
traitement médical des évolués : « Ils
n’aiment pas être mêlés à des nègres
sans dignité. » Ils regrettaient le
manque d’égards de la part des blancs,
les préjugés raciaux, les gifles et les
insultes ; ils déploraient l’insuffisance
des allocations familiales et de leurs
salaires, et réclamaient enfin une place
spéciale pour les évolués dans les
transports publics (bateau et train)17.

3. Définition du concept
d’« évolué »
En examinant des documents
congolais et européens datant des
années 1945-1947, M. de Schrevel a
relevé une quarantaine ( !) de
définitions différentes du concept
d’« évolué18 ». Toutefois, on peut
ramener les critères à cinq points19.
En premier lieu, le degré d’instruction.
Il fallait avoir fait trois à quatre ans
d’études post-primaires dans les écoles
moyennes formant les auxiliaires de
l’Administration et les commis, et dans
les écoles normales pour instituteurs.
Si les premiers collèges latins des Pères
Jésuites de Lemfu et Kiniati-Yasa
datent de 1946-1947, et le collège de
Kamponde des Pères de Scheut
de 1947, la réforme des six ans d’études
secondaires n’a été introduite
qu’en 1948.
Quatre rédacteurs du manifeste de
Conscience Africaine ont fréquenté
l’école moyenne de l’Institut Saint-
Joseph (paroisse Sainte Anne) à
Léopold ville : Joseph Iléo, Albert
Nkuli, Antoine Ngwenza, Dominique
Zangabie. Joseph Ngalula a terminé
quatre ans post-primaires dans la
section arts graphiques au groupe
scolaire des Frères de la Charité à
Lusambo. Jean Bolikango, alias Tata
Za, président de l’Association des
anciens élèves des Pères de Scheut,
était le doyen des instituteurs. Engagé
dans l’enseignement depuis 1926 après
deux ans post-primaires pédagogiques,
il a donné cours à Cyrille Adoula,
Joseph Iléo, Joseph Malula, Eugène
Moke, Jacques Massa, Albert Mongita,
etc. D’autres, comme Étienne Ngandu
ou Gaston Diomi, avaient suivi la
scolarité de l’École des assistants
médicaux indigènes implantée à
Kisantu en 1936, et à Kinshasa
en 1937 ; la durée des études y était de
six ans après un concours d’entrée du
niveau de l’école moyenne.
26 A l’époque, pour aller plus loin dans les
études, il fallait avoir achevé le cycle
complet du petit séminaire ou fait une
incursion au noviciat et au grand
séminaire. Du reste, les premières
promotions de l’université Lovanium
furent formées surtout d’anciens
séminaristes. Le rayonnement des
anciens séminaristes était perceptible
dans la société : Liévin Kalubi, ancien
séminariste de Kabwe, commis de
l’administration, écrivain public à ses
heures et secrétaire de l’Association
des clercs d’Élisabeth ville ; Jacques
Massa, condisciple de Joseph Malula et
de Eugène Moke, secrétaire permanent
dès 1946 du syndicat chrétien CSCC,
membre du Conseil de gouvernement
et de la députation permanente ;
Joseph Kasa-Vubu, commis au Service
des finances, secrétaire de l’Association
des anciens élèves des Pères de Scheut,
secrétaire de l’Union des intérêts
sociaux congolais ; Paul Lomami-
Tshibamba, président de la section
Bibliothèque du Service d’information
du gouvernement général,
collaborateur de la Voix du Congolais,
romancier primé par le jury du
concours littéraire de la Foire coloniale
de Bruxelles en 1948.
Le prestige des abbés noirs tenait aux
vingt ans d’études qu’ils avaient
accomplis, dont trois de philosophie et
cinq de théologie. La mode à l’époque
voulait que l’on expose sur un mur de
son salon son diplôme avec la mention
et le rang obtenus.
28 Un deuxième critère est la situation
matérielle. Elle devait être
« honorable ». En mai-juin 1945, il
fallait jouir d’un revenu mensuel
minimum de 1 000 francs. Deux
années plus tard, lorsque la mission
sénatoriale belge est venue au Congo,
elle a constaté en 1947 que le salaire
d’un infirmier variait entre 800 et
3 000 francs par mois. Un
contremaître travaillant aux Usines
textiles de Léopold ville avec quatorze
ans d’ancienneté gagnait 1 725 francs.
Un commis comptable pouvait
approcher 3 000, 4 000, voire
exceptionnellement 5 000 francs20.
29 Cette situation matérielle honorable
pouvait être accessible à ceux qui
n’avaient fait que des études primaires,
mais qui avaient l’expérience d’un
métier et une certaine aisance
économique. C’était le cas des
commerçants indépendants et semi
autonomes, des propriétaires de petites
entreprises (boutiques, bars,
entreprises de transport, plantations),
des artisans diplômés travaillant à leur
compte (cordonniers, menuisiers,
tailleurs, peintres, sculpteurs). Ce sont
eux qui vont constituer « les classes
moyennes » des années 1952-1953. Ils
possédaient des biens visibles : une
maison en dur, une bicyclette, un
phonographe, une radio, une machine
à coudre, une lampe à incandescence,
etc.
30 L’évolué se reconnaissait par un
troisième caractère : les responsabilités
assumées dans son métier et la
conscience professionnelle. Ce critère
se retrouvait dans plusieurs
professions : les « capita » de
commerce gérant les magasins des
sociétés coloniales, les comptables, les
assistants médicaux, les infirmiers
diplômés, les assistants agricoles, les
animateurs de radio, les instituteurs
diplômés, les gradés de la police et de
la Force publique, les anciens
combattants, les greffiers et les juges
des tribunaux indigènes, les opérateurs
de télégraphie, les gardes sanitaires, les
arpenteurs-géomètres, les capitaines
de bateaux fluviaux, les chefs de gare,
les sous-percepteurs des postes, les
ouvriers spécialisés détenteurs d’un
diplôme d’études professionnelles et
percevant des revenus comparables à
ceux du personnel auxiliaire de
l’Administration.
L’évolué se définissait par un
quatrième critère : la bonne moralité.
Il devait être monogame, discipliné
dans la vie familiale, jouir d’un casier
judiciaire vierge, disposer d’un
certificat de bonne vie et mœurs. Ce
critère échappait à la mesure, mais
tous les évolués souscrivaient à cette
clause de perfection morale. Pour
certains, elle devait même passer en
premier lieu comme l’a écrit Léon
Bongongo, assistant médical : « Qu’un
indigène ait fait d’excellentes études
moyennes, qu’il jouisse d’un salaire
mensuel de plusieurs milliers de
francs, ne constituent nullement des
critères suffisants pour que l’on soit
admis dans le cadre des “évolués”. Ce
qui fait qu’un indigène est évolué, ce
n’est pas tant son instruction ni sa
situation, quelles qu’elles soient, mais
c’est surtout son fonds moral, spirituel,
lequel s’obtient surtout par
l’éducation21.»
Le cinquième critère qui caractérisait
l’évolué est l’adoption du mode de vie,
des valeurs, des mœurs et des
comportements des blancs. La mission
sénatoriale l’a précisé en 1947 : on
entend par l’assimilation des principes
de la civilisation européenne « non
seulement le comportement et la
civilité, mais encore la façon de vivre
matériellement, dans des logements se
rapprochant autant que possible de
ceux des Blancs, dont les vêtements
sont aussi adoptés ». Une année plus
tard, cette exigence a poussé les
commissions d’octroi de la carte de
mérite civique à inspecter les maisons
des postulants pour voir si elles étaient
bien tenues, si le mobilier et la vaisselle
étaient en nombre suffisant, et les
draps de lit et les lieux d’aisance
propres.
Dans leur souci de ressembler au
colonisateur, les évolués ont poussé le
mimétisme jusqu’à la caricature : on
mangeait à table « comme un blanc »,
on faisait la sieste « comme le blanc »,
on s’habillait, on portait la raie, on
parlait « comme un blanc », on
apprenait à « rire en français ». On
mettait des lunettes de soleil même la
nuit pour imiter le blanc. Bref, dans
toutes les circonstances de la vie, faire
« tout à fait comme le blanc » était une
expression communément utilisée : en
lingala, « lokola kaka mondele
mpenza », en kikongo « mutindu kaka
mundele mpenza », en tshiluba « anu
bu mutoke menemene », en swahili
« kama muzungu kabisa ». Certains
évolués ont troqué leurs noms africains
contre des noms européanisés :
Dericoyard pour Likwangola, Pierre
Canon pour Pierre N’Kanu, Jacques
Bonnard pour Augustin Mayanga,
Mumbard pour Lumumba, Amelot
pour Abangapokwa, Sapin pour Sapu,
Cassongault pour Kasongo,
Muthombon pour Mutombo, etc.

4. Qui étaient les évolués et


combien étaient-ils ?
A l’exception de Paul Panda Farnana,
« le premier universitaire congolais »,
né en 1888, et de l’abbé Stéphane
Kaoze, « le premier prêtre de la
seconde évangélisation au Congo »,
ordonné en 1917, les évolués
appartiennent à la génération de ceux
qui sont nés entre 1905 et 1929. Ils
viennent après la génération de ceux
qui ont établi les premiers contacts
avec les Européens (1880-1904), et
avant la génération des premiers
universitaires (1930-1954).
Tels sont les cas de Jean Bolikango
(1909), Eugène Kabamba (1911),
Sylvestre Mudingayi (1912), Joseph
Kasa-Vubu, AntoineRoger Bolamba,
Zuza Bola (1913), Paul Lomami-
Tshibamba (1914), Joseph Malula
(1917), Dominique Zangabie (1918),
Albert Nkuli, Antoine Ngwenza,
Etienne Ngandu, Moïse Tshombe
(1919), Joseph Iléo (1921), Antoine-
Marie Mobe (1922), Jacques Massa
(1923), Patrice Lumumba (1925),
Joseph Ngalula (1928), Albert Kalonji
(1929).
Les évolués ont profité de la
multiplication des écoles : création des
écoles normales, moyennes et
professionnelles, particulièrement à
partir des années 1925 : création des
petits séminaires et des grands
séminaires de Baudouin ville (1905), et
de Kabwe (1930), création de l’école
des candidats commis à Borna (1906),
création des écoles d’infirmiers de
l’État (1910), convention scolaire du
gouvernement colonial avec les
missions chrétiennes (1925-1926),
création à Kisantu de l’École des
infirmiers de la Fondation médicale de
l’Université catholique de Louvain au
Congo (1927), réforme de la scolarité
des candidats commis de Borna portée
de six à huit ans, dont deux post-
primaires (1931), changement du statut
de l’Institut Saint Joseph de Kinshasa
qui devint en 1933 une école moyenne
alors qu’elle fut de 1917 à 1932 une
école professionnelle, création à
Kisantu d’une école moyenne
d’agriculture du Centre agricole de
l’université de Louvain au Congo
(1933), création de l’École des
Assistants médicaux indigènes à
Léopold ville (1936) et Stanley ville par
l’État, création de l’École des assistants
médicaux indigènes à Kisantu par la
Fondation médicale de l’Université
catholique de Louvain au Congo
(1937), réforme scolaire qui
prolongeait de deux à quatre ans post-
primaires la scolarité des candidats-
commis (1938).
Jean Bolikango est sorti de l’Institut
Saint Joseph de Kinshasa en 1925
après deux années post-primaires et
une année de sténodactylographie-
comptabilité. Sylvestre Mudingayi est
entré dans la vie active en 1931 après
deux ans d’études de candidat-commis.
Antoine-Roger Bolamba a fait ses
études primaires et ses études de
candidat-commis à la colonie scolaire
de Borna. Paul Lomami-Tshibamba a
commencé sa scolarité à l’Institut Saint
Joseph de Kinshasa, et l’a poursuivie
au petit séminaire de Mbata Kiela au
Mayombe qu’il a dû quitter en
terminale pour raison de maladie
(1928-1932). Bonaventure Makonga a
fait des études normales à Lukafu et
Luabo auprès des Pères Franciscains
(1928-1930). Il a commencé sa carrière
comme instituteur aux écoles de
l’Union Minière du Haut Katanga
avant d’entrer dans l’administration
des postes. Après ses études primaires
à l’Institut Saint Joseph de Léopold
ville, Joseph Malula a continué sa
scolarité aux petits séminaires de
Mbata Kiela et de Bolongo à Lisala. Au
grand séminaire de Kabwe au Kasaï, il
était condisciple de Joseph Kasa-Vubu
et Jacques Massa. Moïse Tshombe a
fréquenté l’école normale des
Méthodistes à Kanono lez Kinda dans
le territoire de Kamina (1931-1935).
38 La montée des évolués a été favorisée
aussi par les circonstances de guerre :
la séparation de la colonie et de sa
métropole empêchait le recrutement de
nouveaux agents en Belgique. Il a fallu
utiliser de plus en plus de noirs, et leur
confier des responsabilités exercées
jusque-là par des blancs. Les cadres
subalternes européens furent
remplacés par le personnel auxiliaire
noir. Le nombre d’employés noirs est
passé au Congo belge de 8 792 en 1939
à 10 745 en 1941, 12 609 en 1943 et
14 833 en 1945, soit une augmentation
de près de 70 % en six ans. En
décembre 1943, Mgr Jean-Félix de
Hemptinne, vicaire apostolique du
Katanga, et membre de la Commission
permanente pour la protection des
indigènes, faisait remarquer au
gouvernement belge en exil que la
conséquence la plus grave de l’effort de
guerre paraissait être « la rupture
d’équilibre qui s’est produite entre les
deux portions de la population
indigène, les travailleurs salariés d’une
part et, d’autre part, la population des
milieux coutumiers22 ». Il précisait sa
pensée : « C’est de cette masse de
salariés et des employés, devenue
énorme, que part le mot d’ordre qui
régit désormais l’attitude des milieux
coutumiers eux-mêmes. Ceux-ci ne
donnent plus le ton. Ils le reçoivent
d’ailleurs...23.»
L’estimation numérique des évolués
varie avec le critère privilégié. Si l’on
privilégie le facteur « instruction-
diplôme », il faut avoir à l’esprit le
niveau réel de ces écoles. Pour ne
prendre que l’exemple de l’École des
candidats-commis de Borna qui a
formé les premiers auxiliaires de
l’Administration, la scolarité était de
six ans primaires de 1906 à 1931, de
deux ans post-primaires de 1931
à 1938, et de quatre ans post-primaires
après 1938.
40 Pour la seule année 1947, le nombre
total des diplômés de l’enseignement
post-primaire ne s’élève qu’à 815. Si
l’on ajoute à ce chiffre les transfuges
des séminaires, les assistants médicaux
et les diplômés des années antérieures,
on obtient un chiffre de l’ordre de
12 000 à 15 000 évolués24 en 1948, soit
5 évolués pour 1000 adultes masculins.
Une seconde estimation est le nombre
des membres inscrits dans les cercles
pour évolués. Ces cercles se donnaient
pour but de poursuivre la formation
intellectuelle des adhérents et de leur
procurer des divertissements sains :
théâtre, musique, sport, jeux d’esprit,
activités sociales. Ils furent créés un
peu partout dans le pays par les
missions, l’Administration, certaines
entreprises et des coloniaux bénévoles.
Le président d’honneur était souvent
un agent européen de la territoriale, ou
bien un missionnaire.
Eugène Kabamba fut président du
cercle d’études et d’agrément des
évolués Emmanuel Capelle à Léopold
ville. A Élisabeth ville fut créé sous
l’égide du gouvernement en mars 1946
le cercle des évolués Léopold II présidé
d’abord par Alfred Kia, puis par
Antoine Munongo. Peu après, les
missionnaires fondèrent à leur tour le
cercle Saint Benoît que fréquentaient
Pascal Luanghy, Mathieu Kalenda,
Gabriel Kitenge, Bonaventure
Makonga, Antoine Munongo, Boniface
Mwepu, Amand Tshinkulu, etc.
Le cercle d’agrément Prince Léopold
III de Lusambo était présidé en 1945
par Sylvestre Mudingayi, assisté de
Charles Lelo et Aloïs Kabangi. Le cercle
Pierre Ryckmans de Kabinda avait
comme président en 1945 Ferdinand
Wassa. Etienne Ngandu fut le premier
président du cercle Persévérance des
évolués de Lodja, André Banishayi
premier président du cercle social
Saint Clément à Luluabourg, Moïse
Tshombe président du cercle des
évolués de Sandoa, Liévin Kalubi vice-
président du cercle des évolués de
Moba.
44 En 1948, les 490 cercles pour évolués
(cercles récréatifs, cercles sportifs et
cercles d’études) regroupaient 25 014
membres. Les cercles récréatifs et les
cercles sportifs totalisaient les trois
quarts du nombre des cercles, et
atteignaient presque 80 % des
adhérents. Par la suite, les cercles
d’études ont pris peu à peu de
l’extension avec 5 000 adhérents
(1946), 8 182 adhérents (1953), 8 835
adhérents (1954), 14 878 adhérents
(1955), 1 1 045 adhérents (1956)25.
Une troisième appréciation est fournie
par la classification professionnelle
élaborée par l’Administration,
répertoriant « les travailleurs
intellectuels, les travailleurs qualifiés
ou semi-qualifiés, les contremaîtres et
agents à responsabilité de
commandement, les artisans
indépendants, les commerçants
autonomes ou semi-autonomes, les
professions libérales ». En 1956, cette
classification dénombra 143 865
personnes dont 110 381 dans les
milieux urbains et 56 648 dans les
milieux ruraux26. C’est ce chiffre que
Patrice Lumumba a retenu lorsqu’il
parle de plus de 100 000 véritables
évolués en 1956 dans le Congo, terre
d’avenir, est-il menacé ?27.

5. Les aspirations
profondes des évolués
46 Au Congo, dans les années 1944-1947,
il y a une effervescence dans les
milieux évolués tempérée par la peur
de la répression. La stratification
sociale telle que perçue par les évolués
se présente de la manière suivante. En
haut de l’échelle, il y a les blancs
(Mindele, Bazungu, Batoke). Puis
viennent les évolués (Mindele Ndombe
= blancs à peau noire), et en bas de
l’échelle la « masse arriérée et
ignorante » des autres noirs
(Bassenji)28. Le combat mené par les
évolués est de se rapprocher des
blancs, d’intégrer les milieux
européens en prenant la place occupée
auparavant par les Coastmen, les
Ouest-Africains venus au Congo pour
remplir les emplois du personnel
auxiliaire. Les évolués n’admettent pas
que les mulâtres viennent s’intercaler
entre eux et les blancs. D’aucuns rêvent
d’assimilation avec les blancs. Mais
avant d’y arriver, ils réclament un
statut particulier, une distinction qui
doit les démarquer de leurs autres
compatriotes. C’est le sens de la
considération et de la dignité de
l’évolué qu’ils appellent de tous leurs
vœux que nous avons déjà évoquées.
Le front des évolués n’est toutefois pas
monolithique. Ils le déplorent et
l’écrivent eux-mêmes : « Le pire
ennemi du noir, c’est le noir lui-
même ». Les évolués de la capitale
dédaignent les évolués de l’intérieur du
pays qui se méfient d’eux à leur tour. A
Léopoldville, Jean Bolikango écrit en
mai 1950 que « les évoluants doivent
se montrer plus unis et avoir
conscience de leur responsabilité dans
l’avenir de leur cher Congo29 ». Et pour
prendre l’exemple de Stanley ville, en
plus des frictions continuelles entre
mulâtres et noirs, les évolués natifs de
la province ne s’entendent pas avec les
non originaires ; il en est de même des
commis du gouvernement avec ceux
des sociétés et des particuliers30.
48 Par ailleurs, les contacts entre
Congolais ne sont pas facilités par le
pouvoir colonial. Les déplacements de
plus de trente jours à l’intérieur du
pays sont réglementairement
subordonnés à l’obtention d’un visa
médical et d’un permis de mutation
signé par l’administrateur du territoire
de résidence. La destination et la durée
du séjour étaient portées sur la feuille
de route qui devait être visée à
l’arrivée. Celui qui ne pouvait pas
justifier d’un permis de mutation était
considéré comme un vagabond.
Beaucoup de Congolais ne se sont
rencontrés pour la première fois qu’à
l’Exposition universelle en Belgique
en 1958.
49 La peur de parler était dictée par la
répression subie.
50 Liévin Kalubi avait été inculpé du chef
de « meneur de troubles » parce que
les autorités coloniales avaient établi
un lien entre la mutinerie de
Luluabourg et les activités clandestines
de son association. Il fut détenu
pendant dix-huit mois. Puis, sans être
jugé, il fut libéré en 1945, réhabilité,
réengagé... mais déplacé, pour ne pas
dire relégué à Baudouin ville (Moba)
où il resta jusqu’à la veille de
l’indépendance. Il devait son
élargissement au consul britannique à
Élisabeth ville avec lequel il avait pu
entrer en contact. Ce dernier avait joué
le rôle de médiateur de conflits
pendant la guerre, et était déjà
intervenu dans le dossier de deux
syndicalistes belges, Heynen et Dutron,
poursuivis pour leur activisme
syndical31.
Etienne Ngandu, l’inspirateur du
mémoire des évolués de Luluabourg,
fut accusé de collusion avec l’Étranger
parce que les autorités coloniales
contestaient la paternité congolaise de
ce texte. Un noir du Congo belge ne
pouvait pas écrire seul ce genre de
mémoire. Une perquisition minutieuse
fut effectuée au domicile de cet
assistant médical, qui avait fait partie
du personnel médical envoyé à
Madagascar en 1942-1943. Il en était
revenu avec le grade de premier
sergent-major. On découvrit la
correspondance échangée entre le
prévenu et Gustave Anguillet, d’origine
gabonaise, comptable auprès de la
société Interfina à Lusambo, très
connu pour son violon d’Ingres, la
photographie.
Etienne Ngandu fut acheminé de
Luluabourg à Lusambo, cheflieu de la
province jusqu’en 1950, pour y être
interrogé. La sanction fut prise de le
reléguer à Lodja, loin des grandes voies
de communication. Il présenta son
recours et sollicita l’appui du colonel
Dr Thomas, son chef, qui avait dirigé
l’hôpital mobile pendant la guerre. Les
raisons invoquées étaient que ses
enfants étaient en âge de scolarité, et
qu’il voulait qu’ils étudient en ciluba,
sa langue maternelle, et non l’otetela.
Etienne Ngandu obtint la faveur de
revenir à Lusambo en août 194732.
Pour avoir écrit ses articles dont on lui
contestait la paternité, Paul Lomami-
Tshibamba subit des vexations sans
nombre du régime colonial. Pendant
trois semaines, il fut fouetté afin de
dénoncer le blanc qui l’avait inspiré.
Pourtant il avait tiré son inspiration de
la lecture de Batouala de René Maran,
de la fouille des archives des Affaires
politiques, administratives et
judiciaires, de la lecture du
Martiniquais Candace dans la revue
Zaïre. Il fut marqué aussi par le
passage au Congo du noir américain
Georges Washington et de Félix Eboué.
En décembre 1949, il fut obligé de
quitter Léopoldville précipitamment
pour aller à Brazzaville. L’un de ses
amis congolais qui travaillait à la
Sûreté coloniale l’avait prévenu d’une
arrestation imminente. Les autorités
étaient en possession d’une critique du
régime colonial belge parue dans
Présence Africaine à Paris avec les
initiales de P.L.T. Il était considéré
comme un récidiviste. A Brazzaville,
Lomami-Tshibamba fut d’abord
engagé aux Affaires sociales pour
s’occuper de la construction de foyers
sociaux. Puis il fut récupéré par
Cornut-Gentille, haut-commissaire
pour l’AEF, qui l’utilisa pour donner
une impulsion aux cercles culturels. Il
s’occupa de Liaison, la revue des
évolués de l’Afrique équatoriale
française, et demeura à Brazzaville
jusqu’en 1961. Si Lomami-Tshibamba a
trouvé des facilités à Brazzaville, c’est
parce qu’il y était né en 1914, de l’union
d’un père, milicien lulua qui avait fui le
fort de Shinkakassa après la mutinerie
de 1900 et avait épousé une femme
banza de la Mobaye (Oubangui)33.
Ces trois exemples que nous venons de
donner permettent de comprendre
l’auto-censure pratiquée par les
évolués. En 1956, Patrice Lumumba
pouvait écrire dans le Congo terre
d’avenir est-il menacé ? : « [...] le
temps n’est pas si éloigné où tout
Congolais était pénétré de l’idée que la
moindre rouspétance insolente à
l’égard des autorités peut lui coûter des
châtiments34.» Dès lors, en dehors de
la presse reconnue comme la Voix du
Congolais, la Croix du Congo et
d’autres organes, l’évolution des idées
s’est faite clandestinement,
souterrainement.
Sylvestre Mudingayi nous a révélé
l’existence d’un bulletin interne Pro
Luce, qui tenait lieu de gazette. Rédigé
et tenu par les évolués de Lusambo
en 1942-1943, ce bulletin avait
l’originalité d’être manuscrit ; chacun
d’eux consignait des faits observés,
particulièrement les vexations et les
injustices et rapportait des
informations centralisées par un
rédacteur ; on se le passait de main en
main après avoir paraphé, et on le
retournait au rédacteur en chef,
Constantin Kabeya35.
Joseph Iléo nous a confié qu’une
dizaine de Congolais avaient été réunis
secrètement par le Dr Toussaint,
fondateur de la Confédération générale
des syndicats. Parmi eux il y avait
Arthur Pinzi, le futur président du
syndicat APIC, et lui-même. Le Dr
Toussaint est le premier à leur avoir
parlé de syndicat et de leurs droits. En
terminant son discours, Toussaint leur
avait dit : « Si le gouverneur général
Ryckmans apprend que je vous ai
réunis, je vais être arrêté et expulsé36 ».
C’est effectivement ce qui est arrivé. Le
Dr Toussaint a été expulsé sans
ménagement et interdit de séjour au
Congo en novembre 1946.

6. La réponse
métropolitaine aux
revendications des évolués
58 Plusieurs réformes virent le jour au
Congo après-guerre. On voulait payer
les « dettes de guerre » contractées vis-
à-vis de la population congolaise, et
récupérer le mouvement de
mécontentement des évolués.
Un groupe d’évolués de Léopoldville
avait réclamé en 1942 une gazette pour
autochtones ; l’association de Liévin
Kalubi voulait éditer à son compte un
journal en 1943. Le Gouvernement
général lança au début de 1945 la Voix
du Congolais, supervisée par deux
fonctionnaires belges, d’abord Jean-
Paul Quix, puis Jean-Marie Domont,
deux anciens administrateurs de
territoire à Watsa et aux Cataractes.
Les fonctions de rédacteur en chef
furent confiées à Antoine-Roger
Bolamba. Bimestrielle à ses débuts, la
Voix du Congolais devint mensuelle
devant le succès rencontré. Elle
comblait un vide en enregistrant les
vœux et les aspirations des évolués.
60 Des évolués, « spécialistes d’une
profession et parlant français » avaient
émis le vœu de s’organiser dans une
Confédération générale des syndiqués
indigènes (CGSI) regroupant les
syndicats des travailleurs indigènes
congolais spécialisés. Le comité de
Léopoldville avait fait parvenir début
mars 1946 au gouverneur général ses
statuts ainsi qu’une lettre sollicitant
l’octroi de la personnalité civile, et
demandant l’extension de sa
représentativité au niveau national.
Pour contrecarrer la création de ce
syndicat qui « risquait de provoquer du
désordre37 », le gouverneur général prit
le 17 mars une ordonnance législative
réglementant la constitution des
syndicats et contrôlant le recrutement
des membres. La formation d’un
syndicat véritablement interracial était
écartée. Ne pouvaient se grouper dans
ces organisations professionnelles que
les indigènes du Congo belge et des
colonies voisines qui exerçaient la
même profession ou des professions
connexes et similaires38. L’idée de
fédération était difficile à envisager,
car l’union ne pouvait se faire qu’avec
l’autorisation du gouverneur général
ou de son délégué. C’est sous le régime
des ordonnances de 1946 que sont nées
en mai 1946 la Confédération des
syndicats chrétiens du Congo (CSCC),
puis les Associations du personnel
indigène de la colonie (APIC). La
Fédération générale des travailleurs de
Belgique (FGTB) s’est substituée à la
Confédération générale des syndiqués
en août 1951.
62 Les évolués furent invités en avril et
mai 1946 à faire partie des conseils
indigènes des entreprises, des comités
locaux des travailleurs indigènes, des
commissions régionales et provinciales
du Travail et du Progrès social
indigène39. Ces organismes avaient
pour mission de donner au personnel
autochtone l’occasion de faire
connaître leurs desiderata et d’être
tenus au courant des mesures les
concernant, de coordonner et
d’examiner les revendications des
conseils d’entreprise à l’échelon du
territoire, du district et de la province.
Toujours en 1946, quelques Congolais
furent appelés à devenir membres des
conseils consultatifs existant au niveau
des provinces et du pays : les conseils
de province, le Conseil de
gouvernement, et la Députation
permanente. Ces délégués furent
désignés, non pas à cause de leur
représentativité, mais en raison de
« leur instruction, leurs qualités
morales, leur réussite
professionnelle40 ».
64 Pour résoudre la crise de l’habitat dans
les centres urbains, le pouvoir relança
le Fonds d’avance qui était un
organisme de crédits immobiliers afin
de construire des logements en
matériaux durables à son goût.
En 1949 et 1950 furent créés des offices
de cités indigènes pour rationaliser la
construction de logements nouveaux et
le développement des agglomérations
africaines41.
Toujours dans le cadre des réformes,
les premiers foyers sociaux furent créés
en 1949. Desservis par des assistantes
sociales européennes, par des
religieuses et par des coloniales, ils se
préoccupaient d’encadrer les épouses
des évolués, et de leur donner des
cours de français et d’économie
domestique, à savoir l’hygiène, la
cuisine, la puériculture, le
blanchissage, le repassage, la couture,
le raccommodage, le tricot, etc.
66 Les deux réformes censées apporter
une réponse au statut des évolués sont
la carte de mérite civique instituée
en 1948, et le nouveau régime
d’immatriculation en 1952.
La carte de mérite civique était
accordée sur demande, écrite ou
verbale, adressée à l’administrateur du
territoire par les Congolais de plus de
vingt et un ans qui savaient lire, écrire,
calculer et « justifier d’une bonne
conduite et d’habitudes prouvant un
désir sincère d’atteindre un degré plus
avancé en civilisation42 ». Les non-
lettrés devaient fournir un certificat de
qualification ou de maîtrise
professionnelle délivré par un jury de
classification des travailleurs ou
l’employeur, ou bien justifier de vingt-
cinq ans de bons et loyaux services
dans l’Administration. La carte de
mérite civique était octroyée à titre
individuel. Pour obtenir la sienne, la
femme d’un « mérite civique » devait
produire un certificat de capacité
professionnelle ou une attestation de
formation familiale et ménagère
complète délivrée par la directrice d’un
foyer social.
68 La carte était délivrée après une
enquête portant sur l’étude du
comportement du candidat et de sa
famille, ses possibilités financières, et
le respect des prescriptions en matière
d’hygiène.
69 Quels sont les avantages acquis ? En
matière de justice, les « mérites
civiques » pouvaient bénéficier d’un
sursis à l’exécution de leurs peines s’ils
étaient condamnés ; la détention
préventive ne leur était appliquée
qu’en cas de réelle nécessité. Ils
échappaient au fouet. Dans les prisons
et les hôpitaux, des locaux et des salles
leur étaient réservés. A partir de 1950,
les enfants des mérites civiques
commencèrent à être admis dans les
écoles pour Européens après un
examen approfondi du certificat
médical. En 1951, les mérites civiques
furent autorisés à circuler la nuit dans
les centres urbains et les quartiers
européens. C’est parmi eux que le
choix se porta pour désigner les
représentants congolais aux conseils de
province et au Conseil de
gouvernement. Dans les transports
publics, ils pouvaient voyager dans la
classe intermédiaire entre les blancs et
les autres noirs. Dans les centres
urbains, ils accédaient aux quartiers
réservés aux élites, souvent à la lisière
du quartier européen. Ils avaient la
faculté d’acheter et de boire du vin, de
la bière brune, du champagne, des
apéritifs. Ils avaient accès aux
restaurants et aux magasins à clientèle
blanche alors que leurs compatriotes
étaient servis dehors devant des
guichets. Plus tard, ils ont eu accès aux
séances de cinéma pour blancs. Mais
les mérites civiques restaient assujettis
aux coutumes.
En 1952 intervint le nouveau régime de
l’immatriculation. Ce statut était
l’apanage « de la seule élite indigène
ayant réellement accédé à la forme
occidentale la civilisation43 ». Il était
réservé à ceux qui justifiaient, par leur
formation et leur manière de vivre, de
l’aptitude à jouir des droits civils et à
remplir les devoirs prévus par la loi
écrite.
Jean-Grégoire Kalonda-Djessa,
président des immatriculés du
Katanga, donne un témoignage sur les
« attendus » de son jugement dans son
livre Du Congo prospère au Zaïre en
débâcle, paru chez l’Harmattan
en 1991 :
Attendu que le requérant a fait de
bonnes études et possède une
excellente formation qu’il cherche à
perfectionner ; qu’il lit et écrit très
correctement le français ;
Attendu que le demandeur gagne
très convenablement sa vie ; que son
épouse a fait l’école primaire ; qu’elle
élève son fils à la manière
européenne ;
Attendu que le demandeur habite
une maison en matériaux définitifs
où il vit d’une manière très proche de
celle des Européens ;
Attendu qu’il est certain, d’après le
dossier, que le demandeur est
détaché, depuis toujours, de la
coutume indigène et que, par sa
formation, son intelligence, son
travail et sa manière de vivre, il se
rapproche plus des Européens que
des autochtones ;
Attendu que presque tous ses
employeurs en disent grand bien ;
qu’il est constant que Kalonda
cherche non seulement à s’élever
mais aussi à élever l’élite indigène ;
qu’il a indiscutablement une grande
influence dans le milieu des évolués,
pour le développement et le progrès
desquels il travaille avec ténacité ;
Attendu que Kalonda possède une
formation et une maturité qui le
rendent apte à jouir des droits et à
remplir les devoirs prescrits par la
loi écrite...44.
L’immatriculation était accordée avec
plus de solennité que la carte de mérite
civique après une séance minutieuse
du tribunal de première instance. Et le
résultat n’était pas acquis d’avance.
L’intéressé était là avec sa femme et ses
enfants. Tous étaient interrogés
puisque le statut d’immatriculé était
étendu à toute la famille.
L’immatriculé relevait du droit civil
européen. En plus des avantages
reconnus aux mérites civiques,
l’immatriculé pouvait se faire
hospitaliser dans les cliniques pour
Européens. Pour les autorités
coloniales, l’immatriculation n’était
que « l’acte juridique qui réalis[ait] le
transfert d’un individu de l’empire du
droit coutumier à celui du droit
écrit45 ». Pour les évolués au contraire,
c’était le rêve de l’assimilation
complète qui commençait à prendre
corps. L’incompréhension allait vite
tourner au vinaigre.

7. De la déception des
évolués à la rupture
Au début de l’institution de la carte de
mérite civique et du nouveau régime
d’immatriculation, il y avait beaucoup
d’engouement chez les évolués. Le 3
juillet 1949, lors de la remise des
premières cartes de mérite civique à
Léopoldville, Joseph Kasa-Vubu
figurait parmi les treize bénéficiaires ;
il la reçut en même temps que Jean
Bolikango et son épouse Claire Ngusa,
Henri Bongolo, Adolphe Decorte,
Eugène Kabamba, Daniel Kanza,
Philippe Kinkela, André Koffi, Léon
Lomata, Georges Malutama, Antoine
Ngwenza, et Ekete Pululu.
En 1953, le même Joseph Kasa-Vubu
fit partie des sept premiers
immatriculés à Léopoldville, en
compagnie de Pierre Canon, Daniel
Luzolanu, Jacques Massa, Ernest
Mombong, Ruffin Mujinga, Eugène
Suakameso. Comment comprendre son
volte-face lorsque l’Abako dont il était
le président, et Daniel Kanza le vice-
président, déclara en août 1956 :
« Bien qu’il y ait des élites, tout est
masse et tout est citoyen. Dans aucun
pays civilisé on ne donne des certificats
pour distinguer les élites de la
masse46 ». L’Abako désapprouvait la
division de la population « en
couches », en évolués et masses.
Ceux qui n’avaient pas pu obtenir « ces
brevets de civilisation » éprouvaient de
l’humiliation et de la rancœur. Dans
son article écrit en collaboration avec
Nathalie Delaleeuwe intitulé « Je veux
la civilisation, mais le Blanc ne veut
pas de moi », Jean Omasombo illustre
bien les cas de refus par les
commissions chargées d’instruire les
dossiers de demande des cartes de
mérite civique47. En dix ans, de 1949
à 1958, il n’a été délivré que 1 557
cartes de mérites civiques. En six ans,
de 1953 à 1958, on n’a reconnu que 217
chefs de famille immatriculés, et 768
femmes et enfants.
En revanche, ceux qui les avaient
obtenus ont vite déchanté et déclaré
en 1953-1954 que c’étaient des
documents « trompe-l’œil », des
documents « mpamba », inutiles, bons
à rien48. Au début de l’année 1953, des
immatriculés de Léopoldville se sont
réunis et projeté de remettre leurs
cartes au Procureur du Roi en signe de
protestation. Le 26 mars 1953, Jacques
Massa, porte-parole des évolués,
introduisit une requête auprès du
gouverneur général pour faire inscrire
« l’immatriculation » à l’ordre du jour
des travaux de la Députation
permanente. Il demandait qu’on
supprime les pratiques
discriminatoires pour les immatriculés
et qu’on les traite « en hommes mûrs
et civilisés49 ». M. Pétillon ne l’autorisa
à lire sa requête que dix-huit mois plus
tard.
Les bénéficiaires n’étaient pas
totalement assimilés aux blancs. En
matière de contrat professionnel, le
noir relevait du contrat de travail
quelles que fussent ses activités50 ; le
blanc – intellectuel ou manuel –
bénéficiait du contrat d’emploi. Le
bénéficiaire d’un contrat d’emploi le
moins payé percevait toujours une
rémunération et des indemnités
supérieures à celles du noir le plus
payé. En 1957, un groupe d’assistants
médicaux adressa au gouverneur
général une lettre dans laquelle ils
relevaient les écarts de salaires entre
les membres de leur corporation, les
agents sanitaires et les infirmières
européens moins compétents qu’eux.
Malgré leurs cartes, les mérites
civiques et les immatriculés étaient
difficilement acceptés dans les débits
de boissons, les hôtels, restaurants et
salles de spectacles pour Européens. Et
lorsqu’ils exhibaient leurs cartes,
quelquefois les agents du service
d’ordre leur rétorquaient qu’ils ne
connaissaient pas ces cartes : ce
n’étaient pas des cartes d’identité.
Quand ils les avaient oubliées par
mégarde, ils devaient faire « comme
tous les noirs ». La classe moyenne en
gestation – les colons noirs – qui
sollicitait des crédits n’obtenait que des
sommes insuffisantes lorsqu’ils
n’étaient pas simplement déboutés.
L’administration ne facilitait pas
l’accession à la propriété immobilière.
Dans l’enseignement, en 1957, les
enfants noirs admis dans les écoles
européennes ne représentaient que
4 % ; ceux qui étaient dans le
secondaire ne dépassaient même pas
2 %. Dans le domaine des relations
humaines, il n’y avait pas de contacts
en dehors des heures de service.
Les Congolais qui avaient la possibilité
de traverser le fleuve pour aller à
Brazzaville constataient qu’ils n’étaient
pas dans le meilleur des mondes. On
connaît le choc ressenti par Patrice
Lumumba en revenant de Brazzaville
en 1947. C’est sans doute ce qui l’a
amené à poser des questions sur la
discrimination raciale à la rédaction de
la Croix du Congo en décembre 195051.
Les rares évolués qui avaient la faveur
de voyager en Afrique de l’Ouest
témoignaient qu’il n’y avait pas de
discrimination raciale là-bas. C’est ce
qu’ont rapporté Antoine-Roger
Bolamba et Antoine Ngwenza qui ont
représenté le Congo belge au congrès
de l’Assemblée mondiale de la jeunesse
(W.A.Y.) à Dakar en août 195252. C’est
le même message rapporté par
Dominique Zangabie, Achille Mbumba
Ngoy et Paul Mohamedi qui se sont
rendus au Togo en janvier 1956 pour
une session d’études de la
Confédération internationale des
syndicats chrétiens sous l’égide de
l’Unesco. Les privilégiés invités en
Belgique (Jacques Massa en 1949,
Thomas Kanza en 1952, Joseph Malula
en 1953, les Notables en 1953)
témoignaient de l’accueil chaleureux
qui leur était réservé en métropole
contrairement au comportement des
coloniaux.
80 Déçus, les évolués se sont retournés
contre l’assimilation. La rupture était
complète avec les déclarations des
années 1944-1947. Désormais, ils
disaient qu’ils voulaient « rester eux-
mêmes », et non des copies certifiées
conformes de blancs. Joseph Davier,
commerçant, secrétaire de l’association
des mulâtres, fustigeait ceux qui
recherchaient ce « badigeonnage
hypocrite » ; la véritable assimilation,
écrivait-il en juin 1953, « n’a pas
besoin d’étiquette. Elle ne réclame ni
décret, ni requête ni enquête, parce
qu’elle s’impose53 ». En mai 1954,
Kazadi wa Kabwe trancha : « Non,
nous sommes des noirs, nous devons le
rester avec nos bonnes coutumes et nos
langues ; il ne faut pas que la carte
nous écarte.54 »
Les évolués de Conscience africaine
partageaient également ces sentiments.
Joseph Iléo écrivait en novembre
1952 : « Dans cette ascension où nous
mène cette belle civilisation, point n’est
question de rejeter tout ce qui est de
nous : nos coutumes, nos langues,
notre conception bantoue et même
notre logique. Pareil désir serait
d’ailleurs aussi fantaisiste qu’utopique.
Mais nous devons plutôt en extraire la
“substance” bonne, l’entretenir, la
développer, la mettre en valeur en
harmonie avec la civilisation que nous
recevons55. »
82 Et Albert Nkuli de renchérir en
critiquant le système employé pour
l’immatriculation : « Quant à nous,
nous croyons que le peuple congolais
devrait garder quelques-unes de ces
bonnes coutumes qui lui confèrent sa
personnalité et son individualité, car le
Congo est tout différent de l’Europe et
les problèmes qui se posent ici ne sont
certes pas les mêmes qui se posent en
Europe. Il importe, nous semble-t-il,
de donner aux Congolais le statut
propre qui répond à sa conception
bantoue et non le modeler sur le
schéma européen56. »

Conclusion
83 Les évolués parlaient tout bas entre
eux et commentaient ce qu’ils voyaient,
ce qu’ils entendaient, ce qu’ils lisaient
et ce qu’ils vivaient. Dans les
années 1953-1956, les échanges avaient
lieu dans les cercles pour évolués, les
associations d’anciens élèves, les
associations culturelles et d’entraide à
caractère ethnique, les mouvements
syndicaux, les cercles chrétiens,
libéraux et socialistes, les bars, les
stades.
84 Les évolués évoquaient leurs
déconvenues avec l’immatriculation et
le mérite civique. Ils parlaient de la
communauté belgo-congolaise et de
l’union belgo-congolaise lancées
en 1952 par le gouverneur général
Pétillon, et attendaient avec un certain
scepticisme. Ils reprenaient à leur
compte la formule choc des
gouverneurs généraux adressée aux
coloniaux : « La main tendue trop tard
risque d’être refusée » (Eugène
Jungers, 1951), « S’il y a des personnes
qui ne sont pas d’accord avec nous sur
la politique choisie, nous ne leur en
voudrons pas ; elles pourront s’en
aller » (Léon Pétillon, 1955).
85 Les évolués se passionnaient pour ou
contre l’école laïque depuis que Pascal
Luanghy, commis, David Mukeba,
planteur. Moïse Tshombe,
commerçant, avaient présenté
individuellement en 1951 des vœux au
Conseil de gouvernement dont ils
étaient membres pour l’organisation
d’un enseignement officiel non
confessionnel. Ils prenaient position
pour Auguste Buisseret ou faisaient la
neuvaine pour sa mort en 1954. Ils
soutenaient le syndicat des
fonctionnaires noirs APIC qui
revendiquait en septembre 1954 un
statut unique pour les fonctionnaires
noirs et blancs ; bientôt, il ne fut
question que de « à travail égal salaire
égal » ; il fallait que cesse la politique
en vigueur : « le plafond du Noir est le
plancher du Blanc ».
86 Les évolués découvraient les partis
politiques métropolitains,
particulièrement les partis au pouvoir,
le parti socialiste avec ses amicales, et
le parti libéral introduit à Léopold ville
par Mc Jabon. Ce parti recrutait des
affiliés, non seulement dans la capitale,
mais aussi à Stanleyville, Élisabeth
ville, Luluabourg, etc. C’est du reste
l’existence de ces embryons de partis
qui ont poussé le syndicaliste chrétien
Auguste Cool à provoquer l’abbé
Malula, et à lui lancer le défi de lancer
un mouvement national (chrétien)
exprimant les aspirations et les
sentiments des Congolais.
Le Roi Baudouin était attendu au
Congo depuis 1952 pour l’inauguration
du stade portant son nom. Le périple
royal n’est intervenu qu’en 1955. Les
évolués qui avaient longtemps attendu
cette venue ont présenté de
nombreuses doléances au souverain
pendant son séjour au Congo et après
son retour en Belgique. Ils
escomptaient une nette amélioration
de leurs conditions de vie.
88 Au début du deuxième semestre de
l’année 1956, l’attention des évolués
allait se cristalliser sur un petit groupe
d’entre eux, qui existait à Léopoldville
depuis quatre ans, et éditait un bulletin
paraissant d’ailleurs irrégulièrement.
Conscience africaine.

Bibliographie

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recueilli en juin 1984 à Kinshasa.

Témoignage oral de Paul Lomami-


Tshibamba recueilli en octobre 1981 à
Kinshasa.

Témoignage oral de Sylvestre


Mudingayi, recueilli en janvier 1979 à
Kinshasa.

Témoignage oral de Marthe Tshibola,


veuve de E. Ngandu, recueilli en
avrilmai 1988 à Kinshasa.

Notes
1. Th. KANZA, Congo, pays de deux évolués,
Léopoldville, Ed. Actualités Africaines, 1956 ;
J.F. IYEKI, L’essai de psychologie du primitif,
Léopoldville, Ed. La Voix du Congolais, 1956.
2. A. KALONJI DITUNGA MULOPWE, Congo 1960.
La vérité du Mulopwe, Paris, L’Harmattan,
2005, p. 37.
3. A. TSHIMANGA, dans Nkuruse, no 1, janvier
1931, p. 1.
4. P. DAYE, L’empire colonial belge, Bruxelles-
Paris, Ed. du Soir-Berger-Levrault, 1923,
p. 205-228.
5. Voir le décret no 377 daté du 29 juillet 1942
à Londres, dans Journal Officiel de la France
Combattante, vendredi 28 août 1942, p. 47 ; le
décret du 25 juillet 1945, dans Journal Officiel
des Colonies, 1945, p. 590 ; le décret du 30
mars 1946, dans Bulletin Officiel de la France
d’Outremer, 1946, p. 233.
6. Déclaration de Paul Mutombo devant le
commissaire de police Hubert Lardinois et le
Procureur du Roi a.i. Etienne Declerck,
Élisabeth ville, le 1er février 1944, Archives
régionales du Katanga à Lubumbashi, Dossier
no 7, Pro justifia.
7. Déclaration de Liévin Kalubi Tshamala
devant le commissaire de police Émile
Crespeigne et le Procureur du Roi a.i. Etienne
Declerck, Élisabethville, le 1er février 1944,
Archives régionales du Katanga à
Lubumbashi, Dossier no 7, Pro justifia.
8. Documents parlementaires belges, 1947-
1948, no 662, dans Rapport de la Commission
des Colonies sur le projet de loi contenant le
budget ordinaire du Congo Belge pour
l’année 1948, p. 31-35. Ce texte a été reproduit
dans J.M.K. Mutamba Makombo, L’histoire
du Zaïre par les textes, tome 2 : 1885-1955,
Kinshasa, Edideps, 1987, p. 176-180.
9. B. VERHAEGEN, « L’Association des évolués
de Stanleyville et les débuts politiques de
Patrice Lumumba (1944-1958) », Les Cahiers
du Cedaf, mai 1983, no 2, p. 112-11 5. Ce texte a
été reproduit dans J.M.K. Mutamba
Makombo, op. cit., p. 180-1 84.
10. P. LOMAMI-TSHIBAMBA, « Tribune Libre », La
Voix du Congolais, 1re année, no 2. mars-avril
1945, p. 47-51. Ce texte est repris dans J.M.K.
Mutamba Makombo, op. cit., p. 185-195.
11. P. LOMAMI-TSHIBAMBA, « Les devoirs des
évolués », La Voix du Congolais, 1re année,
no 4, juillet-août 1945, p. 114.
12. L’Avenir Colonial belge, 26e année, no 348,
vendredi 14 décembre 1945. Ce projet de statut
fut signé par André-René Aimba, Arthur-
Joseph Amisso, Léon-Jackson Baruti, Pascal
Diatuka, Jean Ebykot, Edouard Kebana,
Albert Koka, José Lobeya, Anselme Longola,
Jean-Lambert Mangalibi, Joseph Mongwama,
Pius Niele, Jean Sala, Sylvain-Maxime Zinga,
13. M.C.C. DE BACKER, Notes pour servir à
l’étude des groupements politiques à
Léopoldville, Bruxelles, Inforcongo, 1959,
tome 1, p. 6.
14. A.R. BOLAMBA, « Monsieur Pierre Wigny,
ministre des Colonies de Belgique, accorde un
entretien à une délégation des évolués de
Léopoldville », La Voix du Congolais,
septembre 1947, no 18, p. 766-767.
15. « Chronique de la vie indigène et nouvelles
diverses », La Voix du Congolais, décembre
1947, no21, p. 935-936.
16. Rapport de la mission sénatoriale au
Congo et dans les Territoires sous tutelle
belge, Bruxelles, Imprimerie Graphica, 1947,
p. 267-268.
17. Rapport de la mission sénatoriale au
Congo et clans les Territoires sous tutelle
belge, Bruxelles, Imprimerie Graphica, 1947,
p. 268-269.
18. M. DE SCHREVEL, Les forces politiques de la
décolonisation congolaise jusqu’à la veille de
l’indépendance, Paris, Editions universitaires,
I 970, p. 63.
19. A.R. BOLAMBA, La Voix du Congolais, 1re
année, no 3, mai-juin 1945, p. 76-81.
20. Rapport de la mission sénatoriale, op.
cit., p. 24-25, p. 180-181, p. 280 et p. 283.
21. L. BONGONGO, « Que faut-il entendre par
"évolué" », La Voix du Congolais, mars 1948.
22. Mgr J.F. DE HEMPTINNE, Mémoire adressé
au Premier ministre belge et au ministre des
Colonies, Eaton Square, Londres, 15 décembre
1943, p. 6.
23. Ibidem, p. 8.
24. Cet ordre de grandeur a été obtenu en
faisant des extrapolations à partir des chiffres
donnés dans le Rapport présenté aux
Chambres législatives sur l’administration de
la colonie du Congo belge pendant les
années 1939 à 1944, Bruxelles, Edimco, 1947,
p. 89. Les diplômés des sections normales,
moyennes et professionnelles s’élevaient à 31 8
en 1929, 428 en 1934, 605 en 1939, 618
en 1943, et 645 en 1944.
25. Rapport annuel présenté aux Chambres
législatives sur l’administration de la Colonie
du Congo belge..., Bruxelles, ministère des
Colonies.
26. Rapport présenté aux Chambres
législatives sur l’administration de la Colonie
du Congo belge pendant l’année 1956, p. 95.
27. P. LUMUMBA, Le Congo, terre d’avenir, est-
il menacé ?, Bruxelles, Office de Publicité,
1961, p. 57.
28. Dans la relation qu’il a laissée sur ses
premiers contacts avec les populations du
bassin du fleuve Congo, H.M. Stanley oppose
le « mshenzi », le nègre de l’intérieur, aux
« Voua-Ngouana », les habitants de Zanzibar,
les nègres musulmans. Voir H.M. STANLEY, A
travers le continent mystérieux, trad. H.
Loreau, Paris, Hachette, 1879, 2 tomes.
29. J. BOLIKANGO, La Voix du Congolais,
novembre 1950, no 56, p. 655.
30. A.-M. MOBE, « Échos de Stanleyville », La
Croix du Congo, 28 janvier 1951, p. 1.
31. Témoignage oral de Beltchika Kalubye
recueilli en août 1971 à Bruxelles.
32. Témoignage oral de Marthe Tshibola,
veuve de E. Ngandu. recueilli en avril-mai
1988 à Kinshasa.
33. Témoignage oral de Paul Lomami-
Tshibamba recueilli en octobre 1981 à
Kinshasa.
34. P. LUMUMBA, Le Congo, terre d’avenir, est-
il menacé ?, op. cit., p. 189.
35. Témoignage oral de S. Mudingayi, recueilli
en janvier 1979 à Kinshasa.
36. Témoignage oral de Joseph Iléo recueilli
en juin 1984 à Kinshasa.
37. Rapport présenté aux Chambres
législatives sur l’administration de la Colonie
du Congo belge pendant les années 1945-
1946, session 1947-1948.
38. Ordonnance législative no82/AIMO du 17
mars 1946. Voir Bulletin Administratif du
Congo Belge, Léopoldville, 1946, p. 623 et ss.
39. Ordonnance no98/AIMO du 6 avril 1946
créant les conseils indigènes d’entreprise ;
ordonnance no99/AIMO du 6 avril 1946 créant
les commissions régionales et provinciales du
Travail et du Progrès social indigène
complétées par l’ordonnance no120/AIMO du
10 mai 1946. Voir Bulletin Administratif du
Congo Belge, Léopoldville, 1946.
40. Discours d’ouverture du gouverneur
général Jungers au Conseil de gouvernement,
session 1951.
41. Ministère des Colonies, Plan décennal
pour le développement économique et social
du Congo Belge, Bruxelles, Ed. de Visscher,
1949, tome 1, p. 31-36.
42. La carte du mérite civique fut réglementée
par l’ordonnance no 21/258 du 12 juillet 1948
édictée par le gouverneur général. Voir
Bulletin Administratif du Congo Belge,
Léopoldville, 1948, p. 2345.
43. Bulletin Officiel du Congo Belge,
année 1952, p. 1174.
44. J.G. KALONDA DJESSA, Du Congo prospère
au Zaïre en débâcle, Paris, L’Harmattan, 1991,
p. 28-29.
45. Déclaration du gouverneur général
Pétillon à la Députation permanente le 4 mai
1953.
46. B. VERHAEGEN (éd.), ABAKO 1950-1960 :
Documents, Bruxelles, CRISP, 1962, p. 42.
47. J. OMASOMBO TSHONDA et N. DELALEEUWE,
« Je veux la civilisation, mais le Blanc ne veut
pas de moi », inédit, 25 p.
48. La Voix du Congolais, octobre 1952, no 79,
p. 628.
49. Compte rendu de la Députation
permanente, 24e session.
50. En mai 1954, il n’y avait qu’un seul
immatriculé admis au contrat d’emploi : le
syndicaliste chrétien Jacques Massa, membre
de la Députation permanente. L’année
suivante, ils furent deux avec Antoine
Ngwenza, secrétaire-adjoint du département
commercial de la Compagnie du Kasaï.
51. P. LUMUMBA, La Croix du Congo, no 48, 18e
année, 24 décembre 1950, p. 4, repris dans
J.M.K. MUTAMBA MAKOMBO, Patrice Lumumba
correspondant de presse (1948-1956), Paris,
L’Harmattan, 2005, p. 82-84.
52. La Voix du Congolais, 8e année, octobre
1952, no 79, p. 609.
53. J. DAVIER, « Communication sur
l’immatriculation et l’assimilation », La Voix
du Congolais, juin 1953, no 87.
54. KAZADI wa KABWE, « La carte écarte. Rôle
des élites congolaises dans l’évolution du pays
et responsabilités vis-à-vis de la masse », La
Croix du Congo, 9 mai 1954, no 18, p. 1.
55. J. ILEO, « Éditorial », Conscience Africaine,
novembre 1952, p. 2.
56. A. NKULI, « En marge du voyage royal »,
Conscience Africaine, juillet-août 1955, p. 65.

Auteur

Jean-Marie
Mutamba Makombo

Professeur ordinaire
à l’université de
Kinshasa
département
d’histoire, faculté des
lettres
© Presses de l’Université Saint-Louis, 2009

Conditions d’utilisation :
http://www.openedition.org/6540

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Référence électronique du chapitre


MUTAMBA MAKOMBO, Jean-Marie. Les
évolués : situation au Congo belge In : Le
manifeste Conscience africaine (1956) : Élites
congolaises et société coloniale. Regards
croisés [en ligne]. Bruxelles : Presses de
l’Université Saint-Louis, 2009 (généré le 08
novembre 2022). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pusl/10394>.
ISBN : 9782802804642. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.pusl.10394.

Référence électronique du livre


TOUSIGNANT, Nathalie (dir.). Le manifeste
Conscience africaine (1956) : Élites
congolaises et société coloniale. Regards
croisés. Nouvelle édition [en ligne]. Bruxelles :
Presses de l’Université Saint-Louis, 2009
(généré le 08 novembre 2022). Disponible sur
Internet :
<http://books.openedition.org/pusl/10346>.
ISBN : 9782802804642. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.pusl.10346.
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