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Béatrice Lamiroy
KU Leuven
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All content following this page was uploaded by Béatrice Lamiroy on 11 November 2019.
(1) a. Quand elle gronde ses enfants, elle n'y va pas par quatre chemins/* par
quatre routes
b. Prenons un autre chemin/une autre route
c. Une fois qu’ils ont cassé leur pipe/* leur cigare, on pardonne à tous ceux qui
nous ont offensés : les morts sont des braves types (G. Brassens, Poésies et
chansons)
d. Paul est malheureux, il a cassé sa pipe/son cigare
1
dans l’expression porter le chapeau ‘être injustement tenu responsable de quelque chose’
(2a), il suffit de remplacer le déterminant défini par un pour que l’expression se défige (2b) :
(2) a. Bien, il ne pense pas que je sois le bombardier. Le fait est, néanmoins, que les
bombes explosent partout où je passe. Donc, quelqu’un cherche à me faire porter le
chapeau. Qui ? Mystère (D. Pennac, Au bonheur des ogres)
b. Max porte un chapeau ‘Max a un chapeau sur la tête’
Dans les exemples ci-dessous, c’est l’emploi du temps (3a-b) et de la négation (3c-d) qui sont
contraints :
Les expressions verbales figées se distinguent des proverbes (Pierre qui roule
n’amasse pas mousse, Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, Qui dort dine, etc.) tant du
point de vue de la forme que de celui du sens. Alors que les proverbes tout comme les dictons
et adages ont un sens sentencieux, les expressions figées ne renvoient pas à une vérité
générale. Du point de vue formel, les phrases correspondant à des proverbes sont en général
totalement figées, alors que les expressions verbales admettent au-delà du syntagme verbal
figé un ou plusieurs éléments libres, dont généralement le sujet (Tu joues avec le feu, Léa joue
avec le feu, Les ouvriers en grève jouent avec le feu, etc.). En outre, à l’encontre des
proverbes, elles permettent, mais à des degrés divers, les mêmes manipulations que la phrase
libre, telles l’insertion d’adverbes (Il cassera bientôt sa pipe), le passif (Marie a été menée
par le bout du nez par Paul), la négation (Il ne m’a pas promis la lune), etc.
Une caractéristique fondamentale du figement est son caractère graduel : il s’agit d’un
continuum, les expressions se situant sur une échelle qui va de constructions proches des
phrases « libres » à des expressions prototypiques totalement idiomatiques. En effet,
lorsqu’on applique les trois critères mentionnés ci-dessus à de vastes ensembles
d’expressions, on s’aperçoit qu'ils manifestent un degré de figement très variable. La question
de savoir si on a affaire à des expressions figées ou non se pose particulièrement dans le cas
d’expressions qui sont interprétables analytiquement tout en étant sujettes à des restrictions
lexicales et morphosyntaxiques comme dans (4a) et (4c) :
Si une représentation scalaire s’impose pour rendre compte des phénomènes de figement, il
reste souvent difficile de trancher entre figement et non-figement quand on se trouve dans la
zone des figements minimaux. Il est évident qu’une expression sera ressentie par le locuteur
comme d’autant plus figée qu’elle remplit les trois conditions indiquées plus haut : des cas
comme être au septième ciel, rater le coche ou tomber des nues illustrent de manière évidente
la notion de figement. Mais en fait, celle-ci s’applique même aux séquences dont le figement
est moins spectaculaire. Ainsi l’expression prendre la fuite présente, malgré sa transparence
2
sémantique, un haut degré de figement parce que les reformulations élémentaires qui
caractérisent la plupart des phrases dites libres, notamment l’extraction entre c’est …que, la
passivation, l’interrogation, sont exclues ici:
Le fait que les contraintes typiques du figement aient une distribution inégale à travers
les expressions rend par conséquent difficile, voire impossible, de définir le figement en
termes absolus. En outre, aucun des trois critères indiqués n'en est une condition nécessaire ni
suffisante, parce qu’ils ne sont pas exclusifs des expressions figées. Ainsi, la non-
compositionnalité du sens est propre aux emplois métaphoriques également, dans des cas
comme :
Les expressions figées verbales contiennent par définiton un verbe figé, mais en plus
du verbe, un valent au moins est figé. Il peut s’agir du sujet (9a), du complément d’objet
direct (9b), d’un complément d’objet indirect ou prépositionnel (9c), ou de plusieurs valents à
la fois (9d) :
3
b. Coûter les yeux de la tête
c. Cracher au bassinet
d. Prendre ses jambes à son cou
La structure canonique des expressions figées est foncièrement analogue à celle des
phrases libres. On y trouve en effet la même combinatoire: des verbes à un, à deux, ou à trois
valents. Et on ne trouve pas d’expressions figées qui iraient au-delà du nombre des valents des
phrases libres, construites autour de verbes qui prendraient quatre valents ou plus. Il n’y a
donc guère de différence syntaxique fondamentale entre une expression verbale figée et une
phrase libre, les phrases contenant une séquence "figée" étant construites sur le même modèle
formel que les phrases libres (l’élément figé est souligné dans la structure, en italiques dans
l’exemple) :
SN SV Ça s’arrose !
Les carottes sont cuites
La messe est dite
1
Il existe un nombre limité d’expressions dont la structure est sui generis, par ex. Adjugé, vendu ; Va comme je
te pousse ; Avoir fort à faire, etc.
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SN0 V SP La montagne a accouché d'une souris
Entre les deux mon cœur balance
Ça n’arrive qu’aux autres
SN0 V SN1 SP Ils ont passé les révoltés par les armes
La police a passé le bureau au peigne fin
Jean a pris ton histoire pour de l’argent comptant
5
Il va de soi que comme dans la phrase libre, le verbe peut être pronominal (11) ou
impersonnel (12) :
On trouve parmi les expressions figées, comme parmi les phrases libres, non seulement des
phrases déclaratives mais aussi des interrogatives (13a-b), des exclamatives (13c-d) et
certaines apparaissent à l’impératif (13e-f) :
Et enfin, comme dans la phrase libre, la position d’un valent nominal peut dans certains cas
correspondre à une complétive ou à un infinitif :
Notons pour finir que si la grande majorité des expressions entrent dans des phrases
simples, certaines d’entre elles correspondent à des phrases complexes, par ex :
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la mesure où le complément du nom peut être libre (16b) ou figé (16a), que le syntagme
nominal peut contenir des éléments figés simples (17a-c) ou coordonnés (17b-d) que le N peut
être précédé (18a) ou suivi (18b) d’un Adjectif figé, etc. :
(16) a. SN0 V SN1 Prép [SN de SN] Paul a abandonné Luc au milieu du gué
b. SN0 V SN1Prép [SN de SN] Paul a cassé du sucre sur le dos de Luc
(17) a. SN0 V SN1 Paul a pris la mouche
b. SN0 V SN1 et SN2 Paul a pris ses cliques et ses claques
c. SN0 V SP Paul tourne autour du pot
d. SN0 V SP1 et SP2 Paul est à tu et à toi avec elle
(18) a. SN0 V Adj N1 Paul a pris la grosse tête
b. SN0 V N1 Adj Paul a la langue bien pendue
Par ailleurs, le déterminant du groupe nominal, pour lequel il existe une gamme de choix
au niveau de la syntaxe libre, est le plus souvent figé lui aussi. On trouvera ainsi
(19) a. SN0 V N1
Paul a pris froid
b. SN0 V V Dét défini N1
Paul fait la tête
c. SN0 V V Dét indéfini N1
L’opposition gagne du terrain
d. SN0 V Poss N1
Pauli prend soni pied
Deuxièmement, dans certaines séquences figées comme dans certaines phrases libres, l’objet
direct peut constituer l’élément prédicatif qui sélectionne ses arguments (cf. 17b-d-f) et le
verbe est un verbe support parce que son seul rôle est de porter les marques de temps et de
personne. On trouve ainsi les verbes supports (cf. Chap. ….) faire, avoir, prendre dans les
exemples suivants :
La fontière entre expression figée et séquence à verbe support est toutefois délicate à établir
dans tous les cas où le nom ne peut être considéré comme l’élément prédicatif principal. Dans
les exemples suivants, pourtant proche à première vue de ceux qui précèdent, le complément
introduit par avec n’est pas sélectionné par le SN corps ou bavette. On est donc obligé
d’analyser [V SN] comme une unité, figée précisément, et faire ou tailler ne peuvent être
considérés ici comme simple support :
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Une troisième différence entre la phrase libre et la phrase figée est que les compléments
circonstanciels sont généralement considérés comme des adjoints dans la phrase libre, c’est-à-
dire qu’ils ne font pas partie de la valence du verbe et sont par conséquent facultatifs. Or les
compléments adverbiaux qui font partie intégrante de l’expression verbale figée ne sont par
définition pas facultatifs, puisqu’ils sont figés. Que l’on compare par ex. Hier Max s’est lévé
de bonne heure dans lequel de bonne heure est un adjoint temporel, à l’expression Pouvoir se
lever de bonne heure pour 'n'avoir aucune chance de’, dans laquelle le syntagme de bonne
heure est constitutif du sens de l’expression.
La syntaxe des expressions figé n’est guère abordée dans les ouvrages traditionnels,
pour la simple raison que l’aspect le plus marquant pour le locuteur en est le sens, qui est le
plus souvent opaque. Or la description syntaxique des constructions figées est tout à fait
pertinente dans la mesure où les éléments figés ont une fonction syntaxique, même s’ils ne
correspondent pas à des arguments sémantiques du verbe.
Que la syntaxe des expressions figées ressortisse en grande partie à celle des phrases
libres, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, peut être illustré par un autre aspect que leur
valence, à savoir les rapports syntaxiques existant entre expressions. Les manipulations
disponibles pour les phrases libres, telles le passif ou l’extraction, sont souvent possibles pour
les phrases contenant une expression verbale figée. Or, à la grande différence des phrases
libres, elle sont extrêmement irrrégulières. Nous examinerons successivement la construction
symétrique, le passif, la construction impersonnelle, l’extraction, la pronominalisation, les
effacements, les expressions à complément datif, la structure causative et l’ordre des mots. Le
nombre de cas de figure étant trop important pour qu’on puisse en donner une description
complète, nous ne donnerons que quelques exemples significatifs pour chacune des opérations
syntaxiques indiquées.
On désigne par là la structure à sujet pluriel qui correspond à une structure équivalente à sujet
singulier et complément avec N . On la trouve en syntaxe libre comme dans la syntaxe des
expressions figées:
5.2.2. Le passif
Si on considère des expressions dont le verbe est transitif direct, donc en principe
passivable, on constate que lorsque l'objet direct du verbe est figé, le passage du SN1 en
position sujet par passivation est souvent impossible :
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Dans certains cas cependant, le passif est possible :
Notons qu’il existe plusieurs expressions en être et participe passé formellement identiques
à des constructions passives sans agent, mais dont la forme active correspondante est
inexistante :
Quand l’expression figée remplit les conditions usuelles de la construction impersonnelle (cf.
Chap. xxxx), notamment quand la séquence est introduite par un déterminant indéfini, la
construction impersonnelle est parfois possible, mais une fois de plus on constate qu’elle
s’applique de façon très irrégulière :
Dans certains cas, la structure impersonnelle est en revanche plus naturelle que le pendant
personnel :
5.2.4. L’extraction
L’extraction en c'est... que des syntagmes non figés qui font partie d’une expression est en
principe possible :
En revanche, l’extraction des éléments figés est logiquement plus problématique, puisque les
N ne renvoient pas à des entités référentielles (cf. infra 5.3.) : ainsi dans l’exemple a. ci-
dessous le trottoir n’est pas quelque chose qu’on « fait », et il n’y a en réalité ni de langue ni
de chat dans l’exemple b. :
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(28) a. Léa fait le trottoir
b. * C'est le trottoir qu'elle fait
c. Jean donne sa langue au chat
d. * C'est sa langue qu'il donne au chat
e.* C'est au chat qu'il donne sa langue
Par ailleurs, certaines expressions n'apparaissent qu’en extraction, la forme de base n'étant pas
attestée, ou nettement moins naturelle :
Notons enfin que l’extraction entre c’est .. que peut être facilitée lorsqu’on ajoute un
modifieur au nom. Cela ne semble toutefois pas propre à l’extraction puisqu’on observe le
même phénomène avec les SN en général qui acceptent fréquemment une alternance V le N /
V un N Modif (31d-e) :
5.2.4.2. La relative
Elle ne semble pas tout à fait exclue dans certains cas, mais ils sont rares :
2
Martin (1997) et Gaatone (1997) notamment ont abordé cette question dans le détail.
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5.2.4.3. L’interrogation
Le problème est le même que pour les autres types syntaxiques décrits jusqu’ici :
l’interrogation rend la phrase le plus souvent inacceptable (34), plaisanteries à part (35) :
5.2.5. La pronominalisation
Les arguments figés du verbe sont difficilement pronominalisables puisqu’ils ont perdu,
entièrement ou partiellement, leur sens référentiel, ce qui rend l'anaphore impossible (cf. infra
5.3.). Mais après détachement, la reprise dans la même phrase par un pronom est parfois plus
acceptable :
Il y a par ailleurs des expressions qui contiennent des pronoms et dont le nom auquel renvoie
l’anaphore est récupérable :
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5.2.6. Les effacements
Comme en syntaxe libre, l’emploi absolu, lorsqu’il est possible, entraine souvent un
changement sémantique qui confère à la phrase un sens générique. Ainsi dans (40b) on
comprend que Marie est quelqu’un qui par sa personnalité tape sur les nerfs de tout le monde :
Mais cet emploi n'est pas toujours possible, même dans une expression proche de celle de
(40):
Certaines expressions figées comportent des syntagmes qui sont facultatifs, il existe alors
deux variantes équivalentes :
Dans certains cas, ces parties facultatives correspondent à des extensions ludiques :
Il existe une série d’expressions dans lesquelles figure un SN qui représente une partie du
corps (Npc) ainsi qu’un complément datif à N ou un complément de nom de N dont le référent
est le possesseur de Npc. Dans les deux cas, le clitique correspondant est lui, le clitique étant
d’ailleurs souvent plus naturel que la forme nominale.
Dans certaines expressions, le complément en de N est plus naturel que à N :
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f. Marie lui casse les pieds
Pour toute une série d’expressions, il existe une paire dont l'une décrit un procès et l'autre
exprime la causation du procès moyennant l’introduction d’un valent supplémentaire :
(46) a. Que Léa aille au diable / se coucher / se faire pendre / voir ailleurs !
b. Paul a envoyé Léa au diable / se coucher / se faire pendre / voir ailleurs
Il est à noter que dans certains cas, l’expression a valeur causative est la seule possible :
Si dans le cas ci-dessus l’alternance entre les deux concerne le sujet et l’objet direct, dans
d’autres cas elle affecte la relation entre le sujet et l’objet indirect :
Dans une série de cas, l’expression figée a un pendant dont le sens est le même, mais
construit avec un verbe différent et dont les valents n’occupent pas la même position
syntaxique :
Les éléments figés qui constituent l’expression se suivent en général dans un ordre figé:
Les éléments adverbiaux ont parfois une plus grande mobilité, mais c’est loin d’être toujours
le cas :
3
Pour une étude détaillée du phénomène des phrases converses, voir G. Gross (1989).
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c. On l’ a pris le main dans le sac
d. Le main dans le sac on l’a pris !
Du point de vue sémantique, les expressions figées sont sujettes aux mêmes
phénomènes que les phrases libres, notamment l’homonymie et la polysémie, la synonymie et
l’antonymie. En effet, plusieurs expressions sont homonymiques par rapport à des phrases
libres interprétables au sens premier. Alors que le nom ancre a un statut réfrentiel dans lever
l’ancre pris au sens littéral, dans l’expression homonymique signifiant ‘partir’ l’ancre n’a pas
de valeur référentielle. C’est le statut non référentiel des noms qui explique pourquoi leur
pronominalisation est problématique ou impossible (cf. § 5.2.5) :
La synonymie affecte les expressions figées tout d’abord parce qu’elles souvent synonymes
d’un verbe simple. Ainsi casser sa pipe équivaut à mourir, lever l’ancre à partir, etc. Plus
suggestives que leurs pendants verbaux, elles en sont des variantes stylistiques. Par ailleurs,
les expressions figées admettent un certain nombre de variantes synonymiques entre elles (à
des différences de registre près), celles-ci pouvant affecter le verbe ou un des valents :
Ayant un sens figé, on s’attendrait à ce que les expressions soient monosémiques. Or tout
comme les phrases libres, certaines sont polysémiques : ainsi, une expression comme avoir la
vie dure est passible de plusieurs définitions selon le type de sujet avec lequel elle se combine.
De même, la phrase figée ça va comme ça a au moins deux sens:
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Certaines modifications des éléments figés sont parfois possibles qui affectent l’interprétation
de toute l’expression :
Sans pouvoir chiffrer les données, il semble qu’il existe des domaines sémantiques
privilégiés qui génèrent des séries productives d’expressions. C’est le cas en particulier du
corps humain, des relations amoureuses et sexuelles, de l’ivresse et des états d’âme. En voici
quelques exemples :
(58) a. Qu’il aille au diable / se coucher/se rhabiller / se faire voir/pendre (ailleurs) / se faire
cuire un œuf / se faire voir chez les Grecs / aller voir dehors si j'y suis, etc.
b. Léa a le blues / le moral dans les chaussettes l’âme en peine / Léa est au 36e
dessous / Léa broie du noir / Léa se fait du mouron / Léa se fait de la bile (du mauvais
sang / un sang d’encre / des cheveux blancs/ des cheveux gris) / Léa n’a pas le moral /
Léa porte son cœur en écharpe
Il est évident que si on tient compte de la variation régionale, la richesse des variantes ne fait
que s’amplifier. La section qui suit est consacrée à l’aspect variationnel des expressions
verbales figées.
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Prenant en considération la francophonie d’Europe et d’Amérique du Nord (Belgique,
France, Québec, Suisse), la grande majorité des expressions verbales figées s’avère être
commune (entre 75 et 80% sur un ensemble de 50000 expressions environ). Chacune des
variétés présente bien sûr aussi des emplois spécifiques qui la distinguent de chacune des
autres. On parle par conséquent de belgicismes, de québécismes et d’ helvétismes. En voici
quelques exemples :
(59) a. (B) arriver comme des figues après Pâques ‘arriver trop tard’
b. (B) tomber avec son derrière dans le beurre ‘avoir de la chance’
c. (B) faire un à fond ‘faire cul sec’
(60) a. (Q) attendre mer et monde ‘attendre monts et merveilles’
b. (Q) il y a de la chicane dans la cabane ‘il y a de l’eau dans le gaz’
c. (Q) aller à la chasse pas de fusil ‘être mal préparé’
(61) a. (S) franchir la barrière des röstis ‘aller en Suisse alémanique’
b.(S) avoir de la mordache ‘avoir du bagou’
c. (S) ça va pas le chalet ‘ça va pas la tête’
Ce qui est par contre moins connu, c’est qu’il existe également des expressions qui ne
s’utilisent pas en dehors de l’Hexagone. Il y a donc lieu de parler de francismes. C’est le cas
notamment de
Il arrive qu’une expression commune comme couter les yeux de la tête ait des
variantes dans toutes les régions, par exemple
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b. (Q) tomber en amour ‘tomber amoureux’
angl. to fall in love
(66) a. (S) faire le poing dans sa poche ‘faire un effort pour se maitriser’
all. die Faust in der Tasche ballen
b. (S) peindre le diable sur la muraille ‘se montrer pessimiste’
all. den Teufel an die Wand mahlen
A part des expressions spécifiques à chacune des régions de la francophonie (y compris celles
de l’Hexagone), il existe toute une série d’expressions qui sont communes à certaines mais
pas à toutes les régions, autrement dit il existe des intersections, par exemple :
(69) a. Il veut aller plus vite que les violons ‘vouloir aller trop vite’
b. (Q) Il veut aller plus vite que le violon
(70) a. (B) Léa attend famille 'être enceinte'
b. (Q) Léa attend la famille
c. (S) Léa attend de la famille
(71) a. Il est resté le bec dans l’eau ‘ne pas avoir obtenu ce qu’on veut’
b. (Q) Il est resté le bec à l’eau
On observe inversément que certaines expressions de forme identique n’ont pas le même sens
dans toutes les variantes, il y a donc lieu de parler de faux amis :
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Notons enfin que la richesse des expressions à travers les diverses régions semble se
situer dans les mêmes domaines sémantiques que ceux qui sont productifs en français
commun. Les exemples qui suivent complètent ceux indiqués plus haut sous 5.3. in fine :
18
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