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Module 1.4.

Cadre stratégique de l'entreprise Première année ECS - 2022/2023

Support de cours
La stratégie de l'entreprise
Plan de la section
1 Dénitions et démarche stratégique 1
1.1 Origine de la stratégie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Dénitions de la stratégie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.3 Les métiers de l'entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.4 Décision stratégique et décision opérationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.5 La segmentation stratégique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.6 Les niveaux de stratégie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.7 La démarche stratégique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.7.1 Le modèle de LACG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.7.2 Stratégie délibérée et stratégie émergente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1 Dénitions et démarche stratégique


1.1 Origine de la stratégie
Le concept de stratégie est d'origine militaire. Il vient du grec strategos (c'est-à-dire général) et désigne
l'art de commander l'armée en présence de l'ennemi. Dans les domaines militaire, politique et philoso-
phique, la notion de stratégie a inspiré de nombreux grands auteurs, de Shakespeare à Tolstoï, en passant
par Montesquieu, Kant, Hegel ou Clausewitz. Une des premières applications au monde des aaires est due
à Von Neumann et à Morgenstern, qui ont développé la théorie des jeux. Dans un ouvrage datant de 1947,
ces deux auteurs étudient les stratégies en termes d'interactions décisionnelles de joueurs qui s'arontent
ou coopèrent entre eux.
La pensée stratégique est inuencée par deux ouvrages de référence :
. L'art de la guerre de Sun Tzu ou Tse (5eme siècle av. JC), qui estime que le but de la guerre est
de forcer l'ennemi à abandonner la lutte sans combat. Pour Sun Tzu la stratégie est : la surprise, la
ruse, l'espionnage. (Domination virtuelle)
. De la guerre du Général Prussien Karl Von Clausewitz (1780 - 1831), Pour Clausewitz,  la stratégie
est l'art d'employer les forces militaires pour atteindre les buts xés par la politique . Dans ce sens,
Il considère que l'objectif d'une guerre est de gagner en dominant son adversaire et que la stratégie
repose sur trois piliers, en utilisant une méthode d'escalade dans la mise en ÷uvre des moyens, qui
sont : la concentration des forces, l'économie des moyens et la liberté d'action. (Domination réelle)
Dans le domaine du management, le concept prend en général une signication plus large qu'en matière
militaire puisqu'il recouvre également la dénition des buts et des objectifs par rapport auxquels on planie
l'emploi des ressources. Il n'existe cependant pas de dénition unanimement acceptée, les formulations étant
tantôt larges, tantôt étroites, comme l'illustre l'inventaire partiel de dénitions dans la partie suivante.

1.2 Dénitions de la stratégie


. La stratégie est l'ensemble des actions décidées par une entreprise en fonction d'une situation parti-
culière (Von Neumann et Morgenstern, 1947).
. La stratégie est la détermination des buts à long terme de l'entreprise et le choix des actions et de
l'allocation des ressources nécessaires à leur atteinte (Chandler, 1962).
Il s'agit pour Chandler d'un processus consistant à xer des objectifs à long terme, choisir le plan
d'action adéquat permettant d'atteindre les objectifs xés, allouer les ressources nécessaires an de
concrétiser le plan d'action.

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. La stratégie est une règle pour prendre les décisions, déterminée par l'étendue produit/marché, le
vecteur de croissance, l'avantage concurrentiel et la synergie (Anso, 1986).
. La stratégie est l'ensemble des desseins, des buts et des objectifs d'une organisation, ainsi que les
principales politiques et les plans pour atteindre ces buts, établis de façon à dénir ce qu'est le domaine
d'activité de l'entreprise ou ce qu'il devrait être et le type d'entreprise qu'elle est ou qu'elle devrait
être (Learned, Christensen, Andrews et Guth, 1965).
. L'art de construire des avantages concurrentiels durablement défendables (M. Porter).
M. Porter met l'accent sur la notion de l'avantage concurrentiel. Pour lui, une stratégie doit permettre
à l'entreprise de construire, garder et développer un avantage concurrentiel lui concédant de faire
face à la concurrence.

1.3 Les métiers de l'entreprise


On entend par métier un ensemble de compétences et de savoir-faire distinctifs, reconnus par une
profession donnée et clairement identiable par l'environnement économique (clients, fournisseurs, concur-
rents, partenaires). Le choix d'un ou plusieurs métier(s) revêt un enjeu majeur, en raison de la diculté
à dénir les  savoirs et savoir-faire  de l'organisation et à les faire évoluer en fonction des mutations de
l'environnement.
De manière générale, le choix des métiers est essentiel dans une stratégie car il permet à l'entreprise
de dénir ce qu'elle va concrètement faire et sur quel type de compétences elle va s'investir en priorité
(politique d'investissements). Le métier peut combiner des éléments liés à la chaîne économique du produit
(conception, fabrication, distribution) mais également à la connaissance du marché.
Le métier de l'entreprise n'est donc pas forcément déni à travers ses produits car, à l'instar du Groupe
Swatch, d'autres actifs de l'entreprise (image, marque, style de communication, insertion relationnelle),
plus intangibles, peuvent également être au c÷ur du métier de la rme.

1.4 Décision stratégique et décision opérationnelle


Il existe, dans l'entreprise, plusieurs niveaux de décisions essentielles au développement de l'organisa-
tion. En particulier, il importe de distinguer, dans l'analyse, la décision stratégique des autres décisions
administratives et opérationnelles.
Les décisions stratégiques portent essentiellement sur les stratégies de développement de l'entreprise
et leur mise en ÷uvre (structure et modalités d'actions) et présentent généralement des risques élevés
(situations incertaines et complexes). À l'inverse, les décisions administratives concernent l'organisation et
le fonctionnement quotidien de l'entreprise et doivent assurer la bonne circulation des informations entre
les diérents services. Elles agissent principalement par la mise en place de règles de suivi et de contrôle
et le développement de procédures.
Les décisions opérationnelles visent à gérer les activités technologiques, industrielles et commerciales
de l'entreprise, en veillant à atteindre les objectifs de progrès xés par l'entreprise (ecacité, productivité,
qualité). Elles touchent donc en priorité les savoirs et savoir-faire de l'entreprise (outils, méthodes et
processus opératoires) ainsi que les choix en matière de répartition des tâches.

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Caractéristiques Décisions opérationnelles Décisions stratégiques


Impact Limité, un service Global, toute l'entreprise
Durée de préparation et de mise Courte Longue
en ÷uvre
Réversibilité Aisée Dicile et couteuse
Dimensions à intégrer Peu nombreuses Multiples
Objectifs Plutôt clairs Souvent ous
Répétitivité Forte Nulle
Structuration du processus de Algorithme Faible
décision

1.5 La segmentation stratégique


La segmentation vise à délimiter des ensembles homogènes d'activités en termes de fonctionnement, de
facteurs clés de succès, de compétences requises, de besoins satisfaits, de clients visés, d'objectifs straté-
giques ou encore de structure concurrentielle. Elle constitue donc un prérequis indispensable au diagnostic
stratégique en dénissant et en caractérisant l'unité d'analyse sur laquelle faire porter les diérents outils
ou méthodes de diagnostic. Cette clarication de la nature de l'activité concernée par l'analyse conditionne,
d'une part, la mise en place d'une stratégie adaptée à chaque segment (appelée  stratégie générique 
ou  stratégie d'activité ) et, d'autre part, la conception d'une stratégie de croissance et de gestion de
l'ensemble des activités du portefeuille de l'entreprise (appelée  stratégie d'entreprise ).
En outre, il est important de souligner que le processus de segmentation peut s'appliquer de manière
indiérenciée à un secteur d'activités ou au périmètre d'une entreprise. Dans le cas d'un secteur d'activi-
tés, l'objectif est d'identier très précisément la nature des diérents segments qui le composent an de
déterminer leur degré d'attractivité respectif ainsi que les compétences requises pour s'y développer. Cette
analyse conduit ainsi, le cas échéant, à révéler les opportunités de lancement ou d'acquisition de nouvelles
activités pour l'entreprise et guide les choix de stratégie de gestion du portefeuille d'activités.
Dans le cas d'une entreprise, il s'agit de clarier la morphologie de l'organisation au travers de l'iden-
tication des diérentes activités qui la constituent. Il s'agit également d'en déduire les choix de stratégie
générique spécique pour chaque activité (mise en ÷uvre d'une gestion adaptée aux règles du jeu de l'acti-
vité identiée). La segmentation permet, là aussi, d'orienter les choix de gestion du portefeuille d'activités
puisqu'elle constitue un prérequis aux décisions d'investissement ou de désinvestissement (développement
d'une activité jugée attractive ou retrait d'une activité considérée comme peu porteuse). Le résultat du
processus de segmentation appliqué à un secteur d'activités sera appelé  segment stratégique  alors que
le résultat de ce même processus appliqué à une entreprise sera appelé  DAS .
Par ailleurs, il est important de distinguer le processus de segmentation marketing du processus de
segmentation stratégique. En eet, si la démarche est similaire dans les deux cas, l'objet de la segmen-
tation dière. La segmentation marketing vise à rassembler ou à diviser les consommateurs d'un marché
en groupes homogènes en termes de comportement d'achat. Autrement dit, l'entreprise qui ne peut ré-
pondre aux besoins particuliers de chaque client adapte ses produits aux besoins de certaines catégories de
consommateurs dénies selon des critères objectifs (sexe, âge, etc.) ou subjectifs (personnalité, styles de
vie, etc.). Ces groupes ainsi constitués feront alors l'objet d'un ciblage (choix des groupes de consomma-
teurs visés par l'entreprise) et d'un positionnement (proposition d'une ore en adéquation avec les attentes
des clients et détermination d'un marketing mix cohérent). La segmentation stratégique vise, quant à elle,
à rassembler des activités (et non des consommateurs) et à dénir des ensembles homogènes caractérisés
par des règles du jeu identiques. En ce sens, la segmentation marketing adopte une vision à plus court
terme. Elle concentre son attention sur les aspects commerciaux et  ignore une partie des concurrents en
ne considérant que ceux qui fabriquent le même produit .
Le processus de segmentation stratégique nécessite tout d'abord d'identier les critères pertinents

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permettant de regrouper et/ou de diviser les activités en ensembles homogènes. Dans un deuxième temps,
il est indispensable de vérier que les conditions de validité de la segmentation obtenue sont remplies.
Enn, il est important de garder à l'esprit le caractère profondément subjectif de la segmentation.
Critères de segmentation et matrice de segmentation
Dénir et identier une activité nécessite de recourir à des critères de segmentation. Leur choix condi-
tionne grandement le résultat obtenu. Or il n'existe pas véritablement de consensus sur les critères à
mobiliser, notamment du fait du caractère contingent du processus de segmentation. Nous abordons ci-
dessous les principaux modèles utilisés avant de proposer une méthode synthétique pour segmenter les
activités d'une entreprise ou un secteur d'activités.
Plusieurs possibilités visent à identier la nature d'une activité : La première consiste à dénir l'activité
par le biais des caractéristiques des produits fabriqués : le segment des machines-outils ou de l'automobile,
par exemple. La deuxième possibilité consiste à identier l'activité en ayant recours au métier ou à la
technologie mobilisée pour concevoir ou fabriquer les produits : L'industrie de l'acier, de l'aluminium, du
verre, par exemple. Enn, la troisième possibilité propose de décrire l'activité par le biais de ses marchés.
Dans le contexte précis de la segmentation, le terme de marché (ou de mission) renvoie à la fois aux
attentes et aux besoins que le client cherche à satisfaire (laver son linge ou se déplacer en ville par exemple)
et aux caractéristiques de la clientèle (particulier, entreprise, famille, célibataire, etc.). Si chacun de ces
critères, pris indépendamment, est insusant pour identier et dénir précisément la nature d'une activité,
il est en revanche possible de les combiner.
Le choix d'Anso (1965) se porte sur la caractérisation d'une activité par le croisement d'une compo-
sante métier et d'une composante marché (ou mission). En ce sens, un ensemble homogène à la fois en
termes de produit ou de service (type d'ore conçue, fabriquée et distribuée) et de marché (type de client)
dénit et spécie un segment stratégique.
Le modèle d'Abell et Hammond (1979) prolonge cette réexion en fondant la procédure de segmenta-
tion sur un triaxe, dans cette optique, la caractérisation d'un segment nécessite d'identier précisément le
groupe de clients achetant le produit ou le service, la fonction assurée par le produit ou le service pour
ces clients, enn la nature exacte de l'ore (produit ou service). Le modèle d'Anso (1965) fondé sur la
détermination du couple produit/marché peut être critiqué, notamment du fait de l'importance excessive
accordée aux savoir-faire commerciaux aux dépens des savoir-faire technologiques. Ce mode de segmenta-
tion s'apparenterait ainsi plus à de la segmentation marketing qu'à une véritable segmentation stratégique.
La proposition d'Abell et Hammond (1979) a le mérite d'élargir le champ de la segmentation en prenant
en considération la fonction assurée par l'ore. Cependant, les facteurs clés d'ordre technologique, notam-
ment ceux liés au métier, sont encore sous-estimés dans cette approche. C'est pourquoi, à l'issue de la
confrontation de ces deux modèles fondateurs, il est pertinent de proposer un modèle synthétique, à la fois
général et intégrateur, en se fondant sur deux catégories de critères à combiner, au cas par cas, selon les
situations :
◦ une catégorie liée à l'ore : relative à la nature du produit ou du service, au métier concerné ou à la
technologie mobilisée ;
◦ et une autre liée à la demande : relative à la nature de la clientèle, à la fonction assurée ou au type
d'attentes ou de besoins satisfaits.
Le croisement de critères relatifs à ces deux catégories de variables (ou matrice de segmentation) permet
ainsi de proposer une segmentation stratégique appliquée à un secteur d'activités ou aux activités d'une
entreprise.
En fonction des caractéristiques propres du secteur ou de l'entreprise, l'analyste choisira d'avoir recours
à une dimension particulière de la catégorie  ore  (type de technologie, par exemple) et à une dimension
particulière de la catégorie  demande  (fonction satisfaite par exemple). Le nombre de segments est de ce
fait déterminé par le produit du nombre de modalités relatives à l'axe  ore  et du nombre de modalités
relatives à l'axe  demande . Cependant, il est possible que l'un des segments  théorique  issu du
croisement des axes n'ait pas d'existence concrète. Dans ce cas, il sera simplement supprimé de l'analyse.

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Intérêts de la segmentation
La segmentation stratégique est essentielle car elle facilite l'analyse et la prise de décision stratégique,
et ce pour au moins cinq raisons :
◦ Chaque DAS mis en évidence se trouve confronté à des concurrents spéciques, même si certains
concurrents peuvent se trouver sur tous les DAS. C'est ainsi que Danone retrouve Nestlé comme
concurrent sur chacun de ses DAS.
◦ Chaque DAS mis en évidence se trouve confronté à des évolutions technologiques spéciques.
◦ Chaque DAS mis en évidence se trouve confronté à des évolutions spéciques des modes de consom-
mation des clients concernés.
◦ Chaque DAS peut (et devrait) faire l'objet d'une stratégie spécique compte tenu des caractéristiques
précédentes.
◦ Enn, sur chaque DAS, l'entreprise doit chercher à maîtriser les facteurs clés de succès, c'est-à-dire les
éléments qu'il convient de maîtriser pour générer potentiellement un avantage concurrentiel durable
dans l'état actuel du marché concerné.
Les facteurs clés de succès (FCS)
Les facteurs clés de succès (FCS) sont les prérequis repérables dans chaque activité pour opérer de façon
compétitive. Ces FCS concernent des processus, des ressources ou des compétences qu'une entreprise doit
maîtriser si elle ne veut pas se trouver dans une situation concurrentielle désavantageuse. Il est par exemple
nécessaire de disposer d'un portefeuille de marques ou de licences de marques pour opérer sur les segments
du luxe, de maîtriser les processus internes de gestion de la qualité dans l'automobile, de gérer au plus juste
les temps de mission dans le conseil et d'enrichir les compétences des consultants, ou encore de développer
une puissance d'achat importante dans la grande distribution.
Un FCS renvoie ainsi aux éléments de l'ore qui ont une valeur pour le client ou aux éléments qui
procurent un avantage de coût au sein de la chaîne de valeur. Leur maîtrise est donc a priori un gage de
compétitivité minimale dans une activité donnée et le stratège doit rééchir régulièrement à la maîtrise
de ces éléments par son entreprise pour se maintenir dans son activité ou entrer dans une nouvelle. Il
pourra notamment se pencher sur les écarts qui existent entre les FCS qu'il a repérés dans son activité et
la position de son entreprise sur chacun de ces facteurs. Un écart négatif indique une source potentielle
de désavantage par rapport aux concurrents qu'il faudra tenter de combler. Un écart positif, une source
potentielle d'avantage concurrentiel à exploiter.
Les FCS d'un secteur sont issus, comme d'autres éléments de l'analyse stratégique, d'une réexion de
l'entreprise sur son environnement. Une des façons de les faire émerger est de rassembler des managers
expérimentés et de leur demander quels sont les quelques facteurs à maîtriser pour rester compétitif. Il est
important de restreindre le nombre de ces facteurs à 4 ou 5 ; au-delà, il est probable que des facteurs non
critiques soient évoqués.
Si le concept de FCS est séduisant, reste qu'il doit être utilisé avec précaution pour au moins trois
raisons.
◦ Tout d'abord, le concept de FCS est souvent assimilé avec celui d'avantage concurrentiel. Or, les
FCS sont liés avant tout à une activité et non à une organisation. Maîtriser les FCS de son secteur
assure donc au mieux la compétitivité mais ne fait pas émerger d'avantage concurrentiel sauf à être
maîtrisé à un niveau largement supérieur par une entreprise.
◦ Ensuite, lié au point précédent, les FCS indiquent les prérequis à maîtriser dans un secteur, après
examen des éléments clés partagés par la plupart des entreprises. Ce faisant, ils n'indiquent en rien les
façons pour une entreprise de se distinguer justement de ses concurrents mais plutôt les  recettes  du
succès admises par tous les concurrents. Ils poussent donc à une imitation des stratégies dominantes
et une approche adaptative de la stratégie plutôt qu'à une réexion innovante, en  naturalisant 
des éléments de l'activité. Dans un secteur comme la conception et la fabrication d'ordinateurs, Dell
a ainsi bâti initialement son succès en délaissant largement la R&D pour se focaliser sur la logistique

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et le CRM a contrario des recettes admises par ses concurrents, alors qu'une analyse en termes de
FCS aurait indiqué qu'il fallait investir largement dans la R&D
◦ Enn, dernière précaution, ces FCS sont toujours historiquement datés et évoluent dans le temps. La
réexion du stratège doit donc intégrer cette vision dynamique pour considérer les FCS en émergence
sous l'impulsion de concurrents innovants ou d'évolutions de l'environnement. Ainsi, la maîtrise de la
motorisation et des modes de propulsion à faible impact environnemental s'est-elle imposée comme
un FCS ces dernières années dans l'automobile.

1.6 Les niveaux de stratégie


Les diérents niveaux de diagnostic correspondent à des niveaux de décision stratégique variés qui, là
aussi, peuvent interagir. On distingue en général trois niveaux de décision stratégique dans une entreprise :
1. La stratégie globale ou  corporate strategy  a pour objectif d'assurer la pérennité de l'organisation
à long terme et de satisfaire les attentes de ses diérentes parties prenantes (clients, actionnaires. . .).
La stratégie corporate porte sur trois éléments essentiels :
(a) le choix des domaines d'activité stratégique de l'entreprise (c'est-à-dire la dénition du périmètre
du portefeuille d'activités de l'entreprise) ;
(b) l'allocation des ressources entre les diérents domaines d'activité stratégique retenus ;
(c) la création de synergies entre les diérents domaines d'activité stratégique de l'entreprise pour
améliorer la performance globale de l'entreprise. Les décisions stratégiques à ce niveau sont
prises par la direction générale, le comité exécutif et le conseil d'administration.
2. La stratégie par domaine d'activité stratégique ou  business strategy  consiste à prendre des
décisions relatives au développement de chaque activité stratégique. Les décisions prises en termes
de pénétration de nouveaux marchés, de création de lignes de produits ou d'implantation de nouveaux
sites sont propres à un domaine d'activité stratégique. Elles n'engagent donc pas les autres domaines
d'activité. Les décisions à ce niveau relèvent de la direction générale et des directeurs de divisions
ou d'activités.
3. La stratégie fonctionnelle est, elle, spécique à une fonction, qu'il s'agisse du marketing, de la pro-
duction, de la distribution ou encore de la recherche et développement. Les décisions n'engagent en
général que cette fonction, éventuellement uniquement au sein d'un domaine d'activité stratégique.
Elles sont le plus souvent prises par la direction générale et les cadres supérieurs en charge de la
fonction concernée. Les stratégies fonctionnelles ont pour objectif d'assurer la mise en ÷uvre des
stratégies globales et par domaine d'activité stratégique. De bons choix en matière de stratégies
fonctionnelles assurent la performance des stratégies de niveau supérieur.
Tout comme la multiplication des niveaux de diagnostic conditionne la pertinence d'une analyse, c'est en
général la cohérence entre les décisions stratégiques prises aux trois niveaux qui conditionne la pérennité
et la performance de l'entreprise concernée.

1.7 La démarche stratégique


1.7.1 Le modèle de LACG
Le modèle LCAG 1 représente le premier modèle théorique d'aide à la démarche stratégique mis au
point. Il est composé de cinq grandes étapes :
1. Analyse et diagnostic interne ;
2. Analyse et diagnostic externe ;
3. Identication des actions ou stratégies possibles ;
4. Éclaircissement des valeurs de l'environnement (responsabilité sociale de l'entreprise) et des valeurs
des dirigeants ;
1. LCAG : Leamed, Christensen, Andrews, Guth

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5. Choix stratégiques et mise en ÷uvre des stratégies.


La démarche stratégique vise à apporter des réponses aux questions suivantes :
◦ Quelle est la situation stratégique de l'organisation en termes de ressources, de savoir-faire, d'avan-
tages concurrentiels ?
◦ Quels sont les valeurs, les attentes et les objectifs des diérentes parties prenantes ?
◦ Comment évolue l'environnement ?
◦ Quelles sont les actions permettant de conforter ou d'améliorer la position concurrentielle de
l'organisation ?
◦ Quelles sont les contraintes internes et externes ?
◦ Compte tenu des contraintes identiées, comment atteindre les objectifs xés ?
La démarche stratégique débute avec un diagnostic stratégique. Ce dernier est réalisé à partir d'une
analyse approfondie de variables internes et externes à l'organisation. En règle générale, les organisations
développent plusieurs activités distinctes. Un travail de segmentation stratégique s'avère alors nécessaire
pour apprécier au mieux l'évolution de chaque activité, puis dénir la stratégie à retenir.
1.7.2 Stratégie délibérée et stratégie émergente
Toutefois, les dirigeants le savent bien, toutes les stratégies ne sont pas nécessairement construites et
délibérées. Certaines se découvrent en marchant. Des impulsions déterminées sont certes données dans une
direction précise, mais l'entreprise fait aussi preuve de réactions face à des événements inattendus. Des
concurrents mettent sur le marché un produit révolutionnaire. Une nouvelle technologie apparaît remettant
en cause un avantage concurrentiel durement gagné. Des opportunités de développement se présentent là
où on ne les attendait pas. L'entreprise va tenter de s'y adapter de manière quasi constante.
La vision du dirigeant qui établit une stratégie et dresse des plans qui guident toutes les actions futures
est une déformation de la réalité. Le dirigeant est, certes, un élément essentiel pour l'impulsion et les
orientations qu'il peut donner. Mais les meilleurs des plans sont amenés à se modier avec le temps suite à
des  occasions  qui se présentent et que l'entreprise ne peut se permettre de rater. Et puis, des problèmes
inattendus surgissent auxquels il faut s'adapter. Enn, des initiatives sont prises qui modient le chemin
sur lequel la rme s'est engagée. C'est ainsi que de nouvelles stratégies vont émerger suite à tous ces
événements qui poussent l'entreprise en dehors de la trajectoire qu'elle s'est initialement donnée.
Pour reprendre la formule de Mintzberg, la stratégie prend forme progressivement dans un ux continu
d'actions. Certaines de ces actions sont délibérées et planiées, d'autres sont émergentes et répondent à des
événements non prévus auxquels la rme réagit. H. Mintzberg, pour illustrer ce phénomène d'émergence,
prend la métaphore du potier qui fabrique sur son tour vases et statues selon un plan bien déni. Parfois,
un incident survient, ce qui l'oblige de changer de style. Style qui peut se révéler par la suite des plus
prometteurs. Sa production est ainsi le résultat de deux processus l'un voulu, délibéré, souhaité et l'autre
fortuit et émergent. L'entreprise connaît elle aussi la combinaison de ces deux processus, l'un prévisible
(le délibéré, le planié), l'autre étant le fruit du hasard (l'émergent).

D'après H. Mintzberg et J.A. Waters,  Of Strategies, Deliberate and Emergent , Strategic Management
Journal, 1985, p. 257-272.

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