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QUESTIONS PRIORITAIRES POUR LE SECTEUR DE LA SANTE ET


COMPTES NATIONAUX DE LA SANTE AU MAROC

Récemment, le problème du financement des soins de santé est devenu une préoccupation
majeure non seulement des pays industrialisés mais aussi des nations en développement. Dans
ce cadre, les Comptes Nationaux de la Santé (CNS) constituent une approche utile et
réalisable, même dans les pays où le système d’information n’est pas très développé. Ils
constituent un important outil de circonscription et d’appréhension du système national de
santé, de planification et d’aide à la prise de décision. Ces comptes peuvent être utilisés
comme un instrument de diagnostic afin d’identifier des problèmes d’allocation des
ressources, de proposer des pistes de solution et d’évaluer le degré de progression vers un
objectif déterminé.

Afin de maximiser l’utilité des CNS tel qu’ils sont décrits ci-dessus, il est important de
définir, au préalable, les éléments clés de la politique de santé ainsi que les indicateurs des
CNS portant sur ces mêmes éléments. Cet exercice se doit de précéder la conceptualisation
des CNS, ou du moins l’accompagner, car le choix des indicateurs sous-tendra partiellement
la méthodologie appliquée et constituera un guide pour le choix des directions de travail à
privilégier.

Ce papier n’est qu’un simple essai pour faire approcher les Comptes Nationaux de la Santé du
Maroc des priorités nationales dans le domaine sanitaire pris dans un sens assez large. Ainsi,
il essaie d’abord de mettre en exergue, d’une manière succincte, les problèmes vécus par le
système national de santé 1 , les objectifs et les stratégies de santé ; ensuite, il tente de définir, à
priori, la méthodologie et la conceptualisation des CNS en fonction de ces priorités et
objectifs.

Problèmes du système national de santé au Maroc

Problèmes sanitaires, d’iniquité et d’accessibilité physique

Au cours des années à venir, le système national de santé marocain devra non seulement faire
face aux problèmes sanitaires caractérisant les pays en développement, mais s’occuper
également des problèmes sanitaires émergents ou réémergents caractérisant les pays
industrialisés. En effet, malgré le recul des maladies transmissibles durant la dernière
décennie, elle représentent toujours une charge relativement importante en terme d'actions de
prévention et de lutte. A leur tour, les maladies non transmissibles, les accidents et

1
« Un système de santé est un agencement complexe des activités des professionnels de la santé et des divers
agents qui participent à leur financement (soins et autres activités connexes). Les activités financées dépassent le
simple cadre des soins (hospitaliers et ambulatoires) et des biens médicaux pour toucher d’autres secteurs liés à
la santé, à savoir l’enseignement, l’hygiène, la prévention collective et la recherche. » (ZINE EDDINE E. MY
D. , 1998b, p. 24).
Définition selon le projet de loi relatif au système national de santé et à l’offre de soins (Carte Sanitaire) :
« … le système national de santé se définit comme l’ensemble des ressources humaines, matérielles et
financières ainsi que les institutions et les activités destinées à assurer la promotion, la protection, la restauration
et la réhabilitation de la santé de la population. » (Ministère de la Santé, 1998, p.1).

« Questions prioritaires pour le secteur de la santé et comptes nationaux de la santé au Maroc » 1


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traumatismes pèsent, eux aussi, lourdement sur le système de soins, en particulier sur l’hôpital
puisque c’est à ce niveau qu’ils sont généralement pris en charge (LAAZIRI M., 1998). Une
étude réalisée sur la charge de morbidité globale à partir des causes de décès déclarés de 1992
a estimé que les années de vie perdue en raison d’un décès prématuré sont causées
principalement par les affections d'origine périnatale, les maladies infectieuses et parasitaires,
les maladies de l'appareil circulatoire, les traumatismes et les tumeurs malignes.

Les problèmes posés par la santé de la mère et de l’enfant au Maroc demeurent préoccupants
en dépit des améliorations constatées depuis plusieurs années. Les indicateurs cités dans le
tableau n°1 ci-dessous permettent de mesurer l’ampleur de ces problèmes.

Ce tableau met également en exergue les écarts importants qui subsistent entre les milieux
urbain et rural. Ces écarts peuvent être expliqués en partie par les iniquités de l’offre et de
l’accès aux soins qui demeurent très manifestes. En dépit des efforts entrepris par le MS, les
populations rurales ont toujours un accès difficile aux établissements de soins.

Tableau 1 : Quelques indicateurs de santé

INDICATEURS URBAIN RURAL TOTAL

§ Indice synthétique de Fécondité ( 1 ) 2.3 4.1 3.1


§ Taux de natalité ( pour mille ) ( 2 ) 20.7 26.9 23.6
§ Taux de mortalité ( pour mille ) ( 2 ) 5.1 8.1 6.5
§ Taux d'accroissement naturel ( pour cent ) ( 2 ) 1.6 1.9 1.7
§ Quotient de mortalité infantile ( pour mille ) ( 1 ) 23.8 46.1 36.6
§ Quotient de mortalité juvénile ( pour mille ) ( 1 ) 6.1 15.1 9.8
§ Quotient de mortalité infanto-juvénile ( pour mille ) ( 1 ) 29.9 61.1 45.8
§ Taux de mortalite néonatale ( pour mille ) ( 1 ) 15.1 22.1 19.7
§ Taux de mortalite maternelle, pour 100 000 naissances ( 1 ) 125 307 228

( 1 ) Ministère de la Santé (1997), Enquête National sur la Santé de la mère et de l'enfant, Rabat
( 2 ) CERED, Projection de la population : 1994 - 2014, Rabat.

La difficulté d’accès de la population rurale aux soins constitue encore une insuffisance
majeure du système. En effet, les données concernant la couverture de la population rurale par
les Etablissements de Soins de Santé de Base appréciées par rayon kilométrique montrent que
les distances entre la population et les formations sanitaires sont importantes. En 1996, près
de 31 % de cette population se trouve à plus de 10 kilomètres d’une formation sanitaire. La
population éloignée est sensée être couverte par un mode mobile qui a été mis en place pour
compléter la couverture par le mode fixe. Cependant, les performances de ce mode mobile en
terme de couverture et de contribution à l’offre de soins sont faibles, si bien que l’on peut dire
qu’une grande proportion de la population rurale n’a que très peu accès aux soins (DPRF /
MS, 1998).

De surcroît, la population rurale accède plus difficilement aux soins hospitaliers, seulement le
quart des nuitées de l’hôpital public sont consommées par celle-ci. Cette situation est due en
partie au faible développement des petits hôpitaux intermédiaires type Polyclinique de Santé
Publique. Le problème d’accès est d’autant plus aigu que le MS est pratiquement le seul
prestataire de soins présent en milieu rural. En effet, l'encadrement par les cabinets de
consultation privés, montrant un fossé entre l'urbain et le rural (1 cabinet pour 95.418

« Questions prioritaires pour le secteur de la santé et comptes nationaux de la santé au Maroc » 2


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habitants en rural contre 1 pour 4.354 en urbain 2 ), est à l'origine d'un grand déséquilibre entre
les deux milieux dans l'encadrement médical global. S’ajoute à cela le problème de l’accès
aux médicaments vu l’insuffisance quantitative de pharmacies et de dépôts de médicaments
en milieu rural (1 dépôt pour 46.000 habitants) (DPRF / MS, 1998).

Problèmes liés au financement du système national de santé

La problématique du financement peut être résumée dans les points suivants :

- Le budget alloué au MS est faible (moins de 5% du budget général de l’Etat et 1,1% du


Revenu National) et reste dominé par les salaires (58 % du budget global en 1998/99)
alors que les fonds mobilisés dans le cadre de la coopération se réduiront de plus en plus.

- La répartition de ce budget entre les divers niveaux de santé est inégale et favorise le
réseau hospitalier au détriment de la santé primaire.

- Le taux de recouvrement des coûts des prestations fournies par les hôpitaux publics est
très faible (moins de 15 %). Le même problème est vécu par les cliniques de la CNSS.

- La consommation médicale et la dépense globale de santé (qui représente à peine 4 % du


PIB) sont modestes.

- La solidarité institutionnalisée est réduite : la couverture de l’assurance-maladie demeure


faible. Celle-ci assure près de 19 % de la dépense globale de santé et couvre à peine 15%
de la population totale. Quant à la prise en charge médicale institutionnelle des
économiquement faibles, elle est inexistante.

- La participation très élevée des ménages au financement de la consommation médicale,


dans un contexte de faiblesse de revenu et de cherté des soins et des biens médicaux,
induit des problèmes d’accessibilité économique aux services de santé. A titre illustratif,
le coût moyen d’une ordonnance avoisine 150 Dirhams, soit près de 19 heures de travail
rémunérées au SMIG (salaire minimum) ou 1,3 % du PIB per capita en 1997 (ZINE
EDDINE E. My D., 1998c).

2
Certains centres considérés comme urbains par le recensement légal de la population sont en réalité des
centres ruraux. C’est pour cela que ces ratios doivent être pris avec beaucoup de réserves.

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Graphique n° 1 : Sources de financement de la dépense globale de santé au Maroc en 1995

Autres
7%

Ministère de la Santé
29%

Ménages
Coopération internationale 43%
2%

Mutuelles et Assurances
19%

Source : ZINE EDDINE E. My D., 1998a.

En plus de la faiblesse du financement, toutes les ressources, mises à la disposition du MS ne


sont pas gérées de manière optimale. De plus cette gestion peu perfo rmante aussi bien au
niveau administratif (central et provincial) qu’au niveau de la prévention et des soins
(ambulatoires et hospitaliers) jointe à une organisation inadaptée des établissements de soins
de santé de base et à des difficultés de coordination se traduit par une qualité peu satisfaisante
des services fournis à la population.

Objectifs et stratégies de santé


Compte tenu de cette analyse succincte de l’état de santé et du fonctionnement du système,
des objectifs majeurs pour la réforme de santé sont fixées, à savoir :

I. l’extension de la couverture sanitaire avec un rééquilibrage de l’offre de soins


II. l'utilisation efficiente et efficace des ressources et leur ciblage sur des priorités
III. la mobilisation des ressources additionnelles pour le secteur (DPRF / MS, 1998).

Ces objectifs sont choisis sur la base des besoins minimaux définis à partir de l’analyse des
problèmes de santé ainsi que des ressources potentiellement mobilisables au cours des cinq
prochaines années. Leur atteinte à l’horizon 2003, reste liée à une bonne organisation du
système, aux performances de sa gestion et à une optimisation de l'utilisation de toutes les
ressources disponibles.

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Afin d’atteindre ces objectifs, une série de stratégies a été établie. Elles sont choisies en
fonction de leur degré de pertinence et de faisabilité.

A. Renforcer la prévention par la voie des interventions de la Santé publique, en particulier


par l’accroissement des prestations prévues dans les programmes de Santé Maternelle et
Infantile et de lutte contre les maladies
B. Améliorer la couverture sanitaire par l’offre de soins et corriger les iniquités régionales et
provinciales.
C. Mettre en place un système de financement à travers l’extension de l’assurance-maladie et
d’un mécanisme institutionnel pour la prise en charge des économiquement faibles.
D. Mettre en œuvre la réforme de la gestion hospitalière comme vecteur de la politique de
maîtrise des coûts, de mobilisation et de rationalisation des ressources.
E. Appliquer une politique du médicament socialement efficiente.
F. Mettre en place les directions régionales des services de santé et procéder au
redéploiement des ressources.
G. Revaloriser et remobiliser les ressources humaines.

Objectifs et Comptes Nationaux de la Santé

Au-delà des résultats standards des Comptes Nationaux de la Santé, notamment les matrices
sur la dépense nationale de santé, sa structure par activité, par source de financement, par type
de dépenses, etc. (RANNAN-ELIYA & BERMAN, 1993 ; BERMAN P., 1996), ces comptes
se doivent de s’intéresser également à quelques aspects particuliers du système national de
santé. En effet, l’énumération de quelques problèmes, des principaux objectifs et des
stratégies de la santé au Maroc permet de préciser des axes prioritaires auxquels il faut porter
une attention bien particulière :

1. le problème du financement du Ministère de la Santé auquel il faut consacrer un chapitre


particulier. Dans ce cadre, il faudrait mettre en exergue la problématique relative à :
a. la prise en charge médicale des économiquement faibles dans les hôpitaux publics
b. financement de la santé de la mère et de l’enfant
2. le poids de la couverture médicale par l’assurance maladie ainsi que ses potentialités et sa
marge de développement
3. le recouvrement des coûts par divers prestataires du système national de santé (une partie
sera traitée avec plus de détails dans le chapitre sur le Ministère de la Santé)
4. la pharmacie et son poids dans le système
5. les iniquités liées à la répartition des ressources et des dépenses (ici également, une partie
sera traitée avec plus de détails dans le chapitre sur le Ministère de la Santé)
6. l’intégration des indicateurs d’activité et de performance ainsi que des paramètres liés aux
ressources humaines (problème transversal)

L’enchaînement objectifs-stratégies-axes prioritaires des CNS permet de faire le lien entre les
problèmes qui sous-tendent les réformes, d’une part, et la configuration des CNS comme outil
d’évaluation de ces mêmes réformes mais aussi en tant qu’instrument de diagnostic pour une
meilleure appréhension du problème, d’autre part. A titre illustratif, l’analyse détaillée des
dépenses du MS, en particulier celles liées à la santé maternelle et infantile, contribue
partiellement à l’évaluation des efforts entrepris dans le cadre de la stratégie de renforcement
des programmes SMI (stratégie A) qui a pour but d’atteindre une utilisation efficiente et
efficace des ressources et leur ciblage sur cette priorité, c’est-à-dire la SMI (objectif II), afin
de réduire la mortalité infantile et maternelle.

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Figure 1 : Enchaînement objectifs prioritaires - stratégies - axes CNS

Objectifs Mobilisation des ressources Utilisation efficiente et efficace Extension de la couverture


additionnelles pour le secteur des ressources et leur ciblage sanitaire avec un rééquilibrage
sur les priorités de l’offre de soins
(III) (II) (I)

Stratégies Mettre en place Etendre Renforcer la Revaloriser et Appliquer une Mettre en place Améliorer la
la réforme l’assurance prévention remobiliser les politique des les directions couverture
hospitalière maladie et ressources médicaments régionales des sanitaire et
institutionnali- humaines socialement services de corriger les
ser la prise en efficiente santé iniquités
charge des éco. * régionales
faibles
(D) (C) (A) (G) (E) (F) (B)

Axes CNS Recouvrement Poids de la Financement du Intégration des La pharmacie et Financement du Les iniquités
des coûts par couverture MS: la santé de indicateurs son poids
son poids dans
dans MS: la
MS: la prise
prise en
en liées à la
divers médicale par la mère et de d’activité et de le système
le système charge
charge médicale répartition des
prestataires l’assurance l’enfant performance médicale
des des
éco. faibles ressources et
maladie éco. faibles
dans les des dépenses
dans lespublics
hôpitaux hôp.
(4) publics
(3) (2) (1a) (6) (4) (1b) (5)

* Pour cette stratégie, ce qui prime c’est surtout le renforcement institutionnel des équipes locales par le travail sur les CNS (voir section sur le mise en œuvre)

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La figure n° 1 ci-dessus décrit cet enchaînement constitué par les divers liens existant entre
ses composantes, c’est-à-dire les objectifs, les stratégies et les axes prioritaires des CNS.

Afin de répondre à ces préoccupations, on se propose de lister, pour chaque question, un


ensemble d’indicateurs (financiers, d’activité et de performance). Ces indicateurs se doivent
d’être pertinents et précis dans le but de satisfaire les besoins exprimés ci-dessus. Les listes
proposées ne sont ni exhaustives, ni définitives. Elles représentent, à ce stade, une sorte
d’aiguille d’orientation pour les travaux d’investigation sur les CNS.

Une partie de ces indicateurs pourrait ne pas être disponible. Il est possible aussi que les
contraintes matérielles et temporelles ne permettraient pas d’avoir toute l’information
nécessaire sur ces indicateurs. Dans le premier cas, il faut élaborer les comptes avec
l’information disponible tout en précisant qu’il est impératif lors de la préparation des
prochains CNS de mettre en œuvre un mécanisme informationnel pour que le système se prête
à fournir les données manquantes actuellement. Dans le second cas, il est nécessaire de lier le
choix des indicateurs en fonction des priorités du Ministère de la Santé.

Indicateurs

1er axe prioritaire : Problèmes de financement du MS

a. Prise en charge médicale des économiquement faibles

• Structures des recettes et de la facturation par statut de l’utilisateur des services


hospitaliers publics (payants, assurés privés, assurés de la CNOPS, indigents, autres
statuts)
Ces indicateurs ne sont disponibles que dans les hôpitaux SEGMA. Cependant, il est
nécessaire d’essayer d’avoir les mêmes informations auprès des autres types d’hôpitaux
publics.
• Avis des responsables sur le nombre de personnes déclarées indigentes à l’hôpital public
et sur leur traitement et accueil.

b. Financement de la santé de la mère et de l’enfant

• Dépenses dans les services publics destinées à la SMI (faire autant que possible la
distinction entre ce qui est financé directement par le budget et les activités financées par
la coopération internationale).
• Dépenses des ménages à ce niveau tirées des enquêtes ménages (EDS, ENNVM)
• Dépenses des ONG
Les données hors MS complètent les informations relatives aux dépenses de ce
département. Elles sont nécessaires pour quantifier ce qui est dépensé au niveau national
pour la SMI et pour évaluer la part du MS dans cette dépense.
Il serait important également de séparer la PF des autres activités liées à la SMI en raison
du retrait ultérieur et progressif de l’USAID qui demeure le principal bailleur de fonds de
cette activité.

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2ème axe prioritaire : Le poids de la couverture médicale par l’assurance-maladie

• Structures des recettes et de la facturation par statut de l’utilisateur des services


hospitaliers publics, en particulier par type d’assuré (assurés privés, assurés de la CNOPS,
autres assurés éventuellement).
• Taux de recouvrement des factures relatives aux assurés de la CNOPS dans les hôpitaux
publics (SEGMA).
• Par le truchement des enquêtes auprès des entreprises et des assurances, il faut essayer
d’avoir un maximum d’informations sur :
- les cotisations ;
- le nombre d’adhérents et d’ayants droit ;
- les prestations couvertes ;
- les taux de remboursement et les tickets modérateurs ;
- les conventions avec les prestataires de soins (avec qui ? Pour quelles prestations ?
Pourquoi ces choix ?) ;
- la valeur des prestations ;
- l’équilibre financier des institutions de prise en charge ;
- quelques problèmes spécifiques.
• Le pourcentage des assurés et leurs dépenses par le biais des enquêtes ménages
(ENNVM). A ce niveau, il est important de vérifier s’il n’y a pas de double
comptabilisation des dépenses des ménages qui sont couverts par l’assurance-maladie.
Autrement dit, il faut s’assurer que ce qui est remboursé par l’assurance-maladie ne soit
déjà compté dans les dépenses des ménages qui peuvent déclarer une charge pour laquelle
ils recevront un remboursement partiel ou total.
• Avis des entreprises sur le projet assurance maladie obligatoire.
• Capacité contributive du système et la possibilité de supporter les charges qu’imposera le
projet assurance maladie obligatoire (étude actuarielle de la CNSS).

3ème axe prioritaire : Le recouvrement des coûts

• Rapport recettes aux facturations des personnes solvables (payants et assurés)


• Rapport de la valeur totale des factures aux dépenses récurrentes (inadéquation des tarifs
et problèmes de tarification).
• Structure des recettes du secteur public par rapport aux dépenses récurrentes, de
fonctionnement (y compris le personnel) et totales.
• Taux de recouvrement du secteur privé à but non lucratif (particulièrement les
polycliniques de la CNSS).

Par ailleurs, il faut inclure dans les CNS, une matrice supplémentaire relative à la contrepartie
comptable des dépenses des prestataires

Cette matrice (voir tableau n° 2) ne sera pas exactement la transposée de la 2ème matrice du
modèle Harvard sur les flux liant les agents de financement aux prestataires. Il faut voir dans
la configuration de celle-ci un souci de mise en évidence d’éléments que l’on ne retrouve dans
aucune autre. L’apparition dans ce tableau du « Reste à Recouvrer » par exemple est très utile
dans un environnement caractérisé par un taux de recouvrement peu élevé pour de nombreux
prestataires (hôpitaux publics, CHU, polycliniques de la CNSS, …). Pour schématiser, on
peut dire que la 2ème matrice répond à la question adressée aux agents de
financement « combien transférez-vous aux prestataires ? », l’autre répond, quant à elle, à la
question destinée aux prestataires « quelle est la contrepartie comptable de vos dépenses? ».

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Cette question est capitale, pourtant elle n’apparaît pas dans le modèle NHA de Harvard.
Pourquoi est-elle importante ? Les CNS sont un outil nécessaire à la planification et à la prise
de décision. Or si ceux-ci passent sous silence d’un problème aussi important, ils ne pourront
point jouer ce rôle convenablement. A titre d’exemple : ce reste à recouvrer permet de
s’intéresser à ce que doit recevoir le prestataire. Si cette rubrique (R à R) est importante dans
la comptabilité de ce prestataire, ceci veut dire que nous touchons à un problème du
financement du système.

Si l’hôpital public ne peut recouvrer une bonne partie de ses recettes potentielles :
- il sera fortement subventionné par l’Etat ;
- il vivra des problèmes d’insuffisances en matière d’équipements, des problèmes de
maintenance, des pénuries des médicaments et d’autres biens médicaux, etc. ;
- il fera participer les ménages dans un cadre a-légal ;
- il ne permettra pas aux personnels d’exercer correctement et/ou à plein temps leur
métier.

Tableau 2 : Matrice sur les contreparties comptables des dépenses

Prestataires
Contreparties comptables des CHU Hôp. publics Cliniques Mut. Etc. Total
dépenses

Min. de la Santé
Min. de l’Enseignement Sup.
FAR
Autres Ministères
Assurances
Mutuelles
Ménages
Coopération
ONG
Produits financiers (intérêts)
Autres
Reste à recouvrer

Total

4ème axe prioritaire : La pharmacie et son poids dans le système de santé

• Part des médicaments dans la dépense totale de santé.


• Part des médicaments dans la dépense totale du MS.
• Part des médicaments dans la dépense totale des ménages.
• Coût moyen d’une ordonnance par personne.
• Poids des médicaments dans le budget santé des ménages par niveau socio-économique.
• La part du médicament générique dans le chiffre d’affaire de l’industrie locale (enquêtes
et études de l’Association Marocaine de l’Industrie Pharmaceutique).
• La part du générique dans le total des achats du MS en médicaments.
• La part du générique dans les importations totales des Organisations internationales en
médicaments.

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5ème axe prioritaire : Les iniquités liées à la répartition des ressources et des dépenses

• Répartition des dépenses en soins ambulatoires entre les régions et corrélation avec leurs
niveaux socio-économiques.
• Dépenses en soins ambulatoires publics par personne et par utilisateur dans chaque région.
• Part des utilisateurs des services des Centres Hospitaliers Universitaires provenant des
régions hors Casablanca et Rabat.
Si cette donnée est disponible, il sera possible de déterminer, en procédant aux
ajustements nécessaires, les dépenses publiques en soins hospitaliers par individu et par
région.
• Dépenses en soins préventifs publics par personne et par milieu (urbain/rural).
• Dépenses en soins hospitaliers (SEGMA et si c’est possible tous les hôpitaux publics) du
MS au profit des économiquement faibles par région (faire la corrélation avec le niveau
socio-économique de chaque région).
• Dépense de santé par ménage et par niveau socio-économique (enquête ménage).
• Part de la santé dans les dépenses totales des ménages par niveau socio-économique et par
région.
• Utilisation des services publics de soins par niveau socio-économique et par région
(enquête ménages).

6ème axe prioritaire : L’intégration des indicateurs d’activités et de performance

Quelques exemples :
• Dépenses hospitalières par lit fonctionnel.
• Dépenses hospitalières par lit occupé.
• Dépenses hospitalières par journée d’hospitalisation.
• Dépenses en consultations externes par consultation.
• Dépenses relatives aux soins ambulatoires curatifs par médecin.
• Dépenses relatives aux soins ambulatoires curatifs par consultation.
• Etc.

Au-delà du lien entre les questions prioritaires, d’une part, et l’envergure ainsi que la
configuration des CNS, d’autre part, ces indicateurs demeurent importants pour l’évaluation
ex post des réformes en cours (développement de la solidarité institutionnalisée et de la
mutualisation du risque maladie, réforme hospitalière du secteur public, etc.) grâce à une
comparaison des résultats entre les comptes en élaboration actuellement et les futurs CNS.

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Figure 2 : Lien questions prioritaires-CNS-évaluation des réformes

Questions prioritaires Axes prioritaires des Indicateurs


(problèmes, objectifs, CNS
stratégies)

Modèle Harvard Expériences des Aiguillage des travaux


des CNS autres pays d’investigation et de
collecte des données

Configuration et
Feed-back : quelques envergure des
réponses, éléments CNS, Période 1 Evaluation
de prise de Comparaison des
décisions… réformes
CNS, Période 2

Mise en œuvre : quelques exemples


Au Maroc, le processus décrit dans la figure ci-dessus n’est pas encore réalisé entièrement.
Pour l’instant, l’élaboration des CNS est à son stade d’investigation et de collecte des
données. Jusqu’à cette étape, ce même processus n’est pas resté comme un cadre théorique. Il
a constitué et il constitue encore l’élément d’orientation et d’aiguillage des travaux.

L’équipe qui a la charge des CNS a proposé aux institutions du système de santé les plus
importantes une sorte de partenariat pour l’élaboration de la partie (des CNS) qui les concerne
individuellement (voir annexe). Elle a opté aussi pour un travail commun avec une province
pilote du Ministère de la Santé afin de l’utiliser comme un « laboratoire d’essai » mais aussi
comme un modèle flexible pour les autres provinces3 . Au-delà des avantages techniques qu’il
offre, ce travail pilote, quels qu’en soient les résultats, permet de renforcer les capacités
institutionnelles des cadres locaux dans la perspective d’une déconcentration progressive et
inéluctable.

Dans les projets de partenariat et celui de la province pilote on retrouve toujours une suite
d’étapes allant du simple au compliqué. A chaque étape un ensemble de supports de collecte
d’information (tableaux) est préparé en fonction des indicateurs fixés auparavant.

L’information qui doit être contenue dans les tableaux de la première étape constitue le niveau
minimal des données à collecter (sources de financement, classification économique des
dépenses par exemple) permettant d’élaborer les matrices suivantes : sources de
financement/agents de financement ; agents de financement/prestataires ; classification
3
Afin de généraliser ces travaux, celles-ci seront invitées à participer à des séminaires régionaux animés par les
responsables de la province pilote et par les membres de l’équipe chargée des CNS.

« Questions prioritaires pour le secteur de la santé et comptes nationaux de la santé au Maroc » 11


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économique des dépenses des prestataires ; contrepartie comptable des dépenses des
prestataires (recouvrement des coûts).

Durant la deuxième étape, les tableaux évoluent afin d’admettre des éléments d’informations
permettant des analyses plus fines des dépenses (clivages ambulatoire/hospitalier,
soins/enseignement ou recherche, etc.). Ainsi, cette étape cherche essentiellement à effectuer
une classification fonctionnelle non détaillée des dépenses des prestataires.

L’ultime étape se base sur un ensemble de tableaux et de questions pointues déterminées par
les indicateurs de départ afin de compléter l’analyse fonctionnelle de la seconde étape (clivage
soins ambulatoires curatifs/ soins ambulatoires préventifs) et de répondre aux besoins des
axes prioritaires des CNS (iniquité, quantification de la dépense relative à la santé de la mère
et de l’enfant, etc.).

Le projet de travail dans la province pilote est à un stade intermédiaire entre ces deux
dernières étapes.

Le contact, les discussions avec les responsables locaux de la provinces pilote et les
représentants des institutions concernées par les CNS, la consultation des documents existant
au niveau central ainsi que l’absences des études de coûts vont rendre ce travail très difficile.
Mais jusqu’à présentant rien n’indique non plus que la tâche sera impossible.

Conclusion

Les CNS représentent un des outils les plus importants pour la planification et l’aide à la prise
de décision. Toutefois, il est nécessaire de préciser que l’appréhension et l’évaluation des
réformes de santé et du système en général ne peut s’effectuer qu’au travers d’approches
diversifiées admettant des instruments pluridisciplinaires. Les CNS produisent des indicateurs
financiers qui doivent être complétés par d’autres indicateurs (épidémiologiques, socio-
démographiques, d’activité, de performance…) afin d’avoir une vision complète du système
national de santé.

Cependant, si les investigations et la collecte de données ne sont pas déterminées


partiellement par les questions prioritaires de santé, leur configuration ainsi que les
conclusions auxquelles ils aboutiront peuvent ne pas remplir complètement le rôle qui leur ai
dévolu. L’expérience marocaine sur les CNS, qui est à sa phase préliminaire, est partie de ce
principe. Sera-t-elle une bonne méthode de travail ? La réponse ne peut être donnée qu’à
l’issue des travaux sur les CNS dont la qualité des résultats sera déterminante.

« Questions prioritaires pour le secteur de la santé et comptes nationaux de la santé au Maroc » 12


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Bibliographie

- P. BERMAN (1996), « National Health Accounts in Developing Countries :


Appropriate Methods and Recent Applications », DDM, Harvard, Boston.

- CERED (1995), Projection de la population : 1994-2014, Rabat

- DPRF / MINISTERE DE LA SANTE (1998), « Stratégie sectorielle de santé »,


Rabat

- M. LAAZIRI (1998), « Soins de santé primaire et secteur de la santé », In


« Population et développement au Maroc », CERED, Rabat, pp. 243-253

- MINISTERE DE LA SANTE (1997), « Enquête National sur la Santé de la mère


et de l’enfant », Rabat

- MINISTERE DE LA SANTE (1998), « Projet de loi relatif au système national de


santé et à l’offre de soins », Rabat

- RANNAN-ELIYA & BERMAN (1993), « National Health Accounts in


Developing Countries : Improving the Foundation, DDM, Harvard, Boston.

- M. D. ZINE EDDINE EL IDRISSI (1998a), « Le financement de la Santé »,


Rencontre annuelle du Centre Marocain des Etudes Juridiques, le 24 septembre,
Rabat.

- M. D. ZINE EDDINE EL IDRISSI (1998b), « Le problème du financement du


système national de santé », Les Cahiers du Médecin, numéro double, juillet-août,
n° 12, Casablanca, pp. 24-27.

- M. D. ZINE EDDINE EL IDRISSI (1998c), « Contraintes économiques et droit à


la santé », XVII Congrès Médical National, Société Marocaine des Sciences
Médicales, les 4 et 5 décembre 1998, Rabat.

« Questions prioritaires pour le secteur de la santé et comptes nationaux de la santé au Maroc » 13


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Annexe

Tableau 3 : Projets de partenariat avec les institutions concernées par les CNS

Projets de partenariat Institutions concernées

Santé militaire Forces Armées Royales

Dépenses publiques de santé hors Ministères :


Ministère de la Santé - Enseignement Supérieur
- Education Nationale
- Finances
- Justice
- Intérieur
- Transport
- Développement Social
- Agriculture
- Environnement

Dépenses des Collectivités Locales - Ministère de l’Intérieur


- Collectivités Locales

Prestations de soins de l’OCP - Direction du Groupe OCP


- Prestataires de soins de l’OCP

Prestations de soins de la CNSS - Direction de la CNSS


- Polycliniques de la CNSS

Assurance maladie privée - Fédération nationale des


assurances
- Ministère des Finances

Dépenses des ménages Direction de la Statistique

Dépenses des entreprises Direction de la Statistique

« Questions prioritaires pour le secteur de la santé et comptes nationaux de la santé au Maroc » 14


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QUESTIONS PRIORITAIRES POUR LE SECTEUR DE LA


SANTE ET COMPTES NATIONAUX DE LA SANTE AU
MAROC

Par :
M. Driss ZINE EDDINE EL IDRISSI
Tania DMYTRACZENKO

International Symposium on National Health Accounts


Rotterdam
June 4-5, 1999

« Questions prioritaires pour le secteur de la santé et comptes nationaux de la santé au Maroc » 15


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Liste des abréviations

CERED : Centre d’Etudes et de Recherches Démographiques


CHU : Centre Hospitalier Universitaire
CNOPS : Caisse National des Organismes de Prévoyance Sociales
CNS : Comptes Nationaux de la Santé
CNSS : Caisse Nationale de Sécurité Sociale
DPRF : Direction de la Planification et des Ressources Financières, MS
EDS : Enquêtes Démographiques et Sanitaires
ENNVM : Enquête Nationale sur le Niveau de Vie des Ménages
FAR : Forces Armées Royales
MS : Ministère de la Santé
OCP : Office Chérifien du Phosphate
ONG : Organisations Non Gouvernementales
SEGMA : Services d’Etat Gérés de Manière Autonome
SMI : Santé Maternelle et Infantile
USAID : Agence Internationale pour le Développement, Etats Unis d’Amérique

« Questions prioritaires pour le secteur de la santé et comptes nationaux de la santé au Maroc » 16

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